Guillaume Ancel, ancien officier, chroniqueur et auteur du blog "Ne pas subir" est l'invité d'Yves Calvi.
Regardez Le débat du 04 janvier 2024 avec Yves Calvi.
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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 7h-9h, RTL matin, avec Yves Calvi.
00:06 Il est 8h22, bonjour Guillaume Ancel.
00:10 Bonjour.
00:10 Vous êtes ancien officier de l'armée française, je renvoie par ailleurs à votre blog "Ne pas subir".
00:14 L'actualité reste brûlante au Proche-Orient. Hier soir, le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah a prévenu que son organisation se battrait
00:20 sans limites et sans règles si Israël déclarait la guerre au Liban. Que signifient ces menaces ? Et surtout,
00:26 24 heures après l'élimination du numéro 2 du Hamas palestinien près de Beyrouth, que dire de cette opération ?
00:31 En fait, le fait que le chef du Hezbollah
00:35 n'annonce pas qu'il rentre en guerre contre Israël montre bien qu'il reste d'une extrême prudence, mais aussi que l'Iran n'a pas demandé
00:43 que la guerre soit régionalisée, car en réalité c'est l'Iran qui dirige le Hezbollah.
00:49 Et donc on voit bien que d'une part l'Iran est dissuadé par la présence américaine et que d'autre part
00:55 l'élimination du numéro 2 du Hamas dans une enclave qui est réputée être sous la protection du Hezbollah, donc tout proche de Beyrouth,
01:03 certes, peut être comprise comme une provocation, mais pas suffisante pour que les Iraniens osent
01:09 rentrer en guerre directement contre Israël.
01:12 Est-ce que c'est un aveu de faiblesse pour ceux que vous venez de citer ? Aussi bien l'état iranien que pour ses ennemis, j'allais vous dire, historiques.
01:19 Bien sûr, et je pense que c'est l'élément essentiel de l'élimination du numéro 2 du Hamas.
01:24 Ça ne va pas décapiter ce mouvement terroriste, mais par contre ça montre bien aux dirigeants du Hamas que, où qu'ils soient,
01:30 les Israéliens seront capables d'aller les chercher, comme ils avaient fait après l'attentat de Munich.
01:34 Par conséquent, il n'y a plus d'impunité
01:36 pour les chefs du Hamas, qui pour l'instant étaient plutôt au Qatar ou à l'étranger, et dont on se disait "on fait la guerre sur la
01:42 bande de Gaza", mais eux, totale impunité. Donc vous nous dites que du point de vue israélien, ce qui vient de se passer
01:47 conforte la puissance militaire d'Israël ?
01:53 La puissance antiterroriste. C'est une vraie opération antiterroriste,
01:57 qui tranche avec l'opération militaire sur Gaza, qui est une véritable dévastation. C'est un carnage ce que fait l'armée israélienne
02:05 à la demande du gouvernement Netanyahou sur Gaza, alors que l'opération à Beyrouth, c'est un vrai succès. C'est-à-dire qu'on vise un vrai chef du Hamas,
02:13 on l'élimine proprement, il y a six morts. C'est exactement le local où il était qui a été touché. Il n'y a aucune victime
02:21 collatérale. Est-ce qu'une opération au Qatar israélienne est imaginable ? Bien sûr, pas aujourd'hui, parce que
02:27 ce serait mettre à mal la capacité de discussion avec le Hamas. Donc il faut garder le numéro un, mais par contre le numéro un, c'est
02:35 très bien que, à un moment ou un autre,
02:37 Israël viendra l'éliminer, exactement comme ils ont fait pour le numéro deux. Aujourd'hui, il n'y a plus de dirigeants du Hamas
02:42 qui peuvent croire que, parce qu'ils sont à un endroit ou un autre, ils seront à l'abri de la revanche
02:48 légitime d'Israël sur ce sujet. Et ça, c'est une très belle opération
02:52 antiterroriste, parce qu'encore une fois, elle est ciblée et elle fait peur aux membres du Hamas. Alors on va tourner une page, justement. Je renvoie
02:59 évidemment à votre blog "Ne pas subir", et votre dernier article s'intitule "Ces deux guerres qui nous mettent en danger et qu'il nous faudra
03:05 régler". Vous faites référence, bien entendu, au Proche-Orient et à la guerre menée par la Russie en Ukraine.
03:12 Ça fait beaucoup, quand même, à porter. Ces deux conflits nous menacent directement ?
03:15 Oui, ils nous menacent directement. Et surtout, il y a un personnage clé dont on ne parle pas assez dans la guerre au Proche-Orient, c'est
03:21 Poutine. Car il y a deux gagnants aujourd'hui, deux bénéficiaires de la guerre
03:26 trop violente qu'a menée
03:29 Israël, ou plutôt le gouvernement Netanyahou, contre la bande de Gaza. C'est le Hamas
03:32 qui se nourrit de cette violence, et dont je rappelle que le Hamas n'est pas une armée, mais un mouvement terroriste. On ne combat pas
03:38 un mouvement terroriste avec des bombes de 250 kilos. Et l'autre bénéficiaire de cette guerre, c'est Vladimir Poutine,
03:44 qui était devenu un paria sur la scène internationale, et qui début octobre
03:49 était sur le point de perdre la guerre en Ukraine.
03:51 Quand est-ce que se déclenche la guerre au Proche-Orient ? Juste au moment où le front aurait pu basculer. Qui est le principal
03:57 bénéficiaire de cette guerre ? Vladimir Poutine.
03:59 Mais c'est un concours de circonstances !
04:00 Non, ce n'est pas un concours de circonstances. Il y a un an, son ministre des Affaires étrangères rencontrait les chefs du Hamas.
04:05 On se doutait bien que ce n'était pas pour obtenir des munitions d'artillerie.
04:08 Mais vous nous dites quoi, que Poutine est derrière l'opération du 7 octobre ?
04:10 En tout cas, il a joué un rôle derrière l'opération du 7 octobre.
04:13 C'est sans doute lui qui a convaincu l'Iran et le Hamas de lancer cette opération.
04:17 Je rappelle qu'aujourd'hui, les Israéliens ont les preuves que l'Iran a été impliqué directement dans la préparation de l'opération du 7 octobre.
04:23 Et certains actes du 7 octobre, notamment la capacité du Hamas à
04:28 neutraliser les systèmes de détection et de commandement israéliens, n'étaient pas à leur portée.
04:33 Ça, c'est du niveau russe. On reconnaîtra aussi dans la bestialité de leur attaque les méthodes de Wagner.
04:39 Quels sont les bénéfices pour Poutine ?
04:42 Ils sont extrêmement importants.
04:44 Une mesure de diversion, en fait, que vous nous disiez.
04:46 Une mesure de diversion, d'abord parce que toute l'opinion,
04:48 tous les médias vont se tourner immédiatement vers le Proche-Orient.
04:51 Et on ne va parler quasiment que de ça pendant deux mois.
04:53 Il y a peu de médias comme le vôtre qui ont eu le moment de lucidité de dire "mais attendez, les deux conflits ne sont pas liés".
05:01 Et puis d'autre part, les Américains, dont le soutien militaire est crucial pour l'un comme pour l'autre acteur, Israël comme l'Ukraine,
05:07 a été obligé de concentrer son aide militaire sur Israël.
05:11 Et tout ce qui est envoyé en Israël vient en moins aux Ukrainiens.
05:14 Donc l'idée, c'était en fait d'affaiblir l'Ukraine,
05:17 parce qu'en appuyant d'une quelconque façon en ayant un rôle dans ce qui se passe au Proche-Orient,
05:23 pendant ce temps-là, on ne soutient plus l'Ukraine de la même façon.
05:26 Et nous ne sommes plus mobilisés de la même façon.
05:28 Bien sûr. Et regardez même l'Union Européenne, la manière dont elle s'est progressivement éloignée de l'Ukraine,
05:34 avec le côté un peu désespérant de cette guerre qui va rentrer dans sa troisième année,
05:38 on a l'impression qu'il n'y a pas d'issue.
05:39 Dans très peu de temps, Poutine va proposer un cessez-le-feu en Ukraine.
05:43 Un cessez-le-feu dont il a besoin, pourquoi ?
05:45 Absolument pas pour la paix, parce qu'il a bien l'intention d'envahir l'Ukraine et d'agresser les pays qui sont autour,
05:50 mais pour reconstituer une armée qui a été fragilisée par ces deux ans de guerre.
05:54 Ça veut dire que la Russie est en train de gagner sa guerre en Ukraine ?
05:56 Non, ça veut dire qu'aujourd'hui, elle n'a pas les moyens de la gagner,
05:59 donc elle préférait stopper et bénéficier de la mise qu'elle a déjà,
06:04 elle a envahi 18% de l'Ukraine, et puis avoir le temps nécessaire pour se reconstituer.
06:08 Une glaciation de la situation ?
06:10 Exactement comme en Corée. Ils vont demander une ligne de démarcation,
06:13 mais pendant que les pays européens et américains retourneront à leurs problèmes habituels,
06:18 c'est-à-dire à leur petit sujet de nombrilisme et de prospérité,
06:21 la Russie va mobiliser son économie pour réarmer puissamment son armée,
06:27 alors qu'elle a beaucoup appris de cette guerre, de ses faiblesses,
06:30 elle s'est adaptée d'une manière remarquable.
06:32 Je vous pose la question à l'envers, ça veut dire par ailleurs que l'Ukraine ne peut plus gagner cette guerre ?
06:35 Ça veut dire que l'Ukraine aujourd'hui n'a pas les moyens de percer les défenses russes,
06:40 et qu'il faut que l'Europe sorte de cette illusion qu'elle peut gagner une guerre par procuration.
06:45 Merci beaucoup Guillaume Ancel, nous pouvons vous laisser.
06:47 [SILENCE]