Mathieu Bock-Côté propose un décryptage de l’actualité des deux côtés de l’Atlantique dans #FaceABockCote
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00:00 20h sur CNews pour Fassah.
00:02 Bocoté, le point sur l'information, c'est avec Isabelle Piboulot.
00:05 Bonsoir Isabelle.
00:06 Au Danemark, la petite Eya a retrouvé sa maman.
00:12 La fillette de 10 ans est en bonne santé.
00:14 La date de leur retour en France n'a pas été indiquée,
00:17 mais l'ambassade de Copenhague a déjà engagé des démarches.
00:21 Eya avait été brutalement enlevée jeudi en Isère par son père.
00:25 L'homme a été interpellé avec un complice.
00:28 La remise des deux suspects aux autorités françaises
00:31 pourrait prendre quelques jours, voire plusieurs semaines.
00:34 Gérald Darmanin répond au LR sur le dossier de l'immigration.
00:38 "Chiche, travaillons ensemble",
00:40 clame le ministre de l'Intérieur dans les colonnes du Parisien.
00:43 Une semaine plus tôt, les Républicains avaient dévoilé
00:45 deux propositions de loi offensive afin, je cite,
00:48 "de reprendre le contrôle en la matière".
00:51 Le ministre exclut de mettre des quotas sur le droit d'asile,
00:54 mais pourrait l'envisager pour l'immigration de travail.
00:57 Débat ouvert à l'UNESCO avant la signature d'un traité mondial.
01:01 Des ministres et des représentants d'une soixantaine de pays
01:04 échangent pour trouver des solutions à la crise du plastique.
01:08 Un sommet organisé par la France pour donner de l'élan
01:11 aux négociations qui reprendront lundi à Paris.
01:14 La production annuelle de plastique a plus que doublé en 20 ans
01:18 et pourrait encore tripler d'ici 2060.
01:23 À la une de face à beau côté, il y a dans l'univers de la bien-pensance
01:27 les bons et les mauvais journaux, les bons et les mauvais journalistes,
01:30 les bons et les mauvais penseurs.
01:31 Il faut tordre le cou aux idées qui n'entrent pas dans ce camp du bien,
01:35 les mettre au banc de la société, leur couper les vivres.
01:38 Le magazine Causeur est la cible des activistes sleeping giants.
01:42 Dans l'indifférence générale, ça tombe bien, on en parle dans un instant.
01:46 À la une également, au nom de la lutte contre le réchauffement climatique,
01:49 tous les coups sont permis.
01:50 Le fossé se rétrécit entre la désobéissance civile et les actions violentes.
01:55 L'écologisme prend des formes parfois inquiétantes, virants, au fanatisme.
01:59 La prochaine dictature sera-t-elle verte ?
02:02 Éléments de réponse dans Face à beau côté.
02:04 Enfin, cher Mathieu, vous recevez ce samedi l'essayiste Michel Jofroy
02:08 pour son livre Le meilleur des mondes.
02:10 1984, la guerre des étoiles, Minority Rebot,
02:14 Aerobots, qui est le relevé de la science-fiction,
02:17 il y a 30 ou 40 ans, devient concret aujourd'hui.
02:20 Applicable peut-être demain ?
02:22 Notre société se nourrit-elle de la science-fiction ?
02:25 Vaste question.
02:26 Voilà le programme de Face à beau côté, cher Mathieu.
02:29 Bonsoir.
02:30 Bonsoir.
02:31 Cher Arthur de Vatrigan, bonsoir.
02:32 Très bien.
02:33 Ravi de vous retrouver tous les deux et on va commencer avec cette
02:35 peine de mort sociale en démocratie de Tocqueville à aujourd'hui.
02:38 On a un peu parlé, mais peut-être pas suffisamment,
02:42 cette semaine de l'appel à l'aide du mensuel Causeur,
02:44 victime d'une campagne de diffamation des Sleeping Giants,
02:48 ces activistes numériques, pour les condamner à l'asphyxie financière.
02:53 Et cet événement, c'est cet événement sur lequel vous souhaitez revenir,
02:57 qui vous inspire une réflexion sur la peine de mort sociale en démocratie.
03:00 Oui, ça me semble absolument essentiel, ce qui s'est passé.
03:03 Alors, je résume.
03:05 Élisabeth Lévy, qui dirige le mensuel Causeur, a lancé un appel
03:09 qui n'est pas loin d'être un appel à l'aide, mais un appel à l'aide plus que fondé,
03:12 en disant, en ce moment, globalement, les régies publicitaires,
03:15 vous savez, ceux qui, globalement, s'assurent à la fois de la publicité
03:17 dans les journaux, sur les sites Internet, sont en train de nous bouder.
03:21 Ils ont décidé, finalement, de nous assécher. Pourquoi? Pourquoi?
03:25 Là, ça implique de vrais problèmes, c'est-à-dire perte de revenus significatifs,
03:29 l'existence même, à terme du magazine, peut être compromise, probablement pour ça,
03:32 parce qu'un magazine tient difficilement sans publicité,
03:36 à moins d'avoir un mécénat qui est prêt à sacrifier
03:39 milliers par milliers, par dizaines de milliers, par centaines de milliers d'euros.
03:42 La publicité, vous en avez besoin.
03:44 Or, ils sont désormais privés de publicité.
03:47 Parce que le magazine, la qualité du magazine se serait effondrée d'un coup?
03:51 Parce que d'un coup, Causer ne serait plus à la hauteur,
03:54 alors que c'est un excellent mensuel? Pas du tout.
03:57 Pourquoi? Parce que derrière ça, il y a l'offensive, vous l'avez dit,
04:00 des "sleeping giants". Alors, qu'est-ce que c'est, les "sleeping giants"?
04:04 C'est une formule qui revient de temps en temps.
04:06 C'est un groupe d'activistes numériques qui s'est constitué en 2016,
04:11 un peu après l'élection de Donald Trump, en se disant,
04:14 l'élection de Donald Trump a été rendue possible
04:17 parce que des médias ont tenu un discours
04:20 qui rendait culturellement et médiatiquement et intellectuellement possible son élection.
04:27 Donc, si on veut en finir avec la possibilité d'une élection
04:33 de mouvements, de partis, s'agisse pas d'Avec Trump ou non, la question n'est pas là ici,
04:36 mais qui sont en désaccord avec ce qui est l'idéologie dominante du moment,
04:41 ça peut être le Brexit, soit dit en passant, ça peut être les partis populistes en Europe ou conservateurs,
04:46 ça peut être, on a évoqué c'est le cas de Donald Trump,
04:49 il faut donc créer un environnement médiatique assaini, purgé de ces médias dangereux.
04:56 Parce que pour "sleeping giants", ce sont des activistes numériques,
04:58 on reviendra sur leur méthode ensuite.
05:00 L'idée est la suivante, le bon média.
05:03 Les bons médias sont ceux qui font la promotion de l'ouverture, de la diversité, de la tolérance,
05:09 autrement dit, mais tout ça avec des guillemets, on l'aura compris,
05:11 c'est l'idéologie diversitaire, multiculturalisme, néo-féminisme, théorie du genre et ainsi de suite.
05:17 Donc les bons médias sont ceux qui portent cette vision
05:20 et qui luttent contre ceux qui s'opposeraient à cette vision.
05:24 Et il y a les mauvais médias,
05:25 les mauvais médias sont ceux qui ne reprennent pas ce programme officiel,
05:29 qui ne reprennent pas ce catéchisme, qui ne reprennent pas cette idéologie
05:33 et qui sont accusés pour cela de tenir des discours haineux,
05:37 ou néo-nazis, ou fascistes, ou d'extrême droite,
05:40 on connaît les formules tondéliériennes.
05:43 Et ce qui est intéressant avec ça,
05:45 c'est parce que dans l'esprit des stepping giants,
05:47 mais plus largement du régime diversitaire en général,
05:50 qu'est-ce qu'un discours haineux ?
05:52 Un discours haineux, c'est s'opposer aux revendications des minorités,
05:56 ou du moins de ceux qui prétendent parler en leur nom.
05:58 C'est critiquer les revendications de plus largement diversitaires,
06:03 multiculturalistes, néo-féministes, ainsi de suite.
06:05 Un discours haineux, c'est s'opposer à la marche de l'histoire
06:09 dans la direction diversitaire, multiculturaliste, ainsi de suite.
06:12 Donc vous n'aurez rien compris, le mot haineux ne veut plus dire
06:14 ce qu'il voulait dire traditionnellement,
06:16 une aversion irrationnelle à l'endroit de quelqu'un,
06:18 ou d'une idée, ou d'une personne, ou d'un groupe.
06:20 C'est désormais un type de discours qui doit être proscrit
06:22 parce qu'il n'est pas compatible avec leur conception de la diversité.
06:26 Alors qu'est-ce qu'on doit faire avec ces médias qui relèvent des discours haineux ?
06:31 On doit les interdire.
06:33 Et si on n'est pas capable de les interdire,
06:35 on doit être capable de les assécher financièrement.
06:39 À tout le moins, il faut tout faire pour que leurs paroles
06:41 ne puissent plus se rendre dans la population.
06:44 Pourquoi ? Parce que les progressistes ont toujours une grande peur.
06:47 Ils savent au fond d'eux-mêmes que leur discours
06:49 n'est pas accepté par le communé mortel.
06:52 Donc ils doivent verrouiller l'espace public,
06:55 éviter qu'une seule voix arrive.
06:57 Parce que si une seule voix arrivait et se faisait entendre,
07:00 ça pourrait réveiller ce qu'ils appellent des préjugés et des stéréotypes
07:03 et ça viendrait dérégler leur maîtrise du débat public.
07:06 Autrement dit, il s'agit de rendre infréquentables certains titres
07:10 ou même certaines figures publiques.
07:12 C'est exactement ça.
07:13 C'est ce que j'appelle des stratégies d'infréquentabilisation.
07:16 Et vous me permettrez de vous citer un peu longuement,
07:18 mais c'est un beau passage, Alexis de Tocqueville,
07:20 qui avait tout compris, comme il avait à peu près tout compris en ces matières,
07:23 dans son grand livre de la démocratie en Amérique.
07:26 Il parle de ce qu'on pourrait appeler la peine de mort sociale en démocratie.
07:31 « Le maître n'y dit plus, à la différence des despotismes anciens,
07:34 « Vous penserez comme moi ou vous mourrez. »
07:37 Il dit, « Vous êtes libre de ne point penser ainsi que moi.
07:41 « Votre vie vaut bien tout vos restes,
07:43 « mais de ce jour, vous êtes un étranger parmi nous.
07:46 « Vous garderez vos privilèges à la cité,
07:47 « mais ils vous deviendront inutiles,
07:49 « car si vous briguez le choix de vos concitoyens,
07:52 « ils ne vous l'accorderont point.
07:53 « Et si vous ne demandez que leur estime,
07:55 « ils finiront encore de vous la refuser.
07:58 « Vous resterez parmi les hommes,
07:59 « mais vous perdrez vos droits à l'humanité.
08:01 « Quand vous vous approcherez de vos semblables,
08:03 « ils vous fuiront comme un être impur,
08:06 « et ceux qui croient à votre innocence,
08:08 « ceux-là même vous abandonneront,
08:10 « car on les fuirait à leur tour.
08:12 « Allez en paix, je vous laisse la vie,
08:14 « mais je vous la laisse pire que la mort. »
08:16 Ça, c'est Alexis de Tocqueville qui a tout compris.
08:18 Concrètement, comment ça fonctionne aujourd'hui dans la société qui est la nôtre?
08:21 Eh bien, les Sleeping Giants et autres activistes numériques,
08:25 ils mènent des campagnes de diffamation contre certains médias.
08:27 Ils vont dire dans ces médias,
08:29 et là c'est sur le mode, vous savez, c'est une diffamation ciblée, stratégique,
08:32 c'est une forme de guerre médiatique.
08:35 Dans ces médias, c'est raciste, sexiste,
08:37 phobe, phobe, phobe, multifobes, pluriphobes.
08:40 Alors c'est un média, on va dire extrême droite aussi.
08:43 Et là ensuite, on se tourne vers les annonceurs, publiquement.
08:46 On interpelle publiquement les annonceurs,
08:48 c'est la logique du name and shame.
08:50 Et on se dit, voulez-vous vraiment vous associer
08:52 à ce titre qui fait la promotion de propos haineux?
08:55 Voulez-vous vraiment vous associer à cet entreprise,
09:00 à ce média, ce journal, cette chaîne télé
09:02 qui fait la promotion d'un discours inacceptable?
09:04 Si vous vous associez à ce titre,
09:07 ça veut dire que vous êtes vous-même coupable
09:09 des idées qu'on reproche à ce média,
09:13 et dès lors on met une grande campagne contre vous.
09:15 Donc il s'agit justement de rendre nauséabond,
09:18 de rendre infréquentable, je dirais de rendre radioactif
09:22 certains médias en faisant en sorte que les annonceurs
09:24 s'en détournent en disant,
09:25 "Désolé, on ne peut pas s'associer à vous,
09:27 vous êtes trop dangereux."
09:28 Et on connaît par ailleurs globalement,
09:30 le monde de l'entreprise est un monde assez frileux.
09:32 La moindre controverse,
09:34 controverses dans le mauvais sens,
09:35 une controverse woke, ils peuvent l'assumer,
09:38 on le voit avec Budweiser en ce moment aux États-Unis,
09:40 mais une controverse associée justement
09:42 à l'idéologie dominante aujourd'hui.
09:43 Si on vous accuse de racisme, de sexisme,
09:45 même si c'est faux en certains, même si c'est faux,
09:47 eh bien la peur de porter cette controverse avec vous,
09:50 vous décidez de vous détourner, vous ne financez plus
09:52 et les régies publicitaires relaient cet interdit.
09:56 Alors qu'est-ce que c'est concrètement?
09:57 C'est ce que j'appelle quant à moi
09:59 une logique d'épuration civique,
10:01 de nettoyage éthique de l'espace public dans leur esprit.
10:05 Il s'agit de chasser de l'espace public
10:07 ou de condamner à la mort sociale,
10:09 de condamner à l'invisibilité les médias
10:12 qui ne se soumettent pas finalement
10:14 au programme dominant, à l'idéologie dominante.
10:17 Mais qu'est-ce que ça veut dire se soumettre?
10:19 On le comprend.
10:20 On a des débats aujourd'hui, vous savez,
10:22 sur qu'est-ce qu'un fait divers, qu'est-ce qu'un fait de société.
10:24 En quelque sorte, on nous dit
10:25 « Ah, c'est des faits divers, ça compte pas. »
10:26 Puis d'autres vont dire
10:26 « Non, c'est des faits de société importants. »
10:28 Si l'idéologie dominante,
10:30 comme on l'a vu avec le documentaire
10:31 tout récemment sur France 5, sur la petite Lola,
10:34 ça commençait comme ça,
10:35 j'en ai parlé cette semaine à Face à l'info,
10:37 c'est un fait divers
10:38 qui n'aurait jamais dû être interprété autrement.
10:41 Si on pense que c'est un fait de société,
10:43 si on pense que c'est un fait qui a une portée culturelle,
10:45 une portée plus large,
10:46 si vous pensez ça, vous êtes d'extrême droite
10:48 ou vous êtes manipulé par l'extrême droite
10:50 ou vous êtes aveuglé par l'extrême droite
10:52 ou vous êtes complice de l'extrême droite.
10:54 Donc là, ce qu'il faut, c'est finalement faire taire,
10:57 c'est une logique de censure,
10:58 les médias qui ne sont pas d'accord
11:00 avec l'idéologie dominante.
11:02 De ce point de vue,
11:03 les gardiens du dogme vont nous dire
11:05 « La liberté d'expression,
11:06 ce n'est pas de tenir des propos qui relèvent du délit. »
11:09 Et vous savez que l'empire du délit ne cesse de s'étendre.
11:12 - Mais comment dans telle pratique est-elle possible
11:14 dans une société continuant
11:16 de valoriser la liberté d'expression?
11:19 - Ah bien ça, c'est la grande perversion
11:20 des Sleeping Giants et compagnie.
11:22 Ils nous disent
11:23 « Mais nous exerçons notre liberté d'expression
11:25 en vous traitant de raciste,
11:27 en vous traitant de sexiste,
11:28 en vous traitant de xénophobe,
11:29 en vous traitant d'extrême droite.
11:31 Nous utilisons notre liberté d'expression
11:33 en disant qu'on devrait vous fermer.
11:35 Nous utilisons notre liberté d'expression
11:37 en cherchant à vous diffamer.
11:39 Nous utilisons notre liberté d'expression
11:41 en cherchant à vous diaboliser et vous criminaliser. »
11:45 Donc, on m'en dit, c'est une forme perverse.
11:46 Donc, on refuse d'accepter le pluralisme médiatique
11:49 et c'est au nom d'une conception...
11:50 Vous savez, on voit ça même
11:51 dans les manifestations quelquefois,
11:53 quand il y a des conférences qui sont annulées.
11:54 Vous avez une conférence,
11:56 je ne sais pas, dans une université,
11:57 là vous avez 50 malabars devant la salle
12:00 qui tapent dans des tambours,
12:02 qui font du bruit, un bruit infernal.
12:04 C'est notre liberté d'expression que nous exerçons
12:06 en empêchant le conférencier de parler.
12:09 Donc, vous voyez, c'est un peu tordu.
12:11 Par ailleurs, par ailleurs, ça nous rappelle une chose,
12:13 dans la société médiatique telle qu'on la connaît,
12:16 la souveraineté appartient à celui
12:17 qui est capable de créer le scandale.
12:19 Celui qui est capable de dire ça, c'est un scandale.
12:22 Et vous devez tous être scandalisés en même temps.
12:24 Et si vous n'êtes pas scandalisés
12:25 au moment où il le faut,
12:26 en faisant votre petit tweet,
12:28 en faisant votre déclaration, votre communiqué de presse,
12:30 si vous ne vous dites pas scandalisés,
12:32 quand nous on dit que c'est scandaleux,
12:33 nous savons dès lors que vous êtes complices
12:35 de la bête immonde,
12:37 vous êtes complices de l'idéologie interdite,
12:39 vous êtes complices des forces de la réaction,
12:41 et dès lors, vous serez la prochaine cible.
12:43 Je résumerai tout ça en disant
12:45 qu'avec ce qui se passe pour Causeur,
12:46 qui est un magazine qui doit être soutenu,
12:48 ce qu'on voit à travers ça aujourd'hui,
12:50 c'est la réactivation de la tentation totalitaire
12:52 qui traverse nos sociétés, j'en parle souvent ici,
12:54 et c'est aussi la nécessité d'une pensée de la dissidence
12:57 contre ceux qui veulent à tout prix faire taire
12:59 ceux qui ne pensent pas comme eux.
13:01 - Arthur De Vatrégan,
13:02 selon la peine de mort sociale en démocratie,
13:05 est-ce que Sleeping Giants
13:07 alimente cette peine de mort sociale ?
13:09 - C'est même l'un des bras armés,
13:12 mais Mathieu a raison,
13:14 il faut relire Tocqueville,
13:16 qui est fondamental pour comprendre les mécanismes
13:18 de la dictature de la pensée unique,
13:20 ce qu'il appelait, vous savez, Heidegger,
13:21 la dictature du "on".
13:23 Le "on" étant l'opinion.
13:24 Ce qu'est-ce qu'on observe dans nos démocraties occidentales
13:27 qui sont soumises de plus en plus aux dogmes de l'égalité,
13:32 c'est que toute autorité naturelle, morale ou spirituelle disparaît.
13:35 Tout ce qui rattache l'homme à un passé,
13:37 à une structure, sur la famille, une corporation,
13:40 à une tradition devient condamnable
13:42 au nom de l'autonomie, au nom de l'individu roi.
13:45 Pour faire simple, au nom de la liberté,
13:47 au nom de leur propre raison,
13:48 les modernes ont éliminé Dieu et le roi,
13:51 pensant ne plus être soumis à aucun pouvoir.
13:56 Le problème, c'est qu'ils sont soumis à un nouveau pouvoir
13:57 qui en effet, est ce que dit Tocqueville,
13:58 le pouvoir social.
14:00 Pourquoi ?
14:01 Parce que l'homme nu n'existe pas.
14:02 Une civilisation a besoin d'autorité
14:04 et par essence, l'homme a une nature sociale.
14:07 Et donc, à qui se remet-il pour penser ?
14:10 Il se remet à l'opinion.
14:12 Il se remet à l'opinion, c'est-à-dire qu'il mime l'opinion publique,
14:15 car on ne se fait pas évidemment une opinion tout seul
14:17 et à partir du moment où on pense différemment,
14:20 on s'exclu de l'opinion, donc de la communauté.
14:23 Donc en partant de ce processus,
14:25 c'est assez facile d'exclure socialement quelqu'un,
14:27 de mettre à mort socialement quelqu'un.
14:30 On lui dit qu'il suffit de dire qu'il ne suit pas ce qu'il est censé faire
14:34 et donc il devient un proscrit et on fait des catégories.
14:37 Vous savez, c'est ce qu'expliquait Alain Finkielkraut
14:39 lorsqu'il a eu dans son discours de réception à l'Académie française en 2016,
14:43 il disait "Nous sommes en tant que citoyens libres et égaux,
14:46 les sujets dociles du pouvoir social".
14:48 C'est exactement ça.
14:49 Et c'est quoi le pouvoir social ?
14:50 En fait, le pouvoir social, c'est des mots abstraits,
14:52 des idées générales et surtout le fait d'expliquer qu'un ensemble de choses
14:56 a une seule cause.
14:58 Je ne sais pas si ça vous rappelle quelque chose,
15:00 mais une seule cause et des mots abstraits,
15:02 on l'a beaucoup vu ces derniers temps, l'extrême droite, le mot "for tout".
15:05 Donc évidemment, on pense à Marine Tondelier qui rend Sonnine Rousseau sympathique,
15:09 on pense aux anonymes de Sleep Engine comme Mathieu Lhady
15:12 qui ont réhabilité le métier de petite balance
15:14 en faisant fuir les annonceurs du magazine Causeur.
15:17 On pense évidemment aussi à Aurélien Taché, député de la NUPES,
15:20 qui s'est fendu d'une tribune pour expliquer, je le cite,
15:22 que l'extrême droite était plus dangereuse que l'extrême gauche,
15:24 qui d'ailleurs était introuvable.
15:26 Assez drôle, comme quoi dans de rares cas, très rares cas,
15:28 l'ivresse peut faire dire des bêtises.
15:30 Bon, soyons honnêtes, il y a quelques débiles, j'avoue,
15:33 qui s'abandonnent une fois l'an à quelques nostalgies douteuses,
15:36 mais on va dire qu'ils sont aussi nombreux que les gens de droite
15:38 sur France Inter ou sur France Télé.
15:40 D'ailleurs, Mathieu Lhady, la fabrique de l'histoire,
15:42 l'affreuse affaire Lola, c'est la faute de l'extrême droite.
15:46 Et on a vu aussi à l'Assemblée, l'Assemblée nationale,
15:48 abriter un débat sur la lutte contre le terrorisme d'extrême droite,
15:51 organisé par des fans de Marat et de Robespierre,
15:54 avec comme invité d'honneur Raphaël Lardo, le leader antifa.
15:57 Et Darmanin, lui, n'était pas là.
15:58 Qu'est-ce que Darmanin ?
15:59 Parce qu'on lui a reproché de ne pas être là à l'Assemblée.
16:01 Lui, il offrait son torse à la bête immonde à l'extrême droite
16:05 comme rempart pour sauvegarder la démocratie et la liberté d'expression
16:08 en faisant quoi ? En faisant interdire deux colloques,
16:11 un de l'Action française, un de l'Iliade, en justice prédictive.
16:15 Donc, la justice prédictive, ça a l'air d'être aussi beau que la démocratie.
16:18 Juste pour que nos téléspectateurs comprennent,
16:21 Sleeping Giant a un poids, c'est un microclimate.
16:24 Non, c'est un vrai, vrai pouvoir.
16:26 On l'a vu aux États-Unis, on le voit en France.
16:27 La capacité de faire fuir les annonceurs.
16:30 Donc, ce sont des campagnes très agressives.
16:32 Finalement, elles sont assez efficaces.
16:34 Mais c'est qui ? C'est des politiques ?
16:36 On ne sait pas exactement.
16:37 Ils sont des activistes anonymiques.
16:39 On ne leur prêche pas les figures publiques et connues,
16:41 mais sinon, ce sont des activistes clandestins.
16:44 La prochaine dictature sera-t-elle verte ?
16:46 Ça, c'est une grande question.
16:47 On a beaucoup parlé en début de semaine du rapport Pisani-Ferry,
16:50 qui a été représenté par plusieurs médias
16:51 comme un rapport d'une grande lucidité
16:54 à propos des efforts nécessaires
16:55 pour réussir cette transition écologique.
16:58 La transition énergétique, d'ailleurs.
17:00 Mais si vous souhaitez y revenir,
17:02 c'est moins pour parler de chacune des mesures qu'il contient
17:06 que pour aborder ce que vous voulez appeler,
17:08 ce que vous appelez la tentation de la dictature verte.
17:12 Et je précise tout de suite que la formule est probablement abusive.
17:15 La dictature verte, c'est la formule frappe,
17:17 mais je crois qu'elle nous dit quelque chose
17:19 malgré les excès qui viennent avec elle.
17:23 Alors, on pense souvent, quand on pense aux excès de l'écologisme,
17:25 on pense aux radicaux qui décident de faire du sabotage,
17:30 d'installation, soit des compagnies qui relèvent de l'énergie,
17:33 et ainsi de suite, ou des fou furieux
17:35 qui attaquaient les policiers à Seine-Solyne.
17:37 Mais ce n'est pas de ces gendarmes dont je veux parler aujourd'hui,
17:39 puisque ceux-là, on les connaît.
17:40 Moi, ce qui m'inquiète davantage, c'est la tentation,
17:42 on pourrait dire, autoritaire de l'extrême-centre
17:44 au nom de l'écologisme.
17:45 Mais la thèse est à peu près la suivante.
17:48 On nous dit que la crise mondiale,
17:50 la crise écologique, dis-je, elle est fondamentale,
17:54 ce qui est vrai.
17:55 La crise écologique, elle peut bouleverser,
17:57 elle va bouleverser nos sociétés, ce qui est vrai.
18:00 Mais à partir de là, on en tire une conclusion un peu inattendue,
18:02 puisque crise mondiale, eh bien, nécessité de réponse
18:05 sous le signe de la gouvernance dite mondiale.
18:08 Mais il y a cette idée que les souverainetés nationales,
18:11 les pays, les États,
18:13 et autrement dit, la structure politique du monde
18:15 tel qu'on la connaît, c'est un peu désuet.
18:17 Il faut laisser ça de côté.
18:18 Et l'espèce de technostructure mondialisée,
18:20 la technostructure onusienne, ou encore européenne,
18:23 serait le seul lieu véritable où désormais
18:27 prendre en charge cette crise, cette crise à venir.
18:31 Et là, en nous disant toujours, vous voyez le vocabulaire,
18:34 il faut toujours étudier le vocabulaire,
18:35 planification écologique, planification verte.
18:38 Si on s'inscrit dans l'histoire du planisme au 20e siècle,
18:41 eh bien, à travers cette espèce de socialisme vert
18:44 qui ne dit pas son nom à l'échelle globale,
18:47 c'est la tentation du planisme, la tentation étatiste,
18:50 la tentation collectiviste qui se réactive
18:53 avec une dimension franchement autoritaire.
18:56 - C'est vert à l'extérieur, rouge à l'intérieur,
18:59 comme diraient certains.
19:01 Une forme de socialisme vert,
19:02 mais qu'entendez-vous par là, Mathieu?
19:04 - Alors, qu'est-ce que j'entends par là?
19:05 Premièrement, dans le rapport Pisani-Ferry,
19:08 dont on a parlé,
19:09 noter l'appel à une surfiscalisation,
19:11 donc une forme de surfiscalisation
19:13 des classes moyennes supérieures.
19:14 Pas des ultra-riches.
19:15 On prétend toujours ça,
19:16 c'est vraiment l'extrême-centre est doué là-dedans.
19:18 On prétend vouloir taxer des ultra-riches,
19:20 mais dans les faits, on décide surtout
19:22 de taxer les classes moyennes supérieures,
19:24 en disant, vous, elles sont indéracinables,
19:26 elles ne sont pas interchangeables,
19:28 elles ne peuvent pas se fuir dans d'autres pays.
19:30 Alors, celles-là vont casquer.
19:31 Donc, surfiscalisation qui fait en sorte que, dans les faits,
19:34 la part du revenu des ménages est de plus en plus limitée,
19:36 et ce n'est pas un détail.
19:37 On a quelquefois l'impression, dans la droite plus culturelle,
19:40 de dire que l'économie, c'est secondaire comme sujet.
19:42 Non, la surfiscalisation d'une société,
19:44 ça représente aussi l'étouffement de ses forces productives,
19:46 c'est l'étouffement des libertés.
19:48 Mais ça va au-delà des questions d'argent, rassurez-vous.
19:51 Vous voyez tout ce qu'on nous annonce,
19:52 les mesures qu'on peut repérer ici et là dans le débat public.
19:56 Il y en a plusieurs,
19:57 ça ne vient pas nécessairement du rapport Pisani-Ferry,
19:59 on s'entend, mais les mesures qui traînent
20:00 dans le débat public depuis quelques années,
20:01 pour nous dire qu'on est capable de lutter
20:03 contre le changement climatique.
20:05 Le contrôle des vols en avion.
20:07 En disant, oui, il faut limiter les vols,
20:09 mais pas seulement les vols intérieurs.
20:10 Est-ce qu'on ne devrait pas limiter
20:11 la possibilité des vols intercontinentaux
20:13 à un seul par personne par année,
20:15 parce qu'au-delà, c'est peut-être excessif.
20:17 Le contrôle des déplacements, même en voiture.
20:20 Est-ce qu'on a cette espèce de proposition qui revient,
20:22 il ne faudrait pas que vous ayez le droit
20:23 à un déplacement de plus de x centaines de kilomètres par année,
20:27 parce qu'au-delà, c'est dangereux pour la planète.
20:29 Le contrôle des maisons secondaires
20:31 et le contrôle des propriétés aussi.
20:32 Cette idée qu'il faudrait peut-être même vous taxer
20:35 si vous vous amenez à payer des frais de locataire,
20:37 même si vous êtes propriétaire de votre propre maison.
20:39 Donc, une forme de suspension du droit de propriété,
20:42 qui est un des droits les plus fondamentaux qui soit.
20:44 Le contrôle des déplacements en voiture, je l'ai dit.
20:46 Le contrôle de la consommation de viande de main.
20:48 Et ça, ce n'est pas un détail.
20:50 On veut contrôler ce qu'il y aura dans les assiettes.
20:52 On me dira, oui, mais le régime fondé sur la viande,
20:55 c'est mauvais pour la santé des uns et des autres.
20:57 Très bien. Il n'en demeure pas moins
20:58 que c'est une volonté de contrôle de l'intime et des assiettes.
21:01 Le contrôle du chauffage dans les maisons,
21:03 le contrôle des naissances, petit exemple.
21:05 À Outremont, qui est un arrondissement à Montréal,
21:07 l'arrondissement a distribué ces derniers jours
21:10 un dépliant où on disait
21:11 de quelle manière pouvez-vous sauver la planète.
21:13 On donnait plusieurs méthodes.
21:14 La meilleure méthode, c'était quoi?
21:16 Faites un enfant en moins
21:17 parce que vous limiterez votre empreinte digécologique.
21:21 Donc, à travers tout ça,
21:22 c'est quand même un chantier d'ingénierie sociale majeure
21:24 et d'endoctrinement de la population.
21:26 Il y a de quoi s'inquiéter
21:27 de ce qu'on fait au nom des meilleures intentions.
21:29 - Et comment croyez-vous
21:30 que la population va réagir à ces demandes?
21:33 - Avec une forme étonnante de consentement.
21:35 Ça, ça me frappe.
21:36 C'est la docilité du commun des mortels.
21:39 Mais il faut dire que la propagande est telle.
21:41 On nous explique sans arrêt
21:42 qu'on est responsables, chacun d'entre nous,
21:44 du basculement écologique à venir,
21:46 que finalement, le monde occidental
21:47 doit s'effacer lui-même au nom de l'écologie
21:50 parce qu'il serait à l'origine
21:51 du dérèglement climatique global.
21:53 Il faut dire aussi que le monde occidental
21:55 a produit à coup de propagande depuis quelques décennies
21:57 des individus particulièrement fragiles,
21:59 des éco-anxieux pathologiques,
22:01 des vegans militants qui font pas simplement ça par choix,
22:04 mais parce qu'ils veulent vraiment se purger
22:06 dans une dimension religieuse dans l'écologisme,
22:08 des personnalités fragiles,
22:09 des hommes qui se voient comme de trop sur la planète
22:12 et qui voudraient délivrer la planète de leur poids.
22:15 Alors peut-être que ça nous ramène vers Oxley.
22:17 Oxley qui disait que plus vous avez une société autoritaire,
22:19 plus vous devez maximiser le domaine de la liberté sexuelle
22:22 pour faire passer les passions.
22:23 Alors moi, je suis pas contre la maximisation
22:25 de la liberté sexuelle.
22:26 Je note simplement,
22:27 je réinterprète sa thèse aujourd'hui,
22:29 tous les débats sur l'identité de genre, de ci, de ça,
22:32 où chacun décide de faire de sa propre vie
22:34 le lieu d'une forme d'expérimentation
22:36 idéologique permanente sur le mode du cobaye idéologique.
22:39 Peut-être est-ce la manière contemporaine
22:41 de gérer nos personnalités
22:42 pendant que le monde bascule dans un autoritarisme nouveau.
22:45 - Arthur Devat-Trégan,
22:46 la prochaine dictature sera-t-elle verte?
22:49 - Alors, il y a des graves questions écologiques,
22:51 évidemment, qui sont des questions scientifiques,
22:53 issues de données scientifiques.
22:54 Le seul problème, c'est que cette science
22:56 est devenue depuis quelques années une religion.
22:58 Peut-être même la religion principale aujourd'hui.
23:00 Si vous regardez, vous avez ces grands prêtres,
23:02 ces grandes messes, sa prophétesse,
23:04 vous avez le catéchisme qu'on donne aux enfants
23:06 et vous avez même les excommunications.
23:08 L'écologie, c'est l'étude de l'interaction
23:11 des vivants avec l'environnement.
23:13 C'est-à-dire que ça réclame deux vertus indispensables
23:16 qui sont la modestie et la prudence.
23:18 Malheureusement, c'est quand même des qualités
23:20 que n'ont pas, en étant gentils, les écolos politiques.
23:24 Parce que chez eux, en fait, l'homme est au centre de tout.
23:26 C'est-à-dire qu'il est au centre du désastre,
23:27 mais il va être aussi au centre du sauvetage de la planète.
23:29 Sauver la planète, par exemple, ce qu'ils disent tout le temps.
23:31 Finalement, on retrouve la passion des nouveaux modernes,
23:34 c'est-à-dire la haine de notre histoire,
23:36 l'histoire occidentale, qui est responsable de tous nos maux,
23:39 et en même temps, cette volonté révolutionnaire
23:41 de faire tableau rase de tout pour tout recommencer.
23:43 Avec, évidemment, cette vision binaire,
23:45 il y a le camp du bien, le camp du mal,
23:47 à eux, d'être garant des intérêts de notre planète,
23:50 à eux, d'être des éveilleurs de conscience.
23:52 Et aux autres, évidemment, vous êtes l'étiquette du mal.
23:54 Donc avec ça, vous vous sentez pousser des ailes,
23:56 ça conforte pour eux de croisade.
23:58 Mais il y a quand même une contradiction qui me surprendra
24:00 et que je n'arrive pas à expliquer chez eux,
24:02 c'est que les mêmes qui défendent la dignité des moustiques,
24:05 qui défendent une cohabitation bienveillante avec les punaises de lits,
24:08 c'est-à-dire qu'ils sont sur une défense du vivant sans condition,
24:12 sont les premiers à être les promoteurs des manipulations génétiques de l'homme,
24:16 de la PMA, de la GPA, même de l'IVG,
24:19 c'est-à-dire que vous avez la défense des vivants sans condition,
24:22 à condition qu'ils ne soient pas des êtres humains.
24:24 Et ça, ça m'a toujours surpris, c'est un paradoxe que je n'arrive pas à comprendre.
24:27 La publicité, on revient dans un instant,
24:30 puisque vous allez recevoir, cher Mathieu,
24:32 Michel Joffroy, essayiste pour son livre "Le meilleur des mondes".
24:36 Vous allez revenir sur cet univers de la science-fiction
24:39 qui n'est plus aujourd'hui de la science-fiction.
24:41 Vous avez regardé Minority Report à l'époque,
24:44 ou Aéroport, ou La Guerre des Etoiles,
24:46 vous vous disiez "c'est impossible".
24:47 Finalement, c'est aujourd'hui.
24:49 La pub !
24:53 20h30 sur CNews pour la deuxième partie de Face à Boccotter.
24:56 D'abord le point sur l'information, Isabelle Piblot.
24:59 Le pilier du 15 de France, Mohamed Aouaz,
25:05 sera jugé mardi en comparution immédiate.
25:08 Il sera entendu à 13h30 devant le tribunal correctionnel de Montpellier.
25:12 L'international de rugby, âgé de 29 ans,
25:15 a été placé en garde à vue hier.
25:17 Il est poursuivi pour violence conjugale,
25:20 sans y têter précis son avocat.
25:22 Scrutin décisif pour la Turquie.
25:25 La population va élire son président demain,
25:28 après avoir obtenu 49,5% des voix le 14 mai.
25:32 Recep Tayyip Erdogan est donné favori pour le second tour.
25:35 Son rival, le sociodémocrate Kemal Kiliç Darulu,
25:39 a quant à lui réuni une alliance historique.
25:42 Depuis 2007 et la mise en place du suffrage universel,
25:45 c'est la première fois qu'un second tour est organisé dans le pays.
25:49 En Formule 1, Max Verstappen s'élancera en pole position
25:52 du Grand Prix de Monaco demain.
25:54 Cet après-midi, dans les rues de la Principauté,
25:57 le Néerlandais a soufflé le meilleur temps des qualifications
26:00 à l'espagnol Fernando Alonso.
26:02 Max Verstappen, leader provisoire au championnat,
26:05 a réussi sa quatrième pole de la saison sur six possibles.
26:08 Le GP de Monaco est à suivre demain à 15h sur Canal+.
26:13 La suite de Face à Baux de Côté, toujours avec Mathieu et Arthur, bien sûr.
26:16 Nous recevons Michel Joffroy. Merci d'être avec nous.
26:19 Je rappelle que vous êtes essayiste et que vous avez écrit
26:22 notamment "Le meilleur des deux mondes".
26:24 Cher Mathieu, pourquoi avoir invité Michel Joffroy?
26:27 - J'ai lu "Bienvenue dans le meilleur des mondes",
26:29 sous-titre "Quand la réalité dépasse la fiction",
26:31 qui est paru il y a quelques semaines, si je ne me trompe pas.
26:34 Le premier réflexe qu'on a lorsqu'on pense au roman d'anticipation,
26:37 à la science-fiction, c'est que c'est très éloigné de la réalité.
26:40 C'est un domaine pour s'évader mentalement, pour quitter notre monde.
26:43 Or, à la lecture de ce livre, ce qui est tout à fait étonnant,
26:46 c'est que la science-fiction et les romans d'anticipation
26:49 sont peut-être une des littératures les plus politiques qui soient,
26:52 qui permettent d'anticiper vraiment notre monde,
26:55 et la science-fiction d'hier et quelquefois la réalité des temps présents.
26:58 Michel Joffroy, bonsoir. - Bonsoir.
27:00 - Question première, justement, je vous laisse soulever
27:03 sur le mode de l'interrogation qui me traverse l'esprit.
27:05 Est-ce que normalement, la science-fiction, les romans d'anticipation,
27:08 ce n'est pas le domaine de fuir le réel?
27:10 Or, à vous lire, finalement, c'est une manière d'anticiper
27:13 sur les tendances lourdes du monde qui vient et du monde qui sera.
27:16 - Je pourrais vous citer ce que déclarait Ray Bradbury.
27:19 En 1999, il disait que la science-fiction, c'est la description de la réalité.
27:24 Donc, c'est une affirmation un peu provoquante.
27:27 Alors, pour répondre à votre question, moi, j'ai deux éléments de réponse.
27:31 D'abord, je pense qu'aujourd'hui, dans notre société,
27:35 la frontière entre la fiction et la réalité s'estompe dans certains domaines,
27:41 en particulier parce que notre perception de la réalité,
27:46 elle est médiatisée par les idéologies,
27:50 et puis en particulier médiatisée par la machine médiatique
27:54 qui crée en fait une sorte de nouvelle réalité.
27:58 Et puis deuxièmement, pourquoi j'ai fait ce petit essai?
28:02 Parce que je me suis rendu compte que des grands auteurs de science-fiction,
28:08 parce qu'effectivement, la science-fiction, c'est un genre qui est considéré comme mineur,
28:12 qui a toujours été considéré comme mineur,
28:15 même si on peut s'apercevoir qu'au plan cinématographique,
28:19 vous avez de grands metteurs en scène américains qui ont fait des films de fiction,
28:22 ce qui montre que ce n'était pas complètement mineur dans leur esprit, mais peu importe.
28:27 Qu'est-ce qu'on peut constater aujourd'hui?
28:30 C'est qu'effectivement, notre réalité est en train de rejoindre le futur
28:35 qu'un certain nombre de gens ont prévu dans notre passé.
28:39 C'est un peu compliqué, mais ça veut dire que nous avons un éclairage.
28:44 Le passé n'est pas stable, c'est-à-dire que nous le modifions
28:48 par notre vision de l'histoire, notre vision du présent.
28:53 Je pourrais prendre un exemple très simple.
28:56 Quand Wells écrit son roman "La guerre des mondes",
29:00 Herbert George Wells, qui écrit son roman "La guerre des mondes",
29:05 il parle de l'invasion de la Terre par les Martiens,
29:08 c'est évidemment très lointain de la réalité,
29:11 puisqu'on sait aujourd'hui que les Martiens n'existent pas, a priori.
29:14 Il publie son livre de mémoire en 1898.
29:19 Quand on lit ce livre en 1920, après la guerre de 14,
29:24 ou en 1950, après la Deuxième Guerre mondiale,
29:27 on se rend compte que Wells, en réalité, dans ce roman,
29:31 a prévu les horreurs de la guerre moderne technologique.
29:35 Il y a des passages de ce roman qui sont troublants
29:39 pour la génération de mes parents ou de mes grands-parents,
29:43 puisqu'ils décrivent finalement l'exode de Carante, d'une certaine façon,
29:48 comment on fuit devant une guerre terrifiante.
29:51 Ça veut dire que notre regard permet de comprendre
29:55 qu'aujourd'hui, avec le recul historique que nous avons,
29:58 nous pouvons nous apercevoir qu'un certain nombre d'auteurs
30:02 ont finalement prévu une partie de notre présent.
30:06 Je pourrais évoquer l'actualité,
30:10 quand Philippe Kadic fait un livre qui s'appelle "Le rapport minoritaire",
30:14 en 1956, où il décrit un univers où une police du précrime
30:19 arrête les gens avant même qu'ils fassent un crime.
30:22 Ça veut dire que les prisons sont pleines de gens innocents,
30:25 puisqu'ils n'ont pas fait leur crime.
30:27 Ça paraît une fiction folle, mais aujourd'hui, on voit bien,
30:31 si je fais référence à ce qui s'est passé il y a quelque temps,
30:35 qu'on est capable d'interdire un colloque au prétexte
30:39 qu'il pourrait... des propos pourraient être tenus.
30:42 Nous sommes déjà dans le monde du précrime.
30:45 Donc on voit bien que notre réalité est en train de rattraper
30:49 certaines... des dystopies, comme on dit,
30:52 donc des prévisions un peu catastrophiques de notre univers.
30:57 Et c'est ça, moi, qui m'a beaucoup frappé.
30:59 Pour terminer, pour cette réponse, je dirais...
31:02 J'ai aussi eu l'idée de faire cet essai en entendant quelqu'un
31:05 qui me disait "J'ai lu George Orwell dans ma jeunesse,
31:09 bon, c'était bien, mais bon..."
31:12 Finalement, je l'ai relu aujourd'hui et je me dis "Orwell a prévu
31:15 beaucoup de choses de notre monde."
31:17 Donc c'est pour ça que ça m'a paru intéressant d'aller voir
31:21 ce qu'ont pu décrire un certain nombre de grands auteurs célèbres.
31:26 Alors, c'est un tout petit essai que j'ai fait sans prétention,
31:29 ce n'est pas une anthologie de la science-fiction.
31:33 Je n'ai pas voulu trop insister sur les auteurs actuels,
31:37 parce que je pense que leur témoignage est moins intéressant
31:40 puisqu'ils connaissent notre monde.
31:42 - Alors, il y a la science-fiction d'un côté, on y reviendra,
31:45 mais il y a deux auteurs auxquels on fait référence quand on dit
31:48 "ils ont tout vu". Il y a d'un côté Orwell, vous l'avez dit,
31:51 et de l'autre côté, il y a Aldous Huxley.
31:53 De quelle manière, donc 1984 et Le meilleur des mondes,
31:56 de quelle manière ces deux auteurs ont-ils vu ou n'ont-ils pas vu
31:59 ce qui nous frappe aujourd'hui?
32:01 - Personnellement, je considère qu'il n'y a pas d'auteur
32:04 qui ait vraiment vu l'intégralité du monde dans lequel nous sommes.
32:07 C'est plutôt une sorte de puz' où il y a des gens qui ont vu.
32:11 Alors, il y a à mon avis une différence essentielle entre Orwell
32:15 et Aldous Huxley, d'abord temporelle, puisque Aldous Huxley
32:20 écrit en 1932, alors qu'Orwell écrit en 1948.
32:24 Mais le monde d'Orwell, c'est un monde, je dirais, soviétoïde.
32:28 C'est-à-dire qu'il prévoit une tyrannie qui est quand même
32:33 très largement inspirée du modèle soviétique.
32:36 Ce n'est pas neutre, puisque Orwell lui-même est un socialiste
32:40 plutôt de nature libertaire.
32:44 Il est très hostile aux communistes, de toute façon,
32:47 puisqu'il a écrit notamment "La ferme des animaux",
32:50 un conte philosophique, mais très anticommuniste.
32:53 Et donc, lui, il a prévu un monde, une sorte d'extension
32:59 du système soviétique sur la base du contrôle policier,
33:03 de l'espionnage des gens, un monde de pauvreté aussi,
33:09 puisque le héros a beaucoup de mal à trouver une grande voix.
33:13 - Mais il voit les choses aussi comme la novlangue,
33:15 il voit les choses comme le télécran.
33:17 - Voilà. Par contre, effectivement, il a prévu des choses extraordinaires.
33:21 Par exemple, la télévision partout, la télévision qu'on ne peut pas éteindre.
33:25 Je rappelle qu'il écrit en 1947-1948.
33:28 En 1947-1948, la télévision est quand même assez peu répandue.
33:32 C'est plutôt un instrument de recherche, mais elle n'a pas parvenu...
33:36 - Et la télévision qui vous voit aussi.
33:38 - Alors en plus, la télévision qui voit.
33:40 Moi, je considère que la télévision qui vous voit, le télécran,
33:43 c'est Internet, puisque l'Internet conserve les données de consultation
33:47 et c'est d'une certaine manière un moyen de nous surveiller, de nous voir.
33:54 Donc ça, c'est le monde orwellien.
33:56 La novlangue aussi, qui est d'ailleurs rentrée dans la langue courante,
34:00 la déconstruction de l'histoire, le fait d'effacer les personnalités
34:04 qui sont devenues politiquement incorrectes,
34:07 là, ça renvoie très clairement au système soviétique.
34:10 C'est très clair.
34:11 Alors la grande différence avec, et l'intérêt à mon sens,
34:15 de l'œuvre d'Aldous Huxley, c'est qu'Huxley dit tout à fait autre chose.
34:20 Il dit que pour imposer quelque chose aux gens,
34:25 pour faire une société tyrannique, on n'a pas forcément besoin
34:27 de barbelés, de policiers et de terreurs.
34:31 On peut arriver à maîtriser les gens par la suggestion,
34:36 par la propagande, par la médecine, par la drogue.
34:41 Dans son roman, on est obligé quasiment de prendre de la drogue,
34:47 une boisson pour changer la réalité,
34:53 pour ne pas être soumis à cette réalité.
34:55 Ces deux visions, je dirais, différentes,
34:59 si on voulait faire un peu de philosophie politique,
35:03 on dirait que ça renvoie un petit peu au modèle de Tocqueville
35:06 quand il disait qu'il y a la Russie d'un côté et l'Amérique de l'autre.
35:10 Ce sont deux systèmes différents, mais finalement,
35:12 ils risquent de progresser dans le même sens.
35:15 Donc c'est un peu ça.
35:16 Je crois que nous vivons dans un monde qui est un mix des deux.
35:20 C'est-à-dire que nous avons emprunté, ou plus exactement,
35:24 on nous a imposé au monde orwellien la novlangue,
35:28 la police de la pensée, le ministère de la vérité,
35:32 d'une certaine façon, qui est aujourd'hui largement
35:36 mise en œuvre par les médias, d'une certaine façon.
35:39 Et puis, au monde d'Aldous Huxley,
35:44 on a l'importance de la propagande,
35:46 l'importance de la médecine comme moyen.
35:50 C'est le biopouvoir.
35:51 On a vu ce qui s'est passé avec le Covid, avec la Covid.
35:54 Donc on voit bien que l'état bienveillant
35:58 peut devenir un état de domination.
36:01 Arthur de Matrigan.
36:02 Dans la science-fiction, vous avez globalement deux camps.
36:05 On a les écrivains qui écrivent des utopies,
36:07 les écrivains qui écrivent des dystopies.
36:09 Ceux qui sont pessimistes et ceux qui sont optimistes,
36:12 ceux qui sont pour le progrès et ceux qui s'en méfient.
36:14 Et à vous lire, à vous entendre, on ne s'est pas méfiés
36:18 parce qu'on a couru vers le progrès.
36:19 Comment expliquer que ce sont les utopistes
36:22 qui ont triomphé des dystopies ?
36:24 Alors moi je dirais, d'abord dans l'histoire,
36:26 c'est plutôt les utopistes qui triomphent
36:29 et pas les gens réalistes.
36:31 D'ailleurs, le XXe siècle, c'est le triomphe
36:35 de l'utopie progressiste.
36:37 Ou d'une manière politique, on pourrait dire
36:39 que c'est le triomphe de la gauche
36:40 et de tout son appareil intellectuel.
36:43 Donc l'utopie a un caractère séduisant.
36:49 Le réalisme n'est pas très séduisant.
36:51 Donc, me semble-t-il, l'utopie a plus tendance
36:57 à se réaliser dans l'histoire que...
37:01 Alors pour le meilleur ou pour le pire, effectivement.
37:03 Alors, vous avez raison de le souligner.
37:07 Si j'étais provocateur, je dirais, le progressisme,
37:10 c'est une sorte de science-fiction politique, si vous voulez.
37:13 C'est la même chose que la science-fiction.
37:15 Le progressisme, c'est le culte du progrès, de l'avenir,
37:19 des lendemains qui vont chanter.
37:21 C'est le culte de la science qui va permettre à l'homme
37:24 d'être comme des dieux, comme disait le serpent,
37:27 dans le jardin d'Éden.
37:28 Et puis, en même temps, c'est une fiction
37:31 parce que cette idéologie repose quand même
37:34 sur une conception de l'homme
37:36 qui n'est pas avérée scientifiquement,
37:39 qui est une conception poétique de l'homme,
37:41 comme l'avait Jean-Jacques Rousseau.
37:43 Mais ce n'est pas une conception très réaliste,
37:45 c'est une conception fantasmée de l'homme.
37:47 Donc, si vous voulez, c'est pour ça qu'il y a
37:50 une sorte de rencontre entre le progressisme
37:53 et la fiction.
37:54 Mais il y a deux volets.
37:56 Ce que vous évoquez, c'est les deux volets.
37:58 Ce n'est jamais que les deux volets de l'utopie.
38:00 L'utopie fait rêver l'avenir à Dieu,
38:03 et puis il y a la réalité du modèle utopique
38:05 qui, lui, ne fait pas rêver du tout,
38:07 qui est au contraire, qui fait peur.
38:09 - Un des grands thèmes de l'époque présente,
38:11 des temps présents, c'est ce qu'on appelle
38:13 le transhumanisme, ou l'idée d'un humain
38:15 modifié d'une manière ou de l'autre.
38:17 Est-ce que la science-fiction telle que vous l'avez lue,
38:20 relue, annonce ce qu'on appelle aujourd'hui
38:22 le transhumanisme ?
38:24 - Écoutez, lisons l'île du docteur Moreau, de Wells.
38:28 Qu'est-ce qu'il raconte ?
38:30 Il raconte qu'un médecin un peu spécial,
38:32 dans une île, essaie de transformer
38:34 les animaux en hommes.
38:36 Évidemment, l'histoire va mal se terminer,
38:38 mais ce thème, il est sous-jacent,
38:42 il a été traité par un certain nombre de gens.
38:46 On a beaucoup parlé des livres,
38:48 il ne faut pas oublier les films,
38:50 il y a beaucoup de films sur la thématique,
38:52 notamment du clonage, qui existe,
38:54 pensant aux films "À l'aube du sixième jour",
38:57 par exemple, qui montrent bien ce sujet.
39:00 C'est un thème qui a été abordé
39:02 dans la fiction des années 60 aussi,
39:04 qui partant de l'idée que les oligarques
39:07 bénéficieraient de progrès de la médecine,
39:11 d'un certain surhumanisme,
39:13 de l'homme augmenté,
39:15 pendant que le reste de la population...
39:17 - Traduisons méchamment,
39:18 les hommes de la Silicon Valley
39:19 profiteront du monde qui vient,
39:20 alors que le commun est mortel
39:21 sera traité comme une technologie suède.
39:23 - Oui, je pense à un petit livre de Peter Randah,
39:27 qui s'appelle "Les Éphémères",
39:29 et qui raconte une société très duale,
39:31 où précisément les éphémères,
39:34 c'est tout le bas peuple,
39:36 pendant que l'élite a une vie très longue,
39:39 parce qu'elle a accès à de la médecine
39:43 très particulière,
39:44 auxquelles les autres n'ont pas accès.
39:46 Ce thème a été traité
39:48 à la fois du point de vue, je dirais,
39:52 de la folie de certains scientifiques,
39:55 c'est toujours le même thème,
39:57 la science sans conscience
39:58 est la ruine de l'âme, comme on dit.
40:00 Et en même temps,
40:02 sur le thème de la société duale,
40:04 une petite oligarchie va se concocter
40:07 un monde agréable,
40:09 pendant que le reste de l'humanité est condamné.
40:11 - L'autre thème des années présentes,
40:13 des jours présents, des minutes présentes,
40:15 c'est l'intelligence artificielle.
40:17 - Tout à fait.
40:18 - Quand on pense à des films,
40:19 je trahirai mon jeune âge,
40:21 mais des films de ma jeunesse,
40:23 "Terminator",
40:24 qu'est-ce que c'est "Terminator" ?
40:25 C'est ce monde où les systèmes de défense
40:27 sont confiés à une intelligence supérieure
40:29 artificielle,
40:30 et finalement, par leurs algorithmes,
40:32 conduisent le monde à la guerre nucléaire.
40:34 C'est une image parmi d'autres,
40:36 mais est-ce qu'on peut dire
40:37 que l'intelligence artificielle,
40:38 dans sa part inquiétante,
40:40 a aussi été anticipée par la science-fiction ?
40:43 - Oui, je pense que c'est toute la thématique
40:45 des robots, la robotique.
40:48 Isaac Asimov a écrit de très nombreux romans.
40:53 Il me semble que cette thématique
40:56 recycle un certain nombre de grands archétypes classiques.
41:00 D'abord, l'archétype de l'apprenti sorcier,
41:03 fondamentalement,
41:04 je crée une machine qui va m'échapper.
41:06 On pourrait penser au golem de Prague,
41:08 cette même thématique.
41:10 L'homme fabrique des choses
41:13 et il ne les maîtrise pas.
41:15 Alors, ça renvoie à un grand courant,
41:17 dont on n'a pas trop parlé,
41:19 mais qui est très important,
41:21 notamment chez Wells,
41:23 qui est l'inquiétude devant le monde de Titan,
41:26 dans lequel on rentre,
41:27 du fait de la technologie et de la science
41:29 qu'on ne maîtrise pas.
41:30 C'est un thème qui apparaît
41:32 et qui se traduit dans la peur du robot,
41:35 dans la peur de l'intelligence artificielle
41:37 qui va prendre notre place,
41:39 et non seulement prendre notre place,
41:41 mais dans le cas de Terminator,
41:42 qui va nous détruire.
41:43 Ça a été un thème important,
41:46 alors qu'il a aussi été traduit sur un autre plan,
41:49 la dépendance des hommes
41:51 à l'égard de cet outil.
41:53 Il y a un roman que j'adore,
41:55 qui est "Un bonheur insoutenable" d'Ira Levin,
41:58 qui est écrit en 1970,
42:00 qui est à mon avis une bonne synthèse
42:02 entre les deux courants qu'on évoquait tout à l'heure,
42:05 et qui montre une société
42:07 entièrement dépendante
42:09 d'un gigantesque complexe informatique
42:11 qui est sous les Alpes.
42:13 Et tout est dirigé par ça.
42:14 Les gens ne prennent des décisions
42:16 que parce qu'ils sont soumis,
42:18 parce qu'ils utilisent cet outil informatique,
42:20 ils sont devenus en quelque sorte
42:22 des victimes du système.
42:23 Donc ça, c'est vraiment un grand thème,
42:25 un grand classique de la science-fiction,
42:30 la révolte des robots.
42:32 Il y a évidemment un volet ludique,
42:34 ludite, plus exactement,
42:36 ça peut être ludique aussi,
42:38 mais c'est surtout ludique,
42:39 savoir que l'informatique,
42:42 l'informatisation, l'IA,
42:44 va me prendre mon travail et mon humanité.
42:48 Je pense que c'est un vrai sujet.
42:49 - Marcel de Matrygan.
42:50 - Pourquoi les auteurs que vous citez,
42:52 même ceux les plus connus,
42:53 sont-ils majoritairement anglo-saxons ?
42:56 - Alors là, c'est très révélateur, à mon avis,
43:01 que George Orwell, en 1984,
43:05 son Oceania, le pays imaginaire qu'il évoque,
43:10 en fait, ce sont des pays anglo-saxons.
43:12 Il a divisé le monde en trois catégories.
43:14 Il y a l'Est, il y a l'Asie,
43:17 et il y a l'Oceania, pays anglo-saxon.
43:20 Je pense que ce n'est pas neutre,
43:22 parce que, d'une certaine façon,
43:25 il a anticipé l'idée que la tyrannie
43:30 ne serait pas uniquement une tyrannie orientale et asiatique,
43:33 mais que les facteurs tyranniques
43:36 allaient aussi toucher notre société occidentale,
43:38 qui a quand même été...
43:40 Personnellement, qu'est-ce que c'est que l'Occident, aujourd'hui ?
43:42 C'est l'espace qui est formaté par les pays anglo-saxons,
43:45 qui partent notamment de l'idéologie anglo-saxonne
43:50 des réalisations matérielles
43:52 et puis de la vocation universelle
43:55 à imposer un ordre considéré comme idéal.
43:59 N'oublions pas un témoignage extraordinaire,
44:05 qui est celui des dissidents soviétiques passés à l'Ouest.
44:08 Au début, ils sont accueillis à bras ouverts,
44:11 parce qu'ils permettent de critiquer, évidemment,
44:13 l'Union soviétique, à juste titre,
44:15 et puis, d'autre part, parce qu'ils portent déjà
44:18 la grande révolution des droits de l'homme derrière,
44:20 qui est en train d'arriver.
44:21 Mais qu'est-ce qui va se passer ?
44:23 Malheureusement, au bout d'un certain temps,
44:25 les dissidents vont être effrayés,
44:27 parce qu'ils vont dire "Oh là là, mais l'Occident
44:29 est sur la même pente que le système soviétique".
44:33 Avec cette circonstance aggravante,
44:35 disent-ils que nous, on n'aime pas la dictature,
44:38 on n'aime pas la tyrannie,
44:39 mais vous, les Occidentaux, vous aimez la tyrannie,
44:42 vous aimez votre servitude.
44:44 Témoignage très dur et très fort.
44:47 Je pense que ce n'est pas neutre.
44:49 Comme je le dis tout à l'heure,
44:51 la science-fiction invoque un peu le progressisme.
44:55 La science-fiction se développe à la fin du XIXe,
45:00 puis surtout au XXe siècle, tel qu'on l'a connu,
45:03 qui est le siècle du progressisme,
45:05 le siècle de la puissance des pays anglo-saxons,
45:09 le puissance de l'américanisme.
45:11 Ce n'est pas complètement neutre.
45:13 Mais je précise qu'il y a quand même
45:15 une science-fiction soviétique.
45:17 - Et française aussi.
45:18 - Et française, bien sûr.
45:20 Mais c'est aussi révélateur que beaucoup d'auteurs
45:23 de science-fiction français ont voulu
45:25 prendre des noms anglo-saxons.
45:27 - Il nous reste moins d'une minute.
45:29 Imaginons, dans les auteurs, les livres
45:31 qui paraissent aujourd'hui et qui annoncent
45:33 le monde de demain, quelles sont les tendances
45:35 annoncées par la science-fiction des temps présents?
45:37 De quoi doit-on s'inquiéter, pour autrement dit?
45:39 - De tout, de tout, je dirais.
45:41 Non, mais il y a une tendance au pessimisme
45:45 en brillant qui apparaît.
45:47 Je citais tout à l'heure Alain Damasio.
45:49 Beaucoup de ses ouvrages tournent autour
45:51 du thème de la révolte contre un système totalitaire.
45:55 Je pense à "La zone du dehors", par exemple.
45:57 Donc c'est à la fois pessimiste et optimiste.
45:59 Parce que ça veut dire aussi que si on est face
46:03 à un système qui veut réduire les libertés,
46:05 ça veut dire que, comme j'ai eu l'occasion
46:07 de l'écrire dans un autre essai,
46:09 le monde est en train quand même d'échapper
46:11 à un certain nombre de gens, à certaines oligarchies.
46:13 Donc il faut avoir une certaine vision de l'espoir
46:16 quand même sur l'avenir.
46:17 L'avenir est ouvert, comme dit un personnage
46:19 du roman de Philippe Dick, "Le maître du haut château".
46:23 - Merci beaucoup, Philippe.
46:24 Michel Geoffroy, pour cet éclairage.
46:27 Je rappelle votre ouvrage et votre essai
46:31 sur le meilleur des mondes.
46:34 Bienvenue dans le meilleur des mondes.
46:35 Merci à tous les deux.
46:36 - Très grand plaisir.
46:37 - Merci Arthur. Dans un instant, restez avec nous
46:39 pour la première de la semaine 2,
46:42 la semaine de Philippe Devilliers,
46:44 présentée par Geoffroy Lejeune.
46:47 [Musique]