Les Vraies Voix avec Philippe Bilger, Michaël Sadoun et Olivier Dartigolles
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00:00 Les vraies voix sud radio, le grand débat du jour.
00:04 Le berger Attal a très bien commencé, on s'en souvient.
00:07 Voilà un Premier ministre omniprésent, on a connu le Président partout.
00:11 Voici venu le temps de l'hyper Premier ministre.
00:14 Le berger c'est Attal, le roi bien entendu nous sommes sous la 5ème République, c'est le Président.
00:19 Il a tenu 100 jours, tant bien que mal, est-ce qu'il va tenir 200 jours ?
00:22 Pour lui pèse le risque de la motion de censure.
00:25 En première ligne pour gérer la crise agricole quand Emmanuel Macron est à l'étranger.
00:29 En première ligne pour s'expliquer sur les très mauvais chiffres du déficit et de la dette quand Emmanuel Macron est à l'étranger.
00:35 Même la droite avait peine à en dire du mal.
00:38 Et Gabriel Attal fête cette semaine ses 100 jours à Matignon.
00:42 À 34 ans, cette nomination par Emmanuel Macron visait à insuffler un nouveau souffle à son second quinquennat
00:49 et à redynamiser les perspectives des élections européennes.
00:52 Dans ce contexte difficile pour la majorité, le Premier ministre veut passer à l'offensive
00:56 pour contrer le sentiment d'impuissance et pour convaincre sur sa capacité à obtenir des résultats.
01:01 Alors parlons vrai, est-ce que Gabriel Attal est the right man at the right place ?
01:05 Comme disent les anglais, l'homme qu'il faut à la place qu'il faut.
01:08 Le niveau là, il y a du niveau.
01:10 Est-ce que vous regrettez Elisabeth Borne ?
01:17 Elisabeth Borne, vous pensez vous ?
01:19 Qui verriez-vous à Matignon potentiellement à la place de Gabriel Attal ?
01:22 Est-ce que vous le voyez rester encore longtemps à Matignon ?
01:25 Venez nous le dire, à la veille des 100 jours de Gabriel Attal à Matignon,
01:28 son bilan est convaincant pour 3% d'entre vous, décevant pour 84% et mitigé pour 13%.
01:35 On attend vos appels, c'est Zach qui vous mettra à l'antenne.
01:38 Et bien sûr, nous avons des invités qui sont sérieux.
01:41 Olivier Rocan, chercheur associé au CERSA, le Centre d'études et de recherche en sciences administratives et politiques à Paris 2
01:47 et co-auteur de ce livre "Régénérer la démocratie par les territoires" chez l'Armatan.
01:52 En tout cas, merci d'avoir accepté notre invitation.
01:54 Philippe Bilger, ce Gabriel Attal, 100 jours, ça passe vite.
01:58 - Oui, vous me pardonnerez de parler français contrairement à Philippe David.
02:02 Et je rassure tout de suite Michael Sadoun, Gabriel Attal n'est pas un intellectuel,
02:10 au fond, si vous l'entendez, de Raphaël Glucksmann à l'égard duquel il a été très sévère.
02:16 Mais Gabriel Attal, au fond, raisonne toujours pour apprécier un Premier ministre
02:22 comme s'il pouvait exister de manière artificielle dans les terres démocratiques
02:29 alors qu'en réalité, il faut l'appréhender, avec toutes les incommodités, les aléas, les embarras d'un destin politique de très haut niveau.
02:38 Et je considère, et j'attends avec impatience, l'avis de Luc Rouband que Gabriel Attal...
02:45 - Olivier, Olivier Rocan !
02:48 - Il confond deux politonnes, mais c'est pas grave !
02:51 - Il y a quelques inepties qui m'égarent, mais j'entends.
02:55 Donc Olivier Rocan, j'attends avec impatience votre avis, parce qu'en définitive, il me semble qu'au regard de toutes ces incommodités,
03:06 le Président qui lui fait des injonctions, des ministres qui lui font de l'ombre et qui rêvent d'avoir sa peau au figuré,
03:14 et puis sa propre difficulté avec le groupe et au sein du macronisme,
03:21 et puis évidemment le fait qu'il doit se battre pour sauver son précaré, mon Dieu, il ne se débrouille pas trop mal depuis 100 jours !
03:30 - Allez, allez, Olivier...
03:32 - De quoi l'atalisme est-il le nom, mon cher Philippe ?
03:36 Au début, j'ai souvenir, j'ai trop de mémoire de ça, c'était présenté comme une arme anti-Bardella.
03:42 Nous verrons ce qu'il se passe le 9 juin.
03:45 - Lui, il a dit non !
03:46 - Oui, mais bon, enfin !
03:48 Et comme le retour de la politique et d'une efficience, d'une efficacité de l'action politique avec la jurisprudence Abaya,
03:58 qui avait marqué son bref passage au ministère d'Education nationale, décision et effectivité, mise en oeuvre de la décision.
04:05 Moi, j'avoue que l'atalisme est à ce stade-là assez décevant.
04:09 L'hypercommunication peut donner l'illusion de l'action, mais sur un certain nombre de sujets qu'on pourrait développer ici, le compte n'y est pas.
04:20 Mais est-ce qu'il peut y avoir un atalisme dans le macronisme, puisque Emmanuel Macron laisse peu d'espace, il me semble,
04:29 et nous ne savons toujours pas ce qu'Emmanuel Macron veut faire de ce second quinquennat, ce qui est un problème XXL pour le Premier ministre.
04:37 - M. Sadoun ? - Moi, je suis plutôt d'accord avec ce qu'a dit Olivier d'Arthugol.
04:42 Ceci dit, je vais accorder un point à Philippe Bilger, qui est un fan de Gabriel Atal.
04:48 - Vous êtes généreux ! - Je n'ai pas envie de décevoir cet amour qu'il a pour lui.
04:53 Je dirais que Gabriel Atal, en effet, est habile dans la circonstance politique.
04:57 Il est très fort, je dirais, dans la prise en considération des contraintes politiques qui l'entourent,
05:03 pour débrouiller un chemin acceptable et qui le rend relativement populaire d'une certaine droite à une certaine gauche.
05:10 Ça, il faut lui reconnaître. Simplement, est-ce qu'on a le droit quand même de sortir de ces considérations
05:15 pour se demander si, dans l'absolu, Gabriel Atal correspond aux aspirations des Français ?
05:20 Moi, ma réponse, elle est négative à ça. Je pense qu'il a suscité énormément d'espoir, en effet,
05:25 parce qu'il y a eu un effet de communication autour de l'interdiction de la baïa et de 2-3 discours qui semblaient être fermes dans l'éducation.
05:31 Ils ne sont pas transposables à tous les sujets. Je rappelle que, sur le sujet de l'immigration, par exemple,
05:37 un thème auquel je suis attaché, beaucoup de Français, je crois aussi, Gabriel Atal a déjà exprimé le fait
05:43 qu'il ne tirait pas un trait entre l'immigration et la délinquance, entre l'immigration et le terrorisme.
05:48 Donc, il est dans une veine relativement de gauche sur ces sujets-là.
05:51 Je n'ai pas l'impression que ce soit représentatif de l'ensemble des Français sur ces questions-là.
05:56 Pour le reste, en effet, il est contraint par Emmanuel Macron qu'il ne lui laisse pas de marge de manœuvre.
06:01 Donc, est-ce qu'il est décevant pour moi ? Non, parce que je n'en attendais pas grand-chose, mais pour le moins mitigé.
06:07 Olivier Roucan, vous êtes chercheur associé au Centre d'études et de recherche en sciences administratives et politiques,
06:11 auteur de "Régénérer la démocratie par les territoires".
06:14 100 jours après, ce sera demain, l'arrivée de Gabriel Atal à Matignon, pensez-vous qu'il sera encore là dans 100 jours ou pas ?
06:25 Il n'est pas devant en même temps.
06:27 Non, mais il est bon analyste.
06:29 Il va essayer de rester le plus possible, voilà ce que je peux répondre.
06:34 Le problème de Gabriel Atal, c'est qu'il a...
06:38 Son atout principal lorsqu'il arrive, c'est l'opinion.
06:42 C'est-à-dire que la communication, l'opinion, c'est vraiment son point fort.
06:47 Mais c'est assez rapidement un Premier ministre qui va gérer des crises, des urgences,
06:54 celle des agriculteurs.
06:57 Ensuite, il y a quand même cette affaire à la fois de cette guerre en Ukraine qui est là,
07:03 qui pèse sur les esprits, et puis crise nombreuse à l'international avec ce risque de guerre qui s'impose.
07:11 Et puis, comme il a été dit, une majorité très difficile, très incertaine.
07:17 C'est un Premier ministre qui, pour l'instant, ne peut pas déployer un programme audible, lisible,
07:25 parce qu'il multiplie quelques annonces et quelques mesures face à des événements très contrariants.
07:35 J'ai oublié, évidemment, le budget.
07:38 Il ne peut pas les mettre en cohérence devant une assemblée,
07:41 puisqu'il n'a pas demandé la confiance, il n'a pas déroulé, présenté un véritable programme devant les parlementaires.
07:51 Il aurait dû, selon vous ?
07:53 C'est ce qui permet de comprendre où veut aller un gouvernement à un moment donné.
07:59 Comme il a été dit, Emmanuel Macron n'a pas tellement mis en cohérence son quinquennat.
08:04 Et Gabriel Tal est un peu privé de le faire devant les députés,
08:08 y compris lorsqu'il s'agit de faire des actes lourds en matière de choix de dépense publique
08:13 et de réduction de la dépense publique en choix financiers,
08:16 puisque pour l'instant, on contourne le Parlement et on procède par décret,
08:22 ce qui fait que les coupes sont difficiles à cerner.
08:26 Il faut du temps, il faut être un spécialiste, un analyste.
08:29 Donc, je dirais, on voit qu'il est de moins en moins approuvé par l'opinion.
08:35 Il commence à s'installer un sentiment de déception parce que ce Premier ministre
08:40 n'a pas pour l'instant, encore une fois, mis en cohérence quelques grandes lignes de son programme.
08:47 Et c'est ce qui permet de durer quand même, quand on est capable à un moment donné
08:52 de donner des indications, notamment à son électorat, celui qui va aller aux jurnes pour les européennes.
08:59 Donc là, il y a peut-être un Premier ministre qui est un peu entravé de tous les côtés.
09:04 Ça a été dit par Philippe Bélger au débat et qui n'arrive pas à prendre un peu de hauteur
09:09 pour me dire voilà où je veux vous amener.
09:12 Ce que Manuel Valls avait fait, lui, quand il avait été nommé, par exemple,
09:17 ou même Jean-Marc Ferrot lorsqu'il avait été nommé.
09:19 Donc, il y a une manque de... On n'arrive pas à trop l'appréhender
09:22 parce que c'est annonce après annonce, crise après crise et il en reste quoi ?
09:27 Oui, Philippe Bélger.
09:29 - Olivier Roucan, pardon pour mon erreur tout à l'heure.
09:32 Je viens désespérément chercher auprès de vous un peu de baume.
09:36 Mais en fait, est-ce que cette manière dont on critique Gabriel Attal
09:42 en fond en le qualifiant de pur communicateur, avec une superficialité, presque une futilité politique,
09:52 est-ce que ça n'est pas injuste au regard de la tâche actuelle d'un Premier ministre
09:58 qui est condamné à sauter d'un sujet à l'autre, avec bien sûr une rançon de superficialité
10:06 et l'illusion qu'en réalité il se satisfait d'une approche un peu apparente,
10:13 alors qu'il ne peut pas faire autrement ?
10:15 Que pensez-vous d'eux ? Est-ce que vous ne trouvez pas que l'appréciation est un peu injuste ?
10:21 - Je pense qu'on est dans un déséquilibre institutionnel
10:25 qui fait qu'on demande à un Premier ministre d'être un président et réciproquement.
10:29 Je veux dire par là que l'atout principal d'un Premier ministre
10:33 ne peut pas être la communication politique, ne peut pas être l'opinion publique en permanence.
10:37 Or, le profil de Gabriel Attal répond au départ à ceci,
10:43 et ça le place en porte-à-faux par rapport à la fonction.
10:48 Ça n'est pas du tout pour émettre l'idée qu'il ne serait pas compétent,
10:55 qu'il ne saurait pas tenir une majorité, parce qu'en plus il a donné quelques gages de ça.
11:00 Donc ce n'est pas du tout lui retirer ses compétences,
11:04 mais ce que je voulais dire c'est que pour l'instant on ne lui permet pas trop,
11:08 et le contexte ne lui permet pas trop, contexte à la fois économique, politique,
11:12 de déployer ses autres capitaux politiques en quelque sorte.
11:18 Ça ne veut pas dire qu'il ne les a pas, et ça ne veut pas dire qu'on ne pourrait pas être,
11:22 vous parliez de Bohm, agréablement surpris dans les mois qui viennent.
11:26 Mais pour l'instant, il n'a pas encore pu déployer tous ses capitaux politiques.
11:33 Allez, 0826-300-300, Béranger, vous voulez réagir ? Bienvenue.
11:38 Bonsoir l'équipe.
11:41 On vous écoute Béranger.
11:43 Oui, en fait la question qui est posée,
11:46 surtout ce que je me demande pour revenir à la question,
11:49 c'est quel bilan a M. Attal au bout de 100 jours ?
11:52 Pour moi, comme pour beaucoup, j'ai entendu le sondage,
11:55 M. Attal n'a pas de bilan, il est toujours sous le feu d'un président jupitérien,
12:01 la marge de manœuvre est assez mince, en même temps c'est les institutions de la Ve qui veulent ça,
12:06 Emmanuel Macron a quand même resserré les capacités du Premier ministre.
12:13 D'action.
12:14 Les capacités d'action qui sont à peu près interchangeables.
12:17 Je remercie M. Roucan de nous avoir rappelé à un des premiers ministres ectoplasmiques
12:21 que la cinquième a compté, M. Ayrault, je l'avais oublié lui.
12:26 Quand on voit un petit peu qui devient Premier ministre en France,
12:31 je vais assez vite parce qu'on n'a pas beaucoup de temps,
12:36 mais c'est quand même une rigolade.
12:37 C'est le président qui a le pouvoir, c'est le président qui décide,
12:40 M. Attal est interchangeable, M. Attal n'a pas de bilan,
12:42 donc M. Attal, 100 ou 200 jours, merci et au revoir.
12:46 Je suis d'accord avec l'éclairage d'Olivier Roucan.
12:51 En fait, la mission est quasiment, mais Michael l'a dit aussi, impossible.
12:55 D'abord, nous avons un président hyper interventionniste
12:59 qui pourrait, au regard du contexte international, consacrer toute son énergie
13:04 justement au sujet extérieur.
13:08 Mais pourquoi ne pas se fémanciper ?
13:09 Pour laisser un peu d'oxygène et d'espace à son Premier ministre
13:13 qui n'a pas de majorité à l'Assemblée nationale,
13:16 dont je ne connais pas les deux, trois priorités réelles,
13:19 puisque chaque fois qu'un sujet est amené, on dit qu'il est prioritaire.
13:23 Et je ne sais pas avec quel chemin politique il entend atteindre ces objectifs-là.
13:32 Avec, on ne l'a pas évoqué, mais une démocratie sociale qui va mal,
13:36 on l'a vu sur ce qui se passe sur l'assurance chômage, la renégociation,
13:42 avec quelque chose qui va être douloureux avec les élus.
13:46 M. Roucan a bien raison de dire que peut-être que la démocratie va se régénérer par les territoires.
13:51 Mais aujourd'hui, est-ce que les arbitrages sur les coupes budgétaires sont donnés à Matignon ?
13:56 Je ne le crois pas.
13:58 Donc ça crée une situation pour ce Premier ministre talentueux dans la communication,
14:05 avec une équipe autour de lui qui est une équipe hyper réactive dans ce domaine-là.
14:10 Mais ça ne résout pas la donne politique.
14:14 - M. Tadoun, un mot ?
14:16 - Oui, et puis dans tout ça, on oublie un petit peu aussi le fait que Gabriel Attal, à mon avis,
14:22 est plus ou moins focalisé sur l'ambition de devenir président de la République un jour.
14:26 On sent que ça habite toutes ces actions.
14:29 - Il ne pense pas rien qu'en se rasant.
14:30 - Il n'est pas le seul ?
14:31 - Absolument.
14:32 - Il n'est pas le seul.
14:33 Mais je trouve que plus que les autres encore, il est un homme totalement guidé par les sondages.
14:38 C'est-à-dire que c'était un homme de gauche, plutôt tendance sociale-démocrate,
14:42 pro-minorité, entre guillemets, tenant des propos plutôt larges sur l'immigration.
14:48 Du jour au lendemain, il est devenu le candidat de Franck Thireur et Dupont
14:53 pour mettre en œuvre un programme libéral conservateur, en gros.
14:56 C'est-à-dire que c'est très étonnant.
14:58 On écoute Gabriel Attal, c'est devenu François Fillon.
15:00 C'est-à-dire qu'il veut tailler dans les dépenses, donc réforme de la situation au chômage, etc.
15:05 - Il a de la souplesse.
15:07 - Oui, c'est ça, il est très, très souple.
15:09 Et sur l'immigration, là, c'est programme de dernière minute,
15:12 en renforçant à Mayotte, en disant qu'on va prendre des dispositions pour réduire l'immigration.
15:17 - Mais a-t-il le choix ?
15:19 - Non, évidemment qu'il n'a pas le choix.
15:21 Mais au bout d'un moment, il faut quand même lui rappeler qu'on a parlé il y a six mois d'une loi immigration
15:25 qui finalement s'est terminée en eau de boudin,
15:27 parce que le président de la République a fait voter cette loi à cette majorité,
15:30 en se reniant deux jours après et en saisissant le Conseil d'État
15:33 pour qu'il censure cette loi constitutionnelle, qui est devenue totalement inopérante.
15:37 Donc il y a un moment, les gens veulent un petit peu de cohérence.
15:40 Je pense que ça explique aussi la diminution brutale de la popularité de Gabriel Attal,
15:44 c'est-à-dire qu'on attend beaucoup de lui, on écoute une semaine, deux semaines,
15:47 si c'est pas bon, on passe à autre chose.
15:49 - En tout cas, moi je vous conseille, si vous avez quelques instants,
15:54 de lire ce livre, co-auteur du livre Olivier Roucan, bien sûr,
15:57 "Régénérer la démocratie par les territoires", chez l'Armatan.
16:01 Merci beaucoup d'avoir été avec nous.
16:03 - Le chercheur associé au CERZAC est le centre d'études et de recherche en sciences administratives.