Mathieu Bock-Côté propose un décryptage de l’actualité des deux côtés de l’Atlantique dans #FaceABockCote
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00:00 Quasiment 19 heures sur CNews, merci d'être avec nous pour Face à Mathieu Bocoté.
00:04 Cher Mathieu, bonsoir.
00:05 - Bonsoir.
00:06 - Arthur de Vatrigan est avec nous, bien sûr.
00:08 - Bonsoir.
00:09 - A la une de l'incorrecte Euthanasie Civilisation en phase terminale,
00:13 avec Michel Houellebecq devant.
00:17 D'ailleurs, vous mettez le rabat à l'écrivain et le prêtre réveille nos consignes.
00:21 - Une grande conversation à Troyes qui sortira lundi sur le site et mercredi en kiosque.
00:26 - Eh bien écoutez, nous serons mercredi dans les kiosques pour récupérer bien sûr l'incorrecte.
00:30 Le point sur l'information, c'est avec vous Simon Guillain, car il est quasiment 19 heures.
00:35 - Bonsoir Elliot et bonsoir à tous.
00:37 La galère pour prendre l'avion ce week-end à Paris-Orly.
00:40 70% des vols devraient être annulés aujourd'hui et demain en raison d'une grève des contrôleurs aériens.
00:45 L'un des principaux syndicats réclame davantage d'effectifs dans la profession.
00:50 La guerre au Proche-Orient et Emmanuel Macron qui a évoqué une solution à deux États avec des responsables arabes.
00:55 La discussion s'est tenue hier soir au Palais de l'Elysée.
00:58 Cessez le feu à Gaza, libération des otages et d'humanitaires, solution à deux États.
01:03 Il n'y a pas d'alternative durable, a affirmé le chef de l'État sur son compte X.
01:07 Et puis une triste nouvelle, même si on s'y attendait, il y a de grandes chances pour que ce Roland-Garros soit le dernier de Raphaël Nadal.
01:13 Le maillot requin 14 fois vainqueur porte d'auteuil s'est exprimé en conférence de presse cet après-midi.
01:18 De grandes chances que ce soit le dernier, mais pas sûr à 100% a affirmé l'Espagnol aux 22 titres du Grand Chemin.
01:24 Merci Simon pour le point sur l'information.
01:26 A la une de face à Mathieu Bocoté relégué en deuxième partie de soirée sur le service public,
01:31 c'est pourtant lui qui a crevé l'écran jeudi soir.
01:34 François-Xavier Bellamy a donné une leçon de démocratie,
01:37 faisant de l'ombre au face-à-face Jordan Bardella-Gabriel Attal.
01:41 La sphère médiatico-politique voudrait-elle imposer un duel ?
01:44 Erren Macronie, le contrôle du récit public dépasse-t-il l'élection européenne ?
01:50 On en parle dans un instant.
01:52 A la une également, le projet de loi sur la fin de vie arrive dans l'hémicycle.
01:55 Lundi, la promesse d'équilibre du président de la République sera-t-elle tenue quand on voit
02:00 à quel point le texte a été modifié en commission, les nombreux garde-fous ont sauté.
02:05 Les mots "euthanasie" et "suicide assisté" ne sont pas inscrits noir sur blanc.
02:09 Mais s'y approche-t-on dangereusement ?
02:11 Éléments de réponse dans cette émission.
02:13 Enfin, cher Mathieu, vous recevez ce samedi Thibault Mercier, avocat et séiste.
02:18 Vous allez revenir avec lui sur cette société de plus en plus autoritaire.
02:21 Nos libertés individuelles sont-elles en danger ?
02:24 Grande question, grand programme pour face à Mathieu Bocoté.
02:28 Face à Mathieu Bocoté, c'est parti.
02:30 Mathieu Bocoté, le grand débat de jeudi soir entre Jordan Bardella et Gabriel Attal
02:47 a suscité de nombreux commentaires.
02:49 Mais c'est peut-être celui de François-Xavier Bellamy qui a le plus marqué les esprits
02:53 lorsqu'il a remis en question, devant la présentatrice de l'émission,
02:58 la légitimité même du service public, à l'organiser.
03:01 C'est justement sur le rôle que cherchent à se donner les services publics
03:05 dans la présente élection que vous souhaitez revenir pour votre premier édito.
03:08 Alors c'est une scène forte, très forte, parce qu'on a vu le débat.
03:13 Bon, chacun en avait son analyse, qui a gagné, qui a perdu.
03:16 On constate que les commentateurs, globalement, donnaient la victoire à Gabriel Attal.
03:22 Le public, apparemment, donne la victoire à Jordan Bardella.
03:25 Mais bon, ça, c'est le côté match de boxe.
03:27 La partie la plus importante, je crois, effectivement, c'est le coup de force du service public
03:33 qui a cherché à transformer cette élection européenne en duel présidentiel,
03:39 en duel entre deux partis qui sont institutionnalisés
03:42 comme les acteurs majeurs de la vie politique française.
03:46 Et quant aux autres, on les évite à commenter un duel auquel, par définition, ils ne sont pas évités.
03:53 Donc c'est assez fascinant.
03:54 C'est un système médiatique qui décide de se substituer à la vie politique
03:58 en disant « voilà qui seront les vrais acteurs ».
04:01 Et Ben Ami, en intervenant, fait une intervention qui est…
04:05 on va dire que c'est une intervention choc, mais pourquoi ?
04:08 Parce qu'il ose transgresser ce qu'on n'a pas le droit de transgresser.
04:11 Il ose attaquer la puissance invitante du débat.
04:15 Il ose nommer le pouvoir médiatique.
04:17 Vous connaissez la légende comme quoi les médias seraient le contre-pouvoir.
04:20 C'est une légende aujourd'hui, c'est une légende urbaine.
04:22 La vérité, c'est que les médias, globalement, sont le premier pouvoir.
04:26 Le premier pouvoir, et dans les circonstances, ils décident qui peut débattre
04:31 et qui n'est pas invité à débattre.
04:34 Mais lorsque je dis « il y a un moment de transgression »,
04:37 c'est que Ben Ami nomme un pouvoir qui ne tolère pas d'être nommé.
04:40 Vous savez, les journalistes aujourd'hui, globalement, ont tendance à se croire en ça.
04:44 Toujours les éritiers du Watergate.
04:45 Ils se voient toujours comme les éritiers de la défense de la démocratie,
04:48 la défense du pluralisme, la défense de la liberté.
04:51 Je ne dis pas que c'est toujours faux.
04:52 Mais dans le cas précis, on voit des médias qui décident de s'emparer des élections européennes,
04:57 d'emballer les candidats qu'ils jugent secondaires.
05:00 Or, Ben Ami, très justement, parce qu'on aurait pu croire qu'il plaide sa cause,
05:03 il dit « non, non, non, laissez-moi de côté si vous le souhaitez.
05:06 Mais si vous tenez compte simplement des candidats qui pèsent très lourdement dans les sondages,
05:10 pourquoi Glucksmann n'est pas présent? Pourquoi Glucksmann est-il absent? »
05:14 C'est une question fort légitime.
05:15 Donc, qu'est-ce qu'on voit là-dedans?
05:17 Dans la réaction désemparée aussi de l'animatrice, de la présentatrice,
05:21 elle était absolument étonnée parce que, encore une fois,
05:25 elle ne pouvait imaginer que quelqu'un se présente sur son plateau
05:29 et n'accepte pas de jouer le rôle de figurant qu'elle lui avait réservé.
05:33 Elle ne pouvait pas imaginer, dans des circonstances,
05:36 qu'un invité dise « non, madame, vous n'êtes pas ici une puissance neutre,
05:39 vous êtes un pouvoir qui avait décidé de confisquer une élection européenne.
05:43 Vous êtes un pouvoir qui a décidé de privilégier deux acteurs,
05:45 d'annoncer à l'avance le prochain débat présidentiel et, allons plus loin,
05:51 dans la sélection même des thèmes, dans la hiérarchisation des thèmes,
05:54 de décider finalement de quelle manière les Français sont en droit de débattre.
05:58 Donc, c'est un coup de force du service public, première chose à nommer.
06:01 C'est un coup d'éclat courageux de François-Xavier Bélamy,
06:05 ce n'est pas le premier dans la campagne, je prends la peine de le noter,
06:07 qui a cherché à dévoiler, en fait le roi est nu, l'empereur est nu,
06:11 le pouvoir, le contre-pouvoir est un pouvoir. Premier élément.
06:15 Deuxième élément, ça nous rappelle par ailleurs le rôle du système médiatique,
06:19 en général, pendant la présidentielle.
06:21 Rappelez-vous, la question de l'immigration, la question de l'islamisme,
06:23 de l'islamisation de l'Europe était centrale et comment les médias fonctionnent
06:26 pour faire en sorte, pour expulser ce sujet.
06:29 Ils nous présentent souvent, sur le mode du sondage bien construit,
06:33 il y aurait un vrai sujet, c'est le pouvoir d'achat
06:36 et tout ce qui touche à l'immigration est ensuite saucissonné en sujets secondaires.
06:40 Donc il y a les comptes sociaux, il y a l'insécurité, il y a l'identité,
06:45 il y a la culture, faites la liste.
06:47 Donc les médias détricotent, en fait saucissonnent le sujet existentiel,
06:52 recentrent le débat sur la question du pouvoir d'achat
06:55 et disent que tous ceux qui ne parlent pas de ça là-bas
06:58 sont en fait des acteurs périphériques auxquels on ne devrait pas tendre le micro.
07:02 Qu'est-ce qu'on a vu à travers ça?
07:04 C'est encore une fois le pouvoir immense du service public.
07:06 Le service public est financé par les Français
07:09 et qui se permet d'institutionnaliser ses propres préférences idéologiques
07:13 comme on l'a vu d'ailleurs avec la passionnante étude de l'Institut Thomas More.
07:17 L'Institut Thomas More qui publie une étude qui est une forme de contre-étude.
07:21 Vous vous rappelez l'étude un peu, à mon avis, très amusante
07:24 tellement il manquait de rigueur de François Jost,
07:26 son étude pour attaquer CNews.
07:28 L'étude Wikipédia.
07:29 Ça me fait des emparer parce que je ne parle pas de la qualité de l'homme en lui-même
07:35 mais ce que je sais c'est que l'étude pour moi était l'étude la moins convaincante
07:38 que j'ai pu lire depuis très longtemps sur un sujet aussi sérieux.
07:41 Mais là, l'Institut Thomas More a décidé de prendre au sérieux
07:45 la question du pluralisme dans les médias publics.
07:47 Et qu'est-ce qu'on voit très clairement?
07:49 C'est que c'est absolument débalancé.
07:51 Absolument débalancé.
07:54 D'ailleurs vous noterez, soit dit en passant, en ce moment il y a une petite guerre
07:57 dans le service public autour de la question de Guillaume Meurice
08:00 entre la gauche radicale et l'extrême centre.
08:02 Donc ils se battent les deux.
08:03 Ils se battent les deux pour nous dire qui a le droit à le monopole
08:07 de la parole progressiste dans l'espace public.
08:09 Mais Thomas More nous dit quelque chose d'absolument essentiel.
08:12 Il nous dit que l'argent public sert à configurer un débat
08:16 qui refoule dans les marges, qui disqualifie,
08:20 qui traite comme des préoccupations secondaires
08:22 les préoccupations de millions de Français.
08:25 Donc là qu'est-ce qu'on voit?
08:26 C'est que finalement l'immense appareil public
08:28 est un appareil non pas médiatique au sens classique
08:31 qui raconterait à la nation sa propre existence,
08:34 mais qui force le débat dans une direction très orientée
08:37 avec tous les thèmes que nous connaissons.
08:39 Je note, parce que de temps en temps il faut s'amuser,
08:42 Laurence Rossignol, figure immense du socialisme résiduel,
08:46 qui a un passé à l'extrême gauche, je crois,
08:49 de la Ligue communiste révolutionnaire, si je ne me trompe pas.
08:51 Mais ça apparemment ce n'est jamais grave comme passé.
08:53 Elle disait tout récemment, je crois que c'est sur Public Sénat,
08:56 elle dit « c'est quoi cette question du pluralisme
08:59 sur le service public dont on nous parle?
09:00 Mais c'est quoi cette question du pluralisme?
09:02 Pourquoi y aurait-il besoin de pluralisme? »
09:04 Et elle nous demande « c'est quoi cette histoire de pluralisme?
09:07 On a un problème de pluralisme,
09:08 est-ce qu'il y a des gens que nous devrions inviter
09:10 et qu'on n'invite pas? »
09:11 C'est ça que vous voulez nous dire?
09:13 Et là qu'est-ce qu'elle nous dit?
09:14 C'est que le service public appartient à son clan,
09:16 appartient à son mouvement, appartient à sa mouvance,
09:19 et ceux qui remettent cela en question,
09:21 elles cherchent à les extrême-droitiser.
09:23 Je retiens une chose par ailleurs du débat de jeudi,
09:26 c'est que Jordan Bardella était invité à débattre
09:29 par ailleurs en terrain ennemi.
09:31 Il faut comprendre qu'il y avait la complicité idéologique
09:33 du service public dans les circonstances de M. Attal,
09:37 et de l'autre côté, Jordan Bardella devait se justifier d'exister,
09:40 devait justifier chaque fois la mise en avant de ses préoccupations,
09:44 ce qui ne veut pas dire qu'il n'y est pas revenu chaque fois non plus.
09:46 On comprend, Mathieu Bocote, que selon vous,
09:48 le contrôle du récit public dépasse largement
09:51 la seule question du service public.
09:53 Bien sûr, ça parle.
09:54 C'est pour ça que j'ai utilisé tout au début la formule du système médiatique,
09:57 et on l'a vu avec le cas de l'Arkom cette semaine,
09:59 institution dont je ne conteste pas la noblesse des membres, évidemment,
10:03 mais qui s'est permis une sanction assez étonnante.
10:05 Rappelez-vous, Geoffroy Lejeune, directeur du JDD,
10:08 a fait une intervention sur cette chaîne, sur ces news,
10:10 où il cherche à décrire le lien entre l'immigration massive,
10:15 originaire de certains coins du monde,
10:17 avec certains traits culturels particuliers,
10:19 et les effets sur la société française, dont il se désole.
10:23 Donc, il parle de...
10:25 Sur un plateau de ces news, il parle de cela,
10:27 et là, l'Arkom décide de le sanctionner.
10:30 De le sanctionner très simplement.
10:31 50 000 euros, je crois, si je ne me trompe pas,
10:33 l'amende pour la chaîne.
10:34 Et là, c'est intéressant, parce que l'amende ne porte pas sur
10:37 est-ce que cette analyse est vraie ou fausse.
10:39 Moi, la seule question qui m'intéresse avec une analyse,
10:41 c'est est-ce qu'elle est exacte ou inexacte.
10:44 Est-ce qu'elle est vraie ou fausse.
10:45 Si l'analyse est fausse et qu'elle est démentie,
10:48 bien, ça frappe la crédibilité d'un commentateur.
10:51 S'il multiplie les analyses fausses,
10:53 eh bien, ça nous dit, finalement, c'est un mauvais commentateur,
10:54 on va moins faire appel à lui.
10:56 Mais ce n'est pas du tout de cela dont on parlait ici.
10:58 On ne se demandait pas si Geoffroy Lejeune avait raison ou tort.
11:01 On a dit que c'est moralement inacceptable comme propos.
11:04 Et dès lors, l'Arkom se pose ici comme une instance,
11:08 non pas le gardien des médias,
11:10 non pas le gendarme directeur des médias,
11:12 mais une instance qui vise à sanctionner
11:14 certains points de vue dans l'espace public,
11:16 qui vise à pénaliser.
11:17 Et l'idée, c'est évidemment, à chaque fois,
11:19 de transformer les contradicteurs de l'idéologie dominante
11:22 en délinquants médiatiques.
11:24 Pourquoi? La méthode est la suivante.
11:26 On colle une étiquette en quelqu'un,
11:27 vous avez été condamné pour cette raison X, Y ou Z,
11:30 et maintenant, chaque fois que vous interviendrez
11:32 dans l'espace public, on va rappeler que vous êtes,
11:34 de leur point de vue, un délinquant.
11:36 C'est une méthode de discrédit pour être capable
11:38 de fabriquer légalement des proscrits.
11:41 Mais vous le savez, en régime idéocratique,
11:43 en démocratie, comme je dis, en démocratie,
11:45 il y a un pluralisme dans l'espace public.
11:47 En régime idéocratique,
11:48 idéocratique au sens idéologique,
11:50 la question est de savoir si une analyse
11:52 est conforme à l'idéologie dominante
11:54 ou si elle ne l'est pas.
11:55 Et l'idéologie dominante, nous le savons,
11:57 c'est l'idéologie de la diversité heureuse,
12:00 le grand récit de la diversité heureuse.
12:02 Je note, encore une fois, pour revenir un court instant
12:04 sur les services publics, parce que c'est assez important,
12:06 Mme Manelle Van Riet, il y a quelques semaines,
12:08 qui est une femme intelligente, très intelligente,
12:10 nous dit, le service France Inter,
12:13 est une radio progressiste.
12:15 Elle avoue une orientation idéologique pour une radio.
12:18 Parce qu'on s'entend que le mot progressisme
12:20 n'est pas un terme neutre.
12:21 Ça témoigne d'une philosophie,
12:22 d'une certaine lecture de l'histoire.
12:23 Donc, elle nous dit, la radio publique
12:25 sert une idéologie en particulier.
12:28 C'est assez singulier.
12:31 Autre chose, et c'est à ce moment
12:33 qu'on croise un autre événement dans l'actualité.
12:35 Vous avez peut-être croisé le récit d'Amoré Bucodige
12:38 qui nous racontait sur CNews,
12:40 parce qu'il était à un procès cette semaine.
12:42 Il s'est fait un procès, et là, l'avocate de l'accusé,
12:47 qui est un OQTF, profil classique OQTF,
12:50 disons ça comme ça, l'avocate de l'accusé dit,
12:53 "Ah, nous avons ici les gens de CNews dans la salle,
12:57 "et c'est inacceptable qu'ils soient là."
12:59 Parce qu'elle utilise cette phrase incroyable,
13:01 parce que cette histoire qui mettait en scène
13:03 une jeune femme qui a été agressée par deux OQTF
13:05 et une tentative de viol, et tout ça,
13:07 une histoire absolument sordide,
13:09 l'avocate dit, "C'est une histoire
13:11 "qui n'a pas grand intérêt médiatique,
13:13 "et le journaliste n'est ici que pour stigmatiser les étrangers."
13:17 Alors, c'est assez intéressant.
13:19 Donc, l'avocate va décider
13:21 quelle histoire a une légitimité médiatique ou non.
13:24 Elle va décider de quoi on a le droit de parler ou non.
13:28 Et c'est à ce moment qu'on touche la question centrale,
13:30 à mon avis, du rôle d'une chaîne.
13:32 Le véritable pluralisme médiatique,
13:34 c'est la possibilité pour une chaîne
13:36 de dire ce fait-là, les autres considèrent
13:38 que c'est un fait divers, secondaire,
13:40 nous, on considère que c'est un fait important.
13:42 On considère que tous ces faits mis ensemble,
13:44 ça fait un phénomène de société.
13:46 Et notre ligne éditoriale, entre guillemets,
13:48 pourrait-on dire, dans certains cas,
13:50 c'est pas le cas de tout le monde,
13:52 c'est de relever ces faits-là et montrer
13:54 en quoi c'est un fait de société plutôt qu'un fait divers.
13:56 Et c'est pour cela qu'il y a une telle hostilité
13:58 dans la gauche radicale à l'endroit de ces news,
14:00 mais pas seulement de tous les médias,
14:02 qui quelquefois ne reprennent pas simplement
14:04 ce qu'on dit, vous donnez de l'importance
14:06 à des faits qui pourraient troubler
14:08 l'idéologie dominante, vous permettez
14:10 à une autre vision de l'actualité
14:12 de percer dans l'espace public,
14:14 et tout cela n'est pas acceptable.
14:16 Je note sur ce temps passant que, de mon point de vue,
14:18 la ligne éditoriale de ces news, je ne parle
14:20 qu'en mon propre nom, c'est le pluralisme.
14:22 Le vrai pluralisme, la diversité des points de vue,
14:24 la diversité des grilles de lecture qui peuvent
14:26 converser librement dans l'espace public.
14:28 Mais ce que je note, c'est qu'encore une fois,
14:30 le régime dit certains faits ne passeront pas,
14:32 la réalité ne passera pas,
14:34 parce que la réalité vient contredire l'idéologie dominante.
14:36 - Et Geoffroy Lejeune sera notre invité à 20h,
14:38 il répondra justement à cette sanction de l'Arc-Homme.
14:42 Vous n'en démordez pas, Mathieu Bocote,
14:44 pour vous, le système médiatique se retourne
14:46 souvent contre la démocratie.
14:48 - Pourquoi pas dire tout le temps?
14:50 - Parce que...
14:52 - Le système médiatique, aujourd'hui, nous présente
14:54 les choses de manière assez simple.
14:56 C'est, d'un côté, regardez pour les européennes,
14:58 ce serait la démocratie, l'État de droit, la République,
15:00 l'État national, contre l'autre côté, les populistes,
15:02 l'extrême droite, on connaît ce récit par cœur.
15:04 Donc le récit qui nous a fait les élections,
15:06 avant même de nous dire "votez pour lui, votez pour lui",
15:08 les étiquettes utilisées, les catégories utilisées,
15:10 le récit utilisé, nous dit d'avance
15:12 qui sont les gentils, qui sont les méchants.
15:14 C'est aussi la théorie du masque, encore une fois.
15:16 On nous dit "regardez ce parti, par exemple,
15:18 oui, il a l'air démocratique,
15:20 il semble jouer le jeu de la démocratie,
15:22 mais en fait, il a une position cachée,
15:24 une position masquée,
15:26 et nous allons nous donner comme missionnaire
15:28 de démontrer que ce parti ou ce mouvement
15:30 est en fait, porte en lui-même un visage odieux.
15:32 Donc, cette mise en récit de l'actualité binaire,
15:34 cette mise en récit manichéenne,
15:36 cette mise en récit où il y a les gentils et les méchants,
15:38 cette mise en récit où il y a les coupables
15:40 et ceux qui, peu importe ce qu'ils feront,
15:42 ne sont jamais responsables de rien,
15:44 je pense que ça nous en dit beaucoup
15:46 sur un dérèglement du système médiatique
15:48 qui entraîne à terme un dérèglement démocratique.
15:50 - Le système médiatique est-il déréglé,
15:52 Arthur de Vatrigon?
15:54 - Je pense qu'on va devoir
15:56 la mémoire courte,
15:58 et que nous sommes un poil hypocrite,
16:00 parce que honnêtement, le débat
16:02 par De La Hattal,
16:04 nombreux d'entre nous l'attendaient,
16:06 des spectateurs qui nous regardent l'attendaient,
16:08 et de nombreux Français l'attendaient.
16:10 Parce qu'on connaît le talent des deux protagonistes,
16:12 parce que ce sont deux projets de société opposés
16:14 qui s'affrontent, et parce que aussi
16:16 notre fond chrétien nous mettait un peu mal à l'aise
16:18 de voir la candidate de la majorité
16:20 finir après chaque confrontation KO
16:22 avec une poche de glace sur le nez.
16:24 Heureusement, François-Xavier Bellamy était là
16:26 pour nous rappeler que la politique n'est pas qu'un spectacle,
16:28 et que cette élection n'est pas
16:30 un second tour de présidentielle.
16:32 - Passons au deuxième édito,
16:34 et on va parler de l'euthanasie.
16:36 Les questions sociétales sont revenues au cœur de l'actualité
16:38 cette semaine,
16:40 avec les débats portant sur l'euthanasie.
16:42 Arthur, dans un instant, vous allez en parler
16:44 directement de l'évolution
16:46 de ce projet de loi, mais vous souhaitez, Mathieu,
16:48 aborder d'abord le rapport entre la
16:50 politique et les questions sociétales.
16:52 - Il faut comprendre que toutes les questions sociétales
16:54 reposent sur une question centrale,
16:56 c'est notre conception de l'être humain.
16:58 Dépendamment de notre conception de l'être humain,
17:00 on ne va pas construire la même cité, la même vision politique.
17:02 Deuxièmement, je note que lorsqu'on nous propose
17:04 une réforme sociétale, quelle qu'elle soit,
17:06 on nous la présente toujours sur le mode
17:08 de la plus grande prudence.
17:10 On a un vocabulaire toujours presque en poulet,
17:12 un vocabulaire de la prudence,
17:14 un vocabulaire de la mise en garde.
17:16 On est conscient qu'on fait des choix éthiques difficiles,
17:18 et pour cela, on nous annonce
17:20 que la transgression sera faite.
17:22 Et pour ça, une transgression par rapport à notre conception
17:24 classique de l'humanité, et pour cela, on nous dit
17:26 « Oui, mais il y aura des gardefous,
17:28 il y aura toute une série de normes, de balises
17:30 qui feront en sorte que ça relèvera de l'exception
17:32 et ça ne chamboulera pas notre société. »
17:34 Ce qu'on voit ensuite, dans les jours,
17:36 dans les semaines qui suivent,
17:38 eh bien, ces gardefous tombent, ces balises tombent,
17:40 et la logique du projet, je vais jusqu'à son terme,
17:42 on l'a vu en Belgique,
17:44 on l'a vu en Suisse, on l'a vu au Canada,
17:46 et je note que cette fois par ailleurs,
17:48 le gouvernement de la gauche n'a même pas attendu
17:50 d'arriver au terme du débat sur l'euthanasie
17:52 pour nous dire qu'il faut faire tomber
17:54 ces balises artificielles.
17:56 Je ne suis pas de ceux qui parviennent
17:58 à se faire une tête facilement sur cette question,
18:00 je vous l'avouerai, philosophiquement,
18:02 j'ai de grandes réserves sur l'euthanasie,
18:04 la fin de vie, tout ça, le suicide assisté,
18:06 et j'entends les arguments d'Alain Finkielkraut,
18:08 et je ne peux m'empêcher de les avoir à l'esprit.
18:10 Mais ce dont je suis certain,
18:12 c'est que le débat nous est présenté ainsi,
18:14 on l'avait vécu comme ça au Québec en 2014,
18:16 il y avait deux positions, ceux qui étaient pour,
18:18 et ceux qui n'étaient pas encore pour.
18:20 Donc ceux qui étaient résolus dans le sens de l'histoire,
18:22 et ceux qui, de leur côté, disaient
18:24 "Donnez-moi le temps de me rallier à vous",
18:26 c'était de ce point de vue des conservateurs coquicontants.
18:28 - Certains considèrent, Mathieu Bocote,
18:30 que cette question a une charge générationale très forte.
18:32 Est-ce aussi votre avis?
18:34 - Oui et non.
18:36 Oui, parce qu'effectivement, les boomers sont là,
18:38 et ils ont ce souci...
18:40 En fait, ils auront réussi,
18:42 depuis leur apparition dans la vie publique,
18:44 de se poser leur thème tout le temps,
18:46 en toutes circonstances.
18:48 Maintenant, leur grande obsession,
18:50 c'est quitter ce monde sans douleur,
18:52 c'est aussi l'ultime illusion d'avoir une pleine maîtrise
18:54 sur sa propre vie.
18:56 Je comprends ce que tu dis en passant,
18:58 je ne te tourne pas ça en ridicule,
19:00 mais ce qu'on voit, c'est qu'ils sont capables
19:02 toujours d'imposer leurs obsessions,
19:04 et on y est encore une fois.
19:06 Par ailleurs, c'est un fait d'époque,
19:08 on est témoin de l'effondrement de la maîtrise chrétienne,
19:10 particulièrement de la maîtrise catholique.
19:12 On veut décider de sa naissance,
19:14 de son sexe à la naissance,
19:16 on veut décider de sa mort,
19:18 on veut décider de tout dans sa vie,
19:20 parce qu'on a une conception très technicienne de l'existence.
19:22 On veut abolir le mystère propre à la mort.
19:24 Ça, je pense que c'est la charge anthropologique
19:26 et philosophique de l'abolition du mystère entourant la mort,
19:28 ça me semble absolument central dans tout cela.
19:30 On aborde ces questions avec beaucoup de légèreté.
19:32 Si on nous disait,
19:34 le suicide assisté, c'est tragique,
19:36 c'est peut-être une nécessité dans nos sociétés aujourd'hui,
19:38 mais sachez que ce n'est pas
19:40 quelque chose que nous adoptons avec enthousiasme.
19:42 J'entendrai l'argument.
19:44 Mais trop souvent, on nous présente cela
19:46 sous le signe de l'enthousiasme le plus absolu,
19:48 enfin le plus sublime des droits est gagné,
19:50 le droit le plus important, nous l'avons obtenu.
19:52 De ce point de vue, cet enthousiasme me terrifie.
19:54 C'est le contraire de la prudence,
19:56 mais on a compris depuis un temps
19:58 que la prudence n'était qu'une ruse pour nous conduire
20:00 à la liberté totale,
20:02 qui n'est rien d'autre dans les circonstances,
20:04 quelquefois, qu'un nihilisme décomplexé.
20:06 - Arthur Devat-Trigon, la promesse d'Emmanuel Macron,
20:08 c'était l'équilibre.
20:10 On ne veut surtout pas parler d'euthanasie,
20:12 on ne veut surtout pas parler de suicide assisté.
20:14 Donc on avait trouvé cette formule,
20:16 le projet sur l'aide à mourir.
20:18 - Exactement.
20:20 - La fin de vie.
20:22 - Parce que cette loi, il l'a pensée comme une loi,
20:24 je cite, de fraternité, une loi qui concilie
20:26 l'autonomie de l'individu et la solidarité de nation.
20:28 Donc je ne sais pas vous, mais moi,
20:30 ça m'enlève un poids énorme, tout de suite.
20:32 Je vais enfin pouvoir balancer ma grand-mère
20:34 en fauteuil des falaises des trottins
20:36 au nom de la solidarité de nation,
20:38 d'autant plus que notre conseil national d'éthique
20:40 a affirmé dans son avis 139,
20:42 le droit à la vie ne vaut pas devoir de vivre.
20:44 Donc mémé, elle est bien gentille,
20:46 elle a bien profité, maintenant il faut qu'elle
20:48 songe à laisser sa place, parce que non seulement
20:50 elle coûte un bras, mais elle ne rapporte pas un copec.
20:52 Donc c'est quand même assez pratique de se faire amputer
20:54 de la conscience. Quant à la belle-mère, moi personnellement,
20:56 j'hésite encore entre le crochepas dans l'escalier
20:58 au nom de l'autonomie, ou l'arsenic au nom
21:00 de la fraternité.
21:02 L'arsenic, c'est le plus traditionnel, le crochepas,
21:04 le plus artisanal, mais on peut se rater,
21:06 ou du moins elle peut rater sa chute et se retrouver
21:08 en courgette intubée en soins palliatifs.
21:10 A condition bien sûr qu'elle habite dans le bon département,
21:12 car je vous rappelle, 21 départements
21:14 n'en disposent pas, parce que ça coûterait
21:16 1,4 milliards de créer des unités de soins palliatifs
21:18 dans toute la France, mais on a préféré
21:20 les mettre dans le nettoyage de la Seine,
21:22 pour que Mme Hidalgo ne puisse pas toger.
21:24 Et d'ailleurs, Mathieu l'a rappelé, vous avez vu la commission des lois,
21:26 alors là ils ont fait les choses en gants.
21:28 Normalement sur ce type de loi, on y va par étapes.
21:30 On met un point dans la porte, puis après on l'entrouve,
21:32 et puis on l'a fini à la masse.
21:34 Là, ils sont carrément allés à coups de bélier,
21:36 tous les soi-disant garde-fous
21:38 ont été arrosés au lance-flamme, avant même
21:40 que la loi arrive dans l'hémicycle.
21:42 Par exemple, plus loin de pronocycle
21:44 vital engagé, ou même la création
21:46 d'un délit d'entrave au permis de tuer.
21:48 Bon, je reconnais qu'il va falloir un peu
21:50 de temps pour ajouter tout ça, parce que
21:52 concrètement, ce n'est pas évident. On va prendre un exemple,
21:54 un cas pratique. Imaginons,
21:56 vous avez Mathieu,
21:58 qui veut se jeter du pont à l'extérieur de Rotoy,
22:00 avec un menhir scellé à ses pieds, parce que le Québec
22:02 a encore perdu son référendum. En temps normal,
22:04 vous, Elliot, vous allez l'empêcher de sauter,
22:06 malgré son accent et ses
22:08 cravates fantaisistes, parce que vous l'aimez bien,
22:10 et parce que vous tombez sous le coup de la loi
22:12 de non-assistance à personne en danger.
22:14 Le tarif, c'est 5 ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende.
22:17 Mais là, avec le délit d'entrave, ça devient plus compliqué.
22:19 Encore plus compliqué une attestation de sortie
22:21 pendant le confinement. Parce que si vous l'empêchez
22:23 de se suicider, c'est aussi un délit.
22:25 Bref, c'est un peu le bazar.
22:27 Mais maintenant, on va rentrer dans le dur.
22:29 Il ne faut pas nier les souffrances
22:31 physiques, ni l'angoisse
22:33 de voir la raison nous échapper sournoisement,
22:35 comme Alain Finkielkraut,
22:37 que Mathieu citait. Mais là, ce qu'on nous
22:39 propose, ce n'est pas
22:41 d'écouter ni les gémissements,
22:43 ni les murmures étouffés par les sanglots,
22:45 mais de les faire taire
22:47 pour ne pas déranger notre silence.
22:49 Parce que quiconque a connu l'agonie
22:51 d'un proche sait que c'est un appel
22:53 à l'aide qui se dissimule derrière les souffrances.
22:55 Il faut simplement
22:57 écouter les personnes qui côtoient la mort
22:59 tous les jours, notamment dans les soins palliatifs,
23:01 à savoir les médecins,
23:03 les personnes de l'hospitalier, les proches.
23:05 En grande majorité, la demande
23:07 de mise à mort disparaît une fois
23:09 la douleur prise en charge. La douleur,
23:11 qu'elle soit psychique ou physique.
23:13 La loi qui interdit de tuer,
23:15 évidemment, ne va pas résoudre
23:17 tous nos problèmes. Ça, on le sait.
23:19 Mais elle est indispensable pour une raison,
23:21 c'est qu'elle fixe la première condition
23:23 d'une vie humaine. La première condition d'une vie humaine,
23:25 dans l'humanité, ça s'appelle la dignité.
23:27 Et si les hommes,
23:29 si nous avons une dignité, c'est parce qu'on a
23:31 une liberté sous une loi.
23:33 Une loi avec un grand L. Une loi qu'on n'a pas créée.
23:35 C'est l'interdiction de tuer.
23:37 Et si les hommes, nous, on ne peut pas faire
23:39 ce qu'on veut de nous et des autres,
23:41 c'est justement parce qu'on a une loi
23:43 qui nous l'interdit. Or, qu'est-ce qu'on nous demande
23:45 aujourd'hui ? On nous demande, au nom
23:47 de l'humanité, de sortir
23:49 de cette humanité. Et faire croire
23:51 qu'on pourrait sauver
23:53 quelqu'un en le tuant,
23:55 c'est pas un basculement, c'est pas une transgression,
23:57 c'est juste une plongée dans l'abîme
23:59 des âmes perdues, et avec aucun retour en arrière possible.
24:01 La publicité.
24:03 Nous revenons dans un instant,
24:05 avec comme invité Thibault Mercier.
24:07 Vous allez revenir sur cette société de plus en plus
24:09 autoritaire. La pub, on revient
24:11 pour la deuxième partie de Face à Mathieu Bocoté.
24:17 La suite de Face à Mathieu Bocoté,
24:19 toujours avec Mathieu, bien sûr, et Arthur
24:21 de Vatrigan, vous recevez ce samedi soir.
24:23 Thibault Mercier, merci d'être avec nous.
24:25 Vous êtes un essayiste, avocat.
24:27 Pourquoi avoir invité ce soir
24:29 Thibault Mercier ? - Parce que si je me fie
24:31 à ce que j'entends dans les journaux,
24:33 l'État de droit serait en danger,
24:35 la démocratie libérale serait en danger,
24:37 mais le problème c'est que ceux qui se portent à la défense
24:39 de l'État de droit et de la démocratie libérale,
24:41 genre les dépressions souvent, sont ceux qui
24:43 réduisent les libertés, sont ceux
24:45 qui imposent des lois de censure et des pratiques
24:47 de censure. Donc pour être capable de
24:49 comprendre ce paradoxe, ou à tout le moins
24:51 dévoiler cette fraude intellectuelle,
24:53 on verra ce qu'il en est, nous recevons Thibault Mercier.
24:55 Bonjour monsieur. - Bonsoir Mathieu Bocoté.
24:57 - Alors à partir d'une préoccupation, vous avez
24:59 multiplié les tribunes ces derniers temps
25:01 autour, en fait depuis quelques temps,
25:03 sous le signe d'une préoccupation pour les libertés
25:05 qui tendent à s'effondrer sans qu'on ne le dise.
25:09 Donc je vous donne un premier exemple
25:11 et on aura l'occasion d'en donner plusieurs.
25:13 Il y a quelques semaines à peine,
25:15 Transmania, le livre de
25:17 Stern et Mouton, au coeur de l'actualité,
25:19 et là il y a un appel explicite
25:21 à censurer la publicité autour
25:23 de ce livre, sous différents prétextes,
25:25 interdire telle ou telle conférence autour de ce livre.
25:27 Donc je vous pose la question simplement,
25:29 est-ce que nous sommes aujourd'hui dans une société qui se veut libérale,
25:31 mais qui dans les faits multiplie comme jamais les lois de censure ?
25:33 - Derrière le terme
25:35 d'État de droit, qu'est-ce qu'il y a ?
25:37 C'est un mot pour tout, que les politiques
25:39 emploient, comme avant on disait
25:41 qu'on était humaniste ou qu'on défendait les droits de l'homme.
25:43 Mais en fait, derrière cet État de droit,
25:45 ce n'est plus du tout la défense des libertés publiques
25:47 du citoyen, c'est la défense des droits
25:49 de l'homme avec un grand H.
25:51 Cet homme qui est un peu le même en tout point du globe,
25:53 en tout lieu, donc un Sénégalais, un Japonais,
25:55 celui-là a des droits.
25:57 En revanche, on oublie les droits du citoyen
25:59 et des libertés publiques. Ces libertés publiques,
26:01 typiquement, le droit de réunion,
26:03 le droit d'association, ou même
26:05 le simple fait de tenir des colloques ou des conférences
26:07 à l'université.
26:09 Les hommes politiques se permettent de faire pression
26:11 sur J.S. Decaux pour ne pas le citer, pour qu'il retire
26:13 les affiches
26:15 de ce livre "Transmania".
26:17 Yann Brossat, élu communiste à la mairie de Paris,
26:19 qui demande à ce qu'on interdise à Assas,
26:21 à la faculté d'Assas, une conférence
26:23 de ces deux auteurs de "Transmania".
26:25 Et malheureusement,
26:27 ça marche, puisque l'université
26:29 d'Assas, par exemple, a cédé pour
26:31 respecter l'ordre public, en disant
26:33 qu'il ne serait pas capable de respecter l'ordre public.
26:35 Donc on a décalé cette conférence et on l'a réduite
26:37 à simplement
26:39 une petite vingtaine de personnes qui ont pu y assister.
26:41 Donc l'université a sauvé la face
26:43 en disant "on tient quand même la conférence", mais finalement,
26:45 concrètement, la liberté d'expression
26:47 en a pris un coup. - Alors, on vient de nommer la question
26:49 de la liberté d'expression. Je vous donne un autre exemple
26:51 aussi qui me vient en tête, parce que, en fait, j'ai l'impression
26:53 qu'il y a des tonnes d'exemples qui nous viennent de l'actualité,
26:55 mais qui ne sont jamais mises en récit
26:57 collectivement. Récemment,
26:59 des militantes de Nemesis,
27:01 donc le mouvement féministe identitaire,
27:03 se présentent dans un événement avec
27:05 des affiches de mémoire
27:07 "violeur étranger dehors" ou "expulsion des
27:09 violeurs étrangers" et
27:11 autres affiches semblables. Or, la maire
27:13 de la ville dit
27:15 "il faut les
27:17 poursuivre, les traduire devant les tribunaux, finalement,
27:19 de tels propos sont inacceptables". Il y a quand même
27:21 quelque chose d'un peu étrange, parce que
27:23 lorsque des militantes se prenaient avec des affiches
27:25 dans l'espace public, on en appelle encore une fois
27:27 à la restriction de leur liberté d'expression,
27:29 alors que l'affiche en elle-même, "violeur étranger dehors",
27:31 ne me semble pas être la plus problématique qu'il soit.
27:33 Évidemment, elle n'est pas problématique
27:35 pour tout un chacun, sauf que depuis que
27:37 dans notre droit, on a introduit
27:39 la notion de haine,
27:41 le juge se croit tout permis pour
27:45 contrôler cette liberté d'expression. Parce que
27:47 qu'est-ce que c'est que la haine ? C'est un sentiment,
27:49 il est impossible de le définir
27:51 matériellement, c'est quelque chose complètement d'intangible,
27:53 et pourtant, c'est dans notre droit,
27:55 et donc, dès qu'on a ce nouveau totem de lutte
27:57 contre la haine, et comme dans notre droit,
27:59 il y a l'interdiction d'inciter à la haine,
28:01 à partir de ce moment-là, on va nous dire
28:03 qu'il faut mettre dehors les violeurs étrangers,
28:05 c'est de l'incitation à la haine, donc ça peut être condamné,
28:07 ça peut être une restriction légitime
28:09 et légale, d'ailleurs, de notre
28:11 liberté d'expression. - Allons-y sur la question
28:13 juridique, justement. Qu'est-ce qu'on entend par "haine"
28:15 aujourd'hui ? Parce qu'on peut faire une histoire
28:17 du concept de haine dans l'espace public,
28:19 mais lorsque, aujourd'hui, les politiques
28:21 ou lorsque les différents juges, les magistrats
28:23 décident de s'emparer de cette question, qu'appelle-t-il
28:25 la haine ? - Là, c'est déjà
28:27 un gros problème, c'est qu'on n'est pas capable de définir la haine.
28:29 Normalement, la loi pénale, elle doit être
28:31 interprétée strictement, ça c'est un juriste qui vous le dit,
28:33 et en fait, avec un concept aussi large
28:35 que ça, on peut mettre tout et n'importe quoi
28:37 dans ce concept. Alors, il y a des haines qui sont totalement acceptées,
28:39 notamment la République, elle s'est fondée
28:41 sur la haine des tyrans, et il y a des haines
28:43 politiques qui sont beaucoup moins acceptées.
28:45 Alors, à partir du moment où on va remettre en cause
28:47 une espèce de dogme diversitaire, ce que vous appelez
28:49 le dogme diversitaire, c'est-à-dire la possibilité
28:51 par exemple de changer de sexe à l'état
28:53 civil sans même subir une opération,
28:55 c'est-à-dire défendre à tout prix
28:57 le droit des clandestins de traverser une frontière,
28:59 là, dès qu'on remet en cause
29:01 ces droits-là, c'est de la haine.
29:03 Et en revanche, d'autres
29:05 points, donc attaquer ces gens-là
29:07 frontalement, c'est pas forcément
29:09 de la haine. Donc, on n'est pas capable de le définir,
29:11 et à partir du moment où on a mis un concept
29:13 aussi flou comme ça dans notre droit,
29:15 on donne le pouvoir au juge de décider
29:17 ce qui doit être dit ou non sur le
29:19 territoire français. - Mais à quel moment remonte l'arrivée
29:21 de la haine comme catégorie dans le droit français ?
29:23 - C'est notamment à partir de 1972
29:25 la loi Pleven, la fameuse loi Pleven,
29:27 qui est venue interdire l'incitation à la haine fondée sur
29:29 la religion,
29:31 la race, l'ethnie,
29:33 et aussi interdire la discrimination
29:35 fondée sur les mêmes critères. A partir du moment
29:37 où on a mis ce terme qui n'est pas du tout
29:39 juridique, on a changé le rôle du juge
29:41 qui n'est plus du tout de juger
29:43 du crime, mais il vient juger presque du péché.
29:45 Il a un rôle quasi théologique, lutter contre la haine.
29:47 - Alors, je reviens sur cette question
29:49 parce que ça me semble assez important. La notion de haine,
29:51 à la rigueur, si on dit le refus
29:53 de l'appel à la discrimination
29:55 religieuse ou raciale ou tout ça,
29:57 le commun des mortels peut dire qu'il y a une forme de bon sens
29:59 là-dedans. Mais j'ai l'impression que la notion de haine
30:01 n'a cessé de s'étendre
30:03 depuis les années 70 et
30:05 qu'aujourd'hui, toute forme de non-engagement,
30:07 de non-enthousiasme
30:09 pour ce qu'on nous présente comme un progrès
30:11 peut être codé ou interprété comme
30:13 un propos haineux ou potentiellement haineux.
30:15 Même la présentation de certaines statistiques,
30:17 dans certaines statistiques, leur
30:19 présentation peut avoir un contenu haineux. Il y a quelque
30:21 chose là-dedans qui nous éloigne
30:23 de la société libérale. - Malheureusement, on a l'impression que
30:25 la réalité est devenue haineuse puisque le simple fait de citer
30:27 des chiffres ou des faits peut vous
30:29 être reproché et donc vous pouvez
30:31 être condamné pour incitation à la haine.
30:33 Et c'est là où c'est un peu
30:35 délirant dans cette société française, c'est que
30:37 on a interdit
30:39 certains sujets, on les a mis
30:41 dans le domaine du sacre au saint,
30:43 qui sont devenus un nouveau dogme et à partir de ce moment-là,
30:45 on ne peut plus les discuter, donc on n'est plus du tout
30:47 dans l'opinion, on est dans la religion.
30:49 Et c'est cette lutte contre la haine,
30:51 comme je l'ai dit tout à l'heure, qui devient
30:53 un nouveau dogme de l'époque, comme la lutte
30:55 contre la discrimination est un nouveau
30:57 dogme de l'époque, comme
30:59 la défense de la sécurité est un nouveau dogme de
31:01 l'époque. Et nos libertés sont désormais contingentes
31:03 quand on doit défendre ces
31:05 thèmes. - Arthur de Matrygan.
31:07 - Justement, la judiciarisation
31:09 de tout, n'est-ce pas la conséquence du triomphe
31:11 du relativisme ? C'est-à-dire que le droit
31:13 a remplacé la morale, les juges ont remplacé les curés.
31:15 - Alors exactement, mais sauf que
31:17 la nature a horreur du vide, donc en fait
31:19 on n'a pas
31:21 plus de curés, on a des nouveaux curés.
31:23 Ce ne sont plus des curés catholiques, maintenant c'est des curés
31:25 de la nouvelle religion diversitaire, et qui sont
31:27 par exemple les juges. Eux vont
31:29 se permettre de vous juger, de savoir si vous êtes
31:31 en état de grâce, quand vous allez passer à Jeanne d'Arc,
31:33 on lui demandait s'il était en état de grâce avant de la juger.
31:35 Quand vous allez devant le tribunal,
31:37 la 17ème chambre, pour incitation
31:39 à la haine, on va vouloir savoir si vous êtes en état
31:41 de grâce. Et si vous avez agi de manière
31:43 haineuse, on peut vous condamner, si vous n'avez pas agi
31:45 de manière haineuse, vous ne serez
31:47 pas condamné. Et donc
31:49 tout ça, encore une fois, ça reste de la religion
31:51 selon moi. - Alors,
31:53 revenons à une proposition de loi dont
31:55 on a parlé sur ce plateau il y a quelques semaines,
31:57 à laquelle
31:59 vous êtes intéressé aussi d'ailleurs, cette idée
32:01 d'étendre la pénalisation des propos
32:03 tenus dans le domaine privé.
32:05 Quand j'ai lu ça,
32:07 j'ai lu et relu et relu, je me suis dit, ça y est,
32:09 une loi à l'écossaise, ou une loi à l'irlandaise
32:11 en France, et avec cette idée
32:13 qu'il serait possible de pénaliser
32:15 des propos dans la vie privée,
32:17 on nous dit dans le domaine non-public. Apparemment, c'est une nuance
32:19 importante. Pourriez-vous nous en dire davantage
32:21 sur l'esprit qui anime cette loi,
32:23 ou cette proposition de loi, parce que pour le
32:25 commun et mortel, ça veut dire que finalement, la conversation
32:27 à la machine à café, la conversation
32:29 au restaurant, la conversation en famille
32:31 peut être transformée, on appelle
32:33 à la délation, et c'est finalement...
32:35 - C'est exactement ça. - Dans l'Allemagne
32:37 de l'Est. - Pour
32:39 promouvoir le vivre ensemble,
32:41 l'Etat considère qu'il peut aller
32:43 jusqu'à chez vous pour vous dire ce qui doit être dit autour
32:45 de votre table. Et donc maintenant,
32:47 si vous incitez à la haine ou incitez à la discrimination
32:49 autour de votre table de manière
32:51 privée, on pourrait, si cette
32:53 loi va jusqu'au bout du processus législatif,
32:55 être condamné pour un délit qui pourrait remonter jusqu'à
32:57 3 750 euros d'amende pour avoir
32:59 dit des choses qui vont contre cette nouvelle
33:01 religion diversitaire. Donc pendant le
33:03 Covid, on avait... - Juste la distinction,
33:05 on dit "à la maison", parce que là, quand
33:07 je me suis penché sur la chose, on a tenu à me
33:09 rassurer en disant que les propos "à la maison"
33:11 ou "sur l'oreiller" ne seraient pas
33:13 sanctionnés, mais "au travail", "à la machine
33:15 à café", "au restaurant", ce serait autre chose.
33:17 - Pour l'instant, c'est pas clair, puisque la loi n'est
33:19 pas passée, mais c'est sûr que c'est un travail que les députés
33:21 vont devoir faire,
33:23 qu'on demande aux députés de le faire,
33:25 qui est à l'origine de cette proposition de loi, qui nous disent
33:27 que ça veut dire "propos non publics". Parce que
33:29 normalement, "propos non publics", c'est aussi des propos que vous pouvez
33:31 tenir chez vous si vous invitez des gens chez vous
33:33 à parler, et à la fin du dîner,
33:35 imaginons que vous invitez quelqu'un qui n'est
33:37 pas d'accord avec vous, et qui pense que vous avez incité
33:39 à la haine, il va sortir, et aller vous
33:41 dénoncer à la gendarmerie du coin,
33:43 ou au commissariat de police,
33:45 et vous allez peut-être
33:47 passer devant un juge.
33:49 - Donc ça, c'est l'appel à la délation, finalement ! C'est la volonté
33:51 de transformer chaque citoyen
33:53 en contrôleur de son voisin !
33:55 - Écoutez, tout à l'heure, je vous disais que c'était pendant le Covid,
33:57 on voulait nous interdire d'être plus de 6 personnes
33:59 à table. Désormais, on ne veut pas nous interdire
34:01 d'être plus de 6 personnes à table, c'est de
34:03 nous dire ce qu'on doit dire autour de la table.
34:05 Et en plus, à l'époque du Covid,
34:07 on nous incitait à dénoncer les voisins qui recevaient des gens
34:09 chez nous, et c'est exactement la même chose qui se met en place.
34:11 George Orwell nous disait, dans 1984,
34:13 qu'il fallait mettre des télécrans dans
34:15 chacun des appartements
34:17 des citoyens,
34:19 pour que l'État puisse vérifier ce qui allait être dit.
34:21 Mais là, ce n'est même plus nécessaire,
34:23 c'est chaque citoyen qui est incité
34:25 pour lutter contre la haine et promouvoir le vivre ensemble,
34:27 à dénoncer son prochain.
34:29 - Alors, cela dit, avec les techniques de contrôle
34:31 aujourd'hui, de l'information,
34:33 les conditions de délation,
34:35 la facilité pour dénoncer, c'est incroyable.
34:37 Aujourd'hui, un tweet peut appeler
34:39 la délation, un tweet, une conversation privée,
34:41 si on est 6 ou 7 autour d'une table, c'est presque un événement public.
34:43 Autrement dit, le privé
34:45 devient public. - Le privé devient public,
34:47 et puis il y a quelque chose de très dangereux là-dedans,
34:49 c'est qu'Anna Arendt nous dit bien que le début
34:51 du totalitarisme, c'est quand l'État commence à
34:53 s'intéresser à la vie privée de
34:55 ses citoyens, et c'est exactement ce qu'on est en train de faire ici.
34:57 C'est-à-dire que Papier-René
34:59 et sa petite-fille Jessica, qui vont
35:01 discuter lors d'un
35:03 réveillon de Noël, si Papier-René
35:05 tient des propos difficiles sur
35:07 par exemple la transmania,
35:09 est-ce que sa petite-fille ne va pas aller dénoncer
35:11 son papy ? Est-ce que c'est vraiment
35:13 le rôle de l'État de s'intéresser
35:15 à ce genre de discussion privée ?
35:17 Moi, je ne pense pas, c'est très grave, et en plus,
35:19 il faut favoriser quand même la liberté
35:21 d'expression, parce qu'on nous dit que c'est un grand mot
35:23 comme ça, mais pourquoi il faut la favoriser ?
35:25 Parce que c'est la seule qui nous permet d'arriver à un compromis,
35:27 à un consensus, à une certaine vérité.
35:29 Et à partir du moment où des propos sont interdits,
35:31 on n'arrivera jamais à savoir ce qui
35:33 est vrai. Et je pense par exemple au massacre
35:35 de Katyn, où l'URSS avait
35:37 dit que c'était les
35:39 nazis qui avaient commis ce massacre, et finalement,
35:41 comme on a pu en discuter sur la place publique,
35:43 on s'est rendu compte que l'URSS avait menti. C'est exactement
35:45 la même chose-là. C'est pour ça qu'il faut favoriser
35:47 cette liberté d'expression. - Alors, revenons
35:49 sur la période Covid, vous l'avez évoqué.
35:51 Pour certains, la période Covid, c'est une parenthèse.
35:53 On a vécu cette période, et on a
35:55 repris ensuite la vie ordinaire.
35:57 Pour d'autres, c'est un moment de bascule
35:59 dans la gestion de nos sociétés, dans la représentation
36:01 qu'on se fait de nos sociétés. Vous êtes
36:03 de la deuxième école, si je comprends bien.
36:05 - Exactement. Regardez,
36:07 on a imposé le QR code, donc des nouvelles
36:09 frontières entre les citoyens pendant le Covid.
36:11 Vous deviez présenter un QR code pour montrer
36:13 que vous étiez vacciné. Désormais,
36:15 l'État s'est rendu compte que la nouvelle technologie,
36:17 c'était très efficace pour gérer tout problème
36:19 politique. Alors avant, c'était le droit à la santé, maintenant,
36:21 c'est la sécurité. Qu'est-ce qui va se passer pendant
36:23 les JO à Paris ? Chaque citoyen parisien,
36:25 chaque touriste qui sera à Paris, pour
36:27 accéder à l'espace public, voire accéder à son
36:29 domicile, devra montrer un QR code.
36:31 Et ce n'est pas un simple QR code.
36:33 Pour obtenir ce QR code, il faudra
36:35 se loguer sur une plateforme,
36:37 mettre toutes ces données personnelles, qui seront
36:39 passées au tamis de plus de 13 fichiers de police,
36:41 et ensuite, on vous
36:43 délivrera ce fameux QR code qui vous
36:45 permettra enfin d'avoir le droit
36:47 d'accéder à l'espace public.
36:49 C'est tout à fait étonnant, parce
36:51 qu'on a certaines frontières nationales
36:53 qui sont passées de manière
36:55 tout à fait facilement, sans QR code.
36:57 En revanche, le citoyen, lui, pour
36:59 vivre dans sa propre ville, il va être obligé d'avoir
37:01 un QR code. - Arsene Latrygor.
37:03 - Justement, c'est le problème, vous enlevez les frontières
37:05 où elles se recréent à l'intérieur. Sur le QR code,
37:07 on avait dit que ça allait se prolonger,
37:09 finalement, ça s'est arrêté après
37:11 la crise sanitaire. Là,
37:13 ça ressort pour la crise sécuritaire.
37:15 La question que je vous pose, c'est est-ce que vous pensez que c'est
37:17 par délire et par
37:19 volonté d'autoritarisme et de contrôle
37:21 ou c'est parce qu'on est juste simplement un foutu
37:23 de gérer notre sécurité et donc on est obligé,
37:25 on est contraint de prendre des mesures presque liberticides ?
37:28 - Pour en avoir discuté avec l'ancien
37:30 directeur de la police nationale,
37:32 il nous a bien dit que, par exemple,
37:34 les JO, ça allait être un enfer sécuritaire et donc
37:36 comme on n'a pas pris la mesure
37:38 de cet enfer sécuritaire, désormais,
37:40 le préfet de police Nunez est obligé
37:42 de mettre un maximum de contrôle
37:44 sur les citoyens pour éviter que ça saute, sachant qu'il y a
37:46 énormément d'enjeux pour ces JO.
37:48 On se dit que finalement, le citoyen
37:50 parisien, c'est pas très grave.
37:52 On a un peu un délire mégalomaniaque
37:54 d'Anne Hidalgo qui veut faire ses grands JO.
37:56 La liberté du citoyen
37:58 est contingente, donc on peut la restreindre
38:00 au maximum, quasiment
38:02 lui empêcher de rentrer chez lui, c'est pas trop grave.
38:04 Et oui, parce qu'évidemment, on a été un foutu,
38:06 excusez-moi, un fichu de gérer
38:08 notre sécurité sur le territoire national auparavant.
38:10 - Donc c'est pas une obsession de
38:12 contrôler, c'est l'intention au départ
38:14 est plutôt bonne ? - L'intention peut être bonne
38:16 mais bon, évidemment, si on parle à un préfet de police,
38:18 son but, ça va être de contrôler.
38:20 Mais sauf que le politique, ça doit aussi dire
38:22 au préfet de police, OK, il y a la sécurité,
38:24 c'est important, mais il y a aussi la liberté.
38:26 Il faut peser ces deux
38:28 principes, et maintenant
38:30 le gouvernement est incapable de peser ces deux principes.
38:32 A chaque fois, il s'en remet à des experts.
38:34 Les experts du Covid ont dit que, les experts
38:36 de la sécurité ont dit que, donc
38:38 on peut mettre à mal toutes nos libertés.
38:40 Vous allez chez le médecin, il va vous dire
38:42 d'arrêter de manger de la viande, d'arrêter de faire de la moto,
38:44 d'arrêter de boire du vin rouge. Évidemment, il est
38:46 obsédé par votre santé. C'est pour ça aussi
38:48 que le politique doit reprendre la main et
38:50 faire un jeu de balance qu'il n'est plus capable de faire, je trouve.
38:52 - Alors, j'essaie de voir
38:54 la société qui se dessine à travers tout ça.
38:56 Parce qu'on comprend, parce qu'Arthur vous a posé
38:58 une question qui me semble essentielle. Est-ce que
39:00 nous sommes contemporains à une forme de
39:02 processus qui nous échappe, une
39:04 idéologie qui se déploie, ou est-ce
39:06 qu'il y a, selon vous, quelque chose comme
39:08 une volonté de contrôle ? Ça, c'est
39:10 de la question et elle n'est pas secondaire.
39:12 C'est-à-dire, est-ce qu'on est dans une logique consciemment
39:14 autoritaire ou est-ce qu'on est simplement devant
39:16 un processus qui nous échappe ?
39:18 - Je pense que de tout temps, le pouvoir
39:20 a voulu avoir plus de contrôle.
39:22 Mais déjà, au temps de
39:24 Louis XVI, on n'avait pas
39:26 les moyens technologiques. Louis XVI n'avait pas les moyens
39:28 technologiques de contrôler la vie de ses sujets. Désormais,
39:30 on a les moyens technologiques d'imposer
39:32 un maximum de restrictions. La vidéo
39:34 de surveillance algorithmique, les radars,
39:36 le fisc qui regarde sur Google Map
39:38 pour savoir si vous avez une piscine chez vous.
39:40 Donc, ce contrôle a toujours
39:42 été quelque chose que voulait
39:44 le pouvoir. Et normalement, il doit y avoir des
39:46 contre-pouvoirs qui sont mis en place,
39:48 notamment le juge. Sauf que là, le juge,
39:50 il est un peu absent dans ces cas-là.
39:52 Le juge administratif, il a complètement arrêté de défendre
39:54 les libertés. Et on a l'impression que c'est presque
39:56 qu'il est là pour mettre un tampon
39:58 aux décisions autoritaires
40:00 du gouvernement qui n'en a plus rien à faire
40:02 de nos libertés. - Justement, on reprend
40:04 la question centrale, vous nous y conduisez,
40:06 du fameux État de droit. Le
40:08 libéral que je suis dit l'État de droit,
40:10 c'est très bien. Volontairement, l'idée
40:12 d'un État qui évite l'arbitraire.
40:14 Mais j'ai l'impression aujourd'hui qu'il y a
40:16 une forme de paradoxe. C'est au nom
40:18 de l'État de droit qu'on pratique l'arbitraire.
40:20 Je pense à l'interdiction de certains
40:22 collocs, je pense à l'interdiction de certaines manifestations,
40:24 souvent sur des critères assez
40:26 arbitraires, encore une fois. Donc, est-ce que c'est
40:28 au nom de l'État de droit qu'on piétine les libertés
40:30 que l'État de droit devait protéger?
40:32 - Le problème, c'est que vous, vous avez une définition
40:34 de l'État de droit classique et maintenant, c'est un mot
40:36 qui est employé, qui veut dire "droit de l'homme",
40:38 qui veut tout dire. Donc, l'homme politique
40:40 se place en disant "moi je suis pour l'État de droit"
40:42 et c'est assez facile. Et après, il peut faire ce qu'il veut.
40:44 Sauf que selon lui, l'État
40:46 de droit, c'est la défense des droits de l'homme en général
40:48 et certainement pas les droits des citoyens.
40:50 Donc, pour défendre ces droits
40:52 de l'homme avec un grand H, on peut à peu près faire
40:54 un peu ce qu'on veut au niveau de la loi. Il y a un deux poids
40:56 de mesure dans l'application de la loi.
40:58 Et ce qu'on se retrouve à avoir,
41:00 c'est par exemple des interdictions
41:02 du citoyen français de manifester pour Thomas
41:04 qui a été tué après Paul. Il y a eu plusieurs
41:06 arrêtés qui ont été pris par la puissance publique
41:08 pour interdire ces manifestations.
41:10 Alors qu'il y a d'autres manifestations, par exemple
41:12 celle des clandestins dans Paris, elle n'est jamais interdite.
41:14 Donc, on a un deux poids de mesure, le citoyen a presque
41:16 moins de liberté sur son territoire
41:18 que l'étranger finalement.
41:20 Ce que vous nous dites, c'est important. C'est-à-dire que finalement
41:22 le critère qui justifie par exemple
41:24 l'interdiction d'une manifestation
41:26 ou le critère qui permet
41:28 par exemple d'interdire tel colloque
41:30 ou tel événement, ou tel propos,
41:32 ce critère n'est pas fixé de manière
41:34 très claire dans le droit. C'est-à-dire qu'on ne peut pas le savoir d'avance.
41:36 Ce n'est pas du tout un processus juridique.
41:38 On nous dit que le droit est neutre. Alors, dans son
41:40 écriture, le droit est neutre. Mais dans son application,
41:42 ce n'est pas le cas du tout. Mais regardez
41:44 récemment ce clandestin qui a porté la flamme
41:46 olympique. Il faut quand même rappeler
41:48 que peu importe ce qu'on pense de
41:50 cet homme-là, si on pense que la loi
41:52 existe et qu'elle a été votée démocratiquement
41:54 et qu'elle doit être respectée, on a quand même
41:56 dans l'état français
41:58 donné la possibilité à quelqu'un qui n'avait pas le droit
42:00 d'être là, donc qui n'avait pas respecté la loi
42:02 d'avoir l'honneur de porter la flamme olympique.
42:04 Et en attendant, on interdit
42:06 des manifestations, des colloques,
42:08 d'historiens, parce que ça déplaît
42:10 au pouvoir et on n'est plus du tout
42:12 dans le droit. On est dans une nouvelle morale, selon moi.
42:14 Justement,
42:16 le politique utilise ou instrumentalise
42:18 l'état de droit, mais j'ai le sentiment
42:20 peut-être que je me trompe, mais que
42:22 lorsqu'il y a des interdictions de colloque ou de manifestation,
42:24 lorsque les organisateurs
42:26 saisissaient le juge, le juge allait
42:28 souvent à l'encontre du politique.
42:30 Donc ma question que je vous pose, tout simplement,
42:32 est-ce que la justice est neutre ou la justice
42:34 est-elle de gauche ?
42:36 Déjà, ça dépend de ce que c'est la justice judiciaire ou la justice
42:38 administrative. La justice judiciaire fait
42:40 plutôt bien son travail. Le juge administratif est beaucoup
42:42 plus politique, et notamment le conseil d'état, puisque évidemment
42:44 les conseillers d'état sont nommés par le pouvoir en place.
42:46 Donc il y a quand même des juges courageux.
42:48 Il ne faut pas jeter l'opprobre sur la magistrature
42:50 en général. Mais ce qu'on voit,
42:52 c'est que, en général, quand même,
42:54 vous dites qu'il y a certaines décisions,
42:56 certains arrêtés qui ont été
42:58 annulés par le juge, mais il y en a quand même
43:00 beaucoup qui ont été validés pendant la période Covid.
43:02 Il y a eu
43:04 des interdictions de colloque qui ont été validées
43:06 par le juge aussi. Donc je ne suis
43:08 pas sûr que le juge
43:10 administratif fasse vraiment son travail de défense
43:12 de nos libertés. Alors, on a beaucoup
43:14 parlé ces derniers temps du rôle du conseil d'état.
43:16 Le conseil d'état, dont le rôle
43:18 semblait s'étendre,
43:20 qui se permettait de multiplier les frappes
43:22 dans un sens comme dans l'autre, est-ce que, de ce point de vue,
43:24 on assiste à un dérèglement du système institutionnel
43:26 français avec la croissance du pouvoir,
43:28 à tout le moins, c'est ce qu'on dit, du conseil d'état?
43:30 Le conseil d'état, il est là pour conseiller
43:32 l'État et pour protéger l'État.
43:34 À partir du moment où on a compris ça,
43:36 on comprend que si l'État veut agir,
43:38 il trouvera les moyens de faire en sorte que sa décision
43:40 soit validée juridiquement.
43:42 Donc l'État cherche quand même
43:44 l'approbation du juge
43:46 pour agir, puisqu'on est
43:48 dans un monde très juridique.
43:50 Mais finalement, tout ça, c'est très politique.
43:52 Je l'ai dit tout à l'heure, les juges du conseil d'état sont nommés par
43:54 les hommes politiques et donc
43:56 ils ont tendance à avoir
43:58 un certain réflexe corporatiste
44:00 de défendre l'État
44:02 malgré
44:04 le droit qui est là
44:06 et qui saute aux yeux.
44:08 Donc il y a un gouvernement des juges ou il y a un gouvernement du politique
44:10 qui se cache derrière les juges?
44:12 Ce qui est certain,
44:14 c'est qu'on a donné énormément de pouvoir
44:16 au juge et que parfois,
44:18 l'homme politique se défausse derrière le juge.
44:20 Plutôt que d'agir politiquement,
44:22 il va dire "c'est le juge qui a dit ça".
44:24 Donc on est dans un système un peu mixte.
44:26 Je ne sais pas si cette réponse va vous satisfaire,
44:28 mais c'est une réponse un peu juriste, il faut quand même être un peu mesuré.
44:30 Donc il y a un certain gouvernement des juges
44:32 mais qui est dû
44:34 au fait que,
44:36 par exemple, l'école nationale
44:38 de la magistrature soit complètement politisée
44:40 et qu'on ait permis à certains juges
44:42 de se syndiquer, le syndicat de la magistrature
44:44 est complètement politisé,
44:46 qui se permet même de prendre des contre-circulaires.
44:48 Je pense à la période du jeune Nahel l'année dernière
44:50 où il y avait eu des circulaires
44:52 du ministère de la Justice pour être
44:54 assez ferme sur les
44:56 heures qui ont eu lieu
44:58 à la suite du décès du jeune Nahel.
45:00 Et il y a eu des contre-circulaires qui ont été
45:02 diffusées par le syndicat de la magistrature disant
45:04 "on n'appliquera pas les instructions
45:06 du ministère de la Justice".
45:08 Donc vous voyez, on a d'un côté des juges
45:10 qui veulent prendre le pouvoir et peut-être des politiques
45:12 qui leur laissent un peu trop facilement.
45:14 - Je crois qu'on a une dernière question.
45:16 - Est-ce que les politiques et les juges cachent aussi
45:18 l'Union Européenne ?
45:20 L'élection arrive,
45:22 on entend souvent que la loi
45:24 de la primauté
45:26 du droit européen sur le droit français nous empêche
45:28 de faire beaucoup de choses à vous entendre, on a quand même l'impression
45:30 qu'il y a beaucoup de lâcheté en intérieur et que finalement c'est plus un prétexte.
45:32 - Tout ça c'est très politique, vous savez que
45:34 on fête cette année les 50 ans
45:36 de l'adhésion de la France à la convention
45:38 européenne des droits de l'homme
45:40 et on se pose beaucoup de questions sur
45:42 ce réel pouvoir de la convention européenne
45:44 des droits de l'homme. Moi ce que je vois c'est que par exemple l'Angleterre
45:46 depuis quelques années
45:48 est très remontée contre la convention européenne des droits de l'homme
45:50 et comme elle pousse énormément contre la convention
45:52 européenne des droits de l'homme, elle est beaucoup moins condamnée
45:54 qu'avant. Puisque finalement les juges
45:56 ne veulent pas que l'Angleterre quitte la convention européenne
45:58 des droits de l'homme, donc la Cour condamne moins
46:00 l'Angleterre. C'est un exemple typique
46:02 de voir que si les hommes politiques avaient un peu plus
46:04 de courage pour défendre des visions
46:06 un peu plus enracinées culturellement,
46:08 on pourrait arriver à faire
46:10 une politique, la politique
46:12 qu'ils souhaitent. Donc c'est trop facile de se défausser
46:14 derrière l'Europe.
46:16 En 30 secondes, le temps d'une dernière question.
46:18 Question large, réponse simple. Sommes-nous encore dans
46:20 une société libre ou
46:22 sommes-nous à la veille de perdre cette liberté ?
46:24 Écoutez, à partir du
46:26 moment où le citoyen perd son libre arbitre
46:28 déjà, puisqu'on lui impose de penser d'une certaine
46:30 manière, il y a de fortes
46:32 présomptions du fait que nous arrivons
46:34 dans une société où la liberté
46:36 de conscience, la liberté d'opinion
46:38 n'est plus vraiment importante pour l'État.
46:40 Et bien, un grand merci Thibault,
46:42 merci d'être venu sur le plateau de face
46:44 à Mathieu Bocoté. Mathieu,
46:46 Arthur, à la semaine prochaine.
46:48 Ravi de vous avoir trouvé ce
46:50 samedi soir, l'heure des pros
46:52 dans un instant après la publicité.
46:54 Restez avec nous.
46:56 Merci.