Dans ses interviews, Sophie de Menthon, présidente du mouvement patronal Ethic, se met dans la peau des patrons...
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00:00 Bienvenue à Patron en question.
00:02 Vous êtes Yves de Lafourchardière, président des Fermiers de Loué.
00:06 En fait, je suis même directeur général.
00:09 Le président est un éleveur.
00:10 Ah, c'est bien.
00:11 Alors moi, je suis très contente de vous recevoir, particulièrement en ce moment,
00:14 parce que d'abord, on a tous été des agriculteurs.
00:16 Ensuite, en tant que président d'un mouvement patronal,
00:19 je m'occupe de ruralité et entreprise,
00:21 parce que la ruralité, c'est quelque chose de fondamental.
00:23 Et vous alliez agriculture et ruralité.
00:26 Et puis enfin, j'ai vu récemment un film épouvantable sur de pauvres petits poulets
00:32 élevés en batterie. On y reviendra après.
00:35 Mais présentez-vous d'abord.
00:36 Et comment est-ce que cette entreprise est devenue les poulets préférés des Français ?
00:40 Oui, alors je suis directeur des Fermiers de Loué depuis maintenant 28 ans.
00:43 Ça fait très longtemps.
00:45 Je m'occupais avant de sélection de races de poulets anciennes,
00:47 donc des entreprises qui étaient dans le sud-ouest et dans la Sarthe.
00:50 Et donc, cette entreprise de Loué est une entreprise qui a né en 58,
00:55 mais qui, avant de naître, était déjà un marché de volaille très réputé.
00:57 Donc avec les gens qui venaient de l'Europe entière acheter leur volaille
01:01 parce qu'elles avaient une grande réputation déjà.
01:04 Et donc, c'est l'endroit, Loué, où on a inventé, on peut dire, le label rouge.
01:08 C'est l'endroit où on a démarré la production de poulets biologiques.
01:11 Et on voit des poulets en plein air, contents, heureux. C'est un plaisir.
01:13 Oui, c'est une durée d'élevage qui est très longue.
01:15 On voit d'ailleurs que les coques et les poules sont bien sexués.
01:18 Donc, ils ont un parcours totalement limité.
01:21 C'est ce qu'on appelle la liberté.
01:22 C'est un mode d'élevage qui est très original, parce qu'à l'échelle européenne,
01:25 il n'y a pas 2% des poulets qui sont élevés de cette manière là.
01:27 Et en France, on élève 17% des poulets dehors. C'est pas mal.
01:30 C'est formidable. Et comment vous êtes venu...
01:34 Dès le départ, vous avez choisi ce type d'élevage de poulets.
01:37 Vous avez réfléchi à un marketing quand on commence dans le poulet ?
01:41 Alors absolument pas. En tout cas, pour moi, j'ai pris l'entreprise.
01:43 Elle était déjà lancée quand je suis arrivé en 96.
01:46 Mais elle était petite.
01:47 Elle avait besoin de grandir encore, mais elle était déjà belle.
01:50 Elle était déjà en place. Elle était déjà connue.
01:51 Et on n'avait pas encore beaucoup de poules.
01:53 Toutes les poules étaient encore en cage, par exemple.
01:55 Donc nous, on a évidemment dit si on élève des poules, on va les mettre dehors.
01:59 On nous a dit ça ne marchera jamais.
02:00 Et aujourd'hui, les gens se posent la question pourquoi il y a des poules encore.
02:02 Et pourquoi ça ne marchera jamais ?
02:03 C'est juste idiot. Nos grands-mères les élèvent bien dehors.
02:05 Donc il n'y avait aucune raison.
02:06 Ah oui, d'accord, c'est le contraire.
02:07 Oui, mais c'était l'idée de la production intensive de l'époque qui prenait le dessus.
02:11 De l'époque, vous dites, alors encore une fois, j'ai vu des images effroyables
02:16 de poulets en batterie. Il y a même des poulets, paraît-il, qu'on modifie
02:19 pour qu'ils aient plusieurs ailes et plusieurs pattes.
02:21 Alors ça, c'est comment il faut.
02:23 Mais que des poulets soient élevés dans des bâtiments de manière très intensive.
02:26 Le gros de la production dans le monde, 95 % des poulets,
02:29 c'est un milliard de poulets qui naissent et qui meurent toutes les semaines.
02:32 95 % sont élevés en claustration et ils sont élevés à peu près 30 jours.
02:35 Mais c'est quand même horrible.
02:37 Pardonnez-moi, je suis un peu de sensible, horrible.
02:39 Mais ces poulets les uns contre les autres en batterie,
02:42 c'est la souffrance animale, non ?
02:45 Alors la souffrance, pas obligatoirement, mais en tout cas,
02:47 ce n'est pas le mode d'élevage que nous on souhaite.
02:48 Ça, j'ai bien compris.
02:49 Mais est-ce que vous agissez aussi pour qu'on vous imite ?
02:53 Alors oui, puisqu'on n'est pas les seuls à faire du poulet à la belle rouge en France.
02:56 Il y en a un peu dans toutes les régions de France et tant mieux,
02:57 parce que finalement, le savoir-faire français peut se trouver,
03:01 être développé un peu dans toutes les régions.
03:03 Mais finalement, sur le plan mondial, assez peu.
03:05 Quand on y regarde de près, il y a peu de pays qui élèvent les volaillers à l'extérieur.
03:08 Ils élèvent de manière toujours plus intensive et tout le monde a entendu parler
03:11 des poulets ukrainiens qui arrivent actuellement en France.
03:13 Un éleveur ukrainien produit autant que 1000 éleveurs déloués.
03:16 Pour vous dire la taille de ces élevages, c'est des élevages absolument gigantesques
03:20 où les salariés sont d'ailleurs vivent à l'intérieur de l'élevage.
03:22 Donc, et bon...
03:24 On va finir par manger les salariés, on va se tromper.
03:26 J'espère que non.
03:27 C'est juste effrayant quand on y réfléchit.
03:29 Et malgré tout, c'est de la volaille qu'on peut retrouver
03:31 dans certains plats préparés, dans des choses qui n'ont pas d'illeur mot.
03:35 Alors comment se fait-il à ce moment-là ? On a donc le meilleur poulet, on dirait.
03:37 Mais comment se fait-il qu'on ait perdu parce qu'on en produisait plus avant ?
03:41 Maintenant, on en apporte davantage.
03:43 Ah oui, ça pour moi, c'est un des vrais drames.
03:45 D'ailleurs, j'étais assez surpris que le ministère de l'Agriculture s'appelle
03:47 le ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire
03:49 parce qu'on n'a jamais été aussi éloigné de la souveraineté alimentaire.
03:52 Quand j'ai commencé, moi, dans les années 80 à travailler, au début des années 80,
03:56 la France exportait 50 % des poulets qu'elle produisait.
03:58 Et c'est bien normal.
03:59 Il y avait des paysans, il y avait du savoir-faire génétique,
04:02 il y avait du grain et les poulets mangent du grain.
04:04 Aujourd'hui, on importe le céréal de chez nous,
04:08 ils sont cultivés chez nous par nos éleveurs eux-mêmes.
04:11 Donc il y a toujours ça, il y a toujours des céréales en France.
04:13 Aujourd'hui, on importe 50 % de notre consommation.
04:16 Il y a un truc qui ne va pas quand même.
04:18 Vous l'expliquez ça ? Comment vous l'expliquez ?
04:20 Clairement, il y a la compétitivité globalement de l'industrie,
04:22 qu'elle soit l'industrie tout court ou l'industrie agroalimentaire.
04:25 C'est pareil, il y a eu des baisses de compétitivité.
04:27 À quoi vous les attribuez dans votre domaine ? Aux normes ?
04:30 Très certainement au coût de l'emploi, d'un main d'oeuvre par rapport à des Polonais,
04:34 par exemple, qui sont les gros bénéficiaires finalement de la production du poulet intensif.
04:38 C'est plutôt dans les pays de l'Est, là où la moitié de l'oeuvre est moins chère
04:41 et les coûts sociaux sont plus faibles.
04:43 Et puis, ils ont pu installer des élevages de grande taille.
04:45 Et puis, voilà, ils ne se sont jamais arrêtés.
04:47 Ils ont développé une agriculture pour qu'elle soit intensive et compétitive.
04:50 Mais la principale, on sait habiter, ce n'est pas tellement les Polonais,
04:54 c'est nous, les consommateurs.
04:56 C'est nos choix de tous les jours.
04:57 Si à un moment donné, on choisit, on a toujours le produit moins cher
04:59 et qu'on ne va pas savoir comment il a été élevé,
05:01 au cas où on n'a pas les moyens.
05:02 Mais on peut avoir les moyens d'acheter quelque chose de qualité.
05:05 Alors, vous avez raison.
05:06 On sait que les Français veulent absolument acheter français, etc.
05:09 Ils achètent immédiatement ce qu'il y a de moins cher.
05:11 D'abord, on pourrait peut être aussi dans les hypermarchés,
05:13 les supermarchés indiqués, parce que quand je vais vite,
05:16 moi, je ne regarde pas tellement.
05:17 On pourrait déjà marquer "produit français".
05:19 Ce n'est pas indiqué dans les supermarchés.
05:21 Oui, en tout cas, quand c'est marqué, c'est que ça l'est.
05:24 Donc, quand ce n'est pas marqué, c'est que ça ne l'est pas.
05:26 C'est vrai, mais on pourrait inciter plus.
05:28 Enfin, bref, on peut se poser la question, mais je ne suis pas sûr.
05:32 Clairement, c'est les prix qui guident les consommateurs.
05:34 Quand j'ai commencé, là aussi, il y a si longtemps,
05:36 une quarantaine d'années, on utilisait quasiment deux fois plus de budget
05:40 pour se nourrir qu'aujourd'hui.
05:42 Donc, le budget, aujourd'hui, il est parti dans le logement essentiellement
05:44 et dans les loisirs.
05:46 La téléphonie, on en parle beaucoup, mais finalement,
05:47 le téléphone fixe, ça coûtait cher aussi.
05:50 Et donc, c'est intéressant parce qu'il y a quand même un autre facteur,
05:53 c'est que le poulet, un bon poulet et un mauvais poulet,
05:57 il y a une vraie différence.
06:00 Un poulet de grain, un poulet de qualité,
06:03 ça n'a rien à voir au niveau de la consommation.
06:06 Un poulet qui a vécu trois mois dehors,
06:07 à un moment donné, il va avoir une chair qui tient à l'os.
06:10 Mais oui, mais oui, mais oui, mais oui, mais oui, mais oui, mais oui.
06:13 Comment ça se fait ?
06:14 Peut-être qu'ils ne sont pas assez informés, les gens quand même.
06:18 Sur le poulet entier, quand on y regarde de près,
06:19 quand les gens mangent du poulet entier, ce qu'on aime bien manger le dimanche,
06:22 entre autres, en tout cas, c'est la tradition un petit peu encore chez nous.
06:25 - C'est cuit depuis la poule au pot ?
06:27 - Oui, depuis la poule au pot, c'était vraiment, entre autres, en ricette.
06:29 Et son cuistot, d'ailleurs, était de la flèche, pas loin de chez nous.
06:33 Et en l'occurrence, ce poulet entier, il va être cuit au four,
06:37 avec l'odeur, on voit bien tout ce que ça évoque.
06:40 Et on va pouvoir, dans six cas sur dix,
06:42 c'est un poulet qui va être fermier, la Belle Rouge, et souvent de loué
06:45 quand les gens vont le consommer parce qu'ils savent que c'est vraiment très bien.
06:47 Quand c'est découpé, le coût du poulet étant nettement plus cher
06:51 parce qu'on concentre davantage le prix sur le morceau noble qui va rester,
06:54 qui est le filet par exemple, là, les consommateurs hésitent davantage.
06:58 Et pourtant, la différence, elle est encore là et elle mériterait,
07:01 à un moment donné, d'être prise, d'être mesurée.
07:04 Mais voilà, le sujet, il est d'abord et avant tout économique,
07:08 mais il ne faut surtout pas tromper les Français.
07:09 Un poulet d'un mois, ce n'est pas un poulet de trois mois, ça n'a rien à voir.
07:12 - Alors, quand je vous entends, j'entends quand même un chef d'entreprise
07:15 qui a réussi, clairement.
07:17 Et là, on vient de vivre une période très douloureuse
07:21 avec des chefs d'entreprise qui ne peuvent pas vivre,
07:23 qui ne peuvent pas se payer, avec tout ce qu'on a entendu et vu
07:27 et ce qu'il faudrait comme réforme.
07:29 Donc, ça veut dire quand même que dans ce secteur, on peut réussir.
07:34 Qu'est-ce qui empêche d'autres agriculteurs de se lancer là-dedans,
07:37 dans la qualité, dans ce que vous avez fait ?
07:39 Qu'est-ce qui les empêche ?
07:41 - La consommation.
07:41 Il y a eu des fautes qui ont été faites ces derniers temps,
07:44 où on a fait ce qu'on appelait les points de filière,
07:46 où le gouvernement a dit, montez les niveaux de qualité,
07:48 produisez de la bio, par exemple, en porc, et puis ça ira.
07:51 Quand vous aurez produit, les consommateurs sont là.
07:53 Non, c'est les consommateurs qui décident les volumes qu'on doit mettre en place.
07:56 Moi, je ne vais jamais mettre dans un élevage un poulet
07:59 si je n'ai pas un débouché.
08:00 Le bâtiment restera vide.
08:01 - Et c'est qui qui va déboucher directement ?
08:03 - Globalement, les volets sont achetés à 80%.
08:08 Alors, je ne parle pas de la restauration collective, où c'est compliqué.
08:10 Il y a du très bon et puis il y a du moins bon.
08:12 Donc, restauration hors domicile, ce qu'on appelle les cantines et tout le reste.
08:16 Et même la restauration commerciale, quelquefois,
08:17 il y a des poulets qui sont étonnants, qui viennent de très loin.
08:20 C'est surprenant.
08:21 Mais la consommation principale, c'est avant tout en grande distribution
08:24 et moyenne distribution.
08:25 - Donc, vous, personnellement, si je puis dire,
08:27 vous vendez à la grande distribution, à un supermarché.
08:31 - Oui, absolument.
08:32 - Et vous vendez à un acheteur local du supermarché ou vous achetez globalement chez...
08:37 - C'est le référencement national classique, à un moment donné,
08:40 qui a lieu avec les dates habituelles de fin de...
08:41 - Et tout ce qu'on nous dit, est-ce que c'est vrai ?
08:43 La pression sur les prix, l'agriculteur qui est en bout de course.
08:47 Alors là, vous n'avez pas d'intermédiaires, vous, comme d'autres marques, par exemple,
08:50 comme le yaourt, qui a le producteur, l'hypermarché, le client.
08:55 Là, c'est directement l'hypermarché qui négocie avec vous.
09:00 - Alors, qui négocie...
09:01 C'est notre abattoir qui commercialise.
09:03 Donc, c'est notre abattoir qui est le groupe LBC qui commercialise
09:06 et il va négocier les accords annuels, comme ça se pratique tout le temps.
09:09 Un accord annuel, c'est une négociation, il y a deux personnes,
09:12 chacun d'un côté d'une table.
09:13 Et évidemment, c'est un rapport de force, un rapport d'écoute
09:18 et qui doit aboutir à un accord.
09:20 Donc, depuis 28 ans que je suis alloué, il y a toujours eu des accords.
09:24 Mais par moments, on a eu le sentiment que les accords n'étaient pas équilibrés.
09:26 - Et c'est vrai cette pression qu'on raconte des supermarchés ?
09:28 - Non, mais évidemment, chacun est dans son rôle.
09:30 - Vous êtes loué, vous n'avez pas du tout peur qu'on vous déréférence ?
09:32 - Si, bien sûr que si, tout le monde a peur.
09:34 On est dans un rapport professionnel qui est un rapport...
09:38 On a besoin les uns des autres, mais nous plus qu'eux,
09:42 puisque t'as 25 % de notre production va chez M. Leclerc.
09:46 Je dois être chez M. Leclerc, c'est obligatoire.
09:48 Mais on y est toujours arrivé.
09:50 On y est toujours arrivé et les éleveurs sont toujours vivants
09:53 et gagnent encore leur vie.
09:53 - Et comment vous y êtes toujours arrivé ?
09:55 Vous avez l'impression qu'ils sont très durs, qu'il y a une pression très forte ?
09:58 - Je crois qu'en dehors des négociations annuelles,
10:01 il faut savoir sauver le reste du temps.
10:03 Il n'y a pas qu'un mois de négociation,
10:05 deux mois de négociation, il y a 12 mois dans l'année.
10:07 Et donc, s'ils nous connaissent bien, s'ils viennent de rencontrer,
10:09 s'ils viennent de rencontrer nos éleveurs,
10:11 ils comprennent finalement comment ça fonctionne
10:12 et pourquoi il y a un besoin...
10:14 Pourquoi un poulet qui était vétroifré plus longtemps coûte plus cher ?
10:16 C'est assez logique à comprendre.
10:18 Mais en le voyant sur place, ça les aide à bien comprendre.
10:21 Donc on y est toujours arrivé.
10:23 Et c'est vrai que la concentration de la grande distribution
10:24 qui a encore d'actualité aujourd'hui, avec le casino qui va être absorbé en partie,
10:29 avec Cora qui risque de rejoindre Carrefour.
10:31 Ce n'est pas une bonne nouvelle pour l'industrie en général
10:33 parce que ça concentre encore plus.
10:35 Et puis après tout, il faut y arriver et on y arrivera encore.
10:38 - Donc vous pensez que les négociations sont vraiment...
10:40 Ce sera le groupe complet ?
10:41 Ils ne vont pas continuer des négociations par marque ?
10:43 - Non, non, non, non, non. Ils vont continuer.
10:45 - Et est-ce que vous avez un moyen de faire comprendre ?
10:49 Est-ce que vous avez un accès aux consommateurs à travers ces grands magasins
10:52 pour leur faire comprendre que vos poulets sont formidables,
10:54 que vous pouvez faire une pub local ?
10:55 - C'est vous qui êtes formidable parce que c'est ce qu'on fait.
10:57 Bravo ! On va à un magasin, des animations magasins,
10:59 nos éleveurs partent dans les magasins partout en France...
11:02 - Je n'ai pas vu.
11:02 - ...avec leurs magnifiques casquettes et ils vont au contact des consommateurs.
11:05 - Oui, elle est belle votre casquette.
11:06 - Je vous la montre.
11:08 - Elle irait très bien avec mon poulet vert.
11:10 - Je vous l'offrirai tout à l'heure avec grand plaisir.
11:12 Et cette casquette, à un moment donné, qui est leur marque,
11:15 elle permet justement de faire la publicité, de raconter aux consommateurs,
11:18 non pas avec un animateur professionnel,
11:21 mais l'éleveur lui-même qui quitte sa ferme le vendredi et samedi,
11:24 partout en France pour raconter son mode d'évasion et sa passion.
11:26 - Et ils sont écoutés ?
11:27 - Oui, c'est extraordinaire.
11:29 Il se passe des choses extraordinaires parce que finalement,
11:31 c'est ce qui manque dans le magasin.
11:32 Le magasin, finalement, est relativement éloigné du producteur.
11:36 Quand le producteur va dans le magasin,
11:37 quelque part, le cycle est raccourci.
11:39 - Et c'est presque un problème générique français
11:41 parce que le consommateur de politique, le consommateur de santé,
11:45 le consommateur qui vit des subsides de l'État,
11:48 finalement, comprend mal ce qu'il paie, pourquoi il le paie,
11:52 pourquoi c'est moins bon,
11:54 pourquoi aussi ne pas avoir confiance dans le privé en général.
11:58 Et donc, c'est quelque chose de très fondamental.
12:00 Et ce Salon de l'agriculture qui va arriver,
12:03 est-ce qu'il va s'y passer quelque chose d'extraordinaire ?
12:05 Est-ce que vous avez un rôle particulier cette année ?
12:07 - Nous, on a depuis maintenant 20 quelques années,
12:11 on y va que pour une seule chose.
12:13 Une petite leçon de choses, expliquer aux enfants,
12:16 en fait, on explique aux parents,
12:17 comment un poussin fait pour casser sa coquille.
12:20 - C'est très mignon.
12:21 - Ça paraît évident parce qu'on a tous dit à nos enfants,
12:23 c'est avec le bec.
12:25 C'est pas le bec, c'est mieux que le bec.
12:26 Donc, c'est le diamant du bec.
12:28 C'est la plus petite chose qu'on voit,
12:29 seulement un dixième de millimètre.
12:31 - Il va casser les oeufs.
12:32 - Oui, on amène des oeufs tous les jours au Salon par le TGV.
12:36 On va les chercher dans le village de Loué.
12:37 Ils sont sur le point d'éclore, TGV métro.
12:39 D'ailleurs, au passage, il y a des poussins qui naissent dans le TGV.
12:42 Ils ont un gros billet de train, gratis toute leur vie.
12:44 Donc, c'est normal, c'est comme ça.
12:46 Et ils arrivent, on les met dans la couveuse et ils vont éclore.
12:49 Ça met entre 2 et 12 heures pour éclore.
12:51 Et j'ai quelques fois des enfants qui restent pendant 2 heures
12:53 à regarder le poussin.
12:53 - J'espère que vous allez montrer ça au président de la République.
12:55 - Il avait vu un poussin.
12:57 - Il avait déjà vu un poussin.
12:58 - Je lui ai même présenté le premier poussin
13:00 qui était dans l'espace à l'époque,
13:01 puisque ma voiture était une espace.
13:03 Mais pendant 10 secondes, il y a eu un petit doute
13:05 de savoir s'il n'était pas l'ami de Pesquet.
13:08 - Et est-ce que vous pensez qu'il va y avoir une avancée ?
13:09 Est-ce que ça a servi à quelque chose,
13:11 cette manifestation formidable ?
13:14 Est-ce qu'on a de l'espoir, là, un peu ?
13:17 Parce qu'il faut bien avoir de l'espoir.
13:18 Mais est-ce que c'est très compliqué de changer ?
13:20 - Alors, je pense qu'il y a deux moteurs à cette prise.
13:24 Il y en a un qui va sans doute bouger un peu.
13:28 C'est toute la prochaine normative qui pose problème.
13:30 - Elle dépend aussi beaucoup de l'Europe.
13:31 - Elle dépend de l'Europe pour un tiers,
13:33 de la France pour un tiers et de la profession pour un tiers.
13:35 Parce que quelquefois, on écrit nous-mêmes nos propres normes.
13:37 À Louis, on a écrit des normes.
13:38 Ce n'est pas l'Europe qui les a écrites
13:39 et qui donne confiance aux consommateurs,
13:41 qui ne permet pas de vendre de volailles.
13:42 Donc, quelquefois, les normes, on les a écrites,
13:44 elles peuvent être portées par nous-mêmes, quelquefois.
13:46 Donc, tout n'est pas acheté.
13:48 Il faut qu'on fasse un peu attention et trouver des nuances.
13:50 Mais la vraie grosse crise, c'est l'économie,
13:52 c'est la fluctuation des cours.
13:53 Un céréalier qui était à 400 euros la tonne sur la guerre d'Ukraine,
13:56 ce qui était évidemment trop cher,
13:57 qui est à 175 euros au mois de mai prochain, il n'y arrivera pas.
14:00 Donc, il y a des vrais problèmes de fluctuation
14:02 beaucoup trop importantes aujourd'hui.
14:03 Les cours bougent beaucoup trop,
14:05 dans des proportions beaucoup trop importantes
14:06 pour que l'exploitation française,
14:08 les agriculteurs français puissent tenir.
14:10 Elle ne peut pas tenir dans cette crise actuelle.
14:12 Et je pense que c'est pour ça que la crise n'est pas finie.
14:14 Après le salon, le salon sera une parenthèse
14:16 parce que le salon, c'est un moment heureux.
14:17 Je vous invite d'ailleurs à y aller.
14:19 Vous verrez qu'ici, il ne passera pas grand-chose.
14:20 C'est un moment vraiment magnifique.
14:22 Moi, j'adore y aller et j'y passe beaucoup de temps.
14:25 Mais après le salon, on verra que la crise agricole est toujours là
14:28 parce qu'il y a une crise économique
14:29 au moins aussi importante que la crise normative.
14:31 Alors, pour conclure, vous êtes ministre de l'Agriculture.
14:34 Quelle est la première chose que vous faites ?
14:36 Alors, pour moi, parce que je suis dans mon secteur particulier
14:39 des filières sous-sico,
14:41 donc c'est-à-dire la belle rouge et bio,
14:43 donc avec les oeufs bio, etc.
14:44 Et la belle, j'essaye de réfléchir avec les distributeurs
14:47 pour voir si on peut revoir cette marge
14:49 qui est prise en pourcentage sur les produits alimentaires.
14:51 C'est-à-dire un produit qui vaut 100,
14:52 s'il a 50% de marge, le distributeur va prendre 50 euros.
14:56 S'il vaut 200, il va prendre 100 euros.
14:59 Et pourtant, c'est le même produit.
15:01 Donc, c'est une habitude en France de travailler,
15:02 et un peu partout en Europe, de prendre une marge en pourcentage.
15:05 Elle est extrêmement dangereuse pour les productions comme les miennes.
15:07 Et je pense qu'il faut commencer à réfléchir à ça et révisiter ça.
15:10 Et donc, plus concrètement, qu'est-ce qu'il faudrait qu'elle soit, cette marge ?
15:13 Il existe dans les produits médicaux, par exemple.
15:15 C'est mon préfet qui me racontait ça l'autre jour,
15:17 ce qu'on appelle des marges dégressives.
15:19 Plus le produit est élevé, plus la marge en pourcentage diminue.
15:22 Or, comment ça peut être établi, sachant qu'il y a la liberté d'entreprendre ?
15:24 Et je ne vais pas dire à un distributeur ce qu'il doit gagner ou pas gagner.
15:27 Ce n'est pas à nous de le décider.
15:29 D'ailleurs, c'est totalement interdit.
15:30 Mais il y a peut-être des choses à réfléchir un peu,
15:33 parce que je pense qu'on ne peut pas dire...
15:34 On veut promouvoir la qualité et en même temps se retrouver
15:36 avec quelque chose qui l'handicape à ce point-là.
15:38 - Eh bien, écoutez, c'est le mot de la fin.
15:40 - Merci beaucoup.
15:40 - Merci infiniment. Je vous souhaite un très bon salon de l'agriculture.
15:42 - Merci.
15:42 - Au revoir.
15:43 - Au revoir.
15:44 (Générique)
15:48 [SILENCE]