La députée de Loire-Atlantique qui accuse le sénateur Joël Guerriau de l'avoir droguée à son insu répond aux questions de RTL Matin.
Regardez Le débat du 09 janvier 2024 avec Yves Calvi.
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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 7h-9h, RTL Matin.
00:06 Il est 8h21, bonjour Sandrine Jossot.
00:09 Merci beaucoup de prendre la parole ce matin sur RTL, vous êtes député modem de Loire-Atlantique.
00:13 C'était donc à la mi-novembre, vous avez porté plainte contre le sénateur Joël Guerriot.
00:17 Vous l'accusez de vous avoir drogué à votre insu pour abuser de vous lors d'une soirée à son domicile parisien.
00:22 L'enquête est toujours en cours, je le rappelle, mais Joël Guerriot a été mis en examen pour administration d'une substance
00:27 afin de commettre un viol ou une agression sexuelle.
00:30 D'abord Sandrine Jossot, comment allez-vous presque deux mois après ?
00:34 Bonjour Yves Calvi.
00:35 Écoutez, je vais de mieux en mieux, c'est encore assez difficile sur le plan du stress post-traumatique.
00:43 Mais je suis confiante sur l'avenir.
00:47 Vous avez fait votre retour à l'Assemblée Nationale le 19 décembre dernier.
00:50 C'est un mi-temps thérapeutique, en tout cas c'était un mi-temps thérapeutique.
00:54 C'était impossible avant ?
00:57 C'est vrai que je vais revenir précisément le 16 janvier dans l'hémicycle.
01:03 Avant j'avais trop de choses qui faisaient que j'étais bloquée pour vraiment arriver à tout faire au niveau de mes activités
01:10 parce que ce que j'ai vécu est très éprouvant et d'ailleurs j'ai une pensée pour toutes les victimes.
01:17 Je ne savais pas ce que c'était moi le stress post-traumatique.
01:20 Et c'est vraiment un enfer.
01:22 C'est-à-dire ?
01:24 C'est-à-dire que par exemple aujourd'hui, si je suis dans une situation en public, en représentation,
01:30 j'ai des moments où j'ai l'impression d'être dans la jungle.
01:34 J'ai tous les symptômes que j'ai vécu dans cette soirée qui reviennent.
01:37 Le palpitant qui s'accélère, parfois aussi des nausées qui reviennent.
01:44 Et c'est très particulier, par exemple dans le métro je vais très bien me comporter
01:48 mais quand je suis avec des personnes qui me regardent ou qui ont envie de me parler,
01:53 là je me méfie. En fait c'est la relation à l'autre qui a été abîmée.
01:57 Qui est brisée ?
01:59 Oui.
02:00 Le simple regard de quelqu'un peut vous mettre mal à l'aise physiquement et moralement ?
02:04 Oui.
02:05 Donc je me raisonne, je trouve des stratégies, je demande à ce qu'on m'accompagne
02:11 quand je sais que je vais être en public.
02:14 Je vais y arriver petit à petit et je travaille avec une psychologue
02:18 pour faire en sorte que je puisse être désensibilisée.
02:21 Mais pour l'instant, comme c'est un peu trop récent, je n'arrive pas encore à passer ce cap là.
02:28 Mais ça viendra.
02:29 J'ai cru mourir, avez-vous dit, quelques jours après les fêtes.
02:32 Vous diriez encore la même chose aujourd'hui ?
02:34 Vous avez cru mourir ce jour-là ?
02:36 Oui absolument. Pour deux raisons.
02:39 Déjà, je suis arrivée chez ce sénateur qui était un ami depuis dix ans.
02:45 Je suis arrivée le cœur léger et au fur et à mesure de la soirée,
02:48 je l'ai découvert en agresseur.
02:50 J'avais les symptômes qui commençaient à agir, les symptômes de cette drogue qui est le GHB.
02:57 Au fur et à mesure du temps, j'avais le cœur qui battait très vite.
03:00 Je pensais faire une crise cardiaque.
03:02 En même temps, j'avais aussi cet homme qui était en train de vouloir tout simplement
03:09 faire quelque chose que je ne voulais pas, c'est-à-dire me soumettre à ce qu'il souhaitait.
03:13 Dès que j'ai compris tout ça, dès que j'ai vu que j'étais dans une situation
03:17 où il voulait me mettre sous emprise, j'ai réussi à m'échapper.
03:20 Mais je pense que c'était à cinq minutes près.
03:22 Depuis le 15 novembre, avez-vous eu le moindre contact avec lui ?
03:25 Ah non, jamais.
03:27 Le lendemain, il m'a appelée plusieurs fois parce qu'il a dû se demander
03:36 comment j'étais retournée chez moi.
03:39 Il semblait être inquiet, il m'a appelée plusieurs fois,
03:42 mais je ne répondais pas parce que j'étais déjà en train de porter plainte.
03:45 Mais depuis, il n'a pas le droit de s'approcher de moi.
03:48 Est-ce que vous saviez qu'il se droguait, et en tout cas qu'il était dépendant ?
03:52 Ah non, je ne connaissais pas du tout ça chez lui.
03:56 Je n'avais aucune information sur le sujet.
03:59 Vous avez décidé de devenir marraine de l'association
04:02 "Ne m'endort pas stop à la soumission chimique".
04:05 Quel est votre objectif ?
04:07 Est-ce que vous comprenez que cette notion de soumission chimique,
04:10 quand on n'a pas été concerné, est quelque chose qui peut paraître...
04:13 tellement lointain de...
04:16 Vous en êtes la preuve.
04:18 Vous ne pouviez même pas imaginer vous retrouver dans une situation pareille.
04:21 Absolument. C'est quelque chose que je ne connaissais pas,
04:24 que beaucoup de Français ne connaissent pas.
04:26 Parce que la soumission chimique ne se résume pas
04:29 qu'à la drogue qu'on peut mettre dans un verre,
04:32 dans une boîte de nuit ou dans un bar.
04:35 La soumission chimique, c'est aussi le détournement du médicament.
04:38 Ce qu'on a par exemple dans notre pharmacie,
04:41 c'est qu'on a détourné un antalgique, un antihistaminique.
04:44 Et ça, c'est assez terrible.
04:46 C'est pour ça que je souhaite vraiment qu'on avance sur le sujet.
04:49 Parce qu'aujourd'hui, tout ce qui peut
04:52 concerner les victimes,
04:55 tout notre système judiciaire ne protège pas les victimes.
04:58 Ce qu'on vous a dit à l'hôpital Lariboisière est absolument incroyable.
05:01 Expliquez-nous.
05:03 A Lariboisière, j'étais sidérée par ce qui m'arrivait,
05:06 sous influence de la drogue encore, mais j'étais toujours dans cette
05:09 idée de comprendre ce qui m'était arrivé.
05:12 J'ai posé des questions au médecin, il m'a dit "Mais madame,
05:15 là il faut vraiment vous réveiller, mais nous, des gens comme vous,
05:18 c'est trois par jour."
05:21 Et là, j'ai découvert un phénomène de masse.
05:24 Vous avez eu des contacts avec d'autres femmes qui ont été dans cette situation depuis ?
05:27 Énormément de victimes,
05:30 d'hommes, de femmes,
05:33 quel que soit le secteur, ça peut être des victimes
05:36 qui ont eu des mauvaises expériences sur leur lieu de travail,
05:39 ça peut être dans la sphère familiale, très souvent
05:42 dans la sphère familiale, un homme, une femme
05:45 victime, ça peut être aussi une personne
05:48 âgée, ça peut être aussi des enfants qui
05:51 malheureusement ont été empoisonnés par leurs parents
05:54 à des fins d'inceste.
05:56 2000 signalements en 2022 pour la région parisienne.
05:59 Qu'est-ce que ça nous dit ce chiffre ?
06:01 On ignore complètement un phénomène de société ?
06:04 Oui, il y a ça, et puis il faut aussi
06:07 mieux répertorier tout ça, parce que
06:10 énormément de victimes ne veulent pas porter plainte
06:13 pour plein de raisons. Déjà, c'est une course contre la montre,
06:16 il faut aller très très vite. Et c'est vrai que si
06:19 on n'a pas les bons réflexes, on attend
06:22 pour porter plainte, et c'est trop tard. Et après, il faut aussi
06:25 tomber sur la bonne personne qui va bien vous écouter
06:28 et être aussi accompagnée d'une personne qui vous croit, parce que
06:31 souvent, on peut vous remettre aussi en doute ce que vous dites.
06:34 Vous êtes députée, vous souhaitez mettre en place une mission parlementaire
06:37 sur le sujet. Il faut changer la loi, il faut changer les mentalités.
06:40 Qu'est-ce qu'il faut faire ? Il faut certainement faire
06:43 beaucoup de choses. J'en saurai plus au bout de ma mission.
06:46 Je prendrai la parole, comme je vous le disais, le 15...
06:49 le mardi 16 janvier dans l'hémicycle pour
06:52 justement confirmer tout ça.
06:55 Et moi, ce que je souhaite, c'est bien évidemment faire de la prévention,
06:58 qu'on soit beaucoup plus sensibilisés
07:01 et puis que les victimes puissent être mieux entendues
07:04 et qu'on puisse mieux les accompagner, parce que
07:07 vivre ça, c'est vraiment... ça fait des ravages.
07:10 Il faut une nouvelle loi ? Il faut une nouvelle loi ? Je ne sais pas
07:13 ce qu'il faudra exactement. Peut-être que ce sera une loi,
07:16 peut-être que ce sera des mesures. Je crois qu'il y a
07:19 plusieurs points à étudier de près. C'est pour ça
07:22 que j'ai commencé déjà à m'atteler là-dessus. C'est pour ça aussi
07:25 que je suis devenue la marraine de cette association "M'endors pas"
07:28 et que je continuerai à me mobiliser
07:31 sur ce sujet avec tout ce qui est
07:34 en mon pouvoir.
07:37 était avec nous.
07:39 [SILENCE]