Retrouvez Nouvelles têtes présenté par Mathilde Serrell sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes
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00:00 Les nouvelles d'être avec vous, Mathilde Serrell, ce matin une narratrice du réel,
00:05 Pauline Guenna est dans notre studio, portrait sonore.
00:09 Ici on ne vend que de petits objets de forme rectangulaire que l'on appelle livres.
00:14 Je connais bien les livres, j'en ai 186 à la maison.
00:18 Tu ne t'es jamais pris pour le capitaine Nemo, pris au piège dans ton sous-marin alors que la pieuvre géante t'attaquait.
00:28 Mais c'est pour ça que je les aime mes livres.
00:32 Comme Bastien, le héros de l'histoire sans fin, elle aussi s'est réfugiée dans ces objets rectangulaires qu'on appelle les livres.
00:40 Elle sèche même l'école pour dévorer des histoires à la maison, quitte le lycée en première, passe son bac en candidat libre.
00:47 Après une expérience dans l'édition auprès de l'agent Marc Lévy, elle se met elle-même à publier.
00:54 Son premier roman remarqué en 2004 lui ouvre une carrière parallèle de ghostwriter.
00:59 Elle écrit pour une mère qui a rejoint son fils dans la nuit de Daesh, pour une témoin clé de l'affaire Grégory, souvent pour des destins de femme.
01:07 *Klaxon*
01:10 Et c'est lorsqu'elle décide de partir en famille et en camping-car, à la rencontre de ses écrivains américains préférés, qu'elle fait une entrevue décisive.
01:20 *Musique*
01:32 Georges Pélékanos, romancier et co-scénariste de la série culte The Wire, lui conseille de brancher un tuyau sur la réalité pour écrire ses romans.
01:44 La voilà plongée dans le quotidien d'une brigade criminelle, ce qui donnera le livre 18.3, puis le film La nuit du 12 et ses 7 Césars.
01:52 Le César de la meilleure adaptation est attribué à Gilles Marchand et Dominique Molle.
01:58 On voulait évidemment remercier Pauline Guéna, qui a écrit ce livre passionnant, 18.3, Une année à la PG. Merci beaucoup.
02:07 Meilleur film, meilleure adaptation, entre autres, La nuit du 12 de Dominique Molle fait connaître le nom de celle qu'on présente alors comme une autrice journaliste.
02:17 Avec son dernier roman, elle confirme surtout sa place de nouvelle reine du polar. Pauline Guéna, bonjour.
02:23 Bonjour.
02:24 Et d'abord, une explication. Entre roman noir et polar, est-ce que vous faites une différence ? Si oui, laquelle ?
02:30 Oui, je crois qu'il y a une grosse différence. Le polar va reposer sur l'enquête, l'enquête policière, un suspense, etc.
02:38 Tandis que le roman noir, c'est autre chose. C'est peut-être une réflexion littéraire sur la violence.
02:45 Et on est davantage avec les personnages, pas forcément policiers, en général pas policiers, que dans une enquête traditionnelle.
02:52 Le roman noir, c'est James Ellroy, par exemple.
02:54 Oui, par exemple.
02:55 Vous avez 47 ans aujourd'hui, dont 30 ans d'écriture rémunérée, je peux dire ça comme ça ?
02:59 Oui, on peut dire ça.
03:00 Depuis cette expérience à la PG de Versailles, vous avez le sentiment d'avoir une nouvelle vie d'autrice, Pauline Guéna ?
03:06 J'ai eu l'impression de prendre un peu un tournant et de trouver une façon de commencer à travailler d'une manière qui me correspondait mieux.
03:17 Est-ce que c'est tout à fait une nouvelle vie ? Je ne sais pas. Pas complètement.
03:23 La rencontre avec un maestro du thriller réaliste, le co-scénariste de la série The Wire, Georges Pellécanos, a débouché sur cette immersion dans La Brigade Criminelle.
03:33 Qu'est-ce qu'elle a changé quand même, cette expérience ? Est-ce que vous l'avez remercié, Pellécanos, pour ce bon conseil ?
03:38 Oui, je l'ai remercié. Je lui ai envoyé le livre. Il m'a dit que c'était dommage parce qu'il ne parlait pas un mot de français,
03:43 mais qu'il ne pourrait jamais lire ce qu'il m'avait raconté.
03:45 Ça va être traduit, j'espère.
03:46 J'aimerais bien.
03:47 Les écrivains qu'on a rencontrés, certains posaient beaucoup de questions sur nous, notre projet, etc.
03:54 Vous, c'est vous, votre mari, vos quatre enfants, dans un camping-car, sur la route, à la rencontre de tous vos écrivains préférés.
04:01 Je crois que c'est Jim Henson qui vous donne rendez-vous à 14h l'année prochaine quand vous voulez.
04:08 Et puis, il meurt. Avant 14h l'année prochaine, malheureusement.
04:13 Et Georges Pellécanos, lui, il m'a posé des questions. Je lui ai parlé des livres que j'avais écrits.
04:18 Il m'a dit que ce n'était pas du tout comme ça qu'il fallait faire.
04:21 J'ai besoin, comme vous l'avez dit tout à l'heure, de me brancher sur la réalité pour m'en nourrir.
04:26 Il m'a dit de rentrer à Paris et de traîner dans les tribunaux, d'écouter les gens parler, de suivre des affaires,
04:34 de rencontrer des flics, des voyous, etc.
04:36 Je ne connaissais ni flics ni voyous, mais j'en ai cherché et j'en ai trouvé un sacré paquet.
04:43 La nuit du 12 était inspirée d'un féminicide non résolu.
04:46 Reine, que vous publiez chez De Noël, est inspirée de la dernière scène de crime sur laquelle vous vous êtes rendue.
04:52 Pourquoi est-ce qu'elle vous a hontée ? Qu'est-ce qu'il y avait ?
04:55 Parce qu'elle était muette. Et d'une façon générale, j'ai eu l'impression avec 18/3 d'avoir exploré tout ce que l'écriture du réel pouvait donner.
05:05 Et ça reste muet parce que les témoins se taisent, parce que les morts ne parlent pas,
05:11 parce qu'une enquête policière aussi minutieuse soit-elle ne peut pas exprimer la raison profonde de la violence humaine.
05:21 Et donc je me suis tournée vers la fiction pour essayer de trouver un chemin vers cette question de la violence.
05:28 Un tueur à gages qui tue pour une fois par amour.
05:31 Un journaliste fait divers en manque de reconnaissance.
05:34 Une femme reflète de la cruauté des hommes.
05:36 Une enquête, une cavale, le tout dans une langue aussi poétique que précise.
05:40 Sous la peau brûlante de Marco, le tueur à gages, les morts s'agitent et suppurent de ses plaies comme s'ils voulaient sortir.
05:47 Voilà pour les jalons de ce roman.
05:49 Reine, donc chez De Noël, il faut y ajouter ceci qui est profondément important pour moi, je l'ai relevé, les odeurs.
05:54 Pourquoi c'est si important pour vous dans votre écriture Pauline Guenard de relever, de préciser quelle est l'odeur de la scène ?
06:01 Je ne sais pas pourquoi l'odeur mais c'est-à-dire l'écriture c'est une espèce de magie ou une alchimie qui permet de transmettre une sensation très forte
06:12 qui est dans la tête de quelqu'un à la tête de quelqu'un d'autre à travers des petits signes sur une page.
06:18 Et donc l'odeur ça en fait partie, ça fait partie de cette réalité qu'on essaye de creuser, d'exprimer et de transmettre.
06:26 L'odeur, le son, le tout, la précision, c'est important dans cette catégorie aussi du roman noir dans votre écriture.
06:33 Et bien sûr la société, l'époque. Le personnage du journaliste c'est Léan.
06:38 Il doit son nom à une technique de management qui a fini par avoir la peau de son père.
06:42 Comment vous avez eu cette idée ?
06:44 Léan, c'est un transfuge de classe, il vient d'un milieu très populaire et il pense vivre une grande ascension professionnelle et sociale
06:59 qui va s'avérer être une déception.
07:03 Et ça, l'idée que son père, cette ironie atroce, que son père l'ait nommé de quelque chose qu'il admirait et qui va finir par avoir sa peau,
07:12 ça me semblait une ironie intéressante pour son dessin.
07:16 Et ce n'est pas la seule des ironies dans ce roman où le boss de Léan aussi, il a un mug "Best dad ever".
07:23 C'était juste avant son burn-out en fait.
07:25 Vous croiserez aussi des biocops qui sont appris prohibitifs et une ville qui est clivée, comme tout ce qu'on entend souvent à la radio.
07:32 Dans votre roman Pauline Guéna, bravo !
07:34 Vous avez aussi été scénariste sur En Thérapie, saison 1, vous écrivez les passages rédacatifs.
07:39 Magnifique ce policier de la BRI.
07:42 Bonne route à vous, c'était trop court, c'est chez De Noël !