Avec Jean-Claude Bourret, journaliste, auteur de "La Cinq, L'histoire secrète" publié aux éditions Guy Trédaniel.
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NewsTranscription
00:00 Alexis Poulin, sans réserve, l'invité.
00:04 Et notre invité c'est Jean-Claude Bourret, journaliste que l'on ne présente plus.
00:09 Vous avez sorti un livre, "La 5, l'histoire secrète".
00:13 Alors le livre quand même commence avec cette phrase
00:17 "Contrôler les médias, c'est contrôler les cerveaux des peuples
00:20 et rien n'est plus excitant pour un politique que d'avoir à sa disposition l'arme des médias".
00:24 Et vous expliquez en fait qu'à l'époque de l'ORTF
00:28 même le sommaire du journal était validé par le préfet.
00:32 Il n'y avait pas de liberté éditoriale.
00:34 C'est quand même incroyable.
00:36 Est-ce que vous avez vu dans votre carrière
00:39 cette arme des médias faire des ravages dans la société française ?
00:44 Alors faire des ravages, je n'ai pas fait d'études historiques
00:48 aussi précises que votre question.
00:51 Je vous entendais à l'instant commenter la violence dans les écoles et les lycées.
00:56 Mon premier métier c'était éducateur de rue, visiteur de prison.
01:01 Ce que personne ne sait pratiquement puisque je n'en ai pas parlé
01:04 étant donné que je ne voulais pas que les confrères disent
01:07 "Ah oui, bourré se fait mousser" etc.
01:10 Mais je visitais les prisons, notamment Fleury-Mérogis, La Santé.
01:15 J'étais éducateur de rue donc j'avais une douzaine de jeunes enfants,
01:21 d'adolescents plus exactement, dont j'avais la charge.
01:27 Et on pose évidemment très très mal le problème de la société.
01:32 Parce que le problème de la société c'est d'abord l'éducation
01:35 qui passe par les parents, qui passe par les enseignants
01:39 et qui passe par les médias.
01:41 Alors pour répondre à votre question sur les médias,
01:44 depuis toujours, depuis 2000 ans,
01:47 ceux qui ont la capacité de faire passer des messages au peuple
01:51 essayent de maîtriser ces messages, depuis toujours.
01:55 Le Grand Capital a toujours été actionnaire des grands journaux de presse écrite.
02:00 Ensuite ça a été la radio, ensuite ça a été la télé.
02:03 Maintenant ce sont les réseaux sociaux.
02:05 Pourquoi ? Parce que quand vous maîtrisez les médias,
02:08 quand vous êtes propriétaire d'un média,
02:10 vous pouvez orienter via le président de la chaîne
02:14 ou le directeur de la rédaction.
02:17 Vous pouvez lui dire "Tiens, ce serait bien d'inviter un tel".
02:20 Il est sensible évidemment à vos suggestions,
02:24 puisque vous le payez.
02:26 Ce n'est pas compliqué à comprendre.
02:28 Alors après le directeur de la rédaction se tourne vers son rédacteur en chef
02:32 "Dis donc, il y a un mec qui est pas mal, là, c'est un tel.
02:34 Il vient de sortir un bouquin, ou alors il a des choses à dire.
02:37 Ce serait bien de l'inviter dans un des journaux."
02:40 Et le rédacteur en chef, il comprend le message.
02:42 Il n'est pas fou. Il ne va pas lui dire "Ecoute, tu n'as rien à me dire.
02:45 Je suis le patron de la rédaction, je suis rédacteur en chef."
02:48 Sauf que l'autre, il est au-dessus de lui.
02:50 Donc voilà comment ça se passe.
02:52 Et évidemment, le grand capital essaye de mettre dans la tête
02:57 des téléspectateurs ou des auditeurs
02:59 ce qu'il a envie que les citoyens comprennent, sachent et pensent.
03:05 Donc moi je suis très frappé maintenant, j'ai 84 ans, j'ai un peu de recul.
03:10 Je suis très frappé de constater que les chaînes de télé
03:14 qui sont à accès gratuit, il y en a je ne sais plus combien, 23 ou 24,
03:18 proposent des insignifiances.
03:21 C'est très rare qu'il y ait une émission de télé qui ouvre l'esprit,
03:25 qui permette de comprendre, avec des débats,
03:28 avec des gens qui ne sont pas d'accord entre eux,
03:30 qui s'affrontent avec des idées différentes.
03:32 Et c'est de là que naît la vérité.
03:35 C'est quand vous avez deux personnes,
03:38 l'une qui dit "non, votre téléphone portable il est de couleur blanche",
03:42 l'autre qui dit "non, non, il est de couleur noire",
03:45 et chacun avance ses arguments, et vous vous êtes là, derrière,
03:48 vous dites "mais c'est évidemment celui qui dit que c'est blanc qui a raison".
03:52 - Mais d'ailleurs, sur la 5 il y avait cette émission,
03:55 - Il y avait deux émissions sur la 5 ?
03:56 - Sur la 5, où c'était la première émission interactive,
03:59 où les téléspectateurs pouvaient à la fin de l'émission
04:02 voter pour la personne qui les avait convaincus.
04:04 - Absolument.
04:05 - Et cette émission a été censurée, il me semble.
04:07 - Non seulement elle a été censurée,
04:09 mais c'était le cauchemar du gouvernement de l'époque.
04:13 C'était un gouvernement de gauche, mais ça aurait été la droite, c'était pareil.
04:16 Parce que, il y a un ancien Premier ministre de Chirac,
04:21 qui m'a dit "Jean-Claude, on vous a jamais nommé président de chaîne",
04:25 ce que j'aurais refusé.
04:27 Parce que je ne suis pas compétent pour être président d'une chaîne,
04:29 il faut gérer 2 ou 3 000 personnes, il y a des budgets.
04:32 Non, moi je suis un fanatique de l'information claire, précise,
04:36 accessible à tous les lecteurs, auditeurs et téléspectateurs.
04:41 Et donc j'étais en tant que téléspectateur,
04:44 et je le suis toujours aujourd'hui en 2024,
04:47 très énervé, très scandalisé par les débats à la télévision,
04:53 voire à la radio.
04:54 Ceux de radio est un peu différent,
04:56 parce que vous donnez la parole à des gens qui ont entendu le par ailleurs,
04:59 et qui ont des choses à dire.
05:01 Mais à la télé, il y a pour moi la clé d'un mauvais présentateur,
05:09 c'est quand il coupe la parole à son invité,
05:12 et qu'il dit "On va y revenir, on va y revenir, on va y revenir".
05:15 Ça veut dire, là tu es en train de dire des choses
05:17 que tu ne devrais pas dire, parce que tu t'approches d'une certaine vérité,
05:21 et mon patron ne va pas être content que tu dises cette vérité.
05:24 Donc je te coupe la parole, mais je la coupe intelligemment,
05:27 je ne dis pas "Non, ça vous ne pouvez pas le dire,
05:30 ça va me valoir une engueulade dans mon patron".
05:32 Je dis "Très intéressant ce que vous dites, mais on va y revenir".
05:35 Évidemment, on n'y revient jamais.
05:37 Donc c'est de la censure.
05:39 Vous entendez un animateur dire "On va y revenir"
05:43 après avoir coupé un des invités,
05:45 vous pouvez être sûr que c'est la censure qui se manifeste.
05:48 - Et ça, censure à l'époque de la 5,
05:51 vous avez suivi aussi les débats sur les fréquences de la TNT,
05:55 de l'Arkom récemment,
05:57 vous parliez bien sûr de l'importance de maîtriser,
06:00 contrôler les médias et du grand capital,
06:02 vous en l'occurrence c'était Silvio Berlusconi,
06:04 aujourd'hui on voit des combats entre Bolloré, Bernard Arnault,
06:08 maintenant Rodolphe Sade qui va racheter BFM,
06:11 qu'est-ce que vous pensez aujourd'hui du paysage médiatique ?
06:15 Est-ce qu'il est plus libre qu'avant d'une certaine façon,
06:17 ou est-ce que c'est absolument la même chose ?
06:19 - La réponse est dans votre question.
06:21 Pourquoi les milliardaires achètent les médias ?
06:24 Sinon pour faire passer un message,
06:27 et pour dire au gouvernement,
06:29 "Attention, je suis propriétaire de telle chaîne,
06:32 de telle chaîne de télé, de telle radio,
06:34 de tel journal de presse écrite,
06:36 je vais vous soutenir,
06:38 je vais valoriser l'action du gouvernement,
06:40 je vais écraser quand il y a un scandale,
06:43 je vais mettre ça en page 22 avec 12 lignes,
06:46 en échange, attention,
06:49 vous ne me taxez pas sur mes super bénéfices,
06:52 vous ne me taxez pas sur mes profits,
06:54 vous me laissez vendre aux français
06:58 un produit qui est dangereux éventuellement.
07:01 On le voit avec le glyphosate,
07:03 on le voit avec les poils téphales, etc.
07:06 la pression du lobby industriel sur le gouvernement.
07:10 Les poils téphales,
07:12 on découvre que c'est dangereux pour la santé,
07:15 et qu'il y a un produit qui est extrêmement nocif.
07:19 - Les polluants éternels, les PFAS.
07:21 - Oui, donc on dit,
07:23 il y a une pression,
07:25 on dit, si vous nous empêchez de faire des poils téphales,
07:28 il y aura 2000 personnes au chômage.
07:30 On continue à faire des poils téphales
07:32 parce qu'on ne veut pas se mettre 2000 chômeurs de plus.
07:34 Tout ça, ça fonctionne depuis des siècles,
07:38 avec les intérêts des uns et des autres.
07:40 - Donc ça n'a pas changé.
07:42 On va en parler dans un instant avec vous, Jean-Claude Bourret,
07:44 du paysage audiovisuel français.
07:46 Si vous souhaitez poser des questions,
07:48 vous pouvez nous réagir 0 826 300 300.
07:50 On se retrouve dans un instant.
07:52 A tout de suite.
07:54 Sud Radio, Poulain sans réserve,
07:56 midi 13h, Alexis Poulain.
07:58 Sud Radio, midi 13h, Alexis Poulain, sans réserve.
08:06 - Et on se retrouve avec notre invité,
08:10 Jean-Claude Bourret, journaliste, auteur de La 5, l'histoire secrète.
08:14 Avant La 5, vous avez été aussi
08:16 un journaliste sur la première chaîne,
08:18 qui n'était pas encore TF1.
08:20 Et vous avez été viré par le pouvoir,
08:22 tout simplement pour avoir donné une information,
08:26 qui était le nombre de manifestants, je crois,
08:28 pour l'école libre.
08:30 Et vous avez osé dire à l'antenne
08:32 qu'il y avait autant de manifestants,
08:34 et c'était inédit depuis la libération,
08:36 800 000 personnes qui étaient dans la rue.
08:38 Et ça n'a pas pu au pouvoir.
08:40 - Oui, ça va intéresser, je pense, vos auditeurs,
08:42 quelles que soient leurs tendances,
08:44 extrême gauche, extrême droite ou écolo,
08:46 pour voir comment fonctionne réellement la télévision.
08:49 Parce que ça n'a pas changé.
08:51 Sur les radios, les journaux de prescrite,
08:53 la télé, ça n'a pas changé.
08:55 Évidemment, on cache un peu tout ça
08:57 à travers des progressions intellectuelles
09:01 qui permettent de dire
09:03 "non, non, il n'y a pas de censure chez nous",
09:05 mais évidemment, il y a au minimum une orientation.
09:07 Donc j'ai été rédacteur en chef de TF1
09:09 et présentateur des journaux du week-end,
09:11 c'est-à-dire le 13h et le 20h du vendredi, samedi, dimanche.
09:15 Et il y a eu le fameux dimanche,
09:18 où il y a eu la manifestation finale
09:20 en faveur du soutien à l'école libre,
09:22 puisque la gauche voulait casser l'école libre
09:25 et la faire rentrer dans le rang de l'école publique.
09:28 Et donc on se demandait combien il y aurait de manifestants,
09:31 puisque 15 jours avant, à Versailles,
09:33 il y avait eu une manifestation
09:35 où il y avait eu 500 000 manifestants
09:37 selon le ministère de l'Intérieur,
09:39 ce qui était énorme.
09:41 Et donc on se demandait combien il y en aurait
09:43 pour la manifestation finale à Paris.
09:45 Donc je suis dans mon bureau de TF1
09:47 et je me rends compte à 19h30
09:49 qu'il n'y a toujours aucune estimation donnée
09:51 par le ministère de l'Intérieur.
09:53 Donc je téléphone au ministre, Gaston Defer,
09:55 que j'ai au téléphone,
09:57 et qui me dit "Ah, M. Bourré, je suis en pleine réunion,
09:59 je vais vous passer ma directrice de la communication
10:02 qui va répondre à toutes vos questions".
10:05 Alors je lui dis "mais comment se fait-il
10:07 qu'il n'y a pas d'estimation du ministère de l'Intérieur ?"
10:09 Elle me dit "il n'y en aura pas".
10:11 J'ai dit "il n'y en aura pas ?"
10:13 J'ai dit "vous vous rendez compte que dans une demi-heure,
10:15 je vais commencer le journal de 20h en disant
10:17 "Madame, Mlle, M., bonsoir,
10:19 il y a eu aujourd'hui à Paris
10:21 2 millions de manifestants selon les organisateurs,
10:24 et pour la première fois, le ministère de l'Intérieur
10:26 ne veut donner aucune estimation.
10:28 Ça va complètement crédibiliser les 2 millions."
10:31 Elle me dit "ah bon sang, on n'avait pas pensé à ça,
10:33 je vous rappelle tout de suite".
10:35 4 minutes après, elle me rappelle,
10:37 parce qu'elle connaissait les chiffres évidemment,
10:39 elle me dit "800 000 au moins manifestants,
10:43 pas tout à fait définitifs".
10:45 J'ai dit "ça veut dire quoi pas tout à fait définitifs ?
10:47 Il y en aura peut-être 50 000 de plus."
10:49 Donc j'ai dit "alors je vous pose tout de suite une deuxième question".
10:51 Il était 8h20, on était à 20 minutes de l'antenne.
10:54 "Depuis combien de temps il n'y a pas eu
10:57 800 000 manifestants selon le ministère de l'Intérieur à Paris ?"
11:02 Elle me dit "ah, vous et vos questions".
11:04 Ah oui, c'est notre rôle de journaliste de poser des questions.
11:06 Elle me rappelle, 3-4 minutes après,
11:08 elle me dit "depuis la Libération".
11:10 Je commence le journal de 20h sur TF1,
11:13 le jour de la grande manifestation en faveur de l'école libre.
11:16 "Madame, Mademoiselle, Monsieur, bonsoir.
11:18 Paris a vécu aujourd'hui
11:20 sa plus grande manifestation depuis la Libération
11:23 avec au moins 800 000 manifestants
11:26 selon les propres chiffres du ministère de l'Intérieur."
11:30 Mitterrand regardait mon journal avec ses conseillers.
11:33 Ils avaient verrouillé France 2
11:35 qui avait annoncé 500 000 manifestants.
11:37 Et il se tourne vers ses collaborateurs,
11:40 on me l'a raconté par la suite.
11:42 Il ne pose même pas une question,
11:44 mais le simple regard, ça voulait dire "mais qu'est-ce qui se passe ?
11:46 Qu'est-ce qu'il raconte ce pauvre bourré ?
11:48 Je croyais qu'on avait tout verrouillé, l'AFP, etc."
11:51 Et donc il téléphone tout de suite à mon directeur de l'Info,
11:54 qui était à l'inverse,
11:56 sympathique journaliste de gauche assumée,
12:01 puisque on l'avait fait passer du grade de petit reporter,
12:04 ce n'est pas du tout méprisant ce que je dis,
12:06 parce qu'on est un petit reporter au début de nos carrières,
12:09 au grade de directeur de l'Information,
12:11 c'est un peu comme dans l'armée,
12:13 si on fait passer un soldat du grade de sergent-chef
12:16 au grade de général de division.
12:18 Alors il était là,
12:22 à la fin du journal, il me convoque tout de suite.
12:25 Je me souviens, j'étais sur le plateau encore,
12:27 le journal de TF1 venait de se terminer,
12:29 et il y a le haut-parleur qui dit
12:31 "Jean-Claude, dans le bureau de Danvers,
12:33 il veut te voir tout de suite."
12:35 J'ai tout de suite compris ce qu'il se passait.
12:37 Je suis rentré dans son bureau,
12:39 et puis il me dit "Mais qu'est-ce que tu as raconté ?"
12:41 Il était assez agressif.
12:43 "Qu'est-ce que tu as raconté ?"
12:44 Moi je faisais l'idiot, j'y commençais,
12:46 "Qu'est-ce que j'ai raconté ?"
12:47 "Oui, tu as dit qu'il y avait plus de 800 000 manifestants,
12:49 que c'était la plus grande manifestation depuis la Libération,
12:52 c'est pas dans les dépêches !"
12:54 Alors j'ai dit "Oui, mais je vais t'expliquer une chose, Alain,
12:57 ce qui différencie un militant du Parti Socialiste, comme toi,
13:01 d'un modeste journaliste, fils de paysan,
13:03 qui essaye d'être honnête vis-à-vis des téléspectateurs,
13:06 quelle que soit leur tendance, c'est que moi je fais mon métier."
13:09 "Oui, oui, toujours, tu fais ton métier,
13:11 tu t'es renseigné auprès de tes amis de droite."
13:14 Parce que d'un instant on n'avait pas la carte du PS,
13:16 à l'époque on était classé à droite, voire à l'extrême droite.
13:19 J'ai dit "Non, non, je me suis renseigné auprès de tes amis,
13:22 auprès du ministre de l'Intérieur, qu'a-t-on de faire ?"
13:25 Et là, le ton a baissé de 3 tons d'un coup,
13:28 il m'a dit "Tu as eu le ministre ?"
13:31 J'ai dit "Oui, j'ai eu M. Deferre."
13:33 "Ah bon, c'est lui qui t'a dit ça ?"
13:35 "Oui, c'est lui qui m'a dit ça."
13:37 "Bon, bon, on verra, on verra, salut."
13:39 Donc je suis reparti avec un Alain Denvers qui était un peu déstabilisé,
13:45 et après ils ont vérifié ce que j'avais dit,
13:48 et ils ont vu que c'était vrai.
13:50 Et alors ils ont dit "Mais comment on peut virer bourré,
13:52 on peut pas lui reprocher, il a fait son métier."
13:54 J'ai eu une idée, on va créer la première télévision du matin,
13:58 on va mettre "Bourré" au matin, il y aura 10 000 téléspectateurs
14:01 parce que personne ne regarde la télé le matin,
14:03 et puis ils m'ont mis au matin, j'ai créé "Bonjour la France",
14:07 première télévision du matin en France,
14:09 Berlusconi, qui commençait à vouloir créer une chaîne de télévision,
14:14 avec l'appui de Mitterrand d'ailleurs à l'époque,
14:16 regardait la télé et il a regardé la première télévision du matin,
14:20 et il a dit "Il est pas mal finalement ce Bourré-là",
14:23 et il m'a convoqué, et voilà comment je suis allé sur la 5.
14:26 - A propos du contrôle de l'information, vous avez été aussi un des premiers,
14:29 je crois, à dire que le nuage de Tchernobyl était bien passé en France.
14:33 Là aussi on a vécu un moment surréaliste,
14:37 où la frontière française permettait aux nuages d'éviter de passer sur le territoire.
14:42 Comment ça a été géré dans les rédactions, cette fake news officielle ?
14:45 - Oui, alors, ce qu'il faut bien comprendre, c'est que la valeur d'une carte de presse,
14:51 moi j'ai la carte de presse 24 000 et quelques,
14:55 je l'ai eue en 1967 de mémoire,
14:58 la valeur d'une carte de presse c'est combien tu as sorti de scoops nationaux ou mondiaux dans ta vie.
15:04 Parce que beaucoup de journalistes, c'est un métier que je respecte et que j'aime infiniment,
15:10 mais combien tu as sorti de scoops dans ta vie professionnelle ?
15:14 Si tu n'as sorti aucun scoop,
15:17 bon, tu as fait ton métier de journaliste, mais ce n'est pas quand même transcendant.
15:22 Moi, je peux dire que j'ai eu plusieurs scoops mondiaux,
15:26 donc j'en suis très fier, pardon d'apparaître un peu prétentieux,
15:30 mais Apollo 13, l'origine de l'explosion c'était moi,
15:35 et l'affaire du nuage de Tchernobyl c'était moi,
15:38 et le ministre de l'époque, ministre de l'environnement,
15:40 que j'ai vu plusieurs fois dans son bureau,
15:42 il a monté à ta tête, il m'a dit "mais à cause de vous j'ai failli sauter"
15:44 parce que les consignes du gouvernement, c'était "le nuage n'a pas traversé la France".
15:50 Et avec Corinne Lallaud, qui est une remarquable journaliste,
15:54 qui a écrit un bouquin sur les perturbateurs endocriniens,
16:00 et qui est en train de refaire une enquête,
16:03 elle faisait partie de mon équipe de journalistes du week-end,
16:06 et je leur avais dit "il faut me trouver les taux de radioactivité aux frontières".
16:11 Donc aux frontières, on voyait par exemple qu'en Belgique,
16:13 il y avait, je dis n'importe quoi, 6000 Becquerels par mètre carré.
16:17 En Belgique, vous faisiez 1 mètre, vous franchissiez la frontière vers la France,
16:22 il y avait zéro, il n'y avait plus.
16:25 Donc voilà, j'ai sorti ce scoop mondial,
16:30 et ça m'a fait plaisir d'ailleurs, sur le plan journalistique,
16:33 c'est-à-dire que ça c'était le samedi 13h,
16:35 et le lundi matin, ça faisait 7 à 8 colonnes,
16:40 sur l'ensemble des journaux français,
16:42 et il y avait un titre à la une de tous les journaux européens.
16:46 Le nuage a bien traversé la France.
16:48 Et il y a eu plein de cancers de la thyroïde à cause de ça.
16:52 Oui, parce que c'était un mensonge officiel.
16:55 C'est terrible.
16:56 Quel regard vous portez sur la profession de journaliste ?
16:59 Est-ce qu'il y a un manque de courage pour ne pas faire son métier correctement,
17:04 parce que la soupe est bonne d'une certaine façon,
17:06 ou bien est-ce que finalement c'est plus simple de suivre les dépêches officielles du gouvernement
17:11 que d'aller creuser derrière ?
17:13 Je crois que la réponse est dans la question.
17:15 Vous avez tout résumé.
17:17 Un manque de courage, oui.
17:18 Oui, un manque de courage, il faut comprendre pourquoi.
17:21 Un journaliste, ce n'est pas quelqu'un qui gagne des sommes absolument folles,
17:25 sauf Jean-Claude Bourré qui le raconte dans son dernier bouquin.
17:29 Un journaliste, ça gagne entre 1500 et,
17:33 pour les rédacteurs en chef, 5, 6, 7 000 euros par mois.
17:37 Les stars peuvent gagner 12, 15 000, 17 000 euros par mois.
17:43 Mais ça, c'est vraiment les grandes stars de la radio ou de la télé.
17:48 En général, c'est toujours moins de 7, 8 000 euros, c'est-à-dire la paie d'un député.
17:53 Qu'est-ce qui a fait que La 5 a fermé, qu'est-ce qui a tué cette chaîne,
17:59 pourtant aimée des Français ?
18:01 C'est l'association de toutes les autres chaînes de télé.
18:06 Parce que nous, sur La 5, on prenait l'équivalent d'à peu près 300 millions d'euros de publicité
18:13 sur le marché de la publicité.
18:15 Donc les autres chaînes se disaient, si on réussit à tuer La 5,
18:20 ces 300 millions, on va se les partager.
18:22 Et ils ont tout fait pour tuer La 5 et ils y sont parvenus.
18:25 Ils ont réussi. Merci beaucoup Jean-Claude Bourré, c'était passionnant.
18:28 On aurait aimé continuer cet entretien.
18:30 Mais on va rendre l'antenne avec un sujet qui va vous intéresser,
18:33 puisque Céline Alonso et André Bercoff reçoivent tout de suite l'astronaute Philippe Perrin.
18:38 Et je sais que vous, les étoiles, ça vous intéresse, on n'a pas eu le temps d'en parler.
18:41 Les étoiles et la vie extraterrestre, évidemment.
18:42 Absolument, on en parlera à une autre occasion.
18:44 Merci beaucoup Sud Radio, restez avec nous pour la culture dans tous ses états.
18:49 A tout de suite.
18:51 Sud Radio, Poulain sans réserve, midi 13h, Alexis Poulain.
18:56 Couleur.