• il y a 7 mois
La commission des Lois du Sénat a remis son rapport aujourd'hui sur les émeutes de 2023. Le coût des émeutes s'élève à 793 millions d'euros. Les sénateurs formulent 25 propositions pour "tirer les leçons".
Qu'en pensent les élus de terrain ? Comment éviter de nouveaux épisodes de violences urbaines ? Driss Ettazaoui, vice-président de l'association de maires Villes et Banlieue, adjoint (Modem) au maire d'Evreux (Eure) est l'invité de RTL Bonsoir.
Regardez L'invité de RTL Soir avec William Galibert du 11 avril 2024

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Transcription
00:00 (Générique)
00:07 Il est 18h20 sur RTL, on a donc un chiffre, une sorte de facture des émeutes de l'été dernier,
00:12 près d'un milliard d'euros d'après un rapport sénatorial.
00:15 Bon ok, mais maintenant, qu'est-ce qu'on fait de ce chiffre ?
00:17 Parce que reconstruire ce qui a été détruit sans traiter les problèmes à la base, ça ne suffira pas.
00:22 C'est un élu local qui est en studio avec nous, bonsoir, Driss Ettaouzi.
00:26 Ettazoui.
00:27 Ettazoui, bonsoir, merci pour votre invitation.
00:30 Excusez-moi pour ça.
00:31 S'il vous plaît.
00:31 Élu modem à Évreux dans l'heure, vous êtes aussi vice-président de l'association Ville et banlieue.
00:37 D'abord, est-ce que vous pouvez nous décrire rapidement ce qu'a subi, ce qu'a vécu Évreux au mois de juillet dernier,
00:42 dans les jours qui ont suivi la mort du jeune Nahel ?
00:45 Je crois que ce qui était surprenant, ce que vous n'attendiez pas du tout,
00:48 c'est que certains quartiers qui se sont enflammés n'en laissaient paraître aucun signe.
00:54 Et cette ville pourtant, elle s'est enflammée au sens propre comme au sens figuré.
00:58 La ville d'Évreux n'est pas une exception, elle s'est enflammée comme de nombreuses villes.
01:02 Beaucoup de collectivités, beaucoup de territoires ont vu effectivement, non seulement des quartiers,
01:07 mais on a vu que ce ne sont pas seulement des quartiers de la politique de la ville qui ont été touchés
01:11 par les émeutes et par les violences urbaines, mais vraiment des territoires de droits communs qui aussi ont été touchés.
01:16 Ça a été l'une des singularités d'ailleurs de ces violences urbaines.
01:19 Il y a Évreux, effectivement, on a eu affaire à une semaine, une dizaine de jours presque,
01:24 au quotidien, d'une violence extrême à laquelle on a dû faire face d'abord à les habitants, d'abord à la population,
01:32 domiciliés sur les quartiers de la politique de la ville, en particulier le quartier de la Madeleine.
01:36 Et j'ai envie de dire que les premiers à souffrir de la situation, ce sont ces habitants.
01:40 Ce sont les 6 millions d'habitants qui sont domiciliés sur ce territoire
01:43 et les 10 000 qui sont domiciliés sur le quartier de la Madeleine.
01:45 - On disait 1 milliard d'euros au plan national pour Évreux, pour une ville comme vous,
01:49 50 000 habitants comme vous nous l'avez rappelé, ça représente quoi ?
01:53 - Alors sur la ville d'Évreux, ce sont deux bâtiments publics qui ont été touchés.
01:57 C'est une école, l'école Bichelet, et c'est le siège de l'hôtel d'agglomération.
02:02 Donc c'est vraiment la représentation institutionnelle, la représentation du pouvoir local qui a été endommagé,
02:09 qui a été brutalisé avec approximativement aujourd'hui 400 000 euros de travaux sur les deux bâtiments
02:15 et sur l'école et sur l'hôtel d'agglomération.
02:17 L'hôtel d'agglomération a d'ores et déjà été réparé, réhabilité.
02:21 L'école Bichelet, pas encore parce que plus les dégâts sont importants
02:25 et plus le temps nécessaire à la reconstruction et à la réhabilitation est important également.
02:31 Et donc vous avez des délais d'expertise, toute une négociation avec les compagnies d'assurance
02:36 de manière à obtenir les dédommagements nécessaires pour entamer les reconstructions.
02:42 Est-ce qu'elles ont joué le jeu ces assurances ?
02:44 Alors aujourd'hui, d'un avis partagé, on a des assurances qui quittent nos territoires.
02:49 Nous on avait deux assurances, les deux aujourd'hui qui étaient des assurances étrangères.
02:52 Vous faites un appel d'offres, vous avez des assurances qui répondent.
02:54 On avait une anglaise et une allemande, les deux ont foutu le camp.
02:57 Et aujourd'hui l'assurance qui a bien voulu assurer la ville d'Evreux et les bâtiments publics de la collectivité,
03:04 pour ces assurances-là, aujourd'hui le coût est multiplié par 6.
03:08 La prime d'assurance a été multipliée par 6.
03:11 Et donc c'est une vraie dépense significative pour la collectivité.
03:14 J'ai eu la prime de l'assurance, mais on ne parle pas de la franchise aussi,
03:17 parce que la franchise est éminemment importante et elle a été désormais multipliée par 3.
03:21 Et donc dans ces temps où on nous dit que l'abondance s'est terminée,
03:24 les collectivités qu'on va ponctionner demain, c'est ce qu'on vient de nous annoncer aussi,
03:28 doivent faire face pour toutes celles et ceux, toutes celles qui ont été en tout cas touchées par ces violences,
03:33 à de nouvelles dépenses significatives en matière d'assurance.
03:36 On en a beaucoup parlé de ces émeutes, évidemment,
03:39 notamment au plan politique, Emmanuel Macron a invité de nombreux élus en disant
03:42 "Attendez, on va laisser passer l'été, puis après on se réunit, effectivement,
03:46 il faut qu'on traite le problème à la racine".
03:49 Bilan, il ne s'est pas passé grand-chose, vous êtes déçus ?
03:52 Juste un mot, si vous le permettez, je vais répondre à votre question,
03:55 parce qu'il y a le coût également invisible de ces violences urbaines dont on ne parle pas.
03:58 Vous avez les 1 milliard dont vous parlez, c'est 793 millions d'euros exactement,
04:02 l'estimation faite par les sénateurs,
04:06 mais vous avez tous ces dégâts finalement qu'on a du mal,
04:10 qui sont invisibles, qu'on a du mal à estimer,
04:12 c'est celui de l'image de nos territoires, l'image de nos quartiers,
04:15 l'image de nos collectivités, leur attractivité.
04:17 Quand il se passe ce qu'il se passe, c'est la chute du prix de l'immobilier,
04:21 c'est une économie en berne, c'est la mixité sociale qui est à l'arrêt.
04:25 Donc ce sont tous ces sujets-là aujourd'hui qu'on ne chiffre pas, mais qui sont une réalité de main.
04:29 Et pire que tout, c'est la perception de nos concitoyens,
04:32 de ce qui s'est passé sur ces territoires, puisqu'aujourd'hui ils se disent
04:35 "Ah quand même, donc il y a un coût politique, et ce coût politique, celui qui en engendre les bénéfices,
04:40 c'est le Rassemblement National, c'est Reconquête".
04:42 Et ça c'est un vrai drame. Ce coût-là il est énorme, on ne le chiffre pas.
04:46 C'est d'autant plus important de prendre à bras le corps ce problème,
04:49 ce qu'avait dit qu'il ferait Emmanuel Macron.
04:52 Absolument, nous on a demandé au ministère de la Ville,
04:55 à Madame la Ministre, qui est en charge du sujet,
04:58 qu'on puisse avoir une commission qui va nous permettre de suivre et d'évaluer
05:01 l'ensemble des mesures que le Président de la République, à l'occasion d'un comité interministériel, a annoncées.
05:06 Parce que c'est bien de faire un certain nombre d'annonces,
05:09 mais l'idée quand même c'est qu'on puisse s'assurer que ces annonces-là
05:12 atterrissent nécessairement sur nos territoires.
05:15 Aujourd'hui on en est encore à poser la question.
05:18 On nous a rassuré qu'effectivement on aurait à suivre et à évaluer
05:21 chacune des actions qui ont été proposées par la Première Ministre
05:23 et par l'ensemble des ministres qui a été présent à Chantelouly-Vigne,
05:26 dans le cadre de l'interministériel.
05:28 Et donc on sera attentif à ce que chacune des mesures qui a été proposées par le chef de l'État
05:31 soit bien mise en œuvre.
05:33 Parce que pour l'instant on a plutôt l'impression que tout ça a été royalement enterré.
05:36 J'étais à cette réunion avec les élus, qui attendaient beaucoup de choses.
05:39 Ensuite Elisabeth Borne nous dit "Oui, ne vous inquiétez pas,
05:42 on va s'occuper de ça dans quelques mois".
05:44 On n'a pas du tout entendu Gabriel Attal s'emparer du sujet.
05:47 C'est comme s'il y avait une volonté de mettre un peu tout ça sous le tapis,
05:50 parce qu'il y a aussi d'autres problèmes à gérer,
05:52 inflation, pouvoir d'achat, des élections européennes.
05:54 Vous n'avez pas l'impression d'être désoublié depuis le mois de juillet dernier sur tous ces sujets-là ?
05:58 - Vous savez, sur les territoires de la politique de la ville,
06:00 on dit souvent que ce sont les territoires perdus,
06:02 ou je dirais les territoires oubliés de la République.
06:04 Pour le coup, ils n'ont pas perdu.
06:06 Il est vrai qu'on n'est pas souvent dans les scopes
06:08 du Premier ministre et des ministres en question.
06:11 Pour autant, le lien avec la ministre de la Ville est quand même maintenu.
06:15 On a régulièrement, que ce soit avec celle de la Ville,
06:18 mais que ce soit aussi avec celui du logement.
06:20 Parce que la question du logement, de la mixité,
06:22 de la diversification du peuplement, on n'en parle pas beaucoup.
06:24 Mais c'est un vrai enjeu aussi sur le territoire,
06:26 parce que le vivre-ensemble, il passe à travers la diversification du peuplement sur ces territoires.
06:30 Et si on ne réussit pas à faire cohabiter tout le monde sur notre quartier,
06:33 eh bien on aura ensemble échoué.
06:35 Et c'est là où la République aura elle aussi échoué.
06:37 - Si le gouvernement n'a pas bougé, est-ce que ça veut dire que votre ville d'Evreux a déjà bougé
06:40 pour essayer de prévenir peut-être d'éventuelles nouvelles émeutes ?
06:44 - Alors, le gouvernement a bougé.
06:46 On a envie de dire qu'il y a eu les cités éducatives.
06:48 Aujourd'hui, on a une promesse de généralisation de ces cités éducatives,
06:51 avec des moyens qui sont importants.
06:52 À Yvereux, c'est 300 000 euros supplémentaires sur la cité éducative.
06:55 Vous savez, la cité éducative, c'est ce dispositif qui vous permet finalement
06:58 de jalonner le parcours de l'enfant, de chez lui, jusqu'à l'école,
07:02 et après l'école, jusqu'au retour de chez lui,
07:04 en mobilisant le tissu associatif avec l'ensemble des acteurs
07:07 qui participent à l'instruction et à l'éducation de nos enfants.
07:10 On ne le dit pas assez.
07:11 Mais vous savez, la question de l'instruction, elle est éminemment importante.
07:13 Je fais juste un petit focus là-dessus.
07:16 Aujourd'hui, il y a 15 millions d'heures qui ne sont pas remplacées à l'éducation nationale.
07:19 Et quand vous ne dispensez pas ces heures-là,
07:22 c'est autant d'apprentissage que vous ne transmettez pas,
07:25 autant de codes que vous ne transmettez pas.
07:27 Et à ces enfants, qui se sont davantage les enfants du quartier,
07:30 plus que les enfants de la République, à qui vous dites finalement
07:33 "vous appartenez à la société",
07:35 mais quand ils n'ont pas les codes, quand ils n'ont pas les mots,
07:37 quand ils n'ont pas la maîtrise des phrases, du vocabulaire,
07:40 de l'orthographe et de la grammaire,
07:41 quand ils n'arrivent pas à mettre sur des mots "MAUX"
07:44 et bien des mots "MOTS",
07:46 leur alternative c'est la violence.
07:48 Et on devient brutal.
07:49 Donc c'est l'une des raisons aussi pour lesquelles il nous faut absolument travailler
07:52 sur la question de l'instruction.
07:53 On a beaucoup pointé du doigt les parents,
07:55 on les a même stigmatisés sur la question de l'autorité parentale.
07:58 Je pense que la question de l'instruction est aussi nécessaire
08:01 et que la responsabilité est toujours partagée.
08:03 - Merci beaucoup.
08:04 Merci infiniment pour ce témoignage venu du terrain
08:07 et qui nous éclaire aussi presque un an après ces émeutes,
08:10 Idriss Etazawi.
08:11 Vous êtes élu local à Évreux,
08:12 vous vous occupez aussi de l'association Ville des bons lieux,
08:15 donc vous êtes le vice-président.
08:16 Merci de vous être déplacé jusqu'à nous ce soir.
08:18 18h28 sur RTL,
08:20 on va vous parler ce soir du grand retour des pompistes
08:24 dans les stations-services.
08:26 C'est assez surprenant, vous allez voir ça dans quelques minutes.
08:29 - Et puis la viso-conférence avec Alex Vizorek au menu ce soir.
08:33 - Je vais vous faire le plein de blagues.
08:35 - Ah ah ah !
08:36 - Ok, il y en aura des meilleures.
08:39 - À tout de suite Alex, à tout de suite à vous.
08:42 RTL Bonsoir

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