Impossible de trouver une photo sur laquelle l'adjudant-chef Pierre Chanal affiche un visage heureux. Il était l'homme qui ne souriait pas, ne parlait pas, n'écrivait pas mais dont on va dire qu'il violait et tuait. A la fin des années 80, sa silhouette va ainsi apparaitre derrière les disparitions et les meurtres de huit jeunes gens. Des appelés du contingent effectuant leur service militaire, dans la Marne, et d'un auto-stoppeur irlandais qui voyageait dans le coin. L'adjudant-chef , un sous-officier tout aussi silencieux que discipliné, cet homme qui n'avait pour seule famille que l'armée, va être présenté comme l'étrangleur de Mourmelon, le camp où il s'occupait des recrues.
Retrouvez tous les jours en podcast le décryptage d'un faits divers, d'un crime ou d'une énigme judiciaire par Jean-Alphonse Richard, entouré de spécialistes, et de témoins d'affaires criminelles.
Regardez L'heure du Crime avec Jean-Alphonse Richard du 13 mai 2024
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00:0014h30, 15h30, l'heure du crime sur RTL, Jean-Alphonse Richard.
00:05Même étant innocent, je suis persuadé que je serais condamné,
00:09parce qu'il y a eu trop d'accusations fausses, de faux témoignages.
00:12Si j'étais condamné, de toute façon, je mettrais fin à mes jours immédiatement.
00:17Bonjour, impossible de trouver une photo sur laquelle l'adjudant-chef Pierre Chanal
00:23affiche un visage heureux.
00:25Il était l'homme qui ne souriait pas, ne parlait pas, n'écrivait pas,
00:29mais dont on va dire qu'il violait et tuait.
00:31A la fin des années 80, sa silhouette va ainsi apparaître
00:35derrière les disparitions et les meurtres de huit jeunes gens.
00:38Des appelés du contingent qui faisait leur service militaire dans la Marne
00:42et d'un autostoppeur irlandais qui voyageait dans le coin.
00:45L'adjudant-chef Chanal, qui n'avait pour seule famille que l'armée,
00:49va alors être représenté comme l'étrangleur de Mourmelon.
00:52Chanal s'est donné la mort juste au moment de l'ouverture de son procès,
00:56sa condamnation n'a jamais eu lieu, mais auparavant,
00:59les enquêteurs, les juges, psychiatres et psychologues
01:02avaient eu tout loisir de se pencher sur le personnage.
01:06Que dit son dossier ?
01:07Qu'a raconté cet homme aux rares témoins qui l'ont rencontré et interrogé ?
01:11Ont-ils vu en lui un tueur en série ?
01:13Question posée aujourd'hui à nos invités.
01:16Pierre Chanal, les ultimes confidences.
01:19Je suis sûr que ce n'est pas la première fois qu'il faisait ça.
01:22Il m'aurait tué si les gendarmes n'étaient pas arrivés.
01:25L'enquête de l'heure du crime, la seule émission radio 100% fait divers.
01:29A tout de suite sur RTL.
01:44Dans l'heure du crime aujourd'hui, la trajectoire de Pierre Chanal.
01:47A l'été 1988, cet adjudant-chef apparaît derrière le viol d'un auto-stopper en Saône-et-Loire.
01:53Un mode opératoire qui ressemble étrangement à celui d'un violeur et meurtrier
01:57qui sévit depuis huit ans dans une autre région, la Marne.
02:02Mardi 9 août 1988, à 17h45,
02:06deux gendarmes en patrouille aperçoivent un combi Volkswagen de couleur verte
02:10stationné dans un chemin de terre,
02:13au milieu des vignes de bussières, village à une vingtaine de minutes de Macon.
02:17A l'approche des gendarmes, le camping-car démarre.
02:20Il est rapidement rattrapé.
02:22Le conducteur, en short et débardeur, physique longiligne et sportif,
02:26est le dénommé Pierre Chanal, 41 ans.
02:29Adjudant-chef, actuellement en poste à la caserne de cavalerie de Fontainebleau.
02:34Il est en mission, permission longue durée, depuis une semaine.
02:39Il se balade sur les routes de France.
02:42À travers les rideaux du combi, un gendarme distingue un homme
02:46allongé sur la banquette arrière, sous un duvet.
02:49« C'est un autostoppeur qui se repose », dit Chanal.
02:52Les gendarmes demandent à l'homme de se lever, mais il est entravé.
02:55Des chaînettes aux poignets, reliées à une cordelette en nylon,
02:59qui passe dans le dos et en serre le cou.
03:01Pierre Chanal évoque un jeu sexuel.
03:04Le passager est un Hongrois, âgé de 21 ans, Palace Falvey.
03:08En anglais, il répète que le conducteur veut le tuer et le retient prisonnier.
03:12Les deux hommes sont conduits à la brigade de Macon.
03:15Un médecin constate que le jeune autostoppeur a été violé.
03:19Il dit avoir été pris la veille, en stop, puis séquestré dans le fourgon.
03:23Selon lui, son agresseur est un sadique qui avait tout prévu.
03:26Il savait ce qu'il faisait.
03:28Je suis sûr que ce n'est pas la première fois qu'il agissait ainsi.
03:31« Il m'aurait tué si les gendarmes n'étaient pas arrivés », assure Palace Falvey.
03:38En garde à vue, Pierre Chanal assure qu'il n'a rien prémédité du tout.
03:41Il a fait monter l'autostoppeur au péage de Macon Nord.
03:44Ce dernier lui a fait comprendre qu'il était homosexuel et qu'il était d'accord pour une relation.
03:49Le jeune Hongrois a suggéré lui-même cette mise en scène sadomasochiste dans la camionnette.
03:55Il était également d'accord pour être filmé avec le caméscope.
03:59Palace Falvey décrit une relation forcée.
04:02« Il était excité, comme fou, avec des yeux exorbités.
04:05Je pensais ma dernière heure arriver », témoigne-t-il.
04:08L'adjudant-chef Chanal est interrogé sur l'utilisation du fil de nylon relié à des chaînettes.
04:14Il dit avoir appris cette technique destinée à ligoter des prisonniers à l'armée.
04:18Un procédé qui remplace la corde à piano utilisée par les commandos pour étrangler par derrière les sentinelles.
04:25Chanal dit qu'il se promène dans toute la France avec son combi.
04:28Il ne se souvient pas bien des routes qu'il a empruntées car, dit-il, il est fou.
04:35Jeudi 11 août, Pierre Chanal est mis en examen pour viol.
04:37Séquestration, il est écroué.
04:39Mais pour les gendarmes, l'affaire n'est pas terminée.
04:41Ils sont frappés par le mode opératoire, la séquestration, l'étranglement,
04:45qui correspond à celui d'un individu qui sévit depuis quelques années autour du camp de Mourmelon, dans la Marne.
04:52Depuis 1980, huit jeunes hommes ont été portés disparus ou retrouvés morts dans ce secteur.
04:58Un triangle maudit entre Mailly, Chalon et Reims.
05:02Les disparus de Mourmelon pratiquaient tous l'autostop.
05:06Un dernier corps a été découvert il y a seulement un an,
05:09dissimulé dans un bosquet, dans l'Aisne.
05:12Un jeune Irlandais, Trevor O'Keefe, 20 ans.
05:15Il était venu travailler en France.
05:17Il était sur le chemin du retour.
05:19En Grande-Bretagne, il se déplaçait bien sûr en stop.
05:22Il a été étranglé par l'arrière, avec un lien.
05:25Le sillon de strangulation pourrait correspondre au fameux système de cordes à piano
05:30retrouvé dans le combi Volkswagen.
05:33Si Pierre Chanal a effectué une grande partie de sa carrière à Mourmelon,
05:36il apparaît comme le suspect numéro un.
05:39Les enquêtes centralisées à Chalon en Champagne sont relancées.
05:43Mais encore faut-il des preuves pour le confondre.
05:45Pour le jeune Hongrois, il jure que c'était la première fois qu'il ligotait un de ses partenaires.
05:50Au sujet des disparus de Mourmelon, il dit en avoir entendu parler des déserteurs, selon lui.
05:58Et pour aller plus loin, il va falloir apprendre à décrypter le fonctionnement de cet homme
06:02qui ne parle que de manière utile.
06:05Il est peu bavard, il n'a jamais été cité jusque-là dans des affaires de disparition.
06:10Dans la suite de l'heure du crime, on va voir plus précisément
06:13quel portrait psychologique du tueur va être esquissé.
06:17Et on va voir comment l'enquête va se rapprocher finalement de l'adjudant-chef.
06:21Revenons pour le moment à 400 kilomètres au sud de Mourmelon.
06:25On est loin, loin de la Marne et de ce camp militaire avec ce village de bussières.
06:30Bonjour Maître Gérard Schemla.
06:31Bonjour.
06:32Merci infiniment d'avoir accepté notre invitation et d'être aujourd'hui dans le studio de l'heure du crime à RTL.
06:37Vous êtes avocat au barreau de Reims.
06:39Dans cette affaire Chanal, l'affaire des disparus de Mourmelon,
06:42vous êtes avocat des partis civils et vous avez co-écrit le livre que je présente ici
06:48qui s'appelle Chanal, la justice impossible avec Maître Vincent Duretet, un de vos confrères.
06:54Livre paru en 2004 chez Michelon où vous racontez à la fois toute cette histoire de Chanal
07:01et puis l'échec qu'a été la mort de Chanal pour les familles parce que ça, ça a été un traumatisme.
07:06On va y venir un petit peu plus tard Maître Gérard Schemla.
07:10Alors tout de suite, on peut dire que finalement les enquêteurs, quelque part,
07:15ils ont de la chance parce que ces disparitions, ces meurtres,
07:18ça fait une dizaine d'années qu'ils perdurent autour du camp de Mourmelon.
07:21On arrête Chanal grâce à un banal concours de circonstances.
07:25On l'arrête par hasard et en fait on l'arrête parce que son combi est vert,
07:30qu'on est à côté d'un endroit où se construit une centrale nucléaire
07:33et qu'on craint des manifestations d'écologistes.
07:35On pense que c'est un écolo en colère.
07:38On pense que c'est un écolo et le combi, il redémarre doucement,
07:42très doucement quand les gendarmes arrivent
07:44et c'est ça qui met la puce à l'oreille à l'adjudant Jeunet qui décide de le contrôler.
07:49Et quand on le contrôle, il dit je suis de la maison, il n'est pas plus excité que ça.
07:55Simplement, l'adjudant va deviner qu'il y a quelqu'un qui est derrière.
08:00Et c'est là où tout commence.
08:02Alors là, c'est là où tout commence.
08:04Ce jeune autostoppeur, c'est un Hongrois, Palace Falvey,
08:08l'issue allait être fatale pour lui, c'était une évidence ?
08:12C'était une évidence.
08:13Il y avait dans le combi toute la vie de Chanal.
08:16C'est-à-dire que vous aviez des cassettes vidéo, des cassettes audio,
08:20du linge de coffre, vous aviez tout.
08:22Vous aviez surtout des chaînes, des cordes, des anneaux qui étaient passés
08:28dans le véhicule à l'arrière pour ligoter et maintenir quelqu'un.
08:33Et à l'évidence, ça n'était pas une scène qui se produisait pour la première fois
08:39puisqu'il y avait tout cet attirail qui était là.
08:42Ce jeune homme était ligoté avec une chaînette autour du cou.
08:46S'il bougeait, il s'étranglait.
08:48Il a fallu qu'il se secoue pour que le combi bouge et que le gendarme
08:53imagine qu'il y avait quelqu'un.
08:54Et je rappelle que nous n'avons jamais retrouvé un partenaire sexuel vivant
09:00de Pierre Chanal à part Palace Falvey.
09:05Oui, c'est ça, on l'a trouvé deux corps, je crois, dans cette histoire.
09:08Vivants.
09:09On l'a trouvé des morts, pas beaucoup, on l'a trouvé deux.
09:13Mais c'est le seul vivant, effectivement.
09:15C'est le seul vivant.
09:17Donc sa parole compte, évidemment, beaucoup.
09:19Encore une question, Maître Gérard Mechem, là,
09:21parce que ça m'a beaucoup frappé dans ce que dit ce jeune autostoppeur.
09:25Il dit, Chanal, pourtant il est victime, lui,
09:28mais il dit qu'il avait tout prévu, Chanal.
09:31Il n'en était pas à son coup d'essai.
09:33C'est Falvey qui dit ça, ce ne sont pas les gendarmes.
09:35Oui, parce que déjà, Falvey le voit passer.
09:38Il fait du stop à l'entrée de l'autoroute.
09:40Il le voit passer une première fois en milieu d'après-midi.
09:44Il voit ce combi avec un type qui roule à 60 à l'heure, pas vite,
09:48qui tape sur le volant et qui est en train de chanter quelque chose.
09:51Ça a l'air d'être assez martial.
09:53Et il attend jusqu'au soir et continue à faire du stop.
09:56Et le véhicule repasse une deuxième fois.
09:59Et c'est en repassant la deuxième fois dans l'autre sens
10:02qu'il va faire monter Pallas dans le véhicule.
10:05Il l'emmène sur des petites routes de campagne.
10:07Il le maîtrise très soudainement.
10:10Instantanément, il va l'attacher derrière.
10:13Et ensuite, une espèce de protocole qui n'ira pas jusqu'au viol.
10:18Parce que Chanel n'a pas été physiquement capable de violer la personne qui était séquestrée.
10:26Mais il y aura des scènes qui seront filmées.
10:28Et des supplices sadiques, tout simplement.
10:30On est dans de la torture à visée sexuelle.
10:33Et donc, il va garder des souvenirs.
10:36Le film ! C'est quand même incroyable.
10:39Bonjour Jean-Luc Ployer.
10:41Merci infiniment d'être avec nous dans le studio de l'heure du crime.
10:44Vous êtes expert psychologue auprès des tribunaux.
10:46Évidemment, on vous connaît bien.
10:48Votre nom est cité dans beaucoup d'affaires.
10:50Vous avez expertisé Pierre Chanal.
10:52Votre parole nous est très précieuse aujourd'hui.
10:54Vous êtes le dernier psy à avoir vu Chanel dans sa prison.
11:00Vous allez nous en parler.
11:01On va y venir à ce moment qui est important.
11:04Je cite votre dernier livre.
11:05La passion du mal, co-écrit avec Mathieu Livoreil.
11:08Aux éditions Mon Poche.
11:13Jean-Luc Ployer.
11:16On dit que Chanel ne parle pas beaucoup.
11:19Mais en fait, devant les gendarmes,
11:21il a presque tout de suite une attitude de réflexe de défense.
11:25Il va dire que c'était la première fois que je ligotais quelqu'un.
11:29Je n'ai pas voulu lui faire du mal.
11:31Il était consentant, etc.
11:33Il y a déjà un discours qui est mis en place.
11:35Oui, c'est quelqu'un qui est très structuré sur le plan criminel.
11:38Il a l'habitude, en quelque sorte.
11:41Il n'est pas du tout déstabilisé par la visite des gendarmes.
11:44C'est quelqu'un aussi qui est militaire,
11:46qui a appris énormément de choses,
11:48notamment à résister à des interrogatoires commando.
11:52Il le fait très bien.
11:54Donc, ça ne lui pose aucun problème.
11:56On a dit que Chanel n'a pas de famille.
11:59Il a sa soeur.
12:00On verra que sa soeur joue beaucoup dans la vie de Chanel.
12:03C'était presque sa seule confidente.
12:05Mais sa famille, c'est l'armée.
12:07Oui, c'est ça.
12:08Il a une famille comme tout le monde.
12:10Il a une famille de substitution,
12:13qui est l'armée très tôt.
12:15D'ailleurs, lorsqu'il n'était pas bien dans sa famille,
12:18il s'échappait un petit peu dans le jardin, etc.
12:21Il regardait des avions décoller.
12:24Effectivement, il voulait absolument être instructeur parachutiste.
12:28Donc, il s'est intégré dans l'armée.
12:30Alors, vous nous direz ce qu'il vous a raconté, Chanel.
12:32Mais déjà, physiquement, il ressemble à quoi ?
12:34Il est impressionnant ?
12:35Ah oui, il est tout à fait impressionnant.
12:37La première fois que je l'ai vu, je l'ai vu trois fois, M. Chanel.
12:39La première fois que je l'ai vu, je l'ai vu à peu près deux minutes.
12:42C'est quelqu'un qui est physiquement extrêmement,
12:45j'allais dire, abouti, entre guillemets.
12:47Très construit.
12:49Il prend énormément soin de son corps.
12:51Ça, c'est un trait de sa personnalité.
12:52Il s'entretient beaucoup ?
12:53Il s'entretient énormément.
12:54Sportivement, c'est ça ?
12:55Sportivement.
12:56La première fois que je l'ai vu,
12:58je vous dis, ça a duré deux minutes.
13:00Il m'a demandé mon nom, mon prénom.
13:02Il a donné son nom, son prénom à lui.
13:04Son numéro de matricule,
13:06puisque c'est un militaire.
13:08Et il m'a dit, c'est terminé.
13:10Moi, je l'ai vu après
13:12le procès de Chalon-sur-Saône,
13:14où il avait pris dix ans de réclusion criminelle,
13:16où il avait parlé à des experts,
13:18et manifestement, ce qu'avaient
13:20déclaré à la barre les experts,
13:22ne lui avait pas plu.
13:23Donc, il ne voulait plus parler.
13:24Oui, c'est ça.
13:25Il s'était renfermé,
13:26mais enfin, ce n'est pas quelqu'un de très bavard.
13:28Maître Chemlin, une question pour vous.
13:30Tout de suite, les gendarmes de Saône-et-Loire,
13:32ils ont un peu du flair,
13:34parce qu'ils font le lien avec Mourmelon.
13:36On le cherchait.
13:37On le cherchait depuis tellement longtemps.
13:39Et on cherchait depuis tellement longtemps
13:41ce personnage-là.
13:43Un type solitaire,
13:45militaire, puissant,
13:47avec des attaches.
13:49Avec Mourmelon, en tous les cas,
13:51le triangle, si on appelait le triangle de Mourmelon.
13:54Qui soit homosexuel,
13:56qui le cache.
13:58Et donc, si vous voulez,
14:00quand on tombe sur cette scène,
14:02c'est instantanément
14:04que les gendarmes
14:06de Macron téléphonent
14:08à la section de recherche
14:10de Reims, qui avait
14:12laissé des annonces partout,
14:14en expliquant qu'on cherchait ce profil-là.
14:16Le militaire va être
14:18jugé pour le viol du jeune Hongrois.
14:20Il demeure le suspect numéro 1
14:22pour Mourmelon.
14:24Pierre Chanal, les ultimes confidences.
14:26Je me suis senti un peu coupable.
14:28J'ai préféré lui passer une chaîne avec un mousqueton
14:30pour qu'il ne s'échappe pas.
14:32L'enquête de l'heure du crime, on se retrouve dans un instant
14:34sur RTL.
14:3614h30, 15h30
14:38L'heure du crime sur RTL
14:4214h30, 15h30
14:44L'heure du crime sur RTL
14:46Jean-Alphonse Richard
14:48Heure du crime, consacrée aujourd'hui
14:50sur le trajectoire de Pierre Chanal.
14:52À l'été 88, cet adjudant chef discipliné
14:54est arrêté pour le viol
14:56d'un autostoppeur.
14:58Le profil du militaire inquiète,
15:00il pourrait être derrière l'affaire des disparus de Mourmelon.
15:028 jeunes hommes
15:04volatilisés ou retrouvés étranglés.
15:06Lundi 22 octobre
15:081990, Pierre Chanal,
15:1044 ans, regard bleu-acier,
15:12crâne quasiment rasée
15:14et visage taillé à la serpe,
15:16est devant la cour d'assises de Saône-et-Loire
15:18celui qu'on affuble
15:20de tous les surnoms de Rambo
15:22au moine soldat, doit s'expliquer
15:24sur les 19h de séquestration
15:26imposée au jeune autostoppeur
15:28hongrois Palas Falvey.
15:30Il réfute le viol, parle de rapports consentis.
15:32Au soir des premiers ébats,
15:34il dit s'être senti certes
15:36un peu coupable.
15:38M. Falvey était fâché.
15:40Pour avoir plus de chances de me réconcilier avec lui,
15:42le lendemain, je lui ai passé une chaîne
15:44avec mousquetons pour la nuit,
15:46il ne s'échappe pas, dit-il.
15:48Le psychiatre décrit Chanal comme une personnalité
15:50compulsive, obsessionnelle et sadique.
15:52Il a une sexualité
15:54homosexuelle à éclipse
15:56et est adepte du voyeurisme.
15:58Au camp de Mourmelon,
16:00il filmait les jeunes appelés
16:02nus sous la douche.
16:04Je n'ai jamais été amoureux, a-t-il confié à un psychologue.
16:06Il est condamné à 10 ans de prison.
16:08Jeudi 15 novembre,
16:108h45,
16:12un mois après sa condamnation,
16:14le psychiatre Chanal est en garde à vue
16:16dans l'affaire de Mourmelon.
16:18Les gendarmes ont prévu 660 questions.
16:20Tout porte à croire qu'il soit le tueur
16:22qui sévit autour du camp militaire
16:24depuis janvier 1980.
16:26Deux ans avant l'arrestation,
16:28l'expert psychologue
16:30Jean-Luc Ployer a été
16:32contacté par le chef de la section de recherche
16:34de Reims pour établir un portrait
16:36de ce prédateur insaisissable.
16:38Jean-Luc Ployer avait émis
16:40l'hypothèse qu'il puisse s'agir d'un
16:42militaire, un sous-officier frustré,
16:44solitaire, familier des techniques
16:46commando qui s'occupait des jeunes recrues.
16:48Le portrait, en creux,
16:50avant l'heure, de Pierre Chanal.
16:52En garde à vue, il est interrogé
16:54sur ses trajets aux dates des disparitions.
16:56Il y a un trou dans son emploi du temps
16:58pour l'enlèvement du jeune
17:00irlandais Trevor O'Keefe.
17:02Il dément l'avoir agressé.
17:04Puis il cogne sa tête contre le bureau.
17:06Il hurle, j'en ai marre de ces conneries.
17:08Je ne réponds plus, j'en ai rien
17:10à foutre de vos questions.
17:12La garde à vue est levée, mais l'enquête se poursuit.
17:14Il est établi qu'à chaque disparition,
17:16l'adjudant-chef n'était pas en manœuvre
17:18avec le 4e Régiment de Dragon.
17:20Il était en permission.
17:22En dépit des doutes, des perquisitions,
17:24des recherches, aucun indice accablant
17:26n'est découvert contre Chanal.
17:28Pas de preuves formelles retrouvées,
17:30se désole un enquêteur.
17:32Mercredi 23 juin 1993,
17:34le professeur de génétique
17:36Jean-François Muller
17:38dépose son rapport.
17:40Après trois ans de recherches,
17:42il a isolé un poil retrouvé dans le combi
17:44de Chanal qui correspond à un
17:46disparu de Mourmelon, Patrick Gache,
17:4820 ans, évaporé lors d'une permission.
17:50Le 30 avril 1987,
17:52il avait quitté le camp
17:54à pied. Personne ne l'a jamais revu.
17:5630 juin, la juge de
17:58Chalon-en-Champagne met un examen
18:00Pierre Chanal pour 6 séquestrations
18:02et assassinats, entre
18:0480 et 87.
18:06L'avocat d'Olivier Donner,
18:08jeune appelé du contingent, rejoint la liste.
18:10Grâce aux avancées de l'ADN,
18:12les traces de Patrice Denis, Patrick Gache,
18:14Pascal Sergent sont établies.
18:16L'avocat de Chanal dénonce un dossier
18:18fragile en maintien en détention
18:20abusif. Le militaire qui a tenté
18:22de se suicider est placé sous contrôle
18:24judiciaire. Il va résider
18:26chez sa soeur Simone, près de Saint-Etienne.
18:28Un septième juge
18:30fait alors réexaminer tous les scellés.
18:32457 poils
18:34analysés, 22
18:36ADN isolés, 5 ans d'enquête.
18:38Chanal est renvoyé aux Assises
18:40pour assassinat et séquestration
18:42de 3 victimes.
18:44Patrice Denis, Patrick Gache
18:46et Trévor O'Keefe.
18:50Et évidemment, plus de 20 ans après
18:52le premier disparu de Mourmelon,
18:54l'appelé du contingent Patrick Dubois,
18:56à 19 ans, Pierre Chanal va
18:58comparaître aux Assises. Pour cette
19:00histoire qui semblait jusque-là impossible
19:02à résoudre, l'adjudant-chef a toujours
19:04nié l'élu de sa responsabilité.
19:06Et on va voir évidemment
19:08ce qui va se passer pour la suite.
19:10Est-ce qu'il va être jugé cet homme ?
19:12Comment va-t-il réagir à
19:14l'annonce de cette
19:16obligation de passer devant les Assises ?
19:18On va parler pour l'instant de cette enquête
19:20interminable et difficile
19:22aussi. Maître Gérard Chemla,
19:24avocat à Reims, et vous êtes avocat
19:26dans cette histoire des partis civils.
19:28Je rappelle votre livre, Chanal,
19:30La justice impossible, écrit avec Maître Vincent
19:32dure-tête, est paru en 2004
19:34chez Michelon.
19:36Pas facile, finalement, parce que
19:38vous nous disiez tout à l'heure, Chanal, c'est
19:40le suspect parfait. Il coche
19:42toutes les cases, effectivement, qu'on peut
19:44dire que c'est bien lui,
19:46à Mourmelon, qui a fait le coup.
19:48Il n'y a pas d'autres suspects possibles. Mais là,
19:50on dit, il n'y a pas de preuves. C'est compliqué.
19:52C'est le suspect de l'évidence,
19:54mais il n'y a pas de preuves
19:56matérielles. Pourquoi ? Parce
19:58qu'on est à une époque
20:00où il n'y a pas de traces numériques,
20:02pas de téléphone portable, pas de carte de crédit,
20:04il n'y a pas
20:06de GPS, il n'y a pas
20:08d'internet, il n'y a pas non plus
20:10de traces d'ADN,
20:12puisqu'on n'est pas capable
20:14d'analyser.
20:16On a trouvé des traces de sperme sur
20:18ces draps. On a été incapables
20:20de les analyser. On a réussi à définir le groupe
20:22sanguin du propriétaire,
20:24mais ça ne sert à rien. Le groupe sanguin,
20:26c'est extrêmement banal et pas discriminant.
20:28Et quand l'ADN apparaît,
20:30on va rechercher les draps pour les analyser
20:32et à la place des taches,
20:34on trouve des trous. C'est-à-dire qu'on a détruit
20:36les preuves dont on pouvait disposer.
20:38Et effectivement, on est sur une enquête
20:40si on n'a pas les aveux
20:42et si on ne vient pas considérer
20:44que les crimes se prouvent
20:46l'un par l'autre. C'est-à-dire que
20:48celui qui est coupable de ce qui est arrivé
20:50au Hongrois est aussi nécessairement coupable des autres
20:52avec des éléments complémentaires,
20:54comme la présence sur place,
20:56tous ces éléments-là,
20:58on n'arrivera pas à trouver de preuves formelles.
21:00Cette première apparition
21:02est très importante.
21:04Ce premier procès,
21:06celui de l'agression de l'autostoppeur
21:08hongrois, il se défend.
21:10Il n'a rien fait.
21:12Encore une fois, pour quelqu'un qu'on dit
21:14mutique, refermé sur lui-même,
21:16il a de la puissance.
21:18J'y suis allé à ce procès
21:20parce que je voulais voir le personnage.
21:22Chanal
21:24s'exprime
21:26assez normalement.
21:28Les seules fois où il va réagir
21:30d'une façon étonnante, c'est quand on
21:32aborde des questions liées à la sexualité.
21:34A la sienne, à celle
21:36de sa mère dont il avait été le témoin.
21:38Et là, on voit quelqu'un qui tout d'un coup
21:40a des tics, se met à gesticuler
21:42malgré lui. Il se braque.
21:44Il est méconnaissable. Il va avoir des tics
21:46sur le visage, des mouvements de son corps.
21:48Sinon, il s'explique. Alors, il ne s'explique
21:50pas dans des détails extraordinaires. Il vient dire
21:52il était consomptant. Nous sommes
21:54tous les deux homosexuels. Il s'agit d'un jeu.
21:56Et globalement, vous n'avez pas
21:58d'autres preuves. Et en fait, il va même aller plus loin.
22:00Il va dire, si je suis là, c'est à cause de l'affaire
22:02des disparus. Parce que comme il y a
22:04les disparus, on pense que c'est moi qui suis coupable.
22:06Et on vient me juger pour ça. Sinon, on ne m'aurait
22:08jamais jugé. C'est quand même un sacré
22:10retournement de situation. Il faut savoir.
22:12Vos assises, ce n'est jamais simple.
22:14Il faut bien comprendre que ce type de personnage,
22:16c'est quelqu'un qui ne
22:18perd pas le contrôle.
22:20C'est un vrai tueur en série.
22:22C'est-à-dire qu'il reste
22:24toujours avec la main mise
22:26sur les événements. En tous les cas, il essaie de le
22:28reprendre tout le temps. Donc, c'est son procès
22:30et c'est lui qui veut le contrôler. On a bien compris.
22:32Effectivement. Jean-Luc Ployé,
22:34vous êtes expert psychologue auprès des tribunaux.
22:36Et vous êtes le dernier à avoir été
22:38le dernier psy, à avoir expertisé
22:40Pierre Chanal, votre dernier livre
22:42La Passion du Mal, co-écrit avec Mathieu Livoreil,
22:44qui est sorti aux éditions
22:46Mon Poche. Alors,
22:48bravo Jean-Luc Ployé d'abord, parce que
22:50quand
22:52Chanal n'est pas encore dans le viseur
22:54des enquêteurs,
22:56les gendarmes vous disent, venez nous aider
22:58quand même, essayez de dresser un petit peu le
23:00profil de cet homme.
23:02Donc, vous allez aller voir les gendarmes et vous allez leur dire
23:04ce que vous pensez de ce possible
23:06coupable. Personne ne sait que c'est Chanal à l'époque.
23:08Qu'est-ce qui
23:10vous a inspiré cette réflexion ? Parce que vous le
23:12décrivez, on a l'impression de voir Chanal à travers
23:14ce que vous dites. Oui, écoutez-moi, c'est le directeur
23:16d'enquête qui, effectivement, était perdu.
23:18Ils avaient fait des centaines et des centaines
23:20de démarches, etc. Ils étaient
23:22un petit peu perdus. Pour l'armée, c'était
23:24des déserteurs, en tous les cas au niveau des victimes potentielles.
23:26Puis l'armée n'avait pas
23:28envie d'avoir un scandale, etc.
23:30C'était très compliqué. Pour qu'un militaire
23:32et un gendarme, pour qu'un gendarme
23:34enquête dans l'espace militaire,
23:36c'est pas simple du tout, en tous les cas à l'époque.
23:38Et donc, il m'a demandé
23:40effectivement de déterminer ce qu'on
23:42appellerait maintenant un profil.
23:44Oui, mais à l'époque, on ne parle pas du profilage.
23:46Donc, effectivement, je suis rentré à mon
23:48cabinet, j'ai pris une feuille de papier, je l'ai divisé
23:50en deux. Alors, au niveau du profil des
23:52victimes, c'était relativement simple, puisqu'il
23:54m'avait montré quelques dossiers.
23:56Effectivement, c'était des jeunes appelés
23:58en règle générale, au niveau de leur
24:00parcours social, quand même, un petit peu
24:02compliqué. Donc, ils s'exposaient
24:04un petit peu, et qui avaient comme ça, qui étaient en
24:06recherche d'un héros, en quelque sorte.
24:08Immature,
24:10également, au niveau de la sexualité, pas très orienté
24:12encore. Ils ont 17, 18, 19 ans.
24:14Donc, ça, c'est une première chose.
24:16Par contre, pour l'auteur ou les auteurs,
24:18je ne savais pas du tout. J'ai pris
24:20la décision, comme ça, par hypothèse de travail,
24:22déterminer que c'était
24:24une personne, donc un tueur,
24:26en quelque sorte.
24:28Et j'ai déterminé sept ou huit critères.
24:30Donc, effectivement, au niveau de la
24:32personnalité, j'avais
24:34une petite expérience, quand même, criminelle, déjà.
24:36Et je m'étais rendu compte, quand même, que tout ce qui est
24:38de l'assassinat, etc., c'était quand même
24:40avec une problématique autour de la sexualité.
24:42Donc, je l'ai mis en exergue
24:44par rapport à ça. Milieu
24:46militaire, milieu d'hommes, donc
24:48homosexualité, homosexualité
24:50refoulée, sadisée,
24:52certainement, au niveau du
24:54passage à l'acte, si vous voulez.
24:56Et puis, au niveau de la personnalité,
24:58quelqu'un de très organisé.
25:00Et j'avais fait moi-même mon service militaire quelques années
25:02auparavant, et je m'étais rendu compte que
25:04le grade d'adjudant-chef,
25:06c'est un grade, j'allais dire, qui passe sous les radars.
25:08C'est l'angle mort.
25:10C'est les grades intermédiaires, c'est ça ?
25:12Oui, c'est ça. C'est ni du côté
25:14des officiers, ni du côté des hommes de troupe.
25:16Donc, il avait une certaine
25:18liberté, en fait.
25:20Il était très peu contrôlé.
25:22Et vous dites ça aux enquêteurs, évidemment.
25:24Vous leur donnez, alors ça c'est très étonnant, parce qu'effectivement
25:26ce portrait qui sort de nulle part,
25:28il va ressembler étrangement à Chanel.
25:30Juste un petit mot avec vous, Maître Gérard Chemla.
25:32Je le disais, renvoyé aux assises
25:34pour 3K, pourquoi pas davantage
25:36dans Bromellon ? Les cas sont pas inscrits, c'est ça ?
25:38Il avait changé de voiture.
25:40Parce qu'en fait, on l'a renvoyé
25:42sur les poils qu'on a retrouvés dans le
25:44combi. Et comme le combi, il ne l'avait
25:46que depuis 1985,
25:48et qu'il n'y avait eu que 3 disparitions depuis
25:501985, on a retrouvé des poils que des 3
25:52derniers disparus. Et la première voiture
25:54n'a pas été retrouvée ? Elle avait été détruite, c'est ça ?
25:56Elle avait été détruite.
25:58Le militaire redoute ce procès qui sera
26:00pour lui celui du déshonneur.
26:02Pierre Chanal, les ultimes confidences.
26:04Même en prison, je peux mettre fin
26:06à mes jours, si je le décide.
26:08L'enquête de l'heure du crime.
26:10Qu'a raconté l'adjudant-chef
26:12à ses visiteurs juste avant son face-à-face
26:14avec la justice ? C'est à suivre.
26:16Dans un court instant, restez avec nous sur RTL.
26:32...
26:48Retour aujourd'hui dans l'heure du crime
26:50avec l'affaire Pierre Chanal, soupçonnée d'être
26:52derrière les disparitions et les meurtres de 8
26:54jeunes gens dans les années 80,
26:56autour du camp de Mourmelon.
26:58L'adjudant-chef attend en 2003
27:00d'être jugé, supportant de plus en plus
27:02mal cette échéance qu'il a vue arriver
27:04à grands pas.
27:06Mardi 13 mai 2003,
27:0823 ans après le premier disparu de
27:10camp de Mourmelon,
27:12Pierre Chanal, 56 ans, est attendu
27:14devant la cour d'assises de la Marne
27:16à Reims, jugé pour 3 assassinats
27:18sur 8 victimes recensées.
27:20Ceux du jeune Patrice Denis,
27:22de l'appelé Patrick Gache, et de l'autostoppeur
27:24Trevor O'Keefe. Mais Pierre Chanal
27:26ne se présente pas devant les juges.
27:28La veille, il a été retrouvé inerte,
27:30non loin de la maison de sa soeur Simone.
27:32Tentative de suicide
27:34après avoir ingéré des somnifères.
27:36Le procès est renvoyé.
27:38Lundi 4 août,
27:40Pierre Chanal, qui ne voulait plus voir aucun expert,
27:42accepte la visite du psychologue
27:44Jean-Luc Ployer à la prison de Frennes.
27:46Il évoque son enfance, un père brutal,
27:48une mère soumise, au cours de laquelle
27:50personne ne lui a montré
27:52de l'affection. Aucune émotion
27:54dans ce récit froid et rigide,
27:56à l'exception furtive
27:58de l'évocation de ses neveux, pour lesquels, dit-il,
28:00il est un peu tonton gâteau.
28:02Il parle volontiers
28:04de son parcours militaire, mais dès que les questions
28:06du psychologue se font plus difficiles,
28:08il s'interrompt. « Je ne suis pas bien,
28:10on va arrêter, j'ai le voile
28:12noir », dit-il. Sur la question
28:14de la sexualité, il indique,
28:16« on n'en parle pas, point, barre ».
28:18Un mur infranchissable,
28:20note l'expert. 28 août,
28:22deuxième visite du psychologue, Chanal est
28:24faible, en grève de la faim. Il pèse
28:26moins de 60 kilos.
28:28« Ils m'ont remis en prison pour que je ne mette
28:30pas fin à mes jours, mais même ici,
28:32je peux mettre fin à mes jours,
28:34si je le décide. »
28:38Et dans cette heure du crime, qui est avec nous,
28:40c'est Jean-Luc Ployer, expert psychologue
28:42auprès des tribunaux. Jean-Luc Ployer, je l'ai dit,
28:44vous allez aller à
28:46Frennes rencontrer ce Pierre Chanal
28:48que vous aviez vu très brièvement une première fois.
28:50Il vous avait presque mis à la porte en disant
28:52qu'il n'avait rien à vous dire. Là, il se livre un peu plus.
28:54Il y a quelque chose,
28:56vous dites un mur infranchissable, et ça, c'est important
28:58parce qu'il y a un domaine où
29:00vous ne pouvez pas aller.
29:02Il n'y a pas de réponse.
29:04C'est totalement inabordable, c'est une espèce de forteresse.
29:06La sexualité, chez lui,
29:08en tous les cas, n'est pas communicable.
29:10Il passe à l'acte, sexuellement,
29:12de façon très sadique, très perverse.
29:14C'est évident.
29:16Mais en même temps, il n'en parle pas.
29:18C'est à la fois,
29:20comme j'allais dire tout à l'heure,
29:22on parlait de contrôle, mais c'est aussi quelqu'un
29:24qui est dans la toute-puissance.
29:26Comme beaucoup de tueurs en série potentielle.
29:28Ils sont tous comme ça.
29:30C'est eux qui décident du moment où.
29:32Ce n'est pas l'expert qui est en face de lui.
29:34Et puis, manifestement,
29:36il y a aussi une espèce de honte.
29:38Et ce n'est pas partageable.
29:40Ça veut dire aussi que c'est redoutable.
29:42Ça veut dire aussi qu'il n'y a pas de...
29:44Les victimes potentielles ne sont pas des sujets.
29:46Ce sont des objets de fantasme.
29:48Pourquoi est-ce qu'il accepte
29:50de vous parler, à vous ?
29:52J'ai été envoyé par la président de la Cour d'Assise
29:54à Reims.
29:56Peut-être deux ou trois mois
29:58avant le procès.
30:00Il avait refusé tous les experts
30:02suite à son procès de
30:04Chalon-sur-Saône.
30:06Pour quelle raison il m'a parlé, j'en sais rien.
30:08En tous les cas,
30:10je ne lui ai jamais dit
30:12que je l'avais profilé
30:14quelques années auparavant.
30:16Je ne sais pas.
30:18J'ai hésité à un moment donné, mais je ne lui ai jamais dit.
30:20En dehors de ça,
30:22il a quand même accepté.
30:24La première fois que je l'ai vu,
30:26en début de mois, je l'ai vu à peu près une heure et demie,
30:28deux heures. C'est quand même assez
30:30considérable par rapport à Pierre Chanal.
30:32La deuxième fois, je ne l'ai vu qu'une demi-heure
30:34parce qu'il était en fauteuil roulant.
30:36Il était en grève de la faim.
30:38Je ne le savais pas d'ailleurs. Il était aussi en phase terminale
30:40de cancer. Mais ça, je ne le savais pas.
30:42Il parle comment, Chanal ?
30:44Est-ce qu'il parle lentement ?
30:46Est-ce qu'il a une voix claire ?
30:48Il a un langage extrêmement clair,
30:50mais qui est complètement évacué de toute forme
30:52d'émotion. Absolument.
30:54Il n'y a aucune posture, aucune réaction.
30:56Il n'y a plus de la mécanique.
30:58Il parle, j'allais dire, comme un robot, en quelque sorte.
31:00C'est complètement désaffectisé.
31:02Maître Gérard Chemla,
31:04vous vous défendiez
31:06toujours avec les partis civils
31:08dans ce dossier, avocat au
31:10barreau de Reims.
31:12Il dit quelque chose qui est troublant,
31:14Chanal. Il dit, ils m'ont remis en prison,
31:16mais moi, je peux me suicider quand je veux.
31:18Comment vous analysez ça, vous ?
31:20C'est une espèce de chantage ?
31:22De pression ?
31:24Il a décidé depuis l'origine
31:26que si on le jugeait pour l'affaire
31:28des disparus de Montmelon, il se suiciderait.
31:30Ça, c'est clair. C'est son contrat.
31:32Il l'a dit.
31:34Quand il sort de prison,
31:36il va rencontrer deux journalistes,
31:38lui qui n'est pas bavard. Il accepte des interviews.
31:40Il l'explique
31:42aux journalistes.
31:44D'ailleurs, avant le procès,
31:46ça va tourner en boucle sur toutes
31:48les radios et toutes les antennes.
31:50Deux, trois jours avant,
31:52on annonce le procès et on repasse
31:54le bobineau de cette interview
31:56en disant que je vais me suicider.
31:58On a entendu au début de cette heure du crime.
32:00Le jour du procès,
32:02le premier jour du procès au mois de mai,
32:04je ne suis pas étonné
32:06quand, au moment d'aller vers la cour,
32:08ramener mes dossiers, j'apprends
32:10qu'il a été retrouvé
32:12inconscient à proximité
32:14de l'aérodrome
32:16vers lequel il allait quand il était enfant
32:18et regardait les avions
32:20décoller.
32:22Pour moi, c'est juste...
32:24Je suis le patron. Vous ferez
32:26ce que je dirais, mais c'est aussi le patron
32:28qu'il était quand il était
32:30avec ses victimes.
32:32Il va l'attacher, le prendre
32:34comme un gamin qui prend une mouche,
32:36il fixe son calendrier.
32:38On en a parlé. Jean-Luc Poyer,
32:40vous êtes d'accord là-dessus ? C'est lui qui dirige.
32:42C'est le chef d'orchestre.
32:44Au niveau de la personnalité,
32:46Pierre Chenal, ce n'est absolument pas un dépressif
32:48au niveau du suicide. C'est ce que j'appelle
32:50des suicides d'opportunité, de toute puissance.
32:52D'orgueil.
32:54Ça n'a rien à voir.
32:56Il n'est pas complètement au bout du rouleau.
32:58Je gagne. Même en mourant,
33:00je gagne.
33:02Je suppose qu'à cette époque,
33:04ce procès qui s'annonce,
33:06ce que vous attendez depuis des années,
33:08ces familles qui
33:10sont au bout du rouleau,
33:12elles le disent parce que ça a été trop long.
33:14C'est périlleux ce procès qui s'annonce.
33:16Au mois de mai,
33:18il tente de se suicider.
33:20Je demande à ce qu'il soit placé en détention
33:22sous un régime d'hospitalisation
33:24au départ, mais
33:26j'explique qu'il a tenté
33:28de fuir la justice et c'est à la justice
33:30de s'assurer de lui.
33:32La justice décide de le placer en détention pour le juger
33:34au mois d'octobre suivant.
33:36On sait que le risque
33:38de suicide est patent.
33:40J'écris au procureur général en lui disant
33:42maintenant, il est sous votre responsabilité,
33:44il vous appartient de veiller sur sa santé.
33:46Donc des mesures vont
33:48être prises, et c'est là où on voit
33:50la bêtise et la folie des choses.
33:52Des mesures vont être prises pour ne pas
33:54qu'il puisse se suicider, mais comme
33:56il est indigent, on va lui donner
33:58la trousse de toilette des indigents.
34:00On lui enlève son rasoir électrique
34:02pour ne pas qu'il se blesse avec,
34:04mais on va lui donner des rasoirs mécaniques
34:06dont il va patiemment
34:08exclure les lames.
34:10Et on connaît
34:12la suite, on va raconter
34:14la suite tout de suite
34:16dans l'ordre du crime.
34:185 mois plus tard, l'adjudant-chef est
34:20déclaré effectivement apte
34:22à être jugé, mais que va-t-il se passer ?
34:24Pierre Chanal, les ultimes confidences,
34:26il m'a donné l'impression de ne plus être
34:28concerné par ce qui se passait.
34:30L'enquête aujourd'hui de l'heure du crime, on se retrouve
34:32dans un instant.
34:44Au programme aujourd'hui de l'heure du crime,
34:46le parcours de Pierre Chanal, l'adjudant-chef
34:48du camp de Mourmelon, soupçonné d'être
34:50derrière les disparitions et les meurtres
34:52de 8 jeunes gens entre 1980
34:54et 1987. Premier
34:56procès avorté en mai 2003,
34:58il comparaît 5
35:00mois plus tard.
35:02Mardi 14 octobre 2003,
35:04le procès de Pierre Chanal, 56 ans,
35:06s'ouvre devant la cour d'assises de
35:08la Marne à Reims. Les familles de
35:10victimes attendent avec un mélange de craintes
35:12et d'impatience l'apparition de
35:14l'adjudant-chef, l'autostoppeur
35:16rescapé, le Hongrois Palas Falvey
35:18a été appelé à témoigner.
35:20Il est présent dans la salle d'audience.
35:22Chanal, lui, ne sera là
35:24que le lendemain. Après sa tentative
35:26de suicide, 5 mois auparavant,
35:28il a fait la grève de la faim,
35:30on l'a transférée en ambulance
35:32de la prison de Fresnes jusqu'au
35:34CHU de Reims.
35:36Il est sous bonne garde.
35:38Mercredi 15 octobre,
35:40une nouvelle spectaculaire
35:42se répand. Au cours de la nuit,
35:44Pierre Chanal s'est suicidé.
35:46A minuit 38,
35:48un policier a remarqué que le militaire avait
35:50la tête curieusement inclinée dans son lit.
35:52Un médecin, tout de suite appelé,
35:54a constaté que l'accusé avait deux lames
35:56de rasoir entre les jambes.
35:58Il les avait sans doute cachées dans l'étiquette
36:00rigide de son pantalon de jogging.
36:02En slip et t-shirt,
36:04il s'est enroulé et a
36:06caché sous les couvertures.
36:08Il s'est tranché l'artère fémorale
36:10gauche entre deux rondes
36:12de policiers. A minuit 30,
36:14un policier avait constaté que tout allait bien.
36:16Huit minutes plus tard, il était mort.
36:18Son avocat, Pierre Gonzalez de Gaspard,
36:20qui l'a visité la veille, dit l'avoir
36:22trouvé très faible mais serein.
36:24Il m'a donné l'impression de ne plus être
36:26concerné par ce qui se passait.
36:28Gérard Schemla, qui défend des familles
36:30de victimes, dit ressentir beaucoup de tristesse.
36:32Les familles vont repartir
36:34de Reims avec l'idée
36:36que la justice n'existe pas
36:38pour elles.
36:40Et maître Gérard Schemla,
36:42il est justement avec nous aujourd'hui dans le studio
36:44de l'ordre du crime, avocat au barreau de Reims,
36:46avocat des partis civils. Évidemment, vous êtes au
36:48premier rang lors de ce
36:50procès qui est, encore une fois, très attendu
36:52par les familles de victimes.
36:54Il faut en parler de ces familles de victimes parce que
36:56elles ont vécu un enfer
36:58depuis des années. Elles étaient loin de tout, loin de la
37:00justice et la justice a failli.
37:02Effectivement, Chanel s'est
37:04suicidée. C'est une catastrophe ?
37:06C'est en tous les cas un deuil
37:08terrible pour les familles.
37:10Il faut déjà préciser que
37:12seules trois familles étaient concernées par le procès
37:14mais toutes étaient venues
37:16et il était prévu qu'elles témoignent.
37:18Elles voulaient voir et savoir ?
37:20J'avais décidé que nous
37:22ferions le procès de l'ensemble
37:24des disparitions, même s'ils n'étaient pas jugés
37:26pour la totalité.
37:28Ce qui a été terrible,
37:30déjà, il faut se dire que ce procès
37:32c'était pour nous l'arlésienne.
37:34On en parlait mais on avait l'impression qu'il ne
37:36se produirait jamais.
37:38Il ne commencerait pas.
37:40Là, il avait commencé. On a eu une demi-journée de procès
37:42et quand le matin
37:44on recommence l'audience,
37:46les personnes qui sont en
37:48deuil de
37:50Chanal, c'est en fait les familles
37:52qui se retrouvent
37:54à pleurer. C'est assez étonnant
37:56parce que sa sœur vient,
37:58elle semble plutôt rassurée
38:00et détendue
38:02et nos clients
38:04sont totalement abattus avec la sensation
38:06qu'ils doivent maintenant faire le deuil
38:08de la justice, qu'ils n'auront jamais la vérité.
38:10Vous le disiez tout à l'heure
38:12qu'il y avait cette fameuse trousse
38:14de secours qu'on distribuait
38:16aux indigents avec malheureusement
38:18ces lames de rasoir à l'intérieur dont
38:20il a utilisé.
38:22Vous êtes furieux ?
38:24Parce que vous aviez dit
38:26attention, attention, il a suicidé.
38:28On l'avait anticipé
38:30et finalement on a l'impression
38:32que c'est le point final à une série
38:34d'erreurs, à une série
38:36d'incompétence, en tous les cas
38:38d'insuffisance qui durent
38:40tellement longtemps.
38:42Nous avions une chance d'aller au moins
38:44au bout de la justice, ça pouvait se terminer par un inquiétement
38:46mais au moins nous serions allés
38:48au bout des choses et là
38:50tout s'arrête
38:52au premier jour, le soir du premier
38:54jour, tout s'arrête
38:56et on a compris que
38:58il a gagné son procès puisqu'il meurt
39:00innocent, juridiquement innocent
39:02c'est pour ça que quand on écrit notre bouquin
39:04on l'appelle la justice impossible
39:06il n'aura jamais été possible d'obtenir la justice
39:08pour les familles des disparus.
39:10Et ça c'est terrifiant pour les familles
39:12qui sont là, qui sont venues
39:14il avait peur je crois, j'en lui ployais un mot
39:16là-dessus parce qu'il va dire
39:18enfin son avocat va dire, Maître Gonzales de
39:20Gaspard qui est disparu aujourd'hui, on salue sa
39:22mémoire. Je vais vous éticher, c'était André
39:24Buffard. Ah c'était André Buffard ?
39:26Il avait eu Gonzales mais c'était
39:28André Buffard. D'accord c'est André Buffard. Pardon.
39:30Mais c'est une très bonne rectification
39:32vous avez raison mais
39:34Pierre Gonzales de Gaspard lui avait dit
39:36effectivement cet homme
39:38il était verrouillé etc
39:40est-ce qu'il
39:42aurait pu parler à un moment donné
39:44lors de son procès ? Non je ne crois pas du tout
39:46je ne crois pas du tout alors au niveau des familles
39:48c'est terrible mais en même temps
39:50c'est vraiment le profil
39:52d'Étoile en Syrie qu'on va découvrir après
39:54en France en tous les cas
39:56beaucoup plus précisément
39:58la justice des hommes n'existe pas
40:00c'est-à-dire qu'ils sont tellement tout-puissants qu'en définitive ils ne rendent pas de
40:02compte. Et ce qui est terrible
40:04à entendre au niveau des familles et des parties civiles
40:06dans les procès d'assises par rapport à ce type
40:08de personnages c'est que les victimes ne sont
40:10pas des sujets, ce sont des objets
40:12essentiellement. Donc à ce moment-là
40:14à partir du moment où, c'est redoutable en matière
40:16criminelle si vous voulez, mais à partir du moment
40:18où ils considèrent que ce sont des objets
40:20il n'y a pas à avoir de culpabilité ni de regret
40:22quel qu'il soit. Et vous pensez que
40:24avec votre regard vous de psychologue
40:26et puis vous l'avez vu Chanel, vous l'avez entendu
40:28vous l'avez écouté, vous l'avez questionné
40:30qu'il n'aurait pas pu être sensible
40:32il n'aurait pas l'armure
40:34il ne serait pas fissuré face aux familles
40:36J'ai essayé, j'ai essayé énormément
40:38en 2h, 2h30 de temps
40:40à Freyne
40:422-3 mois avant son procès
40:44de Reims, j'y suis vraiment allé
40:46j'ai essayé d'entrer dans sa tête
40:48c'est une forteresse imprenable
40:50C'est ça, il était complètement verrouillé
40:52cadenassé
40:54Avec un regard
40:56effectivement vous parlez de ses yeux bleus perçants
40:58la dernière fois que je l'ai vu
41:00il avait un fauteuil roulant, très limité
41:02très affaibli physiquement
41:04mais le même regard
41:06quand je ferme les yeux maintenant, je revois ce regard
41:08Le regard était intact
41:10Il n'était pas touché par la faiblesse
41:12ou par cette grève de la faim
41:14qui pouvait l'emporter
41:16Maître Gérard Schemla
41:18ses avocats vont dire
41:20qu'il vivait très mal
41:22la confrontation avec Pallas Falvey
41:24qui est là, ce procès, il est venu
41:26il a été cité comme témoin, on va l'interroger
41:28Est-ce que finalement
41:30Chanal c'était trop pour lui, c'était un espèce de miroir
41:32parce que Falvey il allait raconter
41:34Ce qu'il faut comprendre surtout
41:36c'est que Falvey c'est la preuve de son homosexualité
41:38et ça c'était
41:40absolument impossible pour lui
41:42de l'assumer publiquement
41:44L'insulte qu'il utilisait
41:46contre les appelés
41:48c'était PD rouge
41:50Les insultes homophobes
41:52c'était véritablement quelque chose
41:54qui était important pour lui
41:56Et le fait de venir dire
41:58ou qu'on dise de lui
42:00devant l'assemblée
42:02publiquement, même s'il n'y a pas beaucoup de monde
42:04mais il y a les journalistes, il y a les familles
42:06qu'il était homosexuel, c'était impossible
42:08Il ne pouvait pas supporter
42:10Et peut-être aussi le fait d'avoir été impuissant
42:12dans la relation sexuelle
42:14avec ce jeune homme
42:16Parce qu'il savait que tout serait déballé
42:18tout serait sous la table
42:20Vous savez, on parlait de la face
42:22immergée de l'iceberg
42:24qui ne peut pas apparaître
42:26L'adjudant-chef ne sera jamais jugé
42:28dans l'affaire de Mourmelon
42:30un chapitre inachevé
42:32Pierre Chanal, les ultimes confidences
42:34personne ne l'a cru, c'est la justice
42:36qui l'a tué, elle n'a pas fait son travail comme il faut
42:38L'enquête de l'heure du crime, je vous retrouve
42:40tout de suite sur RTL
42:42L'heure du crime, Jean-Alphonse Richard
42:44jusqu'à 15h30 sur RTL
42:46L'heure du crime
42:48présenté par Jean-Alphonse Richard sur RTL
42:50Dans L'heure du crime
42:52aujourd'hui nous explorons le parcours de
42:54Pierre Chanal, l'adjudant-chef était le
42:56suspect numéro 1 dans l'affaire des disparus
42:58de Mourmelon, 8 jeunes
43:00hommes tués entre 1980
43:02et 1987, il s'est
43:04suicidé en 2003, avant son
43:06procès, enquête close
43:08sans épilogue
43:10Dans une lettre adressée
43:12la veille de son procès à la présidente de la cour d'assises
43:14de la Marne, Pierre Chanal avait
43:16expliqué son désir de se suicider
43:18car à ses yeux la partie était
43:20jouée d'avance, Chantal
43:22sa soeur avait commenté sa mort
43:24avec ces mots, c'est la justice
43:26qui l'a tué, car elle n'avait plus personne
43:28personne ne l'a cru
43:30la justice est coupable, elle n'a pas
43:32fait son travail comme il faut
43:34Après une
43:36enquête longue de 23 ans, la
43:38succession de 10 juges d'instruction
43:40et le suicide de Chanal
43:42le frère d'un disparu résumait
43:44ainsi l'affaire de Mourmelon
43:46comme un naufrage
43:48définitif de la justice
43:50Pierre Chanal c'est quelqu'un
43:52qui veut absolument dominer
43:54les choses, qui veut absolument décider
43:56lui de ce qui se passe, et la justice
43:58a accepté son jeu
44:00et a subi son chantage, c'est
44:02totalement ignorer ce qui a pu se passer
44:04c'est tourner le dos, et à ces personnes
44:06qui ont été assassinées
44:08et aux vivants qui restent là
44:10et qui essayent que la vérité soit connue
44:12La voix de Karine
44:14la soeur de Patrice Denis
44:16l'un des disparus de Mourmelon
44:18s'était dans l'émission, faite entrer l'accusé
44:20Maître Gérard Chemla
44:22avocat au barreau de Reims
44:24et auteur de ce livre, Chanal, la justice
44:26impossible, écrit avec Maître Versand
44:28dure tête, et qui était paru
44:30en 2004 chez Michelon
44:32c'est un livre qui fait le point justement
44:34sur cette affaire et sur ce mystère Chanal
44:36Maître Gérard Chemla
44:38il y a un point avec lequel vous êtes d'accord
44:40sûrement avec Chantal, la soeur
44:42de Chanal, c'est que effectivement
44:44la justice n'a pas fait son travail
44:46comme il fallait, et ça c'est un
44:48désastre, on l'entend encore
44:50Karine, la soeur de Patrice Denis
44:52On a d'ailleurs
44:54fait condamner la France
44:56à des dommages d'intérêt
44:58pour les fautes commises par
45:00le service public, et si j'ai le temps
45:02deux secondes, au lendemain
45:04de la mort de Chanal, il y a
45:06un jeune homme qui me téléphone
45:08pour me dire
45:10moi, mon frère
45:12il a disparu en 1975
45:14et il y en a
45:16un autre qui a disparu en 1977
45:18à Val d'Aon, à côté de Besançon
45:20qui était l'affectation
45:22précédente de Chanal
45:24et c'était deux garçons qui étaient sous ses ordres
45:26ça veut dire que la justice n'a même pas
45:28connecté les disparitions de
45:30Mormelon avec les disparitions de Val d'Aon
45:32et nous ferons la connexion
45:34au lendemain du suicide
45:36C'est étonnant, parce qu'il y a deux affaires
45:38je crois, c'est Michel Giannini et
45:40Aldo Tacchini, c'est bien ça
45:42Quid de ces affaires ?
45:44On ne sait pas
45:46Une enquête a été lancée
45:48concernant ces affaires, mais
45:50personne n'a accepté
45:52que cette enquête soit reliée à l'enquête de Mormelon
45:54et donc, nous ne le savions pas
45:56moi je l'apprends
45:58C'est incroyable
46:00C'est la même affaire
46:02et ça veut dire que, finalement,
46:04Jean-Luc Poyer, je me tourne vers vous, vous êtes auteur
46:06de La Passion du Mal
46:08Jean-Luc Poyer, vous l'avez écrit ce livre
46:10avec Mathieu Livorel
46:12aux éditions Mon Poche
46:14et vous avez expertisé Pierre Chanal
46:16c'est pour ça que vous êtes avec nous aujourd'hui dans
46:18cette heure du crime, on ne sait pas tout
46:20de Chanal finalement, il a peut-être caché
46:22bien d'autres crimes
46:24Bien sûr, d'autant qu'à l'époque, effectivement
46:26la police scientifique
46:28était beaucoup moins organisée que maintenant
46:30donc il y a certainement encore des espaces
46:32criminels dans lesquels
46:34il a été l'auteur
46:36que l'on ne connaît pas. La notion d'ailleurs de
46:38tueur en série, à l'époque, elle existait pas
46:40C'est le premier tueur en série finalement
46:42Oui, oui, tout à fait, c'est-à-dire que
46:44maintenant de mon expérience de tueur en série
46:46je peux vous dire qu'il a absolument le profil type
46:48du tueur en série
46:50même mode opératoire
46:52trait de personnalité
46:54une problématique tout à fait intense
46:56autour de la sexualité
46:58c'est ce qu'on observe absolument
47:00par rapport à la personnalité de tous les tueurs en série
47:02que j'ai pu voir. Même si il faut bien le répéter, Gérard
47:04Chemlin, il est mort innocent, vous nous l'avez dit
47:06pour le procès de Mourmelon
47:08Ça ne nous empêchera pas de penser
47:10qu'il était coupable
47:12Les corps qu'on n'a pas retrouvés, on les a beaucoup
47:14cherchés ces corps, mais dans cette terre de Mourmelon
47:16c'est compliqué. De Mourmelon
47:18ou d'ailleurs, c'est-à-dire que
47:20il s'est attaqué dans un premier temps à des militaires
47:22dans un deuxième temps
47:24à des autostoppeurs et on peut penser
47:26que les autostoppeurs, notamment
47:28les étrangers, Trevor O'Keefe, Falvey Palace
47:30on peut penser qu'il a fait des centaines
47:32de kilomètres avec eux et qu'ils peuvent être
47:34enterrés n'importe où. On trouvera
47:36peut-être par hasard un corps un jour
47:38comme on a arrêté par hasard
47:40Chanal, peut-être pas
47:42quelqu'un qui avait l'habitude
47:44dans ses formations commando
47:46d'enterrer, de dissimuler
47:48ses traces, et bien je ne sais pas
47:50elles réapparaîtront jamais. C'est un itinérant
47:52comme Holm d'ailleurs
47:54mais qui lui va à pied, Holm
47:56et se déplace comme ça avec des trains et tout
47:58comme Fourniret aussi qui était un itinérant
48:00donc effectivement là on a...
48:02On va retrouver chez Fourniret et chez Chanal
48:04l'utilitaire, le véhicule utilitaire
48:06dans lequel on peut tout faire. Oui, c'est une signature
48:08effectivement qui est commune
48:10à ces deux hommes. Jean-Luc
48:12Ployer, vous avez
48:14été missionné
48:16finalement par Chanal, parce que ça c'est étonnant
48:18vous le racontez dans votre livre, moi ça m'a
48:20beaucoup surpris
48:22vous dites que Chanal vous a dit
48:24allez voir la présidente du tribunal
48:26vous lui dites de me relâcher, et là peut-être
48:28je m'exprimerai. Oui, c'est-à-dire que
48:30à mon insu... Une espèce de chantage quand même
48:32à mon insu j'étais le porte-parole de Pierre Chanal
48:34c'est quand même tout à fait particulier pour un
48:36expert judiciaire, mais tout arrive
48:38effectivement, mais effectivement
48:40il voulait absolument
48:42ne plus être incarcéré
48:44mais être chez
48:46chez sa sœur, avec effectivement
48:48un véhicule dans le jardin de sa sœur
48:50pour attendre effectivement son procès
48:52en disant si elle n'accepte
48:54pas de toute façon, je vais me suicider
48:56j'ai écrit un mois
48:58avant son procès de Reims
49:00à la présidente de la cour d'assises
49:02je lui ai indiqué qu'il allait se suicider
49:04effectivement, et effectivement il est passé
49:06à l'acte. Gérard Chemla
49:08je termine cette émission avec vous
49:10un sentiment de gâchis quand même
49:12pour les familles, et pour vous
49:14c'est une catastrophe. Vous savez
49:16c'est des jeunes gens
49:18ils avaient 18 ans à l'époque
49:20et
49:22j'avais à peu près le même âge
49:24que eux, ou la même date de naissance
49:26moi j'arrive à la fin de ma carrière
49:28où pratiquement
49:30on a des gens qui ont disparu
49:32qui n'ont jamais eu de sépulture
49:34qui ont été dans leur famille
49:36des trous noirs qui ont absorbé
49:38toute l'énergie, c'est un drame
49:40pour ces gens-là et pour leur famille
49:42Merci infiniment Maître Gérard Chemla et Jean-Luc Ployer
49:44d'avoir été aujourd'hui les invités de
49:46L'Heure du Cri. Merci à l'équipe de l'émission
49:48rédactrice en chef Justine Vigneault, préparation
49:50Marie Bossart, Marie-Lou Goyer
49:52réalisation Nicolas Godet