• il y a 7 mois
Nacima Baron, professeure à l’université Gustave Eiffel et à l’École des Ponts et spécialiste de l’évolution politique de l’Espagne, est l'invitée de 6h20. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-lundi-29-avril-2024-8563812

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Transcription
00:00 L'Espagne est en plein séisme politique. Le Premier ministre socialiste Pedro Sánchez
00:05 envisage de démissionner à cause d'une enquête pour corruption qui vise son épouse.
00:09 Depuis mercredi soir, il a annulé tout son agenda officiel pour prendre le temps de réfléchir.
00:14 Il doit rendre sa décision aujourd'hui. Bonjour Nassima Baron.
00:17 Bonjour.
00:18 Vous êtes professeure à l'université Gustave Eiffel et à l'école des Pons Paris Tech.
00:21 Vous avez écrit plusieurs livres sur la politique espagnole.
00:24 D'abord, pour qu'on comprenne bien, qu'est-ce qu'il reprochait à sa femme ?
00:27 Sa femme intervient dans le domaine universitaire, elle a complot NC.
00:31 Et dans ce cadre-là, elle est en contact avec des chaires d'entreprises.
00:36 Donc, elle aurait signé un courrier de soutien, parmi de nombreux autres soutiens,
00:40 pour un chef d'entreprise qui, dans le cadre de volonté de recevoir des fonds publics après le Covid,
00:50 pour une entreprise aérienne d'ailleurs qui avait connu des difficultés économiques,
00:53 aurait eu besoin de ses soutiens.
00:55 Et l'enquête a été ouverte sur un possible trafic d'influence, c'est ça le terme exact.
01:00 Pourquoi le Premier ministre, Prédo Sanchez, dit qu'il est victime d'une campagne
01:04 de déstabilisation de la part de la droite et de l'extrême droite ?
01:07 Écoutez, ça fait de nombreux mois que cette droite et cette extrême droite contestent finalement la légitimité
01:14 du fait qu'il occupe ce poste de président du gouvernement.
01:18 Et donc, c'est une manière de revenir sur des élections 2023 que le PP pensait avoir gagnées.
01:25 Le Parti Populaire, ça c'est la droite.
01:26 Et voilà.
01:27 Mais le gouvernement n'a pas réussi à obtenir une majorité au sein de la Chambre,
01:33 les Cortès, pour proposer un gouvernement roi.
01:36 Mais là, plus particulièrement sur cette affaire, qu'est-ce qu'ils ont fait, la droite et l'extrême droite,
01:40 en lien avec cette enquête sur sa femme ?
01:42 C'est elles qui sont à la manœuvre ?
01:43 Ce sont ces deux courants politiques ?
01:44 Le Parti Populaire a été extrêmement surpris de cette initiative qui vient plutôt de l'extrême droite,
01:50 d'un petit groupuscule qui s'appelle Manos Limpias, main propre,
01:53 et qui veut nettoyer la politique, les écuries d'Ogias.
01:56 Mais évidemment, a utilisé cette initiative en disant "oui, oui, non, non,
02:01 mais c'est un gouvernement qui ne tient plus du tout, qui n'a jamais été légitime,
02:04 et donc c'est à nous de prendre maintenant les choses en main".
02:07 Alors aujourd'hui, quelles sont les options possibles pour Pedro Sanchez ?
02:10 Eh bien, "should I stay or should I go", hein ?
02:12 Je pense que ce moment est probablement un moment de réflexion profonde.
02:20 On l'identifie un petit peu comme un coup de théâtre, une dramaturgie, un coup un petit peu tactique.
02:26 Vous savez, on est évidemment dans un contexte électoral,
02:29 nous sommes pendant les élections européennes, ça ne vous échappera pas.
02:32 On est aussi dans le cadre d'une campagne régionale,
02:35 ce sont les élections régionales en Catalogne qui auront lieu le 12 mai,
02:39 et donc il y a aussi une campagne du Parti Socialiste.
02:41 Dans ce cas-là, du Parti Socialiste catalan, bien évidemment,
02:44 et l'avenir de la Catalogne politique importe toujours un petit peu à Madrid, vous vous en doutez.
02:49 D'autant que les indépendantistes catalans font partie de la coalition gouvernementale.
02:52 Oui, pour l'instant, si Sanchez partait, effectivement, cette idée de, vous savez,
02:58 d'effacer un petit peu le process et donc toute la suite juridique qui a eu lieu avec les indépendantistes,
03:07 l'amnistie serait un petit peu entre parenthèses.
03:11 Donc, voilà, c'est un petit peu... Je pense que c'est lu comme la volonté probable de rassembler la gauche,
03:21 de ressouder, de consolider.
03:23 On a vu toutes ces manifestations qui ont eu lieu justement devant le siège du Parti Socialiste ce week-end,
03:27 en disant "Reste, Pedro Sanchez ne te laisse pas impressionner par des menaces d'extrême droite".
03:37 Donc peut-être...
03:38 - Il y a une vraie crainte que si Pedro Sanchez démissionne et qu'il y a de nouvelles élections,
03:42 l'extrême droite arrête vos pouvoirs ? C'est ça en fait qui est craint par la majorité ?
03:46 - Elle n'arriverait pas toute seule, elle arriverait dans le cadre d'une coalition, un parti populaire, potentiellement.
03:51 Donc, l'idée c'est qu'il y a peut-être un coup tactique, ou peut-être,
03:55 et c'est ce qui inquiète évidemment la gauche et une partie du pays,
03:59 il y a peut-être une espèce de fatigue d'un président qui a donc été harcelé,
04:04 il y a une accumulation finalement de menaces, et puis le fait que ça touche un cercle familial, intime, personnel,
04:11 c'est quelque chose qui blesse presque plus que si c'était, j'allais dire, un simple débat parlementaire.
04:17 Vous savez, la vie politique, elle est musclée là-bas, il y a les noms d'oiseaux tous les jours à l'Assemblée.
04:23 - Plus que chez vous ?
04:24 - Oui, oui, il y a une crispation politique depuis des années, mais néanmoins ça touche la famille, ça touche l'épouse,
04:31 enfin, voilà, ça impacte peut-être différemment.
04:34 - Vous parliez tout à l'heure de dramaturgie, Nassima Barron, il faut dire que mercredi soir,
04:38 quand Pedro Sánchez a annoncé qu'il envisageait de démissionner, et qu'en tout cas pour le moment il mettait tout en pause,
04:43 il l'a fait de manière très surprenante, il a fait un tweet, il avait prévenu personne,
04:48 apparemment même pas le roi de son intention, donc c'est une initiative qui a vraiment surpris tout le monde.
04:53 On sait de quelle façon il va communiquer aujourd'hui ?
04:56 - Non, non, le pays est vraiment suspendu dans l'incertitude, ses plus proches collaborateurs,
05:01 au gouvernement, aux partis socialistes, les collaborateurs techniques à la Moncloa,
05:06 tout le monde est mis à l'écart, donc c'est vraiment le splendide isolement.
05:10 Il a deux candidats, alors les ministres commencent à réfléchir, parce que que pourrait-il se passer ?
05:17 Il y a une vice-présidente, il y a des vice-présidents au gouvernement, donc il y a une vice-présidente,
05:21 voilà, Marie-Hélène Sous-Manteiro sait qu'elle viendrait, j'allais dire, dans l'ordre directement aux affaires.
05:29 - Ça veut dire qu'il n'y a pas d'élection s'il démissionne ?
05:31 - Alors, en fait, s'il démissionne, on passe devant la chambre, soit on reste sur les députés qui existent,
05:39 on leur pose la question de confiance et ils votent effectivement pour la vice-présidente,
05:44 soit Pedro Sanchez décide la dissolution.
05:48 S'il y a dissolution, il y a des élections générales.
05:50 - Merci pour vos explications, Nassima Barron, professeure à l'université Gustave Eiffel et à l'école des Pons Paris Tech.
05:56 Et sachez que le 18-20 de Fabienne Saintes sera en direct de Madrid ce soir, émission spéciale pour parler de cette crise politique et des élections européennes vues d'Espagne.

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