Documentariste et fondatrice de l'association "Les Guerrières de la Paix", Hanna Assouline est ce matin l'invitée de Mathilde Serrell. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes/nouvelles-tetes-du-mercredi-10-janvier-2024-4491130
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00:00 Les Nouvelles Têtes, avec vous Mathilde Serrel et ce matin une guerrière de la paix, la militante
00:05 et documentariste Anna Assouline est dans notre studio.
00:09 Portrait sonore !
00:10 Juif, arabe, juif, ensemble.
00:21 C'est ainsi qu'elle a grandi, comme dans cette chanson de Philippe Catherine.
00:26 Juif, arabe, ensemble.
00:28 Fille d'une famille juive algérienne et marocaine dans le 20ème arrondissement de Paris.
00:32 Elle baigne dans le mélange des cultures quand on la croise.
00:35 On lui dit "Ouais Chanouka, ça va ?"
00:38 Ils étaient des dizaines de milliers entre la Bastille et Montparnasse, mobilisés contre
00:43 le racisme venu de la France entière.
00:45 Ces enfants d'immigrés qui marchent depuis un mois et demi ont fait le pari de rassembler
00:49 100 000 personnes.
00:50 Ils ont fait le pari de réveiller les Français, ces Français précisément qu'ils ont appris
00:54 à mieux connaître.
00:55 L'engagement, cette famille, son père David Assouline, documentariste, ancien sénateur
01:02 socialiste et figure de ce qu'on a appelé la "Marche des Beurs" en 1983, sa mère, Brigitte
01:07 Stora, sociologue, journaliste et militante anti-raciste.
01:10 Le rôle des femmes, les besoins des femmes, en temps de guerre comme en temps de paix,
01:18 est dans le monde entier.
01:19 Il est crucial, il est important et il ne doit pas être minimisé.
01:24 Son modèle à elle, c'est Leïma Gbowie, celle qui a fondé au Liberia, le mouvement
01:28 pacifiste et féministe qui a inspiré "Women wage peace", des dizaines de milliers de
01:33 femmes israéliennes et palestiniennes qui se battent pour la paix et qu'elle a découvert
01:37 un jour sur Facebook.
01:38 Après des études d'histoire et de journalisme, elle leur consacre son premier documentaire,
01:42 "Les guerrières de la paix" en 2018.
01:44 Deux films en tribune, elle s'est décidée il y a un an à monter en France l'association
02:02 "Les guerrières de la paix".
02:03 Et depuis les attaques du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, elle est cette voix qui
02:08 monte dans les médias et dans la rue contre l'assignation à un camp.
02:12 Anna Souline, bonjour.
02:14 Vous étiez en Israël, à Jérusalem, le 4 octobre 2023, lors d'une marche pour la
02:19 paix à l'appel des maires MERES israélo-palestiniennes.
02:23 Quand tout est parti dans l'horreur le 7 octobre, une des militantes de "Women wage
02:28 peace" a été assassinée.
02:29 D'ailleurs, comment vous l'avez vécue ?
02:31 Oui, alors on était effectivement en Israël et en Cisjordanie la semaine qui a précédé
02:38 le 7 octobre.
02:39 On avait décidé justement avec ce mouvement de femmes qui rassemble à la fois des femmes
02:43 françaises, musulmanes et juives, mais aussi des militantes à l'international.
02:48 Il y avait parmi nous des marocaines, des iraniennes, des sénégalaises, des ouïgours,
02:52 des ukrainiennes, etc.
02:54 De faire ce voyage pour justement aller se confronter à la réalité du terrain de ce
02:58 conflit, à la complexité aussi de tout ce qui se passe là-bas et d'aller rencontrer
03:04 ces militantes et ces militants qui en Palestine et en Israël se battent pour la paix et la
03:08 justice.
03:09 Et donc le 4 octobre, il y avait cette marche extraordinaire qui nous a bouleversées,
03:14 qui a rassemblé des milliers de femmes palestiniennes et israéliennes.
03:19 Aujourd'hui, c'est vrai que quand on y pense et quand on voit ce qui s'est passé
03:22 trois jours après, on a ce sentiment qu'à la fois c'était hier, qu'il y a un siècle,
03:27 qu'il y a quelque chose de quasi irréel.
03:28 Comment elles l'ont vécu, elles, puisque vous êtes toujours en contact avec elles,
03:31 puisque dans ces images, cette paix, elle paraît possible.
03:34 Et après le 7 octobre, il semble que ça bascule tellement dans l'horreur que l'histoire
03:39 leur joue un tour terrible.
03:41 Alors quand on a marché aux côtés de ces femmes, il y avait à la fois évidemment
03:45 cet espoir incroyable et ce sentiment que quand on est entouré par le courage, la résilience
03:51 de ces femmes, tout est possible.
03:52 Mais il y avait aussi cette gravité, cette gravité de celles qui savent que la paix,
03:57 ce n'est pas une posture, ce n'est pas un truc de bisounours déconnecté, mais c'est
04:01 bien lié à leur survie, à la survie de leur communauté.
04:04 Donc cette gravité, elle était là déjà avant le 7 octobre et évidemment depuis.
04:09 Toutes ces militantes de la paix ont été particulièrement ébranlées par ce qui s'est
04:16 passé.
04:17 Elles sont mises à l'épreuve.
04:18 C'est très difficile, très douloureux.
04:19 Il y a des deuils.
04:20 Il y a cette femme, une des cofondatrices de Women wage peace, qui a été assassinée
04:24 le 7 octobre, avec qui on était d'ailleurs quelques jours avant, nous, avec la délégation
04:28 des guerrières de la paix.
04:29 Mais elle reste debout.
04:31 Elle reste plus mobilisée que jamais.
04:32 Nous, on a gardé un contact étroit avec elle.
04:35 On est régulièrement, on fait des réunions Zoom, on les appelle.
04:38 D'ailleurs, certaines d'entre elles seront dans quelques jours à Paris, à nos côtés,
04:42 à l'occasion d'une rencontre avec des parlementaires français, mais aussi pour des rassemblements.
04:46 Et donc elles sont évidemment dans un moment de bascule, mais dans cette volonté encore
04:52 plus forte et plus déterminée que jamais de continuer de se battre.
04:55 Et vous, vous vous retrouvez, Anna Souline, un an après la création de cette association
05:00 qui fait écho au mouvement Les Guerrières de la Paix, et vous l'appelez donc Les Guerrières
05:04 de la Paix, vous vous retrouvez sur les plateaux télé et vous vous retrouvez aussi exposée
05:08 à une médiatisation nouvelle.
05:10 On va écouter.
05:11 Nous accueillons maintenant Anna Assouline.
05:13 Autrice et réalisatrice du documentaire Les Guerrières de la Paix.
05:17 Réalisatrice et activiste coprésidente et fondatrice du mouvement Les Guerrières de
05:21 la Paix.
05:22 Anna, bienvenue.
05:23 Merci d'être sur le plateau de Femme de Légende aujourd'hui.
05:25 Femme de Légende, je ne connaissais pas.
05:27 Anna Assouline, comment ça se passe pour vous, justement, cette position dans les médias,
05:32 ce que vous défendez, c'est-à-dire de ne pas être assignée à un camp, de défendre
05:36 une paix pragmatique, qui est le message de ces femmes israélo-palestiniennes que vous
05:41 retrouvez, que vous adaptez aussi à la situation et au débat en France.
05:45 Alors d'abord, il faut être honnête, c'est difficile.
05:48 C'est-à-dire qu'on rentre effectivement de ce voyage.
05:51 On arrive la veille des attaques du Hamas, le 7 octobre, et on se retrouve effectivement
05:57 à porter cette voix dans un moment où, à l'intérieur de nous, on est quand même
06:02 dans un grand moment d'effondrement intime, et donc où on se dit qu'on a une responsabilité,
06:09 encore une fois, notamment vis-à-vis des militantes qu'on a rencontrées là-bas,
06:13 de diffuser leur message, de mettre la lumière sur leur engagement.
06:17 Mais on est quand même dans un moment où, pour chacune d'entre nous, que ce soit politiquement
06:21 ou de manière intime, on est particulièrement mise à l'épreuve et ébranlée.
06:24 Donc c'est pas évident, et en même temps, on avait cette réelle nécessité, que ce
06:29 soit sur les réseaux sociaux ou ailleurs, il y a une grande violence dans les débats
06:32 depuis trois mois.
06:33 Vous êtes à la fois bisounours, traître, vous êtes un petit peu tout ça en même temps ?
06:37 C'est ça, effectivement, cette position, c'est ce qu'on dit quand on nous parle
06:39 justement de bisounours ou de déconnexion.
06:42 Nous, on l'affirme, déjà, il y a cette fausse idée qui consiste à dire que la paix
06:46 est une forme de neutralité.
06:47 Or, nous, ce qu'on affirme, c'est que la paix, c'est bien un camp en soi.
06:51 Et peut-être aujourd'hui, dans le contexte actuel, celui qui demande le plus de courage,
06:55 encore une fois, parce qu'on est entre tous les feux, que ça demande aussi parfois de
07:00 penser contre soi-même, d'être capable de remettre en question ses propres certitudes,
07:04 d'affronter les siens, de faire ce travail de nuance.
07:07 Ce que font d'ailleurs ces femmes israélo-palestiniennes, dans votre documentaire ?
07:11 C'est très émouvant de le voir, 2018, et maintenant aujourd'hui, en 2024, il y a aussi
07:15 quelque chose de dur, parce qu'on ne sait pas comment ça va pouvoir continuer.
07:20 Quand on parle de difficultés, on a quand même toujours à l'esprit que quand on voit
07:24 le courage dont sont capables ces femmes qui vivent ce conflit dans leur chair, qui parfois
07:27 ont vécu des deuils, on se dit que cette force nous oblige, et que nous, à l'abri
07:33 quand même des conséquences directes de ce conflit, même si on est très impacté
07:36 par tout ce qui se passe, on se doit, encore une fois, de faire preuve de responsabilité
07:42 et de porter cette autre voie qui manque aujourd'hui cruellement au débat dans notre pays.
07:46 Et pour vous, le levier absolu, c'est les femmes.
07:49 C'est une sorte d'international activiste, féministe, pacifiste que vous défendez.
07:54 A bientôt et bonne route, Anna Souline.