Avec Charles Sapin, journaliste et auteur, ainsi que Gilles Gressani, directeur de la revue Le Grand Continent
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NewsTranscription
00:00 En toute vérité, 11h30 sur Sud Radio, Alexandre Desvecquiaux.
00:04 En toute vérité, chaque dimanche, entre 11h et midi, sur Sud Radio,
00:08 sécurité, économie numérique, immigration, écologie.
00:11 Pendant une heure chaque semaine, nous débattons sans tabou
00:13 des grands enjeux pour la France d'aujourd'hui et de demain.
00:16 Et ce dimanche, nous avons le plaisir de recevoir Charles Sapin et Gilles Gressani.
00:20 Charles Sapin est journaliste et essayiste.
00:22 Il est l'auteur de "Les moissons de la colère, plongés dans l'Europe nationaliste".
00:26 C'est aux éditions du CERN et Gilles Gressani, directeur et directeur de la revue "Le Grand Continent".
00:33 Il a coordonné le livre "Portrait d'un monde cassé, l'Europe dans l'année des grandes élections"
00:40 qui vient de paraître chez Gallimard.
00:42 Les mouvements nationalistes vont-ils s'emparer du pouvoir en Europe ?
00:46 L'immigration est-elle leur principale carburant ?
00:49 Sont-ils en train de se normaliser ?
00:52 Sont-ils unis ou divisés ?
00:53 Jusqu'où ira leur progression ?
00:55 Le phénomène est-il seulement européen ou mondial ?
00:58 Tout de suite, les réponses de Charles Sapin et Gilles Gressani, en toute vérité.
01:02 En toute vérité sur Sud Radio, Alexandre de Vécu.
01:06 Charles Sapin, Gilles Gressani, bonjour.
01:10 Bonjour.
01:11 Ravi de vous recevoir sur Sud Radio ce matin.
01:14 Nous allons discuter pendant une heure, notamment des élections européennes
01:18 et plus largement du contexte mondial avec cette montée des nationalismes ou des populistes.
01:26 D'ailleurs, je ne sais pas comment il faut les appeler, vous nous direz cela.
01:30 J'aimerais tout de même commencer peut-être avec une question d'actualité plus franco-française.
01:38 D'abord, une question pour vous, Charles Sapin, puisque vous êtes journaliste,
01:41 vous travaillez au Point.
01:43 Je ne l'ai pas dit, vous avez travaillé également au Figaro.
01:46 Vous avez suivi longtemps les parties de droite et notamment de la droite.
01:52 Et le Rassemblement national, qui est très largement en tête des européennes,
01:58 mais aussi il y a eu un sondage très récent, un sondage Sud Radio fiducial Le Figaro.
02:04 D'ailleurs, montrant que pour la première fois, Marine Le Pen était donnée vainqueur au deuxième tour,
02:11 selon toutes les configurations.
02:13 Est-ce que vous y croyez, tout simplement ?
02:15 Est-ce que c'est une photographie à l'instant T
02:17 ou est-ce que c'est un sondage qui indique une forme de basculement pour le Rassemblement national ?
02:23 Alors évidemment, je vais répéter ce que répètent souvent les sondeurs,
02:27 bien que je n'en sois pas un.
02:28 Un sondage est une photographie à un instant T.
02:31 Il se trouve qu'en effet, on voit une dynamique depuis les dernières législatives.
02:36 Marine Le Pen profite de sondages très éloquents.
02:40 Elle bat tous ses propres records, que ce soit dans les baromètres d'opinion,
02:45 ou les sondages de popularité.
02:47 Il y a quand même une limite, quelque chose qu'il faudrait tempérer,
02:51 puisque l'élection présidentielle est dans trois ans.
02:55 Et finalement, Marine Le Pen continue de capitaliser sur quelque chose
02:59 qui est un de ses principaux moteurs, c'est l'anti-macronisme.
03:02 C'est quelque chose de très important et qu'on voit depuis ces sept dernières années,
03:06 depuis qu'Emmanuel Macron est au pouvoir.
03:08 Or, lors de la prochaine présidentielle,
03:10 Constitution oblige, Emmanuel Macron ne sera plus candidat, ne sera pas candidat.
03:14 - Mais ça, elle est testée pas face à Emmanuel Macron,
03:16 elle est testée face à Edouard Philippe, face à Gabriel Attal.
03:19 Est-ce que ce n'est pas finalement un avantage pour Marine Le Pen ?
03:21 Le Bloc central n'a plus de candidat naturel, pour l'instant en tout cas.
03:24 - Pour l'instant, le problème, c'est que quand vous regardez les sondages d'opinion,
03:28 même si Emmanuel Macron, et c'est à peu près dans la tête d'une partie de la population,
03:32 ne sera pas candidat à sa réélection,
03:36 l'anti-macronisme marche encore à plein.
03:40 Et est encore un carburant pour Marine Le Pen,
03:43 toute la question est de savoir quel sera son potentiel électoral
03:47 face à des candidats qui seront certes issus du macronisme,
03:50 issus du camp de l'actuel président de la République,
03:52 mais qui vont mettre en scène une rupture
03:54 et qui se revendiqueront tous d'une certaine forme de renouveau.
03:58 La donne va finalement évoluer.
04:02 Alors, ce qui est certain, c'est que Marine Le Pen est en dynamique,
04:05 elle l'est depuis 2012.
04:07 Maintenant, il faudra voir dans cette nouvelle donne-là,
04:13 sans Emmanuel Macron, avec qui elle a formé une forme de duel duo.
04:18 - C'était le thème de votre précédent livre, le tango des Fossoyeurs,
04:23 c'était bien ça, le titre, c'était comment il formait une forme de duo
04:30 Marine Le Pen et Emmanuel Macron.
04:33 Gilles Gressani, est-ce que c'est un tango des Fossoyeurs
04:39 qui va peut-être s'arrêter prochainement,
04:42 ou est-ce qu'il y a un mouvement de fond avec finalement un vrai clivage idéologique
04:46 entre un président mondialiste ou progressiste,
04:50 je ne sais pas comment il faut le définir,
04:53 mais pas seulement un président,
04:55 mais des élites en place depuis de longues années
04:58 qui partagent cette idéologie,
05:00 et finalement un courant qui est aujourd'hui incarné par Marine Le Pen
05:05 qui serait national populiste.
05:07 - Si on regarde avec un peu d'attention ce qui est en train de se passer
05:11 de cette partie-là de l'espace politique en France et en Europe,
05:15 en France c'est un bon cas d'étude,
05:17 c'est qu'en réalité il n'y a pas vraiment un bloc national populiste
05:20 aussi explicite que ça.
05:23 Au fond, est-ce que Marine Le Pen veut sortir de l'euro,
05:26 est-ce qu'elle veut sortir de l'UE,
05:28 est-ce qu'aujourd'hui les mots qu'elle utilise sont si différents
05:31 que les mots que pourrait utiliser un parti de centre-droite un peu plus classique
05:37 qui puisse aussi attirer une partie des élites administratives de l'État ?
05:41 - D'ailleurs, pardon, je vais vous laisser finir,
05:44 mais est-ce que c'est Marine Le Pen qui s'est re-centrée
05:46 ou est-ce que ce sont les partis de ce centre-droite
05:48 qui sont devenus aussi plus souverainistes, plus eurosceptiques ?
05:51 - Ce qui est absolument évident, c'est que le RN,
05:55 historiquement, voulait sortir de l'euro.
05:57 Aujourd'hui, en tout cas explicitement,
06:00 ne veut plus sortir de l'euro.
06:02 Donc ça, en fait, moi, je serais assez attentif sur l'idée
06:05 qu'il y ait des blocs aussi clairement définis.
06:08 En fait, ce qui est en train de se passer aujourd'hui,
06:09 c'est la politique est dans le chaos parce que le monde est cassé.
06:13 Et dans un monde cassé, les règles changent,
06:15 les chiquiers changent, tout change.
06:17 Et donc, qu'est-ce qui se passe ?
06:18 C'est que nous, on a tendance à regarder toujours du côté de l'offre politique,
06:21 les choses qui sont déjà là.
06:23 En fait, c'est la demande se réarticule.
06:25 Et donc, c'est pour ça qu'on peut voir, effectivement, en quelques années,
06:29 ce recentrement des institutions vers des positions
06:33 qui sont beaucoup plus à droite.
06:34 On peut penser, par exemple, il y a cinq ans,
06:36 si vous aviez dit que la migration à les frontières
06:39 était le cœur de l'action, disons, des libéraux en Europe,
06:43 vous auriez dit "mais vous êtes fous, aujourd'hui, c'est normal,
06:46 c'est comme ça que ça se passe".
06:47 Et en même temps, de l'autre côté, vous avez le bloc
06:49 que vous définissez "national populiste"
06:52 où, en fait, on retrouve très, très peu de choses aujourd'hui
06:54 de national et de populiste.
06:56 On trouve sur des questions d'identité, lui, sans doute,
06:58 mais sur les questions structurelles, de politique économique,
07:01 de positionnement de la France dans l'échiquier mondial,
07:04 dans la modélisation de l'Union européenne,
07:06 moi, je ne vois pas vraiment de rupture,
07:07 en tout cas, pas de rupture assumée.
07:10 - C'est intéressant ce que vous dites, Gilles Cassani.
07:13 On va parler, effectivement, du livre que vous avez coordonné
07:16 avec Le Grand Continent, une revue que vous dirigez.
07:19 Le livre préfacé par Giuliano D'Ampoli,
07:21 "Portrait d'un monde cassé".
07:23 Donc, on va élargir, effectivement, la focale,
07:26 parce que c'est un phénomène européen, et même mondial,
07:29 et un phénomène, justement, qu'on peine à définir.
07:34 Vous nous dites, finalement, les nationaux populistes
07:37 sont de moins en moins nationalistes
07:39 et de moins en moins populistes.
07:41 On les appelait avant "extrême droite".
07:44 Donc, comment est-ce qu'on les définit, finalement ?
07:47 Ce que vous nous dites, c'est qu'ils se normalisent, Gilles Gretzani.
07:53 Où est la menace si, finalement, ce sont presque des parties de centre-droite ?
07:56 C'est ce que vous nous expliquez.
07:59 Vous les définiriez comment, vous, du coup ?
08:00 - Déjà, je pense qu'il ne faut pas utiliser le même mot pour tout le monde.
08:03 C'est un des problèmes qu'on a, c'est qu'on met dans le même bac,
08:07 en fait, des choses qui sont aussi différentes que Orban, Mélanie, Bardella,
08:11 et le PiS polonais.
08:15 Donc, c'est vraiment des choses qui sont différentes.
08:17 Évidemment, on a toujours l'intention de coller une étiquette une fois pour toutes,
08:20 mais ça ne marche pas.
08:22 Moi, je dirais qu'en Europe, il y a un processus structurel qui est à peu près...
08:27 Enfin, disons qu'il y a aujourd'hui l'inertie profonde du continent,
08:30 qui est que ceux qui ont l'euro, en fait, finissent par être très attachés à l'euro.
08:36 Et ça, c'est un espèce de paradoxe bizarre.
08:37 C'est que c'est sans doute pas lié par des questions de haute politique monétaire.
08:40 Je ne pense pas que les gens se disent que le cadre macroéconomique est le bon.
08:44 - Vous pensez que c'est un attachement sentimental ou un enchaînement d'une certaine manière
08:49 parce qu'on craint le chaos, si on s'en tait de l'euro ?
08:51 - Il y a clairement ça, mais en fait, si vous regardez au fond de ça,
08:54 quel est le raisonnement ?
08:56 Pourquoi, en fait, on est attaché à l'euro quand on est des petits entrepreneurs,
09:01 quand on est des fonctionnaires, quand on est des personnes qui, en fait,
09:04 souvent, vous pourriez être tenté pour voter, pour casser la table, pour faire exploser la table ?
09:10 Pourquoi c'est l'euro qui... ?
09:11 Parce que je pense qu'il y a une représentation
09:13 qui fait que c'est très difficile aujourd'hui de définir le nationalisme
09:16 sur une échelle étroitement nationale,
09:18 qui est de dire, au fond, l'euro nous protège plus que le franc.
09:22 L'euro nous protège plus que la lire, si vous êtes italien.
09:25 Et quand vous dites ça, vous êtes déjà en train de changer, en fait,
09:28 le fonctionnement de votre imaginaire de la souveraineté.
09:31 En fait, vous dites déjà, en fait, peut-être que l'État auquel j'appartiens,
09:35 la nation dans laquelle je suis investi,
09:38 eh bien, elle n'est peut-être pas assez forte aujourd'hui
09:40 pour résister au choc sino-américain, de la mondialisation, du digital, etc.
09:45 Et donc, il y a déjà quelque chose qui structure, en fait, qui...
09:47 Vous voyez, c'est la demande qui structure l'offre.
09:49 Pourquoi aujourd'hui, la plupart des partis qui étaient à la droite
09:52 du Parti Populaire Européen ne peuvent plus dire
09:55 "on est des partis du Brexit", eh bien, c'est parce qu'en fait,
09:59 la demande n'est plus là.
10:00 Il y a encore aujourd'hui des partis de Brexit en Italie, en France.
10:03 En Italie, lors des dernières élections nationales,
10:07 le parti de l'italexit a pris moins de 3%.
10:10 Ça, c'est à peu près ce que...
10:11 - C'est l'équivalent de Florian Philippot en France.
10:13 - Ça ne pèse plus grande chose.
10:16 Donc, la demande a changé, et donc l'offre change, cet article.
10:19 Mais évidemment, quand vous changez de fusil d'épaule d'une façon aussi forte,
10:23 c'est très ambigu ce qui se passe.
10:25 C'est pour ça qu'en fait, c'est difficile d'utiliser le même mot.
10:27 Et donc, vous avez des propositions très différentes.
10:29 Vous avez celle de Viktor Orban en Hongrie, qui n'a pas l'euro,
10:32 mais qui se projette dans l'espace continental,
10:34 parce qu'il assume d'être une petite nation
10:36 qui a besoin de l'espace continental pour pouvoir prospérer.
10:39 Vous avez la position que moi, je définirais de techno-souverainiste
10:43 de Giorgia Meloni en Italie,
10:45 qui en fait consiste à être intégrée beaucoup plus des contraintes asocionelles
10:48 pour pouvoir pas à la suite jouer dans une logique d'identité.
10:51 Et vous avez la position qui est un peu dans l'entre-deux
10:54 du Rassemblement National d'aujourd'hui,
10:56 qui n'assume plus du tout de sortir, de casser les règles au niveau européen,
11:00 mais qui en même temps aujourd'hui est encore très ambigu
11:03 sur quel est le vrai projet à long terme,
11:05 où est-ce qu'elle veut porter la France et l'Europe dans les prochains dix ans.
11:10 - Charles Sapin dans "Les moissons de la colère",
11:14 "Plonger dans l'Europe nationaliste",
11:16 vous n'utilisez plus, vous non plus, le terme "extrême droite".
11:19 Vous expliquez d'ailleurs qu'il ne faut plus l'utiliser.
11:22 Comment vous définissez ces parties ?
11:25 Vous expliquez aussi qu'il y a des différences,
11:27 mais si vous deviez les englober dans un même terme,
11:29 ce serait "nationaliste" puisque vous parlez quand même de plonger dans une Europe nationaliste.
11:33 - Alors, je n'ai pas la prétention de dire qu'il ne faut pas utiliser un terme.
11:38 Juste, à titre personnel, je n'emploie pas le terme "extrême droite".
11:42 Il m'a semblé assez naturel et normal de l'expliquer dans ce livre,
11:46 pour qu'il se poserait la question de pourquoi.
11:48 Ça fait six ans, sept ans maintenant que je couvre les forces nationalistes,
11:53 en France et maintenant un peu en Europe,
11:55 et j'ai toujours été ennuyé.
11:59 Je trouve ce terme d'extrême droite inconfortable.
12:02 Pourquoi ? Parce qu'il est subjectif.
12:05 Selon que vous êtes à gauche, à droite, au centre de l'échiquier politique,
12:09 ce terme, si vous l'employez, ne va pas englober la même réalité.
12:13 Or, quand on est journaliste, et vous le savez très bien, Alexandre,
12:16 on a besoin que notre lecteur, notre auditeur comprenne tout de suite ce qu'on essaye de dire,
12:20 sans qu'il ait besoin d'aller chercher la fiche Wikipédia du journaliste.
12:24 Le terme "extrême droite", c'est un terme valise.
12:28 Et il a un autre souci, c'est qu'il est employé pour parler de choses extrêmement différentes.
12:33 On parle du terme "extrême droite" pour parler des totalitarismes génocidaires du 20ème siècle.
12:38 Très bien, mais on l'emploie aussi pour parler de forces politiques
12:42 qui respectent le jeu démocratique, qui respectent l'issue des urnes
12:47 et qui s'inscrivent dans les institutions républicaines.
12:50 Et on l'emploie aussi pour des groupuscules violentes
12:53 qui, au contraire, refusent le jeu électoral et veulent faire tomber les institutions républicaines.
12:57 À mon sens, c'est très compliqué d'avoir un même terme pour employer des réalités très différentes.
13:02 Charles Sapin, merci. Merci Gilles Gressané.
13:05 On continue la discussion, je suis désolé.
13:08 Charles, je vous ai interrompu, mais de toute manière,
13:10 on continue à parler de cette montée des populismes en Europe,
13:14 de ce monde cassé, après une courte pause sur Sud Radio.
13:17 En toute vérité.
13:18 Nous sommes de retour en toute vérité avec Gilles Gressané,
13:28 directeur de la revue "Le Grand Continent",
13:32 qui est aussi coordinateur d'un livre, "Portrait d'un monde cassé",
13:36 sur l'Europe dans l'année des grandes élections.
13:39 C'est chez Gallimard, c'est préfacé par Giuliano D'Ampoli.
13:43 Et nous sommes également avec Charles Sapin,
13:45 auteur de "L'émoisson de la colère plongée dans l'Europe nationaliste",
13:49 c'est aux éditions du CERF.
13:51 Et nous parlons de ces élections européennes,
13:53 mais plus généralement de la recomposition politique mondiale,
13:57 avec la montée de nouveaux partis qui apparaissent assez différents
14:03 des partis traditionnels de centre-droit et de centre-gauche,
14:06 et qu'on peine peut-être à définir.
14:08 Avant la pause, Charles Sapin, vous nous disiez
14:10 que le terme d'extrême droite, vous préfériez ne pas l'employer,
14:13 parce que quand on parle d'extrême droite,
14:15 on pense au régime totalitaire qui ont commis des génocides.
14:19 C'est un terme flou.
14:21 Donc on peut penser au régime totalitaire,
14:23 on peut penser à des groupuscules violents.
14:25 Or, vous, vous suivez en tant que journaliste,
14:27 puisque vous êtes journaliste au point,
14:29 des partis effectivement qui participent aux élections,
14:32 qui respectent le jeu démocratique, qui n'utilisent pas la violence.
14:35 Néanmoins, comment est-ce que vous les qualifieriez ?
14:38 Est-ce que le terme populiste est lui aussi trop flou ?
14:42 Non, le terme populiste n'est pas flou.
14:45 Mais encore une fois, il recouvre une réalité
14:47 qui ne permet pas d'englober la totalité des forces
14:51 que moi j'appelle nationalistes.
14:52 Alors, c'est vrai qu'il y a un terme qui est ancien des sciences politiques
14:55 qui permet de parler de ces forces, qui est le nationalisme.
14:59 C'est un terme qui permet de rattacher
15:01 à presque deux siècles de filiation historique et idéologique.
15:06 En sillonnant l'Europe pendant un peu plus d'un an,
15:10 je suis allé à la rencontre et à la recherche de ces forces nationalistes.
15:13 Et ce qui m'a semblé intéressant,
15:15 c'est que ça m'a amené à distinguer entre deux types de forces nationalistes.
15:22 D'une part, les nationaux populistes, pour reprendre ce terme,
15:26 que nous, on connaît bien en France parce que Marine Le Pen
15:28 et le Rassemblement National est l'une des têtes d'affiche.
15:32 Ces forces nationalistes ont pour subtrait idéologique
15:35 cette opposition entre un peuple et une élite.
15:39 C'est vraiment la base.
15:41 Ils ont souvent une ambition de dépassement,
15:44 du clivage entre droite et gauche.
15:46 Et les questions sociales sont plus prégnantes que les questions sociétales.
15:50 Ce qui est très différent, en fait, avec l'autre grande famille des nationalistes,
15:54 qui sont les nationaux conservateurs,
15:56 dont Giorgia Melloni en Italie,
15:58 la chef de file incontestée depuis sa victoire électorale en 2022,
16:04 qui, elle, n'a pas cet anti-élitisme,
16:09 bien au contraire, qui se revendique de droite
16:12 et pour qui le sociétal a une importance capitale
16:16 puisqu'elle porte une vision civilisationnelle.
16:20 Et son opposition à toute révolution anthropologique ou sociétale radicale,
16:25 c'est quelque chose de très profond dans son ADN.
16:28 C'est intéressant pour résumer cette opposition
16:31 entre nationaux populistes et nationaux conservateurs.
16:33 Il suffit de comparer Marine Le Pen et Giorgia Melloni,
16:37 qui n'ont rien à voir.
16:38 Est-ce que la vraie différence entre les deux, Charles Sapin ?
16:41 Pardonnez-moi, ce n'est pas tout simplement le fait qu'il y en ait une qui est au pouvoir.
16:44 Et l'autre part, comme nous le disait Gilles Gretzani,
16:47 Marine Le Pen a déjà beaucoup évolué.
16:49 Elle voulait sortir de l'euro il y a quelques années.
16:51 Ce n'est plus le cas.
16:52 Depuis qu'elle est à l'Assemblée nationale,
16:54 on voit qu'elle s'est notabilisée.
16:56 Certes, elle en fait peut-être moins sur le walkies que Giorgia Melloni,
17:01 mais on la voit mal faire de grandes réformes sociétales
17:06 pour aller dans le sens de toutes les idéologies de la déconstruction Marine Le Pen.
17:11 Donc, est-ce que finalement ces clivages-là ne sont pas exacerbés,
17:14 d'une part, parce que le fait qu'on est en période d'élection
17:17 et qu'elles vont être concurrentes dans ces élections,
17:20 et d'autre part, par le fait que quand on est hors du pouvoir,
17:25 on a tendance à être plus radical que quand on occupe le pouvoir.
17:29 Giorgia Melloni était elle-même très radicale.
17:32 Elle avait refusé, c'est ce qui lui avait permis
17:35 de tuer d'une certaine manière son principal concurrent,
17:37 qui était Salvini.
17:38 Elle avait refusé d'entrer au gouvernement
17:40 et de soutenir le gouvernement technique italien.
17:44 Alors, vous avez raison, mais dans ce que vous venez de dire, il y a deux choses.
17:48 Il y a des différences de fond entre Marine Le Pen et Giorgia Melloni,
17:51 quelle que soit leur situation, leur position particulière.
17:55 Et si Marine Le Pen arrivait au pouvoir,
17:57 il y aurait des différences qui continueraient d'exister avec Giorgia Melloni.
18:01 Pour une raison simple, Marine Le Pen dit ne pas savoir ce qu'est la droite.
18:04 Giorgia Melloni se revendique de la droite.
18:06 Marine Le Pen assume un mépris total des sujets sociétaux,
18:10 alors que Giorgia Melloni se revendique et se pose en disciple de Roger Scruton,
18:15 un conservateur bien connu.
18:16 Marine Le Pen, c'est aussi son héritage populiste,
18:19 a un chari, un passé de russophilie.
18:23 Son parti a eu des contacts avec Russie-Uni,
18:26 le parti de Vladimir Poutine, avant l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
18:31 Giorgia Melloni, absolument pas.
18:33 C'est une atlantiste et en Europe, s'affiche comme l'un des premiers soutiens à l'Ukraine.
18:39 En revanche, ce que vous dites, et ce qui est vrai,
18:40 c'est qu'il y a un phénomène que a très bien décrit Giovanni Orsina,
18:45 qui est un politologue italien et qu'on lit régulièrement dans l'excellente revue "Grand Continent".
18:51 Il a ce concept que je trouve très parlant de "romanisation des barbares",
18:55 c'est-à-dire que ces forces nationalistes,
18:57 plus elles s'approchent du pouvoir et a fortiori, quand elles y sont,
19:00 sont obligées d'abandonner des pans les plus radicaux de leur programme.
19:03 Pourquoi ? Pour finalement faire primer le pragmatisme,
19:07 pour avoir du résultat, plutôt que l'absolutisme idéologique.
19:11 Il y a un moment quand vous voulez le pouvoir ou quand vous y êtes,
19:13 si vous voulez y rester, il faut avoir des résultats aux yeux de vos électeurs.
19:17 Et pour ça, cela impose à certaines concessions
19:21 et un alignement de vos positions par rapport à la demande politique.
19:26 - Gilles Gressanier, vous nous décrivez effectivement un monde chaotique, un monde cassé.
19:34 Est-ce que le camp populiste ou national populiste,
19:37 on ne sait pas trop comment l'appeler,
19:39 est réellement divisé entre conservateurs
19:43 et justement ceux qui sont plus dans une logique purement populiste ?
19:47 Est-ce que ces divisions font que finalement,
19:51 ils ne pourront jamais accéder durablement au pouvoir ?
19:53 Ou est-ce que tout simplement, on est peut-être dans une phase 2 ?
19:57 Parce que ça fait un moment qu'on parle d'une montée des populistes.
19:59 Certains ont gouverné, Trump, Boris Johnson, notamment,
20:03 Viktor Orban, ont gouverné depuis très longtemps.
20:08 Est-ce qu'on n'est pas dans une phase 2 ?
20:09 Après la prise du pouvoir, un peu chaotique,
20:14 peut-être que les populistes, de manière générale,
20:17 cherchent finalement le bon curseur pour pouvoir gouverner,
20:23 mais cette fois-ci dans la durée.
20:26 - Disons qu'il y a aujourd'hui une bifurcation très claire.
20:29 Il y a des forces qui veulent s'asseoir à la table pour changer les règles.
20:32 Il y a des forces qui veulent faire sauter la table.
20:36 C'est vrai que le cas Mélanie est très intéressant là-dessus.
20:40 Peut-être pas forcément parce que c'est une barbare romanisée.
20:43 Un des points essentiels de Mélanie,
20:47 moi je suis italien, je suis italien du Nord,
20:49 c'est quelque chose que je perçois constamment à l'oreille,
20:52 c'est son accent romain.
20:53 C'est une vraie romaine.
20:55 En fait, ça peut paraître anecdotique, mais en réalité,
20:59 il n'y a pas vraiment de président du conseil
21:01 vraiment romain dans l'histoire de la République italienne.
21:04 C'est assez rare.
21:05 Et surtout dans la dernière décennie,
21:07 qui est la décennie populiste italienne,
21:08 où en fait on a vu ce que vous êtes en train d'écrire,
21:11 des forces très différentes qui vont de la ligue de Salvini
21:14 jusqu'aux cinq étoiles de Pepe Grillo,
21:17 de la forme hyper technocratique d'un Mario Monti ou d'un Mario Draghi
21:21 jusqu'à la forme un peu de populisme de centre d'un Matteo Renzi.
21:25 Donc des formes de leadership extrêmement différentes
21:27 qui ont essayé de faire toute la même chose,
21:29 de venir de l'extérieur de Rome pour changer tout.
21:32 Donc ils sont arrivés dans un contexte qui était particulier,
21:35 de crise économique, de crise d'institution,
21:37 avec un mandat populaire très fort et ils ont promis de tout changer.
21:41 Et en fait ce qui est assez intéressant,
21:42 c'est que systématiquement ce qui leur est arrivé,
21:45 c'est qu'au bout de six mois, parfois un an et demi maximum,
21:48 ils ont perdu toute leur force politique
21:50 et en fait ils ont été englobés, mangés par le marécage romain.
21:54 Ils sont restés parfois d'ailleurs sur place
21:56 avec des rôles qui sont aujourd'hui très petits.
21:58 Le Renzi a un petit parti, Monti est toujours sénateur,
22:01 mais ils n'ont plus un rôle principal et central dans la sphère.
22:04 Et Mélanie en fait, elle est très différente parce qu'elle est romaine,
22:07 elle fait la politique à Rome depuis qu'elle est adolescente,
22:10 depuis qu'elle a 17 ans,
22:11 et elle a eu beaucoup de rôles dans la vie politique.
22:14 Elle était la plus jeune vice-présidente de l'Assemblée nationale italienne,
22:18 grosse différence avec Marine Le Pen.
22:21 Elle était ministre, jeune ministre, sans portefeuille,
22:23 mais quand même elle a aussi très grosse différence avec Marine Le Pen.
22:27 Mélanie est une personne qui les Italiens de pouvoir
22:32 ont dîné depuis et dînent depuis 20 ans,
22:34 ce n'est pas du tout le cas pour Marine Le Pen.
22:36 Donc en fait, elle ne joue pas forcément le rôle de la barbare romanisée.
22:41 C'est plutôt le contraire.
22:42 C'est une pure romaine.
22:43 C'est plutôt le contraire.
22:44 C'est une romaine barbarisée alors.
22:45 C'est en fait quelqu'un qui joue de la force.
22:47 En fait, elle est assise à la table et à tout moment,
22:50 elle peut dire "si ce n'est pas moi qui négocie,
22:53 c'est ceux qui viennent derrière".
22:55 Et c'est ça sa force.
22:56 En fait, sa stabilité, c'est qu'elle promet de la stabilité.
22:59 Elle arrive d'ailleurs, après 10 ans très turbulent,
23:02 au fond sans promettre grand chose.
23:04 Vous avez toujours ce différentiel.
23:06 Si vous promettez énormément,
23:07 en fait à la fin, si vous avez maintenu très peu,
23:10 les gens sont fâchés.
23:10 Si vous promettez très peu, c'est plus simple de tenir.
23:13 Donc l'Italie a une forme de croissance à peu près potable,
23:16 on verra si ça se dure.
23:17 Et j'ai l'impression effectivement qu'elle amène de la stabilité
23:21 dans un ordre assez chaotique.
23:22 Et donc là, c'est là je pense qu'il y a un point assez essentiel.
23:26 Aujourd'hui, il y a deux types de droite à la droite du Parti Populaire,
23:30 ceux qui veulent, et même d'ailleurs de la gauche,
23:32 ceux qui veulent accentuer le chaos
23:33 et qui ont une théorie du changement
23:35 qui passe par le fait de proposer au fond
23:38 comme un espèce d'effet catalysateur
23:41 de faire exploser la machine,
23:42 ou ceux qui disent en revanche
23:44 "nous sommes le joint qui permet d'utiliser l'énergie
23:47 qui se retrouve à l'extérieur
23:49 pour essayer de la faire évoluer de l'intérieur".
23:50 - Oui, je vous entends.
23:53 Effectivement, l'approche de Melonie
23:55 n'apparaît peut-être plus subtile que celle d'autres leaders.
23:58 Mais est-ce que finalement,
24:01 il y a eu un risque de chaos un jour ou pas ?
24:04 Enfin, effectivement, la présidence chaotique,
24:07 ça a été plutôt celle de Donald Trump.
24:09 Mais les États-Unis ont eu aussi un taux record de croissance,
24:13 un chômage extrêmement bas, pas de guerre.
24:16 Alors j'entends la musique.
24:18 On poursuivra donc cette conversation
24:22 après une courte pause sur Sud Radio.
24:24 En toute vérité, on continue à en parler.
24:26 Est-ce qu'on ne surestime pas le risque de chaos ?
24:28 Et finalement, est-ce que la normalisation
24:31 n'était pas annoncée depuis le début ?
24:33 A tout de suite sur Sud Radio, en toute vérité.
24:34 - Nous sommes de retour sur Sud Radio, en toute vérité.
24:42 On parle de la montée des populismes en Europe
24:45 avec Charles Sapin et Gilles Gressani.
24:48 Charles Sapin, auteur de "Les moissons de la colère
24:50 plongés dans l'Europe nationaliste".
24:51 C'est aux éditions du CERF.
24:53 Et Gilles Gressani, directeur du Grand Continent
24:56 et coordinateur de ce livre, "Portrait d'un monde cassé,
24:59 l'Europe dans l'année des grandes élections".
25:03 L'une des thèses de votre livre,
25:05 c'est qu'on est dans un monde effectivement hyper chaotique,
25:08 Gilles Gressani.
25:10 Et pas seulement d'ailleurs en Europe.
25:12 Il va y avoir des élections,
25:13 je ne sais plus d'ailleurs le nombre,
25:15 mais c'est un nombre record d'élections cette année,
25:17 partout dans le monde.
25:18 Sur fonds de campagne permanente,
25:21 sur fonds de positions en apparence très radicales.
25:26 Est-ce que selon vous,
25:28 les nationaux populistes sont la cause de ce chaos
25:33 ou plutôt la conséquence ?
25:35 Tout simplement,
25:36 voire ceux qui pourraient remettre de l'ordre
25:39 alors que le système,
25:41 je ne dis pas ça de manière populiste,
25:42 le régime qu'on a connu pendant ces 40 dernières années
25:46 semble être un régime à bout de souffle finalement,
25:49 n'ayant plus les solutions pour régler les problèmes actuels.
25:53 Il y a clairement une forme d'imbrication,
25:56 ça c'est évident.
25:57 Je dirais que le cas intéressant,
26:01 on en parlait juste avant,
26:02 c'est le cas Trump.
26:04 Parce qu'effectivement,
26:05 quand on regarde la première présidente Trump,
26:06 on se rend compte qu'en réalité,
26:08 mise à part des points assez évidents,
26:13 ça a été au fond une présidence
26:15 qui s'est inscrite dans une continuité
26:16 par rapport à ce que peut être un président des Etats-Unis
26:19 avec d'ailleurs une action internationale
26:20 qui peut, sur certains points, être très précise.
26:22 On peut penser par exemple au Moyen-Orient,
26:24 être en réalité presque plus positive
26:27 que celle d'autres présidents plus normaux.
26:28 Donc au fond, la question qu'on peut se poser,
26:32 c'est est-ce qu'un Trump bis serait plus dangereux,
26:35 plus inquiétant, plus chaotique ?
26:36 Et en fait, on a proposé,
26:38 dans le volume de la revue papier qui sort chez Gallimard,
26:41 un très grand historien conservateur
26:43 qui s'appelle Niall Ferguson,
26:45 qui est d'ailleurs une référence souvent
26:46 pour les nationaux conservateurs,
26:48 qui a beaucoup conseillé des personnes assez centrales
26:52 dans ce monde-là, dans ces sphères-là,
26:54 de nous parler de sa connaissance interne du système Trump,
26:58 de la campagne telle qu'elle se présente aujourd'hui.
27:00 Et lui, il dit deux choses.
27:02 La première, c'est qu'on ne peut pas vraiment comparer
27:05 Trump 1 de Trump 2 pour une raison très simple,
27:08 c'est que le Trump 1, c'était un Trump
27:10 qui était quand même malgré tout porté
27:12 par ce que Trump lui-même appelait le "deep state".
27:15 En fait, il y avait des généraux qui l'accompagnaient,
27:16 il y avait des...
27:17 - Des états profonds américains.
27:18 - Voilà.
27:19 Il y avait une partie de l'État
27:21 qui était présente dès le premier jour.
27:23 Et d'ailleurs, les grandes crises de la présidence Trump
27:26 ont été des crises et des clashs
27:28 avec des membres de cette continuité-là.
27:31 Et or, aujourd'hui dans la campagne,
27:33 on ne voit pas du tout ces figures-là.
27:35 Elles ne sont presque pas présentes.
27:36 Et donc, effectivement, on peut se poser la question de
27:39 est-ce qu'il n'y aura pas quelque chose qui sera plus,
27:41 j'utilise ce mot-là, disruptif,
27:44 de l'espace institutionnel.
27:46 Deuxième point, contrairement au premier mandat,
27:49 Trump a eu le temps pour préparer un plan
27:51 pour essayer de changer les choses.
27:53 Et sur deux points, en fait,
27:55 ce plan est particulièrement dur.
27:57 On en a traduit d'ailleurs des extraits dans le "Garantie Nord".
28:01 Il passe en bonne partie par une purge.
28:04 En fait, Trump sent qu'il n'a pas pu tout de suite
28:08 prendre le contrôle de la machine de l'État américain.
28:11 Et donc, il veut pouvoir se débarrasser
28:13 d'une partie du département de la justice,
28:17 d'une partie des hauts fonctionnaires,
28:18 justement pour avoir main libre.
28:20 Main libre aussi, éventuellement,
28:21 pour pouvoir rester plus longtemps au pouvoir
28:24 s'il devait perdre une prochaine élection, etc.
28:26 Deuxième point, qui est assez intéressant dans le contexte actuel,
28:30 c'est qu'au fond, Trump 1 intervenait dans un contexte
28:33 dans lequel, au fond, d'un point de vue géopolitique,
28:36 on était dans un monde beaucoup moins cassé.
28:39 On avait des fractures,
28:39 on avait des formes de conflits plus ou moins ouverts.
28:42 Pas de guerre en Ukraine,
28:43 pas de conflits,
28:45 enfin, le conflit israélo-palestinien gelé.
28:47 Pas déclenché à ce niveau-là.
28:48 Est-ce que c'était à mettre à son crédit aussi ?
28:50 C'est difficile de...
28:52 Voilà, les Moyen-Orient, c'est un espace assez complexe.
28:55 Donc, on sait que tout est peu directionnel.
28:59 Mais on a vu, effectivement, dans son action,
29:01 la capacité de...
29:02 La normalisation, puisque c'est un mot
29:03 qu'on utilise beaucoup aujourd'hui,
29:05 de la relation entre les pays arabes et Israël
29:08 a été en bonne partie portée, effectivement,
29:10 par les pactes d'Abraham,
29:11 dont il était un des principaux promoteurs.
29:14 Et d'ailleurs, il y a une forme de continuité paradoxale,
29:17 parce que Biden, au fond, essayait de continuer cela
29:19 avec le fameux méga-deal entre les Saoudiens et Israël,
29:23 qui serait d'ailleurs, selon certains,
29:24 selon les Saoudiens même, apparemment,
29:27 une des causes profondes du 7 octobre.
29:30 Le Hamas voulant faire exploser la possibilité
29:32 d'avoir une normalisation de ces relations.
29:34 Donc voilà, je pense qu'il faut faire peut-être un peu attention.
29:38 Là aussi, la politique change.
29:40 Trump n'est pas le même.
29:41 - Et le contexte n'est pas le même.
29:43 - Et le contexte n'est pas du tout le même.
29:45 - Charles Sapin, est-ce que vous pensez
29:47 que les populistes sont générateurs du chaos,
29:51 comme beaucoup d'observateurs médiatiques le pensent,
29:54 ou est-ce qu'ils sont plutôt le symptôme
29:58 ou la conséquence de ce chaos,
29:59 voire peut-être, dans certains cas, la solution
30:02 pour remédier à ce chaos ?
30:04 - Je redirais exactement la même chose que Gilles.
30:09 C'est vrai qu'il y a des imbrications.
30:11 Déjà, quand on reprend d'un point de vue un peu historique,
30:16 ou en tout cas le début de la période que nous vivons,
30:20 c'était plutôt le symptôme.
30:22 Il y a eu un événement extrêmement important
30:26 au niveau politique qui a fait l'effet d'une bombe
30:29 à détonation lente, qui est la crise de 2008.
30:33 Vous avez finalement des classes populaires
30:39 partout en Europe qui n'ont plus joui
30:42 des fruits de la croissance, parce qu'il n'y en avait plus,
30:45 qui en ont été très mécontents,
30:47 qui sont allés outre les commandements moraux
30:51 des partis traditionnels pour qui ils votaient jusqu'à présent,
30:54 et sont allés grossir les rangs des forces populistes.
30:58 Ce qui a conduit à une redéfinition des clivages,
31:03 des grandes lignes de force sur le continent.
31:05 Vous n'aviez plus un clivage droite-gauche,
31:07 mais dans de plus en plus nombreux pays européens,
31:10 vous aviez un clivage entre des forces libérales pro-européennes
31:14 et des forces populistes.
31:16 Selon les pays, c'était un populiste plutôt nationaliste,
31:20 ou un populisme socialiste, dit de gauche,
31:24 qui l'emportait, mais il y avait ce nouveau clivage.
31:27 On voit bien que tout est parti de cette crise de 2008,
31:32 en tout cas que ça a été un catalyseur important.
31:34 Les populistes étaient vraiment le syndrome de ça.
31:37 Là, on voit une situation intéressante,
31:40 puisqu'on est en pleine mutation.
31:42 On sort de ce clivage dans un certain nombre de pays européens,
31:45 on sort de ce clivage entre libéraux, pro-européens et populistes,
31:49 pour revenir à une forme de clivage droite-gauche.
31:53 Pourquoi ? Parce que vous avez des forces de droite traditionnelles,
31:56 qui sont témoins soit de leur propre effondrement,
31:59 soit de l'effondrement de leurs alliés historiques,
32:01 qui sont les alliés du centre,
32:02 avec qui formait ce bloc libéral pro-européen,
32:04 et qui, pour conquérir le pouvoir ou s'y maintenir,
32:07 sont contraints de faire un revirement d'alliance,
32:10 en tendant la main ou en s'alliant avec des forces nationalistes
32:14 contre lesquelles, pendant des années,
32:15 ils ont érigé patiemment une digue.
32:17 Ça recompose encore une fois tout l'échiclipe européen.
32:21 Il est un peu tôt pour savoir vers quoi,
32:23 si c'est des solutions au chaos,
32:25 ou si ça va être un multiplicateur de chaos.
32:27 En tout cas, ce qu'on voit, c'est un retour à un clivage droite-gauche,
32:30 mais assez différent de celui qu'on a connu il y a 20 ans,
32:33 avec une nouvelle droite, plus radicale, plus identitaire,
32:36 face à une nouvelle gauche, en construction,
32:38 mais qui, également, elle, se place sur des sujets identitaires.
32:42 Donc, une droite et une gauche qui ne s'affrontent plus sur des sujets,
32:44 enfin, moins sur des sujets sociaux, comme il y a 20 ans,
32:46 mais sur des sujets identitaires.
32:48 - Est-ce que c'est totalement vrai ?
32:49 Parce qu'il y a eu la crise des Gilets jaunes,
32:51 il y a eu la crise des agriculteurs il n'y a pas longtemps,
32:53 et par ailleurs, ce que vous nous décrivez finalement pour le futur,
32:57 ce serait un affrontement entre le rassemblement national,
33:01 ou un rassemblement national plus conservateur et identitaire,
33:05 quelque chose comme Reconquête, mais Reconquête a été plutôt un échec,
33:09 et finalement, une gauche insoumise,
33:12 qui deviendrait hégémonique et à gauche,
33:15 avec une disparition du Bloc central.
33:17 - Oui, alors, totalement.
33:18 Le truc, c'est que, évidemment,
33:20 une réalité ne chasse pas du jour au lendemain l'autre,
33:23 et pendant très longtemps, vous avez ces deux zones de confrontation,
33:28 qui sont le social et l'identitaire, qui se juxtaposent,
33:31 et d'ailleurs, l'une ne va pas totalement détruire l'autre,
33:34 on va continuer, mais ce qui est intéressant,
33:36 quand je suis allé par exemple au Portugal,
33:38 vous avez une force nationaliste très intéressante,
33:40 qui a multiplié par 10 ses résultats en 3 ans.
33:43 Je suis allé voir le numéro 2 du parti,
33:45 je lui ai dit "à quel moment il y a eu un boom ?
33:47 Est-ce qu'il y a un moment précis où vous avez vu une adhésion,
33:50 une très importante augmentation des adhésions de votre parti ?"
33:53 Il m'a dit "bah oui, je peux vous répondre tout de suite,
33:55 c'est au moment où le Portugal a choisi une personne transsexuelle
33:59 pour défendre les couleurs du pays à l'élection de Miss Univers".
34:02 Cette question purement identitaire a fracturé un électorat
34:08 qui était habitué à voter pour des forces traditionnelles,
34:10 de droite traditionnelle, et a dit "ok, donc ça,
34:12 c'est pas possible, je peux pas l'accepter,
34:14 je me radicalise et je vais voter pour des forces nationalistes".
34:17 Et quand on revient, on va reparler d'Italie,
34:19 parce que c'est un pays passionnant,
34:21 quand on voit l'élection de Georgia Melanie,
34:23 qui se revendique de droite, mais d'une droite conservatrice,
34:25 qui est également identitaire,
34:29 qu'est-ce qu'il y a eu comme conséquence très rapide ?
34:33 Quelques mois plus tard, le parti de gauche,
34:35 le principal parti de gauche en Italie,
34:37 a élu à sa tête Elisch Lein,
34:39 qui elle aussi se place, comme en miroir,
34:45 sur le terrain identitaire.
34:47 Quand elle se fait désigner à la tête du parti démocrate,
34:51 Elisch Lein dit "je veux l'égalité sociale et de genre".
34:55 C'est très intéressant, à mon sens,
34:57 pour le clivage qui est en train de naître,
35:01 et qui peut-être sera prégnant dans les années à venir,
35:05 dans la sphère politique européenne.
35:07 - Gilles Gressani, est-ce que vous croyez au retour du clivage droite-gauche,
35:11 mais sur un mode hyper radical,
35:13 avec une gauche-prougue d'un côté,
35:15 et une gauche identitaire de l'autre ?
35:17 Est-ce que c'est vraiment souhaitable pour le débat public
35:21 que les seules questions identitaires soient le cœur du débat politique ?
35:26 - Je pense que dans un monde en transformation vertigineuse,
35:29 avoir seulement deux coordonnées, ce n'est pas suffisant.
35:31 Il faut au moins en avoir quatre.
35:33 Et donc, effectivement, pour ça, je crois que la partie identitaire
35:37 est de plus en plus structurante,
35:39 beaucoup plus que ce qu'on pense.
35:41 Et quand on fait de l'économie politique, etc.,
35:43 on regarde toujours des questions de redistribution, etc.
35:45 La question identitaire, elle est là, elle est centrale.
35:48 Mais en fait, elle est imbriquée avec des questions économiques,
35:51 et les deux, parfois, ne peuvent pas être scindées,
35:53 et parfois, elles le peuvent.
35:54 En fait, moi, je prends l'image d'une pièce de monnaie.
35:56 Il y a deux faces.
35:57 Il y a l'identité d'un côté et l'inégalité de l'autre.
36:00 Et c'est les deux choses ensemble, à mon avis,
36:02 qu'il faut utiliser pour comprendre les transformations politiques
36:04 de nos allégeances.
36:06 - Gilles Gressani, merci.
36:08 Merci, Charles Sapin.
36:09 On se retrouve après une courte pause
36:11 pour la dernière partie de cette élection.
36:13 On verra notamment quel est le carburant
36:16 de ces nouvelles formes politiques
36:19 qu'on appelle les nationaux populistes,
36:21 faute de meilleure définition.
36:23 A tout de suite sur Sud Radio, en toute vérité.
36:25 - En toute vérité, 11h30 sur Sud Radio,
36:28 Alexandre Devecure.
36:29 - Nous sommes de retour sur Sud Radio, en toute vérité,
36:32 pour parler d'un monde chaotique
36:35 avec une recomposition politique profonde.
36:38 Deux observateurs de cette recomposition,
36:40 Charles Sapin, auteur de "Les moissons de la colère",
36:42 plongé dans l'Europe nationaliste,
36:44 c'est aux éditions du CERF.
36:46 Et Gilles Gressani, directeur de la revue "Le Grand Continent",
36:50 revue qui est éditée en livre,
36:54 une fois tous les semestres à peu près,
36:56 je crois, Gilles Gressani.
36:58 Et donc ce numéro, enfin ce livre,
37:00 "Portrait d'un monde cassé, l'Europe dans l'année des grandes élections",
37:04 c'est chez Gallimard,
37:06 c'est préfacé par Giuliano da Ampolli.
37:09 Gilles Gressani, Charles Sapin,
37:13 j'aimerais qu'on parle aussi un peu du carburant
37:17 de ces nouveaux mouvements politiques,
37:19 parce qu'on a fait beaucoup de sémantiques
37:21 et essayé de les définir,
37:23 mais le plus intéressant, c'est quand même la cause de leur percée.
37:27 Charles Sapin, avant la pause,
37:29 vous expliquiez que les questions identitaires
37:32 allaient sans doute occuper une importance considérable à l'avenir,
37:37 et c'était déjà le moteur dans un certain nombre de pays
37:41 de cette montée des populismes.
37:45 Le premier carburant, vous en parlez dans votre livre,
37:48 est-ce que c'est tout simplement l'immigration de masse ?
37:51 - Totalement. Moi, ce qui m'a marqué, si vous voulez, dans ce tour d'Europe,
37:55 c'est que, qu'importe les frontières,
37:57 qu'importe les modes de scrutin ou les histoires nationales singulières,
38:01 vous avez des ressorts redondants, récurrents,
38:04 de toutes les forces nationalistes en Europe,
38:06 et le premier de ressort, sans conteste,
38:08 est la faillite des parties traditionnelles,
38:11 de droite comme de gauche,
38:13 à apporter une réponse pérenne à la question de l'immigration,
38:16 que ce soit par l'intégration ou la régulation des flux.
38:20 C'est quelque chose de très voyant.
38:23 Il suffit de comparer les situations de la Suède et du Danemark,
38:26 qui sont deux pays comparables, hormis en termes de superficie,
38:29 mais qui ont pris des choix très différents sur l'immigration
38:32 au tournant des années 2000.
38:34 Pour schématiser, la Suède a continué d'ouvrir ses frontières,
38:39 elle se retrouve aujourd'hui avec une force nationaliste
38:42 qui est la force cardinale du pays.
38:44 Le Danemark a fermé ses frontières pour protéger son modèle social.
38:47 Les forces nationalistes sont dans les marges politiques
38:50 et le pouvoir social-démocrate a été réélu haut la main.
38:53 C'est vraiment un carburant très important.
38:59 Il suffit de comparer la hausse des flux migratoires
39:05 de ces dix dernières années,
39:07 qui sont les dix dernières années où vous avez eu le plus de dynamique
39:10 derrière les forces nationalistes et le plus de multiplication
39:13 de forces dynamiques.
39:15 On voit qu'il y a une corrélation assez claire
39:17 entre cette question de l'immigration et la dynamique nationaliste
39:21 d'un bout à l'autre du continent européen.
39:23 Au-delà de la question de l'immigration,
39:25 il y a aussi les questions de genre.
39:29 Vous expliquez tout à l'heure avant la pause
39:31 qu'au Portugal, vous aviez interrogé le leader nationaliste
39:34 dont les voix ont été multipliées par dix, je crois,
39:39 et qui expliquait que le moment où il y avait le plus d'adhésion
39:43 dans son parti, où il avait commencé à avoir une progression,
39:46 c'est quand le Portugal avait choisi un transsexuel
39:50 pour le représenter dans le concours de Miss Universe.
39:53 C'est ça que vous expliquez ?
39:55 Oui, on le voit, il y a une prégnance nouvelle
39:59 des questions identitaires dans les débats publics
40:02 de beaucoup de pays européens.
40:05 D'ailleurs, au printemps dernier,
40:08 je suis allé à un grand rassemblement des forces nationalistes,
40:11 le CIPAC, qui se tenait à Budapest, la capitale de la Hongrie.
40:16 Au moment d'entrer dans ce grand rout nationaliste,
40:19 vous aviez un grand panneau "No Walk Zone".
40:22 Tout est dit, si vous voulez.
40:24 Il y avait un drapeau de la Hongrie marqué dessus
40:27 "No Country for a Walkman".
40:30 C'est vraiment quelque chose de prégnant,
40:33 jusqu'en Hongrie où la "Dynamic Walk"
40:36 vraiment, on la cherchait avec la lutte.
40:38 Ce qui est intéressant, dans les ressorts,
40:41 c'est qu'au-delà de la question identitaire,
40:43 c'est la question du mode de vie.
40:45 Et il y a une question qui m'a beaucoup marqué,
40:47 c'est cette polarisation nouvelle
40:49 des sujets environnementaux.
40:52 - J'allais y venir, mais très bien.
40:55 Gilles Grizzani partage votre avis,
40:58 c'est aussi dans son livre,
41:01 mais effectivement, allez-y.
41:03 - Très rapidement, c'est que ces dix dernières années,
41:07 le sujet environnemental,
41:09 hormis des marges politiques,
41:11 crée plutôt de l'unanimité.
41:13 Tout le monde voulait préserver la planète.
41:15 Le problème, c'est que si tout le monde veut préserver la planète,
41:17 personne ne veut faire partie de ceux
41:19 sur qui va reposer les sacrifices pour préserver la planète.
41:22 Or, ces dernières années, il y a eu un nombre de lois importantes,
41:25 notamment au niveau européen,
41:27 des lois contraignantes pour préserver la planète.
41:30 Je me suis rendu aux Pays-Bas,
41:32 et j'ai été très marqué
41:34 des directives européennes qui ont été transformées,
41:36 qui ont conduit, du jour au lendemain,
41:38 au retrait du permis d'exploitation
41:40 de plus de 3 000 fermes
41:42 d'éleveurs, d'agriculteurs,
41:44 qui étaient là depuis 6, 7, 8 générations,
41:46 et qui étaient d'ailleurs des électeurs de force traditionnelle,
41:49 qui se sont du coup radicalisés.
41:51 Ils ont créé un mouvement,
41:53 c'était le premier mouvement des tracteurs,
41:55 c'était aux horizons de l'année 2019-2020.
41:57 Ce mouvement s'est transformé en parti politique.
41:59 En 3 ans, ce parti politique est devenu le premier du pays.
42:02 Il est arrivé en tête dans les 12 provinces du pays.
42:05 Il est devenu la première force au Sénat.
42:08 Et finalement, comme c'était...
42:11 ils étaient assez...
42:13 ils ont fait des erreurs de campagne,
42:15 ce mouvement politique a dégringolé
42:17 lors des dernières élections générales aux Pays-Bas.
42:19 Mais ces électeurs qui s'étaient radicalisés
42:21 par la cause environnementale ne sont pas retournés
42:23 dans les partis traditionnels.
42:25 Ils ont directement nourri Gerd Wilder,
42:27 c'est-à-dire le leader populiste historique des Pays-Bas,
42:29 et lui a permis, en fait,
42:31 d'arriver en tête des élections.
42:33 Et on voit le même phénomène
42:35 dans nombre de pays européens.
42:37 Vous avez vu ces mobilisations de tracteurs,
42:40 on l'a vu aux Pays-Bas,
42:42 mais en Allemagne également.
42:44 - Et en France ?
42:46 - En France, en Espagne, cette campagne de l'AFD,
42:48 le parti nationaliste allemand,
42:50 c'était "le diesel c'est super".
42:52 - Oui, exactement.
42:54 C'est comme ça que commence le livre du "Grand Continent".
42:56 C'est pour ça que j'y pensais, effectivement.
43:00 Dans la préface de Giuliano D'Ampoli,
43:02 il explique que l'AFD faisait des panneaux...
43:08 "diesel", je crois que c'est même pas le "diesel c'est super".
43:12 Il n'y a même pas besoin d'un slogan,
43:14 c'est ce que disait Giuliano D'Ampoli.
43:16 Les gens comprenaient tout de suite.
43:20 Peut-être avec vous, avant de parler de l'écologie,
43:24 sur la question VAUQ,
43:26 notamment aux Etats-Unis,
43:28 on le voit aussi dans les universités américaines,
43:32 un peu tous les jours,
43:34 encore plus depuis le conflit au Moyen-Orient,
43:37 où de jeunes étudiants s'alignaient quasiment
43:40 sur les positions du Hamas.
43:43 Est-ce que cette radicalité-là
43:45 a été le principal carburant,
43:47 et est toujours peut-être le principal carburant
43:49 de la recomposition politique en cours ?
43:52 Aux Etats-Unis ?
43:54 Aux Etats-Unis et peut-être dans le monde,
43:56 parce qu'on a vu que même en Hongrie,
43:58 où effectivement la dynamique VAUQ,
44:00 il faut bien la chercher,
44:01 c'est une crainte très importante des populations.
44:04 Il y a une stratégie très maligne d'Orban,
44:06 qui veut peser en Europe,
44:08 parce qu'il pèse particulièrement au sein
44:10 du parti républicain trumpiste.
44:12 C'est un jeu à quatre bandes.
44:14 Quand il met "no work zone",
44:16 ce n'est pas pour parler du tout aux Hongrois,
44:18 c'est pour parler aux conservateurs américains
44:20 qui prennent l'avion pour aller par la suite
44:22 interviewer Orban en disant
44:24 "ici, ce petit pays,
44:26 avec qui on a conservé des traditions, etc."
44:29 Et là, il y a un point qui est assez intéressant.
44:31 Vous savez, Orban était sans doute la personne
44:34 qui a le premier à inventer ce concept,
44:36 cette notion qui par la suite est devenue presque mainstream
44:39 dans l'espèce de la droite en Europe,
44:41 qui est l'Europe blanche et chrétienne.
44:43 Au fond, son questionnement est assez simple.
44:46 Aujourd'hui, les nationalismes sont des nationalismes européens,
44:51 donc il faut trouver des signifiants, des éléments
44:53 qui soient partageables à plusieurs pays.
44:55 Donc ce n'est pas les Hongrois contre les Autrichiens,
44:58 les Français contre les Italiens.
44:59 D'ailleurs, je fais un passant remarquer
45:01 que le nom du principal candidat du RN
45:05 à la Rassemblement national est un nom qui résonne un petit peu italien.
45:08 Donc en fait, ce n'est pas forcément la ligne du RN aujourd'hui
45:11 de reprendre la vallée d'Aoste, Milan et Turin
45:15 pour en faire un Fief en Apollonien.
45:17 C'est fini cette histoire-là.
45:18 C'est une autre forme de nationalisme.
45:20 Et donc l'idée d'Orban, c'était pour faire un imaginaire
45:22 comment un nationaliste, il faut prendre des choses
45:24 qui fonctionnent à l'échelle du continent.
45:26 En fait, il n'y en a pas beaucoup.
45:28 Il y a évidemment la chrétienté.
45:30 Et donc effectivement, si vous dites "réconquête",
45:32 vous parlez de la Boudapest à Oslo,
45:36 de Vienne jusqu'à Séville.
45:38 Or, le paradoxe dans cette dynamique-là, c'est qu'en fait...
45:42 Et je crois que c'est un paradoxe vraiment structurant.
45:44 C'est qu'évidemment, il y a une dynamique de...
45:46 Comment dire ? De rhétorique civilisationnelle.
45:48 Mais en fait, les personnes qui portent par la suite cette dynamique
45:51 et même les personnes qui répondent à cette dynamique
45:53 ne sont pas prêts en réalité à changer leur mode de vie
45:57 en devenant des catho-intégristes,
45:59 en se confessant trois fois par jour,
46:01 en faisant le carême, etc.
46:03 - Mais c'est pour ça que je vous disais, vous m'avez répondu à Orban,
46:05 ce qui est très intéressant, mais...
46:07 Moi, je vous parlais à radicalité.
46:10 Wouk, est-ce que...
46:13 Est-ce que c'est pas un carburant, justement ?
46:16 Et qu'Orban, effectivement,
46:19 il n'a pas créé une Hongrie intégriste.
46:22 Il suffit d'aller en Hongrie
46:24 pour voir que c'est pas une dictature intégriste.
46:28 Donc, est-ce que c'est tout simplement une radicalité woukiste
46:32 qui fait que les parties de droite s'y opposent, tout simplement,
46:36 et veulent ralentir un progrès devenu fou ?
46:39 - Je crois qu'il y a un point qui est vraiment assez central,
46:43 c'est qu'aujourd'hui, l'affect qui réunit la droite du PPE,
46:49 c'est le fameux dicton,
46:53 enfin, les phrases attribuées à Pompidou
46:55 sur le fait de ne pas vouloir emmerder les Français.
46:59 Au fond, il y a une forme d'hédonisme sécuritaire
47:03 qui fait que les gens n'ont pas envie d'être emmerdés.
47:07 Mais ça, c'est assez délicat, assez compliqué,
47:09 parce que ça signifie aussi qu'ils ne veulent pas non plus,
47:11 qu'ils ne croient pas non plus jusqu'au bout.
47:13 Par exemple, au croisade de Mélanie contre l'avortement.
47:15 Ils ne sont pas prêts à suivre Mélanie
47:17 pour interdire l'avortement en Italie.
47:19 Ils ne sont pas prêts à suivre Mélanie pour...
47:21 Qui d'ailleurs, elle-même...
47:23 Elle ne le propose pas, ça tombe bien, non ?
47:25 Non, mais en fait, l'enfer est quand même
47:27 un instrument de sa bataille culturelle.
47:29 Et c'est clair qu'à terme,
47:31 il pourrait y avoir des changements de règles, etc.
47:33 Mais ce qui est intéressant, c'est qu'effectivement,
47:35 ça reste un niveau qui est celui de la rhétorique.
47:37 Au fond, c'est une guerre culturelle qui est sollicitée,
47:39 mais qui n'est pas portée en réalité
47:41 pour changer la société.
47:43 Parce qu'en fait, le problème structurant que nous avons,
47:45 c'est que nous sommes face à des transitions,
47:47 des transformations, des bouleversements,
47:49 mais en fait, on ne sait pas comment faire
47:51 pour changer la société.
47:53 Et en fait, aujourd'hui, on se rend compte,
47:55 avec la question écologique, de manière très évidente,
47:57 dès qu'on essaye de proposer
47:59 de changer des modes de vie, immédiatement,
48:01 on trouve des réactions hyper violentes, hyper puissantes.
48:03 Et donc, même sur une question qui est
48:05 assez majoritaire, moi, je prends toujours
48:07 un exemple qui paraît parfois un peu paradoxal,
48:09 mais en fait, si vous dites qu'il faut protéger
48:11 les animaux et la planète, vous mettez autre de la table
48:13 Brigitte Bardot et Sandrine Rousseau.
48:15 Donc, c'est assez large, en fait, comme consensus.
48:17 En fait, dès que vous essayez, par la suite,
48:19 de transformer la société, pour aller dans ce sens-là,
48:21 immédiatement, vous crispez, vous cassez tous.
48:23 - Eh bien, on casse tout.
48:25 On verra ça.
48:27 Dans le futur, on verra,
48:29 notamment, avec le résultat
48:31 de ces élections européennes.
48:33 En vous écoutant, d'ailleurs,
48:35 on voit que le changement est tout de même progressif.
48:37 Donc, le résultat, je crois,
48:39 de ces élections européennes
48:41 ne renversera pas la table
48:43 quelle qu'il soit.
48:45 Mais, en tout cas, c'était passionnant.
48:47 Et donc, vous serez réinvité,
48:49 sans doute, bientôt, pour voir peut-être
48:51 la phase 3 du populisme.
48:53 - Avec plaisir. - Merci. Je vous laisse
48:55 avec les informations et je vous dis à la semaine prochaine
48:57 pour un nouveau numéro, dans toute vérité.