• il y a 7 mois
Xerfi Canal a reçu Anne Stevenot, professeur des Universités à l’IAE de Nancy (Université de Lorraine), Directrice du CEREFIGE, et Membre du Réseau R2E – Recherche & Expertise en Entrepreneuriat, pour parler du LBO comme levier de croissance pour les PME.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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Transcription
00:00 [Musique]
00:09 Bonjour Anne Stéveneau.
00:10 Bonjour Jean-Philippe Guénard.
00:11 Anne Stéveneau, vous êtes professeure agrégée des universités en sciences de gestion et du management.
00:15 Vous êtes professeure à l'université de Lorraine et directrice du CEREFI, le centre de recherche en gestion.
00:20 Anne Stéveneau, question brutale, l'ELBO qui est souvent décrié,
00:26 est-ce que ça reste encore aujourd'hui un levier de croissance pour les PME dans un monde où les taux d'intérêt sont ce qu'ils sont,
00:31 c'est-à-dire, grimpent en flèche ?
00:34 Alors, l'ELBO c'est un mécanisme assez formidable malgré tout dans sa conception.
00:42 Le principe c'est un minimum d'apport en fonds propres et un maximum d'endettement avec comme objectif faire…
00:50 L'effet de levier.
00:51 Voilà, l'effet de levier, un maximum de plus-value entre l'entrée au capital avec un minimum d'apport en fonds propres
00:58 et la vente des participations.
01:00 Entre-temps, on a remboursé un maximum de dettes.
01:03 Donc ça, c'est le principe général.
01:05 On va créer une holding pour investir dans l'entreprise.
01:10 C'est la holding qui va contracter la dette d'acquisition.
01:16 Et c'est la cible, l'entreprise, qui va, en remontant les dividendes à la holding,
01:23 finalement rembourser indirectement l'emprunt d'acquisition.
01:27 Et les investisseurs au niveau de la holding, ce sont bien sûr les capital-investisseurs qui participent au montage,
01:34 les dirigeants qui sont associés nécessairement à ces montages,
01:38 mais ça peut être aussi les cadres dirigeants, voire les salariés, l'MBO notamment,
01:45 qui vont également pouvoir profiter de cet effet de levier.
01:50 Ça peut être un facteur d'enrichissement pour tous quand ça se passe bien.
01:54 Absolument. Alors je disais un peu décrié parce qu'évidemment, c'est un montage risqué.
01:58 C'est un montage qui est très, très risqué, effectivement,
02:01 parce que ça suppose que l'entreprise est en capacité de générer des cash-flow importants
02:06 pour pouvoir faire remonter les dividendes et rembourser, assurer le service de la dette qui est très, très important.
02:14 Ça crée effectivement une tension très forte entre notamment les banques et les actionnaires.
02:21 Tension qui est recherchée même, en théorie, qui est recherchée.
02:25 Tension effectivement qui est recherchée pour Jensen, qui est un des pères de la théorie de l'agence.
02:30 C'est effectivement le mécanisme disciplinaire par excellence,
02:33 parce qu'on a la discipline de l'investisseur, la discipline du banquier, de la dette,
02:39 et donc ça laisse un minimum finalement de latitude, de marge de manœuvre aux dirigeants.
02:43 Et donc ça, c'est censé maximiser, favoriser la maximisation de la valeur actionnariale.
02:49 Mais effectivement, les risques sont importants, parce que si pour une raison ou une autre,
02:53 propre à l'entreprise ou bien un contexte économique, c'est arrivé à la fin des années 2000,
02:57 les résultats ne sont pas à la hauteur, l'entreprise n'est pas en capacité de générer suffisamment de cash-flow,
03:04 les choses peuvent aller très, très vite.
03:06 Quelques exemples peut-être rapides où ça ne s'est pas bien passé ?
03:09 Alors, je pense à une entreprise du nord de la France, Val d'Une, une PME,
03:15 Fleuron de la sidérurgie, fabrique des essieux montés, routes de train et essieux montés.
03:21 Donc Fleuron, effectivement, de la sidérurgie au milieu des années 2000,
03:25 assiette spéciaux, leader européen, numéro 2 mondial,
03:29 visitée par Nicolas Sarkozy au moment de la campagne en 2006.
03:33 C'est la France sidérurgique qui réussit, qui a bien réussi sa transformation.
03:39 Et plusieurs LBO successifs, alors c'était peut-être le LBO de trop,
03:42 et au mauvais moment, en 2007, dernier LBO, l'entreprise s'est vendue chère à ce moment-là,
03:47 parce que parfois il y a aussi plus de capital à investir que de bons projets.
03:51 Donc la tendance était plutôt à vendre les entreprises assez chères,
03:55 donc les investisseurs à prendre des risques importants.
03:58 Et le problème, c'est que la crise est arrivée, contraction des marchés,
04:02 et donc les investisseurs ont vite compris qu'ils n'allaient pas s'y retrouver.
04:05 Et donc ça a été gel des investissements, alors que c'était nécessaire
04:09 pour assurer la compétitivité de l'entreprise, remettre à niveau l'outil de production,
04:14 des conflits en interne entre les dirigeants, les investisseurs, les salariés également,
04:19 parce qu'il y a des enjeux en termes de salaire aussi, et d'emploi.
04:23 Et au final, les choses se sont cristallisées autour de ce conflit.
04:28 Et quand la SNCF, principal client de l'entreprise, a fait son appel d'offres à la fin des années 2000,
04:34 nouvel appel d'offres, c'est les chèques qui l'ont emporté.
04:37 Donc quand vous perdez 80% de votre chiffre d'affaires, évidemment, c'est très compliqué ensuite.
04:42 L'entreprise, évidemment, procédures de sauvegarde et puis liquidation,
04:46 est rachetée pour un euro symbolique quelques années après par un industriel chinois.
04:51 Le LBO, un levier, j'allais dire une arme, mais un levier à double tranchant.
04:55 Il faut faire extrêmement attention et d'autant plus être vigilant quand les taux d'intérêt montent.
05:00 Tout à fait.
05:01 Merci à vous, Anne Stévenot.
05:02 Je vous remercie, Jean-Philippe Demy.
05:04 [Musique]

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