Du lundi au jeudi, Hélène Zelany reçoit un invité au centre de l'actualité.
Retrouvez "L'invité actu" sur : http://www.europe1.fr/emissions/l-invite-actu
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00:00 *Musique*
00:02 Europe 1 Soir
00:04 19h20
00:06 Hélène Zellany.
00:07 Et il est 19h23 sur Europe 1, un grand merci à ceux qui nous rejoignent.
00:11 Ainsi va la politique, ainsi va la 5ème République.
00:14 Nous sommes ce soir avec Pascal Perrineau. Bonsoir.
00:17 Bonsoir.
00:18 Merci beaucoup d'être en direct dans le studio d'Europe 1 Soir.
00:21 Vous êtes politologue, professeur émérite des universités à Sciences Po,
00:24 où vous avez dirigé le Cevipof, le centre de recherche politique,
00:28 vous venez de publier "Le goût de la politique" chez Odile Jacob,
00:31 un livre dans lequel vous racontez vos 40 ans de carrière de politologue.
00:36 Avant toute chose, d'où vous vient ce goût de la politique ?
00:40 Vous êtes tombé dedans quand vous étiez petit ?
00:42 Vous savez, moi j'ai été élevé par des parents qui avaient connu la Seconde Guerre Mondiale
00:46 et qui avaient connu directement les drames de la Seconde Guerre Mondiale.
00:50 Donc il y avait chez mon père et chez ma mère un intérêt profond pour la chose politique,
00:56 même quand on voulait à l'époque ignorer la politique,
00:59 la politique venait vous chercher et parfois dans des conditions dramatiques.
01:03 Donc je suis né dans ce contexte et puis je suis venu à la chose publique,
01:07 vous savez quand on est vers les 8-10 ans,
01:09 quand on commence à s'intéresser à autre chose que sa petite personne d'enfant,
01:13 et qu'on cherche un sens à la société, au groupe dans lequel on vit,
01:17 et bien c'était 1958, c'est-à-dire le début de la 5ème République.
01:21 Et bien sûr, la figure impressionnante à l'époque du général de Gaulle,
01:25 j'avais un père qui était très gaulliste,
01:27 la figure très impressionnante du général de Gaulle a scandé mon enfance et mon adolescence.
01:34 - Et par opposition à un papa gaulliste, vous êtes devenu plutôt un homme de gauche ?
01:39 - Non, j'étais gaulliste et en même temps réformiste,
01:44 c'est-à-dire je considérais, ça tenait à mon âge,
01:47 vous savez au lycée on parlait beaucoup, c'était avant 68,
01:50 de la nécessité d'un changement social,
01:55 et tout en ayant un attachement profond pour le gaullisme et le général de Gaulle,
02:00 je me disais il faut que de l'intérieur du gaullisme vienne la réforme.
02:03 C'est pour ça que j'avais été très séduit par Jacques Chaban Delmas et son fameux discours de 1969,
02:09 qui n'a pas pris une ride aujourd'hui sur la nouvelle société.
02:13 Et donc voilà, je suis venu à la réforme et aux soucis de la réforme,
02:19 et puis il y a eu la maladie terrible de Georges Pompidou,
02:22 une fin de septennat, même pas de septennat d'ailleurs, parce qu'il est mort avant l'échéance.
02:27 - Cinq ans, au bout de cinq ans.
02:28 - Et à ce moment-là, je me suis dit au fond, le meilleur moyen c'est peut-être
02:32 d'attendre la réforme des forces de la gauche modérée, des socialistes,
02:37 bien que j'ai toujours été très réticent à leur alliance avec le parti communiste.
02:41 - Et vous avez pris votre carte d'UPS ?
02:43 - J'ai pris ma carte d'UPS de 1977 à 1980,
02:49 et en 1981, quand j'ai vu les réactions, les ambitions qui n'étaient pas toujours
02:57 à la hauteur des militants socialistes que j'avais connus,
03:02 je me suis dit vraiment, l'action militante n'est pas faite pour moi,
03:07 je préfère le délice de l'étude, de l'observation à l'ivresse de l'action.
03:12 - Alors, on va parler de l'actualité, on a appris aujourd'hui que Jean-Marie Le Pen,
03:17 qui a 95 ans, avait été placé sous le régime de protection juridique,
03:21 donc sous la tutelle de ses trois filles, il pourrait échapper à son procès
03:25 cet automne dans l'affaire des assistants parlementaires européens.
03:28 Est-ce que le RN de Marine Le Pen est radicalement différent du FN de son père ?
03:33 Est-ce que finalement elle a réussi la mue ?
03:35 - Oui, elle a réussi assez largement la mue.
03:39 Le côté "je suis celui par lequel le scandale arrive"
03:44 que véhiculait Jean-Marie Le Pen, par tempérament presque,
03:48 c'était déjà le cas quand il était un jeune étudiant sous la 4ème République,
03:52 et puis engagé dans l'armée, et puis ensuite jeune député Poujadis,
03:55 il a toujours aimé le scandale.
03:58 Et donc à l'époque, le parti existait d'ailleurs largement par le scandale,
04:03 et en particulier sur le sinistre terrain de l'antisémitisme.
04:07 Avec sa fille, depuis sa prise de pouvoir dans le parti,
04:12 avec d'ailleurs l'approbation entière de son père à l'époque.
04:15 En 2011, lors du congrès de Tours, oui, le parti a changé,
04:19 mais comme toutes les forces politiques.
04:21 Est-ce que le parti communiste aujourd'hui a quelque chose à voir
04:25 avec le parti léniniste révolutionnaire qui naît en 1920 au congrès de Tours ?
04:30 - Sauf que là c'est un père et sa fille.
04:32 - Voilà, là c'est un père et sa fille, mais ça n'empêche pas la rupture.
04:34 C'est tout de même la fille qui quelque part a exclu son père du parti.
04:40 - Et Jordan Bardella, vous le voyez comme un futur présidentiable ?
04:43 - Alors Jordan Bardella, c'est un peu tôt pour se prononcer.
04:46 Il faut encore, quelle que soit sa popularité, qui est certaine,
04:50 il faut encore faire ses preuves.
04:52 Vous savez, les hommes et les femmes, j'espère,
04:55 un jour qui arriveront au pouvoir présidentiel,
04:59 ils ont besoin d'avoir connu des difficultés,
05:02 d'avoir rencontré l'échec.
05:04 Il n'y a rien de pire que de jamais avoir rencontré l'échec.
05:08 Pensez à des hommes comme Jacques Chirac,
05:10 pensez à des hommes comme Nicolas Sarkozy.
05:12 - Emmanuel Macron, il n'avait pas vraiment connu l'échec.
05:14 - Eh bien justement, c'est peut-être un des éléments du flottement
05:18 que les Français peuvent ressentir par rapport à Emmanuel Macron.
05:21 - Merci, alors vous ne bougez pas, vous restez avec moi,
05:24 à mes côtés Pascal Perrineau.
05:26 On va se retrouver juste après une pause pour parler politique
05:29 et aussi wokisme, vous pouvez nous appeler au 01 80 20 39 21.
05:35 Et à 19h33 sur Europe 1, nous sommes toujours en direct
05:44 avec l'éminent politologue Pascal Perrineau.
05:47 Dans votre dernier livre "Le goût de la politique",
05:49 vous parlez de la situation à Sciences Po,
05:52 où vous avez dirigé le centre de recherche politique
05:54 il y a une dizaine d'années,
05:55 où vous êtes toujours professeur aujourd'hui.
05:57 Donc une institution que vous connaissez très bien,
06:00 qui s'est retrouvée récemment au cœur d'un scandale
06:02 avec des propos antisémites.
06:04 Est-ce que ça vous a étonné ce scandale
06:06 et l'ampleur que ça a pris ?
06:08 - Non, pas tout à fait.
06:10 Pourquoi ? Pour plusieurs raisons.
06:12 D'abord, on sait très bien que le conflit israélo-palestinien
06:18 est un conflit à haute densité émotionnelle
06:21 et qu'il a sur le territoire français des relais.
06:24 Nous avons la communauté juive la plus importante d'Europe.
06:28 Et de l'autre côté, nous avons des jeunes femmes
06:31 et des jeunes hommes issus de l'immigration
06:33 et de l'immigration maghrébine, musulmane,
06:37 pour lesquels la Palestine, la figure du Palestinien,
06:41 représente la figure de l'opprimé.
06:44 Et donc il y a tout pour que dans les universités,
06:48 à Sciences Po comme ailleurs,
06:50 et particulièrement dans les universités de sciences sociales,
06:53 la moindre étincelle fasse dégénérer le débat.
06:58 Et il y a bien, là en l'occurrence, à Sciences Po,
07:01 il y a eu en effet une réunion sauvage
07:04 qui n'avait absolument pas l'autorisation
07:07 de l'administration de Sciences Po,
07:09 qui a été organisée à un soi-disant comité palestine,
07:13 qui a interrompu les cours,
07:15 et qui a tenu, en ce moment il y a une enquête,
07:18 qui a tenu des propos apparemment tout à fait inadmissibles,
07:22 puisqu'il y avait une espèce de sélection au faciès à l'entrée,
07:25 "toi tu peux rentrer, toi tu ne peux pas rentrer"
07:28 et quelqu'un aurait dit "tu es une sioniste".
07:30 Ça c'est inadmissible, bien sûr,
07:33 et c'est tout à fait symptomatique d'une deuxième chose,
07:36 qui est ce que l'on appelle de manière un peu facile,
07:39 le "wokisme".
07:41 C'est-à-dire chez certains jeunes,
07:43 l'idée qu'on est défini avant tout par des identités.
07:47 Identité sexuelle, identité en termes d'âge,
07:51 identité religieuse, etc.
07:54 - Couleur de peau.
07:55 - Voilà, couleur de peau, etc.
07:56 Tout cela n'est pas une avancée, c'est une régression.
08:01 Quand on se met à définir les individus par leurs appartenances,
08:05 on les enferme dans ces identités.
08:08 On durcit ces identités,
08:10 et on va déboucher peu à peu sur une société française
08:14 qui va être une société connaissante de multiples affrontements,
08:18 de multiples fractures, et des fractures extrêmement dures.
08:21 Ce n'est pas pour rien que l'ère de la guerre civile,
08:24 comme on dit, est à la mode aujourd'hui en France.
08:28 Il y a maintenant des émissions qui flirtent beaucoup avec ce thème,
08:36 il y a des sujets de fiction qui mettent la guerre civile en France en scène.
08:40 Pourquoi ?
08:41 Et bien c'est l'issue de cela.
08:43 Quand on n'arrive plus à s'arracher à ces conditions particulières,
08:46 quand on n'arrive plus à s'arracher à ces identités,
08:49 le fait d'être un homme, une femme, un transsexuel, un homosexuel,
08:53 un gros, un maigre, un noir, un asiatique, un blanc, etc.
08:58 on s'enferme dans ces communautés,
09:01 et le destin de ces communautés à ce moment-là, c'est l'affrontement.
09:05 Non, il faut revenir à l'universalisme français,
09:08 et apprendre à ces jeunes à s'arracher à ces identités,
09:12 c'est-à-dire à lutter activement contre le wauquisme
09:15 qui nous vient de l'autre rive de l'Atlantique.
09:18 Alors justement, vous êtes, vous le disiez encore, professeur à Sciences Po,
09:22 est-ce que vous constatez que cette idéologie fait des ravages à Sciences Po,
09:28 et plus globalement dans l'enseignement supérieur en France ?
09:31 Alors, il faut savoir raison garder, il y a 15 000 étudiants à Sciences Po,
09:35 il y a quelques centaines d'étudiants qui sont très engagés,
09:39 en particulier des étudiantes qui appartiennent à ce courant du néo-féminisme radical,
09:44 et qui sont vraiment profondément touchés par cette idéologie wauquiste.
09:49 Mais on sait le rôle que peuvent jouer dans des communautés larges,
09:54 ce qu'on appelle les minorités actives, les activistes.
09:57 Et les activistes sur ce terrain du wauquisme sont à l'œuvre.
10:00 Alors pourquoi ? Parce que j'y verrais essentiellement deux raisons.
10:05 Si vous voulez, les universités Sciences Po s'internationalisent.
10:09 Nous avons environ un étudiant sur deux qui vient de l'étranger,
10:12 et beaucoup du monde anglo-saxon.
10:15 Beaucoup viennent des États-Unis, de Grande-Bretagne, d'Australie.
10:19 Et dans ces pays qui obéissent à la logique communautaire, multiculturaliste,
10:25 qui est, j'allais dire, la norme presque dans ces sociétés,
10:29 et bien ces étudiants ont amené le wauquisme avec eux.
10:33 Et d'une certaine manière, les idées ont été véhiculées par eux,
10:37 même si les étudiants français, qui sont élevés plutôt dans une culture républicaine,
10:41 universalistes, peuvent être réticents.
10:44 Et donc il y a une majorité, à mon avis, d'étudiants,
10:47 qui regardent avec beaucoup de circonspection ces idées wauquises,
10:52 qui ne s'y retrouvent pas, mais ils ne sont pas organisés, si vous voulez.
10:56 - Les autres parlent plus fort et on les entend davantage.
10:59 - Voilà, les autres parlent plus fort et c'est ceux-là qu'on entend.
11:01 - Vous consacrez d'ailleurs un chapitre de votre livre au wauquisme,
11:04 un phénomène d'ailleurs dont vous avez été témoin en tant qu'enseignant aux États-Unis.
11:09 - J'enseigne tous les étés aux États-Unis et depuis une petite dizaine d'années,
11:13 en effet, avant d'enseigner, les enseignants sont obligés de passer une épreuve
11:18 où on les teste sur deux terrains.
11:21 Le premier terrain, ça c'est bien connu en France,
11:23 les fameuses VSS, ce qui veut dire violences sexistes et sexuelles,
11:27 qui sont un vrai problème entre étudiants, parfois entre étudiants et enseignants,
11:31 mais la plupart du temps entre étudiants et étudiantes.
11:35 Donc on teste ma capacité, en l'occurrence, et je passe ça chaque année,
11:40 je vais y retourner dans quelques semaines.
11:41 - Ce n'est pas une fois pour toutes.
11:42 - Pas du tout.
11:43 - Comme si vous alliez changer peut-être.
11:44 - Comme si j'allais changer d'une année à l'autre, bon,
11:46 pourtant avec l'âge je devrais m'assagir.
11:48 - C'est quand même un peu délirant.
11:49 - Si j'avais des penchants coupables, mais enfin, sortons de la plaisanterie.
11:53 Et puis le deuxième, c'est la capacité que nous aurions
11:57 à répondre ou à éviter plutôt les microagressions.
12:01 Les microagressions, c'est les agressions entre personnes d'ethnies différentes,
12:05 mais ça va beaucoup plus loin.
12:06 Entre personnes de poids différents, par exemple,
12:09 on cherche à lutter, comme on dit, contre la grossophobie.
12:12 Il ne faut pas stigmatiser les gros, mais il ne faut pas stigmatiser non plus
12:15 ceux qui sont trop maigres, il ne faut pas stigmatiser les Noirs,
12:18 il ne faut pas stigmatiser les Latinos, il ne faut pas stigmatiser
12:21 les étudiants d'origine asiatique, il ne faut pas stigmatiser
12:24 les transsexuels, les homosexuels.
12:25 Par exemple, vous n'avez pas presque le droit de dire à un étudiant,
12:30 "Monsieur" ou "Madame", vous savez ce qu'est une habitude.
12:33 Parce que l'étudiant peut vous répondre, "Mais monsieur, vous m'appelez monsieur,
12:38 mais en fait, je ne suis pas du sexe masculin, je suis transgenre
12:43 ou je connais une itinérance dans mon appartenance sexuelle."
12:46 Donc, vous voyez, on est sur... vraiment, on marche sur des oeufs.
12:50 Alors, aux États-Unis, je suis aux États-Unis, je m'adapte,
12:54 bien sûr, si je veux enseigner, je m'adapte à ces moeurs que je condamne.
12:58 En particulier lorsqu'ils viennent, j'allais dire en France,
13:02 où nous avons une manière de vivre ensemble, parce que c'est bien de ça
13:05 dont il s'agit, qui est tout à fait autre.
13:07 Nous, nous nous arrachons, nous ne voulons pas porter la couleur
13:12 de notre peau, nos choix sexuels sur notre visage et sur nos épaules.
13:17 - Mais ce qu'il y a, c'est pas évident de lutter contre un phénomène
13:21 qui se veut progressiste et qui qualifie ceux qui s'opposent au wauquisme,
13:26 à des réacs, des gens d'extrême droite, on est stigmatisé
13:30 parce qu'on n'est pas wauk en fait.
13:32 - Bien sûr, ça n'a rien à voir, et c'est le contraire.
13:35 D'ailleurs, quand je discute calmement avec mes étudiants américains
13:38 après les cours et même pendant les cours, où je leur explique
13:42 ce que c'est, que notre modèle à nous, le modèle français,
13:45 eh bien, ils écoutent attentivement, et il faut savoir à peu près
13:49 que la moitié de la population américaine est en désaccord
13:52 avec cette permanence, cette pénétration du wauquisme
13:57 dans le secteur universitaire, qu'il soit privé comme public.
14:01 Et la dernière décision de la Cour suprême, disant qu'il n'y avait pas
14:05 à faire de sélection sur ces critères-là à l'entrée dans les universités,
14:09 va dans le sens de la majorité du peuple américain.
14:12 - C'est une mesure contre la discrimination positive.
14:15 - Bien sûr, c'est une mesure en effet contre la discrimination positive,
14:18 et la discrimination positive, il faut avoir ses limites.
14:20 Parce que ça devient des sociétés paranoïaques.
14:23 Vous êtes sans arrêt à vous dire "Oh, je suis stigmatisé,
14:26 comment, oh là là, je vais stigmatiser un autre".
14:29 C'est-à-dire, toute relation humaine normale devient presque totalement impossible.
14:34 Alors ça va peut-être aux États-Unis, parce qu'aux États-Unis,
14:37 on est dans un pays qui est un pays puritain à l'origine.
14:40 Le puritanisme protestant et religieux est une réalité,
14:43 particulièrement sur la côte nord-est où j'enseigne.
14:47 Donc ce puritanisme, ce que nous on pourrait appeler presque cette pudibonderie,
14:51 va peut-être avec une partie de la culture américaine.
14:55 Mais voilà, nous n'avons aucune raison de prendre les mauvaises habitudes d'outre-Atlantique.
15:00 - Mais ce qu'on voit aussi outre-Atlantique, on parle du wokisme,
15:04 mais il y a un anti-sionisme forcené, qui parfois prend d'ailleurs
15:09 plutôt une apparence d'antisémitisme.
15:11 Il y a des étudiants juifs qui ont vraiment été attaqués physiquement,
15:15 la vie est difficile pour les étudiants juifs sur de nombreux campus.
15:19 - C'est là où le wokisme rejoint le racisme et l'antisémitisme.
15:23 Vous savez le wokisme, par exemple, il pratique des réunions interdites aux hommes,
15:28 interdites aux femmes. Il y a bien un racisme anti-masculin,
15:31 le fait d'interdire aux hommes une réunion.
15:33 Des réunions réservées aux noirs, il y a bien un racisme vis-à-vis des asiatiques,
15:37 vis-à-vis des latinos et vis-à-vis des caucasiens,
15:41 comme on dit aux États-Unis, c'est-à-dire des blancs.
15:44 Donc, peu à peu, oui, ça débouche, il y a des noces assez terribles
15:51 entre une partie de ce wokisme et le racisme le plus basique,
15:55 et en particulier l'antisémitisme.
15:57 C'est ce à quoi on assiste dans certaines universités américaines,
16:01 et là, les autorités ont été obligées de réagir,
16:04 et vous avez vu que dans deux grandes universités américaines,
16:07 où le moins qu'on puisse dire c'est que deux enseignantes assez féministes
16:12 avaient tenu un discours inadmissible sur l'antisémitisme,
16:16 en disant "les propos antisémites, ça dépend du contexte".
16:18 - Oui, c'est ça, c'est les dirigeantes du MIT de Harvard.
16:21 - Et bien, elles ont été virées, et c'est une très bonne chose.
16:23 - Plus globalement, si on en revient à la politique,
16:27 puisque votre livre s'appelle "Le goût de la politique",
16:29 et ça c'est un goût que vous partagez avec de nombreux Français,
16:32 vous dites que les citoyens se détournent de la politique
16:35 ou s'en emparent pour en découdre.
16:37 - Oui.
16:38 - Et quelle est la solution alors ?
16:40 - Elle n'est pas facile, parce qu'une démocratie,
16:44 ça ne peut vivre que si les pères fondateurs de la Révolution française disaient ça.
16:48 Le pouvoir vient d'en haut,
16:50 et la confiance démocratique du peuple vient d'en bas.
16:53 Le problème c'est que le pouvoir vient toujours d'en haut,
16:55 mais la confiance n'est plus au rendez-vous.
16:57 Pourquoi ? Parce qu'il n'y a plus ce goût de la politique.
17:00 Et comme la France est un pays qui a la tripe politique,
17:04 on n'est plus dans un goût de la politique positive,
17:07 pour essayer d'imaginer une alternative au pouvoir en place
17:11 que l'on peut, à tort ou à raison, condamner,
17:14 on est dans la politisation négative, c'est-à-dire le pur rejet.
17:18 - On vote contre.
17:19 - Voilà, on vote contre, c'est le vote sanction,
17:22 tous azimuts, c'est...
17:25 Vous savez, j'ai dit Stéphane Hesse, d'ailleurs ça avait eu...
17:27 c'était très symptomatique, ça avait eu un succès libré, incroyable.
17:30 Indignez-vous !
17:32 Eh bien voilà, on n'est plus que dans l'indignation permanente.
17:35 Mais l'indignation, c'est que la moitié du chemin.
17:37 Ensuite, une fois qu'on s'est indigné, il faudrait savoir ce que l'on veut.
17:40 Une fois qu'on a dit non, il faut bien dire où il y a quelque chose.
17:43 Et là, on est enfermé dans un non massif
17:46 qui fait que la France est devenue, aujourd'hui,
17:50 un des pays les plus pessimistes d'Europe.
17:52 - Ça m'embête de finir là-dessus, j'aurais préféré une note positive,
17:55 mais je crains bien que vous ayez raison.
17:57 - Oui, sur le constat.
17:59 Mais une fois qu'il y a le constat, on peut agir.
18:01 On peut agir très rapidement, si vous voulez.
18:04 On peut agir en redonnant de temps en temps la parole au peuple.
18:08 Je crois que sur des sujets importants,
18:11 il faut redonner la parole au peuple au travers du référendum.
18:14 C'est prévu par la Constitution.
18:16 Il faut, entre les élections, maintenir ce qu'un constitutionnaliste français appelle
18:20 une démocratie continue.
18:21 C'est-à-dire les gens qui ont envie de dire leur mot,
18:23 de s'engager, la démocratie participative.
18:25 Il faut qu'elle trouve sa place.
18:27 Et puis la démocratie représentative,
18:29 qui est la seule, qui a la légitimité,
18:31 qui est issue des urnes de l'élection présidentielle
18:34 et des élections législatives,
18:36 il faut absolument qu'elle se rééquilibre.
18:38 Il faut que face à un pouvoir présidentiel
18:41 qui a pris trop de place,
18:43 qui est trop jupitérien,
18:45 pour reprendre les termes d'Emmanuel Macron,
18:47 et qui crée un espace politique complètement hystérique,
18:50 où face à un homme seul, il y a un peuple en colère,
18:53 c'est pas comme ça qu'on s'en sortira.
18:55 Il faut rééquilibrer.
18:57 Et rééquilibrer du côté du pouvoir parlementaire.
18:59 - Merci beaucoup Pascal Perrineau d'avoir été en direct sur Europe 1.
19:03 Je rappelle que vous êtes politologue,
19:05 professeur émérite des universités à Sciences Po.
19:07 Et votre livre, je le rappelle, s'appelle "Le goût de la politique".
19:10 Il est publié chez Odile Jacob.
19:13 A 19h46 sur Europe 1, je vous donne un rendez-vous,
19:15 comme tous les matins sur Europe 1,
19:17 avec l'édito internationale de Vincent Herouët,
19:19 l'actualité hors de nos frontières,
19:21 la géopolitique mondiale.
19:22 C'est à 8h20 dans Europe 1 Matin,
19:24 et en replay sur le site et l'appli Europe 1.
19:27 Nous, dans un instant, on revient sur le projet de loi sur l'agriculture
19:30 et surtout sur la difficulté de la transmission des exploitations.
19:34 N'hésitez pas à nous appeler au 01 80 20 39 21.
19:38 [Musique]