Pascal Praud revient pendant deux heures, sans concession, sur tous les sujets qui font l'actualité. Aujourd'hui, il reçoit Pauline Déroulède, pour son livre « (Im)possible » chez HarperCollins.
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00:00Il est 12h36 et vous avez oublié une information importante et cette information importante elle vous est donnée en chanson
00:08par
00:09notre ami, notre frère
00:11Jessy Garon
00:13C'est lundi
00:20C'est fou quand même parce que
00:23tous les lundis passent les uns après les autres et
00:27vous avez remarqué une chose c'est qu'ils reviennent
00:29Oui c'est fou d'ailleurs
00:31Tous les 7 jours
00:33Et quand je chante c'est lundi je me dis mais je l'ai déjà
00:36chanté il y a 7 jours et je n'ai pas vu le temps passer
00:40Je pense que maintenant c'est une demande on ne peut pas passer une bonne semaine sans c'est lundi
00:44Je le dis pour Pauline Desrouledes qui n'a pas connu Jessy Garon, bonjour chère Pauline
00:48Je m'avoue non plus
00:50Non plus
00:52Chaque lundi nous passons c'est lundi
00:54de Jessy Garon et puis parfois on chante
00:56Une façon de bien démarrer la semaine
00:58Exactement, bon ça nous fait plaisir que vous soyez là
01:00D'abord comment allez-vous ?
01:02Parce que j'ai toujours l'impression que vous allez bien vous
01:04Je me demande parfois si vous avez une baisse de morale
01:06Écoutez oui comme tout le monde
01:08et j'en parle d'ailleurs dans mon livre L'envers du décor
01:10L'envers du décor bien sûr qu'il y a des moments
01:12plus durs que d'autres mais ça va
01:14Pascal je continue de m'entraîner
01:16pour des prochains objectifs sportifs
01:18Impossible c'est le titre
01:20aux éditions HarperCollins
01:22C'est sorti quand ?
01:24C'est sorti le 25 septembre dernier, la semaine dernière
01:26Vous avez déjà fait une librairie
01:28une signature ?
01:30Je vais prochainement faire un lancement officiel
01:32dans la ville de Boulogne-Biancourt
01:34Voilà ça sera sur mes réseaux sociaux
01:36Ça m'intéresse beaucoup de savoir ce que les gens
01:38d'abord je pense qu'il y aura beaucoup de monde
01:40et ça m'intéresse beaucoup de savoir ce que
01:42vous diront les uns et les autres
01:44parce qu'ils vous connaissent, ils vous suivent
01:46Qu'est-ce qu'ils vous disent dans la rue lorsqu'ils vous reconnaissent ?
01:48C'est vrai que ce qui est
01:50toujours frappant c'est qu'il y a des gens qui me reconnaissent
01:52sans voir forcément la prothèse, moi ça m'étonne
01:54toujours parce que j'ai l'impression d'être identifiée
01:56parce que j'ai une jambe de robot
01:58comme dirait l'autre mais écoutez
02:00ils me disent bravo pour ce parcours, je suis toujours gênée
02:02face à ce compliment qui fait plaisir
02:04mais moi j'en parle
02:06j'ai l'impression de n'avoir
02:08jamais eu le choix et d'avoir essayé
02:10de faire comme je pouvais avec un entourage
02:12d'acier, en tout cas les gens sont toujours
02:14remplis de bienveillance et ça me donne de la force pour
02:16continuer dans mes combats bien sûr
02:18Je suis la fille qui a perdu une jambe
02:20la blonde, vous savez qui joue au tennis fauteuil
02:22championne de France, celle qui
02:24porte un projet de loi, la fille qui ?
02:26Celle que l'on a vue à la télé, entendue à la radio
02:28forte, courageuse, guerrière, résiliente
02:30c'est exact, depuis le 27
02:32octobre 2018 je suis
02:34entrée dans le combat et je n'ai jamais
02:36quitté le champ de mes batailles, je souris
02:38sur les plateaux, je monte sur les tribunes
02:40je lève les bras, je serre les poings, je
02:42vise la victoire, j'éclate de ritres
02:44et je souris encore et encore
02:46je vis à mille à l'heure, je vais être utile
02:48je vais être utile, cette phrase est très forte
02:50entraîner les gens, donner
02:52de l'espoir, bien sûr
02:54donner de l'espoir, du sens
02:56à ce qui n'en a pas finalement, c'est peut-être
02:58ce que j'essaye de faire depuis cet accident
03:00que j'ai eu il y a 6 ans maintenant
03:02voilà je pense que oui j'ai
03:04une mission, j'en ai plusieurs, être utile
03:06être utile pour les autres, peut-être qu'ils n'ont pas eu la chance d'être
03:08aussi bien entourés que moi, de
03:10se remettre d'un tel drame
03:12où les blessures physiques, psychologiques sont
03:14voilà où on font des dégâts
03:16et puis voilà c'est ce que j'essaie de faire
03:18partout où je passe, auprès des plus jeunes
03:20aussi surtout, parce que les jeunes vous savez
03:22surtout face au handicap ils ont
03:24aucun filtre, et je pense que
03:26notre société devrait en prendre de la graine
03:28parce que finalement le monde
03:30est plus simple à travers leurs yeux d'enfants
03:32Vous parlez de la mort de votre grand-mère, de votre
03:34grand-père pardon, qui a été un choc important
03:36et il y a quelque chose qui m'a étonné
03:38c'est que vous dites, et vous êtes assez jeune
03:40vous dites je redoute la maladie, l'hôpital, les piqûres
03:42les horribles tuyaux que l'on branche sur
03:44les corps souffrants, je détourne les yeux des
03:46handicapés, de ces gens abîmés ou en chaise roulante
03:48que je croise parfois, comme si
03:50le handicap était très présent
03:52avant que vous même en soyez victime
03:54Je pense que ça vient de ma mère qui nous
03:56a toujours surprotégés
03:58parce qu'elle avait toujours peur comme toutes les mamans
04:00qu'un drame nous touche et
04:02moi j'ai eu la chance d'être privilégiée
04:04d'être vraiment protégée, à l'abri
04:06finalement de n'importe quelle blessure
04:08et c'est vrai que
04:10je pensais que ça n'arrivait qu'aux autres
04:12je ne suis pas la seule à le penser, ça nous protège
04:14de le penser
04:16et c'est vrai que j'ai toujours été loin de ça, toujours eu une phobie
04:18de l'hôpital, du sang
04:20des accidents et j'ai finalement
04:22été à l'abri
04:24jusqu'à cet octobre 2018
04:26où là c'est la torpeur
04:28je bascule dans le cauchemar
04:30absolu, en tout cas celui
04:32dont je me faisais l'idée et c'est vrai que
04:34il y a une espèce de décalage
04:36entre la Pauline d'avant naïve
04:38qui se pensait à l'abri de tout ça
04:40et celle que je suis aujourd'hui
04:42puisque aujourd'hui je sais que ça existe
04:44La souffrance
04:46la douleur
04:48la douleur incroyable que vous avez
04:50subie, cette douleur
04:52d'une jambe arrachée
04:54vous en avez encore j'imagine
04:56la sensation de cette douleur ?
04:58Bien sûr c'est une douleur qu'on n'oublie pas
05:00déjà
05:02psychologiquement, moralement
05:04des moments de grande détresse
05:06après Pascal le cerveau est plutôt bien fait
05:08parce qu'il fait le ménage
05:10dans les flashs
05:12les plus traumatiques
05:14après moi j'ai aussi suivi tout un travail
05:16notamment avec l'outil EMDR
05:18qui est utilisé pour justement
05:20soigner ces flashs
05:22visuels et sonores
05:24c'est vrai que la douleur
05:26maintenant je peux dire que j'ai une capacité de résistance
05:28assez élevée, ça le corps n'oublie pas
05:30Mais il y a une réaction
05:32sur cette douleur lorsqu'elle arrive
05:34manifestement qui fait qu'elle est presque
05:36tempérée
05:38Je pense que oui, il y a un instinct de survie
05:40qui se met en place
05:42moi je ne me souviens plus de toutes les douleurs que j'ai eues
05:44à plein de reprises différentes
05:46parce que dans la reconstruction, avant de remarcher
05:48avec une prothèse, il y a plusieurs étapes
05:50et du coup plusieurs douleurs qui sont
05:52très aiguës et bien sûr
05:54j'ai été aidée grâce à des médicaments
05:56mais finalement c'est pas
05:58ce que j'essaye de retenir, alors bien sûr
06:00si je me replonge dans ces souvenirs, je m'en souviens
06:02comme s'ils étaient hier et d'ailleurs
06:04c'est paradoxal parce qu'aujourd'hui
06:06la moindre petite piqûre, je ne la supporte plus
06:08je pense que j'en ai tellement eu
06:10que finalement
06:12je suis devenue douillette, vous pouvez le croire
06:14donc ça c'est plutôt bien, ça veut dire que
06:16le corps oublie vite
06:18mais la blessure psychologique
06:20elle reste intacte, moi je me souviens des moments
06:22où je m'endormais seule en pleurant
06:24le soir à l'hôpital
06:26parce que c'est inévitable, ces moments où vous êtes
06:28seul dans votre peine, votre chagrin
06:30de ce que va être
06:32la vie qui arrive devant vous
06:34ça c'est peut-être ce qui m'a marqué
06:36au fer rouge encore aujourd'hui
06:38Vous parlez de tout dans ce livre
06:40et également de votre
06:42sexualité
06:44de votre attirance et vous dites
06:46la découverte de mon attirance pour les filles a sonné
06:48une rupture avec ma mère, nous avons
06:50défusionné pour le meilleur
06:52et pour le pire, après le cataclysme
06:54de cette annonce dans la famille
06:56j'ai dû faire mes armes avec
06:58mes peines et mes succès
07:00mais le mot cataclysme
07:02à l'aune de ce qui est arrivé
07:04ensuite, j'imagine que vous avez
07:06parlé avec votre mère
07:08et que vous lui avez dit, tu te rends compte
07:10on a fait, t'as été choqué
07:12ou que sais-je, parce que j'aimais les filles
07:14et tu te rends compte de ce qu'a été ma vie
07:16ensuite, j'imagine qu'il y a eu cet échange
07:18C'est bien sûr qu'il y a eu cet échange
07:20et surtout il avait quasiment
07:22été, c'est à dire que ma mère
07:24elle a eu tellement peur de perdre son
07:26enfant, donc ça a été balayé d'un revers
07:28et elle était surtout heureuse
07:30parce que j'ai une personne qui m'aime à mes côtés
07:32qui est Tiffany, qui ne m'a jamais lâchée
07:34mais voilà, j'en parle
07:36je parle de ce coming out un petit peu forcé
07:38avec les détails, parce que je pense
07:40qu'aujourd'hui encore, dans nos sociétés, il y a des jeunes
07:42qui souffrent en silence
07:44de leur orientation sexuelle, même si c'est de mieux en mieux
07:46et qui peuvent
07:48vivre des moments compliqués
07:50avec leurs parents, leur entourage
07:52je pense qu'il faut libérer la parole, moi ça n'a jamais été un sujet
07:54mon orientation sexuelle
07:56j'ai toujours dit que j'aimais une personne, en l'occurrence
07:58c'était une femme, et je pense qu'aujourd'hui
08:00il faut qu'on parle comme ça
08:02Tiffany ne manque pas un seul jour de mon hospitalisation
08:04elle est à mon chevet dès l'ouverture des visites
08:06sans exception, elle m'apporte un déjeuner
08:08différent, pour m'éviter les plateaux
08:10repas, souvent sans saveur de l'hôpital
08:12elle me laisse un petit mot chaque soir
08:14avant de partir, elle est toujours là
08:16elle n'est pas en mesure de retravailler, elle gère
08:18notre déménagement, elle me masse
08:20pour soulager mes douleurs, avec
08:22amour, elle gère mes crises d'angoisse, de panique
08:24après les journées trop intenses
08:26elle est une super héroïne, c'est elle qui me sauve
08:28souvent à chaque fois qu'on
08:30est ensemble, je vous parle de Tiffany
08:32parce que je vous suis de loin bien sûr
08:34mais je vois cet amour qui existe
08:36entre vous, et
08:38évidemment, il y a vous
08:40et c'est très difficile bien sûr pour vous
08:42mais pour celui
08:44qui aime, qui est en l'occurrence
08:46votre amoureuse, ce rôle
08:48là, qui n'est pas parfois toujours
08:50mis en avant
08:52vous vous en parlez beaucoup
08:54c'est peut-être ce qui me tient le plus à coeur
08:56la place de la victime de l'ombre, c'est la place
08:58de Tiffany qui est une victime
09:00tout aussi directe que moi
09:02sauf qu'elle n'a heureusement pas été blessée
09:04physiquement, en revanche les blessures
09:06psychologiques pour elle ont été
09:08vraiment très compliquées, elle a mis sa vie entre parenthèses
09:10elle a été soignée
09:12comme moi à l'hôpital, elle a passé effectivement
09:14ses journées avec moi, et à faire
09:16comme elle pouvait pour
09:18se tourner vers l'avenir, donc moi
09:20je tiens vraiment à parler de cette place
09:22de ce qu'on appelle les aidants, qui ne sont
09:24finalement pas reconnus, en tout cas peu reconnus
09:26par notre société, par le monde des assurances
09:28aussi, et c'est vrai que
09:30c'est peut-être ce qu'il y a
09:32le plus grave, parce que les blessures psychologiques
09:34c'est pour la vie, c'est quelque chose
09:36qui peut vous hanter pendant des années et des années
09:38et cette place de victime
09:40de l'ombre, d'aidant, elle est tellement
09:42pas évidente finalement, parce que ce n'est pas
09:44vous qui avez l'urgence des soins
09:46mais pour autant, vous devez
09:48gérer des choses finalement
09:50c'est hyper compliqué, Tiffany elle a joué ce rôle
09:52elle a dû vivre du jour au lendemain avec une personne
09:54qui était en situation d'handicap, qui était moi
09:56Vous étiez ensemble depuis combien de temps ?
09:58Ça faisait une bonne année qu'on était ensemble
10:00donc bien sûr on a eu cet aperçu de vie
10:02sans handicap
10:04Et vous viviez ensemble déjà ?
10:06Bien sûr, on a dû totalement se réinventer
10:08changer d'appartement
10:10C'est allé vite votre histoire d'amour, vous vous êtes rencontré un an avant
10:12et vous viviez très rapidement
10:14Je n'avais déjà plus le time comme je dis
10:16c'est vrai que voilà
10:18trouver la bonne personne
10:20en tout cas, cette place de victime de l'ombre
10:22il faut qu'elle soit entendue
10:24je connais beaucoup de personnes qui m'écrivent
10:26sur les réseaux et qui souffrent en silence
10:28qui sont impuissants
10:30parce qu'ils aident une personne qu'ils aiment
10:32et souvent on ne leur donne pas
10:34la place qu'ils méritent
10:36Un type Pauline m'annonce
10:38un jour en déboulant dans ma chambre
10:40d'hôpital, tu ne deviendras jamais quoi
10:42le producteur de danse avec les stars m'a
10:44contacté, il te veut pour la prochaine saison
10:46c'est une blague, j'adore cette émission
10:48dont je pense ne pas avoir manqué une seule diffusion
10:50Être choisie est un rêve de petite fille
10:52qui se réalise
10:54C'est vrai que ça a toujours été une émission de divertissement
10:56que j'aimais regarder et puis moi j'étais loin d'être
10:58une bonne danseuse
11:00donc c'était assez lunaire cette annonce
11:02et surtout un vrai défi
11:04parce que moi quand j'ai participé
11:06le temps d'un soir à cette émission
11:08ça faisait à peine 4 mois que je marchais avec ma prothèse
11:10donc je ne savais pas si physiquement
11:12j'allais pouvoir tenir le choc
11:14et voilà, l'histoire
11:16a dépassé peut-être l'émission de télé
11:18parce que pour moi il y a vraiment eu un avant
11:20et un après cette émission
11:22Il y a beaucoup de choses dans le livre et c'est pourquoi je survole
11:24très rapidement bien sûr
11:26et puis il y a le combat qui est le vôtre
11:28cette fameuse
11:30comment dire
11:32visite médicale pour les plus
11:34anciens, tous les 10 ans
11:36Moi l'idée c'est une visite médicale
11:38pour tous les conducteurs avec une fréquence
11:40plus régulière à partir d'un certain âge
11:42et vous aviez rencontré ce vieil homme
11:44vous en parlez d'ailleurs avec beaucoup de tendresse
11:46si j'ose dire, vous dites voilà cet homme
11:48il est mort depuis, cet homme qui a eu
11:50l'accident et qui n'aurait jamais dû
11:52conduire bien sûr, alors moi ce qui m'étonne
11:54toujours c'est que ce combat manifestement les hommes politiques
11:56ils ne l'entendent pas beaucoup
11:58pour le moment alors ça serait certain de changer
12:00C'est de mieux en mieux, écoutez après il faut faire avec
12:02l'actualité politique, là on a un nouveau gouvernement
12:04que je n'ai pas encore eu l'occasion de rencontrer
12:06mais en tout cas entre le moment où j'ai commencé
12:08à mener ce combat et aussi avec un
12:10un relais médiatique, il faut le dire
12:12et aussi parce que les français sont prêts je pense
12:14les mentalités évoluent
12:16c'est long mais on va y arriver
12:18le débat va être ramené de plus en plus en France
12:20et aussi du fait de malheureusement
12:22de faits divers, c'est comme ça qu'on les appelle
12:24le dernier en date à la Rochelle cet été
12:26où on voit bien
12:28qu'il y a un problème d'inaptitude à la conduite
12:30pour certains conducteurs dans notre pays
12:32et il faut que ça cesse. Et c'est l'histoire
12:34de la société française qu'un fait
12:36divers qui devient un fait de société
12:38pour avancer la loi. Il ne s'agit pas
12:40ni de récupération ni d'instrumentation
12:42mais c'est une prise de conscience
12:44qui est produite précisément
12:46par un fait divers. Je vous remercie grandement
12:48c'est toujours un bonheur de vous avoir avec nous
12:50Impossible
12:52et c'est chez HarperCollins
12:54il va y avoir dans une seconde le débrief
12:56de M. Laurent Tessier, restez avec nous
12:58A tout de suite, c'est repas