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il y a quarante ans, le mardi 16 octobre 1984, le corps du petit Grégory Villemin était retrouvé sans vie dans une rivière glacée jusqu'ici méconnue et qui allait subitement devenir célèbre, la Vologne. Grégory, quatre ans. Victime expiatoire d'une haine familiale ressassée depuis des années. Un corbeau va confirmer que c'est bien dans le clan Villemin que se cache le ou plutôt les meurtriers. Ces noms sont depuis le début dans le dossier mais impossible à ce jour de s'arrêter sur l'un ou l'autre de ces visages.
Retrouvez tous les jours en podcast le décryptage d'un faits divers, d'un crime ou d'une énigme judiciaire par Jean-Alphonse Richard, entouré de spécialistes, et de témoins d'affaires criminelles.
Regardez L'heure du Crime avec Jean-Alphonse Richard du 16 octobre 2024.

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Transcription
00:0014h15, c'est l'heure du crime sur RTL, édition spéciale, l'affaire Grégory.
00:14Le corps d'un enfant de 4 ans dont les pieds et les mains étaient ligotés a été retrouvé dans la Vologne, une rivière des Vosges.
00:21Grégory Villemin avait disparu ce soir vers 17h30. Les gendarmes ont été prévenus par un coup de téléphone anonyme.
00:27Les enquêteurs n'excluent pas l'hypothèse d'une vengeance familiale.
00:32Bonjour, il y a 40 ans, le mardi 16 octobre 1984, le corps du petit Grégory Villemin était retrouvé sans vie dans une rivière glacée, jusqu'ici méconnue, et qui allait subitement devenir célèbre, la Vologne.
00:47Grégory, 4 ans, victime expiatoire d'une haine familiale ressassée depuis des années, exprimée par les lettres et la voix d'un corbeau.
00:56Aujourd'hui et demain, deux heures du crime spécial et totalement inédite, avec nos invités et acteurs de l'époque, nous allons remonter le cours de la Vologne, nous arrêter sur les moments où à chaque fois cette histoire a basculé.
01:08C'est dans le clan Villemin que se cachent le ou les assassins, des noms qui depuis le début sont dans le dossier mais qui aujourd'hui encore n'ont pas de visage.
01:17Nous allons essayer de comprendre pourquoi cette vérité qu'on touche du doigt depuis 40 ans est impossible à attraper, va-t-on trouver ?
01:26C'est la question que nous posons, la même qui anime depuis toutes ces années Jean-Marie et Christine Villemin.
01:33Dans la nuit de la Vologne, un petit garçon au bonnet bleu, blanc et rouge, il est mort.
01:39A tout de suite sur RTL.
01:41L'affaire Grégory 1984-2024, 40 ans de mystère.
01:46Édition spéciale de l'heure du crime sur RTL.
01:53L'heure du crime, édition spéciale affaire Grégory.
01:57Ce que j'attends c'est que justice soit faite, c'est tout.
01:59Je fais confiance à l'armerie, pour l'instant ça fait 8 jours que ça dure, j'espère que ça ne durera pas 8 jours de plus, parce que là c'est invivable quoi, c'est tout.
02:11Mardi 16 octobre 1984, vers 17h45, Jean-Marie Villemin, 26 ans, est à son poste, salle de contrôle de la manufacture autocoussin, où il est contre-maître.
02:23Il décroche le téléphone, c'est sa mère, Monique.
02:26Il faut que tu montes chez toi, c'est Grégory.
02:29On l'a enlevée, dit-elle, sa voix est pleine de terreur.
02:33Jean-Marie file à toute vitesse chez lui, à l'éponge, à une dizaine de kilomètres.
02:37Cette maison toute neuve, où il vit avec Christine, 24 ans, et leur fils Grégory, 4 ans, sur une butte adossée à un bout de forêt.
02:44Christine, le regard perdu, est au téléphone, un voisin est accouru.
02:48L'épouse raconte, elle est rentrée avec Grégory vers 17h05, 17h10.
02:53Elle l'a laissée jouer sur le tas de sable juste devant le pavillon.
02:57Comme il fait froid, elle lui a mis son bonnet, bleu, blanc et rouge.
03:01Elle a fait un peu de repassage, volé tiré, écoutant la radio.
03:05Elle est ressortie à 17h30, Grégory n'était plus là.
03:08Le couple est assailli de sombres pensées.
03:11L'année précédente, Jean-Marie a reçu l'avertissement du corbeau.
03:15Ne laisse pas trop traîner ton mioche autour de la maison, tu le retrouveras stagné, étranglé, en bas.
03:21Cette fois, c'est Jacky, frère de Jean-Marie, qui a reçu à 17h35 l'appel de la voix rauque.
03:27Il m'a dit qu'il avait étranglé le gamin et qu'il l'avait jeté dans la vologne, témoigne Jacky.
03:32Les grands-parents Villemin, Jean-Marie et l'un de ses frères, Michel, filent au bord de la rivière.
03:37Le maire de Lépange est alerté.
03:3920h30, chez elle, Christine Villemin pleure.
03:42Pourvu qu'il ne soit pas mort, répète-t-elle.
03:45Trois quarts d'heure plus tard, la silhouette d'un pompier apparaît devant la maison.
03:49Il reste immobile.
03:50Est-ce que votre fils portait un bonnet rayé, bleu, blanc et rouge, demande-t-il à Jean-Marie.
03:56Il ajoute, on l'a retrouvé, mort, dans la vologne, près du barrage de Dossel.
04:01Grégory n'est pas mort étranglé, comme l'annonçait le corbeau.
04:04C'est une noyade forcée, asphyxie ou hydrocution.
04:07Pas de coup d'équimeuse, l'enfant ne s'est pas débattu.
04:10On l'a ligoté, peut-être, après la mort.
04:13A-t-il été drogué, endormi, piqué à l'insuline, comme le laisse croire un emballage retrouvé sur la rive ?
04:18On ne le saura jamais.
04:20Le tout jeune juge d'Epinal, Jean-Michel Lambert, ne juge pas utile l'expertise toxicologique.
04:27Et dès les premières minutes, on est déjà au cœur du mystère Grégory.
04:31Bonjour, Maître Marie-Christine Chastan-Moran.
04:33Bonjour.
04:34Merci infiniment d'être avec nous, aujourd'hui, dans le studio de l'heure du crime.
04:37Vous êtes avocate au barreau de Paris, avocate historique, on dit ça comme ça, de Christine et Jean-Marie Villemin.
04:43D'ailleurs, à l'époque, avec Maître Thierry Mauser.
04:45Marie-Christine Chastan-Moran, est-ce que vous attendiez, 40 ans plus tard,
04:52à être dans un studio de radio et à dire, je pose toujours la même question, qu'est-ce qu'il est arrivé à Grégory ?
04:58Ah, certes, non.
05:00Lorsqu'en mars 1985, Maître Henri Garraud m'a demandé d'intervenir dans ce dossier,
05:07je suis allée assez vite à Epinal, mais jamais, jamais, jamais, au grand jamais,
05:13j'aurais pu penser que 40 ans après, jour pour jour, après le crime monstrueux, l'assassinat de cet enfant,
05:21je serais aujourd'hui à vous en parler.
05:23Vous pensiez qu'on allait trouver ?
05:25Je pense que ce n'était pas une affaire extrêmement compliquée d'élaborer.
05:30Malheureusement, l'expérience a démontré tous les dérapages, y compris judiciaires, qui sont intervenus.
05:38Et aujourd'hui, nous sommes toujours là, à rechercher la vérité.
05:42Bonjour François Saint-Pierre.
05:44Bonjour.
05:45Maître François Saint-Pierre, avocat au barreau de Lyon, avocat de Christine et Jean-Marie Villemin,
05:49vous avez repris cette affaire un peu plus tard, dans la longue saga, dans ce long feuilleton.
05:55Maître Saint-Pierre, l'affaire, on a l'impression qu'on a tout sous la main, tout de suite, là.
06:01On a des indices, on a presque des explications, on a du monde, on a une famille, mais tout est raté, tout de suite. C'est ça ?
06:09Je crois malheureusement que la responsabilité du juge d'instruction, monsieur Lambert, est écrasante.
06:15Mais je crois aussi que la procédure telle qu'elle était organisée, à cette époque, il y a 40 ans,
06:21plaçait un jeune magistrat inexpérimenté dans une telle situation. Catastrophe annoncée.
06:27Mais voilà un magistrat qui n'a aucun sens des priorités, de l'urgence, qui ne connaît pas sa procédure pénale,
06:34et qui place le service de gendarmerie qui enquête, correctement, dans une situation impossible.
06:42C'est vraiment catastrophique. Je crois que cela a signé la fin de l'institution du juge d'instruction Napoléonien.
06:49L'homme ou la femme le plus puissant de France. C'est inepte.
06:53Les enquêtes criminelles doivent être menées par des équipes d'enquêteurs, de magistrats.
06:59Et là, nous avons vu un jeune juge d'instruction inexpérimenté, mais pire, suggestible et manipulable.
07:06Et c'est la source de la catastrophe.
07:08Alors on ne va pas l'accabler, évidemment, il est décédé aujourd'hui, le juge Lambert.
07:11Donc on ne va pas faire son procès, ce n'est pas le but.
07:14Mais le fait est que François Saint-Pierre a cru un mot.
07:17Il y a des erreurs manifestes qui sont faites au tout début.
07:20Alors aujourd'hui, on parle de police scientifique, il faut protéger les scènes de crime, etc.
07:23Mais là, on est vraiment dans le désordre le plus total.
07:27Oui, alors il y a des erreurs grossières pour l'autopsie, pour les prélèvements, les examens qui n'ont pas été effectués.
07:36Ensuite, pour des expertises en graphologie ordonnées par le juge, il se trompe.
07:42Et en face, évidemment, Bernard Laroche est très correctement défendu par son avocat Gérard Welser, qui fait le travail.
07:50Qui va se battre beaucoup pour lui.
07:51Le résultat est là. Il y a eu des bévues qui sont inacceptables.
07:57Qui ont créé cette catastrophe.
07:59Bonjour Thibault Solano.
08:00Bonjour.
08:01Rédacteur en chef, adjoint à la rédaction du magazine Marianne et auteur du livre,
08:06qui fait autorité, d'ailleurs ça fait partie des ouvrages qui font autorité pour cette histoire,
08:11ça s'appelle La Voix Rock, qui est publié chez Pocket.
08:13Et j'en recommande évidemment la lecture à nos auditeurs qui s'intéressent à cette affaire Grégory.
08:18Il y a quelque chose de très étonnant Thibault Solano, c'est que tout va très vite au début de cette affaire.
08:22J'ai regardé, il y a un mois où presque tout se passe.
08:25L'enquête est très condensée.
08:26Et tout de suite, on a une piste.
08:29On a un mobile, on a presque un coupable, c'est le corbeau.
08:32Tout de suite, ce corbeau hante la famille Villemin depuis des années.
08:35Oui, le lien est fait rapidement puisque le corbeau avait finalement lui-même annoncé qu'il s'en prendrait à l'enfant
08:42lors de ce fameux appel à Jean-Marie Villemin, où je pense assez facilement, on va dire,
08:48le corbeau avait perçu quel était le point faible de Jean-Marie Villemin.
08:53En tout cas, on rappelle cet appel dans lequel le corbeau menaçait de s'en prendre d'abord à Christine Villemin.
09:01Et Jean-Marie Villemin avait fin l'indifférence.
09:04Mais quand le corbeau a menacé de s'en prendre à son enfant, là Jean-Marie Villemin n'a pas pu se retenir.
09:09Et à partir de là, je pense que dans la tête du corbeau ou des corbeaux, je pense qu'il y avait plusieurs corbeaux,
09:15je pense que la cible était définie.
09:18C'est ça, il y a une fixation sur cet homme.
09:21Justement, Marie-Christine Chastan-Moran, vous le connaissez très bien.
09:24Jean-Marie Villemin, vous connaissez très bien Christine aussi.
09:26Évidemment, vous l'avez vu évoluer ce couple.
09:29Lorsque vous le rencontrez, Jean-Marie Villemin, est-ce qu'il comprend pourquoi on s'en prend à lui comme ça ?
09:35Pourquoi il est vraiment la cible de ce corbeau ou de ces corbeaux ?
09:40En réalité, le corbeau, au départ, s'en était pris surtout à Albert et Monique Villemin.
09:46Les grands-parents.
09:47Les grands-parents, les parents de Jean-Marie Villemin.
09:49C'étaient les premières cibles du corbeau.
09:52Et puis, au bout d'un certain temps, c'est Jean-Marie qui est devenue la cible.
09:57Alors c'est vrai que Jean-Marie était un jeune adulte, il avait 26 ans.
10:04Il était marié avec une jolie femme.
10:07Il avait bien progressé professionnellement, puisqu'il était devenu à cet âge-là très jeune, ce qu'on appelait chef.
10:17Contre-maître.
10:18Contre-maître, voilà.
10:19Et au surplus, il avait un très bel enfant.
10:22Parce que Grégory, quand on voit cette photo qu'on voit régulièrement, c'est un très bel enfant, très souriant.
10:28Donc, tout lui souriait.
10:30Et c'est leur premier enfant, il faut dire.
10:32C'était leur premier enfant, c'était leur unique enfant.
10:34Ils n'avaient pas d'autres enfants à l'époque.
10:36C'est d'autant plus terrible.
10:38Et tout lui souriait.
10:40Et manifestement, ça a suscité un certain nombre de jalousies.
10:45Et ce qui est quand même aussi marquant, me semble-t-il, c'est qu'il y a eu ce corbeau qui a empoisonné toute cette famille pendant un moment.
10:54Mais ce corbeau, il ne s'était plus manifesté depuis près de 18 mois.
11:0018 mois.
11:01Il s'arrête.
11:02Il s'arrête.
11:03Il disparaît.
11:04Il n'envoie plus de lettres, il ne téléphone plus.
11:06Donc, qu'est-ce qui s'est passé ?
11:08Qui a fait qu'il s'est réveillé ?
11:10Et alors, en assassinant un enfant.
11:13De manière la plus tragique qu'il soit, avec l'acte le plus odieux qu'il soit, il a assassiné un enfant.
11:18François Saint-Pierre, juste un petit mot qui nous trouble quand on a préparé cette émission,
11:22c'est qu'on se dit que Grégory, est-ce qu'il aurait suivi quelqu'un qu'il ne connaissait pas ?
11:27Il a 4 ans.
11:28Est-ce qu'il n'aurait pas crié ?
11:30Écoutez, certainement pas.
11:33Qu'il ait été kidnappé, cela ne fait absolument aucun doute.
11:37L'enquête l'a établi, notamment le juge qui s'est occupé de l'affaire à la cour d'appel de Dijon,
11:45le juge Simon, qui aura marqué son nom dans l'histoire de cette extraordinaire enquête.
11:53Donc que Grégory ait été enlevé, c'est certain.
11:58Dans les ailes de ce corbeau maléfique qui cette fois a tué, on se retrouve dans un instant sur RTL.
12:0314h15.
12:05Jean-Alphonse Richard sur RTL.
12:07L'heure du crime.
12:09Édition spéciale Affaires Grégory.
12:14Chérie, chérie, lève-toi !
12:15L'heure du crime.
12:16Édition spéciale Affaires Grégory.
12:1840 ans de mystère.
12:21Elle avait eu des coups de téléphone anonymes, des lettres pareilles anonymes,
12:24et puis il y avait une personne, je ne sais pas qui exactement,
12:28qui était venue défoncer sa porte la nuit, des choses comme ça.
12:31Elle avait toujours des menaces.
12:34Mercredi 17 octobre 1984, lendemain de la mort de Grégory,
12:40Jean-Marie Villemin est destinataire d'une lettre à l'écriture presque enfantine.
12:44J'espère que tu mourras de chagrin, le chef.
12:47Ce n'est pas ton argent qui pourra te redonner ton fils.
12:50Voilà ma vengeance, pauvre con.
12:53La lettre a été postée la veille à 17h15, comme l'atteste le cachet de la Poste.
12:57Soit juste avant l'enlèvement de Grégory.
13:00Le corbeau est donc l'assassin.
13:02Depuis presque 18 mois, cet oiseau de malheur se tenait pourtant tranquille
13:06après avoir harcelé pendant des années les Villemins.
13:09Les parents de Grégory se souviennent de ce 22 novembre 1981,
13:14quand il a appelé chez eux, dans la maison où il venait d'emménager.
13:18Christine, seule au domicile, avait décroché.
13:21Salope, puis pute, avait insulté la voix.
13:25Qu'est-ce que je vous ai fait ? demandait l'épouse.
13:27C'est pas toi, c'est ton vieux, à savoir Jean-Marie, avait répliqué la voix.
13:32Les parents de Jean-Marie, Albert et Monique, sont eux aussi submergés par les appels du corbeau.
13:3727, pour la seule journée du 30 novembre 82.
13:40L'oiseau se moque, insulte, provoque, parle de violer Christine et de s'en prendre à Grégory.
13:46Jean-Marie lui répond au téléphone, espèce de fumier.
13:49N'essaie pas de toucher au gamin ou t'es un homme mort.
13:52En 1983, le corbeau menace.
13:55Je vous ferai votre peau à la famille Villemin.
13:58Un an plus tard, il tue Grégory.
14:01Jeudi 18 octobre, les gendarmes supervisent la dictée.
14:04Demandez à des membres ou des proches de la famille Villemin.
14:07On leur lit le dernier message du corbeau.
14:09Ils doivent le retranscrire.
14:11140 personnes défilent pendant plusieurs jours,
14:14sans que les graphologues trouvent une correspondance.
14:17Le corbeau cherche à déstabiliser le chef de famille Albert et sa femme Monique.
14:21Il leur envoie même les pompes funèbres.
14:24Il sème la zizanie dans la famille, sur fond de jalousie, de secrets, de tensions.
14:28Mais ils jalousent encore plus Jean-Marie,
14:31expliquera le capitaine Etienne Cessma,
14:33alors chargé de l'enquête, au site Les Jours.
14:38Et dans cette heure du crime, on retrouve l'un de nos invités,
14:40c'est Thibault Solano, rédacteur en chef adjoint à la rédaction du magazine Marianne
14:44et auteur du livre La Voix Rock, publié chez Pocket.
14:47C'est évidemment celle du corbeau, celle qui nous intéresse.
14:50Aujourd'hui, il y a une montée en puissance chez le corbeau.
14:53Au début, c'est un peu modérato, il y a même des choses qui sont très grossières,
14:58mais presque cocasses.
15:00Et peu à peu, ça se durcit beaucoup.
15:02Oui, d'ailleurs, on ne sait pas exactement quand commence à sévir le corbeau,
15:06puisque dès le printemps 1981, il y a des appels silencieux.
15:10Alors c'est peut-être autre chose, c'est peut-être le début.
15:14Il faut rappeler qu'à ce moment-là,
15:16beaucoup de foyers dans les Vosges viennent tout juste d'être équipés du téléphone.
15:21Juste avant, on allait encore au café du coin pour passer des appels,
15:24donc c'est un nouveau jeu, un peu comme les forums Internet au départ.
15:28C'est-à-dire, n'importe qui peut s'en servir pour jouer, faire des canulars,
15:32sans que ce soit forcément identifié comme quelque chose de très grave.
15:35Mais effectivement, il y a cette montée en puissance.
15:38Il y a d'abord à l'été 1981, des chansons qui sont passées.
15:44Le disque est passé à côté du téléphone.
15:46On entend d'ailleurs cette musique, c'est une chanson populaire.
15:49Voilà, Chef, un petit verre en assoif, et une chanson d'amour aussi.
15:52À partir du moment où la chanson d'amour est diffusée dans les oreilles de Jean-Marie Widemain à l'été 1981,
15:59il y a une femme qui se met à chanter avec,
16:02et qui part dans un rire qui ressemble à un rire en trans.
16:06Donc quand même, ils savent qu'il se passe quelque chose de bizarre,
16:10mais ils soupçonnent plutôt des collègues de Christine Widemain,
16:12en se disant que c'est peut-être des histoires de jalousie au travail,
16:16qui finissent dans cette petite vengeance-là.
16:18Et puis après, effectivement, il y a non seulement des insultes qui montent,
16:22mais il y a aussi une tentative d'intrusion physique au domicile de Jean-Marie Christine Widemain à l'automne 1984.
16:27Oui, il vient gratter ou voler, c'est ça ?
16:29Il casse un carreau, même.
16:30Il casse un carreau, donc effectivement.
16:33Marie-Christine Chostambouran, on entend ce que dit Thibault Solano.
16:38Il y a des corbeaux, il n'y a pas un corbeau, il y a des corbeaux.
16:42Vraisemblablement, une expertise qui a été diligentée du temps du supplément d'information
16:48menée par le président Maurice Simon,
16:51avait été faite par un expert qui s'appelait Monsieur Ionescu,
16:55et qui disait qu'il avait écouté tous les enregistrements.
17:00Et il disait que parfois, ça commençait par une voix féminine,
17:06et ça se poursuivait par une voix masculine.
17:09C'est-à-dire qu'en réalité, il semblerait qu'il y ait eu deux voix,
17:14et que ces deux voix, peut-être, étaient ensemble,
17:18et passaient ce coup de fil ensemble.
17:21Puisqu'on en entend une, et il dit, dans le prolongement, on entend l'autre.
17:26Donc, c'est vrai qu'il y a eu des corbeaux,
17:30au départ, il y a peut-être eu un corbeau,
17:32puisqu'on parlait du corbeau à la voix rauque,
17:34et au départ, toute la famille parle de cette voix rauque, tous.
17:38Mais ensuite, est-ce qu'ils ont été deux ?
17:42En tout cas, c'est ce qui ressort.
17:44Bien sûr, le corbeau parle et il écrit,
17:46Maître François Saint-Pierre,
17:48j'ai en tête ce que disait le capitaine Etienne Sesma,
17:52à l'époque, c'est-à-dire très vite après les faits,
17:55tout de suite il va dire, il y a plusieurs personnes
17:57qui sont impliquées dans ce crime.
18:00Ce qui est assez visionnaire d'ailleurs,
18:01parce qu'on a du mal à imaginer, à l'époque,
18:03qu'il y ait une espèce de coalition comme ça.
18:05L'enquête ne va pourtant pas s'acheminer,
18:08vraiment, là-dessus, sur cette espèce de coalition.
18:10Je pense qu'il faut bien se méfier de ne pas commettre d'anachronisme.
18:14On parle d'une enquête qui a été menée il y a 40 ans,
18:16dans les années 1980,
18:18avec un contexte totalement différent.
18:21Aujourd'hui, pour commettre ce que l'on appelle un crime parfait,
18:24un crime odieux, n'est-ce pas,
18:26ça me semble très difficile.
18:28Tout le monde est tracé, on laisse des empreintes de partout, etc.
18:31Là, on a eu vraiment une difficulté à cette époque.
18:36Mais, par ailleurs, que ce soit le capitaine Sesma à l'époque,
18:39Colin Lesesma aujourd'hui,
18:41le juge Simon,
18:43ces personnes qui avaient une très grande pratique de l'enquête judiciaire
18:47avaient des intuitions.
18:49Et il se trouve qu'au fil du temps,
18:51et on en parlera dans la suite de notre conversation ou demain,
18:54eh bien, les nouvelles technologies
18:57ont permis de confirmer ces intuitions.
19:00Que ce soit sur la question du nombre de corbeaux,
19:03et j'espère bientôt sur leur identité,
19:06ou bien sur la question du nombre de participants au crime.
19:10Mais j'avoue que j'étais assez bluffé par ce que racontait Etienne Sesma à l'époque.
19:14Là, on est en document sonore, on l'écoutera peut-être,
19:17mais où il dit qu'effectivement il y a plusieurs personnes qui sont mêlées.
19:20Il est affirmatif, il le fait en conférence de presse devant tout le monde.
19:23Thibault Solano, un petit mot sur ses premières expertises
19:28graphologiques entre guillemets,
19:30parce qu'à l'époque ce n'était pas une science très très affirmée.
19:33Il y a 140 personnes qui défilent, on ne trouve aucune correspondance ?
19:37Alors, la première correspondance qui va être trouvée,
19:41c'est à l'automne 1984,
19:44et qui va mener en fait vers Bernard Laroche.
19:48C'est ça qui est le premier élément
19:51qui le met en cause,
19:53et qui va conduire à son interpellation.
19:57Marie-Christine Chastamorand, dans cette famille,
19:59vous dites que les grands-parents étaient assaillis par le corbeau,
20:02les parents évidemment, Christine et Jean-Marie,
20:05mais il y a des personnes qui sont épargnées.
20:07Il y a par exemple Jacky, celui-là plutôt on le plaint,
20:10le corbeau le plaint, etc.
20:12Donc il y a une espèce comme ça de mélange assez curieux.
20:16On avait le sentiment que le corbeau
20:19se voulait protecteur de certains membres de la famille.
20:23Le corbeau parlait du bâtard.
20:26Donc c'est Jacky qui était envisagé sous cette appellation.
20:31Et on disait qu'il fallait le protéger,
20:34il y aurait eu un deuxième bâtard, il fallait le protéger.
20:37Et puis également, le corbeau se plaignait du fait
20:41que Jean-Marie et Christine étaient invitées
20:43chez les parents de Jean-Marie.
20:45Il disait qu'il allait salir les assiettes le dimanche,
20:48alors que d'autres, non, ne sont pas invitées.
20:51Donc il faisait allusion au frère de Jean-Marie, Michel,
20:55qui lui habitait juste en face de chez ses parents
20:58et qui donc peut-être, pour le dessert, n'était pas invité.
21:01Donc on a l'impression que le corbeau
21:04se fait défenseur de certains membres de la famille.
21:07Et en tout cas, le corbeau connaît parfaitement tout cet environnement.
21:11Un seul coup de feu, le premier inculpé de l'affaire ne parlera plus,
21:14il s'appelait Bernard Laroche.
21:16Je vous retrouve dans un instant sur RTL.
21:2240 ans de mystère.
21:2414h15.
21:26C'est l'heure du crime sur RTL.
21:28Édition spéciale, l'affaire Grégory.
21:31Il s'est mis à hurler, s'est mis à genoux.
21:34Il m'a dit, je te dis que j'ai tué Laroche.
21:36Je lui ai dit pourquoi.
21:38Il m'a dit, je suis allée le voir, j'avais pris la fusil,
21:40je voulais le faire parler.
21:42Il disait, j'en avais marre, je voulais le faire parler.
21:44Jean-Marie, ça a été plus fort que lui, il a tiré.
21:47Mais il m'a dit, je te jure, je voulais pas le tuer,
21:49je voulais le faire parler.
21:51Mardi 30 octobre 1984.
21:5415 jours après l'assassinat de Grégory Villemin,
21:57le juge d'Epinal, Jean-Michel Lambert,
21:59tient une discrète réunion à Nancy,
22:01accompagné des gendarmes et de deux experts en écriture.
22:04Un nom ressort des analyses.
22:06Celui de Bernard Laroche, 29 ans,
22:08cousin par alliance de Jean-Marie Villemin.
22:10Le lendemain, Laroche est interpellé
22:12avec son épouse Marie-Ange.
22:14Les tests d'écriture ne seraient pas si clairs que cela.
22:16Le couple est relâché.
22:18Mais les enquêteurs insistent.
22:20Ils entendent Muriel Boll, sœur de Marie-Ange,
22:22belle-sœur de Laroche.
22:24De novembre, elle livre une confession vertigineuse.
22:28Elle raconte que le 16 octobre,
22:30Bernard Laroche est venu la chercher
22:32à la sortie du collège.
22:34Dans la voiture, il y avait l'un de ses fils,
22:36le petit Sébastien.
22:37Ils sont partis chercher le petit Grégory.
22:39Il jouait dans le bac à sable.
22:41Il est monté dans la voiture.
22:42Ils sont allés vers Dossel, en bord de Vologne.
22:45Laroche est sorti de la voiture avec Grégory.
22:47Quand il est revenu, il était tout seul,
22:49assure Muriel Boll.
22:51Trois jours plus tard, elle réitère son témoignage
22:53devant le juge.
22:54Laroche est arrêté, inculpé d'assassinat,
22:56emprisonné.
22:58L'assassin présumé, ce serait donc lui.
23:01Lundi 4 février 1985,
23:04après trois mois de détention,
23:05Laroche est libéré.
23:06Il leur fallait un pauvre con.
23:08« Alors ils ont pris mon Bernard »,
23:10va dire son épouse Marie-Ange,
23:11qui a se remuer ciel et terre
23:13pour que son mari sorte de prison.
23:15Muriel Boll s'est rétractée.
23:17Elle dit avoir dit n'importe quoi.
23:19Mais en attendant,
23:20Bernard Laroche reste inculpé d'assassinat.
23:23Le juge, les gendarmes ont été avertis
23:25des menaces visant le suspect.
23:27Le père de Grégory verrait en son cousin,
23:29le coupable.
23:30Il pourrait avoir une idée fixe,
23:32se venger.
23:33Le 29 mars, à 13h15,
23:35Jean-Marie Villemin, lunette noire,
23:37fusil en main,
23:38émerge d'un bosquet devant la maison des Laroche
23:41à Aumont-Zé.
23:42« Fais pas le con !
23:44Tu sais que j'y suis pour rien.
23:46Rentre !
23:47« On va discuter », dit le cousin.
23:48Jean-Marie ne répond pas.
23:49Il tire.
23:50Une seule fois.
23:51Dans un quart d'heure,
23:52Bernard Laroche sera mort.
23:56Et dans cette heure du crime,
23:57on retrouve l'un de nos invités,
23:58c'est maître François Saint-Pierre,
23:59avocat au Barreau de Lyon
24:00et avocat de Christine et Jean-Marie Villemin.
24:03François Saint-Pierre,
24:04c'est une catastrophe la mort de Laroche.
24:06Parce que bon, évidemment,
24:07il y a un mort.
24:08C'est toujours une catastrophe
24:09quand quelqu'un est tué.
24:10C'est une évidence.
24:11Mais là, il y a une enquête
24:12qui est sans doute privée
24:13d'une part de son explication.
24:16Mais c'est un drame terrible, bien entendu.
24:19Jean-Marie Villemin a été acculée
24:21à ce coup de feu.
24:23Ici même, je crois que
24:24c'est le procureur général de Dijon,
24:26monsieur Astruc,
24:27qui disait que l'un des grands échecs
24:29de cette affaire,
24:30c'est que les magistrats, les juges,
24:32les intervenants de l'époque,
24:34n'aient pas perçu
24:35que Jean-Marie vivait une telle tragédie
24:38et pourrait être acculée
24:41au meurtre de son cousin
24:43qui avait été libéré
24:45alors même qu'il était totalement convaincu
24:49qu'il était l'auteur de l'enlèvement
24:52mais aussi du meurtre de son enfant.
24:55Et c'est aussi pour cela
24:56que lorsque Jean-Marie est passée
24:58en cour d'assise à Dijon,
25:00défendue notamment par Marie-Christine Chastanerand
25:04et Thierry Mauzer et Maître Garraud,
25:07les jurés, les magistrats
25:09ont été si sensibles à son désespoir.
25:13Bien entendu que c'était un meurtre,
25:15bien entendu qu'il était excusable
25:17et c'est la raison pour laquelle le verdict
25:19a été fort modéré.
25:21Jean-Marie a payé sa dette,
25:24il est quitte,
25:25il est en règle avec la société
25:27et c'est la raison aussi pour laquelle
25:30nous le défendons avec cette passion,
25:32cette compassion.
25:34Maître Chastanerand, on vient de le dire,
25:36évidemment une des avocates historiques
25:38de Christine et Jean-Marie Villemin,
25:40il y a ce témoignage de Muriel Boll,
25:42elle se rétracte,
25:43est-ce qu'on a fait pression sur elle ?
25:46Ce qui est terrible à ce moment-là,
25:48c'est que Bernard Laroche avait été inculpé
25:52comme on le disait à l'époque précédemment,
25:54sur la base d'un dossier
25:56qui contenait un certain nombre d'éléments.
25:58Et en écoutant M. Lambert
26:02qui s'était exprimé,
26:03il avait parlé d'expertise
26:04et il avait parlé du témoignage de Muriel Boll.
26:07Et ce qui est quand même extrêmement ennuyeux,
26:11c'est que les expertises ont été annulées,
26:15donc sont sorties du dossier,
26:17donc il n'y avait plus d'expertise dans le dossier.
26:20Et puis Muriel dont vous parlez,
26:22qui s'était exprimé,
26:24qui avait expliqué comment ça s'était passé,
26:26qui avait dans ses termes,
26:28s'est ensuite rétracté.
26:30Bon, qu'est-ce qui s'est passé ?
26:33Nous n'y étions pas.
26:35Bon, en réalité,
26:37je ne pense pas que Muriel ait pu se rétracter comme ça.
26:42Elle avait donné sa position au gendarme,
26:45là il l'avait mise en garde à vue.
26:47Ensuite, elle était rentrée chez elle.
26:50Et puis ultérieurement,
26:52elle était allée chez le magistrat instructeur
26:54et elle avait à nouveau dit les choses.
26:56Oui, elle a réitéré ses propos.
26:57Elle a réitéré ses propos.
26:59En présence du juge d'instruction qui lui disait,
27:01c'est quand même assez intéressant qu'il lui disait
27:03attention,
27:05il y a des conséquences,
27:07est-ce que ça s'est vraiment passé comme ça ?
27:09Et si,
27:11il y a eu ultérieurement,
27:13bien sûr, bien plus tard,
27:15l'annulation des déclarations en garde à vue,
27:17ce qu'elle avait dit avant Muriel,
27:19et ce qu'elle a dit après au juge d'instruction,
27:21sont restés.
27:22C'est toujours dans le dossier.
27:23C'est important à souligner,
27:24parce qu'on croit que tout a volé à l'éclat.
27:25Ah non, non, non, du tout.
27:27Il y a ces procès-verbaux avant et après
27:29en procédure.
27:30Thibault Solano, directeur adjoint
27:32de la rédaction du magazine Marianne,
27:34Bernard Laroche, il n'est pas cité
27:36dans les corbeaux possibles
27:38dans cette affaire.
27:39Alors, c'est vrai que
27:41son nom ne vient pas forcément
27:43en premier.
27:44Alors il faut savoir que
27:46Bernard Laroche a peut-être
27:48été le premier à recevoir
27:50un appel d'un corbeau.
27:52Pour la Saint-Valentin 1981,
27:54donc quelques mois avant que le corbeau
27:56ne frappe chez Lévi-Demain,
27:59il est écrit dans le dossier
28:00qu'il reçoive des appels.
28:02C'est toujours des appels qui tournent autour
28:04des coucheries des uns et des autres,
28:05des tromperies des uns et des autres.
28:07Alors, ce premier appel, s'il a existé,
28:09parce qu'on n'a pas la preuve non plus,
28:10est mystérieux.
28:11Est-ce que cet appel-là a donné des idées ?
28:13Est-ce que
28:15quelqu'un a fait pression
28:17sur Bernard Laroche à ce moment-là,
28:19et ensuite a continué à prendre
28:21d'autres personnes pour cible ?
28:23Mais il y a aussi d'autres choses
28:25dans le dossier, dans le détail,
28:27où Bernard Laroche apparaît, au contraire,
28:29comme un suspect pour les corbeaux,
28:31parce que,
28:33c'est un peu technique à expliquer,
28:35mais en clair,
28:37il y a une personne qui reçoit
28:39un appel d'un corbeau,
28:41je crois que c'est Jacky,
28:43et lui dit, ce soir, je ne travaille pas,
28:45je reste à la maison.
28:46Et puis, quelques minutes plus tard,
28:48alors qu'il était censé travailler,
28:50et quelques minutes plus tard,
28:52Bernard Laroche s'appelle en disant,
28:53mais qu'est-ce que tu fais ce soir ?
28:54Comme s'il voulait vérifier
28:55ce que Jacky avait dit aux corbeaux.
28:57C'est étonnant, parce que là,
28:59il y a une espèce de caisse de résonance
29:00entre les corbeaux.
29:01On va reparler des corbeaux avec vous, Thibault Solano.
29:03Une enquête qui s'affole,
29:05Christine Villemin, une mère,
29:07sous le masque du soupçon,
29:08on se retrouve dans un instant sur RTL.
29:26Bien souvent, je penserais aller rejoindre mon fils,
29:28mais ce n'est pas la meilleure des solutions.
29:30Tout ça, ça arrangerait la femme à Laroche
29:32et les avocats de Laroche.
29:34Ils pourraient dire ce qu'ils voudraient,
29:35je ne serais plus là pour me défendre.
29:36De toute façon, je n'ai rien à me reprocher,
29:38alors je tiendrai le coup jusqu'à ce qu'on sache la vérité.
29:42Dans le climat empoisonné de la Vologne,
29:44Jean-Marie et Christine Villemin
29:46ont souvent senti que les soupçons revenaient sur eux,
29:48surtout sur Christine.
29:50Une rumeur dit que le légiste
29:52qui a examiné le corps de Grégory s'est exclamé
29:54c'est un meurtre de femme.
29:56Pure invention.
29:57La police judiciaire de Nancy,
29:58qui a pris la suite des gendarmes,
30:00est sur la piste de la mer.
30:01Une journaliste a surpris cette conversation
30:03entre le juge Lambert et les policiers.
30:06Pour nous, c'est la mère,
30:07et si c'est elle, on arrivera à la faire craquer.
30:09Une semaine avant le meurtre de Laroche,
30:11les Villemins ont été entendus par les policiers.
30:13Christine explique qu'elle repassait
30:15quand Grégory a disparu.
30:17Elle écoutait les grosses têtes sur RTL,
30:19mais ne se souvient plus bien
30:21de ce qu'elle a entendu dans l'émission.
30:23Les enquêteurs sont directs.
30:24« L'auriez-vous fait ? »
30:26« L'avez-vous fait ? »
30:27insiste-t-il à l'éclatant sanglot.
30:29Vendredi 5 juillet 85,
30:31Christine Villemin, enceinte de 6 mois,
30:33est arrêtée.
30:34Le juge Lambert lui déclare
30:36« Je lève l'hypothèse et je crève l'abcès.
30:38Je vous inculpe pour l'assassinat
30:40de votre fils. »
30:42La mère est écrouée.
30:44Christine Villemin est suspecte
30:45car de nouvelles expertises graphologiques
30:47l'a désignorée comme le corbeau.
30:49En outre, des femmes l'auraient vue
30:51poster une lettre le 16 octobre 84,
30:53le jour de l'enlèvement.
30:55Des rapports bidons de psychiatres
30:57circulent à son sujet.
30:59Femmes sans instinct maternel,
31:01calculatrices, perverses.
31:03La mère fait une grève de la faim,
31:05tente de se suicider en avalant des médicaments.
31:07Après 10 jours de détention,
31:09on la relâche, elle reste inculpée.
31:11La mère de Grégory va attendre
31:138 ans avant d'obtenir
31:15un non-lieu.
31:18Maître Marie-Christine Chastamoran
31:20est l'une de nos invitées aujourd'hui
31:22dans l'Or du crime, avocate historique
31:24de Christine et Jean-Marie Villemin.
31:26Là, c'est un vrai choc parce qu'effectivement
31:28on est rentré à nouveau dans une autre dimension
31:30avec cette mère qui est susceptible
31:32d'être renvoyée aux Assises,
31:34qui a passé quelques jours en prison.
31:36Comment est-ce qu'elle a vécu tout ce temps ?
31:38Extrêmement mal.
31:40Pendant des mois, en réalité,
31:42elle était présentée
31:44comme une présumée coupable.
31:47Que ça soit
31:49dans la presse, parce que
31:51régulièrement on voyait des photos
31:53tous les jours, à la une,
31:55on la représentait en noir
31:57avec des commentaires
31:59extrêmement disobligeants,
32:01avec, voilà,
32:03on a trouvé l'élément nouveau,
32:05contre la mère, donc ça a été une traque.
32:07Une traque, et vous avez dit
32:09tout à l'heure, c'est intéressant à souligner,
32:11vous avez dit qu'en réalité
32:13on voulait la faire craquer.
32:15En réalité, l'innocence
32:17ne peut pas craquer.
32:19Elle n'a pas craqué.
32:21Ce n'était pas possible. Mais qui a craqué ?
32:23C'est Jean-Marie.
32:25Parce que ça explique en réalité son geste.
32:27Son geste, parce qu'il sent la pression sur son épouse.
32:29Parce qu'il se dit
32:31deux choses. Un, il y a la pression sur son épouse,
32:33alors il sait qu'elle aime son enfant,
32:35il sait que ce n'est pas possible.
32:37Et la deuxième chose, c'est qu'il se dit
32:39si on passe son temps contre Christine,
32:41ce qui ne peut rien donner parce qu'elle est innocente,
32:43mais on ne cherche pas
32:45quel est l'assassin de Grégory,
32:47comment ça s'est passé ?
32:49Et c'est lui qui craque.
32:51Et quand il entend, le jour où elle est hospitalisée
32:53parce qu'elle avait perdu,
32:55elle avait entendu une émission d'un journaliste,
32:57elle était enceinte, elle avait perdu
32:59un des deux jumeaux qu'elle portait,
33:01il était avec elle à la clinique.
33:03Lorsque quelqu'un vient, il lui dit
33:05la police est sur Christine.
33:07Et là, il se sent
33:09acculé.
33:11Et c'est lui qui craque.
33:13Et c'est lui qui craque, vous l'expliquez très bien
33:15Marie-Christine Chastan-Moran,
33:17Thibault Solano, journaliste,
33:19directeur adjoint de la rédaction du magazine
33:21Marianne, et puis vous avez publié La Voix Rock,
33:23publié chez Pocket,
33:25un livre qui en apprend tout
33:27sur le corbeau. Justement,
33:29la maman de Grégory, là,
33:31elle est soupçonnée d'être le corbeau.
33:33On le met à toutes les sauces, ce corbeau. Finalement, quand ça arrange,
33:35on peut se dire, c'est la voix du corbeau.
33:37Oui, bien sûr, déjà,
33:39il y a eu beaucoup d'appels.
33:41Il y a eu plein d'appels, puisque plusieurs personnes,
33:43en fait, ont joué le rôle d'un corbeau.
33:45Il y a eu les vraies victimes des corbeaux,
33:47parmi lesquelles Christine Villemin.
33:49Il y a eu ceux qui jouaient les corbeaux,
33:51comme Jean-Marie et Christine, pour essayer
33:53de démasquer le véritable corbeau.
33:55Il y en a eu d'autres, sans doute, qui l'ont fait
33:57pour se venger de celui
33:59qu'ils estimaient être le corbeau.
34:01Et donc, forcément, dans tout ce labyrinthe,
34:03il est facile
34:05pour certains d'accuser Christine Villemin.
34:07Mais ça ne tient pas, si on compare
34:09vraiment le journal des appels, qui a été tenu
34:11par certains protagonistes, avec
34:13la Libye, l'emploi du temps des uns
34:15et des autres, Christine Villemin, ça ne tient pas du tout.
34:17Maître François Saint-Pierre, vous défendez, vous aussi,
34:19Christine et Jean-Marie Villemin.
34:21C'est la cour d'appel de Dijon
34:23qui va trancher, qui va dire, la mère, elle n'y est pour rien.
34:25Mais il va falloir du temps pour ça.
34:27Il aura fallu beaucoup de temps, de la clairvoyance
34:29et de la détermination du juge
34:31Simon, auquel on doit toujours
34:33penser.
34:35Et c'est ensuite son successeur, le président
34:37Martin, qui, à la tête de la cour d'appel
34:39de Dijon, rendra, en
34:411993, un arrêt
34:43remarquablement motivé
34:45qui établit de façon
34:47indubitable, incontestable,
34:49la parfaite innocence
34:51de Christine Villemin. Et il faut
34:53le dire, parce que
34:55les calomnies qui ont couru sur elle
34:57tout au long de ces années ont laissé des
34:59traces jusqu'à présent, où certaines personnes
35:01pourraient se dire, ah, mais n'est-ce pas Christine ?
35:03Non, il n'y a pas de fumée sans feu. Lorsque
35:05Mme Duras, Marguerite Duras,
35:07dans Libération, publie
35:09une tribune absolument délirante,
35:11forcément coupable,
35:13sublime, etc. Merci
35:15Serge Julie. Eh bien,
35:17cela, ça a laissé des traces
35:19et c'est intolérable. Alors, justice
35:21lui a été rendue, son innocence,
35:23elle est définitivement
35:25acquise et démontrée.
35:27Dans les ruines d'un dossier dévasté, comment
35:29trouver le coupable ? On se retrouve tout de suite sur RTL.
35:33Grégory, 1984-2024,
35:3540 ans de mystère.
35:37Édition spéciale de L'Heure du crime sur RTL.
35:4314h15
35:45C'est l'heure du crime
35:47sur RTL. Édition spéciale
35:49L'Affaire Grégory.
35:51La seule chose qu'on sait, c'est que la police n'a pas fait son
35:53boulot. Ça fait trois semaines qu'ils étaient
35:55prévenus qu'il avait menacé
35:57Bernard Demaux.
35:59Ma belle-sœur avait téléphoné au gendarme, le gendarme
36:01a dit « Oh, on nous a retiré l'enquête, ça ne nous regarde plus ».
36:03Mercredi 3 novembre
36:051993
36:07Jean-Marie Villemin est jugée pour le meurtre
36:09de Bernard Laroche devant la cour d'assises
36:11de la Côte d'Or, à Dijon.
36:13Le procès est l'occasion de passer en revue
36:15les circonstances de la mort de Grégory
36:17et le déroulé d'une enquête chaotique.
36:19Investigation dans le désordre, suite
36:21d'erreurs oubliées, analyses incomplètes.
36:23Les enquêteurs ne sont même pas d'accord
36:25sur le lieu du crime.
36:27Le juge Jean-Michel Lambert, lui, ne se souvient
36:29de rien, ou refuse de répondre.
36:31Jean-Marie Villemin est condamné à 5 ans
36:33de prison, dont 1 avec sursis.
36:35Il est libéré, quelques jours plus tard.
36:37« De par mon acte,
36:39je n'ai plus le droit à la compassion.
36:41Ça je le sais, parce que bon, je le regrette
36:43et je ne cherche pas la compassion.
36:45Seulement, ce que je voudrais expliquer, c'est qu'il n'y avait pas
36:47de justice à Epinal. Nous, notre justice, c'était
36:49M. Lambert. On l'a vu des années après que c'est vrai,
36:51il y a eu vraiment des dérapages.
36:53Pour venir sur mon geste, bien sûr que je regrette.
36:55Pour la mort d'un homme, je vais vivre sur la conscience pour toute ma vie.
36:57La voix, évidemment,
36:59de Jean-Marie Villemin, c'était dans l'émission
37:01« La marche du siècle » sur France 3, le mercredi
37:0327 avril 1994.
37:05Marie-Christine Chastan-Moran,
37:07vous êtes l'avocate, et depuis de longues
37:09années, de Christine et Jean-Marie
37:11Villemin. Ce procès,
37:13alors évidemment, c'est le procès de Jean-Marie
37:15Villemin, mais en fait, ce qu'on
37:17entend, c'est que c'est le procès de l'affaire aussi.
37:19On va là-dessus ?
37:21En réalité,
37:23le procès de...
37:25Il aurait pu se passer beaucoup plus vite,
37:27le procès de Jean-Marie Villemin, parce que
37:29c'est une affaire très simple, les faits n'étaient pas contestés,
37:31il connaissait qu'il avait tué, etc.
37:33Ce que nous avions demandé à l'époque,
37:35c'est que Jean-Marie
37:37Villemin ne soit pas jugée
37:39avant qu'on ait connu le sort
37:41de l'affaire qui était en cours
37:43sur l'assassinat de Grégory.
37:45Parce qu'en réalité, Jean-Marie
37:47n'aurait jamais tué son cousin
37:49sans l'affaire, sans la mort de son fils.
37:51Et ça nous paraissait
37:53extrêmement important pour plaider
37:55devant les jurés, pour démontrer
37:57quel avait été son cheminement,
37:59quelle avait été sa souffrance,
38:01que tout le monde comprenne bien.
38:03Et donc,
38:05cette affaire a été
38:07jugée devant la cour d'assises
38:09de Dijon,
38:11avec un certain retard. Et c'est ce qui explique
38:13aussi, quand il y a eu le non-lieu
38:15pour Christine Villemin,
38:17non-lieu inédit, comme a dit
38:19maître Saint-Pierre tout à l'heure.
38:21En réalité, nous, nous demandions quoi ?
38:23Nous demandions le non-lieu pour Christine,
38:25mais nous demandions également
38:27que le dossier se poursuive
38:29contre X, pour qu'on continue
38:31à chercher. Et ça n'a pas été
38:33possible. Pourquoi ? Parce qu'en réalité,
38:35il fallait terminer ce dossier
38:37pour pouvoir juger Jean-Marie Villemin.
38:39Oui, c'est ça. Mais le dossier,
38:41on en parle encore aujourd'hui, le dossier
38:43est toujours ouvert. François Saint-Pierre,
38:45on le sait,
38:47maître Chastaner en nous l'a expliqué tout à l'heure,
38:49que sûrement Jean-Marie,
38:51il a agi ainsi
38:53parce qu'il était intoxiqué, parce qu'on
38:55disait que sa femme était coupable. D'où vient
38:57cette idée que
38:59cette mère de famille, parce que c'est quelque chose qui est
39:01très troublant, soit coupable ?
39:03C'est l'un des drames
39:05de cette histoire, c'est que
39:07le juge Lambert cible Bernard
39:09Laroche, c'est la gendarmerie
39:11qui mène l'enquête, et puis
39:13soudainement, il cible
39:15Christine Villemin
39:17et confie l'affaire à la police.
39:19Alors, on s'est beaucoup
39:21interrogé sur ce changement
39:23de paradigme, et
39:25malheureusement, la réponse
39:27est que le juge Lambert était
39:29suggestible, et a plié
39:31sous la pression de trois personnes
39:33le journaliste
39:35monsieur Bézina, qui est mort aujourd'hui,
39:37le chef de la police
39:39judiciaire de Nancy,
39:41monsieur Corazzi, et l'avocat
39:43de Bernard Laroche, Gérard Welser.
39:45De nombreux reportages,
39:47investigations,
39:49l'ont démontré. Alors, entendons-nous bien,
39:51ce que je dis ici est grave.
39:53Il y a eu une
39:55entente entre ce journaliste,
39:57ce policier, cet avocat,
39:59pour faire pression sur le juge
40:01d'instruction, pour changer de cible,
40:03et attaquer Christine,
40:05en confiant l'enquête à la PJ.
40:07Gravissime.
40:09Formellement, maître Welser,
40:11je l'ai vu il y a quelques jours,
40:13je donne sa parole.
40:15Non seulement ma liberté d'expression, mais c'est mon devoir
40:17d'avocat de le dénoncer.
40:19Thibault Solano, directeur adjoint
40:21de la rédaction du magazine Marianne,
40:23vous connaissez parfaitement cette affaire,
40:25vous avez beaucoup travaillé dessus.
40:27L'assassin, il est forcément dans la famille.
40:29C'est une évidence.
40:31Il faut suivre pour ça peut-être la voix et les lettres du corbeau.
40:33Ce qui est sûr, c'est que
40:35l'assassin n'est pas sorti de nulle part,
40:37c'est pas un tueur itinérant
40:39qui s'est retrouvé ici.
40:41Donc, il est effectivement au sein
40:43de la famille, alors on va dire
40:45élargie,
40:47et il est sans doute aussi
40:49l'un des corbeaux.
40:51Je pense qu'effectivement, il y avait
40:53sans doute au moins un couple de corbeaux.
40:55On rappelle d'ailleurs que
40:57lors de l'appel le plus long
40:59que Jean-Marie Villemin a eu avec le corbeau,
41:01il a entendu la voix d'un homme qui lui parlait,
41:03la voix rauque,
41:05et un rire de femme en fond.
41:07Ce qui me laisse penser qu'effectivement, il y avait un couple.
41:09Et donc effectivement, vu le niveau d'information
41:11que ces corbeaux
41:13avaient de la vie quotidienne de Villemin,
41:15quand Monique,
41:17la grand-mère, recevait la visite
41:19des gendarmes, qui savait qu'il y avait un problème,
41:21quelques minutes après, elle recevait
41:23l'appel d'un corbeau qui disait « Alors, t'as reçu la visite
41:25des gendarmes. » À un moment donné,
41:27il y a un pompier qui est appelé
41:29pour qu'il se rende au domicile
41:31du grand-père, Albert,
41:33c'est un canular. Le numéro de ce pompier-là,
41:35on ne le trouvait pas dans l'annuaire, on le trouvait sur le calendrier des postes
41:37de la commune d'Aumonzay.
41:39Beaucoup de choses aussi nous rapprochent
41:41de ce cercle-là.
41:43Merci beaucoup Thibaut Solano,
41:45Maître François Saint-Pierre et Maître Marie-Christine
41:47Chastant-Morand d'avoir été aujourd'hui
41:49les invités de l'Heure du Crime. Merci à l'équipe de l'émission,
41:51rédactrice en chef Justine Vignot,
41:53préparation Marie Bossard, Lisa Canalès,
41:55réalisation en direct Jonathan Griveaux.

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