Théo Askolovitch - Nouvelles têtes

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Retrouvez Nouvelles têtes présenté par Mathilde Serrell sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes

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Transcription
00:00 Il est 9h50, place aux nouvelles têtes, Mathilde Serrel, ce matin un comédien et metteur en
00:05 scène qui n'a pas fini de faire parler de lui, sauf dans les revues de presse de son
00:10 père peut-être.
00:11 Théo Ascolovitch est dans notre studio Portrait sonore !
00:15 *toc toc toc*
00:18 - Ciel, mon mari ! - Bonsoir chéri, tu n'as pas l'air heureuse de me voir !
00:22 - Si, mais je ne m'attendais pas à être heureux si tôt !
00:26 Si on lui avait dit qu'il allait faire du théâtre plus tard, franchement il l'aurait
00:30 mal pris ! La quasi-totalité des thèses qu'il a vues au collège et au lycée aurait dû
00:34 le dissuader de poursuivre dans cette voie, sans compter sa vraie passion.
00:38 *Tournée rentrant, il est bien frappé au premier poteau, et vite !*
00:41 *Cri d'union à Abarthès contre l'Italie !*
00:44 *Ouais, non ! L'un des champions du monde !*
00:46 *Mathuidi et Mbappé !*
00:49 *On l'emporte !*
00:51 *C'est fini ! L'Allemagne est qualifiée, la France sort de cette Coupe du Monde de Brésil !*
00:56 *Lui, c'est pas le rugby ! Il vit foot ! Respire foot ! Dort foot !*
01:01 *Peut-être plus encore ! Je sais pas ! C'est de famille en tout cas !*
01:04 *Son premier trauma, il a 11 ans, la défaite de la France en finale de la Coupe du Monde face à l'Italie !*
01:09 *Viendront après d'autres traumas, ceux qui vous rattrapent par le maillot !*
01:13 *Y a des surprises comme ça dans la vie, des nouvelles que tu voudrais changer, mais c'est trop tard !*
01:17 *Ca s'appelle la fatalité ! Les enfants, maman est morte ! Vous avez un cancer !*
01:23 Dans 66 jours, son premier seul en scène, il a pu raconter ce cancer.
01:27 Combattu à 22 ans pendant la Coupe du Monde de 2018, il triomphe de la maladie, comme les bleus de la Croatie.
01:33 Il esquisse aussi dans ce spectacle cette autre fatalité.
01:36 La mort de sa mère, survenue quand il avait 14 ans, ce premier jour du reste de sa vie.
01:41 *Mais tout peut changer aujourd'hui !*
01:46 *Et le premier jour du reste de ta vie !*
01:52 *Le confidentiel !*
01:55 C'est ce deuil qu'il précipite dans le théâtre où son père l'a inscrit.
01:59 C'est ce théâtre qui lui permet aujourd'hui de faire le récit de ce deuil.
02:03 Sans qu'aucun des jeunes dans la salle ne décroche et je peux en témoigner.
02:07 Ils étaient assis à côté de moi, Zoé et maintenant les vivants.
02:11 C'est presque tous les soirs au théâtre ouvert à Paris.
02:13 Théo Askelovitch, bonjour !
02:14 Bonjour !
02:15 C'est vrai, vous pensez aux jeunes qui sont installés dans la salle.
02:18 Vous vous pensez à vous lorsque vous alliez voir du théâtre et vous faites tout pour qu'ils ne s'ennuient pas.
02:23 Oui, carrément. Je suis trop content de voir des classes, des scolaires venir au théâtre
02:27 et pouvoir s'identifier un peu à mes personnages, à moi, à mes comédiens quand on joue.
02:32 Et je me dis que peut-être ça leur donnera envie d'aller voir d'autres spectacles
02:36 et de ramener d'autres publics au théâtre.
02:38 Dans le langage du théâtre, il y a ce truc qu'on appelle le quatrième mur.
02:41 C'est le rapport avec le public. Vous l'avez carrément atomisé.
02:44 Vous allez sur scène, vous vous insallez dans la salle, vous repartez.
02:46 Il y a même une comédienne qui arrive mal.
02:48 Elle est déguisée en mariée mais ce n'est pas le moment.
02:50 Mais elle repart en coulisses.
02:52 Ah bon, excusez-moi.
02:53 Enfin, tout est conçu.
02:55 On n'est pas dans un jeu avec les codes théâtreux.
02:58 On n'est pas dans un jeu esthétique. On est dans un plaisir.
03:00 C'est ça que vous vouliez transmettre ?
03:02 Oui, dans les spectacles que je fais, pour l'instant, on l'explose complètement, le quatrième mur.
03:06 On s'adresse aux spectateurs de manière directe, dans les yeux.
03:11 J'ai l'impression que c'est un moyen pour moi d'exprimer plus facilement ce que j'ai envie de dire.
03:17 Et puis d'attraper les gens plus facilement.
03:19 Et dans Zoé, et maintenant les vivants, on s'amuse de ça.
03:22 De cette grande répétition ouverte, toute blanche.
03:26 On peut tout écrire, tout recommencer, se tromper, etc.
03:29 Et c'est un peu jouissif de voir des comédiens se tromper, de voir un peu les coulisses, etc.
03:33 J'imagine pour les gens.
03:35 Du coup, ils sont avec nous. Parfois, les petits se permettent de parler.
03:38 Je me dis qu'on a réussi.
03:39 Vous avez réussi votre pari.
03:41 Ce n'est pas facile d'aller voir le fils d'un collègue en spectacle.
03:44 Vous imaginez si ce n'est pas bien.
03:46 Il se trouve que vous, vous êtes ultra doué.
03:48 Ce n'est pas ce moment qu'il le dit.
03:49 Les critiques, comme pour le premier spectacle, sont déjà très positives.
03:52 On rit, on pleure du début à la fin.
03:54 Et autour de ces vivants, le père, la fille, le frère, qui se souviennent de la mort de votre mère.
03:59 Vous avez écrit cette pièce.
04:02 C'est une sorte de ressort dramaturgique en soi.
04:04 D'être d'accord sur un récit, sur une mémoire commune au sein d'une famille.
04:09 Je ne sais pas si on est d'accord.
04:12 On a voulu travailler autour du prisme.
04:14 Vous discrétiez beaucoup.
04:15 C'est déjà un ressort d'action.
04:17 C'est la reconstruction d'un souvenir.
04:19 En plus de mon propre souvenir, j'ai essayé de théâtraliser un peu le tout.
04:25 J'ai travaillé avec des comédiens que j'admire beaucoup.
04:28 Deux comédiens qui jouent mon père et ma soeur.
04:31 Et la comédienne que j'avais vue dans pas mal de films, Marie-Louise Sius, m'a aussi aidé à écrire.
04:37 A changer un peu la réalité.
04:40 J'ai écrit aussi pour leur voix, par rapport à leurs histoires, etc.
04:43 Pour essayer de rendre le truc le moins nombriliste possible.
04:47 C'est une expérience de deuil.
04:50 Et aussi dans une famille juive qui va faire la shiva.
04:53 Notamment votre personnage, je ne sais pas si c'est vrai dans la vie, qui ne se la fait pendant deux semaines.
04:57 On lui explique que c'était seulement une, normalement.
04:59 Mais bon, il a tenu vraiment à le faire bien.
05:02 Ce deuil, c'est aussi quelque chose qui peut réparer, aujourd'hui, ceux qui vont vous voir ?
05:07 Je ne sais pas.
05:08 Ça faudrait leur demander.
05:09 En tout cas, moi, je crois que ça m'a fait du bien de l'écrire, ce spectacle.
05:14 Vous ne pouviez pas avancer dans votre vie de comédien, vous projeter, sans l'écrire ?
05:18 Si, je pense que j'aurais pu.
05:20 Après, à partir du moment où j'ai décidé d'écrire des spectacles, j'ai essayé de...
05:26 Moi, ce que j'aime chez les artistes, en tout cas que je lis ou que j'écoute,
05:30 c'est quand ils se racontent le plus sincèrement possible.
05:33 J'ai l'impression que c'est le meilleur moyen de raconter les autres, sans mentir, sans tricher.
05:37 Alors j'avais envie de passer par là, quitte à écrire des trucs plus fictionnels derrière.
05:41 D'ailleurs, votre père vous a donné un conseil très important pour le premier spectacle.
05:45 Il vous a inspiré de l'Odyssée d'Homère.
05:47 Vous vous êtes dit "Non mais arrête, on me le parle de foot".
05:49 Je lui ai dit, quand j'écrivais sur "66 jours", sur ma maladie et tout, que j'ai eu...
05:54 J'avais eu peur de faire un truc très nombriliste, et j'avais envie de trouver un moyen d'accrocher les gens.
06:00 Donc j'ai pensé à l'Odyssée pour faire un parallèle.
06:03 J'ai parlé à mon père, il m'a dit "Mais tu l'as lu ?" et je lui ai dit "Mais non, je ne l'ai pas lu".
06:06 Il m'a dit "Mais alors parle de toi".
06:08 Et puis j'ai pensé que le truc qui m'avait le plus animé à ce moment-là, c'était la Coupe du Monde.
06:12 J'ai maté le documentaire "Deuxième étoile".
06:14 Et tout ce que les joueurs disaient, le coach disait sur le truc de la compétition, etc.
06:19 Ça m'a rappelé plein de trucs que j'imaginais pendant ma maladie.
06:22 Du coup, je me suis dit que le parallèle était évident.
06:24 - Et vous vous souvenez de ce qui vous a réconcilié avec le théâtre ?
06:27 - Ouais, carrément.
06:31 Alors, plein de trucs.
06:33 Déjà, le plaisir de jouer.
06:35 Les rencontres que j'ai faites, les artistes avec qui j'ai travaillé.
06:38 Des spectacles que j'ai vus.
06:41 J'ai découvert à un moment que le théâtre, c'était un peu comme la musique.
06:45 Qu'il y avait plein de styles de théâtre et qu'il fallait juste trouver le sien.
06:50 Au début, j'avais un fantasme des perruques.
06:53 On parle bizarre, etc.
06:56 - C'est pas forcément chiant.
06:58 - C'est pas forcément chiant.
06:59 Mais même ces trucs avec des perruques, je ne trouve pas ça si chiant.
07:02 Il y a des spectacles que j'ai vus.
07:05 - Cyril Test, notamment.
07:07 Un amateur jusqu'au temps temporel.
07:09 Qui joue avec la vidéo aussi.
07:10 - Son rapport à la vidéo, il est assez impressionnant esthétiquement.
07:13 C'est fou.
07:14 - On va vous voir, il faut le dire, bientôt dans la nouvelle série d'Éric Rochon.
07:18 "Le Bureau des légendes", meilleure série française.
07:20 Ce sera sur Disney+.
07:21 Vous êtes aux côtés de Virginie Effira.
07:23 Et aussi dans la nouvelle création du créateur de "Baron noir", Eric Benzécrit.
07:27 Vous allez y faire quoi, Théo Ascolovitch ?
07:29 - C'est des petites choses.
07:31 Mais dans "Tout va bien", je conduis Virginie Effira.
07:37 Et dans "La fièvre", je fais partie d'un bureau de lutte anticolonialiste, etc.
07:45 - Qu'est-ce que vous dites à Théo Ascolovitch de dans 10 ans ?
07:48 - Je lui dis "J'espère que tu vas bien, que t'es heureux, que ta famille va bien,
07:55 et que tu continues à t'amuser".
07:57 - Merci Théo Ascolovitch.
07:59 C'est absolument extraordinaire.
08:01 Je vous conseille d'y aller au Théâtre Ouvert,
08:03 Centre National des Dramaturgies Contemporaines à Paris, jusqu'au 21 octobre.
08:07 Et puis l'autre spectacle est aussi en tournée.

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