• l’année dernière
Retrouvez Nouvelles têtes présenté par Mathilde Serrell sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Nouvelle tête Mathilde, ce matin une tête chercheuse ! L'espoir européen de l'intelligence
00:05 artificielle, Arthur Mensch est dans notre studio Portrait sonore.
00:10 S'il était un tube lui, ce serait ce fleuron d'électro française.
00:15 Comme les Daft Punk en 2000, il incarna à son tour la fameuse French Touch, version
00:19 beaucoup plus tech que techno.
00:20 S'il était un champ, ce serait celui des machines.
00:26 Famille de scientifiques qu'il baigne dans la programmation informatique et les calculs
00:30 depuis qu'il est né, en 1992.
00:33 Je crois que dans le processus de la découverte, il y a beaucoup de levées d'inhibition et
00:38 de mise en rapport de deux ou trois faisceaux d'idées qui autrefois étaient restés séparés.
00:44 Pour faire avancer les mathématiques, il est nécessaire d'être mentalement très
00:48 audacieux et par conséquent mentalement très jeune.
00:50 Jeunesse, audace, pensée décloisonnée, cette définition de la recherche en mathématiques
00:55 lui fie parfaitement.
00:56 Elle est signée Laurent Schwartz, premier des nombreux Français récompensés par la
01:00 médaille Fields, le prix Nobel de mathématiques.
01:03 L'anneau doit être détruit.
01:04 Il faut l'emporter dans les profondeurs du Mordor et le jeter dans l'abîme flamboyante
01:10 où il est apparu autrefois.
01:11 L'un de vous doit le faire.
01:15 S'il était un film, ce serait Le Seigneur des Anneaux, une référence pour toute sa
01:18 génération et un mythe moderne qui raconte le mal que peuvent engendrer certains trésors.
01:23 A 30 ans, diplômé de Polytechnique et Télécom Paris, il a levé plus de 100 millions d'euros
01:28 avec ses associés pour créer une vraie alternative française à Tchad GPT.
01:32 C'est chose faite avec Mistral 7B.
01:34 Bonjour Arthur Mench !
01:35 Bonjour !
01:36 Félicitations ! Comment va le bébé ?
01:38 Le bébé, le Mistral 7B, c'est notre premier modèle.
01:41 Il est assez performant et les gens l'aiment bien pour le moment.
01:46 Il fait déjà beaucoup de choses.
01:48 Il arrive à résumer du texte, on peut répondre à des questions sur les documents avec.
01:52 C'est notre première étape dans le grand parcours qu'on s'est donné et qui est sur
01:59 notre chemin.
02:00 Alors, un ajout, une correction, une soustraction après ce portrait ?
02:02 Non, je pense que c'est très vrai.
02:05 Le Mordor, c'est les Américains.
02:07 Le Mordor, c'est les Américains.
02:08 Donc attention, il faut le jeter ?
02:10 Il faut le jeter ? Non, je pense qu'il y a quand même un grand apport qui a été
02:15 fait par les entreprises américaines dans le sujet de l'intelligence artificielle.
02:19 Aujourd'hui, ce qui est bien, c'est qu'on a une révolution.
02:22 Et comme à chaque révolution technologique, il y a beaucoup d'opportunités.
02:26 Et il y a une énorme opportunité pour des acteurs européens comme nous de se positionner
02:31 et de s'emparer de la technologie pour ne plus la subir.
02:33 Alors, le président Macron vous avait accompagné à VivaTech, notre festival de Cannes de la
02:38 Tech.
02:39 Il vous a passé un coup de fil pour vous féliciter après la naissance de Mistral 7B ?
02:42 Non, pas encore, on l'attend toujours.
02:44 D'accord, bon, c'est peut-être qu'il vous écoute.
02:46 Il y a 7 milliards de paramètres dans ce modèle de tchat GPT à la française qui
02:51 surpassent les performances du meilleur modèle à ce jour, qui en a 13 milliards.
02:55 Il y a donc moins de paramètres et on est plus performant.
02:57 J'ai besoin d'une explication.
02:59 Alors, c'est très simple.
03:00 En fait, il faut voir les modèles de langage.
03:02 Ce sont des choses que nous, on fait, qui est un peu notre spécialité à Mistral,
03:06 comme des compressions de la connaissance.
03:08 Donc, c'est de la mémoire, c'est des octets sur un disque.
03:12 Et une des choses qui est difficile à faire, c'est de compresser le plus de connaissances
03:18 possibles dans le moins d'espace possible.
03:20 Et donc, c'est ce que nous, on a fait.
03:22 On s'est dit, notre objectif, c'est d'avoir 7 milliards de paramètres, donc c'est 7 milliards
03:25 de chiffres en fait.
03:26 Et on a essayé de mettre le plus possible la connaissance dans ces 7 milliards de chiffres.
03:30 Pourquoi ça a un intérêt ? Parce qu'en fait, au moment où on prend le modèle et
03:33 on veut qu'il restitue sa connaissance, sa taille, c'est aussi l'empreinte machine
03:38 qu'il va avoir.
03:39 Plus il est grand, plus on a besoin de machines pour le servir.
03:41 Et plus il est petit, moins on a besoin de machines.
03:44 Et donc, moi, ça coûte cher.
03:46 Donc nous, beaucoup de stockage dans des petites machines.
03:48 Et c'est là où on tire notre épingle du jeu.
03:49 Il y a 3 ans, vous étiez chez Google DeepMind.
03:52 Vous vous êtes associé avec deux anciens de chez Meta, ex-Facebook, pour créer votre
03:55 boîte Mistral.
03:56 L'idée, c'est de ne pas dépendre technologiquement des sociétés américaines.
04:00 Mais qu'est-ce qui nous arriverait sinon ? Si on ne fait pas ça ?
04:03 Si on ne fait pas ça, je pense qu'il y a un sujet de dépendance culturelle assez
04:06 forte.
04:07 Une chose intéressante à faire, par exemple, c'est de demander à Chad Gpt qui a inventé
04:11 l'aviation.
04:12 Chad Gpt va répondre les frères Wright.
04:14 Les frères Wright, c'est ce que les américains répondent quand on demande qui a inventé
04:18 l'aviation.
04:19 Mais si vous demandez à un français, il va plutôt dire Clément Hebert.
04:21 Donc voilà, c'est dans ce contexte-là que le fait d'avoir la main sur la technologie
04:26 et de la concevoir soi-même, c'est aussi une manière d'imposer ses biais et ses orientations
04:33 culturelles.
04:34 Il y a une histoire de style éditorial qui est aujourd'hui imposée par les modèles
04:38 en boîte noire américaine et que nous, on cherche à libérer en fournissant des modèles
04:42 en boîte blanche.
04:43 Vous parlez de modèle en boîte blanche, modèle en boîte noire avec cette idée aussi
04:46 que c'est un modèle ouvert, boîte blanche, parce que c'est en open source.
04:50 Est-ce que vous pouvez nous expliquer en quoi ça change tout ?
04:52 Alors ça change tout parce que nous, les modèles qu'on fait, on les met à disposition
04:56 du public et ils peuvent s'en emparer et ils peuvent ensuite faire les modifications
04:59 nécessaires, les subtiles modifications qui permettent d'injecter un style éditorial
05:03 ou un certain type de tâche que le développeur d'application cherche à résoudre.
05:09 Ce qui n'est pas possible avec des boîtes noires.
05:13 Qui sont verrouillées et donc il y a aussi une sorte d'esprit un peu qui fait peur
05:19 avec OpenAI, avec des déclarations "attention l'intelligence artificielle va amener le
05:23 monde à sa perte" mais en même temps on ne vous donne pas accès aux modèles pour
05:27 les comprendre.
05:28 On parle effectivement beaucoup des risques d'intelligence artificielle, je pense qu'il
05:30 est important de revenir plutôt, avant de parler des risques, on peut en reparler, sur
05:36 les bénéfices que ça peut apporter.
05:37 C'est une révolution qui va améliorer l'éducation, qui va améliorer la recherche
05:41 scientifique aussi, donc c'est important à garder en tête.
05:44 En matière de risque, le discours aujourd'hui est un petit peu hystérisé, en particulier
05:50 sur les risques existentiels.
05:52 Nous on pense que c'est en fait pas une réalité, on pense que c'est plutôt un territoire
05:57 d'opportunité et de progrès qu'un territoire de risque.
06:01 Et on pense que le débat aujourd'hui n'est pas vraiment de bonne foi sur ces questions-là.
06:04 Il y a aussi en même temps une question qui est celle de la France dans ce combat-là,
06:09 ou cette bataille de l'intelligence artificielle.
06:11 Est-ce que, alors qu'on était considérés comme des cancres en mathématiques dans tous
06:14 les classements de l'Union Européenne pour le niveau des maths au collège, est-ce qu'on
06:17 a une chance dans cette bataille ?
06:19 Alors, je pense que l'éducation française a quand même comme avantage et force de former
06:27 des très bons mathématiciens, des très bons informaticiens.
06:29 C'est un atout dans ce qu'on fait, parce qu'il faut être très rigoureux pour entraîner
06:34 des modèles correctement.
06:35 On entraîne le modèle, on regarde si ça s'est bien passé, on fait les modifications.
06:38 C'est de la science expérimentale avec des ordinateurs, et c'est là-dedans où on est
06:43 très fort.
06:44 C'est regrettable aujourd'hui qu'en France on fasse moins de mathématiques qu'avant.
06:47 Je pense qu'à fur et à mesure que la révolution de l'intelligence artificielle se déroule,
06:53 il faut monter en compétence sur ces sujets-là, et ce, pour tous les étudiants.
06:59 Bon, il y a quand même beaucoup de médaillés Fields chez les Français, je le rappelle.
07:03 Je ne sais pas si les bookmakers s'en ont pas, mais en tout cas, on en a souvent.
07:06 Dernière question, vous faites quoi le lundi d'habitude à 9h57 comme entrepreneur de la
07:12 tech Arthur Mench ?
07:13 À 9h57, c'est l'heure où toute l'équipe se rassemble dans ce qu'on appelle des syncs.
07:18 Il y a quatre groupes.
07:19 Il y a le groupe qui fait les données, le groupe qui entraîne les modèles, le groupe
07:21 qui spécialise les modèles, le groupe qui les déploie, et puis le groupe qui les vend.
07:24 Moi, mon rôle, c'est de m'intégrer au groupe qui en a le plus besoin chaque semaine,
07:32 suivant les priorités des semaines.
07:34 Ces priorités changent un peu tout le temps.
07:36 Et ce matin, vous vous intégrez à nous parce qu'on en a le plus besoin.
07:41 On est les faibles, il faut nous expliquer en détail.
07:45 Vous pensez qu'un jour, les journalistes seront remplacés par l'intelligence artificielle ?
07:48 Ah non, je pense qu'il faut vraiment voir l'intelligence artificielle comme un outil,
07:51 une espèce de stylo intelligent qui va améliorer le travail des journalistes et leur travail
07:56 de recherche documentaire en particulier.
07:58 Mais le remplacement de l'intelligence, c'est difficile.
08:01 C'est l'accélérateur de créativité d'après Arthur Mench.
08:04 Merci encore.
08:05 Je rappelle qu'avec vos associés de la Société Misral, vous avez créé cette alternative
08:08 française à Tchad GPT.