Eliot Ruffel pour son premier roman "Après ça" - Nouvelles têtes

  • il y a 18 heures
Retrouvez Nouvelles têtes présenté par Mathilde Serrell sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes

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Transcription
00:00Place aux nouvelles têtes Mathilde Serrell, ce matin, votre invitée est un jeune romancier
00:04qui se méfie des mots, Eliott Ruffel est dans notre studio.
00:09On est connecté ! Eliott Ruffel, bonjour ! Vous êtes né en l'an 2000, aux alentours
00:26de Saint-Etienne, vous avez 24 ans, vous êtes né au moment où on entendait ça,
00:30et vous êtes venu à la littérature par l'image, et même par internet, ça c'était
00:33un modem 56k qui nous servait à nous connecter au début des années 2000, c'est vrai,
00:38c'est internet qui vous a amené à la littérature d'une certaine manière ?
00:41En tout cas c'est peut-être Tumblr, un peu un passage de l'art à la littérature,
00:47en tout cas la découverte de l'image, ensuite de la vidéo, et finalement le chemin amène
00:53vers la littérature, donc oui je dirais que c'est en partie grâce à internet.
00:57Alors c'est encore et toujours, cela dit, votre occupation préférée, zonée sur internet,
01:02vous y tenez, parce qu'on fait remplir des questionnaires aux nouvelles têtes qui viennent
01:05dans cette émission, occupation préférée se perdre sur internet, occupation préférée
01:09parler de la nouvelle chose fascinante que j'ai découvert en épuisant internet.
01:13Oui, il y a une boucle, il y a une boucle infinie en fait, mais des fois j'ai l'impression
01:19que je vais me savoir expert de quelque chose en l'épuisant, et internet est infini, donc
01:25quelque part j'ai envie d'épuiser tous les sujets, ou en tout cas certains sujets, parce
01:28que tous les sujets ce serait quand même beaucoup, mais il me suffit de 20 minutes
01:31ou 30 minutes sur un sujet pour me penser expert, mais très vite quand même je me
01:35rends compte que c'est très partiel mes connaissances sur les sujets, mais je pense que c'est un
01:39peu une boulémie de l'information, de sujets très très précis parfois peut-être trop.
01:44Récemment vous étiez expert en quoi ?
01:46Là ça fait un moment que je me pense expert en MMA, ou en tout cas qu'il y a une petite
01:50passion quelque part sur le MMA, donc de plus en plus je me mets à suivre, enfin je me
01:55mets à suivre, je suis depuis un moment, donc là je commence à acquérir un certain
01:59niveau d'expert, et je pense que oui, je peux le dire, je connais pas mal le MMA.
02:05On verra ça plus tard, pas dans cette interview puisqu'on va parler de votre premier roman
02:09quand même, ça s'appelle « Après ça » publié aux éditions de l'Olivier, vous êtes parti
02:14de votre adolescence, c'est inspiré en partie de votre adolescence, dans une ville
02:17d'entre-deux, vous avez grandi aux alentours de Saint-Etienne, on s'y ennuie entre amis,
02:21on s'y parle assez peu, sauf après quelques bières, et encore, vous avez décidé davantage
02:26de faire parler les corps, celui de Max et du narrateur Lou, comment est-ce qu'on fait
02:31parler les corps ? En fait vous avez écrit des photos au fil de ce roman.
02:34Oui en tout cas des photos, qui restent muettes ou des plans fixes qui restent muets dans
02:39lesquels on oublie le son, mais je crois que faire parler des corps c'était surtout
02:43dû à mon incapacité de vraiment les faire parler eux en tant que personnages, je crois
02:48que dans ces deux personnages il y a beaucoup de pudeur, et quelque part j'ai dû passer
02:53par ces corps pour les faire communiquer ensemble, en tout cas on comprend dans le livre quand
02:58même qu'ils ont beaucoup partagé ensemble dans le passé, mais qu'ils se connaissent
03:00tellement que les corps ont tellement l'habitude de coexister, de cohabiter, que finalement
03:05on peut quelque part se passer des mots.
03:07Et il y a des gros plans, il y a des gros plans sur les lèvres d'un père qui est fâché
03:10après un match de l'OM par exemple, il a les lèvres du Rhum, ça suffit en gros plan
03:15en fait à fixer cette alcoolémie devant un match de l'OM qui va l'emmener à avoir
03:20la main lourde sur son fils, c'est des corps fragiles, des corps très blessés aussi,
03:23ces corps d'adolescents en fait, Eliott Ruffin.
03:25Oui c'est souvent la violence, elle passe en hors champ parce que des fois c'est trop
03:28violent d'écrire en fait tout de suite la violence, donc je pense que c'est des corps
03:33meurtris et c'est aussi des figures masculines qui héritent de la violence et c'est un peu
03:37toute la question de traiter de plusieurs figures masculines et de comment finalement
03:41elles font avec, elles composent avec ou en tout cas elles se constituent en tant qu'hommes
03:46en héritant ou non, en posant la question de comment on hérite de cette violence.
03:50En écoutant votre roman, j'allais dire en lisant votre roman, j'ai pensé à cette musique.
04:04« Routes » c'est une chanson des années 80 pour la Ruy de Romand Photo, c'est un roman
04:10photo des lieux aussi de ces villes moyennes, on en a parlé aussi en début de saison avec
04:15le frère de Giorgio, c'est un rappeur que vous écoutez beaucoup, les villes moyennes,
04:19là c'est celle d'Angers, là on est à Saint-Etienne, vous allez chercher à décrire,
04:22c'est ça qui est en train d'arriver de plus en plus dans le roman aujourd'hui, les
04:25Buffalo Grill, les bars à bobos fréquentés par des connards en Chine au bateau, l'épicerie
04:30de nuit, les kebabs, comment vous les avez conçus ces photos-là ?
04:33C'est un peu un paysage de carte postale, cette zone de la Normandie, c'est au bord
04:39de l'eau, elle porte une histoire historique mais aussi une histoire sociale, économique
04:45et en fait je crois que tout ça c'est des marqueurs sociaux qui infusent dans ces corps-là
04:51et c'est aussi la question de comment on s'ennuie et quel territoire on arpente et
04:55comment on fait de ces lieux les nôtres, c'est un peu toute la question qui traverse
04:59le personnage de Max, de comment en étant né ici, en ayant son père qui a grandi ici,
05:05c'est comment lui il trouve un espace qui est à lui dans ce territoire-là, mais oui
05:10c'est vraiment comment on parcourt un territoire pour combler l'ennui et comment finalement
05:15le parking du Auchan ou du Buffalo Grill c'est un bon terrain de jeu, ou en tout cas un terrain
05:20de jeu pour la fiction.
05:21Certains vivent pour l'été, d'autres survivent parce qu'on se fait chier l'été.
05:25Et si d'autres disent le contraire, c'est que leur été est trop court.
05:28Le nôtre est interminable, à force de trop en avoir eu, on ne sait même plus quoi en faire.
05:33On aimerait en donner à ceux qui en voudraient du rab, les parents, ils nous disent d'en
05:38profiter et nous on pense le faire et puis l'été suivant, on se dit qu'on ne l'a pas fait.
05:42C'était interminable les étés, Léa Truffel.
05:44C'était interminable, mais encore pour des études d'art que j'ai faites, je trouvais
05:48que les années finissaient tôt, ce qui est plutôt cool, mais de mai à septembre, les
05:53années sont longues, en tout cas les étés sont longs et donc c'est un peu comment on
05:57pense si on part en vacances ou non, mais qu'est-ce qu'on fait de tout ce temps qu'on
06:01aimerait donner à quelqu'un qui en a besoin ?
06:04Oui, c'est un peu ça.
06:05Votre bifurcation, vous la tenez à votre conseillère d'orientation, souvent elle
06:08prenne chair dans les questionnaires de Nouvelle Tête.
06:10La vôtre, elle a été super, elle vous a conseillé psychologie ou artiste ?
06:13Oui, quelque part, je ne sais pas si c'est lié, mais en tout cas, comme je le disais,
06:17je crois que la pratique artistique, autant littéraire qu'une pratique plastique, vidéo,
06:21c'est un peu porter plein de métiers ou en tout cas faire des enquêtes.
06:25Je crois que la question de la boulémie d'informations, en tout cas de se perdre sur
06:29Internet, ça répond aussi à ça.
06:31C'est qu'en étant artiste, en tout cas en essayant de l'être, je pense que je peux
06:35endosser plein de casquettes juste le temps d'un instant.
06:39La connaissance d'acquérir le bref instant d'un roman.
06:4120 minutes, c'est ma capacité de concentration.
06:45Vous avez aussi été déclenché, il faut le dire, par un prix du Livre Inter, ici,
06:48Hugo Lindberg.
06:49On le salue.
06:50En fin d'année à question, votre angoisse, votre cauchemar, c'est de finir dans une
06:53niche.
06:54Une niche d'esthète.
06:55En tout cas, je crois que pour éviter de finir dans une niche, il y a toujours cette
07:00chose, c'est de savoir que ma mère ou ma famille peut lire le livre et le comprendre.
07:04Et je crois que dans tout ce que je fais, il y a cette question-là d'être le plus
07:07compréhensible et le plus clair.
07:09En faisant ça, je pense que je peux éviter d'être et de finir dans une niche.
07:13Merci.
07:14Avouez à cette dédicace.
07:15A celles et ceux qui font au mieux.
07:17Qui ouvrent ce roman publié très beau aux éditions de l'Olivier.
07:20Après ça, c'est en lice pour l'excellent Privé-Plaire.
07:23Et puis, vous l'adaptez en performance à la Maison de la Poésie à Paris le 18 novembre.
07:27Bonne route Eliott Ruffel.
07:29Merci beaucoup.

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