Violences et agressions envers les maires : pour la première fois le chef du groupe de négociation du Raid, le commandant Olivier, prend la parole sur RTL. Il dévoile en exclusivité le contenu de la formation qu'il délivre aux élus locaux : que dire à un habitant furieux de ne pas avoir de permis de construire ? Comment recevoir un administré qui n'a pas eu de place en crèche ou est en attente de logement social ? Comment les techniques du Raid peuvent être utilisées face à des preneurs d'otage peuvent être utiles aux maires ?
Regardez L'invité de RTL du 24 mai 2023 avec Amandine Bégot.
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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 RTL Matin
00:06 Il est 7h44, excellente journée à vous tous qui nous écoutez. Amandine Bégaud vous recevez donc ce matin le commandant Olivier, chef du groupe
00:14 négociation au Raid.
00:16 - Commandant Olivier, bonjour. - Bonjour. - Vous êtes le chef du groupe de négociation du Raid et si on vous reçoit ce matin,
00:21 c'est pour évoquer le quotidien des maires et ces menaces de plus en plus nombreuses contre nos élus. Alors on a beaucoup parlé
00:27 ces derniers jours du maire de Saint-Brévin, mais là c'est loin d'être un cas isolé. Je vais rappeler juste quelques chiffres.
00:33 Plus de
00:35 2265 plaintes répertoriées en 2022, plus 32% selon le ministère de l'Intérieur.
00:40 Et vous, au Raid, vous proposez justement des formations aux élus pour faire face.
00:45 Concrètement, elles consistent en quoi ces formations ?
00:48 - Alors ces formations
00:49 ont été élaborées par le Raid, le groupe négociation du Raid, et par l'ENSP, l'école nationale supérieure de police qui forme les
00:57 commissaires de police. Généralement, les formations commencent par une simulation pour détendre un petit peu tout le monde, pour plonger dans le bain
01:03 les élus.
01:06 Donc on va simuler
01:08 un administré qui vient se plaindre d'un refus de permis de construire, qui n'a pas eu une place en crèche, qui
01:15 n'a pas eu de logement social. Et on va essayer de jouer comme ça,
01:20 en les mettant directement en situation,
01:25 sachant que ces simulations se rapprochent de ce qu'ils vivent quotidiennement.
01:29 - De situation réelle, vous partez de ces situations réelles.
01:32 La personne qui interpelle le maire en pleine rue et qui lui dit "j'ai pas eu ma place en crèche et le ton monte, le ton monte".
01:40 Concrètement, vous apprenez quoi au maire ? Vous leur dites quoi ? Qu'est-ce qu'il faut faire ?
01:43 - Concrètement, une personne qui vient et qui vous insulte, si vous essayez de parler plus fort
01:47 et d'utiliser des insultes, ça va en venir aux mains. Là, on est vraiment dans une situation
01:54 d'apaisement. On va leur apprendre à apaiser le dialogue.
01:56 - Vous disiez l'aménagement du bureau, ça a aussi son importance ?
02:00 - Oui, très, très, très. Et ça, on fait mouche à chaque fois. Tout le monde a sur son bureau
02:05 des ciseaux à bout pointu, un magnifique coupe-papier
02:09 pointu et qui pourrait, si ça se passe mal, être retourné contre l'élu.
02:14 - Ça suffit ce genre de formation pour faire face sur le terrain ?
02:18 - Alors hélas, on a bien vu avec le maire de Saint-Brévenc que ça ne suffit pas.
02:23 - Il a été formé, le maire de Saint-Brévenc ? - Alors, il est en secteur gendarmerie, donc je ne peux pas vous...
02:28 Je n'ai pas cette information puisque moi je m'occupe de la zone police.
02:31 Mais les gendarmes étaient très présents aussi dans les sensibilisations faites aux élus.
02:37 Mais là, on voit que nos formations,
02:42 face à un incendie de bien privé, ne pourraient pas fonctionner.
02:47 - Ils sont réceptifs, les maires, aux conseils que vous leur donnez ? - Alors, ils sont très réceptifs.
02:52 On est parfois obligé de les arrêter tellement il y a d'émulation entre eux, malgré les couleurs politiques, ce qui est assez sympathique.
03:00 Nous, on apprend beaucoup aussi d'eux.
03:02 Je pense qu'ils ont vraiment besoin de communiquer, de raconter un peu ce qui se passe, ce qu'ils vivent.
03:08 Et du coup, c'est vraiment très intéressant, beaucoup d'échanges dans ces journées. - Ils ont besoin de parler ?
03:15 - Oui, oui, c'est exactement ça. - C'est un moment où on se confie aussi ? - Oui, oui, tout à fait.
03:20 Ce qui ressort beaucoup sur ces journées de formation, c'est le climat de menaces,
03:25 notamment amplifié par les réseaux sociaux, où c'est vraiment permanent.
03:29 L'administré qui vous alpague le dimanche matin à la sortie de la boulangerie,
03:35 quand les maires ont les sachets de croissant dans les mains,
03:38 ils ont un petit peu l'habitude, ça arrive. Par contre, cette menace omniprésente sur les réseaux sociaux, ça c'est vraiment quelque chose, à tous les niveaux,
03:46 sénateurs également,
03:49 qui est très présent et qui les préoccupe beaucoup. - Cette formation du RAID a été mise en place en
03:54 2021 par le ministère de l'Intérieur, après le meurtre du maire de Cygne, on s'en souvient, c'était en 2019, il avait été volontairement renversé
04:01 par un maçon à qui il reprochait de se débarrasser de ses gravats dans une zone non autorisée.
04:05 Ça fait donc deux ans qu'elle existe, cette formation. Est-ce que,
04:08 commandant Olivier, vous avez vu les choses évoluer ?
04:12 C'est-à-dire, est-ce que vous sentez les maires aujourd'hui plus inquiets qu'ils ne pouvaient l'être il y a deux ans,
04:17 plus conscients des problèmes, du danger ? - Alors peut-être plus conscients, pas plus inquiets parce que
04:23 depuis deux ans, on nous a demandé de réaliser cette formation,
04:27 c'est vraiment
04:30 omniprésent, ils en ont conscience, mais ils en ont de plus en plus conscience. Certains, peut-être,
04:36 refusaient de l'admettre, essayaient de garder un petit peu la motivation et le courage.
04:41 Mais c'est vrai qu'on sent dans les formations qu'ils se livrent et ils sont vraiment conscients de plus en plus du problème et de
04:48 ces menaces. - Conscients que les charpes tricolores ne les protègent plus ? - Ah oui, clairement.
04:52 C'est d'ailleurs un conseil qu'on leur donne, ça en fait hurler certains qui refusent de l'admettre, mais
04:58 voilà, de sortir avec les charpes tricolores pour arrêter un rodéo dans une cité,
05:03 clairement, on leur conseille de ne pas le faire selon les zones. - Et ça paraît quand même fou de faire appel au RAID, qui
05:09 est l'élite de la police, pour faire une formation à des élus. Ça veut dire que la situation est grave ?
05:15 - Alors, la situation est grave, je pense qu'il faut le reconnaître. Après, le fait de faire appel au RAID, c'est que le RAID
05:21 est une des seules unités de police à disposer de négociateurs.
05:25 Et on a clairement utilisé pour la formation des élus des techniques que nous utilisons dans nos négociations
05:32 face à des forcenés, des suicidaires ou des preneurs d'otages. - Quelle similitude, justement, avec une prise d'otage, par exemple ? - Utiliser
05:39 maîtriser la communication, utiliser l'écoute active, faire preuve d'empathie.
05:42 Ça, c'est des choses que les négociateurs utilisent pour désamorcer les crises sur lesquelles le RAID se déplace.
05:49 Attendre que l'orage passe et puis pouvoir entamer un dialogue avec la personne. - J'imagine qu'après deux ans
05:54 de formation, vous avez des retours. Ils vous disent que ça les aide, ces formations ? - Alors oui, les
06:01 retours sont excellents. Ça m'a surpris, moi, lors de mes premières formations, des lettres
06:08 signées de la main des maires qui nous arrivent en disant qu'ils avaient vraiment passé une très bonne journée.
06:12 - Mais ça leur sert ? Ils vous disent ? - Ils nous disent qu'ils vont mettre en pratique.
06:16 Certains nous disent que ça leur a servi. J'espère que c'est le cas pour tous.
06:20 - Certains vous disent que ça leur a servi, c'est-à-dire qu'ils ont évité peut-être des situations graves grâce à ça ? - Oui, absolument.
06:28 - J'imagine que ça fait du bien. - Oui, oui, très.
06:32 C'est vraiment gratifiant de se dire qu'on a peut-être évité des coups sur un maire.
06:38 - Il y a des cas qui vous ont particulièrement marqué au cours de ces formations ?
06:42 - Alors on avait
06:44 on avait
06:46 quelque chose d'assez anecdotique. C'est le maire d'une commune proche de Lyon qui,
06:51 lors de la formation qu'on lui dispensait, était sous protection policière. Donc on avait deux collègues du
06:57 SDLP qui étaient présents dans l'amphithéâtre de formation. Donc c'est un petit peu
07:01 particulier. Et sinon, c'est toutes les situations qu'il nous rapportait. C'est ce maire
07:05 dont j'ai parlé tout à l'heure, qui sort de la boulangerie avec ses paquets de croissant et il est avec ses enfants. Il est
07:11 alpagué par des administrés mécontents qui veulent savoir où en est leur dossier. C'est le maire qui était présent lors d'une formation
07:18 et qui nous raconte que toute la nuit précédente, son domicile avait été gardé par une patrouille de police puisqu'il avait des menaces de
07:25 dégradation de sa maison par incendie. Enfin voilà, c'est ce climat
07:30 de tension qui est compliqué à imaginer pour eux. - Et vous, vous l'imaginez ça ?
07:35 - Peut-être pas à ce point-là quand même. Vraiment, quand ils se libèrent et qu'ils nous racontent, et ça va même jusqu'aux
07:42 sénateurs et aux députés, quand tous ces élus de la République nous racontent un petit peu ce qu'ils vivent, on se dit qu'ils font
07:49 preuve d'une d'une extrême motivation quand même pour continuer leur fonction malgré tout ça. - Et d'une grande maîtrise.
07:55 Parce que finalement,
07:57 il le faut. - Il le faut, exactement. - Un grand merci, commandant Olivier, chef du groupe de négociation du RED. Merci
08:04 d'avoir été avec nous pour nous raconter ce matin justement ces formations. - Avec plaisir.
08:09 - Il...