Avec Jean-Claude Romand, la question ne s'est jamais posée de savoir s'il était un meurtrier. En janvier 1993, il avait rapidement avoué avoir tué son épouse, ses deux jeunes enfants, puis ses parents et leur chien. Pour les enquêteurs, le mystère était tout autre. Il s'agissait de savoir pourquoi cet homme au regard timide, presque effacé, bon époux et gendre idéal, avait massacré tous ceux qu'il était censé aimé. Mais a t-on pour autant percé ses secrets ?
Retrouvez tous les jours en podcast le décryptage d'un faits divers, d'un crime ou d'une énigme judiciaire par Jean-Alphonse Richard, entouré de spécialistes, et de témoins d'affaires criminelles.
Regardez L'heure du Crime avec Jean-Alphonse Richard du 04 novembre 2024.
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00:0014h15, c'est l'heure du crime sur RTL, avec Jean-Alphonse Richard.
00:06Drame dans l'Ain, près de Genève, un médecin devenu fou tue ses parents, sa femme et ses deux enfants.
00:12Pourquoi un tel geste ? Jean-Claude Roman, c'est le nom de ce médecin,
00:15travaillait, disait-il, auprès de l'Organisation Mondiale de la Santé.
00:18En fait, il avait une double vie.
00:22Bonjour, avec Jean-Claude Roman.
00:24La question ne s'est jamais posée de savoir s'il était un meurtrier.
00:28En janvier 1993, il avouait rapidement avoir tué son épouse, ses deux jeunes enfants, ses parents et leur chien.
00:36Mais pour les enquêteurs, le mystère était rapidement tout autre.
00:39Il s'agissait de savoir pourquoi cet homme, au regard timide, presque effacé,
00:44bon époux et gendre idéale, avait massacré tous ceux qu'il était censé aimer.
00:49Les juges, les psychiatres vont essayer d'entrer dans la tête de ce criminel
00:53dont la vie n'aura été qu'un éternel mensonge.
00:56Faux étudiant, faux médecin de l'OMS à Genève, faux chercheur scientifique, faux mari fidèle.
01:02Quand ce monde d'illusions s'est écroulé, il a décidé de tuer tout le monde pour éviter de rendre des comptes.
01:08Roman a aujourd'hui payé sa dette, il est libre, redevenu un citoyen anonyme dans une petite ville du Berry.
01:15Mais a-t-on pour autant percé ses secrets ?
01:18Qu'a raconté ces dernières années le faux médecin à ses rares visiteurs ?
01:22Nous allons essayer de le savoir avec nos invités qui l'ont approché au plus près.
01:27Jean-Claude Roman, les confidences d'un fantôme.
01:31Moi, je pense qu'on ne tue pas son père et sa mère, d'abord en tant que chrétien, puis comme être humain.
01:37C'est le deuxième commandement de Dieu.
01:39L'enquête de l'heure du crime, la seule émission radio 100% fait divers, à tout de suite sur RTL.
01:5314h15, Jean-Alphonse Richard sur RTL.
01:57L'heure du crime.
01:59Dans l'heure du crime aujourd'hui, cette question, qui êtes-vous Jean-Claude Roman ?
02:03A l'hiver 1993, le nom de ce médecin français de l'OMS à Genève, père de famille respectable,
02:09apparaît derrière un quintuple assassinat, une famille décimée.
02:13Mais que cache donc cette tragédie ?
02:17Lundi 11 janvier 1993, 4h14 du matin,
02:22les pompiers fracturent une porte-fenêtre pour pénétrer dans une grosse maison
02:27où un feu s'est déclaré à Preuve Saint-Moin dans l'Ain, tout près de la frontière suisse.
02:32L'incendie a pris dans l'escalier.
02:35Dans l'habitation, les portes sont fermées à double tour, il faut briser les serrures.
02:39Dans une chambre, un couple inerte, il s'agit des propriétaires.
02:43Le mari, Jean-Claude Roman, 38 ans, médecin et somnolent, mais vivant.
02:47L'épouse, Florence, 37 ans, est morte après avoir reçu des coups à la tête.
02:52Dans une autre chambre, les enfants du couple, Caroline, 7 ans, Antoine, 5 ans,
02:57gisent partiellement carbonisés sur leur lit, abattus de plusieurs balles dans le dos.
03:02Pour Caroline, le meurtrier a visé le cœur.
03:05Quelques heures plus tard, à 120 km de là,
03:08les corps d'Aimé et Anne-Marie Roman, les parents de Jean-Claude, sont retrouvés,
03:13tués par balles, tout comme le chien de la maison.
03:17Jean-Claude Roman est hospitalisé.
03:19Il aurait tenté de se suicider avec des barbituriques périmées.
03:23Il n'en demeure pas moins le suspect numéro 1.
03:25Les enquêteurs ont appris que, deux jours avant les crimes,
03:29Roman avait tenté de tuer Chantal, une amie proche.
03:32Il avait emmené à Fontainebleau sous prétexte d'un dîner chez son ami Bernard Kouchner.
03:38Un mensonge.
03:39Elle l'avait supplié de ne pas la tuer.
03:41Il s'était excusé en confiant qu'il souffrait dans l'infôme qui lui ferait perdre la raison.
03:47Un mensonge qui en cache bien d'autres.
03:50Il apparaît que Roman, contrairement à ce qu'il racontait, n'a jamais été médecin
03:54ou encore chercheur à l'Organisation Mondiale de la Santé, à l'OMS, à Genève,
03:58où il se rendait pourtant chaque matin.
04:01En fait, il n'a jamais travaillé et n'est pas allé au bout de ses études de médecine depuis des années.
04:08Il profitait de l'argent emprunté à ses parents et à sa belle-famille.
04:12Il disait placer ses sommes en Suisse.
04:14Il les dépensait.
04:15Chantal, la femme qu'il voulait tuer, lui réclamait ainsi la restitution de 900 000 francs.
04:21Au moment des crimes, le faux docteur Roman était acculé, grevé de dettes, au pied du mur.
04:28Lundi 18 janvier, une semaine après la série de crimes,
04:31Jean-Claude Roman est entendu sur son lit d'hôpital.
04:34Il nie avoir tué sa famille et parle d'un mystérieux homme en noir.
04:39À propos de son ami, Chantal, il évoque une simple querelle d'ordre amoureux.
04:44Il ignorait que ses parents avaient été assassinés.
04:47Quand même, quand même, dit-il, on ne tue pas son père et sa mère d'abord en tant que chrétien,
04:53puis comme être humain, c'est le deuxième commandement de Dieu.
04:57Quatre jours plus tard, Roman avoue, le samedi 9 janvier, entre 8 et 9 heures du matin,
05:03il a d'abord fracassé le crâne de son épouse à coups de rouleaux de pâtisserie.
05:06Elle dormait.
05:07Il a ensuite tué les enfants avec sa carabine 22 Long Rifle.
05:11Il avait acheté les munitions à Lyon.
05:13Ensuite, il s'est rendu chez ses parents à Clairvaux-les-Lacs.
05:16Il les a abattus.
05:17Roman reconnaît qu'il n'est pas médecin à l'OMS.
05:20Depuis des années, il passe ses journées de travail sur des parkings,
05:24à Lire ou à se promener à Lyon.
05:27Il fréquente des salons de massage, des sex-shop.
05:30Mes journées étaient bien occupées, dit-il.
05:32Il ne sait pas pourquoi il a commis ces crimes.
05:35Après, il a voulu se suicider.
05:37J'avais envie de mourir.
05:39Je voulais rejoindre les miens.
05:41Et voici donc les premières pages du mystère Jean-Claude Roman,
05:45un homme rattrapé, consumé, dévoré par sa double vie.
05:48C'est comme cela qu'il apparaît très vite aux policiers
05:51et aux juges d'instruction de Bourg-en-Bresse,
05:53Christophe Barré, qui va le mettre en examen.
05:56Mais les investigations, évidemment, ne font que démarrer.
06:00Bonjour, Dominique Verdeyan.
06:02Bonjour, Alphonse Richard.
06:04Merci infiniment d'être avec nous au Téléphone de l'heure du crime.
06:07Alors, Dominique Verdeyan, vous êtes journaliste, chroniqueur, judiciaire.
06:11Vous avez très longtemps travaillé à France 2.
06:14Vous êtes auteur du livre « Les magistrats sur le divan »
06:17publié aux éditions Litos.
06:19Alors, vous connaissez très bien cette affaire.
06:22Vous l'avez suivie presque de A à Z jusqu'au procès.
06:24On va en parler, évidemment.
06:26Dominique Verdeyan, alors les crimes ne font pas doute.
06:29Il y a évidemment...
06:31Ensuite, il y a ce simulacre de suicide.
06:34Est-ce qu'il a tué tout le monde, cet homme ?
06:36Pourquoi ? Il était pris au piège, c'est ça ?
06:38C'est la question un peu centrale, déjà, d'entrée, qui se pose.
06:42Oui, comme vous dites, ce sont des vrais crimes et c'est un faux suicide.
06:46Et puis, c'est surtout des années, 18 ans de mensonges.
06:51Et c'est une existence de vide, parce que cet homme ne faisait rien.
06:56Et vous venez d'évoquer Christophe Barret, le juge d'instruction de l'affaire.
07:01Je l'avais rencontré pour le livre que vous avez cité, « Les magistrats sur le divan ».
07:05Il était évidemment très marqué par sa rencontre avec Jean-Claude Romand.
07:09Et il m'avait raconté cette anecdote, c'est que quand il est allé dans la maison
07:14où ont eu lieu les crimes, pour une perquisition,
07:18ils se sont à un moment dirigés vers la cuisine.
07:21Et dans la cuisine, où il y avait encore presque les assiettes, les tasses, etc.,
07:27il y avait un post-it.
07:29C'était écrit « Papa, je t'aime ».
07:31Et c'était de la main de Caroline, l'une des filles, une victime de Jean-Claude Romand.
07:36Et Christophe Barret me dit « J'ai entendu un grand boum, un homme s'est écoulé. »
07:41En fait, c'était le gendarme de l'escorte.
07:43En revanche, Jean-Claude Romand, à ses côtés, lui a dit, en le regardant,
07:48« Vous ne pensez pas que Caroline aurait pu soigner son écriture. »
07:52Voilà, ça définit ce personnage qui est totalement insaisissable.
07:56Oui, mais l'anecdote, elle est saisissante et elle est d'une froideur.
08:00Elle est glaçante, cette anecdote que vous racontez.
08:02Dominique Verdaille, encore une question.
08:04Il a du mal à exprimer un mobile pour ses crimes.
08:07C'est difficile pour lui, il ne sait pas trop ?
08:09Ou bien est-ce qu'il ment encore, à nouveau ?
08:13Si vous demandez au beau-frère de Jean-Claude Romand,
08:17ils vous diront qu'il ment tout le temps.
08:21Et peut-être qu'il a menti jusqu'à sa détention et sa libération.
08:27On y reviendra peut-être tout à l'heure avec Véronique Soucet.
08:29Oui, c'est un homme qui n'assume pas.
08:32Encore une fois, Christophe Barré m'avait dit
08:37que celui qui est apparu à son procès, à la Banque anglaise,
08:42n'avait rien à voir avec celui que j'ai connu
08:46et que dépeignait son entourage.
08:50C'est un homme qui semblait totalement fragile,
08:53impossible de faire des phrases, il fallait lui arracher le mot.
08:57On s'est dit, mais comment ce type a pu mentir
09:00et berner autant de monde pendant des années ?
09:03Encore une fois, je le dis, c'est une énigme.
09:05Et c'est une question qui va effectivement perdurer dans le temps
09:08parce que cet homme, effectivement, il sait parler, il sait s'exprimer,
09:11il est même extrêmement intelligent.
09:13Bonjour Véronique Soucet.
09:14Bonjour.
09:15Merci infiniment d'être avec nous aujourd'hui dans le studio de l'Heure du crime.
09:19Vous êtes directrice de prison, actuellement votre poste,
09:22vous êtes directrice interrégionale des services pénitentiaires à Strasbourg.
09:26Et vous êtes auteur de ce livre, dans la tête de JCR,
09:29publié aux éditions du Cherche-Midi.
09:32JCR, on a compris que derrière ses initiales, c'était évidemment Jean-Claude Romand.
09:36Vous l'avez suivi en prison, lorsqu'il était à Saint-Maur.
09:39Vous avez beaucoup à parler avec lui,
09:41vous avez participé notamment à sa remise en liberté.
09:45On va en parler évidemment dans un instant, Véronique Soucet.
09:48Mais une question pour vous tout de suite.
09:50Il y a quelque chose d'extraordinaire dans cette affaire
09:52et qui fait sans doute que ça a été au cœur même de cet incroyable fait divers,
09:59si on peut l'appeler comme ça, ou fait de société même.
10:01C'est que pendant des années, devant ses proches, sa femme, ses enfants,
10:05ses parents, ses amis, ses beaux-parents, etc.,
10:09il a été quelqu'un d'autre.
10:12Et oui, c'est ce qui fait la singularité et son mystère aussi.
10:17Évidemment, personne ne le soupçonne.
10:20Tous se laissent duper parce qu'il est inconcevable d'imaginer autre chose.
10:26Il est bienveillant, il est calme, il est posé, bon père, bon mari.
10:31Il inspire confiance.
10:33Et il n'y a aucun incident qui va venir interrompre ces mensonges.
10:38Tous s'ordonnant sans accrocs
10:41et on pourrait dire dans une sorte de dynamique de l'échec et la tragédie annoncée.
10:49C'est ça qui est étonnant.
10:51Est-ce qu'il a tout prévu, tout écrit ?
10:54Ou bien cela, c'est quelque chose d'instinctif chez lui, le mensonge ?
10:57C'est un peu particulier cette mécanique.
10:59On a l'impression qu'il a tout prévu presque.
11:03Sauf l'issue fatale.
11:05Cette expertise tout de même au dossier,
11:09je pense que sans doute c'était plus complexe que la mythomanie.
11:13Le mythomane joue un personnage et il sait qu'il le joue.
11:17La question que se sont posées les experts
11:20et qui a été aussi une question lancinante,
11:23c'est n'avait-il pas fini par croire lui-même à son personnage ?
11:26Et c'est ça aussi qui rend la compréhension et la complexité de cet homme et de cette affaire.
11:34Et certainement aussi la tragédie
11:38parce qu'on peut écrire sur Jean-Claude Romand
11:41et aussi penser aux victimes et au parti civil.
11:44Les investigations se poursuivent.
11:46Les psys vont se pencher sur son cas.
11:49Jean-Claude Romand, les confidences d'un fantôme,
11:51on ne saura pas la totale vérité.
11:53Elle ne sortira pas de sa bouche, l'enquête de l'heure du crime.
11:56On se retrouve dans un instant sur RTL.
11:5914h15, c'est l'heure du crime sur RTL.
12:03Avec Jean-Alphonse Richard.
12:0614h15, Jean-Alphonse Richard sur RTL.
12:10L'heure du crime.
12:12L'heure du crime consacrée aujourd'hui au secret de Jean-Claude Romand.
12:15En 1993, cet homme discret que tout le monde croyait médecin à l'OMS
12:19a tué sa femme, ses deux enfants, ses parents.
12:22Il n'aurait pas supporté d'être démasqué.
12:24L'enquête cherche à connaître ses motivations.
12:27Procès en vue.
12:29Mardi 15 février 1994, un an après les crimes,
12:33une première expertise psychiatrique de Jean-Claude Romand est remise au juge.
12:37L'individu ne présente pas d'anomalie mentale.
12:40Il est sans doute curable, réadaptable,
12:43mais difficilement car sa mythomanie est une gêne, est-il écrit.
12:46Sept experts vont examiner le faux médecin.
12:49Un rapport explique que Romand s'est créé un double.
12:53Un personnage grandiose qui l'a soutenu dans sa fuite,
12:56un avant perpétuel pendant des années,
12:59jusqu'à essayer d'effacer sa propre histoire.
13:02Lors de l'enquête, le suspect avait évoqué son premier mensonge,
13:06ses études bidons de médecine.
13:08C'est là que l'imposture a commencé,
13:10je ne pensais pas qu'elle allait m'entraîner si loin, dit-il.
13:13Romand indique à plusieurs reprises, sans remettre à Dieu,
13:16il paraît avoir trouvé une certaine rédaction mystique
13:20qui l'aide à assumer sa culpabilité, écrit un médecin.
13:24Mardi 25 juin 1996,
13:273 ans et 5 mois après le quintuple meurtre,
13:30Jean-Claude Romand, 42 ans, visage pâle,
13:33crâne dégarni, yeux ronds, derrière ses grosses lunettes,
13:36comparaît devant la cour d'assises de Lens, à Bourg-en-Bresse.
13:39Quand il évoque son parcours, il semble parler d'un autre.
13:42La présidente dit qu'il représente le déséquilibre incarné.
13:45Il répond,
13:46Ce qui est dramatique, c'est que j'ai réussi à masquer ce déséquilibre
13:50par un faux équilibre qui a trompé tout le monde, moi le premier.
13:55L'accusé reconnaît que s'il avait dit la vérité, tout cela ne serait pas arrivé.
13:59C'est vrai qu'il aurait fallu de quelques paroles pour qu'elle soit encore en vie,
14:03reconnaît-il en parlant de sa femme Florence.
14:06Parfois, on peut dire un mensonge pour faire plaisir,
14:09pour voir la joie dans les yeux de l'autre.
14:11C'est ce mensonge qui est à l'origine des 5 morts, explique-t-il.
14:15Pour Romand, l'argent qu'on lui confiait était sans valeur.
14:18C'était l'argent des autres, l'avocat réplique.
14:21Non monsieur, c'était l'argent des vôtres.
14:24Chanine Crollet, la mère de Florence est dans l'incompréhension.
14:27Il nous a bernés, il nous a dépossédés.
14:30J'avais tellement confiance en lui.
14:32Jean-Claude Romand, tu es un monstre.
14:35Un expert psychiatre indique que la tricherie de Jean-Claude Romand allait éclater.
14:39Perdre la face, c'est perdre tout.
14:41Pour le docteur Olivier Laurent, l'accusé n'est pas schizophrène.
14:44Il y a chez lui une partie machiavélique et une partie folle.
14:47Il serait un demi-fou.
14:49L'expert déclare, on ne saura pas la totale vérité.
14:53Elle ne sortira pas de sa bouche.
14:55Mardi 2 juillet, après 4 heures de délibérés,
14:58Jean-Claude Romand est condamné à la perpétuité,
15:00assorti d'une peine de sûreté de 22 ans.
15:04Pas de possibilité d'appel à l'époque,
15:06Jean-Claude Romand s'enfonce donc dans la nuit carcérale.
15:10Il ne sera virtuellement libérable qu'en 2015.
15:13On va voir dans la suite de l'ordre du crime
15:15ce que va devenir ce quintuple assassin
15:18après toutes ces années de détention.
15:21Il y a ce procès.
15:23Une grande place est accordée au psychiatre.
15:25On le comprend bien.
15:26Personne ne conteste que cet homme peut être jugé.
15:29Dominique Verdéan, vous êtes avec nous dans cette heure du crime.
15:31Journaliste, chroniqueur, judiciaire, auteur du livre
15:33Les magistrats sur le divan, publié aux éditions Litos.
15:36Et ce dossier, vous le connaissez sur les bouts des doigts, Dominique Verdéan.
15:40Il est là.
15:42Il a réponse aux questions.
15:44Apparemment, il s'explique beaucoup mieux que lors de ses premiers mois
15:47quand il était en garde à vue
15:48ou encore quand il était entendu par le juge d'instruction.
15:51Mais on a toujours du mal à savoir qui est cet homme.
15:54Qui est Jean-Claude Romand ?
15:56Oui, comme dira l'avocat général Jean-Olivier Vieux,
15:59on n'a pas réussi à percer la carapace
16:02pendant toutes ces longues audiences
16:05à Gourcambresse.
16:07Cet homme, encore une fois, il est inexplicable.
16:10Parce que d'abord, quand il rentre dans le box menotté,
16:15c'est quelqu'un qui baisse les yeux, profil bas,
16:18un regard très franc.
16:21Il n'a pas l'air à l'aise.
16:23Il a l'air également fragile.
16:25Donc, ce n'est pas cet homme qui a menti
16:27pendant des années, des années, des années.
16:29Et puis, quand on évoque les faits qui lui sont reprochés,
16:32il n'y a pas de réaction.
16:34Et le seul moment où il se passe quelque chose à l'audience,
16:37ce n'est pas quand on lui parle de la mort de sa femme,
16:41de ses enfants.
16:42Alors qu'à côté de lui, dans la table décelée,
16:46il y a les photos, larmes, tout ça.
16:48Non, c'est quand on va lui parler du chien.
16:51C'est à ce moment-là qu'il va s'effondrer dans le box
16:55en criant, en poussant un cri, en tapant du pied
16:59et en disant cette phrase totalement hallucinante
17:02« c'était le seul à qui je faisais des confessions ».
17:06Ah oui, mais ça alors, effectivement, à nouveau,
17:08on est complètement désarçonné par ce personnage.
17:12Véronique Sousset, vous êtes avec nous
17:14dans cette heure du crime, auteur du livre
17:16« Dans la tête de J.C.R. »
17:17publié aux éditions du Cherche-Midi.
17:19Vous lui direz comment vous avez rencontré
17:20dans le prochain chapitre cet homme
17:22qui était en prison à Saint-Mort.
17:23Je rappelle que vous êtes directrice de prison.
17:26Véronique Sousset, on a l'impression
17:28que c'est peut-être presque des meurtres d'orgueil,
17:32j'ai envie de dire.
17:33Ça, c'est moi qui le dis.
17:34Aucun psychiatre le dit comme ça.
17:35Mais parce qu'il y a quelqu'un qui va dire
17:37pour lui, perdre la face, c'était perdre tout.
17:40Vous êtes d'accord avec ça ?
17:42Il avait été démasqué, c'est ça ?
17:44Oui, moi non plus, je ne suis pas médecin,
17:47mais je pense que plus que de perdre la face,
17:49c'était vraiment un écroulement psychique
17:52et un anéantissement puisque finalement
17:55ce personnage venait combler aussi certainement
17:58une béance narcissique.
18:00Toute son histoire, il aura l'occasion de le raconter.
18:04Je pense que perdre la face, c'était vraiment un écroulement.
18:06Un écroulement insupportable
18:09qui ne justifie pas.
18:12Parce que vraiment, comprendre,
18:14et c'est aussi le sens de cette émission,
18:15comprendre ne veut pas dire justifier.
18:16Bien sûr, ce que vous avez dit tout à l'heure,
18:18il faut le rappeler qu'on pense aux victimes, évidemment.
18:20Et vous la première, lorsque vous êtes
18:22directrice de prison.
18:24Il n'y a pas uniquement les personnes qui sont là détenues
18:27qui peuvent vous intéresser, j'ai envie de dire.
18:29Non, on peut faire son métier,
18:31exercer ses missions et accompagner
18:33les condamnés qui sont confiés à l'administration pénitentiaire
18:36en exécution des peines, sans pour autant
18:39ne pas songer aux victimes.
18:42Et d'ailleurs, il y a une des obligations
18:44quand on est en prison, c'est d'indemniser les partis civils.
18:46C'est ça.
18:47Et donc, j'allais dire, on ramène toujours aussi
18:50à ce qui a conduit la personne, le détenu, en détention.
18:54C'est aussi, j'allais dire, notre devoir
18:58et le rappel à la loi.
18:59Et vous écoutez ses familles, évidemment.
19:01Vous pouvez les recevoir, les rencontrer,
19:03le cas échéant.
19:04En tout cas, on les entend.
19:05Oui, c'est ça.
19:06Et donc ça, c'est quand même important.
19:08Il faut rappeler ça.
19:09Parce que dans votre travail, c'est très important aussi
19:11les victimes et les familles.
19:13Bonjour, Olivier Masson.
19:14Bonjour, Jean-Alphonse.
19:16Merci d'être avec nous, Olivier Masson.
19:18Écoutez, vous connaissez bien cette maison.
19:21Vous êtes technicien réalisateur chez nous, à RTL.
19:23Et le hasard fait que vous avez donné des cours d'ingénierie du son
19:27aux détenus en prison.
19:29Et vous avez notamment donné des cours, à l'époque,
19:31à Jean-Claude Roman.
19:32C'était à la prison de Saint-Mort.
19:35Vous l'avez côtoyé pendant sept, huit ans.
19:37Olivier Masson, racontez-nous quelques mots
19:40sur votre première rencontre avec Jean-Claude Roman.
19:43Alors, moi, quand je viens donner des cours là-bas,
19:46je n'aime pas avoir l'identité des gens.
19:48Du coup, je ne regarde pas qui ils sont.
19:51Et puis, dans un deuxième temps,
19:54je l'ai rencontré à cette occasion-là pour lui donner des cours.
19:58Et après ces quelques jours de cours que je lui ai donnés,
20:01tout de suite, sans savoir qui c'était,
20:03j'ai tout de suite vu qu'il sortait du lot.
20:06Justement, Olivier Masson, dites-nous,
20:08il sort du lot.
20:10Pourquoi ? Comment ?
20:12Alors, il sortait du lot dans le sens où, déjà,
20:14le logiciel sur lequel je donne des cours,
20:18je voyais qu'il le maîtrisait.
20:20Il maîtrisait aussi les techniques du son,
20:22les techniques aussi de son numérique,
20:25qui ne sont pas généralement acquises
20:27par les détenus à qui je donne des cours.
20:30Donc, je voyais qu'il avait vraiment une compréhension
20:33déjà en avance, très en avance sur ça.
20:36Et puis, bien sûr,
20:38tout ce qui est formule mathématique,
20:40il les connaissait.
20:42Parce que c'est un homme très intelligent, effectivement.
20:44On découvre ce personnage dans Claude Romand.
20:47Dominique Verdeil, en juste un petit mot,
20:49il y a le verdict.
20:50Quelle est sa réaction à Romand ?
20:52Parce que je n'ai lu nulle part
20:53s'il avait une réaction particulière ou pas.
20:55Est-ce que vous vous souvenez ?
20:56Vous ne l'avez lu nulle part
20:58parce qu'il n'y a aucune réaction.
21:01Il est semblable à l'image de cet homme.
21:06J'ai souvent parlé d'une silhouette
21:08avec du vide derrière.
21:10Pardon si l'image que je donne là est très forte.
21:13La seule réaction,
21:15et c'est assez rare dans une salle d'audience
21:17cour d'assise,
21:18c'est que quand le verdict tombe,
21:20vous l'avez rappelé,
21:21la perpétuité a sorti
21:22une page de sûreté de 22 ans,
21:24c'est un tonnerre d'applaudissements dans la salle.
21:27Parce qu'il y a une espèce de libération
21:30de se dire, enfin,
21:32il y a eu un point final à cette affaire.
21:34On n'a pas toutes les réponses,
21:35mais au moins, nous,
21:36on a donné une réponse judiciaire
21:39en mettant un verdict.
21:41Et donc, Jean-Claude Romand,
21:42il sort du box comme il est rentré.
21:45C'est ça.
21:46Mais ça, c'est important
21:47parce qu'il y a déjà une réponse.
21:4825 ans après son arrestation,
21:50le condamné va refaire parler de lui.
21:52Jean-Claude Romand,
21:53les confidences d'un fantôme,
21:54comment s'assurer de mon honnêteté,
21:56moi qui ai tant menti ?
21:58L'enquête de l'or du crime,
21:59après 25 ans de prison,
22:00le quintupe assassin va-t-il sortir de prison ?
22:03Mais qu'est-il devenu ?
22:04C'est à suivre,
22:05dans un court instant sur RTL.
22:09L'heure du crime sur RTL.
22:11Avec Jean-Alphonse Richard.
22:15Jean-Alphonse Richard sur RTL.
22:17L'heure du crime jusqu'à 15h.
22:19Jean-Claude Romand est arrivé ici,
22:21au milieu de la nuit,
22:22à l'abbaye de Fongombeau.
22:23Et c'est ici qu'il va désormais mener
22:25une existence monastique.
22:26Cela correspond à ce nouveau lieu de résidence.
22:28Et ce que demande sans doute aujourd'hui
22:30Jean-Claude Romand,
22:31c'est qu'on finisse par l'oublier.
22:34Au programme aujourd'hui de l'heure du crime,
22:35la trajectoire de Jean-Claude Romand,
22:37mythomane, faux médecin à l'OMS,
22:39escroc intéressé par l'argent facile,
22:41a tué 5 personnes de sa famille.
22:44Condamné à la perpétuité en 1996,
22:46après 25 ans de détention,
22:48il va demander à sortir de prison.
22:52Vendredi 25 octobre 2018,
22:54Jean-Claude Romand, 64 ans,
22:56formule sa première demande
22:58de libération conditionnelle.
23:00Il est incarcéré à la centrale de Saint-Maur,
23:02dans l'Indre.
23:03Une prison pour les longues peines.
23:05L'administration le présente comme un détenu discret,
23:08poli, effacé.
23:09En détention, il a décroché un diplôme en informatique
23:12au Conservatoire National des Arts et Métiers.
23:15Il apprend le japonais,
23:17fervent catholique,
23:18il ne rate aucune messe.
23:19Cet homme ne vit plus,
23:21il survit au sien,
23:22et il expira jusqu'à la fin,
23:24confie dans Le Point son avocat,
23:26Jean-Louis Abad.
23:27Romand aurait pu demander une libération conditionnelle
23:303 ans plus tôt,
23:31mais il ne l'a pas fait.
23:32A la directrice de la prison, Véronique Sousset,
23:35il a dit que déposer une requête
23:37pourrait choquer les gens.
23:39Qui plus est,
23:40on risquait de ne pas croire à sa sincérité.
23:42A la directrice,
23:43il a posé la question suivante.
23:51Jeudi 31 janvier 2019,
23:53le tribunal d'application des peines
23:55examine la demande de Jean-Claude Romand.
23:57C'est un détenu qui ne pose aucun problème.
23:59Mais la vraie question qui se pose,
24:01c'est est-ce qu'il a compris le sens de sa peine ?
24:05Est-ce qu'il a réfléchi à ce qu'il a fait ?
24:07Indiquent les juges.
24:08Demande de conditionnelle,
24:09refusée.
24:10La justice considère donc que le quintuple assassin
24:13est toujours une source de trouble.
24:15Romand est prêt à renouveler sa demande.
24:17La directrice de la prison l'accompagne dans ce parcours.
24:20Il faut maintenir l'espoir, dit-elle.
24:22Toujours se souvenir que dans la prison,
24:24la porte d'entrée est aussi celle de la sortie.
24:29Et c'est une belle expression.
24:31La porte d'entrée est aussi celle de la sortie.
24:33Et dans une prison, c'est ce que vous dites, Véronique Sousset,
24:35lorsqu'il y a ce débat autour de la libération de Romand.
24:38Je rappelle que vous êtes auteur de ce livre
24:40dans la tête de JCR,
24:41publié aux éditions du Cherche-Midi.
24:43Et vous êtes toujours aujourd'hui directrice de prison.
24:46Alors, quel souvenir avez-vous
24:48de votre première rencontre avec Jean-Claude Romand ?
24:51Parce que vous, vous connaissez son pédigré.
24:52Vous savez ce qu'il a fait.
24:54Oui, j'ai le souvenir du nombre.
24:57C'est un homme dans l'ombre et de l'ombre.
25:00Il est aiseux, mais il est très attentif.
25:04Laissant en éveil, en alerte.
25:07Et il exécute sa peine comme la seule chose possible.
25:11Il ne demande rien.
25:12Pas facile de faire abstraction, je dis,
25:14du curriculum vitae de ce genre de personnage.
25:17Non.
25:18Je suis sûr que vous l'avez lu et relu.
25:20Oui, ni du sien, ni des autres rencontrés.
25:23Alors, je n'ai pas beaucoup de mérite,
25:26parce que c'est une disposition.
25:27J'arrive en tout cas à tenir ça à distance,
25:30sans trop forcer.
25:31Mais je crois que j'ai la conviction
25:35qu'un homme ne se réduit pas à son acte,
25:38aussi terrible soit-il.
25:40Et je crois au changement possible, à l'évolution.
25:44Si je n'y croyais pas, je ne pourrais pas travailler
25:47dans ces lieux et avec les condamnés pour longue peine.
25:50Mais il faut que la rencontre ait lieu.
25:53Et parfois, la rencontre n'a pas lieu.
25:55Et dans ce cas, il est extrêmement difficile
25:57de se départir des faits.
25:59Pardonnez-moi de vous poser cette question, Véronique Choussé,
26:01mais est-ce que vous, lorsque vous le rencontrez,
26:03cet homme, vous le trouvez sincère ?
26:05La question ne se pose pas en ces...
26:07Ou bien vous vous posez la question.
26:08Est-ce qu'il me ment, finalement ?
26:10La question ne se pose pas en ces termes.
26:11La question est vraiment, j'allais dire,
26:14une évaluation de la dangerosité
26:16et une évaluation de la capacité à recouvrer la liberté.
26:19Je laisse aux soignants, aux thérapeutes,
26:23la question de la sincérité, de la vérité.
26:26C'est tellement complexe.
26:28Moi, je suis fonctionnaire dans l'administration pénitentiaire.
26:31J'ai en charge, avec d'autres, l'exécution de la peine.
26:34La question est, est-ce que l'on peut ?
26:37On est un service public de sécurité.
26:39Et est-ce que cet homme peut sortir sans danger pour la société ?
26:42C'est la seule question que vous vous posez.
26:44Olivier Masson, je l'ai dit, vous êtes technicien réalisateur à RTL.
26:47Mais à l'époque, vous donniez des cours d'ingénierie du son
26:50à des détenus en prison.
26:51Et vous aviez, parmi vos clients, entre guillemets,
26:54vos élèves plutôt, Jean-Claude Romand.
26:57Est-ce qu'il vous parlait de son affaire, Jean-Claude Romand ?
27:00Pas du tout, jamais.
27:02Je n'ai jamais parlé de ça avec lui.
27:04La seule chose qui a pu transparaître,
27:06si on peut dire à ce niveau-là,
27:08c'est que les autres détenus l'appelaient le doc.
27:10Quand ils avaient un bobo bénin,
27:12de temps en temps, ils allaient le voir pour lui demander
27:14qu'est-ce que je peux faire ?
27:15C'était désinfecte-toi ou autre.
27:17Mais voilà, c'était un peu l'ambiance.
27:21Jamais, moi, j'ai entendu...
27:23Il ne m'a jamais parlé de ça.
27:25Alors, il restait le doc,
27:26ça c'est étonnant comme révélation.
27:28Dominique Verdayan, journaliste et auteur du livre
27:30Les magistrats sur le divan,
27:32publié aux éditions Litos.
27:34On est là 25 ans après, 25 ans de prison.
27:36On le voit bien, il reste Romand,
27:38il reste le doc, finalement.
27:39Et il est toujours embarrassant.
27:42Oui, il est toujours embarrassant.
27:44Mais se pose la question de savoir
27:46si une récidive est possible
27:50venant de lui et les experts
27:52sont au moins unanimes là-dessus
27:54en disant non.
27:56Et puis voilà, au bout de 25 ans,
27:58encore une fois, il a été condamné à la perpétuité
28:00avec une peine assortie de 22 ans.
28:02Vous l'avez dit, il attend un moment
28:04avant de faire cette demande de libération constitutionnelle.
28:06Il a purgé sa peine.
28:08Donc, faut-il le maintenir en prison ?
28:11On pourrait citer d'autres affaires
28:13qui ont marqué comme ça cette thématique.
28:16Voilà, la question se pose.
28:19Et le libérer est normal.
28:21Alors, il faut rappeler,
28:23je parle sous le contrôle de Véronique Sousset,
28:25que les partis civils sont consultés,
28:28on les informe,
28:30on leur demande un avis
28:32dont on tient ou pas.
28:34Évidemment, quand on demandait au beau-frère...
28:37S'il était d'accord, oui, bien sûr.
28:39S'il était d'accord, non,
28:41parce qu'il nous a menti toute notre vie
28:43et il est probablement encore en train de mentir
28:46et probablement en train encore
28:48de manipuler tout le monde.
28:50Oui, c'est ça, c'est le mensonge permanent
28:52et presque éternel avec lui.
28:54Seulement trois mois après le refus,
28:57la libération va être accordée.
28:59Jean-Claude Romand, les confidences d'un fantôme.
29:01Pour nous, ils restent dans le même schéma,
29:03soit de manipulation de l'autre,
29:05soit de mythomanie.
29:07L'enquête de l'heure du crime,
29:08on se retrouve dans un instant sur RTL.
29:16L'heure du crime,
29:17présenté par Jean-Alphonse Richard sur RTL.
29:20Retour aujourd'hui dans l'heure du crime
29:22sur le parcours de Jean-Claude Romand,
29:24le faux médecin de l'OMS,
29:25condamné pour avoir décimé
29:27une partie de sa famille en 1993.
29:29Cinq morts.
29:30Été 2019, après 26 ans de détention,
29:33il est remis en liberté conditionnelle.
29:37Vendredi 28 juin 2019,
29:39Jean-Claude Romand, 65 ans,
29:41quitte à l'Aube et en Catimini,
29:43la centrale de Saint-Maur.
29:44À 4 heures du matin,
29:45il passe la porte de l'abbaye bénédictine
29:48de Fongombo, dans l'Indre.
29:50Il réside, sous bracelet électronique,
29:52dans une chambre spartiate,
29:5420 mètres carrés,
29:55un lit, un tapis, un prie-dieu,
29:56un coin douche,
29:57où il a obligation de rester
29:59de 21h30 à 7h30 du matin.
30:02Le reste du temps,
30:03il travaille à la numérisation
30:05d'archives de l'INA,
30:06de vieilles bandes sonores,
30:08des conférences, des discours.
30:10Il partage les repas
30:12avec la cinquantaine de moines
30:13traditionnalistes
30:14de la Congrégation de Sollem.
30:16Le père abbé,
30:18don Jean Pâteau,
30:20justifie le choix d'accueillir Romand
30:22à l'abbaye au nom de la miséricorde
30:24et des préceptes de l'Évangile.
30:26Dans le journal Le Parisien,
30:27un moine confie
30:28« Beaucoup nous ont reproché d'avoir reçu
30:30une brebis galeuse ».
30:33Depuis 10 ans,
30:34Jean-Claude Romand rembourse ses dettes
30:35à la famille Crolet,
30:36celle de son épouse Florence.
30:38Il a été condamné à régler
30:40557 064 centimes d'euros
30:44de dommages et intérêts
30:46à hauteur de 60 euros par mois.
30:48L'ex-Bellefamille s'est toujours opposée
30:50à cette libération.
30:52Il reste dans le même schéma,
30:54soit de la manipulation de l'autre,
30:55soit de la mythomanie, assure ce France 3
30:57Emmanuel Crolet, l'ancien beau-frère.
31:00Ce dernier s'interroge sur les capacités
31:02du condamné à se réinsérer.
31:04« Se pose vraiment la question de savoir
31:06qui est Jean-Claude Romand ? »
31:08Demande Emmanuel Crolet.
31:12Et cette réflexion de la Bellefamille
31:14et d'Emmanuel Crolet,
31:16le frère de l'ex-épouse de Jean-Claude Romand,
31:21est très intéressante parce qu'effectivement,
31:22cet homme va sortir,
31:23et on peut toujours se poser des questions
31:25sur son état psychologique,
31:27sur ses capacités à dire la vérité.
31:29Véronique Sousset, vous êtes avec nous,
31:31vous allez nous éclairer sur ce point.
31:32Vous êtes toujours aujourd'hui
31:34directrice de prison,
31:36et vous étiez la directrice de prison
31:38dans cette centrale de Saint-Maur,
31:40quand Jean-Claude Romand s'y trouvait,
31:42et vous êtes l'auteur de ce livre,
31:43dans la tête de JCR,
31:45publié aux éditions du Cherche-Midi,
31:47où vous racontez un petit peu
31:49le parcours de ce personnage.
31:51J'ai l'impression que lorsque
31:53il est libéré, Jean-Claude Romand,
31:55vous y avez participé,
31:56vous nous avez dit tout à l'heure
31:57qu'effectivement, nul détenu,
31:58quoi qu'il ait fait,
32:00ne pouvait être exclu d'un départ de sa prison.
32:04C'est toujours un saut dans le vide
32:06de dire, sans doute,
32:08au tribunal de l'application des peines,
32:10oui, lui, vous pouvez y aller,
32:11vous pouvez le libérer,
32:12je pense que c'est valable.
32:15Alors, un saut dans le vide,
32:17ce serait quand même assez amateur,
32:19et ça pourrait troubler l'opinion publique.
32:21Il y a d'abord de longues heures
32:24d'échange, de travail,
32:26de conversation, de préparation.
32:28Il y a aussi des outils d'évaluation,
32:30des étapes, des observations,
32:32un travail vraiment rigoureux
32:34avec le condamné.
32:35Alors, il y a de nombreux professionnels
32:37qui sont chargés d'émettre un avis
32:39pour que les magistrats, justement,
32:41vous l'indiquiez, puissent se prononcer.
32:43Et notamment, pour une demande
32:45de libération conditionnelle,
32:47il y a une évaluation de la dangerosité
32:49qui est obligatoire, et pour cela,
32:51bon, même si on entend que,
32:53déjà, dans le seul fait de l'énoncer,
32:55il y a déjà un défi presque,
32:57ou en tout cas,
32:59un travail de prospective qui est délicat.
33:01En tout cas, il y a un passage de six semaines
33:03par le Centre National
33:05d'Évaluation de Fresnes,
33:07où là, on va évidemment faire
33:09une évaluation à 360 degrés,
33:11mais du comportement, de l'évolution,
33:13de son rapport aux faits commis,
33:15et pour qu'on puisse
33:17s'interroger entre professionnels
33:19et essayer de donner un avis le plus éclairé,
33:21mais vous avez raison, c'est l'aléa aussi
33:23qui fait l'humain.
33:25Et juste, le fait que Romand soit très connu,
33:27célèbre, ça change les choses pour vous ?
33:29Hélas, non.
33:31Beaucoup ont finalement
33:33cette notoriété terrible
33:35d'avoir commis des crimes,
33:37mais non, on arrive en tout cas
33:39à se départir de ça,
33:41et il n'y a pas de gradation, en tout cas,
33:43que l'on soit connu ou pas.
33:45Qu'est-ce qu'il vous a dit, avant de quitter
33:47la centrale de Saint-Maur,
33:49Jean-Claude Romand ?
33:51Je crois qu'il était reconnaissant
33:53pour le parcours
33:55que nombre de surveillants
33:57et que d'autres professionnels lui avaient permis
33:59pour revenir dans la communauté
34:01des hommes.
34:03Ça c'était ce que vous avez senti, en tout cas,
34:05même s'il n'était sans doute pas très bavard,
34:07ce jour-là, il avait peut-être
34:09des idées ailleurs, et il regardait du côté
34:11de cette porte qui s'ouvrait, évidemment,
34:13et encore une fois,
34:15vous ne faisiez pas abstraction des victimes, bien au contraire,
34:17de cette famille qui
34:19suppose que Jean-Claude Romand ne devait pas
34:21sortir ce jour-là. Olivier Masson,
34:23vous avez donné des cours en prison
34:25à Jean-Claude Romand.
34:27Vous êtes également l'un de nos invités aujourd'hui,
34:29dans l'ordre du crime. Votre réaction quand vous avez appris
34:31cette libération conditionnelle ?
34:33C'est délicat.
34:35Après, moi, je ne suis pas un expert.
34:37D'après ce que moi,
34:39j'ai vu de la personne qu'il était aujourd'hui,
34:41la façon dont il
34:43travaillait, la façon dont il faisait les choses,
34:45s'il était
34:47comme ça maintenant, aujourd'hui, en liberté,
34:49pour moi, c'est quelqu'un
34:51qui est redevenu normal, si on
34:53peut dire ça comme ça. Je ne sais pas
34:55si c'est vraiment le terme
34:57utilisable, mais en tout cas,
34:59moi, j'ai jamais, jamais, une seule fois,
35:01je ne me suis jamais senti en danger avec lui.
35:03Et bien au contraire, encore une fois,
35:05c'était quelqu'un d'assez bienveillant envers
35:07moi. Il y avait un côté un peu même
35:09presque paternel.
35:11Après deux ans passés à l'abbaye, la libération
35:13sans bracelet électronique.
35:15Jean-Claude Romand, les confidences d'un fantôme,
35:17il se cache, et ce sera
35:19comme ça jusqu'à sa mort.
35:21C'est l'heure du crime, je vous retrouve tout de suite sur RTL.
35:35Dans l'heure du crime, aujourd'hui, l'affaire Jean-Claude
35:37Romand, en 1993, 5
35:39assassinats, épouse, enfant,
35:41ses propres parents pour ce faux médecin
35:43de l'OMS, mythomane,
35:45menteur professionnel. Presque 30
35:47ans après les faits, il est libre,
35:49sans bracelet électronique.
35:51Été 2022,
35:53Jean-Claude Romand quitte l'abbaye de Fongombeau
35:55pour retrouver un nouveau logement
35:57dans ce même département, l'Indre.
35:59On lui a ôté son bracelet électronique,
36:01il doit toutefois signaler ses déplacements
36:03au juge d'application des peines.
36:05« Sa vie n'a pas d'intérêt,
36:07ce n'est que solitude et silence.
36:09Il se cache, et ce sera comme ça
36:11jusqu'à sa mort », déclare un de ses
36:13rares visiteurs au journal Le Parisien.
36:15Lors de son procès,
36:17le psychiatre Daniel Settlin
36:19avait cité cette réflexion
36:21glaçante de Jean-Claude Romand.
36:23« J'ai tué tous ceux que j'aime,
36:25mais je suis enfin moi ».
36:27Le médecin disait ne pas savoir
36:29qui était vraiment cet homme.
36:31On se pose vraiment
36:33la question de qui est Jean-Claude Romand.
36:35Personne n'a pu l'expliquer, pas même
36:37certains psychiatres qui, en 1995,
36:39l'ont expertisé et qui,
36:4130 ans plus tard, ne l'ayant pas revu,
36:43se permettent de dire qu'il est réinsérable.
36:45C'est la voix d'Emmanuel Crowley,
36:47le frère de Florence Crowley pour
36:49France 3, c'était le 24 avril 2019.
36:51Dominique Verdeillon,
36:53vous êtes avec nous dans cette heure du crime.
36:55Journaliste, chroniqueur, judiciaire,
36:57auteur du livre « Les magistrats sur le divan »
36:59publié aux éditions Litos.
37:01Cette affaire, je le disais,
37:03vous l'avez suivie de A à Z.
37:05La famille
37:07des victimes,
37:09c'est toujours opposé à la libération
37:11de Romand, et aujourd'hui encore,
37:13ils sont sans doute dans la conviction
37:15que cet homme n'a cessé de mentir et que peut-être
37:17il continue encore à mentir aujourd'hui.
37:19Oui, mais
37:21c'est normal
37:23et on serait à leur place.
37:25On aurait probablement
37:27la même réaction.
37:29Ils ont perdu leur soeur,
37:31leur neveu, leur nièce,
37:33oncle et tante,
37:35par un homme qui a menti pendant
37:37plusieurs décennies.
37:39Ce que je veux
37:41simplement peut-être dire, c'est que
37:43ce qui a probablement aussi
37:45facilité sa libération conditionnelle
37:47et sa remise en liberté
37:49aujourd'hui, c'est ce travail
37:51qu'il a fait en prison.
37:53Il a rencontré des visiteuses de prison.
37:55Il a eu une révélation
37:57religieuse.
37:59Il y a eu, si je
38:01puis dire, ce sas
38:03entre sa sortie de prison et sa vie
38:05« normale » aujourd'hui.
38:07C'est d'être dans une communauté religieuse.
38:09Alors on reproche toujours
38:11aux communautés religieuses d'accueillir
38:13des personnes de ce type, puisque
38:15celle qui a recueilli
38:17Jean-Claude Romand
38:19avait aussi recueilli Paul Touvier,
38:21ancien lyonnais.
38:23Mais voilà,
38:25c'est une espèce d'évolution
38:27mais on n'a pas la réponse
38:29toujours aujourd'hui de qui est
38:31véritable Jean-Claude Romand, parce que la phrase que vous venez de citer
38:33il y a un instant, « Je suis enfin moi »,
38:35qu'est-ce que ça veut dire ?
38:37Et c'est la question. Effectivement, cette question
38:39n'a toujours pas de réponse, sûrement
38:41encore aujourd'hui. Véronique Sousset,
38:43vous êtes avec nous dans le studio de l'Art du Crime.
38:45Depuis le début de cette émission directrice de prison
38:47à l'époque où vous dirigeiez
38:49la prison de Saint-Mort, où était
38:51incarcéré Jean-Claude Romand.
38:53Vous l'avez assisté à sa libération.
38:55Vous l'avez aidé, d'ailleurs, dans ses démarches.
38:57Vous êtes auteur du livre « Dans la tête » de JCR,
38:59publié aux éditions
39:01du Cherche Midi.
39:03Pourquoi vous avez utilisé la fiction
39:05pour raconter l'histoire
39:07de Jean-Claude Romand ?
39:09Parce qu'il a pour obligation légale
39:11de ne pas s'exprimer sur l'affaire
39:13et que finalement, le passage par la fiction
39:15offre, si je puis dire, une plus grande
39:17liberté. Se mettre
39:19dans la tête, ce n'est pas
39:21se mettre à la place, mais dans les
39:23pleins, les creux de cet homme, dans ses
39:25états, dans ses instants.
39:27Parce que je
39:29veux écrire, non pas pour témoigner,
39:31mais écrire, c'est-à-dire
39:33mettre en scène une réalité imaginée
39:35et donner à penser ce que peut être
39:37aussi cette question de la
39:39liberté. Elle n'a sans doute pas
39:41le vent léger de l'insouciance qu'elle a pour
39:43d'autres, parce que lesté du poids de la culpabilité.
39:45Oui, c'est ça.
39:47Il a commis
39:49cet horrible massacre.
39:51Est-ce qu'aujourd'hui, vous,
39:53vous avez la clé de cette histoire ?
39:55Est-ce que vous savez ce qui s'est passé ?
39:57Ce mécanisme qu'il a projeté
39:59dans la grande criminalité,
40:01j'ai envie de dire. En tout cas,
40:03pas de masse, mais en tout cas, tu es en série.
40:05Cinq personnes.
40:07C'est aussi pour
40:09essayer d'y répondre
40:11que j'ai imaginé cette fiction,
40:13pour essayer de savoir
40:15qui il était. Mais
40:17j'ai voulu prendre ce cas un peu paroxystique,
40:19parce que, vous l'indiquiez,
40:21enfermé dans son mensonge pendant près de 20 ans,
40:23enfermé en détention pendant 26 ans,
40:25et n'est-il pas encore enfermé
40:27aussi, dans cette culpabilité
40:29et dans cette liberté ?
40:31En tout cas, passer par la fiction et se mettre dans la tête
40:33d'eux, ça permettait peut-être
40:35non pas d'expliquer
40:37du pourquoi, mais comment.
40:39Comment est cette vie et de quoi est-elle faite ?
40:41Et rappelez aussi
40:43qu'elle s'exécute,
40:45la peine, toujours. Elle s'exécute, mais sous une autre
40:47forme. Oui, c'est ça, parce qu'on vous l'avait
40:49dit, à tout à l'heure, il est obligé de donner
40:51de l'argent aux victimes. C'est important,
40:53même si ce ne sont pas des sommes
40:55importantes qu'il donne par mois. C'est une reconnaissance.
40:57Voilà, il est astreint. Il est victime et puis
40:59il est astreint aussi à se
41:01rendre régulièrement
41:03à la gendarmerie ou au commissariat.
41:05Il est astreint aussi à se soigner.
41:07Et évidemment,
41:09à peut-être, je pense que
41:11c'est un homme qui est osagué, dans ce monde.
41:13Oui, c'est un homme osagué,
41:15je crois que c'est assez bien résumé.
41:17Dominique Verdeyan,
41:19un homme osagué, nous dit Véronique Sousset,
41:21je pense que vous êtes d'accord avec ça. Il se cache,
41:23il sera toujours condamné à se cacher, Romain ?
41:25Oui, parce que
41:27je pense qu'on n'accepterait pas, la famille
41:29évidemment ne l'accepterait pas.
41:31Est-ce que l'opinion publique accepterait
41:33qu'il raconte lui-même
41:35son histoire, son vécu, sa détention,
41:37sa sortie ? Non.
41:39Je pense
41:41que ça a été une vie de
41:43mensonge, une vie de silence.
41:45Il ne faut peut-être plus que ça soit une vie
41:47de mensonge, mais de sa part, je pense
41:49que ça doit toujours être une vie
41:51de silence. Olivier Masson, je termine
41:53cette émission avec vous. Vous avez
41:55donné des cours en prison, vous le connaissez
41:57bien, à Jean-Claude Romand. Votre dernière
41:59conversation avec lui, vous en souvenez ?
42:01La dernière conversation,
42:03justement, concernait sa
42:05libération, et il me disait qu'il voulait
42:07partir se reclure dans un monastère
42:09pour pouvoir avoir médité,
42:11pour pouvoir, justement, être
42:13un peu à l'écart de tout ce tumulte
42:15parce que, fatalement,
42:17après 26 ans d'enfermement,
42:19il avait un peu, j'imagine, cette
42:21appréhension. Donc, voilà,
42:23on a parlé de ça, de comment
42:25il se sentirait là-bas
42:27plus à l'aise et, en tout
42:29cas, plus protégé que s'il venait
42:31revenir dans la ville.
42:33Merci, Olivier Masson, Véronique Sousset,
42:35Dominique Verdeyan, d'avoir été les invités
42:37de L'Heure du Crime. Merci à l'équipe de l'émission,
42:39rédactrice en chef Justine Vignot, préparation
42:41Marie Bossard, Lisa Canalès, réalisation en direct
42:43Jonathan Griveaux.
42:45L'Heure du Crime, présenté par Jean-Alphonse
42:47Richard, sur RT.