il y a quarante ans, le mardi 16 octobre 1984, le corps du petit Grégory Villemin était retrouvé sans vie dans une rivière glacée jusqu'ici méconnue et qui allait subitement devenir célèbre, la Vologne. Grégory, quatre ans. Victime expiatoire d'une haine familiale ressassée depuis des années. Un corbeau va confirmer que c'est bien dans le clan Villemin que se cache le ou plutôt les meurtriers. Ces noms sont depuis le début dans le dossier mais impossible à ce jour de s'arrêter sur l'un ou l'autre de ces visages.
Retrouvez tous les jours en podcast le décryptage d'un faits divers, d'un crime ou d'une énigme judiciaire par Jean-Alphonse Richard, entouré de spécialistes, et de témoins d'affaires criminelles.
Regardez L'heure du Crime avec Jean-Alphonse Richard du 17 octobre 2024.
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00:00L'affaire Grégory, 1984-2024, 40 ans de mystère.
00:05Édition spéciale de l'heure du crime sur RTL.
00:10Jean-Marie Wilmain, vous êtes jeune, votre femme aussi.
00:13Pourquoi ? Qu'est-ce qui vous en veut à ce point ?
00:15Je ne sais pas, je ne peux pas savoir.
00:19Est-ce que vous avez une petite idée ?
00:21J'en ai une, mais je la garde.
00:23Est-ce que vous pensez que le meurtrier, l'assassin de votre fils, vous le connaissez ?
00:28Moi, je le connais, je le connais, oui.
00:34Bonjour, on se retrouve aujourd'hui dans cette heure du crime spéciale 40 ans de l'affaire Grégory.
00:39Hier, dans le premier épisode, nous avons commencé à remonter le fil de la vologne
00:44avec l'enlèvement et l'assassinat du petit garçon dans cette vallée des Vosges.
00:48La révélation du ou des corbeaux, la mort tragique de Bernard Laroche
00:53ou encore l'inculpation de Christine Wilmain sur fond de rumeurs
00:57et de certitudes malsaines.
00:58Une enquête chaotique, maudite comme saccagée dès les premières heures.
01:03Après cette première décennie d'investigation,
01:05on aurait pu croire que l'affaire faute de preuves et de révélations allait s'éteindre.
01:10Mais c'était sans compter sur la détermination silencieuse de Jean-Marie et Christine Wilmain.
01:16L'enquête va repartir, cheminée au rythme des avancées scientifiques,
01:20de l'ADN, des enquêtes de personnalité pour replonger au cœur de la famille Wilmain.
01:26Jamais vérité n'aura été si proche.
01:29Va-t-on enfin la trouver ?
01:31Nos invités vont nous éclairer.
01:34Et si l'ADN de l'assassin était sur l'anorak de l'enfant,
01:37sur les cordelettes ou sous un timbre ?
01:40A tout de suite sur RTL.
01:41L'Heure du crime, édition spéciale Affaires Grégory.
01:4440 ans de mystères.
01:4714h15.
01:49C'est l'heure du crime sur RTL.
01:52Édition spéciale, l'Affaire Grégory.
01:54Si l'expertise ADN s'avérait positive,
01:58elle pourrait contribuer, je crois, d'une manière à la fois sérieuse et utile
02:02à la recherche de la vérité dans un crime qui, je le rappelle à ce jour, demeurait impuni.
02:08Mercredi 19 avril 2000, presque 16 ans après l'assassinat de Grégory Wilmain,
02:14la procureure de Dijon, Hélène Maliano, rouvre le dossier.
02:18Les parents Jean-Marie et Christine ont insisté pour que de nouvelles expertises soient lancées.
02:23À la lumière d'une science en plein essor, l'ADN.
02:26Tout l'espoir des Wilmains repose sur un demi-timbre postal de 2,6 sur 1,1 cm².
02:35Ou plutôt sur la salive qu'il pourrait receler.
02:39Le timbre était collé sur une lettre du corbeau adressée aux grands-parents Wilmain,
02:43datée du 27 avril 1983, un an et demi avant le crime.
02:48La lettre de la revendication, elle, qui est arrivée le lendemain de l'assassinat,
02:53est trop dégradée pour être analysée.
02:55Les experts généticiens ont bon espoir que le demi-timbre parle.
02:59Mais six mois plus tard, c'est la désillusion.
03:02L'espoir de démasquer le corbeau de la Vologne s'envole.
03:05L'enveloppe a été trop manipulée.
03:08Jean-Marie et Christine se disent immensément déçus.
03:11Les grands-parents de Grégory, Monique et Albert ont le sentiment que cette fois,
03:16le rideau est tombé.
03:17Un non-lieu est prononcé.
03:20Mercredi 3 décembre 2008, 24 ans après le crime,
03:23Jean-Marie et Christine Wilmain reviennent frappés à la porte du palais de justice de Dijon.
03:28Le père de Grégory n'a cessé de se documenter, de se renseigner sur l'ADN.
03:33Il est persuadé que les scellés peuvent parler.
03:35La justice suit.
03:37Un laboratoire lyonnais va examiner l'anorak, le bonnet, le pantalon, le t-shirt, le pull,
03:41les chaussettes de l'enfant, mais aussi la seringue et le flacon d'insuline
03:46retrouvés sur la berge de la Vologne, et bien sûr, les cordelettes nouées autour du corps.
03:51Trois ADN sont détectées à l'intérieur du nœud de ces cordelettes.
03:56Il y a forcément ici celui de l'assassin,
03:58mais ces traces sont trop mélangées pour donner des noms.
04:03Et on est là au début des années 2000 pour Grégory,
04:07avec l'ADN qui fait son apparition de façon fracassante.
04:10Maître Marie-Christine Chastan-Moran, vous êtes l'une de nos invitées aujourd'hui dans 7 Heures du Crime.
04:15Vous êtes avocate au barreau de Paris, avocate historique de Christine et Jean-Marie Wilmain,
04:20avec maître Garraud et puis maître Thierry Mauser.
04:23Alors, je le dis, c'est les parents finalement qui portent cette enquête,
04:26et qui poussent pour qu'il y ait des nouvelles expertises et des nouvelles expertises.
04:30Jean-Marie, il est presque, je n'allais pas dire tous les jours, mais il est très souvent à Dijon,
04:34il frappe à la porte du palais de justice.
04:37Oui, parce que Christine et Jean-Marie avaient eu le sentiment
04:41que lors du supplément d'informations mené par le président Maurice Simon,
04:45tout ce qui était humainement possible avait été tenté.
04:49Mais ensuite, dans les années 2000, est apparue cette science de l'ADN,
04:54et ils ont rêvé sur cette ADN, en se disant,
04:57il est bien évident que le président Simon ne pouvait pas le faire à l'époque,
05:00parce qu'on n'en parlait pas, ça n'existait pas.
05:03Mais maintenant, ça existe. Donc, on a du matériel pouvant être examiné et expertisé,
05:09et c'est la raison pour laquelle, une première fois en 2000,
05:13ils ont sollicité cette réouverture.
05:15Bon, malheureusement, ça n'a rien donné à l'époque,
05:18mais l'ADN a continué à faire ses progrès.
05:22Cette affaire dure depuis longtemps, ils ont appris la patience.
05:25Mais d'un autre côté, le temps est un allié,
05:28parce que le temps leur permet de bénéficier des évolutions de la science.
05:32Le temps scientifique, parce que le temps humain,
05:34certaines personnes vieillissent, disparaissent, etc.
05:38Mais au niveau scientifique, c'est un allié,
05:40parce que ça permet de solliciter des mesures complémentaires
05:44au fur et à mesure des avancées de la science.
05:46Et en 2008, c'est comme ça qu'ils ont refrappé, pour reprendre notre expression,
05:51à la porte de la cour d'appel de Dijon,
05:53et que le dossier avait l'objet d'une réouverture,
05:56et que, encore aujourd'hui, des expertises sont en cours.
05:59Oui, c'est ça, et c'est très important.
06:01Maître François Saint-Pierre, vous aussi, vous défendez Christine et Jean-Marie Villemin,
06:04vous êtes avocat au barreau de Lyon et vous connaissez parfaitement ce dossier.
06:08Alors moi, je me souviens, quand il y a eu cette histoire de demi-timbre,
06:10c'était une révolution.
06:11Enfin, on allait trouver, il y avait la salive derrière ce timbre.
06:15Il était tout à fait probable qu'on allait la détecter, puis ça n'a pas marché.
06:18Il y a quelque chose aussi de très spectaculaire, ce sont les cordelettes.
06:21Parce que les cordelettes, évidemment, on voit tout de suite l'image.
06:24C'est avec la personne qui ligote cet enfant et qui va faire le nœud.
06:29Et il y a de l'ADN au creux de ce nœud.
06:32Le professeur Doutrempuysch est le père de la génétique judiciaire,
06:37si je peux employer ce terme-là.
06:39Et voici un scientifique qui est convaincu
06:44que d'ici quelques temps, quelques mois, quelques années, quand on ne le sait pas,
06:49la technologie aura évolué au point qu'il pourra résoudre cet énigme-là.
06:55Des cordelettes, du timbre, de la lettre de revendication.
06:58Alors, c'est étonnant comme cet homme de science vit dans l'espoir aussi.
07:03Et il dépose des brevets, si je puis dire, et finalement ça ne marche pas et il continue.
07:09Ça, c'est très remarquable.
07:11Écoutez, on a pu résoudre comme cela des énigmes sur les tombes des pharaons d'il y a 2500 ans.
07:18Nous sommes convaincus que l'énigme de l'assassinat du Trigrégory sera également résolue.
07:25Vous êtes très direct là-dessus, vous n'avez pas de doute.
07:28C'est de la détermination.
07:30Mais pourquoi est-ce que nous faisons cela ?
07:33Parce que nous pensons qu'effectivement,
07:35des preuves objectives scientifiques pourront être établies.
07:39Quand je dis nous, ce n'est pas seulement nous les avocats de Jean-Marie-Christine Villemin.
07:44Vous avez entendu ici même le procureur général Astruc qui partage cette même motivation.
07:49Et nous avons le président de la chambre d'instruction de Dijon, M. Dominique Brault,
07:53que je connais depuis des années, qui a très longtemps été juge d'instruction,
07:58qui connaît à fond le sujet et lui a cette même volonté.
08:04Thibault Solano, vous êtes également notre invité aujourd'hui dans l'ordre du crime.
08:07Vous êtes directeur adjoint de la rédaction du magazine Marianne et auteur du livre,
08:11je le répète, La Voix Roque, publié chez Poquette.
08:15La Voix Roque, c'est évidemment celle du corbeau.
08:17Alors, première question pour vous Thibault Solano.
08:19On a une chance dans ce dossier.
08:21Il y a eu beaucoup de malchances, mais on a une chance, c'est que les scellés sont toujours là.
08:25Ce qui n'est pas toujours le cas dans les affaires judiciaires.
08:27Ils sont parfois détruits ou égarés.
08:29Là, c'est formidable parce qu'il y a toute une série de pièces.
08:32Oui, il y en a même un qui a été retrouvé,
08:34il me semble, sous l'instruction de Mme Barbier,
08:38le timbre de la lettre de revendication du crime.
08:41Donc, effectivement, tout ça donne beaucoup d'espoir.
08:44Et alors, il y a aussi des limites.
08:47C'est-à-dire, par exemple, sur les différentes lettres du corbeau envoyées avant la mort de Grégory,
08:53on sait que ces courriers ont circulé dans la famille Videmin.
08:56On se les passait les uns les autres.
08:58Tu as vu ce qu'il a réécrit, regarde, regarde.
09:00Et pourtant, par exemple, on ne retrouve pas l'ADN des Videmins sur ces courriers.
09:05Donc, en fait, il y a des traces génétiques qui disparaissent
09:07ou alors peut-être qui sont recouvertes par d'autres.
09:10Mais voilà, le simple fait de savoir que sur certaines lettres du corbeau,
09:13touchées, retouchées, re-retouchées par les Videmins,
09:15on ne retrouve pas l'ADN des Videmins,
09:17ça montre aussi qu'il y a des choses qui se perdent
09:19et qu'il y a des limites aussi à l'ADN.
09:20Alors là, vous parlez du corbeau et j'ai une deuxième question pour vous,
09:23parce qu'elle est importante.
09:24L'ADN, certes, pour retrouver le corbeau, pourquoi pas ?
09:27Et tant mieux, François Saint-Pierre dit qu'évidemment, on y arrivera un jour.
09:31Mais il y a aussi l'analyse sur le terrain,
09:33l'analyse classique, l'enquête classique.
09:36Le corbeau, il s'est arrêté de s'exprimer pendant 18 mois.
09:40Est-ce qu'on a enquêté sur cette période ?
09:42Parce que c'est une période blanche, comme ça, il ne parle plus.
09:45Est-ce qu'on sait pourquoi ce corbeau s'est arrêté ?
09:47Alors, je pense que c'est très important de le savoir,
09:50il s'arrête de parler à un moment précis.
09:52Vous l'avez dit lors de l'émission d'hier,
09:56le corbeau semblait prendre la défense de Jackie,
10:01grand frère de Jean-Marie Villemin, surnommé le bâtard dans la famille.
10:06Est-ce que c'était une défense sincère,
10:08qu'il pensait vraiment que ce frère était mis à l'écart ?
10:10Ou est-ce que c'était simplement pour, au contraire, basculer les soupçons vers lui ?
10:14Je pense qu'on peut prudemment privilégier la deuxième hypothèse.
10:17Pourquoi ?
10:18Parce que quand le corbeau s'arrête effectivement de sévir,
10:21à peu près au mois de juin 1983,
10:23il se passe quelque chose de précis.
10:25Il y a une altercation assez violente
10:29entre Jean-Marie Villemin et Jackie Villemin.
10:31Jean-Marie Villemin soupçonnant Jackie d'être derrière le corbeau,
10:34et Jackie Villemin étant offusqué de ses soupçons.
10:38Donc, ils en viennent aux mains.
10:39Ils se brouillent, mais de manière extrêmement profonde.
10:44C'est à ce moment-là que le corbeau arrête,
10:46et dit « adieu mes chers cons, vous ne saurez jamais qui je suis ».
10:50On peut penser qu'effectivement il se dit
10:51« les soupçons sont suffisamment portés sur Jackie Villemin,
10:54je peux maintenant m'arrêter ».
10:56Ça, c'est étonnant.
10:56Marie-Christine Chastambouran, Jackie Villemin,
10:59il a été enquêté, comme on dit,
11:01et on s'est intéressé à lui dans cette enquête.
11:03On s'est intéressé à tout le monde dans cette enquête.
11:07Ce qui a été important au niveau des appels du corbeau,
11:10c'est de voir quels étaient les emplois du temps
11:12qui permettaient ou non de passer les appels.
11:15Et je crois que ça, c'est encore une piste
11:18qui peut être suivie aujourd'hui.
11:20Parce que je pense qu'on n'a pas fait toutes les investigations nécessaires,
11:24et qu'il faudra continuer là-dessus.
11:2732 ans après le plus spectaculaire des coups de théâtre,
11:30deux arrestations chez les Villemins.
11:31On se retrouve dans un instant sur RTL.
11:4536 heures de garde à vue, c'est très éprouvant,
11:47c'est très fatigant.
11:48Il nous manque de dire des choses qu'on ne sait pas.
11:50J'étais en garde à vue, je ne savais même pas pourquoi.
11:53Nous sommes accusés, oui.
11:54C'est octobre, moi je travaillais.
11:56Il n'y a que le soir.
11:57Quand je suis sortie du boulot, je l'ai appris.
11:58Je ne peux pas être au bord de la Vologne et au boulot.
12:03Mercredi 14 juin 2017, 8h du matin,
12:06les gendarmes sont de retour dans le décor de la Vologne.
12:0932 ans après la mort de Grégory, le temps semble s'être figé.
12:14Dans un chalet d'Aumont-Zé, on interpelle de retraités
12:16Marcel Jacob, grand-oncle de l'enfant,
12:19il a fêté ses 72 ans la veille,
12:21et son épouse Jacqueline, 73 ans.
12:23Ils sont placés en garde à vue près de Dijon.
12:25L'histoire s'emballe.
12:26Après 48h d'interrogatoire, les Jacob sont mis en examen
12:30pour enlèvement et séquestration suivi de mort.
12:33Le rideau du mystère semble soudain se déchirer.
12:37Ce n'est pas l'ADN qui a mené au Jacob,
12:39mais une succession de rapprochements.
12:41Un logiciel Anacrim a été utilisé.
12:44Le couple serait impliqué dans un pacte criminel familial.
12:48Plusieurs personnes ont concurru à la réalisation du crime,
12:52annonce Jean-Jacques Bosque, procureur général à Dijon.
12:55Le scénario laisse entendre que Bernard Laroche
12:58serait le ravisseur de l'enfant.
13:00Un homme à moustache avait été vu en train de repérer les lieux.
13:03Or, Laroche était le seul moustachu de la famille.
13:06Le petit Grégory aurait été confié à d'autres personnes,
13:09parmi lesquelles les Jacob.
13:11Pour les enquêteurs, l'auteur d'une des lettres du corbeau
13:14serait Jacqueline Jacob.
13:17Mardi 20 juin, les Jacob sont relâchés,
13:20mais placés sous contrôle judiciaire.
13:22Ils ont interdiction de se voir, ils nient.
13:25L'après-midi de l'enlèvement, Marcel Jacob explique
13:27qu'il était à son travail, pris par une réunion syndicale
13:30jusqu'à 16h45.
13:32Il a précieusement conservé le procès verbal dans une pochette.
13:36« Je jure que je n'ai rien à voir dans l'affaire Villemin »,
13:38a-t-il même écrit dans une lettre retrouvée chez lui.
13:41La fille du couple, Valérie, en froid avec ses parents,
13:44est interrogée.
13:46Elle se souvient que quand elle était adolescente,
13:48son père épiait souvent à la jumelle la maison de Monique et Albert,
13:52les grands-parents.
13:53Marcel Jacob était-il ce corbeau si bien renseigné ?
13:57« Non, ce n'est pas vrai », répond Marcel Jacob.
14:02Effectivement, c'est à nouveau un rebondissement dans cette affaire
14:06qui n'en manque pas avec ces mises à l'examen des années après.
14:11Les mises à l'examen des Jacob, ça fait beaucoup de bruit
14:14parce qu'on a l'impression de toucher presque au but.
14:17Thibault Solano, vous êtes avec nous dans cette heure du crime,
14:20journaliste et directeur adjoint à la rédaction du magazine Marianne.
14:23Alors là, ce n'est pas l'ADN, ce n'est pas la science qui désigne ces personnes,
14:28mais c'est bien les déductions des gendarmes avec ce logiciel Anacrime
14:34qui rapproche les gens avec des lieux, des histoires.
14:36Racontez-nous.
14:38Oui, ce logiciel Anacrime, alors on dit qu'il synthétise l'enquête.
14:42Je crois quand même que ça faisait 600 pages, le document.
14:46Mais effectivement, en fait, à partir du moment où l'hypothèse
14:50que Bernard Laroche n'ait pas été seul impliqué dans ce crime
14:54pour une raison notamment de temps,
14:56c'est-à-dire on rappelle la complexité des faits,
15:00enlèvement, coup de téléphone, envoi d'une lettre, meurtre.
15:04Donc, à partir du moment où peut-être il y avait des complices,
15:09piste déjà creusée par le juge Simon à la fin des années 80,
15:13eh bien, le logiciel Anacrime a permis justement d'y voir plus clair
15:17puisqu'encore une fois, on est sur un territoire restreint
15:19avec un nombre de suspects restreint.
15:21Et il faut voir l'arborescence de cette famille Villemin
15:23parce que c'est très spectaculaire.
15:25Lorsqu'on regarde la famille Villemin, on a du mal à comprendre.
15:28Il faut relire plusieurs fois, il faut se référer plusieurs fois.
15:32Maître Marie-Christine Chastan-Moran, vous défendez Christine et Jean-Marie Villemin.
15:36Alors, c'est à la fois un espoir pour eux, ces arrestations,
15:39et puis ce qui se passe avec les gendarmes.
15:42On a l'impression que la quête s'accélère beaucoup.
15:44Mais à la fois, c'est une blessure
15:45parce qu'effectivement, ils se retrouvent encore au milieu de cette enquête.
15:50Et notamment Christine qui est citée.
15:52Oui, mais malheureusement, il y a eu beaucoup de dérapages au début dans cette affaire
15:57et on l'a vu hier, beaucoup de dérapages à Epinal.
16:01Le dossier se poursuit et se poursuit de façon tout à fait dynamique.
16:06Et attendons la suite.
16:08Ils attendent la suite avec confiance.
16:09François Saint-Pierre, alors c'est important à ce stade de l'enquête,
16:13lors de ces interpellations des Jacob,
16:15parce que là ressurgit le pacte criminel familial
16:20qui avait été évoqué, on l'a dit, par le capitaine Sesma au début de l'enquête.
16:24Il évoquait un pacte criminel, lui aussi, mais là, ça prend une autre allure.
16:29Le capitaine Sesma, il a cette intuition.
16:32Puis le juge Maurice Simon, qui présidait la cour d'appel de Dijon
16:37et qui a vraiment instruit toute cette affaire, a eu la même intuition.
16:43C'est-à-dire que Bernard Laroche seul ne peut pas avoir agi en même temps
16:51pour enlever l'enfant, puis pour commettre le meurtre.
16:54Et il se fonde notamment sur les dépositions de Muriel Boll,
16:59celles qui ne sont pas annulées, je peux en parler,
17:02et qui donnent un enchaînement des actions
17:06telles qu'il semble que Bernard Laroche ait remis l'enfant à des tiers.
17:11Qui ? C'est la question.
17:13Ensuite, Anacrim, dont Thibault Solano parlait,
17:16est un logiciel qui n'est pas encore de l'intelligence artificielle,
17:19c'est un logiciel d'indexation
17:22qui a nécessité un travail très minutieux des gendarmes
17:25pour renseigner toutes les occurrences.
17:28Quand on relit le dossier grâce à cette arborescence,
17:32la solution est confirmée,
17:35c'est un crime commis par plusieurs personnes.
17:39Et c'est terrifiant, parce que cela signifie
17:42que pour avoir agi de conserve comme ça,
17:45il y a eu une entente préalable.
17:47Certaines personnes se sont réunies
17:50pour discuter de l'enlèvement et du meurtre du petit Grégory.
17:56Et c'est terrifiant.
17:56On a l'impression même d'une réunion mafieuse,
17:59pardon François Saint-Pierre.
18:00C'est terrifiant.
18:01Il y a une espèce comme ça de cénacle
18:03où on se dit qu'on va peut-être enlever l'enfant,
18:05on ne sait pas ce qu'on va lui faire, mais on va l'enlever.
18:06Et donc, comprenons bien,
18:08et c'est une question de philosophie de notre société,
18:11est-ce qu'on peut ne pas toujours chercher la vérité
18:16sur l'assassinat si horrible d'un enfant de 4 ans ?
18:20Ou se dire, bon après 40 ans,
18:22allez, laissons tomber, on ferme le dossier.
18:23C'est non.
18:24Et les magistrats disent non.
18:26Et madame Barbier qui présidait la cour d'appel
18:28avant le président Brault
18:29et qui a décidé de passer à l'action
18:32avait un motif légitime d'agir comme cela.
18:35Elle a vraiment pensé
18:37que outre Muriel Boll, Bernard Laroche,
18:40il y avait les époux Jacob.
18:42Alors elle a procédé de cette façon-là.
18:44C'est vrai qu'il y a eu une erreur de procédure.
18:46Elle est parfaitement excusable
18:47parce que la jurisprudence n'était pas claire.
18:50C'est une séquence passée.
18:51La question est de savoir qu'est-ce qui va se passer maintenant.
18:54Thibault Solano, lorsqu'on reprend ce moment important
18:57avec l'interpellation de Jacob,
18:59il y a un témoignage qui est important,
19:00c'est celui de Valérie.
19:02C'est la fille de Jacob.
19:03Parce qu'elle, elle est interrogée,
19:06et là récemment, ce ne sont pas des témoignages anciens,
19:08elle se souvient que son père regardait à la jumelle.
19:11On est en plein espionnage.
19:14On est là où tout le monde se regarde.
19:17Bien sûr.
19:18Et effectivement, ce témoignage est d'autant plus troublant
19:21qu'on sait, qu'on se doute en tout cas,
19:23que le corbeau ou les corbeaux avaient vu
19:25sur la maison d'Albert et Monique Villemin.
19:28Il y a eu effectivement cette scène dont on a parlé hier
19:31où Monique, la grand-mère, reçoit la visite des gendarmes
19:34et quelques minutes après, le corbeau y fait référence.
19:37Donc on sait que le corbeau avait vu sur cette maison-là
19:40et on sait, on se doute aussi, que le corbeau habitait au Montzay.
19:44Donc ce détail que donne la fille de Jacob
19:48est forcément intéressant.
19:50Et puis je sais que l'avocat de Jacob estime
19:53qu'on ne voyait pas la maison des grands-parents
19:57parce qu'il y avait des arbres, mais à l'époque,
19:59les arbres étaient moins...
20:00La végétation était moins dense.
20:01Voilà.
20:02C'est ça.
20:03Marie-Christine Chastambaurant, un petit mot.
20:05Ils ne disent pas grand-chose, les Jacob,
20:07lors de ces interrogatoires ?
20:08Ils ne disent pas grand-chose,
20:10mais déjà un petit peu plus que ce qu'ils avaient dit avant
20:13parce que je crois que Mme Jacob
20:15n'avait pas été entendue précédemment.
20:19Elle n'avait pas été entendue à Epinal,
20:22souvereure de ma part,
20:24et dans le cadre du supplément d'informations
20:26par le président Simon, qui avait convoqué les époux Jacob,
20:29seul son mari, M. Marcel Jacob, s'était déplacé.
20:32Donc c'est vrai.
20:34Alors là, il me semble que sa réaction immédiate
20:38a été de dire, je ne parlerai pas.
20:40J'attends ce qu'elle était en droit de faire juridiquement.
20:44Elle était tout à fait en droit de le faire.
20:46Mais enfin, au moins,
20:47l'intérêt, c'est qu'elle a été amenée
20:50et elle a quand même dû,
20:51et pas d'emblée,
20:52mais elle a quand même dû répondre aux questions des magistrats.
21:18Édition spéciale Affaires Grégory.
21:2040 ans de mystères.
21:23On m'a tellement fait passer pour un monstre,
21:26et que je cache quelque chose,
21:28mais ce n'est pas vrai.
21:29Je suis innocente.
21:30Aujourd'hui, j'attends que la justice, au moins,
21:32retrouve le vrai coupable,
21:34et qu'il nous laisse un peu aussi tranquilles maintenant,
21:36parce que ce n'est pas nous.
21:39Mercredi 28 juin 2017, 11h,
21:42Brigade de gendarmerie de Saint-Etienne-les-Remirements.
21:45Les enquêteurs font asseoir Muriel Boll, 48 ans.
21:48Elle en avait 15 au moment de l'affaire.
21:50À l'époque, elle avait été gardée à vue pendant 23 heures,
21:53il n'en reste donc que 25 pour l'interroger.
21:56Elle évoque sa sœur Marie-Ange et son beau-frère Bernard Laroche.
21:59Elle s'entendait bien avec eux.
22:01Pour le 16 octobre 84,
22:03elle indique qu'elle n'est jamais montée dans la voiture de Laroche,
22:06contrairement à ce qu'elle a pu raconter à l'époque.
22:09Elle est sortie du collège,
22:10elle a pris le bus de ramassage scolaire,
22:12puis elle est allée chez une tante.
22:14À propos de ses premières déclarations,
22:17qui présentaient Laroche comme le ravisseur de Grégory,
22:20elle répond
22:21« Ce n'est pas moi qui ai dit cela,
22:23ce sont les gendarmes de Bruyères qui ont tout tapé. »
22:26Un cousin éloigné révèle sur procès verbal
22:29que Muriel Boll a reçu des gifles
22:31après son témoignage accablant contre Laroche.
22:34Muriel dément être revenue sur ses propos
22:37à cause d'intimidation familiale.
22:39Elle coupe net
22:40« Ce n'est pas Bernard de toute façon,
22:42il était là quand je suis rentré de l'école. »
22:45Muriel Boll est mise en examen pour séquestration,
22:48incarcérée,
22:48puis assignée à résidence dans la Nièvre.
22:52Mercredi 16 mai 2018,
22:55onze mois après la tempête des mises en examen,
22:57l'affaire semble soudain revenir à son point zéro.
23:00Les poursuites contre les époux Jacob et Muriel Boll
23:02sont annulées pour vices de forme.
23:04Puis deux ans plus tard,
23:06c'est le procès verbal de la première garde à vue
23:08de Muriel Boll en 1984.
23:10Celui qui met en cause, Bernard Laroche,
23:12qui est annulé.
23:14L'audition n'avait pas été faite dans les règles.
23:17La justice ne peut plus utiliser ce PV.
23:20L'avocat de Marie-Ange Laroche,
23:22la sœur de Muriel Boll,
23:24parle d'un « énième fiasco ».
23:26« Du moment qu'on n'a pas d'expertise ADN solide,
23:29il faut arrêter de mettre en cause des personnes
23:32et de toujours promettre une énième semaine décisive »,
23:36indique maître Gérard Welser.
23:40Et dans cette seconde crime,
23:41on retrouve l'un de nos invités,
23:42c'est maître François Saint-Pierre,
23:44avocat au barreau de Lyon,
23:44avocat de Christine et Jean-Marie Villemin.
23:47Maître Saint-Pierre,
23:48est-ce qu'il fallait mettre en examen
23:49les époux Jacob et Muriel Boll ?
23:51Est-ce qu'on ne s'est pas précipité ?
23:54Écoutez, la présidente de la chambre de l'instruction
23:56de la cour d'appel de Dijon à l'époque,
23:58madame Barbier,
23:59a considéré qu'il fallait procéder à ces mises en examen
24:02pour deux raisons.
24:03D'abord, parce que comme nous l'avons expliqué tout à l'heure,
24:06il y avait différents indices
24:08qui orientaient les soupçons sur les Jacob.
24:11Après, parce que selon notre code de procédure pénale,
24:16lorsqu'une personne est suspectée,
24:17le juge doit les mettre en examen,
24:19ne serait-ce que pour qu'ils puissent exercer
24:22leur droit de défense.
24:24Donc la juge a procédé à cette mise en examen,
24:26on l'a dit tout à l'heure,
24:27elle l'a fait seule,
24:28cela aurait dû être de manière collégiale
24:31avec les autres juges de la cour d'appel.
24:33C'est une erreur très relative,
24:35le droit n'était pas clair à cette époque-là.
24:37Ces mises en examen sont annulées.
24:39De la même façon, celles de Muriel Boll.
24:43La question est maintenant de savoir si,
24:45eh bien, la justice va relancer
24:48des poursuites les concernant.
24:50Chacun parle pour soi,
24:52nous sommes les avocats des victimes,
24:53Jean-Marie et Christine Villemin.
24:55C'est au procureur général de prendre des réquisitions,
24:58c'est à la cour d'appel de prendre cette décision.
25:01A chacun ses fonctions,
25:03c'est très important que chacun soit dans sa fonction,
25:06dans son rôle.
25:07Maître Marie-Christine Chastan-Moran,
25:09vous êtes avec nous également
25:10dans le studio de l'heure du crime.
25:11Vous êtes avocate au barreau de Paris,
25:13et je le rappelle, avocate historique de Christine
25:15et Jean-Marie Villemin.
25:16C'est l'ascenseur émotionnel pour ces parents,
25:20parce qu'ils espéraient sans doute
25:21qu'on allait aboutir à quelque chose.
25:23Et puis, une partie du dossier s'effondre,
25:25il y a ces mises en examen qui sont annulées.
25:27Comment est-ce qu'ils vivent ça ?
25:30Evidemment, ils ne vivent pas bien
25:32ce rebondissement dans la mesure où,
25:35lorsqu'il y a eu les mises en examen,
25:37je me souviens que ce que disait Jean-Marie,
25:39il disait, Christine et moi,
25:42on a eu raison de ne jamais lâcher.
25:45Il faut continuer et eux,
25:46c'est vraiment leur quête fondamentale
25:50qui les poursuivra jusqu'au bout.
25:54Donc, ils ont finalement cet événement
25:57des mises en examen.
25:58Ensuite, on leur dit,
26:00il y a eu une erreur, entre guillemets, de procédure.
26:04C'est toujours, j'allais dire, un coup au cœur.
26:07C'est un mauvais coup.
26:08C'est un coup au cœur qui est porté.
26:10Mais, encore une fois,
26:11et c'est ce que je disais tout à l'heure,
26:13ils n'ont pas pour autant
26:15perdu confiance dans la justice.
26:17Parce qu'ils ont compris qu'en définitive,
26:19il y avait quelque chose de procédure
26:21qui n'était pas très nette.
26:22Mais ils savent que la justice continue
26:24et ils y croient.
26:26Et ils le démontrent puisqu'ils continuent
26:28à se battre pour que cette vérité apparaisse.
26:30Thibaut Solano,
26:31évidemment qu'il y a cette volonté
26:33des parents.
26:34Mais est-ce que ça va suffire ?
26:35Parce qu'on a l'impression que le dossier
26:36prend des coups, là.
26:37Il a pris de grosses balafres, j'ai envie de dire.
26:41Oui, c'est un long chemin, effectivement.
26:44Après, il reste
26:46les ADN, tout de même.
26:48Il reste, même si
26:50on n'est pas obligé d'y croire,
26:51mais la possibilité que quelqu'un finisse
26:53par donner une information.
26:55Alors, on dit toujours quelqu'un sur son lit de mort.
26:57Et puis, les protagonistes
26:59meurent les uns après les autres.
27:00Monique et Albert sont morts, par exemple.
27:03Mais bon, il faut s'accrocher.
27:04Et effectivement, l'ADN, par exemple.
27:07Pour l'instant, il y a 4 ADN mélangés
27:10sur le timbre de la lettre de revendication du crime.
27:13Pour l'instant, la science n'est pas encore capable
27:15de dissocier les ADN pour les identifier.
27:18Il y avait un programme mis en place
27:20par le professeur d'Outre-Mepuche à Bordeaux
27:22qui, finalement, n'est pas assez performant.
27:24Mais d'ici quelques mois,
27:26peut-être quelques années,
27:27ce logiciel peut encore parler.
27:30Une armée d'experts pour examiner
27:32le moindre détail, la plus petite curiosité.
27:34On se retrouve dans un instant sur RTL.
27:52L'idéal serait pouvoir dire un jour,
27:53madame, monsieur, voilà ce qui s'est passé.
27:55Mais si on n'y arrive pas,
27:57et je ne sais pas si on y arrivera,
27:58pouvoir au moins donner à ces victimes,
28:01comme à n'importe quelle victime,
28:03le sentiment qu'on a fait tout ce qu'on pouvait faire,
28:05tout ce qu'on devait faire.
28:06C'est ça notre devoir.
28:09Fin mars 2021, le juge chargé du dossier Grégory
28:12est destinataire d'un rapport de 178 pages
28:15commandé 4 ans plus tôt par son prédécesseur.
28:18Il s'agit d'une analyse de stylométrie
28:21demandée à la société Suisse Orph Analytics.
28:24Technique nouvelle qui consiste à comparer le style,
28:28l'emploi de certains mots et leur répétition
28:30entre certains écrits.
28:31On a comparé ici l'écriture des membres
28:34de la famille Villemin avec les courriers du Corbeau.
28:37Selon les experts, il pourrait y avoir 5 Corbeaux.
28:40Jacqueline Jacob, la grande-tante
28:42qui avait été mise en examen dans l'affaire,
28:44est citée.
28:45Son style serait hautement similaire
28:48à celui du Corbeau, estiment les spécialistes.
28:50Les avocats des Villemins
28:51ne tirent aucune conclusion de ce rapport.
28:54Maître François Saint-Pierre appelle à la prudence.
28:56Les défenseurs du couple Jacob restent sur la même ligne.
29:01Janvier 2024, le professeur Christian Doutre-Mepuiche,
29:05à la tête d'un laboratoire de génétique à Bordeaux,
29:08travaille sur des programmes novateurs
29:10qui pourraient isoler les ADN entremêlés
29:12figurant dans les scellés.
29:13Mais quelques mois plus tard,
29:14il fait savoir que les résultats obtenus
29:16sont pour l'instant trop fragiles.
29:19Pas de quoi décourager la justice.
29:21Mercredi 20 mars 2024,
29:22cette justice autorise une nouvelle série
29:26de comparaisons ADN.
29:27Neuf profils isolés.
29:29Les enquêteurs s'intéressent plus particulièrement
29:31à celui de Michel Villemin,
29:33frère aîné de Jean-Marie, décédé en 2010.
29:36De nouvelles expertises sont également lancées
29:38avec la reconnaissance vocale des voix du Corbeau.
29:41Avec l'intelligence artificielle,
29:43on peut faire des tas de choses,
29:45je sens comme une possibilité,
29:47indique dans le journal Marianne
29:48maître Marie-Christine Chastan-Moran.
29:52Et dans cette heure du crime,
29:54on rejoint tout de suite l'un de nos invités
29:55dans le studio de l'heure du crime.
29:57C'est Thibault Solano,
29:58directeur adjoint de la rédaction du magazine Marianne.
30:02Alors vous avez suivi cette avancée de l'ADN, etc.
30:06Où est-ce qu'on en est aujourd'hui ?
30:07C'est toujours le professeur d'Outre-Mepuiche
30:09qui est à la manœuvre pour analyser tout ce dossier ?
30:12Oui, toujours, c'est son laboratoire à Bordeaux
30:15qui travaille beaucoup avec la gendarmerie.
30:17Et c'est vrai que ce timbre
30:20de la lettre de revendication du crime,
30:22qui comporte donc un mélange de quatre ADN masculins,
30:25on peut aujourd'hui exclure des profils ADN
30:29en les comparant à des ADN mélangés.
30:31Mais on ne peut pas identifier avec certitude
30:34les ADN mélangés.
30:35Donc, le professeur d'Outre-Mepuiche
30:38avait lancé deux programmes.
30:40Il misait sur deux chevaux, quelque part,
30:42pour essayer de réussir à identifier les ADN mêlés.
30:46Ce qui serait une nouveauté scientifique.
30:48Mais avant l'été, les deux tentatives ont échoué.
30:51Il y a en quelque sorte une phase d'accréditation
30:54où un programme doit être validé
30:56pour être jugé suffisamment fiable.
30:58Et cette validation n'a pas pu être acquise.
31:00Donc, ça relance les expérimentations
31:03pour plusieurs mois, on va dire.
31:05Oui, c'est ça. Donc, effectivement,
31:07l'enquête repart, j'ai envie de dire.
31:08C'est toujours pareil, c'est qu'on échoue un moment
31:11ou en tout cas, ce n'est pas suffisant.
31:12Mais effectivement, on s'accroche et on continue.
31:16Je vais vous poser une question
31:18que vous n'aimez pas,
31:19Maître Marie-Christine Chastan-Moran,
31:21avocate des parents de Christine et Jean-Marie Villemin.
31:25Ça coûte très cher, toutes ces expertises.
31:27Parce qu'on entend dire que finalement,
31:29à quoi bon, c'est de l'histoire ancienne,
31:31c'est à 40 ans, il faut arrêter avec tout ça.
31:34Ça coûte énormément d'argent.
31:36C'est un coût, tout a un coût.
31:38Tout dans la vie a un coût.
31:40Je pense qu'avec ce que Christine et Jean-Marie Villemin
31:44ont traversé, ils ont quand même le droit d'espérer
31:49que tout ce qui est humainement possible soit fait.
31:52Or, à l'heure actuelle,
31:54pour l'instant, ça n'a pas donné de solution
31:58pour les ADN mélangés, comme Thibault Solano vient de le dire.
32:01Mais on a l'espoir que ça arrive d'ici assez peu de temps.
32:06Et moi, le fond de ma pensée
32:08est que l'ADN n'a pas dit son dernier mot.
32:11Parce que l'ADN, c'est quelque chose d'incontournable.
32:15Et en plus, ce qui est, j'allais dire,
32:18au cœur de la recherche,
32:20c'est le timbre de la lettre de revendication du crime.
32:24Oui, c'est celle qui compte. Cette lettre, c'est celle qui compte.
32:26Voilà, on est au cœur du crime.
32:28Parce que l'assassin ou l'un des assassins
32:32a posté cette lettre en disant
32:34j'ai tué ton fils,
32:36c'est pas ton argent, on parle encore d'argent,
32:38c'est pas ton argent qui te rendra ton fils.
32:41Donc nous sommes au cœur du crime.
32:43Et si l'ADN,
32:45comme on peut le penser
32:47et comme on se le laisse dire
32:49d'ici peut-être quelques mois,
32:51j'en sais rien, peut-être un an,
32:53j'en sais rien.
32:55Si l'ADN parle, on est à 40 ans aujourd'hui, jour pour jour.
32:59Donc si l'ADN parle,
33:01je veux dire, c'est extraordinaire.
33:03Et Jean-Marie et Christine y croient.
33:05Que ça coûte de l'argent,
33:07mais j'ai écouté avec grand plaisir
33:12la déclaration de monsieur le procureur général
33:14Philippe Astruc
33:16qui dit que ce qu'il faut
33:18c'est que la justice apporte une réponse
33:20à ses parents avec ce qu'ils ont vécu.
33:22Avec ce qu'ils ont traversé.
33:24Ils y ont droit.
33:26François Saint-Pierre, vous défendez également
33:28les parents villemins,
33:30la priorité c'est d'identifier le corbeau.
33:32Parce que là on a la clé.
33:34Il n'y a que ça qui compte finalement.
33:36Tout à fait, à cet égard,
33:38c'est Marie-Christine Chastan-Morin
33:40qui a donné cette idée.
33:42Nous avons sollicité de la cour d'appel
33:44de lancer une nouvelle expertise
33:46avec une nouvelle technologie
33:48qui s'appelle la fréquence vocale.
33:50Autrement dit,
33:52vous, moi, chaque personne
33:54a une empreinte digitale,
33:56on a une empreinte vocale également.
33:58Et la justice
34:00a donc demandé
34:02aux services spécialisés d'enquête
34:04de nous dire où nous en étions
34:06de cette technologie.
34:08Ce qui est très important,
34:10c'est que c'est une question de société
34:12et pas seulement
34:14d'intérêt personnel de Jean-Marie-Christine Villemin.
34:16Ça nous concerne tous.
34:18Nous avons le devoir moral
34:20de faire la lumière sur ce crime.
34:22La justice a l'obligation
34:24juridique d'aller au bout
34:26du bout des choses.
34:28Puisque la technologie évolue sans cesse,
34:30il faut continuer.
34:32Jean-Marie Villemin,
34:34son face-à-face avec ce corbeau
34:36va faire mourir de chagrin.
34:38On se retrouve tout de suite sur RTL.
34:56Moi, ce que j'aspire,
34:58c'est qu'on puisse fêter nos noces dehors,
35:00être entouré de mes enfants, de mes petits-enfants,
35:02de mes arrière-enfants.
35:04Déjà ça, ça serait un beau cadeau.
35:06Mais après, on espère trouver
35:08un certain anonymat.
35:10Mercredi 9 octobre 2024,
35:12sortie de la bande dessinée
35:14Grégory, de Pat Perna
35:16et Christophe Gauthier,
35:18préface de Jean-Marie Villemin.
35:20Le père de l'enfant écrit
35:22« Un anéantissement total,
35:24voilà ce que Christine et moi ressentons
35:26après l'assassinat de notre petit Grégory
35:28le 16 octobre 1984. »
35:30Jean-Marie Villemin poursuit
35:32« Un corbeau dont nous ne connaissons
35:34toujours pas l'identité
35:36a tué notre fils de 4 ans.
35:38Pour me faire mourir de chagrin,
35:40au nom de quoi ?
35:42Pour assouvir quelle haine ?
35:44Je me demande comment nous avons survécu.
35:46Nous étions perdus au fond du gouffre,
35:48sans aucun soutien,
35:50balottés par les événements
35:52et une justice erratique. »
35:54Avant qu'on nous assassine Grégory,
35:56on était un couple, on s'aimait,
35:58il n'y avait pas de problème,
36:00on s'est tombé ça sur la tête,
36:02on nous a tué notre enfant,
36:04on avait fait toute notre vie autour de lui.
36:06L'amour qu'on avait là pour l'autre,
36:08par la douleur,
36:10il s'est encore plus soudé.
36:12Plus on nous donnait des coups,
36:14plus notre amour automatiquement grandissait. »
36:18Christine Villemin dans l'émission
36:20« La marche du siècle »
36:22sur France 3, le 27 avril 1994.
36:26Marie-Christine Chastambourange,
36:28je reviens vers vous,
36:30dans le studio de l'art du crime,
36:32vous êtes avocate à Paris,
36:34avocate historique de Christine et Jean-Marie Villemin.
36:36Cette préface de cette bande dessinée
36:38qui est signée Jean-Marie Villemin,
36:40je précise que Christine n'a pas voulu intervenir
36:42dans cette préface.
36:44C'est son droit parce qu'elle a plutôt envie
36:46de laisser cette histoire,
36:48non pas derrière elle,
36:50mais de la mettre entre parenthèses.
36:52Elle dit tout, finalement, cette préface.
36:54C'est un anéantissement total.
36:56C'est qu'on ait pu, pour se venger
36:58de Jean-Marie,
37:00assassiner un petit garçon
37:02de 4 ans.
37:04Pour se venger.
37:06Mais c'est monstrueux.
37:08C'est monstrueux.
37:10Et savoir au surplus que c'est forcément
37:12dans la famille, puisqu'il y avait ce corbeau familial,
37:14que c'est dans la famille.
37:16Mais c'est monstrueux.
37:18Et c'est d'une lâcheté
37:20à nul autre pareil.
37:22Se venger de quelqu'un
37:24pour un petit garçon.
37:26Mais c'était un anéantissement total.
37:28Parce que Grégory était tout pour eux.
37:30Donc on leur enlève
37:32le fruit de leur amour,
37:34la chair de leur chair,
37:36et ils ne savent plus
37:38où ils sont.
37:40C'est d'ailleurs presque miraculeux,
37:42j'ai envie de dire, qu'ils soient toujours ensemble
37:44aujourd'hui.
37:46Leur couple n'est pas explosé.
37:48Ca arrive très souvent dans les affaires de crime.
37:50Mais on le dit,
37:52ce qui leur a permis de tenir,
37:54c'est d'être ensemble.
37:56C'est cet amour qui les unit.
37:58Et ils se sont sauvés l'un l'autre.
38:00François Saint-Pierre, vous aussi,
38:02vous les connaissez bien, les Villemins,
38:04Christine et Jean-Marie, vous les défendez dans ce dossier.
38:06Il rajoute quelque chose, Jean-Marie Villemin,
38:08qui est très touchant,
38:10en tout cas qui est vraiment frappant.
38:12Il dit, Christine, c'est une grande
38:14brûlée des médias. C'est pour ça qu'elle ne veut pas
38:16intervenir dans cette bande dessinée.
38:18Une préface à ce livre qui est
38:20vraiment très belle.
38:22Elle a été écrasée par cette affaire.
38:24Absolument. Elle a vraiment été
38:26blessée
38:28par les médias et pas seulement
38:30par la justice. Et quand je dis ça,
38:32ce n'est pas du tout hostile aux médias,
38:34bien au contraire. Mais enfin,
38:36nous avons traversé une époque
38:38invraisemblable.
38:40Je crois que le livre qui en parle le mieux,
38:42c'est celui de Laurence Lacour
38:44et qui retrace
38:46toute cette histoire-là.
38:48A cet égard aussi,
38:50cette affaire aura
38:52été...
38:54a provoqué une
38:56prise de conscience des médias
38:58pour le traitement de ces affaires judiciaires.
39:00Avec plus de distance et de prudence,
39:02on l'espère. Il y a une loi
39:04sur le respect de la présomption d'innocence
39:06et il y a toute une pratique judiciaire
39:08je pense qui est nécessaire.
39:10Mais je voudrais aussi dire que c'est la
39:12presse qui a aussi permis de mettre
39:14en lumière l'innocence de Christine.
39:16C'est absolument
39:18nécessaire que les journalistes
39:20puissent mener leurs investigations
39:22pour informer la société
39:24sur des affaires judiciaires qui sont
39:26en cours. Et donc, il nous
39:28faut bien réfléchir à la nécessité
39:30de la presse judiciaire
39:32et pas seulement de critiquer
39:34ce qui s'est passé, même si nous le faisons.
39:36Thibault Solano, directeur adjoint de la rédaction du magazine
39:38Marianne, le temps est assassin,
39:40on le sait. Les acteurs de l'affaire
39:42sont en train de disparaître, les uns après les autres.
39:44Oui,
39:46effectivement, 40 ans après,
39:48il y a plusieurs personnes qui sont mortes,
39:50il y a des personnes
39:52qui sont âgées, donc à la fois
39:54le temps a un double rôle, à la fois
39:56grâce au temps qui passe,
39:58les techniques ADN progressent,
40:00la science progresse, même peut-être la reconnaissance
40:02vocale progresse, mais dans le même temps
40:04il y a quand même
40:06un compte à rebours qui est lancé,
40:08notamment par rapport à l'âge de certains
40:10suspects. Donc,
40:12j'imagine que les moyens doivent être
40:14mis à Dijon pour
40:16essayer justement d'aller plus vite que
40:18ce temps qui passe et qui menace tout de même un peu
40:20le dossier. Dernière question pour les avocats,
40:22Maître Saint-Pierre et Maître
40:24Chastan-Morant, évidemment les
40:26parents en villement nous écoutent, ils écoutent cette émission
40:28parce qu'ils s'intéressent à ce qui se passe et à ce
40:30qu'on dit, on les salue d'ailleurs au passage et on dédie
40:32cette émission à ses parents
40:34et au petit Grégory. Qu'est-ce qu'ils vous
40:36ont dit récemment là-dessus,
40:38à l'amorce du 40ème anniversaire
40:40Maître Chastan-Morant ?
40:4240 ans,
40:44c'est extrêmement difficile
40:46pour eux parce qu'ils ont été
40:48à l'initiative de la réouverture du dossier
40:50parce qu'ils veulent savoir, mais en même temps
40:52commémorer,
40:54commémorer 40 ans
40:56d'un assassinat monstrueux,
40:58de leur peine,
41:00de leur anéantissement comme ça a été
41:02dit, c'est extrêmement
41:04douloureux pour eux, extrêmement.
41:06Merci infiniment
41:08Maître Marie-Christine Chastan-Morant,
41:10Maître François Saint-Pierre
41:12et Thibaut Solano d'avoir été les invités
41:14de L'Heure du Crime. Merci à l'équipe de l'émission, rédactrice
41:16en chef Justine Vignon, préparation Marie Bossard,
41:18Lisa Canalès, réalisation
41:20en direct Jonathan Griveaux.