Pascal Praud revient pendant deux heures, sans concession, sur tous les sujets qui font l'actualité. Aujourd’hui, il reçoit l'auteur Joël Dicker pour son livre "Un Animal Sauvage".
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00:00 Europain Pascal Praud
00:03 Joël Dicker est donc l'auteur le plus suivi en France, notamment sur les réseaux sociaux,
00:08 plusieurs romans traduits en 40 langues qui se sont vendus à 15 millions d'exemplaires
00:12 et c'est vrai que j'imagine que pour beaucoup de gens vous incarnez une sorte de modèle,
00:17 beaucoup d'écrivains écrivent, très peu sont lus aujourd'hui,
00:21 quand un roman est lu par 1000, 2000, 3000, 4000 personnes en France,
00:25 c'est ça la vérité des chiffres bien souvent,
00:27 et vous vous en vendez à des milliers et même des millions.
00:32 Pourquoi à votre avis ça marche ? Pourquoi vos histoires rencontrent-elles le public ?
00:38 D'abord je crois que s'il y avait une recette qui permettait à tous les livres d'avoir un succès fou,
00:43 tous les auteurs du monde seraient très heureux, tous les éditeurs du monde seraient très heureux,
00:46 tous les libraires, donc c'est difficile de pouvoir analyser ce succès très concrètement,
00:52 mais ce que je peux retrouver dans ma façon de travailler,
00:54 que je retrouve dans les réactions que le public a, c'est le plaisir.
00:57 Les gens ont du plaisir à lire et les gens retrouvent dans ce que j'essaie de faire,
01:01 c'est mon ambition et j'espère que j'y arrive très modestement,
01:04 mais c'est de donner du plaisir, d'offrir un divertissement,
01:07 de redonner au divertissement, qui est devenu un gros mot,
01:10 quelque chose auquel on ne peut pas toucher, surtout en littérature,
01:13 de lui redonner ses lettres de noblesse et sa place dans le quotidien.
01:16 La littérature, elle a cette fonction de nous sortir de notre quotidien.
01:20 On n'est plus dans le bus, on n'est plus dans le métro,
01:22 on n'est plus dans les soucis qu'on peut connaître et qu'on a tous les jours,
01:26 avec notre boulot, notre famille, ou peu importe, on est dans un livre.
01:29 Et le livre, en plus de ça, vous apporte cette satisfaction extraordinaire
01:33 de vous faire travailler l'esprit, puisque quand vous êtes lecteur,
01:35 vous créez, vous vivez dans un monde que vous avez créé, puisque vous vous imaginez.
01:39 Et la lecture peut tout ça et il faut faire lire, ça c'est l'urgence,
01:43 c'est quelque chose à quoi je crois beaucoup, c'est qu'il y a une urgence à faire lire,
01:45 et on a un atout, je vais vous dire lequel, c'est que tout le monde aime lire,
01:48 mais que tout le monde ne le sait pas encore.
01:50 - Alors c'est aussi pour ça que vous êtes venu ce matin, c'est pour parler de la lecture,
01:53 vous avez employé le mot littérature, est-ce que certains peuvent contester,
01:58 parfois, que raconter une histoire, ce n'est pas forcément de la littérature,
02:03 que la littérature c'est autre chose ?
02:05 - Mais que les pleurnicheurs partent ? On n'a plus le temps de pleurnicher,
02:09 on est là dans une vraie urgence je crois, parce qu'on est dans un monde où
02:12 la littérature, à force de se regarder le nombril, à force de se demander
02:16 ce qu'est la littérature, est-ce qu'il n'en est pas, est-ce qu'on peut lire ou ce qu'on ne peut pas lire,
02:19 et si on est un lecteur, ou un grand ou un petit, s'est fait dépasser par tout le monde.
02:23 Par le sport, par la musique, par la série télé, par le cinéma,
02:27 la littérature qui était ce qui nous rassemblait.
02:29 La littérature, qu'est-ce que c'est ? Ce sont les feuilletonistes,
02:31 qui faisaient lire le journal aux gens parce qu'on voulait savoir ce qui se passait.
02:33 C'est Alexandre Dumas, c'est Joseph Conrad, c'est tous ceux qui ont d'abord écrit,
02:37 non pas des romans, mais qui ont écrit dans les journaux des feuilletons,
02:40 c'est-à-dire ce que la série télé fait aujourd'hui, elle n'a rien inventé,
02:42 elle l'a prise à juste titre parce que c'est ceux qui l'ont fait le mieux chez les feuilletonistes,
02:47 ceux qui ont amené le roman, le roman de souffle,
02:50 et aujourd'hui la littérature, elle pourrait nous réunir.
02:52 Elle permet dans un monde où on s'entend de moins en moins,
02:55 on a de moins en moins la capacité à se parler,
02:58 où nos divergences nous opposent tellement qu'on passe nos journées à s'insulter sur les réseaux sociaux,
03:02 eh bien, on a les livres qui nous permettent de nous retrouver,
03:05 et peu importe qu'on lise un livre par jour ou un livre par an,
03:08 peu importe qu'on soit de gauche, de droite, du milieu,
03:10 qu'on croit en ci ou en ça,
03:12 quand on lit un livre, on se retrouve autour de ce livre,
03:14 et ça je pense que c'est un des piliers majeurs de la démocratie,
03:17 c'est de pouvoir se retrouver autour de quelque chose qui nous plaît et qui nous parle.
03:20 - Émile Dizaz parlait de sa fille, qui est sensible à la lecture,
03:23 je me demandais si, c'est souvent des femmes qui lisent en franc,
03:26 je me demandais si vous aviez un public plutôt féminin ou masculin, ou si vous le savez ?
03:30 - Mais si je crois tellement en ce que je vous dis,
03:32 c'est parce que je vois mes lecteurs, surtout en ce moment,
03:34 puisque j'ai un livre qui vient de paraître, et donc je suis en librairie, je signe,
03:37 je vois devant moi un panel de lecteurs tellement large,
03:39 qui va de 12 à 95 ans,
03:42 avec des gens qui sont hommes et femmes,
03:44 qui sont jeunes ou moins jeunes, qui sont de tout bord,
03:46 de toute opinion, qui sont de tout statut,
03:48 qui lisent beaucoup ou très peu,
03:51 et c'est ça qui est incroyable, c'est que la littérature, elle permet ça,
03:54 elle a ce pouvoir de nous rassembler,
03:56 et je crois qu'elle est dans une mauvaise passe aujourd'hui,
03:58 parce qu'on est encore en train de se demander si,
04:00 est-ce qu'un livre qui raconte une histoire, c'est vraiment un bon livre,
04:03 "Ouh là là, ce livre est un page-turner,
04:05 attention, ça veut dire qu'on veut tourner les pages,
04:07 bouchons-nous le nez !"
04:08 - "Page-turner", c'est l'expression que j'ai employée pour "La vérité sur la Ferrari Kéber".
04:12 Alors, "Un animal sauvage",
04:14 donc c'est le livre qui est sorti il y a quelques jours ?
04:17 - Qui est sorti il y a un mois.
04:19 - Bon, c'est... - 30 jours.
04:21 - Je vais raconter, c'est le 2 juillet 2022,
04:24 il y a deux malfaiteurs qui sont sur le point de dévaliser une grande bijouterie de Genève,
04:27 mais ce braquage est loin d'être un banal fait d'hiver,
04:30 et 20 jours plus tôt, dans une banlieue coûtue des rives du lac Léman,
04:33 Sophie Brown s'apprête à fêter ses 40 ans,
04:36 la ville lui sourit, elle habite dans sa famille,
04:38 dans une magnifique villa bordée par la forêt,
04:41 mais son monde idyllique va commencer à vaciller,
04:45 on se demande toujours dans ces cas-là combien de temps
04:47 vous mettez à écrire un roman comme celui-là ?
04:51 - Ce roman-là m'a pris deux ans,
04:53 c'est ma moyenne en général,
04:55 ça dépend parce que je travaille sans plan.
04:57 Vous me demandiez avant ce qu'il pouvait faire que mes livres procurent du plaisir,
05:01 c'est que moi j'ai pas de plan pour avoir justement le plaisir de ne pas savoir.
05:04 - C'est-à-dire que vous ne savez pas à la fin,
05:07 quand vous commencez plus exactement la fin du livre,
05:10 vous ne savez pas où vous allez aller ?
05:11 - Je connais pas la fin, je connais même pas le milieu,
05:12 je connais à peine le début et encore.
05:14 Donc ce livre commence sur un braquage,
05:15 on est le 2 juillet 2022 à Genève, dans une bijouterie,
05:18 deux braqueurs entrent dans la bijouterie,
05:20 le braquage commence,
05:21 ils enclenchent leur chronomètre, ils ont 7 minutes,
05:23 et je commence ce livre par cette scène,
05:25 évidemment que je la reprends, que je la retravaille,
05:27 mais cette scène avec ces idées-là sont là,
05:29 et puis ensuite de là je me dis bon bah maintenant qu'est-ce qui se passe ?
05:32 Qui sont ces braqueurs ? Pourquoi ?
05:34 Et donc je me mets à écrire, je me mets à imaginer,
05:37 et j'ai envie de savoir,
05:38 et ce plaisir-là il est très important pour moi.
05:40 - Quand vous dites 2 ans, c'est tous les jours ?
05:42 - 2 ans c'est tous les jours,
05:44 c'est dur de quantifier parce que 2 ans c'est tous les jours.
05:46 - Et c'est combien d'heures par jour ?
05:48 - Mais c'est combien d'heures ?
05:49 Il y a des jours où vous passez 12 heures sur votre page,
05:52 ou devant votre écran où il se passe absolument rien,
05:54 il y a des jours où vous écrivez 40 pages
05:56 que vous allez jeter le lendemain parce que c'est très mauvais,
05:58 et il y a des jours où vous n'avez rien écrit,
06:00 mais tout d'un coup à la fin de la journée,
06:01 pendant que vous faites vos courses,
06:02 l'idée vous vient et vous vous débloquez complètement,
06:04 parce que l'écriture au fond c'est une succession de blocages
06:07 que vous débloquez les uns après les autres
06:09 et qui vous amènent à une histoire.
06:10 Une histoire mais qu'est-ce qui se passe ?
06:11 Qu'est-ce qui va se passer ?
06:12 Qu'est-ce que je dois faire là ?
06:13 Et souvent les moments clés,
06:14 ils vous viennent quand justement vous êtes plus concentré sur ça
06:17 mais que vous pensez à autre chose,
06:18 et que ça se débloque.
06:20 - Simon dit déjà que c'est impossible de vivre avec un écrivain,
06:23 parce que même la promenade qu'il fait à 13 heures,
06:27 parce qu'il se promenait en plus toujours Simon,
06:29 il ne pense qu'au livre.
06:32 Et c'est vrai que vivre avec un écrivain,
06:35 c'est un des rares métiers,
06:37 vous voyez le métier que je fais,
06:38 moi quand je rentre chez moi,
06:39 je ne pense pas à mon émission, c'est fini.
06:41 Je pense que les médecins,
06:42 beaucoup de métiers,
06:45 on décroche, comme on dit.
06:46 Je pense que vivre,
06:48 et même sans doute des chanteurs,
06:49 et même d'autres artistes,
06:50 je pense que l'écrivain,
06:52 tant que vous êtes dans votre bouquin,
06:54 ça ne s'arrête jamais.
06:56 - Ah c'est atroce, demandez à ma femme.
06:59 Non c'est terrible, parce que vous êtes toujours ailleurs,
07:02 et on me dit toujours,
07:03 vous écrivez tous les jours,
07:04 vous êtes très discipliné.
07:05 Et je dis non,
07:06 la discipline pour moi,
07:07 ce n'est pas écrire, c'est de ne pas écrire.
07:08 Justement, c'est arriver à un moment donné,
07:10 à sortir de là,
07:11 et à être en communication avec le vrai monde.
07:13 - Il y a une phrase comme ça de Dost Passos qui disait,
07:17 j'ai toujours eu le sentiment de vivre dans la pièce d'à côté.
07:20 Et effectivement d'être à côté des autres,
07:23 mais bon en même temps,
07:24 j'imagine que vous êtes dans la vraie vie aussi.
07:27 Nous sommes avec Géraldine,
07:30 d'habitude pour tout vous dire,
07:32 c'est les vacances scolaires,
07:33 et à la place de Mickaël Poteau,
07:35 qui est là,
07:36 nous avons une jeune femme charmante,
07:38 - Oui charmante, charmante,
07:39 - Oui charmante,
07:40 qui est une grande fan de vous,
07:42 qui s'appelle Géraldine Laffitte,
07:44 et elle est avec nous.
07:46 - Comment ça ?
07:48 Géraldine Laffitte, non mais franchement.
07:50 - Elle ne s'appelle pas Géraldine Laffitte du tout,
07:52 parce que le réalisateur s'appelle Laffitte,
07:54 et il se trouve que le réalisateur, je vous dis tout,
07:56 M. Dicker, est à Morlaix par le plus grand des hasards,
07:58 avec Géraldine qui est également à Morlaix,
08:00 a priori ils ne sont pas ensemble,
08:01 je dis bien a priori,
08:02 mais on a quand même des doutes.
08:04 Mais moi ce qui m'intéresse,
08:05 c'est pourquoi Géraldine,
08:07 pourquoi Géraldine aimez-vous particulièrement Joël Dicker,
08:10 et peut-être avez-vous une question à lui poser ?
08:12 - Bonjour Pascal, bonjour à tous,
08:14 déjà bonjour Joël Dicker,
08:15 vous ne savez pas comment je suis très déçue
08:17 de ne pas être en studio là aujourd'hui,
08:20 - On a fait exprès !
08:22 - Oui, comme d'habitude, mais par contre c'est l'été,
08:24 - Mais qu'est-ce qui vous plaît ?
08:26 - Oui ?
08:27 - Qu'est-ce qui vous plaît ?
08:28 - Ah, qu'est-ce qui me plaît chez Joël Dicker ?
08:29 Moi j'ai commencé par lire La Vérité sur l'affaire Harry Piebert,
08:32 donc il y a 10 ans de ça,
08:34 et franchement, c'est déjà du suspense,
08:39 c'est comme vous disiez Pascal,
08:41 comme vous l'avez toujours dit sur Joël Dicker,
08:42 c'est un patch-turner,
08:43 et on s'attache au personnage,
08:45 et en fait moi c'est Joël Dicker,
08:48 et comme ma famille aussi a lu ses bouquins,
08:51 c'est qu'en fait on est impatients de retrouver les personnages
08:55 et de savoir ce qui va se passer.
08:56 Alors il y en a qui peuvent terminer des livres en une nuit,
08:59 moi ce n'est pas le cas,
09:00 mais moi c'est le genre de bouquin
09:02 que j'ai envie de retrouver la journée au réveil,
09:05 quand je prends le métro parce que je suis dans le métro,
09:07 quand le soir je vais m'endormir,
09:09 et c'est ça Joël Dicker,
09:11 et c'est la même chose qui est arrivée,
09:12 moi j'ai lu Un animal sauvage,
09:13 je l'ai lu en une semaine,
09:16 et c'est ça, Un animal sauvage,
09:18 le livre est tellement différent des autres,
09:20 parce qu'il n'y a pas de meurtre,
09:22 il n'y a pas de qui a tué qui,
09:24 mais on est dans l'action,
09:26 et on s'attache au personnage,
09:28 et voilà,
09:30 donc les cinq personnages dont il est question,
09:32 je ne vais pas vous en dire plus,
09:33 je ne vais pas vous spoiler l'histoire,
09:34 mais on s'y attache,
09:35 et on a envie de savoir comment ça se termine,
09:38 et on est triste quand on a terminé le livre,
09:41 et moi j'attends avec impatience ce prochain Joël Dicker.
09:43 Voilà.
09:44 - Merci.
09:46 - C'est des sorcières en fait,
09:48 c'est pas Joël Dicker.
09:49 - Non mais je pense que,
09:50 est-ce que dans ce que dit Géraldine,
09:52 vous retrouvez l'essence de ce que vous entendez
09:55 dans les journées de signature ?
09:59 - Oui, et ça me touche beaucoup,
10:00 parce que c'est ce que j'ai vécu,
10:02 et c'est ce que je vis moi comme lecteur,
10:04 parce que je suis auteur d'abord parce que j'aime lire,
10:06 et parce que j'ai lu des livres qui m'ont donné envie moi aussi de me mettre là-dedans,
10:09 et puis c'est ce que je vis aussi comme auteur quand j'écris,
10:11 c'est-à-dire qu'on ne peut pas prédire le succès du livre,
10:13 j'ai la chance d'avoir ce succès-là,
10:16 qui durera ce qui dure,
10:17 on sait que le succès est une compte de gosses,
10:19 donc il monte, il redescend,
10:20 et je me rends bien compte aussi que le succès dépend beaucoup
10:23 d'un facteur chance,
10:24 de la presse,
10:25 de beaucoup de choses qui ne sont pas entre vos mains.
10:27 - Oui mais Harry Kéber par exemple,
10:29 personne ne vous détenait inconnu, Harry Kéber.
10:31 - Complètement inconnu.
10:32 - Donc il y a eu quelque chose, manifestement,
10:35 je pense que le bouche à oreille pour les romans est quand même très important.
10:39 - C'est très important.
10:40 Il y a eu le bouche à oreille,
10:41 et il y a eu quelque chose de très important
10:43 pour lequel il faut se lever et se battre,
10:44 ce sont les libraires.
10:45 On oublie à quel point les libraires sont des éléments précieux et moteurs
10:49 du monde dans lequel on vit,
10:50 parce que les libraires vont vous faire lire des livres que vous ne connaissez pas.
10:53 Et on est tous obsédés par les achats en ligne,
10:56 qui peuvent être parfois très pratiques,
10:58 qui peuvent permettre d'avoir accès à des livres,
11:00 je parle pour les livres-là,
11:01 à des gens qui ne peuvent pas se déplacer,
11:02 qui n'ont pas accès à des livres,
11:03 qui vont à l'étranger, peu importe.
11:04 Mais quand vous êtes valide, mobile et capable d'aller dans une librairie,
11:08 allez en librairie parce que le libraire,
11:10 il va vous dire "lisez ça".
11:12 Vous allez voir ce livre, vous allez dire "ah mais je sais pas".
11:14 Harry Kevin c'est ça !
11:15 Le libraire dit "prenez ce livre, c'est formidable".
11:17 Les gens disent "mais ce gros livre,
11:19 600 pages, presque 700,
11:21 auteur que je ne connais pas,
11:22 la couverture ne me dit rien,
11:23 le résumé est compliqué,
11:25 non je ne crois pas à l'écriture,
11:26 allez-y, prenez-le".
11:27 Et il y a des libraires qui disaient
11:28 "prenez-le et si vous n'aimez pas, je vous rembourse".
11:30 Et c'est comme ça qu'on découvre d'autres choses,
11:32 c'est ça que la littérature peut,
11:33 elle nous permet de découvrir autre chose.
11:34 - Dans la fabrication du livre,
11:36 toujours une question,
11:37 tout à l'heure qui est intéressante,
11:39 que vous soulevez, vous avez dit "j'écris 40 pages
11:41 et puis je les mets à la poubelle le lendemain".
11:43 Le regard de l'auteur sur ce que vous avez écrit
11:47 et la part de correction,
11:49 c'est toujours quelque chose qui est intéressant
11:50 à évoquer avec un auteur.
11:52 Jean Dormeson disait que
11:54 la page publiée, c'est la neuvième.
11:56 La neuvième qu'il a écrite,
11:58 très écrite, donc ça veut dire qu'il en a acheté 8,
12:00 avant d'arriver, bon.
12:02 Est-ce que vous, vous écrivez d'un trait
12:04 ou est-ce que ça demande beaucoup de corrections ?
12:07 - Non, il y a des mois de correction.
12:08 Il y a déjà des corrections
12:10 pendant la fabrication même du livre,
12:11 pendant l'écriture du livre,
12:12 je vais en arrière et je reviens
12:13 parce que je n'ai pas de plan,
12:14 donc je reviens sans cesse en arrière en disant
12:15 "ah mais si, à la page 100,
12:17 en fait, je veux qu'il se passe ça,
12:18 il faut qu'à la page 20, il faut qu'il se passe ça,
12:20 il faut que le début change".
12:21 Donc je suis constamment en train de réécrire
12:23 mon propre livre,
12:25 et puis quand on arrive finalement
12:27 à la fin de la première version,
12:28 c'est-à-dire le livre fini,
12:29 avant les corrections qui vont durer des mois,
12:32 on a retranché probablement déjà presque la moitié.
12:35 Donc un livre de 400 ou de 500 pages,
12:37 c'est 800 ou 1000 pages qui sont écrites
12:39 et qu'on enlève,
12:40 et puis ensuite pendant 6 ou 7 mois,
12:42 vous relisez votre livre.
12:43 - Et là vous êtes tout seul ?
12:44 Ou est-ce que votre femme, par exemple,
12:46 est-ce que vous parliez de votre épouse,
12:48 est-ce qu'elle jette un oeil,
12:49 est-ce qu'il y a des conseils,
12:51 est-ce que vous écoutez ?
12:52 - Oui, c'est très important.
12:53 Alors ma femme lit,
12:55 mais j'ai surtout des gens qui travaillent avec moi
12:57 qui font le travail éditorial,
12:59 qui lisent, qui me conseillent,
13:01 qui font des remarques,
13:02 et qui permettent justement...
13:03 C'est un moment très important parce que
13:05 après avoir passé un an et demi à écrire tout seul,
13:07 et d'avoir montré ce texte à personne,
13:09 parce que je considère qu'il faut que le livre soit fini pour être lu,
13:11 parce que si le livre n'est pas fini,
13:13 il manque un bout.
13:14 Vous voyez, il y a des livres qui sont ennuyeux à mourir,
13:16 jusqu'à la dernière page,
13:17 et la page finale est géniale,
13:19 et vous dites "c'est génial".
13:20 Donc il faut arriver au bout.
13:21 Il y a des livres qui sont très bons,
13:22 la dernière page est mauvaise,
13:23 et vous dites "c'est horrible".
13:24 - Alors ça c'est le problème du Polard.
13:25 Moi j'ai arrêté un moment de lire des Polards,
13:27 parce que pendant 500 pages,
13:29 tu étais en haleine,
13:31 et puis la dernière page était tellement décevante,
13:33 la solution du Polard.
13:37 Vous êtes d'accord, mais vous ne lisez pas de Polard.
13:39 Donc je vous connais.
13:41 - Je voulais faire semblant, vous savez.
13:43 - Et ça c'est vraiment quelque chose qui est important.
13:47 La fin, évidemment c'est la fin qui met en lumière,
13:50 bien souvent, un livre.
13:52 - Surtout c'est important ce que vous dites,
13:53 parce qu'il y a tellement de livres qui paraissent,
13:54 et les gens, on est tous très occupés,
13:56 n'ont pas beaucoup le temps de lire.
13:57 Donc quand ils choisissent un livre,
13:58 quand ils vous font l'honneur à vous, auteurs,
14:00 de choisir votre livre plutôt qu'un autre,
14:02 il faut que l'enjeu de lecture en vaille la peine.
14:04 L'enjeu il est très important.
14:05 Ça veut dire que les 500 pages que vous allez lire,
14:08 à la fin des 500 pages,
14:09 il faut que vous vous disiez "ah waouh,
14:10 ça valait vraiment la peine d'avoir consacré ce temps-là à ce livre".
14:13 - C'est trop court malheureusement,
14:14 parce qu'il est 12h48 déjà,
14:16 et on est obligé d'arrêter que Olivier.
14:19 - Petite anecdote, juste sur Florian Carasou-Mayon,
14:22 qui est notre programmateur d'émission,
14:24 en fait il lit vos bouquins,
14:26 et il montre bien qu'il lit du Joël Dicker
14:28 sur les terrasses de Paris,
14:29 pour pourquoi pas attirer des jeunes femmes,
14:31 parce que c'est classe de lire du Joël Dicker.
14:33 C'est sa technique en terrasses de Paris.
14:35 - Mais c'est vrai, on a tous fait ça quand on avait 20 ans,
14:39 tu lisais Proust comme ça,
14:42 voilà, la terrasser,
14:44 "ah vous aimez Proust ? Oui, bah oui, également ça vous plaît".
14:47 On a dû faire des bêtises pareilles, évidemment.
14:50 Ça a été adapté à Rick Hebert au cinéma ?
14:53 - Rick Hebert a été adapté en série télé,
14:55 réalisé par le grand Jacques Hano,
14:57 et qui est diffusé,
14:59 mais ça a été adapté il y a 4 ans maintenant.
15:01 - 12h48, vraiment merci,
15:03 c'est trop court malheureusement,
15:05 et on aimerait vous écouter,
15:06 parce que vous êtes passionnants,
15:07 et j'espère que vous allez venir à Europa,
15:10 longuement, pourquoi pas avec Isabelle Moriset,
15:13 pendant une heure, pour parler de votre oeuvre,
15:16 ou pourquoi pas avec l'ami Didier Barbelivien, également.