• il y a 8 mois
Mathieu Bock-Côté propose un décryptage de l’actualité des deux côtés de l’Atlantique dans #FaceABockCote

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00:00 - Quasiment 19h sur CNews, merci d'être avec nous pour "Face à Mathieu",
00:04 Bog Côté, Mathieu Bog Côté, bonsoir.
00:06 - Bonsoir.
00:07 - Bonsoir Arthur de Vatrigan.
00:09 - Bonsoir Eliott.
00:09 - On commence l'émission dans un instant, d'abord l'information avec Mathieu Devese.
00:13 Bonsoir Mathieu.
00:14 - Bonsoir Eliott, bonsoir à tous.
00:15 Un homme a été condamné à 7 mois de prison pour avoir volé des documents relatifs
00:21 aux Jeux Olympiques.
00:21 Âgé d'une vingtaine d'années, il a été jugé en comparution immédiate
00:24 devant le tribunal correctionnel de Paris.
00:27 Lundi dernier, un employé de la mairie avait porté plainte après s'être fait voler
00:30 une sacoche dans un train.
00:32 Elle contenait donc un ordinateur et deux clés USB avec des plans de sécurisation
00:36 des JO de Paris.
00:38 L'Allemagne enquête sur une très grave fuite au sein de son armée.
00:42 Des échanges entre plusieurs officiers allemands ont été diffusés sur des réseaux
00:45 sociaux en Russie.
00:46 Ils portent sur des livraisons d'armes à l'Ukraine et leur impact potentiel.
00:51 Enfin, des centaines de Russes ont défilé à Moscou devant la tombe d'Alexei Navalny.
00:56 Plus de deux semaines après son décès, le principal détracteur de Vladimir Poutine
01:00 a été enterré hier et selon des ONG de défense des droits humains,
01:04 au moins 128 personnes ont été arrêtées lors des hommages à Alexei Navalny.
01:09 Merci Mathieu pour le point sur l'information à la une de face à Mathieu Bocoté.
01:13 Dans l'indifférence médiatique et politique, Marion Maréchal a été honteusement
01:17 attaquée au salon de l'agriculture.
01:19 Un homme lui a lancé un verre de bière sur le visage.
01:22 Il y a quelques mois, Marion Maréchal était qualifiée de pin-up
01:25 sur un plateau d'une chaîne d'information sans que cette insulte
01:28 ne provoque la moindre réaction des féministes.
01:31 Est-ce qu'en étant de droite, l'insulte, la violence doit être tolérée ?
01:36 Pourquoi cette indignation à la géométrie variable ?
01:39 On en parle dans un instant.
01:40 À la une également, la campagne européenne sera pour certains antifasciste
01:44 ou ne sera pas, reste à savoir ce qu'il faut mettre dedans.
01:48 La contestation de l'européisme, c'est antifasciste ou non ?
01:52 L'appel à la paix, antifasciste ou non ?
01:55 À 100 jours de l'élection, quels sont les enjeux des européennes ?
01:58 Et les mots de réponse dans cette émission ?
02:00 Enfin Mathieu, vous recevez Laurent Dandrieu, journaliste, critique cinéma,
02:04 auteur entre autres du dictionnaire passionné du cinéma,
02:07 de la Cinémathèque idéale.
02:09 Une semaine après les Césars, comment se porte le septiéma en hexagone ?
02:13 Voilà le programme face à Mathieu Bocoté. C'est parti.
02:17 [Musique]
02:29 Question absolument passionnante Mathieu Bocoté.
02:31 Est-il légitime d'agresser les femmes de droite ?
02:34 De passage au salon de l'agriculture, Marion Maréchal,
02:36 la tête de l'Istre aux conquêtes aux élections européennes, a été agressée.
02:40 On lui a déversé presque un tonneau de bière sur la tête.
02:43 Si la femme politique a bien réagi, on ajoutera toutefois qu'elle n'a pas vraiment reçu
02:47 de soutien de la part des autres femmes politiques,
02:50 encore moins des féministes engagées contre les violences faites aux femmes.
02:54 Et tout cela vous amène à vous poser quelques questions désagréables.
02:57 Oui, parce que je balaie dès maintenant l'idée que Marion Maréchal
03:02 n'aurait pas vraiment été agressée.
03:04 Elle aurait seulement reçu un verre de bière, un tonneau de bière,
03:06 c'est pas très grave, c'est de la bière, c'est pas très grave,
03:08 il faut prendre ça avec humour.
03:10 Ce qu'elle a fait d'ailleurs, je le précise,
03:12 je devine qu'elle n'a pas trouvé ça agréable,
03:14 mais je devine qu'elle l'a fait pour neutraliser l'effet médiatique d'une telle agression.
03:20 Mais qu'on se comprenne bien, il s'agit d'une agression physique,
03:24 il s'agit de la version « liquide » de l'entartage.
03:27 Mais l'entartage ce n'est pas qu'une stratégie,
03:30 c'est pas ce qu'elle en fait pour faire rire,
03:31 en fait c'est une agression dissimulée derrière l'illusion d'un sourire.
03:38 C'est une agression ludique,
03:40 mais c'est une agression néanmoins qui surtout envoie un signal dans l'espace public.
03:45 Cette femme est une cible,
03:48 cette femme nous pouvons l'agresser.
03:50 Et après, dans ce cas-là, le verre de bière,
03:54 j'ose pas dire le boc de bière,
03:55 après le verre de bière, quelle est la suite ?
03:59 C'est la possibilité de l'agression physique qui vient d'être posée avec Marion Maréchal.
04:04 D'ailleurs les services de sécurité qui font probablement tout ce qu'ils peuvent pour leur travail
04:08 n'ont pas été capables dans de telles circonstances.
04:09 Il s'agit juste qu'on ne dédramatise pas ce qui s'est passé,
04:13 parce qu'une fois qu'une cible est fixée,
04:15 la suite c'est la radicalisation de l'agression contre cette cible.
04:19 Premier élément, mais vous l'avez noté avec raison,
04:23 très très peu d'échos médiatiques, quelques-uns,
04:26 c'est pas un silence total,
04:27 mais très peu d'échos médiatiques,
04:29 comme s'il était légitime d'agresser Marion Maréchal.
04:33 D'ailleurs j'ai lu plusieurs, la politesse m'interdit de les citer,
04:36 mais plusieurs, des journalistes,
04:38 quelquefois belges, je le précise, c'est étonnant,
04:39 ou peut-être pas finalement,
04:41 disent que c'est une microagression contre une fasciste
04:45 qui est tout à fait légitime.
04:46 Microagresser les fascistes, c'est très bien.
04:49 Et là des journalistes se permettent de dire cela.
04:52 On est devant des gens qui applaudissent
04:55 lorsqu'on s'en prend physiquement à une femme.
04:57 Les violences faites aux femmes n'importent plus.
04:59 Mais, je note un commentaire, cela dit, qu'il vaut la peine de mentionner,
05:04 c'est celui de Gilles Clavreul,
05:06 qui à son nom vous le noterez n'est pas une femme,
05:08 et qui est un intellectuel de gauche de qualité.
05:10 On peut être en désaccord avec lui sur plusieurs points,
05:11 mais c'est un homme de qualité qui a dit
05:13 « se réjouir de voir une femme humiliée,
05:16 quoi que l'on pense d'elle, quoi qu'elle ait fait,
05:18 n'est-il pas justement quelque chose à voir,
05:20 sinon avec l'idéologie, du moins, avec cette disposition perverse
05:23 qui rend le fascisme possible? »
05:25 Donc, acte, certains intellectuels de gauche
05:26 ont marqué leur opposition.
05:28 Ils étaient un peu rares, hélas.
05:31 Mais ça me fait penser à d'autres cas des dernières années
05:34 qu'il faut mentionner pour avoir tout le portrait à l'esprit.
05:37 Pensez à notre collègue Charlotte Dornelas,
05:39 qui avait, c'était sur France Inter, un humoriste,
05:42 vous savez, ces gens qui sont payés plus cher qu'ils ne le devraient
05:44 pour faire des commentaires qui ne sont pas drôles
05:45 et qui prétendent l'être,
05:47 et qui avait fait un commentaire,
05:48 « La politesse m'interdit de dire autre chose que disgracieux et odieux
05:52 au sujet de Charlotte Dornelas. »
05:54 C'était permis de le faire,
05:55 et encore une fois, sous le signe du rire gras,
05:57 d'un discours qui, à ce que j'en sais,
05:59 dans une époque marquée par le MeToo,
06:01 devrait heurter les consciences.
06:03 C'était avant la vague MeToo,
06:04 mais il devrait heurter les consciences.
06:05 Là, aucun souci, parce qu'il était encore une fois permis
06:08 d'être non seulement graveleux, non seulement rigolard,
06:11 mais tout simplement odieux avec une femme
06:13 parce qu'elle était présentée comme étant de droite.
06:17 Notre collègue Christine Kelly aussi,
06:19 qui a dû souvent, pour exercer son métier,
06:22 avoir des gardes du corps autour d'elle.
06:24 Est-ce que ça fait des menaces de mort?
06:27 Est-ce que dans l'espace médiatique,
06:28 on a entendu quelque chose comme une solidarité
06:31 à l'endroit de Christine Kelly,
06:33 qui soit, disant, je le précise,
06:35 à même pas le... je la classerais pas "femme de droite",
06:38 ce que je sais, c'est qu'elle accepte d'interviewer
06:40 des gens dits de droite sans les traiter immédiatement
06:42 comme des monstres et comme des diables.
06:44 On appellerait ça autrefois du bon journalisme,
06:47 mais parce qu'elle ne participait pas
06:49 au processus de diabolisation,
06:50 on s'est donc permis de la menacer.
06:52 Christine Kelly a dû vivre avec des agents de sécurité.
06:55 Est-ce que pour d'autres journalistes,
06:56 on trouverait ça tolérable?
06:57 Non, mais pour Christine Kelly, on n'en parlait pas.
06:59 Je donne un autre exemple d'une figure plus polémique,
07:02 celle-là, Thaïs Descuffon.
07:04 On peut être en désaccord ou non avec ce qu'elle fait,
07:06 la question n'est pas là,
07:07 mais le fait est qu'elle a été, cette semaine,
07:10 la vidéo a circulé sur les réseaux sociaux,
07:12 intimidée par des antifas sur une terrasse
07:14 où elle était avec, je crois, une amie et sa grand-mère
07:17 ou quelque chose comme ça.
07:18 Et peu importe ce que l'on pense des propos de Mme Descuffon,
07:21 eh bien, il n'est pas légitime d'intimider en terrasse
07:24 qui que ce soit, vous savez, des gens cagoulés,
07:25 des gens masqués, qui n'ont même pas le courage de s'afficher
07:28 et qui décident d'intimider quelqu'un en la traitant
07:30 de fasciste sur une terrasse comme s'ils se permettaient
07:32 de s'emparer de l'espace public.
07:34 Et là qu'on se comprenne bien, je ne mets pas toutes ces femmes
07:37 dans la même catégorie, elles ont chacune leur singularité,
07:40 elles ont chacune leur distinction.
07:42 Je dis qu'une certaine gauche les met dans la même catégorie,
07:45 elle ne les aime pas, donc elle les classe à droite,
07:47 entre guillemets, et dès lors, contre elle,
07:49 les agressions, les menaces, les agressions physiques,
07:53 les propos les plus insultants sont permis.
07:56 Ça nous en dit beaucoup sur l'éthique du débat.
07:58 - Mathieu Bocoté, vous nous présentez ici
08:00 une véritable dégradation des mœurs politiques.
08:03 N'y a-t-il pas ici le rêve d'en finir tout simplement
08:07 avec ces ennemis que la gauche ne cache plus finalement?
08:10 - Une certaine gauche, assurément, et on l'a vu aussi
08:13 dans une controverse qui dure depuis une semaine,
08:15 qui a commencé sur les services publics,
08:17 qui s'est poursuivie sur les réseaux sociaux
08:19 et qui a été reprise dans la presse de gauche.
08:21 Je parle de l'émission de Répliques, la semaine dernière,
08:23 donc non pas aujourd'hui, mais la semaine dernière,
08:25 animée par, présentée par Alain Finkielkraut
08:28 sur les services publics, qui recevait,
08:30 pour parler de la question du féminisme,
08:32 Noémie Alioua, qu'on a reçue ici d'ailleurs,
08:34 qui a écrit le livre "La terreur jusque sous les draps",
08:37 et Victoire Dij-Touaillon,
08:40 qui est une néo-féministe très militante.
08:43 Les trois sont là, le débat a lieu,
08:45 il est assez vigoureux quand même.
08:47 Après l'émission, que se passe-t-il?
08:49 Eh bien, Touaillon et Alioua postent sur Twitter,
08:54 je crois, même avant l'émission, pardonnez-moi,
08:56 mais ils prennent la photo après l'émission
08:58 et ils la postent ensuite.
08:59 Il y a une photo du trio qui a débattu.
09:03 Et là, il y a une réaction très vive de la part
09:06 de Victoire Touaillon, la base de Victoire Touaillon,
09:09 non pas d'elle, qui dit "mais comment avez-vous osé
09:12 débattre avec cette femme qui est une réactionnaire?
09:15 Et comment avez-vous osé débattre avec Alain Finkielkraut,
09:18 qui est un réactionnaire lui aussi,
09:19 parce qu'ils sont tous réactionnaires.
09:20 S'ils ne sont pas néo-féministes, ils sont tous réactionnaires."
09:22 Et là, encore une fois, des propos orduriers,
09:25 et on accuse, on dit les idées moisies de Finkielkraut
09:28 et d'Alioua.
09:29 Donc, on n'est pas devant des gens avec qui on peut débattre,
09:31 on est devant des idées moisies apparemment.
09:33 Philosophe réac, lui, pour Finkielkraut,
09:35 Alioua, on l'accuse d'avoir trahi son sexe
09:39 parce qu'elle prend la défense de l'amour
09:40 et se montre critique des excès d'un certain MeToo, notamment.
09:44 Donc là, le débat est très vif sur les réseaux sociaux.
09:47 Donc, que fait Victoire Touaillon,
09:48 qui a été très... qui est critiquée par sa base?
09:51 Elle s'excuse ensuite dans un tweet qui suit sur Twitter
09:55 où elle s'excuse à sa base d'avoir pris cette photo
09:58 avec Finkielkraut, avec Alioua, en disant...
10:00 en fait, genre, c'est un rire moqueur,
10:03 c'est un rire sans respect,
10:05 c'est un rire de mépris devant ses réactionnaires.
10:08 Et elle s'excuse à sa base d'avoir osé parler au camp d'en face.
10:11 Faut qu'on se comprenne.
10:12 Elle était très heureuse d'être invitée chez Réplique.
10:15 Elle était très heureuse de débattre avec Alain Finkielkraut
10:17 et Noemi Alioua.
10:18 Elle était très heureuse d'avoir cette consécration intellectuelle.
10:21 Mais quand sa base l'a conspue, qu'est-ce qu'elle fait?
10:24 Elle décide de se tourner sans la moindre courtoisie
10:27 contre ceux avec qui elle a débattu,
10:29 avec qui elle avait pris une photo qu'elle avait publiée
10:31 avec fierté sur les réseaux sociaux.
10:33 Elle se retourne contre eux
10:35 et elle transgresse les règles élémentaires de la courtoisie.
10:38 Je me permets d'en parler parce qu'il y a une suite de tout ça
10:41 dans la presse de gauche, notamment dans Libération.
10:44 Et dans Libération, il y a un papier avec ce titre exceptionnel,
10:47 « Pourquoi c'est compliqué de débattre avec Alain Finkielkraut
10:50 quand on est féministe? »
10:51 Et là, il y a tout un papier de Mme Joanna Luysen,
10:54 j'espère ne pas mal prononcer son nom,
10:56 qui dit finalement qu'on ne doit pas aller débattre avec Finkielkraut.
11:00 C'est une figure illégitime.
11:02 Aller débattre chez lui, c'est légitimer son existence.
11:05 Et elle terminait son papier avec la phrase suivante,
11:09 lorsqu'une féministe va sur le plateau Finkielkraut.
11:12 « En revanche, leur présence même participe à légitimer une émission
11:16 qui, sans ses quelques fers-valoirs progressistes distillés ça et là
11:20 histoire de donner le change,
11:22 pourrait aussi bien quitter le service public
11:24 pour aller squatter les podcasts de chez Valeurs Actuelles.
11:27 Venir débattre à réplique afin d'empêcher Alain Finkielkraut
11:31 de se ghettoïser, voilà un combat féministe
11:34 qu'on pourra qualifier sans problème de secondaire. »
11:37 Donc, ce qu'on comprend bien, c'est qu'Alain Finkielkraut,
11:40 sur France Culture, pour ceux qui sont familiers de cette chaîne radio,
11:44 il incarne le pluralisme sur France Culture.
11:46 C'est la voix dissidente.
11:48 Et non pas parce que voix militante, mais justement parce que voix non militante.
11:52 Et plus encore, dans son émission, il a toujours le souci d'avoir les deux points de vue.
11:56 Donc, il refuse le concert sous le signe de l'unanimité.
12:00 Il a toujours le souci du pluralisme dans ses émissions.
12:03 Que nous dit-on dans Libération?
12:05 Que c'est une voix de trop qui devrait se retrouver avec les podcasts de Valeurs Actuelles,
12:09 ce qui ne sera pas déshonorant soit dit en passant,
12:11 qui devrait quitter le service public parce qu'il est de trop sur le service public.
12:15 Finkielkraut, je n'ai pas l'impression qu'il est dominant sur le service public.
12:18 Ce que j'en retiens, c'est que pour ces gens-là,
12:20 le pluralisme, c'est très mal sur le service public.
12:23 Puis après ça, ces gens-là donnent des leçons à d'autres
12:25 en expliquant qu'il n'y a pas assez de pluralisme chez eux.
12:27 Je dis ça comme ça.
12:28 Donc, il y a quelque chose d'assez fascinant dans cet appel à la purge lancé contre Finkielkraut
12:32 en disant « nous devons le bouder, nous devons le boycotter pour faire en sorte
12:35 que lui et ses amis, lui et ceux qui pensent un peu comme lui, soient enfermés en eux-mêmes
12:39 et qu'on puisse enfin se délivrer d'eux sur le service public. »
12:42 Mathieu Bocoté, autrement dit, vous nous parlez d'une société plus tolérante à la violence qu'elle ne le dit.
12:48 Alors, moi, ça m'a pris du temps à le comprendre,
12:51 mais nos sociétés ne sont pas du tout contre la violence.
12:53 Elles veulent simplement une violence ciblée, ciblée contre ceux qui pensent mal.
12:56 Les antifas, lorsqu'ils décident de frapper, les antifas, lorsqu'ils décident de se comporter
13:01 de la manière la plus violente qu'ils soient, ne sont à peu près jamais sanctionnés.
13:05 Ce n'est pas un détail.
13:06 On essaie de comprendre cette complicité.
13:08 Lorsqu'ils essaient de se chercher à déstructurer un meeting, par exemple, d'Éric Zemmour ou de Marine Le Pen ou d'autres,
13:15 eh bien, il y avait une complaisance dans les médias pour ça.
13:18 Et lorsque finalement des gens se défendent lorsqu'ils sont agressés par les antifas,
13:21 on présente ça comme une rixe assez particulière quand même.
13:24 Mais il y a aussi une forme de violence institutionnelle dans nos sociétés.
13:26 Lorsqu'on veut censurer des intellectuels, des penseurs, des écrivains, des journalistes,
13:32 peut-être même des médias, qui ont le malheur de ne pas reproduire exactement le discours de l'idéologie dominante.
13:37 On est dans une société qui n'est pas antiraciste.
13:40 Elle tolère parfaitement le racisme anti-blanc.
13:42 Elle va même jusqu'à expliquer que si vous nommez le racisme anti-blanc, c'est que vous êtes vous-même un raciste blanc.
13:47 On est dans une société qui tolère très bien le racisme pourvu qu'il s'agisse du racisme anti-blanc.
13:51 C'est quand même assez étonnant.
13:53 Donc, on est dans une société qui, finalement, depuis plusieurs années, une trentaine d'années,
13:56 a multiplié les persécutions idéologiques, politiques, financières, bancaires,
14:01 contre les atteintes à la réputation, la destruction des carrières, contre ceux qui y pensaient mal.
14:06 Eh bien, le problème, c'est qu'aujourd'hui, ça s'étend de plus en plus.
14:09 Et ça ne fera plus seulement de marge de la population, ça touche de plus en plus de gens.
14:13 Et on se rend compte que nos sociétés libérales sont bien et fidèles à ce qu'elles prétendent être.
14:17 Arthur de Vatrigan, il y a des violences qu'on n'accepte pas, mais qu'on ne condamne pas forcément.
14:24 Il y a des violences qu'on accepte aussi.
14:26 Mais ça fait bien longtemps que cette gauche, parce que c'est une partie de la gauche,
14:29 mais qui est de plus en plus importante, est devenue l'asile de tout ce qu'elle fend de combattre.
14:34 Vous avez la violence, le racisme, l'antisémitisme, et le sexisme, évidemment, et surtout bien d'autres.
14:41 Le problème, c'est que particulièrement, vous voyez le monde en noir et blanc.
14:45 Déjà, un, c'est plus facile à vivre, mais vous avez juste deux camps.
14:49 Il y a le camp du bien et les autres.
14:50 Il y a la nuance, l'incertitude, le doute, ça n'existe pas.
14:54 Donc, à eux, le camp des élans nobles, de l'aspiration au bien et au vrai,
14:58 et aux autres, le camp des heures sombres.
15:00 Donc, s'il vous plaît, ils ne voient pas dans l'autre une différence de point de vue,
15:05 ils voient dans l'autre une différence de nature.
15:07 Ça change tout le rapport que vous avez à la politique et au monde.
15:10 Il faut juste écouter leur vocabulaire, ou le lire,
15:13 "désobéissant, civique, idée moisi, éliminé, combattre, néofasciste, post-fasciste, nazi".
15:21 Alors, certes, ils ont l'imagination dans l'usage des synonymes, évidemment,
15:25 mais tout ce vocable-là ne relève pas de la politique,
15:28 c'est un vocable qui relève de la guerre, tout simplement.
15:30 Donc, ils ne sont pas là pour s'opposer, ils sont là pour anéantir et combattre.
15:34 Donc, forcément, quand vous appartenez à l'un ou l'autre camp,
15:37 vos droits ne sont pas les mêmes.
15:39 Vous pouvez jeter de la bière sur un adversaire politique,
15:42 vous pouvez jeter des cocktails Molotov sur la police,
15:45 vous pouvez asperger de soupe à Joconde, vous pouvez crever les pneus de voiture,
15:49 vous pouvez interdire des réunions à des personnes parce qu'elles sont blanches,
15:52 vous pouvez, évidemment, appeler des terroristes résistants,
15:55 vous pouvez réduire une femme à son corps
15:58 et maquiller vos pulsions de bouffe en rute par de l'humour subventionné,
16:02 comme c'était le cas sur France Inter,
16:04 vous pouvez marcher avec la tête de Marine Le Pen en haut d'une pique,
16:07 on l'a vu plusieurs fois,
16:08 vous pouvez également transformer la tête d'un ministre en ballon de foot,
16:11 vous pouvez convoquer une chaîne d'info à un comité de salut public,
16:14 sans que la corporation qui s'y prend pour agir habituellement ne bronche cette fois-ci.
16:18 Donc, voilà.
16:19 Après, moi, j'admire quand même cette gymnastique de leur conscience,
16:22 cette capacité à s'asseoir sur tout ce à quoi ils croient,
16:26 ou en tout cas, ils annoncent croire sans honte
16:28 et à prendre les Français pour des imbéciles.
16:30 Mais il y a des raisons à cette violence, elle n'est pas arrivée comme ça d'un coup.
16:33 Il faut déjà rappeler que la violence a toujours été revendiquée par l'extrême gauche.
16:37 C'est dans son ADN.
16:38 Alors, tant que le jeu démocratique lui permet de grimper,
16:41 elle accepte le jeu des règles et elle monte.
16:43 Mais une fois qu'elle a atteint son plafond de verre,
16:45 elle sort sans problème du jeu pour assumer une radicalité, une rupture
16:50 et normaliser la haine et la violence.
16:53 Or, depuis 2017, l'extrême gauche est devenue la norme à gauche
16:56 et tout ce qu'on appelait "gauche de gouvernement", "gauche républicaine"
16:59 est devenu une marge.
17:01 Et ensuite, vous avez quand même des débats qui sont autre chose
17:03 que ceux que vous aviez il y a 20 ans.
17:04 C'est-à-dire que ce sont des débats qui sont beaucoup plus profonds,
17:06 beaucoup plus violents.
17:07 Les questions auxquelles on doit répondre, la France doit répondre,
17:11 ce ne sont pas des points de CSG, ce sont des questions civilisationnelles.
17:13 Donc, c'est autrement plus complexe.
17:15 Et l'enjeu qui est si primordial devrait nécessiter de la prudence.
17:20 La prudence, c'est ce que nous ont appelé les Grecs, nos anciens,
17:23 c'est l'automne de la réflexion et de la sagesse.
17:25 Et ça demande du courage pour justement confronter les idées,
17:28 les opinions et l'information.
17:29 On appelle ça, si vous voulez, la démocratie.
17:31 Mais cette gauche-là, elle a choisi autre chose.
17:33 Elle a choisi en bonne héritière de Robespierre de nommer l'ennemi,
17:36 de le désigner et puis ensuite de vouloir l'éliminer.
17:39 – Autre sujet à présent, Mathieu Bocoté.
17:42 Céline Hayé, que personne ne connaissait cette semaine,
17:46 est désormais la tête de liste Renaissance européenne.
17:49 Elle a précisé sa lecture des enjeux au cœur de ses élections.
17:53 Et si on la comprend bien, elle semble croire
17:56 qu'elles ne sont pas sans lien avec la Seconde Guerre mondiale.
17:59 Expliquez-nous.
18:00 – Elle a une culture historique approximative, je crois.
18:02 Alors, je cite Le Monde, qui est les propos rapportés dans Le Monde.
18:05 « Le risque, c'est de vivre un Brexit de l'intérieur
18:09 si les eurosceptiques sont majoritaires.
18:11 Ces forces veulent mettre fin au projet de Jacques Delors et de Simone Veil.
18:15 Elles veulent détruire l'Europe de l'intérieur
18:17 et mettre à bas notre modèle démocratique.
18:19 Ce sont les alliés objectifs de Trump et de Poutine.
18:23 C'est le programme de Jordan Bardella et de l'AFD allemande,
18:26 un parti néo-d'Asie qui défend un projet de remigration.
18:29 C'est Victor Orban qui ironise sur les chambres à gaz. »
18:32 Franchement, j'ai lu ça, je me suis dit,
18:34 on dirait en bon québécois « de que c'est ».
18:37 C'est-à-dire de quoi, mais un étonnement tel qu'on dit « de que c'est ».
18:40 Je vais m'expliquer, c'est vraiment du québécois ça.
18:43 Alors, on va décomposer l'affirmation.
18:45 Le Brexit de l'intérieur, donc le Bruxit, c'est vrai.
18:49 C'est une critique légitime du point de vue qu'on peut faire
18:51 des partis souverainistes d'euroceptique.
18:53 Ils veulent diminuer l'influence de Bruxelles dans la vie des nations.
18:57 La fin du projet de Jacques Delors et de Simone Veil,
19:00 alors c'est assez intéressant.
19:01 Donc l'Europe que nous construisons, c'est l'Europe de Jacques Delors.
19:04 Jacques Delors qui parlait d'une fédération des États-nations
19:07 et qui disait que ceux qui étaient contre Maestricht devaient quitter la politique.
19:11 C'est une conception assez orientée.
19:12 La mention de Simone Veil dans les circonstances, on comprend,
19:14 c'est simplement dans le cadre du débat sur l'IVG qui revient.
19:16 C'est une manière de dire « si vous n'êtes pas avec nous,
19:19 eh bien vous êtes avec les ennemis de l'IVG ».
19:21 Ah d'accord, bien tourné.
19:23 Détruire l'Europe de l'intérieur, déjà c'est plus étrange.
19:26 Donc il y a des forces qui veulent détruire l'Europe en Europe.
19:28 Pas déconstruire l'Union européenne, détruire l'Europe.
19:32 Mettre à bas notre modèle démocratique.
19:34 Donc on comprend qu'en ce moment, ce n'est plus un débat
19:36 entre différentes forces démocratiques.
19:37 Il y a ceux qui veulent sauver la démocratie
19:39 et des forces antidémocratiques qui seraient les populistes.
19:41 Donc là, on entre dans la logique de l'extrême centre
19:43 qui consiste à dire qu'on doit exclure de la vie publique
19:46 et du débat politique des forces qui,
19:48 parce qu'elles ne se reconnaissent pas dans notre idéologie,
19:50 sont accusées d'être antidémocratiques.
19:52 Alliés objectifs de Trump et de Poutine.
19:55 Je précise que ces deux-là sont différents, soit dit en passant.
19:58 Mais on comprend qu'il s'agit de diaboliser jusqu'à Poutine.
20:01 À ce que j'en sais, la complaisance pour Poutine
20:04 n'est pas la norme chez tous les eurosceptiques.
20:06 Le programme de Bardela est assimilé au néonazisme.
20:09 Franchement, devant ça, je capitule.
20:12 La bêtise peut triompher.
20:14 Et Victor Orban, qui est transformé en un esprit
20:16 qui banalise et rigole sur les chambres à gaz,
20:18 donc un crypto-nazi.
20:19 La boucle est bouclée.
20:20 Ce dont il est question, en mois de juin,
20:22 c'est de la lutte contre le nazisme.
20:24 - Et justement, Mathieu Bocoté a autrement dit
20:27 à vous entendre, Renaissance assimile au fascisme
20:31 et même au crypto-nazisme, l'idée de rompre
20:33 avec la dynamique européiste que l'on connaît
20:36 depuis Jacques Delors.
20:37 - Exactement. Autrement dit, l'Europe est confisquée
20:39 par ces européistes en disant que l'Europe,
20:41 c'est nous et c'est personne d'autre.
20:42 Donc si vous voulez le primat du droit national
20:44 sur le droit européen, si vous êtes critique
20:46 de la bureaucratie, de la technostructure,
20:48 si vous vous plaidez pour une Europe
20:49 qui véritablement stoppe l'immigration massive,
20:51 eh bien, vous basculez dans le fascisme.
20:53 Parce que c'est une extension du domaine de l'antifascisme.
20:56 L'antifascisme, après la Deuxième Guerre mondiale,
20:58 c'était la leçon du "plus jamais ça",
21:00 plus jamais l'horreur du nazisme,
21:01 plus jamais l'horreur du fascisme.
21:03 Mais on en est venu à croire, avec cette logique,
21:05 que toute forme d'adhésion à la nation, au patriotisme,
21:08 à l'enracinement de l'identité, c'était du nazisme
21:10 ou du fascisme ou du crypto-fascisme.
21:12 Et toute forme de souverainisme est un crypto-fascisme.
21:15 On en vient à oublier que ceux qui se sont battus
21:17 contre les nazis défendaient la souveraineté
21:19 de leur pays, tout comme ceux qui se sont battus
21:21 contre les communistes en Europe de l'Est.
21:22 Alors qu'est-ce qu'on voit à travers ça?
21:24 On censure, on étend sans cesse la définition du fascisme.
21:27 On l'assimile à toute force d'opposition.
21:30 Et au final, si vous êtes devant des fascistes,
21:32 vous ne débattez pas, vous combattez.
21:33 Et dès lors, il vous est permis presque d'interdire
21:35 leurs propos si nécessaire.
21:37 - Alors, si les Européens n'ont rien à voir
21:39 avec l'antifascisme, quel est l'enjeu,
21:41 l'enjeu majeur des Européens?
21:43 - Les conceptions de l'Europe divergent.
21:45 Je pense qu'on devrait être capable de débattre
21:47 sérieusement de l'Europe en laissant de côté
21:49 la Deuxième Guerre mondiale, qui n'est plus...
21:51 Nous n'en sommes plus contemporains.
21:53 Il y a les partisans d'une Europe fédérale centralisée,
21:55 presque d'un État européen.
21:57 La mouvance centriste, Renaissance, ainsi de suite.
21:59 Il y a les partisans d'une Europe civilisation,
22:01 les partisans de la droite nationale, conservatrice.
22:03 Il y a les partisans d'une Europe laboratoire,
22:05 du socialisme ou du néo-socialisme,
22:07 la gauche radicale.
22:09 Donc, il y a différentes conceptions de l'Europe
22:11 qui s'affrontent. Est-il possible de les mentionner
22:13 sans donner l'impression qu'on rejoue éternellement
22:15 39-45, 39-45, 39-45?
22:17 Les fascistes ont été battus, les nazis sont enterrés.
22:19 C'est merveilleux, on s'est délivré
22:21 de cette plaie de l'humanité. Est-ce qu'on pourrait
22:23 cesser de se battre contre des fantômes?
22:25 Les fantômes ne sont pas présents, ne sont pas vivants.
22:27 - Arthur De Vatrigan,
22:29 quels sont les enjeux de ces élections?
22:31 C'est la lutte contre l'antifascisme.
22:33 - Ah, ça, chaque élection,
22:35 de toute façon, la lutte antifasciste,
22:37 on sort l'abêtiment de sa poche,
22:39 on l'agite. Là, il faut reconnaître que
22:41 Mme Maillet, qui était inconnue jusqu'alors,
22:43 a fait fort pour son entrée dans l'arène.
22:45 Sauf que la finesse du Basse-Bouca,
22:47 autant ça a marché il y a quelques années,
22:49 ça ne fonctionne aujourd'hui. Ce qui est intéressant,
22:51 c'est qu'elle a affirmé son positionnement,
22:53 qui était le même que celui qu'Emmanuel Macron a eu face aux agriculteurs
22:55 le week-end dernier. Si elle ne sera pas
22:57 une élue française au Parlement européen,
22:59 elle sera une syndicaliste de l'Union européenne
23:01 en France. Dans ses déclarations,
23:03 son interview notamment au Figaro, c'est intéressant,
23:05 elle dit "depuis 2017, notre bilan
23:07 européen parle pour nous".
23:09 Bon, alors si le but était de faire imploser
23:11 l'Europe, c'est sûr que ça parle pour eux.
23:13 Je ne suis pas certain que ce soit l'objectif de la Macronie.
23:15 Ensuite, elle a quand même compris qu'il fallait
23:17 glisser quelques mots magiques, "patriotisme" et tout.
23:19 Ce qui est intéressant, c'est qu'elle dit "qu'est-ce que le patriotisme ?
23:21 C'est, je la cite, l'état de droit,
23:23 le droit des femmes à disposer de leur corps
23:25 et la liberté de la presse".
23:27 Ce n'est pas une blague. C'est beau comme son aide Grousseau
23:29 qui expliquait que Jean Moulin était mort pour notre protection sociale
23:31 et la retraite à 62 ans,
23:33 mais j'aimerais bien qu'on m'explique la différence, ces cas-là,
23:35 avec un Suédois, un Anglais ou un Allemand, parce que la langue,
23:37 la culture, l'histoire, l'architecture,
23:39 tout ça, on s'en tamponne. Le patriotisme, c'est
23:41 l'état de droit, le nouveau dôme qui va peut-être
23:43 permettre à un imam qui nous crache dessus,
23:45 qui nous déteste, de revenir sur notre sol pour voiler Marianne,
23:47 par exemple. Ça valait le coup de brûler
23:49 Jeanne d'Arc et de se fâchir de guerre mondiale avec les Allemands.
23:51 Mais passons. Ce qui est intéressant,
23:53 en effet, c'est qu'elle s'inscrit complètement dans l'héritage
23:55 de Jacques Delors. Et Jacques Delors,
23:57 je rappelle, discours à Strasbourg au
23:59 99, qui déclare "l'Europe est
24:01 une construction à l'allure technocratique
24:03 et progressant sous l'égide d'une sorte
24:05 de despotisme doux et éclairé".
24:07 Alors, comme il ne peut pas y avoir deux patriotismes
24:09 et deux souverainetés sur le même territoire,
24:11 il ne pouvait pas non plus avoir et une démocratie et un despotisme.
24:13 Merci Arthur de Vatrigan.
24:15 De que c'est ?
24:17 C'est comme, imaginez-m'en, un étonnement tel.
24:19 Vous ne me dites même plus quoi. De que c'est ?
24:21 De que c'est, cette première partie
24:23 va trop vite.
24:25 La publique s'en frapperait.
24:27 On revient dans un instant. Laurent Dandrieu sera notre invité.
24:29 A tout de suite.
24:31 19h30 sur CNews, l'information
24:35 Mathieu Devese.
24:37 Le gouvernement de l'agriculture touche bientôt à sa fin.
24:39 Il fermera ce port demain.
24:41 Et selon le ministre de l'Agriculture,
24:43 Marc Fesneau, le gouvernement est au rendez-vous
24:45 de ses engagements. De leur côté,
24:47 les syndicats agricoles ont rendez-vous
24:49 avec Emmanuel Macron à la mi-mars,
24:51 avant la présentation d'une loi d'orientation agricole
24:53 au printemps.
24:55 Il n'y a pas de clash franco-allemand.
24:57 Nous sommes d'accord sur 80% des sujets.
24:59 Ce sont les mots du ministre des Affaires étrangères
25:01 Stéphane Séjourné,
25:03 dans un entretien accordé au Monde.
25:05 Différents manifestants sont apparus
25:07 ces derniers jours entre le président français
25:09 et le chancelier allemand sur l'Ukraine.
25:11 Emmanuel Macron semble reprocher à l'Allemagne
25:13 de ne pas envoyer certaines armes lourdes.
25:15 Enfin, Paris juge
25:17 les autorités israéliennes
25:19 comptables de la situation à Gaza.
25:21 Selon Stéphane Séjourné encore,
25:23 les responsabilités sur le blocage de l'aide
25:25 sont clairement israéliennes,
25:27 alors que la France a redoublé d'efforts
25:29 pour augmenter le nombre de points de passage
25:31 et de camions humanitaires.
25:33 - Merci beaucoup Mathieu Devese,
25:35 Mathieu Bocoté, Arthur Devat-Trigon
25:37 sont sur le plateau. Bonsoir Laurent Dandrieu.
25:39 - Bonsoir Agnès Deval.
25:41 - Vous êtes journaliste, auteur, spécialiste
25:43 cinéma, critique cinéma ?
25:45 - Entre autres choses.
25:47 - Pourquoi avoir invité Mathieu Bocoté ce soir ?
25:49 - Si je me fie à la rumeur publique,
25:51 j'ai cru comprendre que le cinéma français était en crise.
25:53 Pour chercher à comprendre,
25:55 au-delà d'une présentation médiatique
25:57 quelquefois un peu limitée,
25:59 Laurent Dandrieu, vous l'avez dit,
26:01 c'est un journaliste qui a aussi écrit
26:03 tout récemment une cinémathèque idéale,
26:05 le Dictionnaire passionné du cinéma
26:07 et un ouvrage sur Woody Allen.
26:09 Pour en parler, c'était la personne idéale.
26:11 Laurent Dandrieu, bonsoir.
26:13 - Bonsoir Mathieu.
26:15 - Que se passe-t-il dans la crise
26:17 qui traverse le cinéma français en ce moment ?
26:19 De quoi cette crise est-elle le nom ?
26:21 - Elle est le nom d'un rapport
26:23 très particulier qu'a le milieu du cinéma français
26:25 avec la morale.
26:27 C'est un milieu qui pratique très volontiers
26:29 la morale à usage externe
26:31 et qui ne veut jamais en entendre parler
26:33 à usage interne.
26:35 Usage externe, ça consiste à faire la leçon
26:37 au monde entier et on l'a vu encore une fois
26:39 cette année lors de la cérémonie des Césars
26:41 où on nous explique
26:43 ce qu'il faut penser
26:45 des rapports hommes-femmes,
26:47 du changement climatique,
26:49 du racisme ordinaire,
26:51 de toutes sortes de choses
26:53 avec un certain nombre de discours
26:55 sur le mode prêchiprêcha.
26:57 Quand il s'agit d'interroger
26:59 le rapport de ce milieu
27:01 avec la morale pratique quotidienne
27:03 des gens qui le composent
27:05 et aussi la morale qui est portée par un certain nombre de films,
27:07 là c'est la grande omerta.
27:09 On aurait pu penser que les accusations
27:11 de Judith Godrej
27:13 contre deux cinéastes
27:15 qui sont deux figures
27:17 très emblématiques du cinéma français
27:19 puisque ce sont deux auteurs
27:21 assez ennuyeux et assez
27:23 peu talentueux, disons-le,
27:25 et qui sont censés généralement
27:27 depuis des décennies par la critique,
27:29 on aurait pu penser que ces accusations
27:31 allaient interroger
27:33 ce rapport à la morale,
27:35 interroger le milieu du cinéma sur ses pratiques
27:37 et en fait la cérémonie des Césars
27:39 a montré la difficulté de ce milieu
27:41 à se remettre en question
27:43 parce que pris en flagrant délit
27:45 d'indulgence
27:47 vis-à-vis de gens qui sont accusés
27:49 de prédation sexuelle,
27:51 on s'en est sorti
27:53 en applaudissant à tout rompre
27:55 le discours de Judith Godrej,
27:57 ce qui est une manière pour chacun de dire
27:59 puisque j'applaudis la procureure,
28:01 je suis blanc comme neige moi-même
28:03 et par ailleurs on a continué,
28:05 comme d'habitude, à donner des leçons de morale
28:07 sur tout un tas de sujets
28:09 sans effectivement se remettre en question
28:11 sur le nu du problème,
28:13 c'est-à-dire, en gros,
28:15 pour schématiser, est-ce qu'on peut
28:17 pendant des décennies
28:19 applaudir
28:21 les valseuses
28:23 où l'on voit un personnage
28:25 joué par Gérard Depardieu
28:27 qui se comporte de manière ignoble avec les femmes,
28:29 qui viole impunément
28:31 dans un film qui nous montre ça comme extrêmement rigolo
28:33 et en même temps après s'étonner
28:35 que Gérard Depardieu éventuellement
28:37 puisse être accusé d'avoir
28:39 des comportements similaires dans la vie réelle,
28:41 est-ce qu'on peut encenser
28:43 des cinéastes
28:45 qui, dans leurs déclarations
28:47 et dans leurs films, piétinent
28:49 cette espèce de considération morale
28:51 et après, sembler s'étonner
28:53 qu'ils aient des comportements similaires
28:55 dans leur vie privée ?
28:57 - Le mot morale est porteur d'une certaine ambiguïté.
28:59 Vous avez dit que
29:01 une bonne partie du cinéma français fait la morale
29:03 souvent, je le dis
29:05 avec une forme d'agacement,
29:07 mais le nombre de films qui portent la morale
29:09 diversitaire aujourd'hui, qui nous expliquent
29:11 ce qu'on doit penser, en fait,
29:13 qui sont très idéologiquement structurés,
29:15 quand vous dites un rapport
29:17 d'indifférence à la morale, c'est pas à ça que vous faites référence.
29:19 Il y a une morale qui était prescrite
29:21 par le cinéma français, ou prêchée,
29:23 mais qui n'est pas nécessairement ce que vous appelez
29:25 l'indifférence à la vraie morale.
29:27 - D'ailleurs, ce que vous qualifiez de morale
29:29 dans le discours du cinéma français, j'appellerais ça
29:31 plus volontiers un discours idéologique,
29:33 qui est en fait une répercussion
29:35 du discours idéologique dominant.
29:37 C'est très étonnant d'ailleurs de voir ce milieu
29:39 qui se pense comme un milieu
29:41 rebelle, indépendant,
29:43 malpensant, voire punk,
29:45 qui a en réalité décliné
29:47 toutes les idéologies à la mode
29:49 de manière extraordinairement servile.
29:51 La morale dont je parle, moi,
29:53 c'est le contenu
29:55 d'une oeuvre qui fait qu'elle
29:57 nous pousse à nous interroger sur ce que c'est
29:59 qu'une vie bonne. Et je pense que ça,
30:01 c'est vraiment ce qui fait une oeuvre d'art
30:03 digne de ce nom.
30:05 Mais on a un rapport
30:07 très faussé à ça en France.
30:09 - Oui, parce qu'on présente souvent ça comme étant presque ringard.
30:11 - Et en fait, il y a un dogme,
30:13 il y a un vrai dogme en France comme quoi
30:15 une oeuvre d'art doit... L'art ne doit
30:17 absolument pas être morale. Et on renvoie toujours
30:19 au fameux procès de Flaubert
30:21 à propos de...
30:23 qui lui était intenté à propos
30:25 de Madame Bovary. Les raisons
30:27 pour intenter ce procès étaient absurdes.
30:29 On accusait ce roman
30:31 d'immoralité parce que
30:33 il mettait en scène
30:35 un adultère. C'était complètement idiot.
30:37 C'était d'autant plus idiot que
30:39 le roman de Flaubert est un roman
30:41 éminemment moral parce qu'il nous pousse
30:43 à nous interroger sur
30:45 la portée morale de nos actes.
30:47 Et alors, c'est pas un moral au sens
30:49 "il vous explique que c'est pas bien de faire ça
30:51 et c'est bien de faire ci". C'est moral
30:53 dans le sens où ça vous pousse à vous interroger
30:55 sur la conscience, sur la portée morale des actes.
30:57 Et ça, c'est une dimension
30:59 pour moi essentielle de l'art qui a été
31:01 complètement évacuée
31:03 par l'idéologie
31:05 contemporaine. De sorte que
31:07 on en arrive à cette situation
31:09 où vous avez des cinéastes
31:11 comme Jacques Doyon,
31:13 Benoît Jacot, qui font
31:15 des films qui, entre autres choses,
31:17 expliquent que
31:19 le moi a
31:21 une liberté absolue d'exercer ses passions
31:23 dans le sens où il l'entend.
31:25 Et bien après,
31:27 on a l'air de trouver
31:29 très étonnant de découvrir que ces cinéastes
31:31 par ailleurs, dans leur vie privée,
31:33 piétinent et effectivement, toute forme
31:35 de morale. Or, il y a évidemment une cohérence.
31:37 Si vous évacuez la morale de l'art,
31:39 vous finirez par l'évacuer de la vie réelle.
31:41 - Arsene Latriguin ?
31:43 - Sur la morale, c'est le rôle de la critique,
31:45 donc de votre métier, mais également des distributeurs,
31:47 justement,
31:49 d'avoir ce jugement moral,
31:51 c'est-à-dire de faire de la censure. La question, c'est
31:53 pourquoi c'est un petit monde
31:55 qui se tient entre eux et pourquoi
31:57 il n'y a pas d'autre discours que celui de la Doxa ?
31:59 Comment nous sommes
32:01 arrivés là à une représentation
32:03 progressiste, gauchiste,
32:05 et vous êtes critique de cinéma,
32:07 d'autres également, et pourquoi vous n'avez pas plus...
32:09 votre voix ne se fait pas plus entendre
32:11 dans ce milieu ?
32:13 - Justement parce qu'elle est réingardisée,
32:15 je pense, par les tenants
32:17 de cette liberté absolue du moi
32:19 qui, depuis des décennies,
32:21 traite des réactionnaires
32:23 obtus, tous les gens
32:25 qui, justement, veulent réintroduire
32:27 un point de vue moral dans l'art
32:29 et notamment dans
32:31 la critique de cinéma.
32:33 C'est un milieu qui,
32:35 pour des raisons qui sont
32:37 probablement... qui devraient être étudiées
32:39 par un sociologue plus que par un critique de cinéma,
32:41 est un milieu qui est terriblement
32:43 endogamique, terriblement
32:45 conformiste, où il faut
32:47 surtout ne pas se distinguer
32:49 du reste de la
32:51 profession, et puis c'est un milieu surtout
32:53 qui, depuis
32:55 la nouvelle vague, a fait
32:57 un virage
32:59 à gauche progressiste assez
33:01 impressionnant. Je pense que jusque dans les années
33:03 60, il y avait,
33:05 pour reprendre une expression
33:07 très à la mode, un pluralisme interne
33:09 dans le milieu du cinéma. Il y avait des gens
33:11 de droite et des gens de gauche qui cohabitaient.
33:13 Aujourd'hui, évidemment, il y a des gens de droite,
33:15 mais ils se cachent. Quand vous savez
33:17 que quand vous interviewez un acteur,
33:19 un metteur en scène, et que vous lui demandez,
33:21 vous lui posez une question politique et qu'il vous
33:23 répond "je préfère ne pas répondre parce que
33:25 je ne suis pas spécialiste" ou ces choses-là,
33:27 vous savez que c'est un homme de droite qui est en train de se cacher.
33:29 Et vraiment,
33:31 vous êtes très très très très
33:33 mal vu si
33:35 vous vous affichez
33:37 de droite. - Alors, vous avez publié
33:39 tout récemment, il y a quelques semaines,
33:41 une cinémathèque idéale.
33:43 Autrement dit, le cinéma français,
33:45 mais pas seulement le cinéma français, a produit des
33:47 œuvres qui étaient...
33:49 Il est temps que vous louangez, que ce sont des œuvres
33:51 qui sont formatrices, à la fois sur le plan artistique,
33:53 peut-être aussi sur le plan moral,
33:55 mais on a l'impression aujourd'hui... Il y a des œuvres de référence,
33:57 mais on a l'impression aujourd'hui,
33:59 je me trompe peut-être, qu'une partie du public déserte
34:01 les salles de cinéma,
34:03 déserte le cinéma français.
34:05 Comme si finalement, il ne trouvait plus toujours
34:07 son public. Donc, autrement dit,
34:09 comme si la cinémathèque idéale peinait à se renouveler.
34:11 Question toute simple à cette lumière,
34:13 comment expliquer la désertion relative
34:15 du public par rapport au cinéma?
34:17 - Elle est relative, parce qu'effectivement, il y a
34:19 ces mécanismes de l'exception culturelle
34:21 qui font que le cinéma français
34:23 se porte plutôt mieux
34:25 que ceux de nos voisins européens.
34:27 Et notamment,
34:29 on produit énormément, et donc,
34:31 dans le tas, il y a un certain nombre de
34:33 tickets, j'allais dire, qui s'avèrent... - Sourds et malentendus,
34:35 et quelques grands films. - Qui s'avèrent gagnants.
34:37 Le problème, c'est qu'il y a
34:39 une désertion qui est due,
34:41 je pense, en partie d'ailleurs, à la critique,
34:43 parce qu'à force d'ouvrir
34:45 toutes les semaines, je ne sais trop
34:47 quel hebdomadaire
34:49 culturel qui vous explique
34:51 que tous les films français sortis cette semaine-là
34:53 sont tous extrêmement intéressants,
34:55 d'aller les voir et de constater qu'ils ne sont pas tous
34:57 extrêmement intéressants du tout, eh bien, forcément,
34:59 vous finissez par être un peu désabusés.
35:01 Je pense qu'il y a un manque
35:03 de romanesque,
35:07 il y a un manque d'ambition,
35:09 il y a ce côté
35:11 entre-soi aussi
35:13 dont nous avons parlé, qui
35:15 tente à produire
35:17 des histoires faites toujours un peu
35:19 par le même genre de personnes
35:21 qui racontent donc un peu
35:23 le même genre d'histoire avec le même genre d'acteur.
35:25 Il y a donc quelque chose d'extraordinairement
35:27 monotone.
35:29 Il y a un manque de souffle nouveau,
35:33 et puis il y a aussi
35:35 trop souvent, effectivement, une dimension
35:37 idéologique
35:39 qui interdit
35:41 de rendre le réel dans sa complexité.
35:43 Je pense par exemple
35:45 à un film, qui est un contre-exemple,
35:47 qui s'appelait "Back North",
35:49 qui décrivait
35:51 les conséquences concrètes
35:53 et pas extraordinairement positives
35:55 de l'immigration
35:57 dans le fait qu'elle constitue, à certains endroits,
35:59 des ghettos qui deviennent des zones
36:01 de non-droit,
36:03 ce qui allait complètement à contre-courant
36:05 du discours majoritaire du cinéma français
36:07 qui représente massivement
36:09 l'immigration comme une chance
36:11 pour la France, qui est juste
36:13 arrêtée par des lois obsolètes
36:15 et
36:17 odieusement racistes.
36:19 Ce film-là,
36:21 "Back North", a eu un grand succès
36:23 public, mais le cinéaste
36:25 a été quasiment obligé
36:27 de s'excuser de la voir vraie.
36:29 - On l'a fait exciser, on l'a quand même droitisé.
36:31 - Parce qu'on lui a reproché de faire le jeu, évidemment,
36:33 du Rassemblement National, et bien sûr,
36:35 il a dû jurer ses grands dieux que pas du tout,
36:37 que son film n'avait rien de politique,
36:39 et que tout ça était le fait du hasard.
36:41 Et donc, on sent bien qu'il y a une
36:43 pression très, très forte, idéologique,
36:45 sur les cinéastes
36:47 et sur le milieu du cinéma, qui est interdit
36:49 de rendre compte du réel
36:51 dans toute sa complexité.
36:53 - Arthur Le Batriglin ? - Je crois que vous avez parlé de l'exception
36:55 culturelle française, peut-être rappeler
36:57 le mécanisme aux téléspectateurs,
36:59 peut-être quelque chose qu'on méconnaît, mais
37:01 votre avis, vous, sur cette
37:03 exception culturelle française, est-ce qu'elle est encore justifiée
37:05 aujourd'hui ? - J'ai un avis
37:07 assez partagé sur la question.
37:09 On sait que, grosso modo,
37:11 le principe, c'est qu'un certain
37:13 montant du prix de vente de chaque billet de cinéma,
37:15 qu'il soit français ou américain,
37:17 est prélevé pour alimenter
37:19 un fonds de financement qui va permettre
37:21 de financer la production
37:23 de films français.
37:25 Ça permet, objectivement, à notre industrie
37:27 cinématographique d'être une des rares
37:29 en Europe qui tiennent le choc, qui tiennent le coup,
37:31 qui continuent à produire
37:33 de très nombreux films, dont un certain
37:35 nombre sont de bonne qualité.
37:37 Et c'est vrai que c'est ce système-là
37:39 qui permet le triomphe actuel
37:41 d'Anatomie d'une chute, qui est, objectivement,
37:43 un très bon film. À côté de ça, c'est sûr que ça
37:45 permet aussi de financer des tas de films
37:47 qui ennuient tout le monde, que personne ne va voir.
37:49 Alors, pour moi, c'est moins
37:51 le mécanisme en lui-même
37:53 qui peut être
37:55 remis en cause que, justement,
37:57 cette endogamie qui
37:59 suscite un choix de sujet,
38:01 un choix de financer certains sujets
38:03 qui sont toujours les mêmes et qui
38:05 excluent
38:07 à l'inverse des sujets
38:09 représentant une vision du monde
38:11 différente qui n'ont jamais voix au chapitre de ce système
38:13 de financement. - Alors, faisons quelque chose
38:15 que nous ne faisons pas souvent sur ce plateau.
38:17 Soyons positifs. - Positifs. - Soyons joyeux.
38:19 Alors, si je vous demandais le plus grand
38:21 film français que vous avez publié, je le redis,
38:23 "Une cinémathèque idéale",
38:25 dont vous proposez, aussi, votre dictionnaire
38:27 passionné du cinéma, qui, je prends la peine de le dire,
38:29 était exceptionnel. "Votre cinémathèque idéale",
38:31 qui est un livre tout à fait intéressant et qui est très utile
38:33 pour les familles qui veulent initier
38:35 leur progéniture au cinéma. - Qui est destiné plus particulièrement aux familles.
38:37 - Exactement. Donc, orienté pour les familles,
38:39 de quelle manière initier la marmaille au cinéma ?
38:41 Mais si je vous demandais le plus
38:43 grand film français de tous les temps,
38:45 vous auriez une réponse ? - Alors, j'aurais deux réponses.
38:47 - Évidemment, vous en avez deux. - En fonction
38:49 de l'orientation de la question. S'il s'agit du film
38:51 le plus prestigieux, celui qui est généralement
38:53 reconnu comme le plus grand film
38:55 de tous les temps, c'est évidemment
38:57 "Les enfants du paradis", qui est un film
38:59 qui est au sommet du
39:01 panthéon du cinéma français. Si vous me demandez
39:03 moi mon film préféré
39:05 de l'histoire du cinéma français,
39:07 c'est un film qui n'est pas
39:09 pour les enfants, pour le coup, qui s'appelle
39:11 "Le feu folet", qui est l'adaptation par Louis Mal,
39:13 d'un très très beau
39:15 roman de Driot-Larochelle,
39:17 qui est une merveille d'adaptation
39:19 cinématographique, jouée par
39:21 Maurice René, qui est la preuve
39:23 qu'on peut être de gauche,
39:25 comme l'était Louis Mal,
39:27 et faire un très beau film, et qui est d'ailleurs un beau film
39:29 adapté d'un auteur de droite.
39:31 - Alors, on va poser une autre question
39:33 sur ce registre, mais mon ami Vintrigan
39:35 en aura aussi pour vous. Alors, on dit souvent,
39:37 et ça je le dis de l'étranger, c'est-à-dire qu'il y a un art
39:39 qui s'appelle l'art de la comédie française,
39:41 qu'on ne parvient pas à reproduire aux États-Unis,
39:43 qu'on ne reproduit pas vraiment ailleurs,
39:45 donc il y a un art de l'humour à la française, c'est à la fois grinçant,
39:47 un peu méchant, subtil, intelligent, nuancé.
39:49 Si je vous demandais la comédie
39:51 à la française la plus...
39:53 la meilleure, tout simplement, celle que vous recommanderiez
39:55 pour vous initier à cet art qui est la comédie à la française?
39:57 - J'en aurais deux, évidemment.
39:59 - Vous trichez chaque fois, mais continuez.
40:01 - Non, évidemment,
40:03 on ne peut que citer "La Grande Vadrouille",
40:05 qui est un modèle d'écriture, de finesse,
40:07 qui combine à la fois
40:09 comédie d'humeur, comédie de situation,
40:11 avec ce duo absolument
40:13 extraordinaire, et cet esprit
40:15 effectivement très français dans le rapport
40:17 des deux personnages antinomiques.
40:19 Et après, je voudrais quand même en citer
40:21 une autre qui est
40:23 moins connue, mais peut-être
40:25 plus française encore, qui est
40:27 "Les mariés de Landau", de l'an 2,
40:29 de Jean-Paul Rapneau, qui est une espèce de comédie-ballet
40:31 extrêmement rythmée,
40:33 donc c'est un couple qui se déchire,
40:35 Marlène Jobert et Jean-Paul Belmondo,
40:37 à travers toute la Révolution et l'Empire.
40:39 Il y a à la fois le souffle de l'histoire,
40:41 du romanesque, il y a énormément d'esprit,
40:43 il y a des dialogues étincelants,
40:45 et c'est très, très, très, très français
40:47 dans l'esprit. - Arthaud Delatrigan,
40:49 je veux passer à la question de notre ami. - J'ai deux petites
40:51 questions. La cinémathèque idéale,
40:53 c'est vous proposer des films à regarder en famille.
40:55 Quel est le premier film à montrer
40:57 à un enfant de son plus jeune âge ?
40:59 Première question. Et deuxième question, pour
41:01 venir dans le présent, parce qu'on n'y a pas que du passé,
41:03 c'est selon vous, quel est le plus grand cinéaste français
41:05 contemporain ?
41:07 - Ça, c'est une très bonne question.
41:09 À partir de quand, jusqu'où, on voit le
41:11 contemporain ? Il faut qu'il soit
41:13 en exercivant. - D'accord.
41:15 Alors, pour le
41:17 plus grand en exercice,
41:19 je dirais probablement
41:21 Xavier Giannoli,
41:23 qui n'est pas fait que des chefs-d'oeuvre, mais c'est un des cinéastes
41:25 les plus intéressants d'aujourd'hui.
41:27 Pour initier
41:31 un jeune enfant au cinéma, je pense qu'il faut
41:33 commencer par l'humour,
41:35 il faut commencer par le comique, et je pense
41:37 qu'il faut commencer par le burlesque, c'est-à-dire
41:39 ce cinéma comique qui est
41:41 globalement, pour faire court, à base
41:43 de gens qui glissent sur des pots
41:45 de bananes et qui se prennent des portes dans la tête.
41:47 Et ce qui est très bien,
41:49 c'est que le burlesque, ça
41:51 permet... On peut leur montrer
41:53 des films muets,
41:55 donc on peut aller dans le très ancien, et ça permet
41:57 aussi, du coup, d'initier
41:59 au noir et blanc, ce qui est pour moi
42:01 une dimension essentielle, parce que
42:03 le cinéma familial, celui qui porte les valeurs
42:05 que les parents ont envie de transmettre
42:07 à leurs enfants, c'est souvent un cinéma d'autrefois,
42:09 donc un cinéma en noir et blanc,
42:11 et donc il faut y habituer les enfants très jeunes,
42:13 et pour ça, les films de Chaplin ou de
42:15 Buster Keaton sont absolument
42:17 irremplaçables. - Et nous reste moins d'une minute,
42:19 question encore une fois toute semble,
42:21 vous êtes plutôt optimiste pour l'avenir du cinéma français ?
42:23 Vous avez l'impression d'être le contemporain
42:25 du crépuscule ?
42:27 - Je suis assez optimiste
42:29 s'il sait tourner le dos
42:31 à ce qu'il fait actuellement, c'est-à-dire qu'il faut vraiment
42:33 qu'il retrouve ce qui fait
42:35 l'esprit du cinéma français et que...
42:37 - Et qu'est-ce qui fait l'esprit du cinéma français
42:39 par rapport à l'américain ? - Eh bien, c'est justement
42:41 ce qui est impossible à définir,
42:43 c'est un cinéma qui doit être imprégné
42:45 de notre esprit, de notre culture, de nos
42:47 façons de faire, et donc
42:49 il faut qu'il y ait une manière française
42:51 de dialoguer, de s'intéresser aux personnages,
42:53 de raconter des histoires, et pour ça
42:55 il me semble que ce qui serait
42:57 bien, bon, c'est que les producteurs
42:59 se dirigent vers un trésor
43:01 qui est sous-exploité, ce sont les adaptations
43:03 littéraires. On a une montagne
43:05 de romans absolument fabuleux qui n'ont jamais
43:07 été portés à l'écran et qui, effectivement,
43:09 donneraient des scénarios bien
43:11 meilleurs que ceux qui sont généralement produits
43:13 malheureusement actuellement par le cinéma français.
43:15 - Merci à tous les trois, vous m'avez
43:17 donné envie de revoir "Les Enfants du Paradis"
43:19 mais c'est long, hein, ça dure 2h40.
43:21 - C'est long mais on ne les sent pas.
43:23 - Ah mais bien sûr ! Il n'y a jamais eu d'adaptation
43:25 des "Enfants du Paradis" de Balzac ?
43:27 - "Médecin de campagne", pardon. - "Médecin de campagne",
43:29 je crois qu'il y en a eu à la télé, mais pas au cinéma
43:31 à ma connaissance. - Merci à tous les trois.
43:33 - Mais c'est un plaisir, cher ami. - Dans un instant,
43:35 c'est... non pas "Décaisser",
43:37 c'est... - L'heure des pros ! - L'heure des pros, donc.
43:39 Merci, à tout de suite.
43:41 *souffle*
43:42 [SILENCE]

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