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Anne Fulda reçoit Virginie Bloch-Lainé pour son livre «Profils perdus» dans #HDLivres

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Transcription
00:00 -Bienvenue à l'heure des livres, Virginie Bloch-Lenay.
00:03 Vous êtes journaliste, critique littéraire,
00:06 et vous venez de publier votre premier roman,
00:08 "Profil perdu", un livre paru chez Stock.
00:11 Un livre qui est original, écrit d'une jolie plume.
00:14 Une variation autour de la figure de votre père,
00:17 qui est présente tout au long du livre,
00:20 à travers les figures d'autres hommes aussi.
00:23 Un père qui a laissé une empreinte durable dans votre vie,
00:26 votre vie sentimentale, votre vie tout court.
00:29 Comment... Est-ce que ça a été facile,
00:31 vous qui écrivez des portraits, souvent,
00:34 de passer à un portrait plus intime,
00:36 celui de votre père ?
00:39 -Ca n'a pas été facile,
00:41 mais je pense que j'écris toujours un peu le portrait de mon père.
00:44 En tout cas, j'ai toujours... -Ce que vous dites,
00:46 il est toujours... -Il est toujours...
00:48 -Vous rencontrez des personnalités. -Oui.
00:50 Personnalités connues ou pas connues.
00:52 Mon père est toujours là et je compare toujours.
00:55 Vraiment, j'évalue, avec un modèle qui est mon père,
00:59 donc j'évalue une allure, une façon d'accueillir,
01:02 de dire bonjour,
01:04 même l'aménagement d'un appartement quand je vais chez les gens,
01:07 une façon de s'exprimer,
01:10 une bienveillance, il était bienveillant.
01:13 Bienveillant.
01:15 Donc c'est difficile de passer à son portrait, à lui,
01:19 mais ça m'était familier.
01:22 -Il était là tout le temps. -Il est là tout le temps.
01:24 -C'est ce qu'on ressent à la lecture du livre.
01:26 Le nom de votre père, c'est Bloch-Lenay,
01:28 le nom que vous portez, Jean-Michel Bloch-Lenay.
01:31 C'était un serviteur d'Etat, un grand...
01:33 Et Narque, il était dans le droit fil d'une dynastie.
01:39 Fils et petit-fils d'inspecteur des finances.
01:42 Alors, ce monde-là, l'ENA, le service public,
01:44 ça ne vous a jamais tenté ? -Jamais.
01:46 J'ai même essayé de rentrer à Sciences Po
01:50 et j'ai raté ça à l'époque.
01:51 Il y avait un concours, ça ne m'a jamais tenté.
01:54 C'était très familier et à la fois...
01:57 Il ne parlait pas que de ça.
02:01 Et surtout, ce qu'il faisait
02:03 ou le fait qu'il avait réussi cette école
02:05 n'était jamais raconté.
02:07 -C'était pas quelque chose de mis à présent.
02:10 Mais vous dressez quand même...
02:11 C'est quelque chose d'important.
02:14 Alors, ce père qui est à la fois mélancolique et joyeux,
02:18 excentrique et sérieux,
02:20 vous écrivez le lettre le plus rassurant et inquiétant qu'il soit.
02:23 Il était surtout très aimant.
02:25 Et on pense à la fameuse phrase de Gary dans "La promesse de l'aube",
02:29 "Avec l'amour maternel, on remplace par paternel."
02:32 -Une promesse qui n'est jamais tenue.
02:34 -Et on est obligés ensuite de manger froid.
02:37 Écrivez Gary.
02:38 C'est un peu l'impression qu'on a ?
02:40 C'est qu'après, ce père a une empreinte telle
02:43 que vous avez mangé froid après ?
02:45 Concernant l'amour des hommes que vous avez connus ?
02:49 -Ça tient aussi peut-être
02:51 aux hommes vers lesquels je suis allée.
02:54 Là aussi, de façon inconsciente,
02:56 ça dépend aussi du rapport que j'ai eu avec mon père.
02:59 Mais oui, il donnait énormément, il disait énormément
03:02 qu'il aimait à moi et à mes sœurs.
03:04 Nous sommes quatre filles.
03:06 Mais ça se doublait d'un manque de fiabilité.
03:11 Donc, on n'est pas complètement bien debout sur ses deux pieds.
03:18 -C'est pas totalement rassurant.
03:20 -C'est pas totalement rassurant.
03:22 -Il y a une scène assez étonnante
03:24 dans laquelle vous racontez comment il vous a emmenée
03:27 pour vous faire baptiser par Mgr Lustiger.
03:29 C'est assez étonnant, cette scène.
03:31 -Elle dit tout de mon père, par une propension aux mensonges,
03:36 puisque je n'étais pas au courant.
03:38 C'est dans la voiture que j'ai appris que nous allions à Orléans
03:41 pour mon baptême avec Lustiger.
03:43 Ma famille maternelle est juive,
03:45 et c'était un mauvais coup qu'il jouait à la famille maternelle.
03:49 Il avait peur que je meure sans être baptisée
03:53 et que je reste dans les limbes, comme c'est promis.
03:57 -Ce qui est amusant, c'est que l'un de vos amis,
03:59 ou amoureux, vous encourage à écrire sur les figures féminines
04:03 de votre famille.
04:04 Vous le faites.
04:05 On a l'impression que c'est une manière de s'acquitter
04:09 de votre devoir.
04:10 Il n'y a pas cette flamme, quand vous parlez des figures féminines.
04:14 Pourtant, il y a des sacrés personnages.
04:16 -Oui. -C'est étonnant.
04:18 -Alors, je me sens peut-être plus à l'aise...
04:21 J'ai une familiarité plus grande avec mon père
04:26 et avec...
04:27 avec sa virilité, avec ses valeurs.
04:34 Donc, c'était plus facile pour moi.
04:36 Oui, je cale.
04:37 Je commence à écrire ce livre en me disant que,
04:40 comme il y a vraiment une lignée de femmes très forts,
04:43 ça va être très facile.
04:45 Et puis, sur un coup, un tunnel, un escalier...
04:48 -Peut-être. -Peut-être.
04:50 -Vous faites aussi référence dans le livre à vos amoureux.
04:54 C'est un livre assez original.
04:56 Et il y a des références littéraires aussi,
04:59 notamment l'une à un livre absolument magnifique
05:02 de Philippe Roth, "Patrimoine".
05:04 -Oui.
05:05 -Est-ce que c'est l'un des livres qui vous a marqués ?
05:08 J'imagine qu'il y en a bien d'autres.
05:10 Sur l'image du père, c'est magnifique.
05:13 -Il a l'air d'être un sujet évident d'écrire sur son père.
05:16 Et on peut le rater.
05:18 Pour moi, c'est le plus beau.
05:20 J'en ai entendu parler de ce livre
05:22 alors qu'il venait d'être édité aux Etats-Unis.
05:25 J'étais étudiante en lettres. Mon père était vivant.
05:28 La façon dont le professeur m'a parlé m'a convaincue
05:31 que ce livre était fait pour moi.
05:33 Philippe Roth en a peu écrit, c'est vraiment un récit.
05:36 C'est la dernière année de vie de son père,
05:39 qui a une tumeur cérébrale.
05:41 Et il est à la fois le père de son père,
05:44 donc il prend sa responsabilité de fils,
05:47 et il ne cesse de rappeler la responsabilité d'enfant qu'il a.
05:51 Vous avez de cet homme.
05:53 -Un très joli livre à lire, comme le vôtre,
05:56 "Profils perdus", qui est paru chez Stock.
05:58 Merci, Virginie Bochenet.
06:00 ...
06:04 [SILENCE]

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