L'INTÉGRALE - Paul Touvier : le fugitif des sacristies

  • il y a 5 mois
Quarante-cinq ans. C'est le temps qu'il a fallu à la justice, un matin du printemps 1989, pour mettre la main sur un homme recherché depuis la fin de la guerre. Un Français, le chef milicien Paul Touvier, deux fois condamné à mort par contumace, le tout premier collabo recherché pour crimes contre l'humanité. Au fil des années, ce personnage était devenu un spécialiste de la cavale et des déménagements de dernière minute. Une silhouette de Monsieur Tout le Monde capable de se fondre dans n'importe quel paysage.
Retrouvez tous les jours en podcast le décryptage d'un faits divers, d'un crime ou d'une énigme judiciaire par Jean-Alphonse Richard, entouré de spécialistes, et de témoins d'affaires criminelles.
Regardez L'heure du Crime avec Jean-Alphonse Richard du 29 mai 2024

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Transcription
00:00 14h30, 15h30, l'heure du crime sur RTL. Jean-Yvon Sechard.
00:05 Madame, Monsieur, bonjour et bienvenue dans ce journal où nous allons vous apporter le maximum de précisions sur l'événement de ce matin,
00:14 l'arrestation de l'ancien chef de la milice lyonnaise Paul Touvier, âgé de 73 ans, celui qu'on appelait le Klaus Barbie français,
00:21 dont les gendarmes se sont emparés tout à l'heure dans une abéie intégriste de Nice où il se cachait.
00:26 Bonjour, 45 ans, c'est le temps qu'il a fallu à la justice un matin du printemps 1989 pour mettre la main sur un homme recherché depuis la fin de la guerre,
00:38 un français, le chef milicien Paul Touvier, deux fois condamné à mort par Comte Humas, le tout premier collabo recherché pour crime contre l'humanité.
00:48 Au fil des années, cet homme était devenu un spécialiste de la cavale et des déménagements à la dernière minute,
00:54 une silhouette de monsieur tout le monde, capable de se fondre dans n'importe quel paysage.
01:00 Mais si le milicien a pu si longtemps se faufiler entre les mailles du filet, c'est qu'il pouvait compter sur un réseau tout aussi insoupçonnable que puissant,
01:09 celui de confrérie religieuse intégriste. Elle le finançait, le cachait, des abéies lui offraient le plus sûr des refuges.
01:16 C'est au fond de l'une d'elles que les gendarmes vont le débusquer, l'arrêter, au terme d'une extraordinaire enquête.
01:23 Pourquoi fallait-il protéger un tel personnage ? Quels secrets détenait-il pour être intouchable ?
01:29 Question posée aujourd'hui à nos invités.
01:31 Paul Touvier, le fugitif des sacristies. Je savais qu'il était protégé par l'église.
01:37 Je suis allé à l'archevêché de Lyon, une religieuse m'a répondu "Monsieur le juge, on n'a rien à vous dire".
01:43 L'enquête aujourd'hui de l'heure du crime, la seule émission radio 100% fédi, verra tout de suite sur RTL.
01:49 14h30, 15h30, l'heure du crime sur RTL. Jean-Alphonse Richard.
01:55 14h30, 15h30, l'heure du crime sur RTL. Jean-Alphonse Richard.
02:02 Dans l'heure du crime, aujourd'hui, la longue traque de Paul Touvier, condamné à mort à la libération.
02:07 Cet ancien chef de milice, collaborateur zélé des Allemands, s'était fait oublier.
02:11 En 1981, recherché pour crime contre l'humanité, il a retrouvé la clandestinité.
02:17 Une nouvelle enquête s'organise.
02:20 Mardi 1er mars 1988, le juge parisien Claude Grélier s'irrite d'une enquête qui lui tient à cœur, mais qui ne bouge pas.
02:30 L'interpellation de l'un des plus célèbres collabos français, l'un des anciens chefs de la milice de Lyon, Paul Touvier, 73 ans.
02:38 Depuis le 27 novembre 1981, l'individu est recherché pour crime contre l'humanité, crime non prescrit.
02:45 Il est soupçonné de l'assassinat en 1944 de Victor Bach, président de la Ligue des droits de l'homme et de son épouse.
02:52 Mais aussi d'avoir fait fusiller 7 juifs à Rieux-la-Pape.
02:56 La découverte d'une photo de 7 jeunes gens tués en 1944 m'a conduit à poursuivre Paul Touvier, témoignera Claude Grélier.
03:04 Le juge s'aperçoit que depuis 7 ans, le mandat d'arrêt n'est pas activé.
03:09 Il a vérifié lui-même auprès d'une gendarmerie, près de Limoges, auprès d'un commissariat, près de Lille.
03:15 On lui a confirmé que le dénommé Paul Touvier n'était pas recherché.
03:19 Le juge Grélier soupçonne la police de ne pas faire son travail. Il en informe le ministre de l'Intérieur.
03:25 Résultat, en ce printemps 88, les policiers sont désaisis, enquête confiée à la gendarmerie.
03:32 Pendant 6 mois, 2 fois par semaine, le juge Claude Grélier fait le point des investigations avec le chef de la section de recherche de Paris,
03:40 le lieutenant-colonel Jean-Louis Recordon.
03:43 Le gendarme s'est plongé tout seul dans le dossier Touvier avant de s'entourer de 3 de ses hommes,
03:48 l'adjudant-chef Philippe Maty, les gendarmes Carmona et Bélanger.
03:53 La cellule Paul Touvier est en place.
03:55 Les enquêteurs remontent la trace de l'ancien chef de la milice, passé maître dans l'art de la dissimulation.
04:01 Il s'est longtemps caché sous des pseudonymes "Monsieur Gaillard", "Monsieur Truchet", "Monsieur Paul", "Monsieur Berthet".
04:07 Il a toujours vécu dans une semi-clandestinité avec Monique, son épouse, et leurs enfants Chantal et Pierre.
04:14 Le 20 septembre 84, alors qu'il sentait la pression judiciaire se renforcer,
04:19 l'ancien milicien a même fait publier un faux avis de décès dans le journal "Le Dauphiné libéré".
04:25 Au nom des familles Berthet et Touvier, il était indiqué qu'il était rappelé à Dieu
04:30 et il demandait "compris" pour son âme.
04:33 Touvier est dans la nature.
04:35 Les enquêteurs ont la conviction que l'ancien milicien pourrait être protégé par l'église
04:41 ou plutôt par des réseaux religieux intégristes d'obscures associations dans lesquelles on retrouve
04:46 la présence d'anciens collabos ou des nostalgiques d'Adolf Hitler.
04:49 Le juge Grelier a découvert avec étonnement que l'adresse inscrite sur la carte d'identité de Touvier
04:55 était le numéro 1 place de Fourvière à Lyon, le siège de l'archevêché.
05:01 "Je savais qu'il avait été protégé par l'église", explique le juge.
05:04 Il se rend sur place.
05:06 "Monsieur, à propos de cette affaire, nous n'avons rien à vous dire",
05:09 lui répond une religieuse qui lui ouvre la porte de l'archevêché.
05:12 Le cardinal Decourtrey finit toutefois par le recevoir.
05:16 Il ignore tout de cette affaire mais s'engage à coopérer.
05:20 L'enquête montre que c'est un autre prélat lyonnais.
05:24 "Monseigneur Charles Ducquer qui vient de décéder,
05:27 qui a toutes ces années protégé, caché Paul Touvier.
05:31 Il lui a trouvé des planques successives dans des monastères.
05:34 Les gendarmes placent sur écoute l'avocat Jacques Vergès.
05:37 Il pourrait être sollicité par le fuyard mais les écoutes ne donnent rien.
05:40 Une liste exhaustive de couvents, monastères, congrégations est établie.
05:44 Touvier a séjourné à l'abbaye de Sollem.
05:47 Le père Sotner va le confirmer."
05:49 "Le premier mot qu'il m'a dit, je me souviens de sa première parole,
05:54 "Je m'appelle Paul Touvier".
05:56 Ça m'a rappelé quelque chose d'ancien, j'avais dû entendre ce nom-là mais je ne savais pas."
06:01 "Une équipe de gendarmes équipés d'une lunette astronomique
06:04 observe le monastère de la Grande Chartreuse.
06:07 D'autres enquêteurs jouent les pèlerins dans une abbaye.
06:10 Pas de traces de Paul Touvier.
06:13 Et la piste des monastères, des abbayes va s'avérer la bonne
06:17 mais il va falloir encore tirer ce fil qui conduit jusqu'à Paul Touvier.
06:21 Il a 73 ans et on se demande bien ce qu'il devient.
06:24 En tout cas, il agit pas ruse et il sait se cacher,
06:27 c'est un homme qui a l'habitude de la dissimulation.
06:29 Il faut revenir à cette année 1988
06:32 parce que je pense que c'est le vrai départ de cette enquête.
06:36 C'est le vrai moment où des juges décident d'activer vraiment ce mandat d'arrêt.
06:41 Et ça n'a pas été facile parce que jusqu'à présent on ne le trouvait pas.
06:45 Effectivement, Paul Touvier, il n'y avait pas de traces de lui.
06:47 Bonjour Dominique Rizet.
06:48 Bonjour Jean-Luc Chons.
06:50 Merci infiniment d'être avec nous dans le studio de l'Or du crime.
06:53 Dominique Rizet, évidemment tous les téléspectateurs de France et de Navarre vous connaissent.
06:58 C'est vous qui êtes aux commandes de l'émission Affaire Suivante sur BFM avec Philippe Godin.
07:02 Ça c'est le dimanche.
07:03 Et puis vous êtes la figure emblématique de l'émission Faites Entrer l'Accusé
07:07 présentée désormais avec Christophe Delay sur RMC.
07:11 Dominique Rizet, alors si je vous ai invité aujourd'hui, c'est que vous connaissez parfaitement cette affaire.
07:15 Vous étiez plus jeune journaliste et vous enquêtiez beaucoup sur où est passé Paul Touvier.
07:21 Alors déjà un mot sur lui, Paul Touvier.
07:23 Il a un très très lourd passé judiciaire, Touvier.
07:26 Bien sûr, on est en 89, moi j'ai 30 ans et je sais que la SR de Paris,
07:30 que la section de recherche de la gendarmerie de Paris est sur cette enquête avec le juge Grelier.
07:36 Je bosse beaucoup avec la SR de Paris parce qu'à l'époque j'ai des petits soucis avec la police.
07:41 On a parlé de l'affaire du commissaire Jobic, je ne suis plus en odeur de sainteté que de police.
07:45 Vous êtes ami avec les gendarmes, non ?
07:47 Je me suis rabattu sur la gendarmerie, je connais leurs enquêtes et je vais chercher.
07:50 Moi j'ai cherché Paul Touvier, je suis allé traîner dans des monastères, j'ai fait des fausses retraites.
07:56 Les gendarmes de leur côté faisaient leur boulot, moi je faisais le mien.
08:00 J'ai gardé quelques histoires, une anecdote qu'il faudra qu'un jour je retourne vérifier.
08:07 Donc Touvier, c'est l'ancien chef du deuxième bureau de la milice de Lyon, c'est un collabo.
08:12 C'est un type qui a livré des noms aux allemands, qui a collaboré avec les allemands.
08:18 Les époux Bach, vous en avez parlé.
08:21 Et puis aussi les 7 jeunes qui ont été fusillés à Rieux-Lapalme.
08:27 Il dira par la suite, comme tous, moi j'étais juste un exécutif.
08:31 Oui c'est ça, j'étais un petit fonctionnaire.
08:34 Un vrai sale mec.
08:36 C'est un voyou aussi.
08:37 Protégé aussi, oui bien sûr.
08:38 Parce qu'il a volé, il a commis des larcins, juste après guerre, je crois que c'est en 1946.
08:43 Il y a cette période de son histoire où il faut vivre.
08:48 Il vole des voitures, il va cambrioler même une épicerie, etc.
08:52 Vous avez raison, le profil il est des plus sombres.
08:55 Juste un petit crochet, Dominique Rizet.
08:57 Le juge il se méfie des policiers parce qu'il estime qu'ils ne font pas leur boulot à ce moment-là,
09:01 qu'on ne le recherche pas vraiment.
09:03 Et puis il y a une anecdote, c'est qu'il y a bien des années,
09:06 il a été entendu par les renseignements généraux,
09:08 il a été placé en garde à vue, à l'époque ça allait jusqu'à 6 jours de garde à vue.
09:12 Et il s'est barré.
09:13 Et il s'est barré. Et il s'est échappé.
09:15 Et là on l'a laissé partir.
09:17 On l'a laissé partir, il ne peut pas être sorti du bureau où il était entendu sans décomplicité.
09:22 Donc quelqu'un l'a aidé, quelqu'un l'a aidé à s'enfuir,
09:25 il lui a ouvert la porte, ou a fait attention en tout cas,
09:28 de ne pas savoir que Paul Touvier s'en allait sur la pointe des pieds.
09:32 Et donc ensuite, le juge a très bien fait,
09:36 le juge a dit "la police c'est terminé, je ne leur fais plus confiance".
09:39 Parce qu'il devait y avoir des connexions, quelque part,
09:42 entre les policiers des RG, les congrégations religieuses, et tous les gendarmes.
09:48 - Justement, vous mettez la doigte là-dessus sur ce qui va être le fil rouge de cette affaire,
09:52 les congrégations religieuses.
09:54 C'est vrai qu'il faut rendre honneur aux gendarmes dans cette affaire,
09:56 parce que c'est eux qui pointent du doigt cette histoire de congrégations religieuses.
10:00 Vous, vous êtes averti de ça évidemment par vos contacts.
10:02 Et vous allez vous intéresser à ce réseau d'abbayes.
10:06 Et vous sentez, vous, journaliste, vous êtes sur cette traque,
10:09 que c'est là que ça se passe.
10:11 - Oui, je suis allé faire des retraites dans des abbayes,
10:14 je suis allé traîner deux jours, trois jours.
10:16 Je racontais que j'avais besoin de me ressourcer, de prendre un peu l'air.
10:20 Et j'essayais de retrouver quelqu'un qui pourrait ressembler à Thuvier.
10:23 On avait une seule photo de lui, il était assis sur un banc à Chambéry, devant sa maison.
10:27 Il n'y avait pas de logiciel pour faire vieillir les personnes.
10:31 Donc je cherchais un type qui ressemble à Thuvier.
10:33 Je savais aussi qu'il était en famille.
10:35 - C'est ça. Et donc tout ça, ça compte.
10:37 Parce que dans une cavale, c'est compliqué.
10:39 Mais quand on est en famille, c'est encore plus compliqué.
10:41 Bonjour Jean-Louis Recordon.
10:43 - Bonjour monsieur Richard.
10:44 - Merci infiniment d'être aujourd'hui avec nous, dans l'ordre du crime.
10:47 Alors évidemment, à l'époque, c'est vous qui menez cette enquête.
10:50 Vous êtes le chef de la section de recherche de Paris, c'est un poste important.
10:54 Et vous allez partir sur les traces de Paul Thuvier.
10:57 C'est le juge Grelier qui vous donne la mission de retrouver cet homme.
11:01 Ce n'est pas une mince affaire, Jean-Louis Recordon ?
11:03 - Oui, tout à fait.
11:05 Quand Claude Grelier m'a saisi officiellement le 2 mars 1988,
11:12 ça m'intéressait parce que c'était un truc historique.
11:15 Cette période de notre histoire m'a toujours intéressé et m'intéresse toujours.
11:20 Donc je lui ai dit, moi j'ai besoin des documents.
11:23 Donc j'avais envoyé un secrétaire récupérer 4 cartons d'archives sur cette affaire.
11:30 Ces 4 cartons d'archives, je les ai étudiés tout seul le soir,
11:35 après le boulot, de façon à m'imprégner du dossier.
11:39 Grelier m'avait dit qu'il peut être en Italie, en Suisse, au Canada, etc.
11:46 - On ne sait pas où il est, il a l'habitude de la cavale, cet homme.
11:49 Dès le début, vous dites, on en parlait un instant avec Dominique Rizet, que vous connaissez bien,
11:53 vous dites "il faut tirer ce fil des couvents, des congrégations".
11:57 Pourquoi vous avez cette intuition ?
12:00 - Il y a une chose qui m'intrigue, c'est que je trouve des ecclésiastiques à tous les niveaux.
12:07 Et ça commence dans la famille Touvier, le père de Paul Touvier, catholique très pratiquant.
12:15 Et puis je découvre que Touvier avait passé un an dans un séminaire catholique,
12:22 il s'est fait virer, il n'est pas resté.
12:25 Et puis après je trouve un abbé, qui va être à la Grande Chartreuse,
12:32 l'abbé Blaise Arminjon, qui était un ami du père de Touvier.
12:38 Et c'est comme ça, s'il voulait, que ça démarre.
12:42 Et là je note que personne n'a regardé cette piste d'écuré.
12:49 - La piste d'écuré, comme vous l'appelez.
12:51 Alors Touvier a donné quelques interviews auparavant, mais chaque fois, notamment sur RTL d'ailleurs,
12:55 on a sa voix ici à RTL, il minimise, il n'était qu'un simple exécutant.
13:00 - J'ai retrouvé des interviews qu'il avait données, dans lesquelles il ne se cache pas.
13:07 S'il voulait partir de 72 et puis le tollé qui s'en suit,
13:13 bien évidemment Touvier rentre dans la clandestinité et là, bien évidemment, disparaît.
13:20 Après un an d'investigation intensive, la planque du militien va être découverte.
13:25 Paul Touvier, le fugitif des sacristies, il tenait une brosse à dents,
13:29 il m'a dit "je suppose que c'est moi que tu veux".
13:31 L'enquête de l'heure du crime, on se retrouve dans un instant sur RTL.
13:34 Heure du crime, consacrée aujourd'hui à l'affaire Paul Touvier.
13:47 A la fin des années 80, cet ancien chef de la milice à Lyon, condamné à mort par compte humace,
13:53 recherché pour crime contre l'humanité, fait enfin l'objet d'une traque intense.
13:57 Les enquêteurs vont le débusquer dans un couvent de la Côte d'Azur.
14:02 Lundi 22 mai 1989, les gendarmes de la section de recherche de Paris
14:07 perquisitionnent le monastère de Wysque, près de Saint-Omer.
14:11 Quelques semaines auparavant, alors que l'enquête se focalisait sur cette congrégation,
14:16 le canard enchaîné a vendu la mèche.
14:18 Un article affirme que le père abbé, Don Gérard Lafon et son association intégriste,
14:24 l'ordre des chevaliers de Notre-Dame, aide Paul Touvier, le religieux.
14:29 Évoque un service rendu à une brebis égarée.
14:32 "J'ai dépanné Touvier parce que c'était un homme traqué, une famille en détresse",
14:36 déclare-t-il au journal Le Monde.
14:37 Il assure qu'il en aurait fait autant pour des communistes.
14:40 Les gendarmes notent que le père Lafon est en contact avec Touvier
14:44 par l'intermédiaire d'un certain Jean-Pierre Lefèvre, un ancien milicien,
14:49 ancien de la division SS Charlemagne.
14:52 Lefèvre vit en banlieue parisienne, dans un appartement décoré d'oriflame et d'uniforme nazi.
14:58 Il est interrogé.
14:59 Il reconnaît faire transiter de l'argent pour aider Paul Touvier.
15:03 Argent adressé au monastère des Carmelites de Mésières-en-Brenne, près de Châteauroux.
15:09 Mardi 23 mai, les gendarmes sont à Mésières-en-Brenne.
15:13 Mais ils arrivent trop tard, l'oiseau s'est envolé.
15:16 Des top bien informés, à savoir deux policiers et un lieutenant-colonel de gendarmerie,
15:20 catholiques intréguristes, ont alerté le fugitif.
15:23 "Vite, il faut prévenir Paul", entend-on sur une écoute.
15:27 Les religieux interrogés se retranchaient derrière le secret de la confession.
15:32 Je leur disais qu'il ne fallait pas mentir et que nous n'étions pas là pour assassiner Paul Touvier,
15:37 se souvient le lieutenant-colonel Recordon dans le journal "Les Sorts de la Gendarmerie".
15:42 L'abbaye est perquisitionnée.
15:44 Les enquêteurs mettent la main sur quatre valises au nom du dénommé Paul Lacroix.
15:48 Croix à l'intérieur des affaires.
15:51 Appartenant à l'ancien militien, dans une pochette plastique, des croix gammées,
15:55 une croix de fer, d'autres décorations, bagages prêts à être expédiés vers un prioré.
16:00 Un Nice, prioré rattaché à la fraternité Saint-Pi-Dix de Monseigneur Lefebvre, un évêque traditionnaliste.
16:08 Mercredi 24 mai, 8h30, les gendarmes de la section de recherche de Paris sont au prioré Saint-François,
16:15 dans le vieux Nice.
16:16 Ils ont roulé toute la nuit avec l'espoir d'arrêter Paul Touvier, 74 ans.
16:20 Jean-Louis Recordon est le premier à frapper à la porte.
16:23 Le frère qui lui ouvre ne dit pas un mot quand on lui parle de Touvier,
16:27 mais son regard se tourne vers les étages.
16:29 L'adjudant-chef Philippe Maty s'engouffre, le premier dans le prioré.
16:34 Il grimpe quatre à quatre les escaliers qui mènent aux chambres.
16:37 Il pousse chaque porte jusqu'à se trouver face à un petit homme aux cheveux lissés en arrière.
16:42 Il tenait une brosse à dents.
16:44 "Je m'a dit, je suppose que c'est moi que tu veux ?" racontera l'adjudant-chef Maty.
16:49 La visite des lieux a été tellement rapide que les enquêteurs ont oublié d'alerter le successeur tout récent du juge Grélier,
16:55 le juge Jean-Pierre Gétty.
16:57 Celui-ci délivre aussitôt un mandat d'arrêt à l'encontre de Paul Touvier.
17:02 En fin de matinée, on le photographie en train de sortir du prioré,
17:06 une veste sur la tête encadrée par les gendarmes.
17:11 Évidemment, il est transféré au palais de justice, Paul Touvier.
17:14 Le juge Getty l'attend de pied ferme pour l'interroger.
17:17 Fin de partie pour le vieux militien, mais qui, on va le voir, a encore des appuis.
17:21 Il a encore la volonté de s'en sortir.
17:24 Il a toujours échappé aux poursuites et il n'a pas dit son dernier mot.
17:27 On va le voir dans la suite de l'heure du crime.
17:30 Dominique Rizet, vous êtes avec nous dans cette heure du crime pour nous éclairer sur cette histoire.
17:34 Vous êtes journaliste, spécialiste police-justice.
17:36 Évidemment, on vous retrouve sur BFM, dans Enfer Suivant, sur RMC, dans Fait entrer l'accusé.
17:40 Un mot là-dessus, parce que vous, à l'époque, vous traquez donc Paul Touvier.
17:45 Lorsqu'il y a la nouvelle de cette arrestation, vous êtes, je pense, le premier journaliste à être alerté de cette arrestation.
17:52 Qu'est-ce que vous vous dites à ce moment-là ?
17:54 Ça y est ? C'est bon ?
17:56 - La veille au soir, quelqu'un à la SR de Paris m'a dit "Lève-toi de bonne heure".
18:00 On n'a pas les téléphones portables.
18:02 En 89, il n'y a pas de portable.
18:04 "Lève-toi de bonne heure, soit tu es chez toi, soit tu es à la rédaction, essaie d'être joignable."
18:09 Donc j'arrive de très bonne heure à la rédaction.
18:12 Et le téléphone sonne, vers 8h30.
18:15 Ce copain m'appelle en me disant "Ça y est, on a serré Paul Touvier."
18:19 Je m'en souviens, je me lève, je vais voir le directeur des Infos Génées,
18:24 qui s'appelait, les informations générales, Jean-Michel Brigoulex.
18:27 - À François.
18:28 - À François, qui était un monument, qui faisait 130 kilos.
18:31 - Je l'ai connu.
18:32 - On l'appelait le Massif Central, parce qu'il était de Mémac.
18:35 Et je vais voir Jean-Michel, je lui dis "Les gendarmes ont arrêté Paul Touvier."
18:40 Et il me regarde dans ce coin la tête, il me dit "C'est pas possible, ils ont arrêté Paul Touvier."
18:44 Donc on n'avait pas de doc, on n'allait pas sur internet taper "Paul Touvier"
18:49 donc je me souviens de Brigoulex qui part en courant,
18:53 en déplaçant ses 130 kilos vers la documentation,
18:57 et qui revient avec un énorme dossier sous le bras.
18:59 J'étais allé voir le dossier Touvier, mais lui il en avait encore plus que moi.
19:03 Il avait un paquet de documents.
19:05 On s'est mis à la bécane tous les deux, il y avait une édition de l'après-midi qui s'appelait "La CTD",
19:08 "La course toute dernière", et à 15h30, on sortait en excu,
19:12 le scoop, l'arrestation de Paul Touvier.
19:14 - Et oui, ça fait un bruit terrifiant, on ne se rend pas compte aujourd'hui,
19:17 mais Paul Touvier à l'époque, tout le monde le cherche,
19:19 et puis cette traque, elle est intense.
19:22 Effectivement, les policiers sont passés à côté, les gendarmes là sont dessus,
19:26 et effectivement c'est une nouvelle vraiment très très importante.
19:29 Alors, Jean-Louis Recordon, c'est vous qui êtes à la manœuvre dans cette histoire.
19:33 A l'époque, vous êtes lieutenant-colonel, chef de la section de recherche de Paris,
19:37 et c'est vous qui entrez dans ce monastère à Nice.
19:40 Incroyable enquête de terrain.
19:42 J'ai envie de dire que c'est une enquête à l'ancienne,
19:44 parce que vous avez tiré un fil et vous n'avez cessé de persévérer, c'est ça ?
19:47 - Ah oui, tout à fait, oui.
19:49 Ah oui, tout à fait, tout à fait.
19:51 N'oubliez pas que nous sommes en 88 et 89.
19:54 Pas de téléphone portable,
19:56 parce que le téléphone coûtait encore cher,
19:59 donc on ne téléphonait pas comme ça, c'était illimité.
20:02 On n'avait pas de moyens électroniques de quelque nature que ce soit.
20:06 Donc tout reposait sur des vérifications de terrain,
20:12 recherches de témoins, de gens qui pouvaient parler, etc.
20:16 - Le déclic, Jean-Louis Recordon, c'est la découverte de l'ordre des chevaliers de Notre-Dame,
20:21 parce que vous découvrez que cette mystérieuse association, elle existe toujours.
20:26 - Je découvre qu'ils existent donc toujours.
20:30 Et qu'est-ce que je fais ?
20:32 Eh bien, je désigne deux enquêteurs,
20:35 un homme et une femme,
20:37 que j'envoie dans le monastère
20:40 avec mission d'enquêter à l'intérieur.
20:43 Et ces deux enquêteurs se sont fait passer pour un couple
20:47 traversant des difficultés de la vie, blessés de la vie, etc.
20:52 Donc ils sont accueillis dans ces deux monastères à Ouisk,
20:56 grenouilles, et qu'est-ce qu'ils trouvent ?
20:59 Eh bien que chez la partie des hommes,
21:02 il y avait des anciens OS de la guerre d'Algérie,
21:07 des anciens SNSS, des gens de toute nature.
21:11 Donc ce qui nous montrait que cette piste de la fonte était intéressante.
21:17 - Mais évidemment, c'est étonnant ce que vous racontez.
21:20 Vous êtes à Ouisk, puis le lendemain vous êtes en voiture à Mésières-en-Brenne,
21:24 et puis vous arrivez à Nice, vous avez roulé toute la nuit. Comment ça se passe à Nice ?
21:28 - Vous imaginez, moi ça faisait 48 heures que je n'avais pas dormi,
21:32 que je n'étais pas lavé, que je n'étais pas rasé.
21:36 Donc je frappe à l'entrée du prioré,
21:39 et là il y a un abbé qui vient m'ouvrir,
21:42 comme je ne suis quand même pas tombé de la dernière pluie,
21:45 quand il a ouvert la porte, j'ai tout de suite mis mon pied dans l'entrebaillement,
21:49 parce que tout de suite il essayait de refermer la porte.
21:51 Bon, je l'ai bousculé, et je lui ai dit "bon, on vient chercher Paul Touvier".
21:56 - Et qu'est-ce qu'il vous dit alors à ce moment-là, l'abbé ?
21:59 - Et là il a eu ce regard, il a regardé en hauteur,
22:04 et là mes deux enquêteurs qui étaient avec moi, comprennent tout de suite,
22:08 ils se lancent dans les escaliers, moi je prends l'abbé par la soutane,
22:13 et je lui tire avec moi dans les escaliers,
22:16 et au bout d'un couloir, un grand couloir,
22:18 mes enquêteurs s'arrêtent, ne bougent plus.
22:21 Là je comprends, je lâche l'abbé, j'arrive,
22:24 et je trouve Paul Touvier en pyjama, la brosse à dents à la main,
22:28 et je dis à Touvier "bon, Paul Touvier, je vous arrête,
22:32 je suis porteur d'un mandat d'arrêt, vous êtes en état d'arrestation".
22:35 - Et à quoi il ressemble justement cet homme que vous avez devant vous, il est apeuré ?
22:39 - Ah oui, il est tétanisé, je vous dis, la brosse à dents à la main,
22:44 le pyjama un petit peu défait, il était vraiment tétanisé.
22:48 Il se ressaisit très vite, c'est un type qui a quand même de la personnalité,
22:52 il se ressaisit très vite, quand sa femme arrive avec les enfants,
22:56 c'est lui qui les calme, il leur intime l'ordre de se taire,
23:00 en disant "rentrez dans vos chambres", d'un air assez méchant,
23:04 parce que c'était un homme très autoritaire, donc voilà, un petit peu...
23:09 - Un mot, un mot rapidement, c'est qu'en fait, avec Jean-Louis Recordon,
23:15 il y a Philippe Maty et un autre gendarme qui s'appelle Carmona,
23:18 qu'on va voir sortir, il a une moustache qui tient une veste sur la tête de Touvier,
23:23 et Maty, quand il raconte l'histoire, me dit "c'était impressionnant,
23:27 il nous a pris pour des gens du Mossad, déguisés en gendarmes,
23:31 et on lui a dit "non, on est des gendarmes", il a cru qu'on venait le tuer,
23:34 qu'on était une équipe du Mossad qui venait le tuer, première chose.
23:37 Deuxième chose qu'il raconte très vite, Philippe Maty, il dit "le ciel était bleu,
23:41 la fenêtre était ouverte, le ciel de Nice était bleu,
23:45 et Touvier avait des yeux tellement bleus, que c'était le même bleu que celui du ciel,
23:50 et ça m'a frappé".
23:52 - Le juge va interroger 70 fois l'ancien milicien, lequel n'a pas dit son dernier mot.
23:57 Paul Touvier, le fugitif des sacristies, un homme entêté, capable de s'adonner à une discipline quotidienne,
24:03 une fidélité au maréchal Pétain qui garde toute sa verdeur.
24:07 L'enquête de l'heure du crime, dans le cabinet du juge, face à face à haut risque,
24:11 avec un manipulateur. C'est à suivre, dans un court instant, sur RTL.
24:15 L'heure du crime, Jean-Alphonse Richard, jusqu'à 15h30 sur RTL.
24:20 L'heure du crime, Jean-Alphonse Richard, jusqu'à 15h30 sur RTL.
24:25 - Vous êtes le chef, vous êtes l'organisateur, c'est vous qui avez transmis les instructions,
24:29 c'est pas les exécutants. Alors, qu'est-ce que vous faites là ?
24:34 - Je ne me rappelle pas.
24:35 - Quand vous dites que vous avez sauvé 23 personnes, comment peut-on vous croire ?
24:40 Et où étaient-ils ces 23 que vous avez sauvés ? Où étaient-ils ?
24:44 Au programme, aujourd'hui, de l'heure du crime, l'affaire Paul Touvier, après 45 ans de cavale,
24:48 l'ancien milicien poursuivi pour crime contre l'humanité est interpellé.
24:52 Au printemps 89, il se cachait dans un monastère. 48 heures plus tard, il est présenté au juge.
24:58 Vendredi 26 mai 89, Paul Touvier fait face au juge parisien Jean-Pierre Gétty.
25:03 L'ancien milicien conteste les accusations, il est inculpé de crime contre l'humanité et incarcéré.
25:09 Lors des 70 auditions avec le juge, Touvier se présente comme un simple exécutant,
25:15 un pâle fonctionnaire de la milice. Ce n'est pas lui qui prenait les décisions.
25:19 Le jour de l'exécution des 7 jeunes juifs, à Rieux-la-Pape, il affirme même avoir sauvé 23 personnes.
25:25 On lui en avait en effet demandé 30, seulement 30 otages pour le peloton d'exécution.
25:32 Il n'en a choisi que 7 parce qu'ils étaient juifs.
25:35 Face au magistrat instructeur, l'ancien collaborateur a réponse à tout.
25:40 Sa mémoire est phénoménale. Les preuves, les témoins, ils sont où ? répète-t-il en boucle.
25:45 Je n'avais rien, il a fallu tout réunir dans un temps très court.
25:49 Je n'étais absolument pas prêt, concède Jean-Pierre Gétty.
25:52 Touvier avait séjourné dans plusieurs monastères, il connaissait tous les cardinaux, archevêques.
25:58 La moindre de mes paroles aurait été jugée malheureuse, ajoute le juge.
26:04 Jeudi 11 juillet 91, après deux ans de détention, Paul Touvier est libéré.
26:09 Un an plus tard, la cour d'appel de Paris délivre en non-lieu.
26:12 Les juges estiment que la notion de crime contre l'humanité ne s'applique pas aux miliciens français.
26:18 Les associations de victimes et de parlementaires s'indignent.
26:22 Sept mois plus tard, la cour de cassation tranche.
26:25 Sur sept affaires, Paul Touvier ne pourrait être jugé que pour deux, dont les otages de Rieux-la-Pape.
26:31 Le juge Getty décrit Touvier comme un grand manipulateur.
26:34 Les psychiatres ne décèlent aucun trouble mental.
26:37 Ils le présentent comme un être entêté, capable de s'adonner à une discipline quotidienne, méticuleuse,
26:45 et dont la fidélité au maréchal Pétain a gardé toute sa verdeur.
26:50 Dominique Rizet, vous êtes avec nous dans cette Heure du Crime.
26:53 Vous connaissez parfaitement cette affaire, vous êtes journaliste, évidemment.
26:56 Vous avez mené à l'époque les investigations pour le journal François,
27:00 qui était le premier journal de France à l'époque, par son tirage.
27:04 Alors, c'est un manipulateur, il y a une dose de perversion intense chez Paul Touvier.
27:10 C'est comme ça que le décrit le juge Getty ?
27:13 Absolument, il le décrit comme ça, et puis c'est aussi un personnage qui est quand même assez charismatique,
27:18 parce qu'il a rassemblé autour de lui tout un groupe de personnes
27:24 qui auraient dû être un peu plus inquiétées qu'elles ne l'ont été.
27:27 Moi je vous rappelle qu'au moment où il est arrêté, il circule avec sa femme, Monique Berthet,
27:31 ses deux enfants, Pierre et Chantal, donc il y en a un qui va devenir avocat d'ailleurs,
27:35 pour essayer de défendre son fils. Ils font des études, alors qu'ils sont en cavale avec leur père.
27:40 Ils sont nés alors que leurs parents étaient en cavale, dans la clandestinité.
27:45 Et donc ils roulent dans une... alors, vous connaissez les voitures anciennes,
27:49 ils roulent dans une Citroën qui n'était vraiment pas belle, une Citroën GS.
27:54 - Il y en a quelques-unes, ah oui ! - Elle n'était pas belle.
27:57 Une Citroën GS bleue, immatriculée dans les Yvelines.
28:00 Moi je récupère assez vite, par mes potes gendarmes évidemment,
28:04 le nom du propriétaire de la voiture et je débarque dans les Yvelines,
28:09 vraiment deux jours après l'arrestation.
28:12 J'arrive dans un hôtel particulier à Versailles, magnifique, je rentre, je sonne,
28:17 je vois un type d'1m85, un vieux monsieur, avec une veste en tweed,
28:22 des pièces en cuir aux manches, et derrière lui il y a un portrait de Pétain.
28:26 Dans l'hôtel particulier, il y a un portrait de Pétain, je lui dis "Bonjour, je m'appelle Dominique Rizet,
28:30 je travaille à France Soir et je viens vous voir parce que
28:33 la GS bleue de monsieur Touvier est immatriculée à votre nom, ici, chez vous".
28:37 Il me regarde et il me montre la photo du maréchal, il dit "Monsieur, j'ai rien à vous dire,
28:42 en quoi ça vous concerne ? Vous ne savez... j'avais 30 ans,
28:45 je ne sais même pas de quoi vous parlez". Il me ferme la porte au nez.
28:48 - Et il n'a rien dit, mais il a tout dit finalement, parce que là, effectivement,
28:50 on s'aperçoit que Touvier, il a un gros réseau derrière lui.
28:53 - Ah bon ? - Alors, juste un mot là-dessus, parce que moi ça m'intrigue beaucoup dans cette histoire,
28:57 que je connais bien moins que vous, Dominique Rizet, ça m'intrigue beaucoup.
29:01 Pourquoi il a autant de relations, Touvier ? C'est un voyou, c'est un escroc,
29:06 c'est rien du tout, Touvier. Comment il arrive à ça ?
29:11 - C'est les milieux catholiques intégristes. Je vous rappelle qu'au moment de la fin de la guerre,
29:15 il est caché, je ne sais pas si c'est Charles Ducker qui l'a caché,
29:19 en tout cas c'est l'évêque de Lyon, ou une autorité, c'est Ducker,
29:23 donc qui le cache, il y a une planque sous le parquet,
29:28 il le planque sous le parquet, il referme la trappe, et il tire le tapis au-dessus.
29:33 Donc il échappe évidemment aux résistants qui viennent le chercher,
29:38 et c'est comme ça qu'il va s'enfuir. Donc c'est les milieux catholiques,
29:41 les milieux catholiques intégristes, qui ne répètent rien de ce qui se passe,
29:46 qui ont leur conviction nauséabonde pour ce qui concerne la guerre, les juifs,
29:53 et qui vont le protéger, qui vont se serrer les coudes.
29:56 Et ce n'est pas la seule fois dans l'histoire où on retrouve des gens cachés dans des abbayes.
30:00 À Bolbeck, les prêtres avaient caché un type de théâtre militaire,
30:05 et si Jean-Claude Romand vit encore aujourd'hui, l'ancien médecin, le faux médecin,
30:10 s'il vit encore quelque part, ça pourrait bien être dans un monastère.
30:13 - Romand, oui, vous parlez de... - Du pont de Ligonnès.
30:17 - Romand est dans un monastère, mais il a purgé sa bonne.
30:20 - Pardon, du pont de Ligonnès. Jean-Claude Romand est dans un monastère, à Fogonbaud, on peut le dire.
30:24 - C'est troublant ce que vous dites. - Mais du pont de Ligonnès, s'il vit encore...
30:27 - Tout à fait, et on l'a cherché d'ailleurs dans des monastères du pont de Ligonnès.
30:30 Jean-Louis Recordant, c'est vous qui avez mené toute cette enquête,
30:33 gendarme, lieutenant-colonel, chef de la section de recherche de Paris,
30:37 vous le connaissez bien, donc cet homme, cet ancien milicien,
30:42 il a réponse à toutes les questions, il n'y a pas le moins de détails qui lui échappent.
30:47 C'est difficile de l'interroger.
30:50 - Ah ben ça c'est clair, oui.
30:52 Touvier appliquait les méthodes du renseignement,
30:55 c'est-à-dire que tout était cloisonné.
30:57 Les gens ne savaient pas qui il était, d'ailleurs quand j'interrogeais les gens,
31:01 les gens disaient "c'est un monsieur qui a eu des malheurs pendant la guerre, etc."
31:05 "mais c'est une victime du système, etc."
31:08 Tous ces gens étaient donc des catholiques intégristes,
31:12 très marqués à droite pour ne pas venir à l'extrême droite.
31:15 D'ailleurs, à un moment donné, quand Touvier était arrêté,
31:19 Jean-Marie Le Pen a fait une déclaration, d'ailleurs que j'ai retrouvée,
31:24 s'indignant qu'on aille embêter un vieil homme comme ça, etc.
31:29 Donc si vous voulez, Touvier c'est un manipulateur, autoritaire, méchant homme.
31:35 5 ans après son arrestation, l'ex-milicien va être le premier français jugé
31:40 pour complicité de crime contre l'humanité.
31:43 Paul Touvier, le fugitif des sacristies, y avait-il des croix gammées dans vos valises ?
31:48 Pas tellement, c'était un amusement.
31:51 L'enquête de l'heure du crime, on se retrouve dans un instant sur RTL.
32:04 Retour aujourd'hui dans l'heure du crime sur l'affaire Paul Touvier.
32:07 Il a fallu 45 ans pour mettre la main sur cet ancien milicien et collabo
32:11 accusé de crime contre l'humanité, arrêté au printemps 89.
32:15 5 ans de plus pour le traduire devant une cour d'assises.
32:19 Jeudi 17 mars 1994, Paul Touvier, qui s'apprête à fêter ses 79 ans,
32:25 comparaît devant la cour d'assises des Yvelines, Versailles,
32:28 cheveux blancs lissés, veste verte, chemise rouge.
32:32 Il affiche des traits fatigués dans le box aux vitres blindées,
32:35 spécialement aménagé pour lui.
32:37 Son avocat, Jacques Trémolet de Villers, conteste des charges illégales.
32:41 Il rejette la notion de crime contre l'humanité.
32:44 On lui applique le statut de Nuremberg, comme aux dignitaires nazis.
32:48 Vous vous rendez compte ?
32:49 Touvier comme Goering, dit l'avocat.
32:52 Au fil des journées, Touvier ne bouge pas.
32:54 Comme un poisson immobile dans son bocal, écrit le journal Le Monde.
32:58 Longtemps silencieux, il raconte.
33:00 Enfin, dans le détail, l'exécution des sept otages juifs.
33:03 Il ne s'arrête plus.
33:05 Il n'en met aucune seconde de la tragédie.
33:07 Il se souvient de tout.
33:08 Il assure qu'il n'a fait que répondre aux ordres.
33:10 Il se présente comme un bouc émissaire.
33:12 Ses avocats demandent à la justice d'oublier une bonne fois pour toutes ce vieillard malade.
33:18 Mercredi 30 mars, coup de théâtre.
33:21 Le président fait la lecture d'un cahier vert.
33:23 C'est le journal tenu par Paul Touvier pendant ses 45 ans de cavale.
33:27 On y trouve des annotations, des commentaires à propos d'hommes politiques et de figures de la télé ou bien du showbiz.
33:33 Les mêmes mots reviennent.
33:35 Ordure juive.
33:36 Sinistre commerçant juif.
33:38 Cinéma juif.
33:40 « C'est bien votre écriture ? » demande le président à l'accusé.
33:43 « Oui, mais c'était un amusement », répond-il.
33:46 On lui fait remarquer que pendant toutes ces années, il a conservé dans ses affaires des décorations nazies.
33:51 « Y'avait-il des croix gammées dans vos valises ? » demande le président.
33:55 « Pas tellement », réplique l'ancien militien.
33:58 Après cinq semaines de procès, Paul Touvier est condamné à la perpétuité.
34:02 Premier Français condamné pour crime contre l'humanité.
34:06 Et dans cette heure du crime, on retrouve l'un de nos invités, c'est Jean-Louis Recordon.
34:11 A l'époque, chef de la section de recherche de la gendarmerie de Paris.
34:16 Vous étiez lieutenant-colonel comme grade à cette époque.
34:19 Jean-Louis Recordon, je rappelle que c'est vous et sous votre impulsion que vos hommes ont arrêté Paul Touvier.
34:24 Au terme d'une traque incroyable dans un réseau de monastères et d'abbayes.
34:29 Vous y êtes à ce procès, Jean-Louis Recordon.
34:32 Comment est-ce qu'il est, Paul Touvier, justement, à ce procès, dans son box vitré ?
34:37 - Ah ben, il est hautain !
34:39 Il est hautain, c'est-à-dire qu'il va essayer de minimiser.
34:43 Alors, quand on va lui exhiber les documents dans lesquels il avait écrit,
34:49 les commentaires sur Anne Sinclair, les commentaires sur Elisabeth Badinter, etc., etc.,
34:56 les traitants de sacs juifs, il faut voir les choses qu'il avait écrites.
35:02 Tout au long, il avait des tas de cahiers, il écrivait tout.
35:06 C'était un type extrêmement minutieux.
35:09 Donc, au tribunal, il était raide comme un piqué, mais s'il voulait, il a toujours minimisé.
35:17 Ce n'était pas vrai, etc., etc.
35:20 Donc, non, ça là-dessus, c'est un type qui a une attitude...
35:25 Il ne regrettait rien.
35:27 - C'est ça, c'est ce que j'allais vous dire, c'est qu'il ne regrettait rien.
35:30 Ça, c'est incroyable avec Touvier.
35:33 - Il ne regrettait rien.
35:35 D'ailleurs, vous savez, le jour où on a quitté Nice,
35:39 au moment où on a quitté Nice pour l'emmener dans l'avion, à l'aéroport,
35:44 les journalistes, je vous le dis, il y avait une nuée de journalistes.
35:48 Il y a un journaliste qui lui a dit "Monsieur Touvier, etc., regrettez-vous, etc."
35:52 Et Touvier a répondu "Non, je ne regrette rien."
35:57 Voilà, c'était sa phrase qu'il a crachée devant tous les journalistes.
36:03 - Dominique Rizet, c'est étonnant ce que dit Jean-Louis Recordon.
36:06 Encore une fois, vous le connaissez bien, vous avez travaillé à l'époque sur toutes ces affaires.
36:11 Cet homme, il est à la fois dans le non-regret,
36:16 il n'y a pas moyen d'obtenir la moindre excuse, ça serait encore beaucoup trop.
36:21 Mais il y a quelque chose d'étonnant, c'est sa mémoire des faits.
36:25 Dès qu'on lui parle de quelque chose de très concret.
36:27 Je parlais à ce procès, il paraît que ça a été frappant, j'y étais pas.
36:30 Mais ça a été frappant, l'exécution des sept otages juifs.
36:34 Il connaît tout, seconde par seconde, ce qui s'est passé.
36:36 - Il raconte absolument tout dans le détail.
36:38 Mais c'est aussi un homme qui a vécu en cavale, qui a vécu toute sa vie en cavale,
36:42 avec ses petits carnets dans lesquels il écrivait tout, précautionneusement,
36:47 pour ne rien oublier, des carnets qu'il a dû certainement parfois relire, parcourir.
36:53 Imaginez le nombre de centaines de milliers d'heures qu'il a passées enfermés dans des monastères,
36:58 dans sa chambre, sa femme était dans une autre chambre, ils n'y dormaient pas, ils n'étaient pas ensemble.
37:03 Les enfants, donc, a noté tout ce dont il fallait qu'ils se souviennent,
37:08 tout ce dont ils voulaient se souvenir, parce que surtout ils ne voulaient pas l'oublier.
37:12 Et puis, pour ce qui est des regrets, vous savez, il y a des avocats qui disent,
37:16 et vous le savez encore mieux que moi, Jean-Alphonse,
37:18 qui disent à leurs clients, vous savez, regretter ou non, ça ne changera rien.
37:22 Donc, si vous voulez le dire pour le principe,
37:27 mais moi, avocat, je ne vous demanderai pas de regretter, la peine, elle sera la peine.
37:33 - Et il est rompu à la chose policière, c'est ce que dit Jean-Louis Recordon,
37:38 parce que lorsqu'il faisait lui-même ses interrogatoires, parce qu'il en a fait,
37:42 parce que lui-même il procédait à ses arrestations, etc.,
37:46 il avait l'habitude de savoir comment on se comporte en garde à vue, entre guillemets,
37:52 parce qu'à l'époque, ce n'était pas le même genre de garde à vue.
37:54 - Évidemment, il savait poser les questions, il savait y revenir,
37:57 il savait ressortir de la pièce, revenir pour reposer les mêmes questions,
38:02 jusqu'à épuisement, jusqu'à ce que des personnes lui disent,
38:05 "mais oui, si vous voulez, je vais vous le dire", vous voyez ?
38:08 - Donc, on ne le lui fait pas.
38:10 - Exactement, on ne peut pas le faire à lui.
38:12 Il savait exactement, quand on lui posait une question, par où on essayait de l'approcher,
38:16 et encore une fois, il ne regrettait rien.
38:20 - À l'époque, pas d'appel possible, c'est en prison que le militien va finir ses jours.
38:25 Paul Touvier, le fugitif des sacristies,
38:28 pour les 30 ans de la condamnation de chef Paul, ses archives dévoilées.
38:33 Je vous retrouve tout de suite sur RTL.
38:35 - Dans l'heure du crime, nous revenons aujourd'hui sur l'affaire Paul Touvier,
38:47 une traque longue de 45 ans pour retrouver en 89 ce chef de milice.
38:52 Accusé de crime contre l'humanité pendant la guerre,
38:55 condamné à la perpétuité en 94, il s'éteint deux ans plus tard.
38:59 Mercredi 17 juillet 1996, en fin de matinée,
39:03 Paul Touvier, 81 ans, s'éteint à la prison hôpitale de Frennes,
39:07 foudroyé par un cancer de la prostate.
39:10 Le président de la République avait refusé à deux reprises la grâce médicale.
39:14 Une semaine plus tard, une messe est célébrée en sa mémoire à Paris,
39:18 à l'église traditionnaliste de Saint Nicolas du Chardonnay.
39:22 Vendredi 19 avril 2024, le ministre de la Justice annonce par anticipation
39:29 l'ouverture des archives du procès Paul Touvier
39:32 à l'occasion du 30e anniversaire de la condamnation de chef Paul.
39:37 Chef Paul, c'était son surnom dans la milice.
39:42 Je n'ai jamais tué personne.
39:44 Je n'ai jamais fait tuer personne.
39:47 Vous comprenez bien ce que je veux dire.
39:49 Je n'ai jamais donné l'ordre de tuer quelqu'un.
39:51 Je n'ai jamais torturé personne.
39:53 On me dit qu'on a trouvé un témoin que j'ai torturé de mes mains, qu'on l'a même.
39:58 C'est la voix glaçante, vous l'aurez connu, de Paul Touvier.
40:03 C'est une voix qui est presque destinée au scalpel.
40:06 On a l'impression que ces mots, ils sont précis, ils sont durs, ils sont directs.
40:09 Et ils ne lâchent rien.
40:11 Vous avez décrit tout à l'heure, Dominique Rizet, vous êtes l'un de nos invités aujourd'hui dans la Ducrie,
40:14 vous avez décrit tout à l'heure ce regard bleu, acier, de Paul Touvier sur toutes les photos.
40:18 Il est très impressionnant.
40:20 Et puis il y a cette voix mécanique et froide.
40:22 Cette voix, c'était sur RTL le 19 décembre 1972.
40:26 Il était alors en semi-caval, plus ou moins gracié par le président de la République.
40:31 Il croyait que finalement, il allait pouvoir s'en sortir à ce moment-là.
40:35 Dominique Rizet.
40:36 Vous vous souvenez de ce qu'avait dit Charles de Gaulle, le général de Gaulle ?
40:40 Mais vous allez le dire, je connais la...
40:41 Touvier, douze balles dans la peau.
40:43 Voilà.
40:44 C'est ce que disait de Gaulle à propos de cet homme-là,
40:48 à propos d'un homme qui avait collaboré avec l'ennemi, qui a fait souffrir.
40:52 Rien ne l'obligeait à faire ça.
40:54 Rien ne l'obligeait à faire ça, à aller chercher ces gamins juifs, ces sept juifs,
40:59 les faire coller au mur et les faire fusiller.
41:02 Rien ne l'obligeait à faire ça.
41:04 Donc, s'il l'a fait, c'est qu'il en avait envie.
41:06 Il y a peut-être même pris du plaisir.
41:08 C'est une brute épaisse, mais c'est une mécanique intelligente.
41:11 Presque raffiné.
41:12 Il est presque raffiné dans ses exécutions, etc.
41:16 Bien sûr.
41:17 Et puis dans la recherche, dans la recherche de ceux qu'il a fait fusiller,
41:21 parce que s'il nous en raconte sept, s'il en reconnaît sept,
41:24 pensez bien que c'est trente, quarante, cinquante,
41:27 pensez qu'il n'a jamais assisté, Touvier, à une scène de torture,
41:30 dans les caves de Lyon,
41:32 là où la Gestapo cassait les doigts, arrachait les ongles,
41:35 bien sûr qu'il a vu ça.
41:37 Bien sûr qu'il l'a vu, et bien sûr qu'il était là.
41:39 Il allait même chercher les gens qu'on livrait,
41:41 et pas seulement des juifs, sûrement d'autres aussi,
41:44 des communistes, des résistants.
41:46 Donc c'est vraiment ce genre de personnes qu'il a fallu retrouver.
41:49 Et c'est le boulot du juge, des juges,
41:52 Gétty et puis avant lui, comment s'appelait-il, Grellier,
41:57 est important, le boulot des gendarmes aussi,
41:59 parce qu'on est en 89,
42:01 il y a une actualité internationale,
42:03 en 91, moi je vais partir avec Beate Klarsfeld en Syrie,
42:07 chercher Aloïs Brunner, le dernier criminel nazi,
42:10 on est deux ans plus tard, et il faut y aller,
42:12 parce que ces gens-là commencent à prendre 70 ans,
42:15 et vont mourir. - Bien sûr, et on a oublié presque ça aujourd'hui.
42:18 Mais ce sont des années où il y a une track intense,
42:20 Barbie, etc,
42:22 Paul Touvier, on track effectivement les anciens collabos,
42:25 il y a quelque chose d'important dans cette histoire de mini-crise,
42:27 c'est que là, ça restera une date,
42:30 de toute façon c'est le premier français condamné pour
42:33 complicité de crime, on n'a pas trouvé le crime directement,
42:36 mais complicité de crime contre l'humanité,
42:38 depuis on sait qu'on peut poursuivre des français,
42:41 à l'époque c'était pas évident. - Bien sûr,
42:42 le crime contre l'humanité, c'est le crime imprescriptible,
42:46 et c'est tant mieux,
42:49 et oui, c'était le premier français condamné
42:52 pour complicité de crime contre l'humanité,
42:55 et il le méritait bien.
42:57 - Si on n'avait pas suivi la piste religieuse,
43:00 encore une fois, les gendarmes ont bien travaillé,
43:02 il faut leur tirer notre képi, comme on dit,
43:05 ils ont bien travaillé, si on n'avait pas suivi cette piste religieuse,
43:08 on peut croire qu'il serait mort tout simplement de sa belle mort dans un couvent,
43:12 Touvier. - Il serait mort dans un couvent,
43:14 il voyageait dans cette voiture avec sa femme, avec ses enfants,
43:17 il avait un endroit pour dormir le soir,
43:21 on l'alertait quand ça bougeait un petit peu autour de lui,
43:24 il avait des alertes,
43:27 il y a des gens qui savaient, mais c'est pas trois personnes...
43:30 - Il y avait des guetteurs en quelque sorte ? - Bien sûr,
43:32 quand les gendarmes le ratent à Meysières-en-Brienne,
43:35 il a été prévenu, il a eu une chute,
43:38 donc il est parti dans la nuit, il faut l'imaginer quand même,
43:41 Paul Touvier, encore une fois, dans sa GS, avec sa femme,
43:44 ses deux gamins, qui ont quand même 25-30 ans à ce moment-là,
43:49 imaginez-les partir le soir de Meysières-en-Brienne,
43:52 vous allez où ? Allez à Nice, on vous attend à Nice.
43:55 La voiture est cachée, eux ont leur chambre,
43:58 on leur donne à manger, on les héberge, personne ne dit qu'ils sont là,
44:01 on les cache... - Et puis, il y a quelque chose d'étonnant,
44:04 c'est que c'est sans doute la plus longue des cavales,
44:07 la cavale criminelle, je pense que c'est la plus longue...
44:10 - 45 ans. - Même Dupont-Ligonnès,
44:13 il n'est pas arrivé à ce niveau-là. - Non.
44:15 - Donc 45 ans, pour ça il faut beaucoup d'argent,
44:18 on le dit toujours dans les cavales, il faut beaucoup d'argent,
44:19 lui il reçoit de l'argent, tous les mois, il est financé, il ne travaille pas,
44:22 vous l'oubliez évidemment. - Il reçoit de l'argent,
44:24 et l'argent arrive à Meysières-en-Brienne, et cette histoire dont vous parliez tout à l'heure
44:27 du papier dans le canard enchaîné, c'est intéressant parce qu'il n'est pas arrivé
44:31 par hasard ce papier dans le canard enchaîné, je ne sais pas si nos amis
44:34 du canard l'ont su à l'époque, mais en tout cas,
44:38 l'idée c'était de donner l'info au canard, pour que le canard la publie,
44:42 mais bien évidemment, ce que les gendarmes avaient fait, c'est qu'ils avaient mis
44:45 des onzons, des écoutes téléphoniques partout,
44:48 pour voir si ça allait bouger après, et oui ça a bougé,
44:51 du côté de Monseigneur Lefèvre, ça a bougé, et ça a permis aux gendarmes
44:55 de voir qu'effectivement, ils étaient sur la bonne piste,
44:58 grâce aux écoutes téléphoniques, et grâce à ce papier dans le canard enchaîné.
45:01 - C'est un piège classique, effectivement, au moment où les gens se re-écoutent,
45:04 ils commencent à parler parce que ça s'affole, et c'est ce qui s'est passé
45:07 pour Touvier, alors un mot encore,
45:11 on parlait de Xavier Dupont de Ligonnès, ça nous fascine toujours,
45:15 cette histoire, Xavier Dupont de Ligonnès, et effectivement,
45:18 là, la piste des abbayes, des monastères,
45:21 elle a été encore creusée, et les, d'ailleurs,
45:24 les enquêteurs se sont référés à cette histoire Touvier,
45:28 ils ont regardé le dossier de Touvier qui vient un petit peu en miroir
45:31 de Dupont de Ligonnès, c'est exact ? - Oui, c'est exact,
45:34 c'est exact parce que ces gens-là sont
45:38 habités par la foi, une foi ultra,
45:41 une foi catholique ultra, et ils savent
45:44 qu'ils peuvent avoir, ils peuvent compter sur des personnes
45:47 qui ne les jugeront pas, qui les hébergeront,
45:50 qui leur demanderont de se réfugier dans la prière,
45:54 vous savez, tous ces gens-là,
45:58 on parlait de Jean-Claude Romand juste avant, dans sa cellule de la centrale de Saint-Mort,
46:02 il n'avait pas de photo de sa femme qu'il avait tuée, de ses enfants qu'il avait tués,
46:06 de ses parents qu'il avait tués, il avait des photos de Dieu,
46:09 il avait des photos religieuses. - C'est ça,
46:12 exactement sans doute d'ailleurs comme Touvier.
46:15 Jean-Louis Recordon, je termine cette émission avec vous,
46:18 c'est vous qui avez mené toute cette enquête à l'époque, enquête qui a marqué
46:21 profondément votre carrière. - Bien sûr que ça marque
46:24 la carrière, ça marque la vie d'un homme,
46:27 mais n'oubliez pas qu'une affaire chasse l'autre.
46:30 Vous savez, j'ai fait ce métier d'enquêteur
46:33 pendant plus de 30 ans, avec des salopards
46:36 de tous accabis, des gens qui m'ont
46:39 insulté, des gens qui m'ont menacé, etc.
46:42 Je disais toujours à mes enquêteurs,
46:45 on travaille sans haine
46:48 et sans passion, mais avec
46:51 détermination. - Merci beaucoup
46:54 Jean-Louis Recordon et Dominique Rizet d'avoir été aujourd'hui les invités
46:57 de l'Ordre du Crime. Merci à l'équipe de l'émission, rédactrice en chef
47:00 Justine Vignault, préparation Marie Beaussart, Marie-Lou Goyer,
47:03 réalisation Jonathan Griveaux.
47:06 Jean-Alphonse Richard sur RTL.

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