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Retrouvez Nouvelles têtes présenté par Mathilde Serrell sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes

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00:00 matin dans notre studio, une comédienne qui vient d'avoir son bac et incarne la
00:04 génération climat au cinéma.
00:06 Portrait sonore !
00:07 Fermez les yeux, patience !
00:08 Muchenbach, et n'hésitez pas à réagir.
00:11 Si elle était un rêve, ce serait celui de voler.
00:14 Ce rêve dont on dit qu'il déleste d'une réalité trop pesante.
00:19 C'est son rêve récurrent, peut-être aussi son rêve de cette nuit, oui, si elle était
00:25 une chanson.
00:26 * Extrait *
00:46 Ce serait la chanson de Dorothy dans Le magicien d'Oz, le film qui accompagne son enfance
00:51 et lui souffle l'idée que les rêves qu'on ose rêver deviennent réalité.
00:55 * Extrait *
01:11 Si elle était un discours, ce serait les mots d'Oxavier Dolan au Festival de Cannes
01:15 2014.
01:16 Il a 25 ans, vient de remporter le prix du jury pour « Mommy », son quatrième long-métrage,
01:20 et invite toute une génération à le rejoindre.
01:22 Il y a un monde qui doit être changé.
01:25 Elle n'a que 9 ans, mais… Patience !
01:27 * Extrait *
01:29 Pour son premier rôle, c'est aux côtés de Swan Harlow et elle est encore au lycée.
01:33 Aujourd'hui à 18 ans, première inscription à la fac et emploi du temps juste en poche.
01:37 La voilà au centre d'un film événement acide.
01:40 Signé juste Philippot avec Laetitia Doch et Guillaume Canet.
01:43 * Extrait *
01:54 Dans « Acide », elle est Salma, une ado qui voit le cauchemar de ses anxiétés se
01:57 réaliser, tandis qu'elle et ses parents séparés tentent de fuir des pluies assassines.
02:02 Présentée hors compétition à Cannes cette année, le film sort aujourd'hui en salle.
02:06 Et j'ai fait beaucoup de cauchemars, patience !
02:08 Michel Bach, bonjour !
02:09 Bonjour !
02:10 Vous validez ce portrait, est-ce qu'on le prend pour créer votre page Wikipédia ?
02:14 J'ai vérifié, il n'y en a pas encore.
02:15 Oui, moi je le trouve bien, il est très rigolo, j'aime bien.
02:18 Qu'est-ce qui manquerait ?
02:20 Qu'est-ce qui manquerait, je ne sais pas.
02:23 Peut-être un peu plus de choses sur mon enfance, mais je ne vous ai pas raconté.
02:27 D'accord, on en parlera après, on l'intégrera.
02:30 Vous avez présenté ce film à Cannes et vous avez dit « je le prends comme une super
02:35 parenthèse dans ma vie ». C'est toujours une parenthèse ?
02:37 Ça en devient moins une maintenant, vu qu'ils sont en train de sortir.
02:41 En tout cas, après le tournage du film, je suis directement retournée à ma petite
02:45 vie de lycéenne.
02:46 Et j'aime bien aussi la normalité, j'ai tourné cet été, donc j'espère que ça
02:52 deviendra ma normalité d'être comédienne.
02:54 Mais j'essaye de voir ça comme quelque chose de super, mais aussi de profiter d'autres
02:58 choses à côté qui sont plus banales, on va dire.
03:01 Ou qui sont en tout cas de votre vie d'étudiante à la fac.
03:05 Voilà, de 17 ans.
03:06 Vous êtes inscrite en quoi ?
03:07 En psycho.
03:08 On vous verra également dans le prochain film de Baya Kasmi, je signale, c'est en
03:13 2024.
03:14 Vous appartenez à cette génération dont on dit qu'elle lutte contre l'effondrement
03:18 climatique.
03:19 Qu'est-ce que ça fait de tourner dans un film d'horreur climatique ?
03:22 Est-ce que c'est vraiment le cas avec Acide ?
03:24 Qu'est-ce que ça fait ?
03:25 C'est assez impressionnant.
03:26 Ce sont des choses qui ne sont pas forcément faciles à jouer.
03:30 Mais juste, elle m'a très bien accompagnée dans tout ça.
03:33 On a beaucoup travaillé avec tous ses états.
03:34 Moi, je suis très contente de défendre ce personnage et aussi cette génération qui
03:38 est très en colère.
03:39 Parce qu'on ne l'a pas écoutée.
03:40 Maintenant, c'est un petit peu elle qui doit mener ce combat pour les années à venir.
03:44 Mais c'est assez impressionnant de jouer dans un film comme ça.
03:48 Ça a rendu pas mal de travail.
03:49 Mais je suis très contente du résultat.
03:51 Je trouve que le film est choquant.
03:54 Il fait peur et il est super.
03:55 Il donne envie de moins prendre l'avion et de ne pas aller chez H&M, si je résume.
04:00 Vous avez dans cette forme très particulière qu'est le cinéma de genre, l'expression
04:07 de nos enjeux climatiques.
04:08 Est-ce que vous pensez que ça change par rapport à une manif comme impact ?
04:13 Je pense qu'à travers l'art, on peut peut-être plus marquer les gens qu'à travers les manifestations.
04:19 Je pense qu'on retrouve un petit peu peut-être une même violence dans le film de juste que
04:25 dans les manifestations.
04:26 Parce que c'est vraiment très très marquant.
04:28 Ça choque et ça peut un peu traumatiser aussi ce film quand même.
04:31 Mais je trouve qu'à travers l'art, des personnages pour qui on peut ressentir une
04:35 empathie, ça peut peut-être raconter plus de choses qu'une manifestation.
04:40 Mais après, je ne pense pas qu'on peut changer les choses avec juste un film non plus.
04:43 Donc on fait l'un et l'autre.
04:44 Oui, on fait l'un et l'autre.
04:45 Votre personnage de Selma, c'est une ado qui n'est pas spécialement engagée mais qui
04:48 porte une colère, qui comprend avant ses parents ce qui se joue, l'arrivée de pluie
04:52 mortellement acide qui s'abatte sur le nord-est de la France.
04:55 Elle est protégée autant qu'elle tente de protéger.
04:58 Est-ce que vous ressentez aujourd'hui cette double position ?
05:01 D'être protégée et d'avoir à protéger ?
05:04 Par rapport à ma position de jeune femme ?
05:07 Oui, et par rapport au personnage de Selma ?
05:10 Par rapport à ma position de jeune femme, je n'ai pas ce sentiment de devoir protéger
05:14 quelqu'un d'autre.
05:16 Mais c'est vrai que Selma grandit beaucoup au fil du film.
05:19 Et à la fin, c'est elle qui devient un peu adulte et qui prend soin des autres.
05:26 Donc il y a un peu cette double dimension.
05:28 Elle prend conscience de beaucoup de choses à travers du film et elle devient presque
05:32 plus consciente de certaines choses que ses parents.
05:35 Elle crie à un moment "Où on va à son père Guillaume Canet ?"
05:38 C'est assez métaphorique de ce qui peut se passer entre les deux générations.
05:42 C'est un film qui pose aussi une question très politique.
05:44 "Dépasser le conflit entre fin de mois et fin du monde"
05:47 Pour le résumer, à 18 ans, vous êtes en âge de voter.
05:50 Comment est-ce que vous comprenez la colère sociale aussi qui est dans le film ?
05:54 Et cette opposition que porte le père de Selma qui lui dit
05:59 "Non mais moi, tes problèmes de changement climatique, c'est pas ça qui m'intéresse.
06:03 Moi ce qui m'intéresse c'est mon usine qui a fermé."
06:05 Oui, je pense qu'en fait le climat, et on le voit justement dans les pays qui ne sont pas forcément développés,
06:09 c'est pas forcément la priorité.
06:11 Parce qu'il faut pouvoir avoir une situation économique stable pour après pouvoir mettre en place
06:16 une trajectoire décarbonée, des choses comme ça.
06:18 Donc c'est vrai que les gens qui sont dans des situations précaires, ou en tout cas pas très confortables,
06:24 leur priorité, on ne peut pas leur en vouloir, ce n'est pas le climat.
06:27 C'est pour ça que c'est un sujet compliqué, parce que tout le monde ne peut pas vivre une petite vie d'écolo en fait.
06:34 Alors, vous avez un modèle, dans la vie on va finir avec elle, c'est Vima Laponce.
06:38 Actrice et performeuse, elle dit "On ne choisit pas l'époque à laquelle on vit, mais comment on réagit".
06:43 Ça pourrait être votre mantra, passons au Smoosh and Back.
06:46 Oui, c'est vrai, c'est quelqu'un que j'aime beaucoup et j'aime beaucoup sa façon de penser.
06:49 Alors à présent c'est sujet libre.
06:51 Pour conclure cette rencontre, vous êtes venue avec de la lecture.
06:55 Voilà mon visage, ce visage est mon visage.
07:03 Mais je m'esquive derrière Suzanne pour le cacher car je ne suis pas là.
07:07 Je n'ai pas de visage.
07:09 Certaines personnes ont un visage.
07:12 Suzanne et Junior ont un visage.
07:15 Elles sont là.
07:16 Leur monde est le monde réel.
07:18 Les choses qu'elles soulèvent ont un poids.
07:21 Elles disent oui, elles disent non.
07:23 Mais moi je change et je varie constamment.
07:27 Il suffit d'un coup d'œil pour me percer à jour.
07:30 Quand une femme de chambre les voit, elle ne se met pas à rire, mais la bonne me rayonne.
07:37 Elles savent ce qu'elles doivent dire quand on leur parle.
07:40 Elles rient vraiment.
07:42 Elles se mettent vraiment en colère.
07:44 Alors que moi, j'observe d'abord les réactions des gens et je les reproduis.
07:50 Elles ont des amis auprès de qui elles peuvent s'asseoir.
07:55 Elles ont des choses à dire en privé.
07:57 Moi je n'ai que des noms et des visages, que je conserve comme des amulettes pour me protéger du danger.
08:03 Ces personnes sans nom, ces figures immaculées, je les imagine en train de m'observer derrière un buisson.
08:10 Et je saute aussi haut que je peux pour susciter leur admiration.
08:14 Je les émerveille la nuit, dans mon lit.
08:18 Souvent je meurs criblée de flèches pour les faire pleurer.
08:23 Voilà pourquoi j'étais le miroir.
08:26 Ils me montrent mon vrai visage.
08:28 Quand je suis seule, je me tiens au bord du gouffre, à la frontière du monde.
08:38 Je pousse discrètement sur mon talon, de peur de tomber dans le néant.
08:46 - Virginie Wulf, Les Vagues 1931. Merci Patience Muchenbach, vous êtes à l'administration d'Acid.