Avec Amine Umlil, docteur en pharmacie et juriste en droit de la santé ; Jean-François Corty, médecin vice-président de l’ONG Médecins du Monde.
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##POULIN_SANS_RESERVE-2023-11-03##
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NewsTranscription
00:00 Sud Radio, midi 13h, Alexis Poulin, sans réserve.
00:06 Bonjour à tous à l'écoute de Sud Radio, on est ensemble jusqu'à 13h, c'est Poulin sans réserve.
00:12 Aujourd'hui nous recevons le Dr Amine Humlil, pharmacien qui a été suspendu et révoqué de ses fonctions à Cholet lors de la crise sanitaire.
00:21 On va parler de pharmacovigilance avec notre invité.
00:24 On va recevoir également Jean-François Corti qui est médecin, vice-président de Médecins du Monde pour parler de la situation humanitaire à Gaza
00:32 et aussi de ce que c'est que la médecine dans les zones de guerre évidemment très compliquées.
00:37 On en parle et vous pouvez nous joindre au 0826 300 300, c'est le standard de Sud Radio.
00:43 On est ensemble jusqu'à 13h, Poulin, sans réserve. A tout de suite.
00:47 Sud Radio, midi 13h, Alexis Poulin, sans réserve.
00:54 Bonjour à tous, Sud Radio, on est ensemble jusqu'à 13h.
00:58 Notre premier invité, c'est le Dr Amine Humlil qui était pharmacien à l'hôpital de Cholet, révoqué de ses fonctions au centre hospitalier
01:07 pour soi-disant des actions de propagande anti-vaccinale durant la crise sanitaire.
01:11 Il a été entendu par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques avec un rapport qui s'appelle
01:18 "L'impossible consentement" remis dans le cadre de la commission d'enquête du Sénat.
01:23 Bonjour Dr Humlil.
01:25 Oui, bonjour M. Alexis Poulin, je vous remercie de votre invitation.
01:29 Merci d'être avec nous. Alors qu'est-ce qui s'est passé pour que "L'impossible consentement",
01:34 ce rapport qui était remis à cette commission d'évaluation des choix scientifiques et technologiques de l'Office parlementaire,
01:41 se retourne contre vous finalement, puisque la parole libre semble impossible depuis cette crise Covid ?
01:48 Écoutez, je ne comprends toujours pas les raisons de cette révocation, puisque ce rapport est basé,
01:55 c'est une compilation des informations qui ont été diffusées et publiées par les autorités elles-mêmes.
02:03 Et donc en fait, ce rapport met en évidence une chose, et notamment le décalage entre ce que les autorités sanitaires et politiques savaient,
02:14 et ce qu'elles avaient écrit et publié, et le décalage avec ce qu'elles ont répété à l'encore de journée dans les médias.
02:22 Et comment vous expliquez ce décalage justement entre la littérature officielle et puis les messages
02:29 qui ont été passés par les différents ministres de la Santé et les autorités telles que les autorités de santé régionales,
02:37 mais aussi tout ce qui sont les ordres, ordre des médecins et ordre des pharmacies en l'occurrence ?
02:44 Écoutez, dans le rapport qui a été publié le 9 juin 2022 par la commission, l'Office dont vous venez de parler,
02:52 c'est-à-dire l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques,
02:57 qui avait été présidé par le mathématicien et député M. Cédric Villani.
03:03 Eh bien, vous voyez, il y a un moment, à la fin du rapport, ils expliquent que le gouvernement s'est trouvé face à deux choix,
03:13 à deux objectifs qu'il était mal aisé d'articuler.
03:17 D'un côté, informer correctement et complètement la population, et de l'autre côté, vacciner.
03:24 Ce qui est invraisemblable, c'est-à-dire qu'ils considèrent que le fait d'informer de façon loyale et claire la population est un frein à la vaccination.
03:34 C'est ce que vous appelez, vous, l'impossible consentement, c'est-à-dire qu'en réalité,
03:38 les gens ont été vaccinés sans connaître réellement ce qu'était cette vaccination, ce produit.
03:45 Les documents officiels, que ce soit de la haute autorité de santé ou celle des autres,
03:50 ou toutes les données qui sont publiées par les autres autorités,
03:54 elles étaient claires dès décembre 2020, c'est-à-dire que l'essai clinique qui avait conduit à l'octroi de l'autorisation de mise sur le marché conditionnel
04:02 n'a apporté la preuve d'une efficacité ni sur les formes graves, ni sur la transmission virale,
04:07 et qu'on avait peu de données sur les effets indésirables.
04:10 Et je vous laisse le soin de comparer avec ce qui a été diffusé dans une campagne de promotionnels publicitaires
04:19 - Oui, et par les responsables politiques, mais aussi les responsables sanitaires et scientifiques, parce que c'est ça qui est grave.
04:27 - Les autres professionnels aussi, comme vous le dites.
04:29 - Voilà, parce que vous, vous avez tenté de faire suspendre cette décision de révocation,
04:34 d'abord le 7 avril devant un tribunal administratif,
04:37 mais les juges ont rejeté votre demande au nom de l'intérêt général qui s'attache au bon fonctionnement du service public hospitalier.
04:44 - Oui, c'était un référé, on voulait suspendre ma révocation en urgence,
04:52 donc le juge des référés a constaté l'urgence, étant donné que je n'ai plus de revenus,
04:59 mais il a sorti cet argument d'intérêt général au motif que,
05:05 comme mes analyses ont obtenu une grande adhésion auprès de la population,
05:12 si je retrouve mon travail, ça risque de troubler leur public en quelque sorte.
05:17 C'est-à-dire qu'on marche sur la tête, et le Conseil d'état a refusé mon pourvoi dès l'admission.
05:26 - Ils n'ont même pas regardé ce qu'il y avait dedans, puisque le Centre national de gestion,
05:31 vous disiez que vos actions de propagande anti-vaccinale brouillaient l'information du public.
05:36 - En fait, ils ont écrit que toutes mes compétences sont unanimement reconnues,
05:41 qu'elles ne sont pas remises en cause, que ce que j'ai dit n'est pas faux,
05:45 mais qu'il ne fallait pas que je le dise au public, alors que j'étais en position d'informer le public.
05:50 C'était mes fonctions, c'était mon rôle.
05:52 - Alors, vos fonctions à l'hôpital de Cholet, c'était quoi en l'occurrence ?
05:56 - J'étais responsable d'une unité de pharmacovigilance,
06:00 j'étais responsable de la pharmacovigilance depuis 2002, depuis plus de 20 ans,
06:05 c'est moi qui ai mis cette activité à l'hôpital de Cholet, j'étais recruté pour ça.
06:10 Ensuite, en 2007, j'ai mis en place la coordination de neuf vigilances sanitaires,
06:15 neuf, pas que la pharmacovigilance,
06:18 donc la coordination entre neuf vigilances sanitaires, à la demande de la haute autorité de santé.
06:24 Et puis après, en 2010, j'ai créé le Centre territorial d'information indépendante sur le médicament,
06:31 qui avait recuit la satisfaction de toutes les autorités depuis 2015, notamment,
06:37 quand on a commencé à publier et à faire des conférences à l'intérieur de l'hôpital,
06:41 qui sont destinées à monsieur et madame Poulmonde, c'est-à-dire au public,
06:45 pour leur permettre d'avoir une information accessible, compréhensible.
06:50 Eh bien, ce centre, du jour au lendemain, je ne pouvais plus faire mon travail,
06:57 et l'OPEX, de toute façon, tout ce que j'ai publié, il a été validé dans le rapport de l'OPEX.
07:04 - Oui, l'OPEX, c'est l'Office parlementaire d'évaluation à des choix scientifiques,
07:07 qui était présidé par Villani, qui était là pour dire qu'il y avait eu des dysfonctionnements
07:11 et une mauvaise information du public. En réalité, ce que vous disiez,
07:14 qu'est-ce que c'est la pharmacovigilance ? La définition de la pharmacovigilance ?
07:19 - Eh bien, la pharmacovigilance, c'est la phase 4 d'évaluation d'un médicament,
07:24 du rapport bénéfice-risque d'un médicament, qui permet de suivre le médicament toute sa vie.
07:31 Et c'est en fait l'identification, l'analyse des effets indésirables
07:41 que l'on observe dans la pratique quotidienne. Et le but de cette pharmacovigilance,
07:46 c'est notamment de mettre en place des mesures préventives et correctives.
07:51 Par exemple, il arrive qu'un médicament qui vient d'être commercialisé,
07:56 au bout de quelques mois, voire quelques années, on identifie un nouvel effet indésirable,
08:01 une nouvelle contre-indication, et la pharmacovigilance permet justement
08:05 de rajouter des informations dans la notice, par exemple un nouvel effet indésirable,
08:10 par exemple une nouvelle contre-indication, et dans les cas extrêmes,
08:14 elle peut conduire au retrait du marché du médicament.
08:18 Et nous avons plusieurs exemples. Il faut savoir que la première gestion,
08:24 le but de la pharmacovigilance dans la population,
08:29 elle est vue comme le signalement des effets indésirables.
08:32 Mais le premier but de la pharmacovigilance, c'est de prévenir les effets indésirables.
08:37 C'est d'éviter qu'il y en ait. Et vous, justement, vous alertez avant
08:42 les campagnes massives de vaccination, sachant que ce ne serait pas forcément ça
08:46 qui empêcherait la propagation, et on vous empêche de faire votre travail.
08:50 Qui vous a empêché ? À quel moment vous avez été débranché
08:54 pour ne pas faire votre métier de pharmacovigilance ?
08:58 En fait, au départ, c'était très tendu, quand j'ai voulu faire une conférence
09:03 sur les vaccins, mais j'ai pu la faire quand même, avec le soutien de la direction
09:09 de l'hôpital, mais j'ai senti que le climat était tendu quand même.
09:13 Et en fait, j'ai pu faire mon travail jusqu'à l'article du 2 avril 2021,
09:19 que j'ai publié avec une consoeur pharmacienne, et cet article a révélé
09:24 les incertitudes sur la composition du vaccin lui-même,
09:28 sur le procédé de fabrication et la reproductibilité des lots,
09:33 et on a fait, avec cette consoeur, que de mettre à la disposition du public
09:38 ce qui était publié dans l'autorisation du ministre dans le marché.
09:42 C'est-à-dire ce qui a été validé par le laboratoire lui-même.
09:45 Mais pourquoi cette censure alors ? Qu'est-ce qui s'est passé pour que
09:48 la parole soit à ce point censurée ?
09:50 Ce qui s'est passé, c'est que dans la foulée, des journalistes,
09:55 ils ont attaqué l'hôpital, et notamment les fact-checkers de l'AFP,
10:00 et il n'y a pas que l'AFP, et puis des attaques anonymes sur Twitter.
10:08 Et ensuite, la direction de l'hôpital a retourné sa veste,
10:13 et a commencé à dire "non, non, non, c'est un blog personnel du Dr. Hubil,
10:17 alors c'est un blog de l'hôpital du coup".
10:20 Et on ne peut pas mettre en cause vos compétences du fait de ces 20 années
10:23 de pratique de pharmacovigilance, reconnues de tous, vous étiez...
10:27 Ils ne remettent pas en cause les compétences.
10:29 Alors qu'est-ce qu'ils remettent en cause en fait ?
10:31 Pourquoi vous en êtes là aujourd'hui ?
10:33 Il fallait que je me taise, point barre.
10:35 Il fallait que je relaie le message officiel, c'est-à-dire que je m'écrase,
10:40 que j'oublie l'indépendance professionnelle du pharmacien,
10:44 qui est garantie par la loi,
10:46 que j'oublie ce que l'ordre des pharmaciens nous écrivait depuis des années,
10:51 c'est-à-dire, je vous cite l'ordre des pharmaciens,
10:54 et notamment sa présidente à l'époque,
10:57 c'est lorsque un pharmacien est face à des choix publics ou privés
11:02 qui vont à l'encontre de l'intérêt des patients et des personnes,
11:06 le pharmacien a l'obligation de se positionner avec responsabilité
11:10 et donc de bloquer.
11:12 Mais pourquoi vous avez été le seul ou un des rares à porter cette parole
11:16 et que l'ensemble des pharmaciens finalement ont joué le jeu,
11:20 se sont tués et ont obéi aux consignes
11:23 et ont gobé la propagande officielle, qui n'était pas scientifique là,
11:27 c'était vraiment une propagande sanitaire
11:29 qui n'avait rien à voir avec ce qui était écrit par les fabricants ?
11:33 - Je ne sais pas,
11:35 en tout cas je vous expliquais que je tiens position d'informer le public,
11:38 on vient notamment du centre d'information,
11:40 ça c'est mon rôle,
11:42 et puis vous trouverez un communiqué de presse aussi
11:45 qui a été diffusé par l'ordre des pharmaciens,
11:48 qui menace de poursuite tout pharmacien qui s'exprimerait publiquement.
11:52 - Mais alors là, on a affaire à une sorte de justice privée
11:56 avec le conseil de l'ordre des pharmaciens,
11:59 qui est devenue en fait une justice de censure,
12:02 il vous empêche de faire votre métier,
12:04 enfin c'est grave quand même, on a la même chose avec l'ordre des médecins,
12:07 comment on en arrive là, ces dérives là quand même ?
12:10 - C'est extrêmement grave,
12:13 c'est à dire qu'au lieu de défendre le rôle de l'ordre,
12:18 que ce soit l'ordre des pharmaciens ou l'ordre des médecins,
12:21 le rôle est de défendre l'indépendance professionnelle.
12:25 Et c'est marqué dans la partie législative du code santé publique,
12:30 c'est leur mission qui fonde leur existence.
12:33 C'est aussi déduit des pharmaciens,
12:38 pourquoi cette indépendance professionnelle ?
12:40 L'ordre nous explique que cette indépendance professionnelle
12:43 n'est pas là pour le confort du praticien,
12:46 mais pour la protection du public et pour garder sa confiance.
12:51 Et là, on insiste à des directives de l'ordre
12:57 qui n'ont rien à voir avec sa mission réglementaire
13:02 et avec ce que lui-même diffusait auprès des pharmaciens auparavant.
13:06 Et de façon globale, c'est ce qu'on a insisté,
13:11 c'est à dire qu'il y avait un ordre qui était donné là-haut,
13:14 et il fallait que tout le monde…
13:16 Il y a eu une sorte de « putsch » administratif
13:21 qui a pris la place des médecins et des pharmaciens,
13:26 qui avaient l'obligation de dire « non, on n'a pas assez de données,
13:31 à minima, on doit porter à la connaissance de toute personne
13:35 que nous ne savons pas grand-chose
13:37 et que c'est à la personne de prendre de façon libre et éclairée
13:41 sa décision de se vacciner ou de ne pas se vacciner. »
13:44 Je rappelle que moi, je n'ai jamais révélé mon statut vaccinal
13:48 pour ne pas influencer quiconque.
13:51 Et tout ce que j'ai publié, c'est indépendamment de ma position personnelle,
13:56 ce que je pourrais faire de mon corps.
14:00 Ça me regarde comme moi.
14:01 En 20 années de pharmacovigilance, vous n'avez jamais été taxé d'être un antivax
14:04 ou ce que ce soit, ça n'a rien à voir avec ça.
14:07 Est-ce que vous diriez qu'on a vécu un moment totalitaire
14:11 où finalement les gens, et notamment les experts,
14:16 les scientifiques, les pharmaciens, ont préféré obéir pour ne pas avoir d'ennuis
14:20 plutôt que d'avoir le courage de dire ce qu'ils pensaient ?
14:23 Je pense qu'effectivement,
14:26 je pense que durant cette période-là,
14:31 je pense que nous avons basculé d'une démocratie vers la tyrannie, oui.
14:36 Vers une véritable tyrannie qui est basée sur la contrainte, sur les menaces,
14:44 les menaces qui vont jusqu'au bout, jusqu'à poursuivre des médecins qui ont alerté,
14:49 jusqu'à révoquer des pharmaciens comme moi.
14:52 Je vous rappelle que je suis le seul praticien en France
14:54 qui a été réévoqué par une autorité administrative
14:57 et poursuivi ensuite par l'ordre des pharmaciens.
15:01 Et pourquoi cet acharnement ?
15:05 C'est à eux de répondre à la question, moi je ne comprends pas.
15:07 Aujourd'hui, quelle est votre situation ?
15:10 Quels sont vos recours ?
15:11 Vous êtes sans emploi, donc vous ne pouvez pas pratiquer.
15:15 Quels sont vos recours ?
15:17 La réévocation n'est pas définitive.
15:19 Je veux que le tribunal administratif de Nantes puisse se prononcer sur le fond.
15:23 Et puis, on a eu une audience à l'ordre des pharmaciens.
15:28 Juste pour vous donner une idée, on est arrivé à l'ordre des pharmaciens.
15:31 L'audience était publique, donc je peux vous raconter.
15:34 C'était le 19 octobre ? C'est ça la dernière audience ?
15:37 Le rapporteur a eu lieu le 19 octobre à Paris.
15:41 Et donc le rapporteur est arrivé, il a lu une page de son rapport.
15:46 Son rapport fait quasiment huit pages.
15:49 Il a listé ce que l'ordre me reproche
15:54 et il n'a soulevé aucun des moyens qu'on a versés dans mes écritures.
16:00 Et donc, mon avocat n'a pas manqué, maître Thomas Bénagès,
16:03 de leur rappeler, regardez, une violation flagrante des droits de la défense.
16:08 Et quoi qu'il en soit, ils sont arrivés
16:11 et comme si on n'avait pas déposé une question prioritaire de constitutionnalité.
16:15 Donc l'audience qui a eu lieu la dernière fois,
16:19 c'était exclusivement réservé à la question prioritaire de constitutionnalité, justement,
16:25 où je démontre que toute cette procédure disciplinaire est inconstitutionnelle.
16:32 Voilà, qu'elle mord.
16:33 Ça tente à plusieurs droits et libertés fondamentaux
16:35 qui sont protégés par le bloc de constitutionnalité.
16:38 Et puis là, vous avez vu ce qui s'est passé,
16:40 il n'y a pas que les vaccins contre le Covid, ça continue.
16:42 Ça continue.
16:43 On a une communication, par métier de...
16:46 Enfin, on est rendu dans une communication qui est déloyale,
16:51 qui est en violation, en contradiction avec ce qu'exige la loi
16:57 en matière de caractère d'information.
17:00 Nous avons, par exemple, sur le Gardasil ou sur le Bay Fortus...
17:05 On en reparlera, bien sûr, et sur la vaccination HPV également.
17:09 Je voulais vous interroger à ce sujet.
17:10 Malheureusement, on n'a plus le temps, mais vous serez à nouveau notre invité, Dr Humilile.
17:16 Merci beaucoup pour tout ce que vous avez fait, pour votre action.
17:20 Et on va suivre, bien sûr, la suite de vos déboires
17:24 avec l'ordre des médecins et cet ordre, finalement, de la censure.
17:29 Merci beaucoup, merci à vous.
17:31 Et c'est l'heure de l'édito.
17:36 Alors, moi, je voulais parler d'Éric Dupond-Moretti,
17:38 notre ministre de la Justice, qui va rester à son poste pendant son procès.
17:42 Et oui, le ministre de la Justice va être jugé pour prise illégale d'intérêt
17:46 du 6 au 17 novembre, mais il ne quittera pas ses fonctions.
17:49 Au ministère de la Justice, sans doute pour être au plus proche du terrain.
17:53 Il est soupçonné d'avoir usé de ses fonctions de ministre
17:55 pour régler des comptes personnels avec des magistrats,
17:58 avec lesquels il avait eu des différends lorsqu'il était avocat.
18:01 Et notamment, il est question de juge du parquet national financier.
18:05 Alors, quel pays au monde peut s'enorgueillir d'avoir un ministre de la Justice
18:08 mis en examen et en procès, mais en fonction ?
18:12 Eh bien, la France, et pas n'importe laquelle.
18:14 C'est la France d'Emmanuel Macron.
18:16 Et on l'a un peu oublié, mais il avait une vision
18:19 lorsqu'il était candidat à la présidentielle.
18:22 Emmanuel Macron, c'était pour assurer la probité et la vertu
18:25 dans la vie politique française, secouée par de nombreuses affaires.
18:28 On l'écoute à l'époque.
18:29 - Dans le principe, un ministre doit quitter le gouvernement
18:32 lorsqu'il est mis en examen.
18:33 - Bon, alors ça, c'est bien la voix d'Emmanuel Macron.
18:35 Il a bien dit ça en 2017.
18:37 Et à part François Bayrou, qui en a fait les frais,
18:40 alors qu'il fut un très éphémère ministre de la Justice,
18:43 mais au 21 juin 2017, personne n'a eu à démissionner
18:47 parce que mis en examen seulement Marielle de Sarnez,
18:50 elle aussi au Modem, qui était ministre pendant un mois,
18:53 à la même période, aux Affaires européennes.
18:55 Alors, je ne sais pas comment il le vit, François Bayrou, actuellement,
18:58 ni quels sont ses rapports avec Éric Dupond-Moretti.
19:01 Il a eu quand même des lots de consolation après ce ministère éphémère,
19:05 le Conseil national de la refondation, le Haut-commissariat Haut-Plan,
19:08 mais c'est un peu quand même quand tu récupères un autocuiseur
19:11 à la place du SUV, quand tu finis deuxième à un jeu-concours à la télé, par exemple.
19:15 Enfin bon, la République exemplaire, c'est la Cour de justice de la République aussi,
19:19 l'assurance d'une justice impartiale, mais aussi spéciale,
19:22 pour les ministres en fonction.
19:24 Et d'ailleurs, pour ne pas perturber la marche impassible et implacable de l'État,
19:28 Éric Dupond-Moretti pourra s'excuser au Conseil des ministres,
19:32 ou être remplacé sur les bancs de l'Assemblée,
19:34 et même déléguer des signatures à son directeur de cabinet.
19:37 C'est quand même bien fait, la République, c'est vachement bien fait.
19:40 Le garde des Sceaux va être jugé par trois magistrats professionnels,
19:43 issus de la Cour de cassation, qui est la plus haute juridiction en France,
19:47 et douze juges parlementaires, six sénateurs et six députés,
19:51 dont la députée de la France insoumise, Danielle Obono.
19:54 Ambiance !
19:55 Est-ce que ce sera un procès politique ou un règlement de compte corporatiste ?
20:00 À ce qu'on connaît du dossier, on peut craindre quand même un procès
20:04 règlement de compte à hoquet corral entre Dupond-Moretti
20:06 et les juges du parquet national financier.
20:08 Il sera capable de les attaquer sur leurs pratiques,
20:11 on se rappelle des fadettes et plein d'autres choses,
20:13 tout en défendant d'ailleurs son bilan de lutte contre le corporatisme
20:16 à la tête du ministère de la Justice.
20:18 Un procès boomerang qui en dit long sur les arganes du pouvoir
20:21 et le fonctionnement de l'État, entre justice parallèle et d'exception,
20:25 fait du prince ces compétitions entre magistrats et aux fonctionnaires,
20:30 entre Saint-Germain et l'Élysée, et jusqu'à preuve du contraire,
20:33 attention, attention, Eric Dupond-Moretti n'est rendu coupable de rien.
20:37 Et ça, c'est Olivier Véran qui le dit si bien,
20:40 le porte-parole du gouvernement qui n'est pas à une contre-vérité près.
20:44 Alexis Poulin, sans réserve, l'invité.
20:48 Et on continue Alexis Poulin sans réserve jusqu'à 13h avec notre invité Jean-François Corti.
20:52 Bonjour, vous êtes médecin et chercheur à l'Institut des Relations Internationales et Stratégiques
20:57 et surtout vice-président de l'ONG Médecins du Monde.
21:01 Je voulais vous inviter pour parler bien sûr de la situation humanitaire à Gaza,
21:06 mais aussi pour avoir votre ressenti par rapport à ce que dit Obissiel El-Khrief
21:11 qui a critiqué les ONG qui n'ont pas, soi-disant, selon elle, été assez véhémentes sur le sort des otages
21:18 ou bien les crimes dus à masse.
21:21 Qu'est-ce que vous pensez de cette accusation gratuite de Mme El-Khrief
21:25 face aux ONG qui essayent de faire un travail sur le terrain ?
21:28 Je pense qu'elle relève d'une forme de désinformation dramatique.
21:32 Elle est du même niveau que les attaques que les ONG ont à gérer
21:36 lorsqu'on les accuse d'être des complices de passeurs lorsqu'il faut sauver des vies en mer Méditerranée.
21:41 Et je pense qu'il faut rappeler quelques principes.
21:43 Les ONG, comme Médecins du Monde, Médecins Sans Frontières,
21:46 elles ont un principe d'impartialité, c'est-à-dire que dans les conflits,
21:49 elles interviennent des deux côtés.
21:51 Elles interviennent lorsqu'elles sont une plus-value pour des systèmes de santé
21:55 qui sont en rupture dans le cadre d'un conflit
21:58 et si elles peuvent apporter justement une capacité médicale
22:01 adaptée à des besoins qui sont explosifs.
22:04 Si bien qu'au lendemain, notamment des attentats horribles du 7 octobre au Diyamas en Israël,
22:10 il y a eu 1 400 morts dont une majorité de civils,
22:12 mais ça demande à dénoncer, comme la plupart des ONG, ce drame.
22:16 Et on a vu l'État israélien, qui est un État fort,
22:20 pouvoir apporter des réponses médicales, sanitaires à cette problématique.
22:24 Et donc nous ne sommes pas une plus-value et nous n'avons pas été interpellés
22:27 pour pouvoir venir donner un service et rendre un service.
22:30 Si on est interpellé, probablement qu'on interviendra pour aider si besoin,
22:33 mais il n'y a pas une rupture, je dirais, dans la capacité de répondre.
22:36 Côté Gaza, oui, la situation est différente puisque les besoins sont explosifs.
22:40 Donc on est sur ce fonctionnement d'impartialité.
22:44 Et puis votre consœur, elle mélange tout.
22:47 Elle dit que les ONG comme MSF ou MDM ne sont pas assez partie prenantes
22:52 dans la gestion de tout ce qui relève des otages.
22:55 Nous avons une angoisse pour les otages,
23:01 et nous espérons qu'ils seront libérés et qu'ils resteront en vie,
23:04 comme la plupart des civils à Gaza, qui sont innocents.
23:07 Mais ce qu'elle oublie de mentionner, c'est que ce n'est pas dans le mandat
23:10 d'une association comme MSF ou MDM de gérer ce genre de choses.
23:13 C'est le mandat notamment de la Croix-Rouge et du CR,
23:16 qui sont, dans le cadre des conventions de Genève, en accord avec les États,
23:20 qui ont ce mandat de pouvoir discuter avec les parties prenant un conflit
23:24 et de gérer ce genre de situation, voire d'avoir accès à des prisonniers ou des otages.
23:28 Donc nous, il ne faut pas nous taxer d'être dans une incapacité de gérer ça,
23:33 puisque ce n'est pas notre mandat et on n'a pas la capacité logistique et politique.
23:39 Ensuite, elle mélange tout en parlant notamment des Nations Unies,
23:43 qui ne sont pas des ONG, qui sont l'UNICEF, l'OMS, ce sont des agences des UN,
23:48 donc qui n'ont pas le même mandat que les ONG.
23:51 Donc on voit, je ne sais pas pourquoi, cette tentative de désinformation,
23:56 parce que c'est une personne intelligente, elle a la capacité de se documenter,
24:01 mais c'est à l'image d'une dérive globale, où on attaque n'importe qui,
24:07 y compris les ONG, qui ont pour vocation de tenter d'humaniser la guerre,
24:11 dans le cadre du droit militaire international.
24:13 Donc c'est difficile, mais nous continuons à faire notre travail,
24:17 et dans des conditions qui sont extrêmement difficiles et de manière impartiale.
24:20 - Justement, les conditions à Gaza, on a eu des témoignages de ces ONG,
24:27 de scènes terribles, d'amputation d'enfants sans anesthésie,
24:31 de choses incroyables, parce qu'il n'y a pas d'électricité,
24:35 l'aide humanitaire arrive mais au compte-goutte.
24:38 Est-ce que vous avez des liens avec les personnes de Médecins du Monde et d'autres ONG,
24:43 et quels sont les témoignages aujourd'hui de la réalité du terrain à Gaza ?
24:48 - On a une vingtaine de personnes des Gazaouis qui sont des salariés de Médecins du Monde,
24:53 qui travaillent avec nous depuis de nombreuses années, qui sont formés à l'urgence,
24:56 mais qui aujourd'hui sont dépassés, comme la plupart des aidants et des humanitaires.
25:00 La plupart ont perdu beaucoup de membres de leur famille, leur logement,
25:04 cherchent à bouffer et à boire, et ne peuvent pas se soigner.
25:08 Certains sont allés dans le sud lorsque cela a été possible et demandé,
25:11 de la bande de Gaza, mais les bombardements y sont intenses,
25:14 l'aide n'est pas proportionnée et on y reviendra.
25:16 Certains nous ont dit que tant qu'à mourir, autant essayer d'aller mourir chez nous,
25:20 parce qu'on n'a pas d'autre option, notamment dans le nord.
25:24 Nos soignants qui travaillent dans un hôpital dans le nord de la bande de Gaza,
25:27 c'est une trentaine d'hôpitaux aujourd'hui, dont la plupart ne sont plus fonctionnels,
25:30 et je vais y revenir. Ils nous disent que les hôpitaux regroupent à la fois des malades,
25:36 il ne faut pas oublier tous les malades, maladies classiques, appendicites, diabète et compagnie,
25:40 qui aujourd'hui ne peuvent plus être soignés, des blessés, des morts qu'il faut gérer dans des fausses communes,
25:45 beaucoup de familles qui les accompagnent, et beaucoup de civils qui ont perdu leur logement
25:49 et qui espèrent trouver une forme de sanctuaire dans ces hôpitaux,
25:53 qui malheureusement la plupart ont été bombardés et à qui on demande d'évacuer.
25:57 Donc ils font de la médecine de guerre, mais de bas étage nos soignants,
25:59 parce qu'ils opèrent à même le sol, ils n'ont plus d'électricité, il n'y a plus de fuel pour les groupes électrogènes,
26:04 on a dans n'importe quel hôpital, y compris en France, des groupes électrogènes,
26:08 au cas où le système électrique général ne fonctionne plus,
26:10 et il ne fonctionne plus à Gaza depuis pratiquement trois semaines.
26:13 Ils opèrent à même le sol, ils n'ont plus d'antalgique, ils n'ont plus d'antibiotiques,
26:17 ils font des amputations sans anesthésie complète,
26:21 et donc ils sont dans une forme de médecine de guerre de bas étage,
26:24 et donc je peux vous le dire, à Gaza aujourd'hui, on meurt en masse sous les bombes,
26:29 on meurt aussi de manière conséquente de maladies classiques dont on connaît les traitements,
26:35 mais qu'on ne peut plus soigner, parce qu'on n'arrive plus à alimenter les hôpitaux en médicaments,
26:41 et on meurt dans la douleur sans antalgique,
26:43 et on va aller avec ce blocus total qui bloque l'entrée médicaments, d'eau, de nourriture et de fuel,
26:49 plus ce blocus s'étend dans le temps, plus il est efficace,
26:52 et donc des mortalités exponentielles pour les plus précaires et les plus fragiles
26:56 que sont en général dans les zones de conflit, les femmes, les femmes enceintes,
26:59 les malades, les vieillards et les enfants en bas âge.
27:01 Pourquoi je dis ça ? Parce que ce blocus, ce siège, il n'a pas pu être anticipé par la population.
27:07 Il y a plein de conflits qu'on connaît, et des sièges comme à Alep en Syrie,
27:11 ou à Mariupol il y a deux ans en Ukraine, on sait que le siège va arriver,
27:16 les familles ont le temps de partir dans le reste du pays,
27:19 des millions de personnes sont arrivées en Europe et ont été bien accueillies.
27:22 Là, le blocus était déjà présent avant le blocus total, c'est une prison à ciel ouvert Gaza,
27:28 on le sait depuis longtemps, et donc c'est des familles entières qui sont bloquées,
27:32 des gamins qui, il y a un mois, ont encore allé à l'école, qui se font bombarder,
27:35 qui meurent en masse, et ces gamins-là, si vous leur faites boire,
27:38 et c'est le cas aujourd'hui, de l'eau saumâtre, de l'eau mal filtrée, de l'eau de mer,
27:41 parce que c'est de ça dont on parle, et bien c'est des épidémies gastro-entérites,
27:45 c'est des décompensations rénales, et tous les malades aujourd'hui,
27:48 y compris ceux qui sont diabétiques, ceux qui ont besoin de traitement pour la thyroïde et autres,
27:52 avec ce blocus total, ils vont mourir dans les jours qui viennent.
27:55 Donc on va être sur une phase exponentielle, si l'aide ne peut pas rentrer de manière massive,
28:00 elle est sous-propensionnée aujourd'hui, et s'il n'y a pas d'essais, c'est le feu pour qu'elle soit distribuée,
28:04 et qu'il y ait un répit pour les aidants qui meurent sous les bombes.
28:07 Je vous rappelle, il y a 60 membres des Nations Unies qui n'ont rien à voir avec des mouvements terroristes
28:11 qui sont morts sous les bombes, des dizaines de membres des croissants rouges
28:14 qui sont morts sous les bombes, donc on est dans une situation de conflit contemporain exceptionnelle,
28:19 où les aidants et les civils payent un lourd tribut.
28:21 - Les journalistes également, qui ont un titulaire de chaîne d'information.
28:25 Est-ce que c'est inédit dans votre carrière de médecine humanitaire de voir un tel carnage ?
28:33 - Ça a été violent sur les bombardements de Grozny par exemple par l'armée russe
28:39 qui ont éradiqué une ville en quelques mois, ça a été violent à Alep et en Syrie
28:43 où ils ont déplacé une personne qui est dans une situation difficile.
28:48 Ce qui est exceptionnel, c'est qu'on est sur une population de 2 millions de personnes
28:52 qui n'a pas d'échappatoire en fait. C'est ça qui est exceptionnel.
28:56 Et que ces personnes ne peuvent pas s'échapper.
29:01 Y compris des dizaines et des centaines de binationaux d'expatriés
29:05 qui commencent aujourd'hui à pouvoir évacuer.
29:08 Mais il y a cette situation exceptionnelle d'une mortalité intense.
29:13 On est déjà à plus de morts de civils en 15 jours de combat
29:17 qu'en 2 à 3 ans de guerre en Ukraine si vous voulez.
29:20 Donc il y a cette question de proportionnalité, d'intensité, de manque d'échappatoire
29:25 et d'incapacité, au fond d'impuissance pour l'aide humanitaire
29:29 et pour les aidants à faire leur job.
29:32 Donc cette situation est exceptionnelle, je le dis.
29:35 On est dans une forme aussi d'instrumentalisation de l'aide humanitaire.
29:38 Pourquoi ? Plusieurs niveaux, trois niveaux de réponse.
29:40 D'abord parce que cette aide est massivement prépositionnée côté égyptien.
29:44 Il y a des camions, des centaines de camions qui sont prêts à rentrer avec de l'eau, de la nourriture,
29:47 du fioul qui ne peut pas rentrer aujourd'hui, des médicaments.
29:50 Mais comme les bombardements continuent, sont intenses, cette aide ne peut pas rentrer.
29:53 Il y a un effet psychologique de savoir, quand vous êtes en manque d'eau et de nourriture,
29:57 que cette aide est juste à côté.
29:59 - Que ça survit, bien sûr.
30:01 - Et qu'elle peut arriver.
30:02 - On va y revenir de toute façon.
30:04 On marque une pause, mais on continue. Merci de votre témoignage.
30:08 On se retrouve dans un instant avec Jean-François Corti,
30:10 vice-président de l'ONG Médecins du Monde.
30:12 A tout de suite.
30:15 On se retrouve avec notre invité Jean-François Corti, médecin et vice-président de Médecins du Monde.
30:20 On parlait de la situation bien sûr terrible à Gaza et de l'entrée difficile de l'aide humanitaire.
30:25 Où on en est alors aujourd'hui sur cette aide et les moyens d'action ?
30:30 - L'aide est sous-calibrée par rapport aux besoins de 2 millions de personnes
30:33 qui aujourd'hui cherchent à manger, à boire,
30:35 et où la plupart des hôpitaux sont en rupture de fioul et de médicaments.
30:39 Ils sont en total collapse, comme je vous l'expliquais tout à l'heure.
30:42 Les camions sont là, le matériel est prêt à rentrer,
30:45 mais l'aide n'arrive pas de manière proportionnée.
30:47 Depuis 10 jours, c'est environ 300 camions qui sont rentrés.
30:51 Il en faudrait 100 par jour.
30:52 Avant le blocus total, c'était 400 à 500 qui rentraient par jour.
30:55 Donc vous voyez bien le problème.
30:57 Je disais tout à l'heure que l'aide humanitaire est instrumentalisée.
31:00 Pourquoi ? A plusieurs niveaux.
31:01 On a demandé à des centaines de milliers de personnes
31:04 de bouger du nord vers le sud de la bande de Gaza,
31:08 y compris des malades et des blessés.
31:10 Mais quand vous êtes sous blocus,
31:12 lorsqu'il y a des bombardements actifs,
31:14 lorsque la plupart des malades ne sont pas transportables,
31:17 c'est utiliser une rhétorique humanitaire
31:20 à des fins de déplacement massif de population.
31:22 Et cela, c'est en rupture avec le droit humanitaire international.
31:24 Et de la même manière que quand M. Biden,
31:27 ou l'Europe, ou la France, on y reviendra,
31:30 dit qu'il faut de l'aide humanitaire ou de l'aide inter-étatique,
31:35 ils en envoient d'ailleurs au niveau côté égyptien.
31:38 Il faut que ça rentre au fur et à mesure,
31:40 mais on voit bien que ça est au compte-goutte.
31:41 Et en même temps, ils ne dénoncent pas,
31:43 ils ne mettent pas des mots sur les raisons de cette catastrophe humanitaire
31:46 que sont les bombardements et le blocus total.
31:50 Et bien, ils utilisent déjà l'humanitaire comme un paravant moral
31:53 pour masquer leur non-volonté
31:56 de se positionner clairement sur la nature du drame.
31:59 Et donc, ça, c'est quelque chose qu'il faut dénoncer.
32:02 - Oui.
32:03 Alors, on a un auditeur avec nous en ligne,
32:06 Julien, qui nous appelle de Marseille. Bonjour.
32:09 - Bonjour Sud Radio.
32:10 - Bonjour.
32:11 - Déjà, en préambule,
32:13 cette guerre en masse israélienne
32:17 a fait autant de morts en 25 jours pratiquement
32:19 que la guerre Russie-Ukraine dans les deux camps, en civil.
32:22 C'est-à-dire qu'on est à peu près au même quantum
32:25 de morts et de blessés en 1625 jours comme en 26 jours.
32:29 Et ma question, ça serait,
32:31 est-ce que le plus grand crime de guerre,
32:33 ce serait pas de ne pas faire rentrer l'aide humanitaire
32:36 et de laisser mourir ces gens de suite de leurs blessures
32:39 ou de faillite, plus que même les bombardements
32:42 qui se disent des dégâts collatéraux,
32:45 quelque chose qui n'existe pas, en fait.
32:47 C'est soit des crimes de guerre, soit ça n'en est pas.
32:49 - Merci beaucoup. Alors, oui, c'est la question de la trêve, en fait, humanitaire
32:53 qui est appelée timidement par les différents responsables.
32:57 La France, par exemple, ce matin, Olivier Véran, sur BFM,
33:01 parlait d'une condamnation ferme du bombardement de Jabalia.
33:06 Mais c'est tout. On n'est pas dans une demande de cesser le feu.
33:10 La trêve humanitaire, on ne sait pas vraiment ce que ça veut dire.
33:12 Quels sont, aujourd'hui, les appuis qu'on peut avoir
33:15 auprès des différents membres de l'ONU ?
33:17 - Ce qu'il faut absolument aujourd'hui, au minimum,
33:19 c'est un cesser le feu pour que l'aide humanitaire puisse rentrer en masse,
33:24 que ce soit au nord et au sud.
33:26 Il n'y a aucune raison qu'elle n'aille pas au nord,
33:27 même si les Italiens ne le souhaitent pas.
33:29 Et qu'elle puisse être proportionnée aux besoins.
33:31 Pourquoi il faut un cesser le feu ?
33:33 Parce que l'aide, ce n'est pas tout galante.
33:35 Il faut qu'elle puisse être distribuée.
33:36 Il y a toute une logistique.
33:37 Il faut trouver des points qui centralisent les distributions,
33:40 où les civils sachent où aller,
33:42 où les aidants ne meurent pas sous les bombes.
33:44 Donc il faut que cette aide puisse rentrer,
33:47 de manière proportionnée, dans le contexte d'un cesser le feu.
33:51 Après, il faut pouvoir considérer aussi,
33:53 comme la plupart des expatriés ou des binationaux
33:55 qui sont en train de sortir,
33:56 que si les bombardements continuent,
33:58 que l'enfer continue pour les Gazaouis,
34:00 il faut donner la possibilité à ces Gazaouis de sortir,
34:02 s'ils veulent, de cet enfer,
34:04 et notamment vers l'Egypte.
34:07 Ça doit être une option pour sauver leur vie.
34:09 Et puis enfin, il faut pouvoir pointer du doigt
34:12 les raisons de ce drame.
34:14 Vous l'avez évoqué, la France,
34:16 certes a condamné les bombardements hier
34:18 des écoles des Nations Unies,
34:19 où des dizaines de gamins sont morts,
34:21 mais elle reste sur une rhétorique sémantique
34:23 où elle dit, comme les Américains et la plupart des Européens,
34:26 il faut une trêve humanitaire.
34:27 Non, il ne faut pas une trêve humanitaire,
34:28 il faut un "c'est le feu".
34:30 Et puis, il faut pouvoir condamner,
34:32 comme ils l'ont fait de manière légitime,
34:34 tout à fait justifié, les atrocités du Hamas du 7 octobre,
34:38 il faut aussi condamner les atrocités qui sont en cours.
34:41 On est en train d'observer 2 millions de personnes
34:44 qui sont assoiffées, affamées, en rupture de soins,
34:46 qui vont mourir de tout et de n'importe quoi.
34:49 Et ça, ça doit être dénoncé.
34:51 On a le droit d'avoir des alliances,
34:53 et la France a une alliance légitime et contestable
34:55 avec Israël, dans un contexte de colonisation
34:58 que je vous rappelle est assez intense.
35:00 Mais en amitié, on doit être aussi capable de dire à ses proches,
35:02 quand ils sortent du cadre et quand ils déconnent,
35:04 il faut pouvoir le dire aujourd'hui,
35:06 parce que c'est 2 millions de personnes
35:07 qui ont un pronostic vital engagé aujourd'hui.
35:09 - Vous, vous parlez de charnier à ciel ouvert.
35:11 - Aujourd'hui, on a une estimation de 8 000 à 9 000 morts.
35:15 Alors, il y a des polémiques autour du fait,
35:17 est-ce que c'est mort, c'est vraiment réel,
35:18 est-ce que le Hamas ne manipule pas ?
35:20 Dans toute zone de conflit, il y a aussi de la propagande
35:22 autour des chiffres.
35:23 Mais moi, je pense qu'au regard de la nature
35:25 des bombardements utilisés sur une population aussi dense,
35:29 les milliers de bombes qui sont tombées,
35:32 cette mortalité probablement est sous-estimée.
35:35 Pourquoi ? Parce qu'elle ne comptabilise pas
35:37 les morts qu'on ne va pas chercher sous les décombres,
35:39 et c'est des centaines et des centaines de bâtiments
35:40 qui ont été détruits,
35:41 et elle ne comptabilise pas les morts à petit feu,
35:44 à bas bruit, dont je vous ai parlé,
35:46 tous ces malades qui sont en train de mourir
35:47 par manque d'insuline, par manque de traitement
35:49 pour la thyroïde, par manque d'antibiotiques
35:51 et d'antalgiques pour les enfants qui ont des bronchiolites,
35:54 par manque d'accès à de l'eau potable.
35:56 Tous ces morts-là, ils sont en train de monter
35:58 de manière exponentielle, parce que le blocus
36:00 est très fort et qu'il n'a pas pu être anticipé,
36:02 et donc la situation est catastrophique.
36:05 Il n'y a pas de bons et de mauvaises victimes
36:07 dans les conflits ou dans le monde en général.
36:09 Les ONG, elles sont impartiales,
36:10 elles dénoncent les mortalités des civils des deux côtés,
36:12 et là, aujourd'hui, on est sur une course-poursuite
36:15 monstrueuse d'une mortalité qu'on n'arrive pas à stopper.
36:17 On est en train de passer, effectivement,
36:19 d'une situation de prison à ciel ouvert
36:22 à une situation de charnier à ciel ouvert.
36:24 Petit à petit, c'est dramatique,
36:26 et il faut arrêter cet engrenage infernal.
36:28 - Oui, mais la réponse des défenseurs
36:31 de la politique israélienne, c'est qu'il faut
36:33 taper fort, aller vite, qu'il n'y a pas le choix,
36:35 et que le cessez-le-feu serait donner le temps
36:37 au Hamas pour répliquer.
36:40 On a l'impression qu'aussi, il y a une déshumanisation
36:43 des populations gazaouies, en parlant de victimes
36:45 collatérales, d'otages, de populations boucliers,
36:49 comme s'il y avait un déni de certains responsables
36:52 politiques face à la violence et face à
36:56 l'horreur humanitaire qui se passe actuellement.
36:59 - Ce qui est clair, c'est que même aujourd'hui,
37:02 les humanitaires sont pointés du doigt par certains
37:05 comme étant potentiellement la source du problème.
37:07 Or, les humanitaires, comme MSF,
37:09 Médecins du Monde, sont là pour tenter d'apporter
37:12 une humanisation de la guerre, peut-être utopique
37:15 aujourd'hui, dans un cadre qui est le droit humanitaire
37:17 international, et ont leurs propres équipes
37:22 qui ont des difficultés pour survivre et qui n'arrivent
37:24 pratiquement plus à bosser.
37:26 Donc, on est dans une situation où on ne peut pas
37:30 accepter le deux poids deux mesures, les bons ou les
37:32 mauvaises victimes, et quand on est une ONG,
37:35 de manière impartiale, on défend l'accès à ses
37:37 civils, y compris dans des contextes difficiles.
37:39 On a été amené à travailler dans des contextes
37:42 de systèmes politiques verrouillés,
37:45 de régimes totalitaires, je pense à la Corée du Nord
37:47 dans les années 90, avec des famines,
37:49 où on est obligé de négocier avec des tortionnaires,
37:51 c'est pas simple, parce que l'objectif c'est de
37:53 toucher les civils, mais à un moment donné,
37:55 quand vous avez la plupart de votre aide qui est
37:57 détournée par des militaires, alors vous décidez
38:00 de partir et c'est intenable.
38:01 Là, dans la situation dans laquelle on vit,
38:03 on n'arrive pas à faire entrer l'aide,
38:05 nos équipes ont du mal à bosser,
38:08 les Nations Unies meurent sous les bombes
38:10 à ma tête que les civils, et ça, ça pose aucun
38:12 problème à personne, sous prétexte que c'est une
38:14 démocratie qui est à l'origine de ça.
38:15 - Alors on s'est commencé à en poser, justement.
38:17 - On doit être capable de dire que la démocratie
38:20 n'est pas uniquement vertueuse.
38:23 On défend tous ce modèle, moi le premier,
38:26 mais on doit pouvoir dire qu'à un moment donné,
38:28 même les démocraties peuvent être capables
38:30 d'être hors des cadres, et qu'il faut pouvoir
38:33 se le dire, il faut juste pouvoir se le dire.
38:35 - Oui, ça paraît difficile, enfin on voit
38:37 un débat extrêmement polarisé, y compris en France,
38:40 où le simple fait de dire ce que vous dites
38:42 revient à cautionner quasiment ce que fait la masse,
38:45 ce qui n'est pas du tout votre cas, évidemment,
38:47 mais comment on en arrive à un débat aussi violent,
38:51 à un déni aussi d'humanité, par rapport à ce que
38:54 vivent les Gazaouis sous les bombes, et au-delà
38:56 de ça, par les privations, puisque c'est les privations
38:58 qui vont faire sans doute plus de morts que
39:00 les bombardements, à quel moment vous pensez
39:03 qu'on va retrouver une raison ou une lueur
39:05 d'humanité dans cette horreur ?
39:09 - C'est une question très difficile, parce que
39:11 je ne peux pas anticiper, tous les scénarios
39:13 sont possibles sur l'avenir, et je pense
39:16 qu'il va falloir que les juristes, en droit international,
39:19 nous aident à mettre des mots sur les drames,
39:21 à la fois sur ce qui s'est passé le 7 octobre,
39:24 mais à la fois sur aussi la violence d'une colonisation active
39:28 qui depuis de nombreuses années tue des dizaines
39:30 de milliers de civils, notamment anti-jordanistes,
39:33 ou ces logiques d'enfermement à Gaza,
39:36 sur aussi le sort des otages qu'il ne faut pas négliger,
39:40 et sur lesquels il faut avoir beaucoup d'inquiétude,
39:42 et puis sur aujourd'hui, le fait que 2 millions
39:44 de personnes soient assoiffées, affamées, et sans soins.
39:47 Donc il va falloir poser des mots sur ces cadres-là.
39:51 Ce que j'espère simplement, c'est que le cessez-le-feu
39:54 puisse être le plus rapide possible,
39:56 que les équipes, d'abord mon équipe, elle reste en vie,
39:59 parce qu'on en est à ce point-là d'inquiétude,
40:01 de savoir s'ils vont être vivants,
40:03 et s'ils vont sortir vivants de cet enfer.
40:05 - Et comment vous communiquez avec les équipes ?
40:07 - On les communique par téléphone essentiellement.
40:09 Il y a des jours où on n'arrive pas,
40:11 ce week-end samedi, toutes les communications ont été coupées,
40:14 il y a deux jours aussi, ça a été coupé pendant quelques heures.
40:17 Voilà, on est très inquiets pour eux,
40:19 et je le redis aussi, il faut avoir un oeil
40:21 sur ce qui se passe en Cisjordanie, parce que dans le même temps,
40:23 la colonisation continue de manière très active,
40:25 des violences sur les civils, c'est près d'une centaine de morts
40:28 ces derniers jours de civils, dont des enfants,
40:30 notamment en Cisjordanie, à Tchénine,
40:33 où nos équipes sont présentes et ont des difficultés aussi pour bosser.
40:37 On n'est pas sur le même registre que ce qui se passe à Gaza,
40:39 donc voilà, il faut avoir une vision globale
40:41 de ce qui se passe là-bas, et je pense faire confiance
40:44 aux humanitaires dans leur impartialité,
40:46 notre rôle, nous sommes des acteurs dans le champ des relations internationales légitimes,
40:50 on n'a peut-être pas de mandat,
40:52 on est indépendant d'acteurs politiques,
40:54 on essaye d'être au plus proche des civils,
40:56 des deux côtés, lorsqu'on est une plus-value pour les systèmes de santé,
40:59 donc il faut arrêter de raconter n'importe quoi sur nous,
41:01 on est les rares acteurs avec les Nations Unies à encore pouvoir amener un peu d'humanité,
41:05 si on peut au moins préserver ça sur les conflits, ça sera déjà pas mal,
41:08 et qu'on arrête de faire de la désinformation.
41:10 - Faisons cela, ici sur Sud Radio, on ne fait pas de désinformation,
41:12 merci d'avoir été notre invité Jean-François Corti,
41:15 vice-président de l'ONG Médecins du Monde, merci beaucoup.