L’illusion de l’agriculture urbaine

  • il y a 7 mois

Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Retrouvez "Voyage en absurdie" sur : http://www.europe1.fr/emissions/chronique-en-absurdie
Transcript
00:00 Emmanuel Ducroc, c'est à vous. Les agriculteurs en cercle Paris, on ne cesse d'en parler.
00:05 Ça ne veut pas dire que la ville bloquée, que ses approvisionnements en nourriture sont compromis,
00:08 mais voilà que ressurgit le fantasme du circuit le plus court qui soit, l'agriculture urbaine.
00:15 C'est un billet de libération intitulé "Affamé Paris en trois jours de blocage, pas avec les circuits courts"
00:20 qui m'a donné envie d'évoquer ce sujet ce matin.
00:22 Parfois il est bon de remettre quelques ordres de grandeur dans des raisonnements aussi hors sol qu'une tomate cultivée en aquaponie.
00:27 Alors le billet commençait par un constat exact.
00:30 Paris, 2,1 millions d'habitants intramuraux, s'affiche un taux extrêmement bas d'auto-approvisionnement,
00:35 c'est-à-dire la nourriture qu'on trouve dans la ville et l'air périurbaine.
00:38 1,27%, il faut mieux faire pour ne pas être coincé.
00:43 Est-ce qu'on peut faire mieux que 1,27% ?
00:45 Alors l'auteur du billet est très confiant.
00:47 Il suffit de 11 000 hectares de surface agricole pour nourrir la population parisienne en fruits et en légumes.
00:51 La marge n'est pas si haute, c'est la surface de la commune, explique-t-il.
00:55 C'est là que ça commence à pêcher un peu parce que si Paris ne produit pas ses fruits et légumes,
00:58 c'est justement parce qu'on ne va pas la raser pour en faire un jardin.
01:01 Et puis on ne se nourrit pas simplement de légumes, les céréales c'est un quart de notre ration calorique,
01:06 le blé ça pousse assez mal dans les pots de fleurs,
01:08 et puis Paris c'est 1,3 million d'eux par jour, ça commence à faire un sacré paquet de poulaillers de balcon tout ça.
01:14 Mais Paris c'est quand même une ville pionnière de l'agriculture urbaine.
01:17 Alors oui, Paris a la plus grande ferme urbaine d'Europe, elle est sur le toit du parc des expositions de la porte de Versailles.
01:22 On y cultive des tomates, des fraises, des légumes sur une mirobolante surface d'un demi hectare,
01:28 soit les deux tiers d'un terrain de foot.
01:30 Heureusement qu'on ne compte pas trop là-dessus pour remplir les assiettes.
01:32 Alors oui, d'accord, je suis un peu de mauvaise foi, c'est pas mon genre, mais oui,
01:36 la ville de Paris possède quand même 250 hectares de bonne terre dans la périphérie
01:40 qu'elle peut cultiver pour assurer sa subsistance, et d'ailleurs elle veut le faire.
01:43 - Ça fait combien de mètres carrés un hectare ?
01:45 - Eh ben ça fait 10 000 mètres carrés.
01:46 - Ah ben voilà, elle le sait. Bravo Emmanuel, 100 mètres sur 100.
01:50 - Est-ce que la ville peut atteindre une autonomie alimentaire avec ça ?
01:54 - Alors un hectare de terre agricole produit l'équivalent de 25 000 baguettes par an
01:58 ou de 3 850 kilos de pâtes. Petite règle de 3.
02:02 En mettant à profit les 250 hectares de la ville de Paris, on peut offrir royalement
02:06 3 baguettes par an à chaque Parisien ou 500 grammes de pâtes. C'est un peu léger, hein ?
02:10 Vous voyez, les idées méritent toujours d'être comparées aux ordres de grandeur.
02:14 - Mais par exemple, les oeufs, on pourrait faire ça, ça prend moins de place, non ?
02:18 - Ben oui, si vous acceptez d'avoir une ou deux poules sur votre balcon.
02:21 - Il faudra abandonner cette idée d'agriculture urbaine de circuit court ?
02:25 - Ben certainement pas, mais il faut garder les yeux en face des trous.
02:28 Paris est situé au milieu d'une des zones les plus fertiles d'Europe.
02:31 Les productions de légumes y abondent, l'élevage y est présent,
02:34 les premiers champs de céréales sont à moins de 10 km du périphérique.
02:37 Si les tracteurs peuvent aussi facilement encercler la ville, c'est pas par miracle,
02:41 ils sont simplement tout à côté. Alors oui, on a des progrès à faire
02:44 pour monter des filières d'approvisionnement plus locales,
02:48 mais on n'est déjà pas si mal, en fait le problème, c'est quand même le tiers de la nourriture
02:51 qui vient d'hors de nos frontières.
02:52 Alors, le fantasme de l'agriculture urbaine, il dit une chose,
02:55 Paris et une partie de ses habitants ne regardent tout simplement pas autour d'eux.
02:59 Et puis ils ont un petit complexe de supériorité en pensant qu'ils font mieux
03:02 que les professionnels qui nous nourrissent massivement
03:04 avec une récolte annuelle de tomates cerises de balconnières.
03:08 - Signature européen, Emmanuel Ducrox. Merci à vous, Emmanuel, à demain.
03:12 *Générique*

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