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Anne Fulda reçoit Mathieu Bock-Côté pour son livre «Le Totalitarisme sans le goulag» dans #HDLivres

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Transcription
00:00 Bienvenue à l'heure des livres, Mathieu Bocquete.
00:02 - Bonjour.
00:02 - Bon, les téléspectateurs de CNews vous connaissent, évidemment.
00:05 On connaît l'éditorialiste, le bretter.
00:07 On connaît moins le spécialiste de sociologie politique que vous êtes, l'universitaire,
00:12 qui a écrit déjà de nombreux livres.
00:13 Votre dernier a un titre qui intrigue,
00:16 qui s'appelle "Le totalitarisme sans le goulag", paru aux éditions de la Cité.
00:22 Alors là, je dois dire que c'est vrai qu'on est un peu étonné,
00:25 parce qu'on croyait quand même qu'après 1989, la chute du mur de Berlin,
00:29 le totalitarisme, c'était fini pour le 20e siècle et le 21e.
00:33 Mais non, vous, vous nous expliquez que nous nous fourvoyons. Alors pourquoi?
00:37 - Alors, je crois que la tentation totalitaire, elle est inscrite dans la modernité.
00:40 On pourrait dire que c'est la part sombre de la modernité.
00:43 Donc, c'est une tentation qui repose sur une prétention au monopole,
00:46 d'avoir pour soi le monopole du vrai, du juste et du bien.
00:49 Donc, vous avez pour vous une doctrine qui n'est pas censée améliorer la société,
00:53 mais qui porte la promesse d'une société délivrée du mal.
00:56 On pourrait dire que c'est la reprise des paradis d'autrefois,
00:59 mais le paradis qu'on va réaliser sur Terre.
01:01 On l'appelait au 20e siècle les religions politiques ou les religions séculières.
01:04 Alors, on a vécu effectivement, après la chute du communisme,
01:06 évidemment après l'effondrement du nazisme, on croyait s'être délivré de cette tentation.
01:11 Mais elle est encodée dans la matrice de la modernité et aujourd'hui, elle revient.
01:15 Le paradis qu'on nous promène n'est plus le même.
01:17 C'est le paradis diversitaire, c'est le paradis de la société délivrée du passé,
01:21 le paradis de la société délivrée des vieux héritages toxiques
01:24 qui seraient ceux de notre civilisation.
01:26 Une société qui permet, vous voyez le problème avec toute société fondée sur une doctrine révélée,
01:30 c'est qu'une fois qu'on a la société parfaite devant soi, que fait-on des contradicteurs?
01:34 Au mieux, on les fait taire, on décide de les condamner aux marges sociales.
01:38 Au pire, quelques fois, on va décider de les criminaliser, de les pénaliser.
01:41 Et au pire, pire, mais ça nous n'y sommes pas encore et je ne pense pas qu'on va y arriver,
01:44 c'est l'élimination tout simplement.
01:46 Mais je pense que cette tentation totalitaire, clin d'œil à Revel évidemment,
01:49 se réactive aujourd'hui et il faut être capable de la nommer,
01:52 même si elle essaie heureusement d'élivrer de ces appareils monstrueux
01:56 qui ont caractérisé le totalitarisme au XXe siècle, dont le goulag.
01:59 Alors, quelle forme prend justement ce nouveau totalitarisme,
02:03 cette nouvelle tentation totalitaire, comme vous dites vous-même?
02:06 Vous dites que c'est une manière de désigner ceux qui osent avoir une voix discordante.
02:10 Alors, c'est la réduction de toute forme de désaccord possible aujourd'hui à la catégorie de la haine.
02:16 Vous savez, en URSS, celui qui était en désaccord avec le régime
02:19 n'était pas jugé comme étant en désaccord.
02:21 L'esprit contre-révolutionnaire, pour prendre la formule, c'est une catégorie psychiatrique.
02:25 De la même manière, aujourd'hui, tout désaccord avec la nouvelle étape du progrès
02:29 est assimilé à un discours haineux.
02:31 La haine, on est tous contre ça évidemment, la haine c'est horrible,
02:34 mais ce qu'on voit aujourd'hui, c'est que la notion de haine,
02:36 si on prend la peine de voir comment elle est définie juridiquement,
02:38 comment elle est définie par les grandes plateformes que sont les réseaux sociaux,
02:41 si vous êtes en désaccord avec une revendication minoritaire,
02:44 même les plus extravagantes, vous serez haineux.
02:46 Je donne un exemple qui me semble des plus marquants de ces années-ci.
02:49 Si vous considérez, un peu comme le pensée de l'humanité depuis le jour 1
02:52 jusqu'à il y a environ 2 ou 3 ans, qu'un homme et une femme ne sont pas interchangeables,
02:56 qu'un homme ne peut pas porter d'enfant, par exemple,
02:59 eh bien la mouvance trans-radicale vous accusera de propos haineux.
03:02 Et de telles accusations peuvent être reprises.
03:04 Je donne un exemple français en la matière.
03:06 2022, le planning familial dit « nous, nous savons qu'un homme peut être enceinte »
03:10 ou enceinte, je ne sais pas comment dire,
03:12 polémique publique assez vive.
03:15 Et là, que fait Isabelle de Moire,
03:18 oui, Madame Rhum, qui était alors ministre de l'égalité entre les sexes,
03:21 elle assimile la remise en question de cela à l'extrême droite,
03:24 un propos haineux qu'il faut combattre en toutes circonstances.
03:27 Et nous le savons, les propos haineux, il faut les interdire de plus en plus.
03:30 L'appel est lancé souvent.
03:31 Donc c'est un exemple parmi tant d'autres du monde qui se construit devant nous,
03:34 étape par étape.
03:35 Et je le note, en dans l'ouvrage, je ne décris pas une société une fois pour toutes achevée.
03:39 Je décris un processus qui me semble de plus en plus inquiétant.
03:42 Alors vous venez d'évoquer l'extrême droite et vous dites qu'en fait,
03:45 aujourd'hui est frappée du délit d'extrême droite finalement toute personne
03:48 dont le discours diffère.
03:51 Oui.
03:52 Mais est-ce que c'est vraiment du totalitarisme ?
03:55 Est-ce que ce n'est pas une forme de diabolisation, selon ce terme,
03:58 qu'on a beaucoup utilisé pour un parti ou une forme de sectarisme ?
04:02 C'est vraiment du totalitarisme ?
04:04 Dès lors, c'est la volonté d'interdire l'adversaire,
04:06 transformer l'adversaire en ennemi et l'ennemi en ennemi de l'humanité,
04:09 on est déjà dans une logique totalitaire.
04:11 Or que nous dit-on de ce qu'on appelle l'extrême droite,
04:13 dont les définitions sont si nombreuses qu'il est peut-être impossible d'en choisir une
04:16 qui serait plus convaincante que les autres.
04:18 Enfin, vous connaissez la formule de Malraux qui dit
04:20 « Tout le monde a été, est ou sera gaulliste ».
04:22 Aujourd'hui, on peut dire « Tout le monde a été, est ou sera un jour accusé d'être d'extrême droite ».
04:26 Et qu'est-ce qu'on voit ? Il y a cette idée qui revient en boucle.
04:29 Bon, il ne faut pas discuter avec ces gens-là, il faut les chasser du périmètre de la cité.
04:32 C'est le cordon sanitaire, ça revient en boucle encore comme idée.
04:35 Donc c'est une politique hygiénique, nous ne devons pas côtoyer ces gens.
04:38 À la rigueur, si on était comme je disais avant, la figure que l'on assimilait traditionnellement,
04:42 ce qu'on appelle l'extrême droite, les fascistes et les nazis, ça passe encore.
04:45 Mais puisqu'on voit aujourd'hui qu'à peu près tout le monde peut se retrouver dans cette catégorie,
04:48 Emmanuel Macron, au début de son premier quinquennat,
04:51 a été assimilé quand même globalement à l'univers concentrationnaire par l'Obs.
04:55 On s'en souvient. Fabien Roussel a été doriotisé.
04:58 Jean-Luc Mélenchon a été accusé à sa manière d'être l'extrême droite d'aujourd'hui.
05:01 Et là, vous faites la liste, Zemmour, Le Pen, Wauquiez.
05:04 Donc ce concept aujourd'hui sert à exclure dans la communauté politique
05:08 et de la possibilité même du désaccord, le contradicteur.
05:11 Le problème est double, si je peux me permettre.
05:13 C'est que quand vous avez 45 % de la population d'un pays qui vote pour ça,
05:16 si vous avez une démocratie qui se définit contre la moitié de son peuple, c'est un problème.
05:20 Et pensez à Mme Clinton qui disait à les électeurs de Donald Trump,
05:23 nul besoin d'aimer Donald Trump, qu'il fallait les déprogrammer
05:25 parce qu'ils étaient désormais considérés comme les membres d'une secte.
05:28 C'est quand même étrange en démocratie.
05:30 - Alors juste dernière question très rapidement.
05:32 L'islamisme n'est-il pas aussi un totalitarisme ?
05:34 - Vous avez tout à fait raison. Je le mentionne en toute première page.
05:37 L'islamisme est un totalitarisme absolument abject,
05:39 mais il ne vient pas de l'intérieur de notre civilisation.
05:41 C'est un totalitarisme qu'on sait repérer d'ailleurs.
05:43 Il est de l'extérieur, on sait l'identifier.
05:45 Ce qui m'inquiète étonnamment, c'est le totalitarisme qu'on ne sait pas voir.
05:48 On ne sait pas voir venir.
05:49 L'État islamique, il n'y avait pas de doute.
05:50 L'Ahmad, il n'y a pas de doute.
05:51 Mais le totalitarisme qui vient et qui est souriant,
05:53 lui, il faut peut-être le regarder avec plus d'attention.
05:56 - En tout cas, je suis obligée de vous interrompre,
05:59 mais je vous conseille de dire, donc,
06:01 le totalitarisme sans le goulag,
06:03 c'est un livre qui est paru aux éditions de La Cité.
06:05 Merci beaucoup Mathieu Bocquete d'être venu nous en parler.
06:07 - Merci Philippe.
06:08 (Générique)
06:11 ---
06:12 [SILENCE]

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