Le Haut-commissaire au Plan, Président du MoDem et Maire de Pau est l'invité du Grand Jury de 12h à 13h.
Regardez Le Grand Jury avec Anaïs Bouton du 21 avril 2024
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00:00 [Musique]
00:10 Le Grand Jury, présenté par Anaïs Bouton
00:14 Bienvenue dans ce Grand Jury en direct sur RTL et sur Paris 1er.
00:18 Bonjour François Bayrou.
00:20 Vous êtes le puissant patron du Modem, puissant parce que vous êtes une des composantes indispensables de la majorité.
00:27 Vous êtes maire de la belle ville de Pau, vous avez gagné d'ailleurs tous les matchs ce week-end.
00:32 Foot, basket, hand...
00:34 Rugby !
00:35 Rugby, rugby !
00:36 Et je vous remercie de le rappeler.
00:38 C'est de votre part une preuve de goût certain.
00:41 Et vous êtes haut commissaire au plan.
00:44 Alors extrême droite, dette, salaire d'essence, Jean-Luc Mélenchon et la Palestine nous évoqueront évidemment toute l'actualité.
00:52 Mais d'abord, c'était il y a 20 ans, on se souvient de votre claque à un enfant.
00:56 "Ne me fais pas les poches" vous lui aviez dit.
00:59 Un geste qui avait fait polémique, mais c'était peut-être votre façon de dire aux pères de famille
01:03 "Laisse pas traîner ton fils".
01:05 20 ans après, comment endiguer l'extrême violence qui semble désormais gangréner une partie de la jeunesse de France ?
01:14 Bienvenue dans votre Grand Jury, François Bayrou.
01:17 Alors à mes côtés pour vous interroger, Claire Connery du Figaro et Thomas Desprez du service politique de RTL.
01:25 Première question donc sur cette violence dans la société qui est une préoccupation majeure des Français.
01:31 Thomas Desprez.
01:32 Bonjour François Bayrou.
01:33 Chem Cheddin avait 15 ans, Zacharia avait 15 ans également, Samara 14, Philippe 22 ans.
01:38 Des enfants, des ados tombés sous les coups d'une jeunesse qui semble devenir folle.
01:42 Que se passe-t-il en France ces derniers jours ?
01:45 C'est pas très étonnant parce qu'on souligne ça depuis, j'allais dire, des années, des décennies peut-être.
01:56 Une perte de repères généralisée, une perte de repères dans les familles, une perte des repères précisément ressentis,
02:06 très gravement ressentis par les adolescents et cette perte de repères, cette incapacité à exprimer par la parole.
02:16 Parce que tout y contribue, les écrans, l'école ou en tout cas les difficultés de l'école, tout contribue à,
02:26 si j'ose dire, à priver de parole ces enfants et ces adolescents et ça débouche en violence.
02:33 Et une violence qui devient, je crois en raison des jeux vidéo, je crois en raison des écrans,
02:40 et je crois en raison de ce qu'on voit et découvre tous les jours de ces scènes horribles filmées et répandues sur les réseaux sociaux.
02:49 Et tout cela tourne dans une violence devant laquelle on est désarmé.
02:55 Emmanuel Macron avait parlé de décivilisation, vous employez ce mot aussi ?
03:01 Jean-Pierre Chevènement autrefois avait parlé de sauvageons, tout ça c'est la même idée.
03:06 - Oui mais ça fait donc très longtemps que ça dure.
03:09 - Ça fait très longtemps que ça dure, très longtemps qu'on a du mal à le comprendre et très longtemps qu'on a du mal à apporter des remèdes.
03:16 À Pau cette semaine, un scooter volé fonce sur un policier, le blessant, l'envoyant aux urgences, et ça aurait pu être dramatique.
03:30 Et comme on réussit à identifier le conducteur, il a 13 ans, cagoulé, et évidemment on paraît être désarmé.
03:45 Et moi je n'accepte pas l'idée qu'on le soit.
03:48 - François Bayrou, vendredi le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé des mesures autour de l'autorité,
03:53 mais quand on voit tous ces faits divers, les refus d'autant-terrer qui font régulièrement la une des journaux,
03:58 et pas plus tard que ce matin une policière et un enfant étaient blessés dans ce cadre,
04:02 est-ce que vous croyez franchement à un sursaut ? Est-ce que l'autorité ça se décrète pas ?
04:07 - Ce que vous voulez dire et que je partage c'est que les mots ne suffisent pas.
04:14 Les affirmations verbales ne suffisent pas.
04:18 Mais il faut penser au contraire une stratégie qui soit capable de répondre à cette dégradation-là.
04:27 Et cette stratégie pour moi, elle doit s'articuler sur au moins deux principes.
04:32 Il faut une extrême rapidité entre la sanction et le fait constaté.
04:40 Et aujourd'hui et partout tout le monde voit et sent qu'on reste avec des mois d'attente et de latence
04:50 pour qu'il y ait une décision et une sanction.
04:53 Et ça, ça ne peut pas aller.
04:56 Et il faut donc que le Parlement, les juristes, essaient de réfléchir.
05:02 Plus la sanction est immédiate, plus elle a une possibilité
05:07 ou plus elle offre une chance de toucher les adolescents en question.
05:12 Parce que c'est vrai pour les adultes, mais imaginez pour les adolescents.
05:17 S'il faut un an, un an et demi entre le fait quand il a été constaté et la sanction comme elle est présentée,
05:26 alors évidemment ça n'a plus aucun sens en termes chronologiques et en termes psychologiques pour l'adolescent.
05:35 L'adolescente c'est plus souvent des garçons que des filles en question.
05:39 Ça c'est la première chose.
05:41 Vous êtes donc favorable à l'atténuation de l'excuse de minorité qu'a mis sur la table le garde des Sceaux ?
05:46 Ça n'a rien à voir.
05:48 L'excuse de minorité, pour l'expliquer en termes simples, c'est que lorsque vous êtes très jeune, à partir de l'âge de 13 ans,
05:59 la sanction que vous encourrez représente la moitié de ce que une sanction normale prévue par le Code représente pour des adultes ou des jeunes adultes.
06:11 Donc ça n'a rien à voir.
06:13 Je suis pour qu'il y ait une réponse qui soit extrêmement rapide et presque si possible immédiate,
06:22 lorsque un fait est constaté, lorsque il y a un flagrant délit et lorsque des jeunes sont en question.
06:27 Deuxièmement, quelle peut être cette réponse-là ?
06:31 Je ne suis pas sûr que la prison, sauf un très bref temps, soit une réponse adéquate
06:39 parce que la prison c'est très souvent l'école des réseaux, l'école des deals, l'école...
06:45 - Oui, enfin quand vous avez tué quelqu'un à coup de pied, comme Philippe à Grands-Sein...
06:50 - Non, non, excusez-moi, nous ne parlions pas là des crimes.
06:56 Ce qui est un crime doit encourir une punition qui soit à la dimension de l'horreur et du drame causé.
07:06 Je parlais de ces incivilités de tous les jours, qu'on constate et contre lesquelles on est impuissant.
07:13 Qu'est-ce qu'on fait ? On change l'élève de collège.
07:19 Ce n'est pas la hauteur.
07:21 Ce que je pense nécessaire, c'est d'inventer une pédagogie différente, plus éducative, voire rééducative,
07:31 et qui soit immédiatement imposée à l'adolescent et à sa famille.
07:37 - Des internats, par exemple ?
07:39 - Alors les internats, c'est une partie de la réponse, mais un internat si vous n'avez pas derrière
07:44 l'équipe d'éducateurs, la capacité à prendre en charge, les stratégies qui sont des stratégies de reprise en main.
07:54 Si vous n'avez pas de possibilité autre que de l'envoyer en cours comme il était la veille, ça ne changera rien.
08:01 Ce qui veut dire en effet, la mise au point de ce type de stratégie, qui doit être à mon sens,
08:11 ne doit pas écarter la sévérité.
08:15 Ce n'est pas seulement une scolarisation dans un établissement différent.
08:19 C'est une scolarisation différente dans des établissements qui ont les équipes capables de prendre en charge.
08:27 Et donc l'internat, c'est probablement le moyen de cette scolarisation différente.
08:33 J'avais appelé ça, en ayant fait la proposition quand j'étais ministre de l'éducation, j'avais appelé le collège Orlé-Mur.
08:41 Un autre type de prise en charge, un autre type de réponse pédagogique et disciplinaire.
08:49 Ce qui ne veut pas dire de la sauvagerie, ce qui veut dire de la reprise en main.
08:53 Et combien d'adolescents ou de jeunes ont été sauvés à l'époque, par exemple par un engagement précoce au service militaire.
09:05 Ils avaient choisi parce qu'ils n'avaient pas d'autre issue.
09:08 Je pense que de ce point de vue là, oui, il y a des réponses précises à inventer qui demandent de la volonté et des moyens.
09:17 Et qui demandent la capacité, par exemple, de changer un de ces jeunes adolescents de quartier.
09:24 Y compris contre la volonté des parents ?
09:27 Je suis persuadé que les parents entendraient si on disait ça.
09:31 Les parents, il y a deux sortes de, pour parler grossièrement, il y a deux sortes de rapports aux parents.
09:40 Il y a des parents qui s'en fichent.
09:43 Et à ce moment là, des mesures incitatives et presque rudes, imposées, sont acceptables ou imaginables.
09:55 Comme la suspension des allocations familiales, par exemple ?
09:57 Oui, à condition que ça ne soit pas une mesure générale.
10:01 Parce qu'il y a une deuxième sorte de parents, c'est ceux qui n'ont plus la main sur leurs enfants.
10:06 Qui n'ont plus d'autorité sur leurs enfants.
10:08 Vous êtes une maman seule qui a des adolescents.
10:13 Vous savez, il n'y a pas que dans les familles de quartier, avec des difficultés sociales et culturelles, que l'adolescence est un moment difficile.
10:23 Tous ceux qui nous écoutent savent très bien qu'il y a des moments où on a du mal à garder le contact et à tenir l'autorité sur les adolescents.
10:35 C'est même ça l'adolescence.
10:37 Le propre de l'adolescence, c'est cette extrême difficulté à accepter un cadre qui était jusqu'alors le cadre de votre enfance.
10:45 Et quand vous êtes dans un quartier, quand vous êtes avec la présence au pied des immeubles de très mauvais exemple,
10:54 pour parler le plus légèrement possible, avec des réseaux et avec du deal, qu'est-ce que vous voulez faire ?
11:02 Le Premier ministre Gabriel Attal a dit qu'il allait chercher les pères, dans les cas de familles monoparentales.
11:08 C'est-à-dire que finalement mettre un enfant au monde c'était une responsabilité et qu'il fallait redonner la responsabilité au père.
11:14 Oui. La place du père, c'est très important. Ce n'est pas moi qui vais dire le contraire.
11:21 Vous avez six enfants.
11:23 Par vocation, je ne veux pas dire le contraire. Par vocation et par passion.
11:30 Pour moi, je pense que l'équilibre de la famille... Mais il y a beaucoup de cas où il n'y a pas de père.
11:39 Ah oui ?
11:40 Et donc, on peut chercher la responsabilité du père quand le père est là, mais chercher la responsabilité du père quand il n'y a pas de père,
11:50 quand le père a fui ou que simplement la vie a fait qu'il n'est pas là.
11:55 C'est pourquoi je disais qu'il faut des actes au moins autant que des mots.
12:00 Les mots c'est utile, mais les actes sont nécessaires et trouver des stratégies et des réponses qui puissent s'adapter à des situations qui sont toutes des situations critiques,
12:12 ça mérite de penser différemment l'action publique.
12:17 Mais ça fait longtemps François Bayrou.
12:19 C'est ça le problème. Oui, vous parlez depuis des décennies. On a l'impression que le politique est complètement... qu'il n'y arrive pas.
12:27 Pas que le politique. Vous aussi, les médias, vous êtes à décrire des situations.
12:36 Mais quel type de réponse avez-vous rapporté ?
12:39 Oui, mais on n'est pas élus pour trouver des réponses.
12:42 Non, vous n'êtes pas élus, mais vous avez une responsabilité.
12:46 Nous avons tous, comme citoyens, comme personnes humaines, nous avons tous une responsabilité là-dessus.
12:54 On vit des temps de mutation absolument incroyables et ces temps de mutation sont des temps de désordre dans les esprits.
13:02 Si on devait décrire ce qui s'est passé dans une société comme la nôtre depuis des décennies, on décrirait quoi ?
13:09 On décrirait une dissolution.
13:11 Les liens, les repères, tout ce qui a permis...
13:18 Vous connaissez cette phrase que Hillary Clinton a reprise comme titre dans un de ses livres.
13:24 "Il faut tout un village pour élever un enfant."
13:28 Et c'est encore plus vrai aujourd'hui.
13:31 Il faut tout un quartier, il faut toute une école, il faut les familles qui sont le cadre de cette naissance et de cette évolution dans le monde.
13:46 Notre sujet c'est celui de la laïcité à l'école.
13:50 Claire Conowit, au premier trimestre 2024, un tiers des atteintes à la laïcité à l'école ont lieu dans l'école élémentaire selon un bilan de l'Education nationale.
14:00 Au pays de Samuel Paty et Dominique Bernard, 50% des enseignants reconnaissent s'être déjà auto-censurés.
14:07 Comment lutter contre ces attaques, contre la laïcité, contre l'école de la République au fond ?
14:12 Vous vous souvenez peut-être que c'est moi qui ai interdit le voile à l'école en 1994, ce qui n'est pas tout à fait hier.
14:22 J'étais intéressé parce que des sociologues ont décrit, et Éric Morin en particulier, a décrit les conséquences directes qu'avait eues cette décision sur le voile à l'école,
14:36 parce que c'était l'école, sur la scolarisation des jeunes filles, en disant que c'était cette décision-là qui avait déclenché l'amélioration de la scolarisation des jeunes filles.
14:47 Est-ce qu'on est dans un moment particulièrement difficile ? Je crois que oui.
14:52 Gabriel Attal a parlé d'un "entrisme islamiste". Est-ce que vous reprendriez ces mots-là pour décrire la situation dont nous parlons ?
15:00 Bon, si je peux, je n'essaierai pas de focaliser sur l'islam ce qui est en train de se passer.
15:18 C'est essentiellement des jeunes musulmans ou des jeunes musulmanes qui vivent avec le sentiment qu'elles sont dans une société qu'ils ou elles sont,
15:33 mais c'est vrai particulièrement pour les filles, à cause du voile. Nous avions une réunion à Pau avec quelques dizaines de jeunes sur les sujets de l'engagement.
15:46 Et cette question est revenue extrêmement fort, pourquoi on ne nous autorise pas à faire du sport, nous les filles, avec notre voile ?
15:56 Qui est pour nous, c'est leur mot, un signe d'identité. Et donc, je pense que cette question doit être reprise avec plus de gravité qu'elle ne l'a été depuis des années.
16:11 Oui, mais c'est quand même en France que deux professeurs ont été décapités. Il y a bien un problème quand même avec l'islamisme, pas avec l'islam.
16:18 C'est tout à fait nécessaire de faire la différence. Et en même temps, je pense qu'il faut que l'école reprenne cette responsabilité.
16:29 Je pense qu'on n'explique pas assez. On doit en faire un thème de transmission en disant que chez nous, ce n'est pas la religion qui fait la loi.
16:40 Chez nous, pour vivre ensemble...
16:42 La dernière fois qu'on a fait ça, il y a un professeur qui a été décapité. C'était tout l'enseignement de ce professeur.
16:46 Non, en aucune manière. Pardonnez-moi de vous dire, c'est un amalgame.
16:51 C'est parce qu'il avait montré les caricatures.
16:54 Voilà, mais ça n'est pas la même chose.
16:57 C'est toutes nos valeurs.
16:59 Je pense que ce que nous appelons les cours d'éducation civique, ou qu'on devrait porter comme programme d'éducation civique,
17:11 la laïcité expliquée dans sa raison profonde, et qui n'est pas souvent bien expliquée,
17:19 qui est que, chez nous, la loi protège la foi, protège la conviction religieuse, protège les convictions philosophiques.
17:30 La foi, donc, et l'absence de foi.
17:33 Que nous avons choisi de construire une société où toutes les convictions auront leur place, auraient leur place.
17:42 Et que pour que toutes les convictions auraient leur place, il ne faut qu'aucune de ces convictions ne fasse la loi.
17:48 Je trouve que ce principe-là, il mériterait d'être, à l'école, repris, expliqué, en dehors des crises et des drames.
18:05 On le fait généralement quand il y a des crises et des drames.
18:09 Et on fait une communication sur ces sujets.
18:12 Je pense qu'il faut en faire, si j'ose dire, le premier chapitre des cours d'éducation civique.
18:19 - Quand on vous écoute, François Bayrou, on ne comprend pas pourquoi vous avez refusé d'être à nouveau ministre de l'éducation nationale.
18:24 Ça vous avait été proposé ?
18:26 - Non, non. Il faut que vous fassiez la revue des choses, non.
18:32 Si on me l'avait proposé, je l'aurais accepté.
18:35 - Il y a eu des discussions poussées avec Emmanuel Macron et Gabriel Attal.
18:38 Ils ont dit que vous n'y rejoindrez pas le gouvernement sur un fonds de désaccord politique.
18:42 Est-ce que le problème ne méritait pas d'y aller quand même ?
18:46 - Si ça m'avait été proposé, j'aurais dit oui.
18:49 - Ah, ça ne vous a pas été proposé ?
18:50 - Non.
18:51 - C'est ce que nous avions tous compris.
18:53 - Oui, mais peut-être parce que vous n'écoutez pas bien.
18:56 - On n'écoute pas la radio.
18:58 - Tout ceci est totalement anecdotique.
19:01 Ma situation est claire.
19:04 Je suis là pour aider ceux qui ont la responsabilité.
19:08 Je suis là pour aider le président de la République et le gouvernement.
19:11 Mais j'avais dit que j'étais disponible pour deux responsabilités
19:14 parce qu'elles me paraissaient aujourd'hui dans un état particulièrement critique.
19:19 La première, c'était l'éducation nationale.
19:22 Et la deuxième, c'était...
19:24 - L'aménagement du territoire.
19:25 - Pas seulement.
19:27 La rupture qui existe en France entre la base de la société
19:33 et ceux qui se présentent ou croient être le sommet.
19:38 - Vous n'avez pas envie de parler d'élite.
19:41 - Pardon ?
19:42 - Vous ne dites pas élite.
19:44 - Non, je ne dis pas élite.
19:46 - Pourquoi ?
19:47 - Parce que "élite", pour moi, ça a un sens moral, intellectuel, spirituel.
19:55 "Élite", c'est être au-dessus.
20:00 Et je ne crois pas que les pouvoirs soient des élites.
20:04 Je le regrette.
20:06 Je voudrais que les pouvoirs fussent élite.
20:10 Mais je constate qu'ils ne le sont pas toujours.
20:13 - Donc, comment vous dites ? Entre la base et ceux qui gouvernent.
20:16 - Je dis, voilà, ceux qui gouvernent et le sommet, les pouvoirs.
20:20 Ou les prétendus pouvoirs.
20:22 Parce que je ne suis pas sûr que le pouvoir ait beaucoup de pouvoirs.
20:25 Et c'est un des problèmes aussi de la société dans laquelle nous vivons.
20:29 - Et est-ce que c'est ce qui explique la défiance des Français,
20:31 la défiance inouïe des Français à l'égard du politique ?
20:34 - Alors, on parlait tout à l'heure de dissolution.
20:39 Il y a plusieurs dissolutions.
20:42 La première des dissolutions, c'est celle que vous évoquez,
20:47 entre la base et les responsables de la société,
20:53 notamment politiques et administratives.
20:56 Ça, c'est un lien qui est, hélas, aujourd'hui extraordinairement fragilisé.
21:02 Mais il y a aussi des solutions, des liens entre les Français,
21:05 entre eux à la base.
21:07 - L'archipelisation ?
21:08 - Oui, c'est un joli mot.
21:11 Et qui dit des choses tout à fait essentielles.
21:14 Mais ce qui était le patrimoine commun,
21:20 c'était aussi un patrimoine culturel.
21:23 C'était un patrimoine de conviction religieuse ou philosophique.
21:31 Et c'était aussi un patrimoine culturel, ce qu'on avait appris à l'école.
21:36 J'ai raconté dans un livre, il y a très longtemps,
21:39 que dans notre village, quand on jouait à la belote,
21:42 on distribuait les cartes et puis le premier joueur,
21:47 il disait "Rodrigue a-tu du cœur ?"
21:50 En posant sa carte sur la table.
21:53 Qu'est-ce que c'était "Rodrigue a-tu du cœur ?"
21:55 - Tout autant que mon père l'éprouverait sur l'heure.
21:57 - C'était le Cid.
21:58 Et on avait appris à l'école.
22:01 Et ça n'était pas des gens qui étaient allés au lycée, ni au collège.
22:05 C'était des gens qui avaient le certificat d'études.
22:10 Et ce patrimoine culturel partagé, il s'est aujourd'hui dissous lui aussi.
22:17 Alors, c'est pas seulement en France.
22:20 Tous les pays, je crois, sans exception, en tout cas occidentaux,
22:24 sous l'irruption des messages audiovisuels qui sont infiniment plus puissants,
22:30 des écrans qui sont infiniment plus puissants que les livres,
22:34 tout ça s'est dissous.
22:37 Et tout ceci est à reconstruire.
22:39 Si nous ne comprenons pas qu'une des raisons,
22:45 une des vocations, une des missions des responsables politiques,
22:50 c'est de fournir à leurs concitoyens des raisons de vivre.
22:56 Pas seulement des diplômes ou des semi-diplômes,
23:01 ou des simili-diplômes quelquefois,
23:04 mais de leur fournir des raisons de vivre et de vivre ensemble.
23:07 Et c'est pourquoi ce patrimoine...
23:09 - Mais François Bayrou, ça fait tellement longtemps !
23:12 Déjà, Jacques Chirac avait diagnostiqué la fracture sociale.
23:15 Qu'est-ce qu'on a fait depuis 30 ans pour la résoudre ?
23:20 - Pas assez.
23:22 Mais pourquoi ? Parce que dans les grands temps de mutation,
23:26 quand les grands principes politiques sont renversés,
23:33 quand les grands principes culturels et sociaux sont renversés,
23:36 dans ces temps de mutation, il faut chaque fois inventer un nouveau,
23:40 une nouvelle démarche,
23:42 qui soit une démarche de responsabilité,
23:45 de pouvoir, et je dis moi, démocratique.
23:48 Parce que vous voyez bien ce qui est en train de se passer sur la planète,
23:52 on va y revenir pour parler d'Europe et de politique étrangère,
23:55 mais il y a une chose qui est frappante.
23:57 C'est qu'il y a 20 ans, on avait le sentiment que l'élan des démocraties était irrésistible.
24:02 Au moment de la chute du mur de Berlin,
24:04 tout le monde a pensé que les démocraties allaient devenir
24:09 le régime le plus commun sur la planète,
24:15 qu'elles allaient remporter ce combat-là.
24:19 Et puis aujourd'hui, on s'aperçoit que les démocraties sur la planète,
24:22 écoutez bien, sont devenues minoritaires.
24:25 Et que même à l'intérieur des pays qui se croient des démocraties,
24:30 ou qui prétendent l'être la démocratie au sens qui me paraît vital,
24:36 c'est-à-dire l'adhésion des citoyens
24:41 aux idéaux de la société et aux décisions qui sont prises,
24:47 ou en tout cas aux méthodes de décision qui sont prises.
24:50 Et je me bats, un peu seul c'est vrai, souvent,
24:53 sur cette idée que les décisions ne doivent pas être prises
24:58 dans un sommet isolé et solitaire,
25:01 mais qu'il faut partager avec les citoyens
25:04 les raisons de ces décisions comme s'ils étaient codécideurs.
25:08 J'ai pris un exemple qui a été pour moi un crève-cœur.
25:13 C'est la réforme des retraites.
25:16 Nous avions réussi à établir, avec le commissariat au plan que vous évoquiez,
25:22 les vrais chiffres du financement des systèmes de retraite.
25:25 Vous vous souvenez qu'il y avait un débat,
25:27 le conseil d'orientation des retraites disait que c'était équilibré,
25:32 - Équilibré voire excédentel.
25:34 J'adore cette phrase, mais que vous citez exactement, entre guillemets,
25:39 et même excédentaire.
25:41 C'était une fumisterie.
25:45 Pourquoi ? Parce qu'il n'y avait d'équilibre comptable.
25:50 C'est vrai qu'il y avait un équilibre comptable,
25:53 que parce que l'État apportait tous les ans
25:56 entre 30 et 40 milliards d'argent public.
26:01 Et c'est un argent public qu'on n'a pas,
26:04 donc on doit emprunter tous les ans pour assurer l'équilibre du système de retraite.
26:08 On avait établi ces chiffres-là.
26:10 Et puis, mon espoir, c'était que, dans les 3 ou 4 mois de réflexion,
26:17 - On utilise ces chiffres.
26:18 - Qu'on adresse à chaque famille française,
26:21 et traduite en termes de tous les jours,
26:24 ce que ça signifiait.
26:26 C'est-à-dire que les pensions des retraités,
26:29 elles étaient payées par les générations à venir.
26:32 Est-ce qu'on peut imaginer plus immoral que ça ?
26:36 Je croyais, j'étais persuadé qu'on pouvait faire ça.
26:39 Puis ce n'est pas la stratégie qui a été choisie,
26:42 et pour moi c'est une occasion manquée extraordinaire.
26:45 Parce que là, nous avons vu ce que la démocratie aurait pu être.
26:50 J'étais même partisan.
26:51 - Allez, on en reparlera tout à l'heure.
26:53 - Un peu Don Quichotte.
26:55 Moi j'étais partisan de faire un référendum sur ce sujet.
26:58 - Ouh là ! Audacieux !
26:59 Allez, on reparle tout à l'heure des 100 jours de Gabriel Natal,
27:03 des impôts et de l'Europe.
27:05 A tout de suite, après une petite pause sur RTL.
27:07 - Et avec nous ce matin, merci François Bayrou.
27:25 Vous êtes donc patron du Modem, maire de la belle ville de Pau,
27:28 et haut-commissaire au Plan.
27:30 Et Claire, vous aviez une question sur les 100 jours.
27:32 Alors on ne parle pas de Napoléon, Claire.
27:34 - Non, on parle de Gabriel Natal,
27:36 qui fait face donc, on le disait, à une crise de l'autorité,
27:38 qui a fait face à une crise agricole,
27:40 à une dégradation brutale des comptes publics.
27:43 François Bayrou, au bout de ces 100 jours à Matignon,
27:45 quelle note vous lui mettez à Gabriel Natal,
27:47 vous qui avez été professeur ?
27:48 - Je ne note pas, je soutiens.
27:51 - Et en chiffre, c'est la moyenne ?
27:53 - C'est absolument pas la même démarche.
27:54 Vous voyez, c'est une démarche...
27:56 L'idée que...
28:00 on serait des observateurs qui noterions,
28:05 donnerions des signes plus et des signes moins,
28:08 c'est absolument pas la mienne.
28:10 Le Premier ministre, le gouvernement,
28:12 encore davantage le Président de la République,
28:15 sont en fonction, ils y sont parce que les Français ont choisi
28:19 une démarche et notre travail, responsabilité,
28:24 quand vous êtes à la tête d'une formation politique,
28:27 c'est d'apporter du soutien.
28:29 Après, si vous avez des remarques à faire,
28:32 vous les faites en privé.
28:34 Là, me semble-t-il, l'équilibre nécessaire,
28:40 la tâche des gouvernants n'est pas facile.
28:44 Vous avez décrit, vous décrivez à l'envie
28:48 ce que représente la difficulté des temps.
28:52 Aidons-les plutôt que de les critiquer.
28:56 - Parmi les difficultés, il y a la dette.
28:58 154 milliards d'euros de dette, 5,5% du PIB.
29:02 Comment se fait-il qu'il y ait eu un tel dérapage ?
29:05 - 154 milliards cette année.
29:07 - Oui.
29:08 - Qui s'ajoute, qui atteignent les 3000 milliards de dette.
29:13 Alors vous, si j'ose dire, vous vous adressez à un expert,
29:17 parce que j'ai choisi, il y a des années,
29:22 de mettre la question de la dette au centre de la réflexion,
29:27 et même d'une campagne électorale présidentielle, en 2007.
29:31 Pourquoi ? Parce que...
29:34 Je vais essayer de préciser une idée stratégique.
29:41 En fait, il y a 2 sortes de dette.
29:44 Il y a une dette qui est absolument normale et morale.
29:51 C'est la dette qu'on contracte pour faire des investissements.
29:55 Quand vous construisez un hôpital, vous construisez l'hôpital pour 50 ans.
30:00 Quand vous construisez une université, c'est à peu près la même durée.
30:04 Il est donc normal de partager la charge de ces investissements
30:09 avec les générations qui viennent.
30:11 Mais ce n'est pas ce qu'on a fait en France,
30:14 et ce qu'on a fait depuis des décennies.
30:17 Ce qu'on a fait, c'est qu'on s'est... depuis les années 75.
30:23 Ce qu'on a fait, c'est qu'on s'est servi de la dette qu'on a empruntée
30:29 pour les dépenses de fonctionnement, les dépenses de tous les jours.
30:33 Et je donnais comme illustration, il y a une minute avec vous,
30:37 le fait qu'on emprunte pour payer les pensions de retraite.
30:42 Ce qui est dingue.
30:44 Et la même chose pour la Sécu, dans une moindre mesure,
30:48 mais les dépenses de santé, les feuilles de santé,
30:51 sont en partie payées, non pas par la génération actuelle,
30:54 comme ça devrait être normal, mais par les générations qui viennent.
30:58 On met ça sur leur compte.
31:00 - Mais alors qu'est-ce qu'on va faire ?
31:01 - Les enfants que nous mettons au monde, pas assez nombreux...
31:05 - En plus ? - D'ailleurs, l'un explique l'autre.
31:08 Ces enfants-là, on leur laisse une charge de dette
31:13 qu'ils devront d'une manière ou d'une autre assumer.
31:17 - Mais qu'est-ce qu'on doit faire ? On doit augmenter les impôts ?
31:19 - Ceci n'est pas normal. - Qu'est-ce qu'il faut faire ? Augmenter les impôts ?
31:21 - Non, j'essaie de ne pas m'exprimer de manière simpliste.
31:26 Nous avons, et le Président de la République a raison de le dire,
31:30 et il est un des seuls à le dire,
31:32 la première démarche, c'est d'augmenter le nombre de gens au travail,
31:38 le nombre d'entreprises qui produisent,
31:40 parce que si nous avions, comme tout le monde le dit,
31:45 le même taux d'emploi que l'Allemagne, par exemple,
31:47 on n'aurait pas ce genre de difficultés.
31:49 Donc, tourner la société vers la création, la créativité,
31:56 la recherche, l'invention, l'édification de nouvelles entreprises,
32:01 ça c'est la première des choses à faire.
32:04 La deuxième des choses à faire, à mon sens,
32:07 c'est un plan de retour à l'équilibre des finances publiques sur, mettons, 10 ans.
32:13 - Quand Bruno Le Maire... - Parce qu'on ne peut pas passer sa vie
32:18 à faire des allers et retours.
32:20 - Mais ça c'est comme sur la violence, ça fait 25, 30 ans qu'on entend ce discours, François Bayon.
32:24 - Non, ce discours n'a jamais été entendu,
32:27 parce qu'autrement on l'aurait fait.
32:29 Vous vous souviendrez peut-être que j'avais proposé,
32:33 dans cette élection présidentielle que nous évoquons,
32:36 qu'on fasse un plan de retour à l'équilibre comme ça.
32:39 J'avais même dit qu'on pouvait le soumettre au référendum,
32:42 pour que ce soit un engagement de la nation, profond, sérieux, grave,
32:48 et pas des basculements.
32:50 Alors, nous venons de vivre deux épisodes,
32:54 qui sont, parce que le début du quinquennat d'Emmanuel Macron
32:59 avait été dans la ligne d'un plan de retour à l'équilibre.
33:03 Et puis on a eu le Covid,
33:05 et on ne pouvait pas faire autrement que ce qui a été fait,
33:09 c'est-à-dire soutenir de toutes les manières
33:12 les entreprises et les emplois pour que la société ne s'effondre pas.
33:16 Et puis on a eu la guerre en Ukraine,
33:19 avec ses conséquences dont nous allons...
33:21 - Et dans les derniers en Europe,
33:23 tous les autres pays de l'Union Européenne ont fait face à même des preuves,
33:27 et nous ne sommes pas les derniers, nous avons la pandémie.
33:29 - Nous avons pris l'habitude d'être addicts à la dette.
33:32 - Mais qu'est-ce qui s'est passé dans les dérapages des comptes publics ?
33:34 Il y a eu un déni de réalité au sein de l'équilibre ?
33:36 - Oui, il y a eu l'idée que c'était plus facile d'emprunter
33:40 que de construire un équilibre,
33:43 que c'était plus populaire.
33:45 Vous savez, il y a des formations politiques
33:47 qui s'expriment avec beaucoup de sévérité
33:52 contre le gouvernement,
33:54 sur ses affaires de finances publiques,
33:57 plutôt à droite,
33:59 beaucoup de sévérité.
34:00 Mais j'ai eu la curiosité de regarder les propositions
34:03 que dans le débat budgétaire,
34:05 ces formations politiques avaient faites.
34:08 Et qu'est-ce que c'étaient les propositions ?
34:10 C'était 120 milliards de dépenses de plus.
34:13 120 milliards de dépenses de plus.
34:16 Parce que, évidemment,
34:18 c'est une attitude plus facile à assumer
34:25 que d'exiger des dépenses supplémentaires.
34:29 Dans ce plan de retour à l'équilibre,
34:31 je demande une chose,
34:33 mais je ne suis pas sûr que ce soit entendu de tout le monde.
34:37 - Alors ça sera quoi, ce commissariat au plan ?
34:40 - Le commissariat au plan ne décide pas.
34:42 - Non, il propose.
34:43 - Il propose.
34:44 Et donc, par exemple, je suis très content
34:48 des décisions européennes qui ont été prises
34:51 sur un plan de relance et de soutien de 700 milliards.
34:58 Parce que ça, c'est exactement le type de démarche
35:02 ou de stratégie que je crois juste.
35:05 Mais je demande qu'on fasse attention à une chose.
35:08 Les collectivités locales sont, en France,
35:13 l'institution, l'entité qui investit.
35:18 - Vous craignez qu'il y ait une tentative de la part d'exécutifs
35:21 de vouloir aller prendre dans les collectivités locales ?
35:24 - J'entends ici ou là...
35:27 - Du côté de Bercy ou du côté de...
35:29 - Il y a une chose qu'on n'a pas en tête,
35:33 que seuls les pauvres maires qui, tous les jours,
35:37 s'affrontent à ces difficultés en t'en tête.
35:40 L'investissement est directement dépendant
35:45 des excédents que vous pouvez trouver dans le fonctionnement.
35:49 - Donc vous dites à Bruno Le Maire,
35:51 "Pas de touche aux collectivités locales."
35:53 - Je dis à Bruno Le Maire, si nous voulons sauvegarder l'investissement,
35:57 faites attention au fonctionnement des collectivités locales.
36:01 Parce que c'est les économies que vous faites sur le fonctionnement
36:05 qui vous permettent d'emprunter pour investir.
36:07 - Oui, mais alors là, on ne comprend pas.
36:09 Parce que s'il ne faut pas toucher aux collectivités locales,
36:11 et si la question de l'augmentation des impôts est simpliste,
36:14 on ne sait pas où vous allez trouver de quoi rembourser la dette.
36:17 - Eh bien, peut-être vous n'avez pas écouté jusqu'au bout.
36:21 Je pense qu'il est nécessaire de programmer dans le temps
36:27 un retour à l'équilibre fondé en particulier,
36:30 comme le Président de la République le dit,
36:32 sur l'augmentation de l'activité et la multiplication des emplois.
36:36 - Thomas, une question sur l'Europe, vous brûlez les lèvres.
36:39 - Une question est sur les élections européennes.
36:42 Valérie Ayé, la candidate de la majorité présidentielle que vous soutenez aujourd'hui,
36:46 ne cesse de baisser dans les sondages.
36:48 Elle est maintenant talonnée par Raphaël Glucksmann,
36:50 loin, loin derrière Jordan Bardella.
36:52 Qu'est-ce qu'il arrive à votre candidate ?
36:53 Qu'est-ce qu'il arrive au camp présidentiel dans cette campagne ?
36:55 - Oui, alors d'abord, la présentation que vous venez de faire
36:58 est une présentation pour le moins simpliste.
37:01 Parce que ce n'est pas vrai ce que vous dites.
37:03 - Sur les courbes, elle descend ?
37:05 - Si vous prolongez les courbes jusqu'à dans 100 ans, oui.
37:08 Mais ce n'est pas seulement la question.
37:11 - Qu'est-ce qu'il arrive à cette campagne ?
37:13 - Il me semble que cette élection-là,
37:17 dont tout le monde dit l'importance,
37:20 et l'importance historique, et l'importance séculaire,
37:24 cette élection-là, on n'a pas encore pris la mesure
37:28 de ce que l'Union européenne était en danger.
37:34 L'Union européenne, parce que Poutine a déclenché un mouvement
37:40 qui s'étend sur toute la planète,
37:43 qui est un mouvement qu'il faut nommer par son nom,
37:46 c'est-à-dire le retour au temps où c'est la violence qui fait la loi.
37:52 Le retour au temps où c'est l'assaut, les canons, les obus,
38:01 les bombes, les drones, qui tout d'un coup changent l'ordre du monde.
38:08 On est sortis du temps dans lequel il y avait une loi internationale,
38:13 par exemple "on ne touche pas aux frontières".
38:15 C'était une loi qui a duré jusqu'en 2022.
38:19 On ne touchait pas aux frontières.
38:21 Et notamment les grands pays ne touchaient pas aux frontières.
38:24 Et puis là, tout d'un coup, on est entrés dans un temps
38:26 qui a basculé du côté de la violence.
38:29 Et vous ne trompez pas, c'est le même mouvement.
38:32 Ce qui s'est passé en Ukraine,
38:34 ce que la Chine fait entendre comme menace à l'égard de Taïwan,
38:39 ce qui s'est passé le 7 octobre,
38:42 lançant ce drame épouvantable entre Israël, Gaza, la Palestine,
38:49 c'est le même mouvement.
38:51 Vous dites "nous n'avons pas pris conscience",
38:53 votre camp non plus n'a pas pris conscience ?
38:55 Si, je pense que précisément le président de la République a pris conscience.
39:00 Et c'est ce qu'il dit et répète.
39:02 Mais il me semble que l'opinion publique française,
39:05 peut-être même européenne, n'a pas pris conscience de cela.
39:08 Mais on croit qu'il n'y a que les menaces militaires.
39:11 Ce n'est pas vrai.
39:12 Les menaces, ou en tout cas les pressions commerciales de la Chine,
39:21 les menaces d'intégrisme religieux.
39:28 Oui d'accord, mais alors comment vous expliquez qu'à 49 jours du scrutin,
39:33 il n'y ait ni liste ni programme ?
39:35 Mais aucun des camps n'a présenté ses listes. Aucun.
39:40 La France Insoumise a présenté sa liste,
39:42 Jordan Bardella a présenté ses listes,
39:45 Jordan Bardella a présenté liste et programme ?
39:47 Pas du tout.
39:48 On ne va pas commenter les uns et les autres,
39:51 mais je vous encourage à vérifier, ce n'est pas vrai.
39:54 Je viens de lire ce matin dans le journal,
39:56 que les trois ou quatre grandes formations politiques
39:59 annonçaient les réunions qui vont présenter leur liste.
40:03 Donc vous ça arrive ?
40:05 Forcément.
40:07 Et vous allez être en soutien de la liste, comme le demande le président ?
40:10 Vous, Edouard Philippe, en position non éligible ?
40:13 J'ai dit une chose très simple, si on a besoin de moi, je serai là.
40:17 Ils ont besoin de vous.
40:19 Je vous l'ai dit, je suis en étant candidat à la fin de la liste.
40:22 Donc vous y serez, c'est sûr.
40:24 Donc si on me le demande, et peut-être que ce ne sera pas le cas,
40:28 mais je ne mesure pas mon soutien, je ne fais pas semblant.
40:32 Je pense que ce qui se joue est essentiel.
40:35 Mais je vais encore plus loin dans la description de ces menaces-là.
40:39 Il y a d'autres menaces, et Dieu sait que je suis reconnaissant aux Etats-Unis
40:46 de ce qu'ils ont fait dans l'histoire pour nous,
40:48 mais aujourd'hui, la puissance américaine, déployée à partir de déficits budgétaires
40:55 qui sont encore beaucoup plus importants que les nôtres.
40:58 Vous avez dit aux Etats-Unis, actuellement, c'est 6,
41:03 et l'Institut économique qui dépend du Congrès, le bureau d'études qui dépend du Congrès américain,
41:09 prévoit 8% sur 10 ans.
41:13 Pourquoi ? Parce que les Etats-Unis se sont lancés dans une stratégie qui est extrêmement puissante.
41:22 L'Etat américain qui soutient la consommation américaine,
41:28 la réindustrialisation américaine,
41:31 et les très grandes entreprises qui sont liées aux Etats-Unis,
41:35 les GAFAM qui appartiennent aux mêmes sociétés culturelles,
41:40 au même ensemble culturel,
41:43 font tout pour mettre la main sur toutes les technologies,
41:49 toute la recherche, tous les réseaux, je pense au cloud par exemple.
41:55 - Et l'Europe est très molle.
41:57 - Et l'Europe est insuffisante pour... J'allais dire un mot plus méchant, mais c'est pas...
42:01 - Ben, allez-y !
42:02 - Non, je ne veux pas l'employer.
42:04 L'Europe n'a pas pris conscience de ça,
42:07 ou en tout cas fait comme si elle ne prenait pas conscience de ça.
42:11 Mario Draghi a fait un discours cette semaine
42:14 qui va tout à fait dans le sens de ce que je dis là.
42:17 Je dis, il y a des moments où il faut regarder le monde.
42:20 On ne peut pas couper l'investissement.
42:23 Il faut le soutenir.
42:25 On ne peut pas couper dans ce qui fait la vitalité de nos sociétés, de nos entreprises.
42:30 Il faut les soutenir.
42:31 Il faut réhabiliter cet effort qui est de reprendre le contrôle des technologies
42:40 qui pour l'instant peu à peu nous sont enlevées.
42:44 Par exemple, la Chine fait un dumping incroyable sur les moteurs électriques.
42:51 Et tous ceux qui sont dans ces industries-là savent que
42:56 on vend des moteurs beaucoup moins chers que probablement il ne coûte à fabriquer.
43:03 Si on ne se rend pas compte de ça,
43:06 si on ne mesure pas, et moi je demande aux députés européens qui seront élus,
43:12 il y en a quelques-uns dans cette salle,
43:14 je leur demande de faire attention à cet engagement-là.
43:20 Il faut qu'ils soient élus en prenant l'engagement de soutenir l'activité du pays.
43:28 Parce qu'on va perdre la guerre.
43:30 Si l'enjeu est si important, comment se fait-il que votre candidate soit à ce point-là dans les choux ?
43:34 Non, d'abord, elle n'est pas dans les choux.
43:37 Elle va se faire dépasser par Raphaël Glucksmann, potentiellement.
43:39 Non mais attendez, que vous teniez à accréditer cette idée, c'est possible.
43:44 C'est-à-dire que Jordan Bardella est à 30-32% dans les sondages.
43:47 Vous voyez, ce n'est pas la même chose.
43:51 Je ne parle pas de Glucksmann, je parle de Bardella.
43:53 Et moi je ne crois pas ça.
43:55 Je crois, et je croirai jusqu'à la dernière seconde,
43:58 qu'on peut faire entendre raison, entendre le toxin,
44:02 entendre l'alarme, entendre l'urgence d'un ensemble européen
44:08 qui est en train d'être menacé dans son indépendance et dans son existence même.
44:15 Et si vous ne vous rendez pas compte que la France,
44:19 puisque ce sont des électeurs français qui vont voter,
44:22 mais la France, elle est absolument dépendante, toute seule elle ne peut pas.
44:27 Et tous ceux, alors vous avez cité des noms,
44:30 qui prétendent qu'on peut faire tout seul et qu'au fond on n'a pas besoin d'Europe,
44:35 sont des menteurs.
44:37 Là vous parlez de Jordan Bardella.
44:39 Oui, entre autres.
44:41 C'est vrai aussi pour LFI.
44:45 Tous ceux dont la thèse est "Séparons-nous de cette Europe
44:50 et allons faire nous ce qui nous paraît bon
44:53 et on se tirera tout seul des pièges qui nous sont tendus"
44:57 sont des menteurs, pour ne pas dire des escrocs.
45:00 Ils présentent à l'opinion publique une vision de l'avenir
45:05 qui est purement et simplement insoutenable.
45:08 Vous croyez que...
45:11 Mais est-ce que votre camp, le camp présidentiel auquel vous appartenez,
45:14 n'a pas une responsabilité dans la montée de ces partis-là ?
45:18 Vous qui entretenez, Emmanuel Macron qui entretient constamment
45:21 le duel entre Renaissance et le RN,
45:24 est-ce que vous n'êtes pas en quelque sorte responsable
45:27 du renforcement du parti de Marine Le Pen et du score que fait Jordan Bardella aujourd'hui ?
45:31 Comme vous savez, il m'arrive d'avoir des différences,
45:34 non pas avec le président de la République, mais avec tel ou tel de ses soutiens.
45:38 Je n'ai jamais été partisan de braquer les projecteurs sur le Front National
45:43 ou sur le RN. Jamais.
45:46 Précisément pour cette raison ?
45:48 Pourquoi ? Parce que vous lui rendez un service formidable.
45:51 Si chaque fois que vous faites un discours,
45:54 vous prenez la parole pour dire "Attention,
45:57 le Front National et l'extrême droite,
46:00 ils ne se sont pas comportés au Parlement européen comme..."
46:05 C'est ce qui s'est passé au meeting de Lille, le premier meeting de Valérie Ayé.
46:09 Je l'avais oublié, vous voyez, c'est vous qui me le rappelez.
46:12 Et donc, si vous ne faites...
46:17 Si vous faites d'eux le sujet unique de la campagne électorale,
46:22 vous leur rendez un service extraordinaire.
46:25 Moi j'adorerais que tous les matins,
46:28 tous les partis politiques disent "François Bayrou quand même, c'est un risque de..."
46:33 Si on ne parlait que de nous...
46:36 Chaque fois que vous parlez de quelqu'un, vous en faites une vedette.
46:39 Et il devient donc l'opposant universel.
46:42 Et moi je plaide pour l'autre approche.
46:45 Alors les deux peuvent aller ensemble,
46:48 il faut aussi que dans la campagne il y ait un peu de muscle et de critique,
46:51 mais je plaide pour l'autre approche.
46:54 Ce que nous sommes sur le point de vivre
46:57 est un risque comme nous n'en avons pas vécu depuis trois quarts de siècle.
47:03 Ce qui nous menace, nous ne pouvons le conjurer qu'ensemble.
47:08 Et encore...
47:10 - Ça c'est des mots, les populistes sont en tête dans des sondages dans presque tous les pays d'Europe, François Bayrou.
47:16 - Excusez-moi, c'est pas parce que les peuples se trompent
47:19 que vous êtes obligés d'aller dans leur sens.
47:22 Nous avons vécu, tous ceux qui aiment l'histoire,
47:26 non qu'à relire les livres d'histoire sur les années
47:30 qui en Grande-Bretagne ont précédé la guerre.
47:34 Il y avait un type tout seul, que personne ne voulait suivre,
47:37 qui s'appelait Winston Churchill, qui disait
47:40 "Mais regardez, Hitler arrive !
47:43 S'il vous plaît, il faut que nous ayons des politiques de réarmement."
47:50 Et tout le monde lui riait au nez.
47:53 Et il a perdu les élections.
47:56 Et le Premier ministre, qui les a gagnées sur une politique pacifiste,
48:00 a un jour eu avec Churchill, devant la Chambre des communes,
48:05 une confrontation dramatique.
48:07 Et on lui a dit "Mais pourquoi vous avez choisi de désarmer la Grande-Bretagne ?"
48:11 Et il a dit "Écoutez bien, parce que j'étais le chef d'un grand parti,
48:16 les élections arrivaient, l'opinion publique était presque unanimement pacifiste,
48:24 et je ne vois pas quelle politique aurait pris une attitude différente de la mienne."
48:29 Eh bien c'est la grande différence entre les politiques et les hommes d'État.
48:34 Les hommes d'État, quand vous leur posez des arguments comme ça,
48:38 et que vous leur dites "Mais l'opinion publique partout est en train de tourner dans un autre sens,
48:43 pourquoi est-ce que vous vous obstinez à avoir une approche différente ?"
48:47 Les hommes d'État vous disent "Parce que c'est la vérité que je défends.
48:51 Et je ne laisserai pas une seconde prospérer l'idée qu'on pourrait trouver des accommodements avec la vérité.
48:57 Les menaces qui sont devant nous, elles n'ont jamais été telles depuis trois quarts de siècle."
49:04 - Jean-Berlin, Daladier, 38, Munich, ça c'est une petite musique qu'on entend souvent.
49:10 - C'est pas une musique ! C'est pas une musique, c'est la vérité.
49:14 Et celui qui était le porte-parole du courant politique, qui est le mien, dont je suis le responsable aujourd'hui,
49:21 il a été le seul à s'opposer aux accords de Munich.
49:25 Et en s'opposant aux accords de Munich, il avait un éditorial "Le jour des accords de Munich"
49:30 qui finissait par cette phrase, écoutez bien parce qu'elle peut être utile.
49:34 - Et elle va clore l'émission ?
49:36 - Il disait "Quand il s'agit de dire non, le meilleur moment c'est le premier."
49:44 Et bien cette phrase-là, elle devrait être dans l'esprit de tous les responsables politiques.
49:49 Ou bien ils pensent qu'il n'y a pas de menaces, alors on peut jouer, alors on peut faire semblant.
49:55 On peut refuser par exemple de voter le texte européen sur l'immigration, pour la régulation de l'immigration.
50:03 Monsieur Glucksmann que vous citiez, il a refusé de voter ce texte.
50:08 Vous croyez qu'il n'y a pas un problème grave ?
50:10 Ma conviction profonde, c'est que la dimension des enjeux est telle qu'il n'y a qu'une attitude possible.
50:17 Faire front, avancer, convaincre, et que c'est ainsi que nous serons à la dimension ou à la hauteur
50:25 de la responsabilité que nous prétendons exercer, et aussi parce que ça compte beaucoup de l'histoire.
50:31 Merci beaucoup François Bayrou d'être venu dans le studio du grand jury RTL M6 Paris 1ère.
50:39 Merci à tous les deux, et bon dimanche sur RTL.