Anne Fulda reçoit Gilles Martin-Chauffier pour son livre «Clause de conscience» dans #HDLivres
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00:00Bienvenue à l'heure des livres, Gilles-Martin Chauffier.
00:02Bonjour.
00:03Alors, vous connaissez, vous êtes journaliste, chroniqueur,
00:06vous avez déjà écrit plusieurs romans.
00:08Et là, vous venez de publier Clause de conscience,
00:11un livre qui est paru chez Grasset.
00:12Et c'est un vrai délice de lecture.
00:15Alors, c'est cruel à souhait, c'est féroce.
00:18On s'amuse entre la fable sociale grinçante et le roman à clé.
00:22Alors, en vous lisant, on se dit que vous avez dû bien vous amuser.
00:26Et on a l'impression que c'est comme si...
00:27Est-ce que c'est vrai ?
00:28Est-ce comme si vous lâchiez vos coups ?
00:29Est-ce que...
00:31Non, parce que, oui, d'une certaine manière, dans les romans,
00:34si on n'est pas sincère dans un roman,
00:36c'est pas à peine d'écrire un roman.
00:37Donc, j'ai dit tout ce que j'avais envie de dire.
00:39En même temps, c'est un roman qui est...
00:42C'est pas un roman nostalgique, mais c'est un roman sur un journal,
00:44sur la presse écrite, sur une presse qui est en train de disparaître,
00:47sur une presse qui est hiérarchique d'informations.
00:50C'est une presse assez sérieuse, une presse...
00:54On cherche pas à alimenter en permanence, en grains, la basse cour médiatique.
00:59Donc, c'est un grand journal à l'ancienne.
01:02Donc, il y a toute une nostalgie sur le grand journal à l'ancienne.
01:04Et puis, en même temps, il y a aussi...
01:07J'avais pas l'intention de faire...
01:09C'est un peu Illusion perdue, mais dans Illusion perdue,
01:13Balzac fait pas un...
01:14C'est un essai sur la presse, d'une certaine manière,
01:16mais en même temps, c'est l'histoire d'amour
01:19de Lucien Le Rubin, après, un peu un gigolo,
01:22qui va de Madame de Bargeton à Coralie, de Coralie à Madame Despard.
01:26Et donc, moi, j'ai voulu faire un peu la même chose.
01:28À la fois, c'est un portrait de la fonctionnement
01:30de la presse hebdomadaire française,
01:33avec des coups que je raconte,
01:35deux, trois coups amusants que je raconte.
01:37Et en même temps, c'est à travers les yeux, une histoire d'amour.
01:40Alors, effectivement, vous comparez tout de suite à Balzac,
01:42on se dit, il n'hésite pas.
01:43Mais c'est vrai.
01:44Mais est-ce que ça a beaucoup changé, finalement,
01:47en dehors de la façon, dans les modalités ?
01:50Mais il y a des continuités, finalement.
01:53Qu'est-ce qui reste ?
01:54Quels sont les constants ?
01:57Ce qui a changé par rapport à Balzac,
02:00dans Balzac, à l'époque, la presse est complètement pourrie,
02:02complètement achetée, etc.
02:03Son fond ne l'est plus du tout là.
02:05Mais ce qui est amusant, c'est que la presse fait toujours des coups.
02:08Et là, je raconte plusieurs coups, comment...
02:12Finalement, la presse, elle demande qu'à fermer les yeux,
02:14si on le lui demande poliment.
02:16Et en même temps, elle va les rouvrir au moment où elle n'attend pas.
02:18Et donc, c'est la façon dont on raconte comment...
02:20Là, en l'occurrence, c'est un journal de photos,
02:23comment ils ont beaucoup de photos,
02:24puis ils ne les passent pas toutes.
02:25Mais ils font savoir qu'ils n'ont pas toutes passées.
02:27Et ça déclenche des rapports de pouvoir, de chantage.
02:31Alors, le héros ou anti-héros de ce livre
02:34est un journaliste qui est journaliste depuis près de 30 ans,
02:36dans un magazine qui s'appelle Scoop,
02:37qui ressemble beaucoup à Paris Match,
02:40qui vous ressemble aussi pas mal.
02:43C'est quelqu'un qui aime la Bretagne aussi, l'île aux moines.
02:47Alors, est-ce que...
02:49Alors, ce qui est très intéressant, par exemple,
02:50vous décrivez un personnage,
02:52un vrai personnage de roman,
02:54que vous appelez Coco Contexte,
02:56grande pitié des agences photo parisiennes,
02:58mi-journaliste, mi-sorcière, écrivez-vous,
03:01qui demande au héros de pondre un article
03:04sur une jeune comédienne qui est,
03:06soi-disant, la nouvelle Adjani.
03:08Et le journaliste aura un petit coup de cœur
03:11pour cette journaliste.
03:12Mais déjà, cette Coco Contexte,
03:15ceux qui connaissent ont reconnu Mimi Marchand,
03:19qui est à la tête d'une agence photo et qui...
03:22Vous voulez que Mimi Marchand soit un des modèles,
03:24mais il n'y a pas qu'elle.
03:25Non, j'en cite plusieurs, d'ailleurs,
03:27qui étaient les attachés de presse et les portes-paroles
03:30des grands patrons, des ministres, etc.
03:32Il n'y a pas que Mimi Marchand.
03:34Non, ce n'est pas la seule.
03:35Au début, il y a un personnage qui le ressemble quand même.
03:38Dans un roman, il ne peut pas y avoir 25 personnages.
03:41Donc, pour que ce soit compréhensible,
03:42il faut qu'un personnage résume tous les autres.
03:44Donc, j'ai fait...
03:45Il y a beaucoup de Mimi Marchand, mais il n'y a pas qu'elle.
03:47Non, il n'y a pas qu'elle.
03:49Enfin, celle-ci, en tout cas, ce personnage de Coco Contexte,
03:52une punaise qui vendrait du sable aux Saoudiens,
03:55la mégère passée par la casse-prison
03:56pour terminer comme chez elle à l'Elysée.
03:58Il y a quelques ressemblances.
04:01Alors, ce qui est intéressant, c'est que vous racontez aussi,
04:03il y a cette histoire d'amour qui n'aboutit pas vraiment,
04:07avec cette starlette inculte, mais intelligente.
04:12Elle n'est pas si inculte que ça.
04:15Surtout, elle est très intelligente, très provocatrice,
04:17très maligne et très calculatrice.
04:21Moi, ce qui m'intéressait, et d'ailleurs, dans tous mes romans,
04:25tous les personnages féminins sont toujours les plus forts,
04:28c'est à m'amuser qu'aujourd'hui, en pleine crise Me Too en France,
04:34il y a un roman avec une fille qui est un peu manipulatrice.
04:37L'histoire d'amour en France n'a pas commencé avec Me Too.
04:40Emma Bovary, c'est elle qui rend Charles Bovary triste.
04:44Thérèse Esquerroux, c'est elle qui essaie d'empoisonner Bertrand Esquerroux.
04:47Manon Lescaut, c'est elle qui se vend
04:50et qui envoie des grillés en prison.
04:52Les femmes sont fortes.
04:53Dans ce roman, le journaliste a l'air d'être en situation de puissance.
04:56On s'aperçoit qu'il est complètement manipulé
04:59par cette jeune starlette et cette jeune actrice.
05:00Et ça, ça m'amusait beaucoup.
05:04Je ne voulais pas faire un essai ennuyé sur la presse.
05:07Je voulais montrer des cas précis de manipulation.
05:09Mais pour que ce soit amusant à lire, il fallait qu'il y ait ce personnage.
05:13Mais tout ça est très plausible.
05:15Il y a des personnages qui ressemblent.
05:18Il y a aussi quelque chose qui est très plausible.
05:20C'est l'ambiance que vous racontez au sein du magazine,
05:24qui est sur le point d'être rachetée par quelqu'un,
05:28un corsaire à l'éternel sourire de Playboy,
05:33sourire carnassier aux lèvres.
05:35C'est quelqu'un qui ressemble beaucoup à Vincent Bolloré.
05:38Et alors là, vous décrivez, c'est ça qui est très intéressant,
05:40c'est les comportements des uns et des autres,
05:42c'est-à-dire ceux qui jouent les valeureux.
05:45Ce qui est amusant dans l'affaire.
05:46Il y a une comédie humaine assez commune finalement.
05:49Une comédie humaine qui est assez extraordinaire.
05:51C'est que Vincent Bolloré, il y a en France des dizaines de journaux,
05:55des dizaines de radios, des dizaines de télévisions.
05:57Je veux dire, il peut en acheter deux ou trois.
05:59Ça ne met en rien une démocratie en danger.
06:01Et soudain, quand il apparaît, des gens qui ont été toutes servis,
06:04qui ont vécu en hôte de frais, qui ont été des petits journalistes,
06:06popotes, pépères, se prennent pour Jean Moulin
06:09et commencent à dire défense de la démocratie.
06:10Alors ça, c'est le genre de choses qui m'exaspère.
06:12Evidemment, je m'en moque beaucoup dans le livre.
06:17C'est un peu ma façon d'écrire et d'être ironique de toute façon.
06:22Donc, les gens qui poussent des cris d'orfraie, en général,
06:26tombent sur un os avec moi.
06:27Oui, toujours.
06:29Alors bon, au passage, vous verrez, je vous conseille vraiment de lire
06:34parce qu'il y a toute une lecture amusée, ironique.
06:39Je reviens quand même sur le terme un peu cruel d'une certaine société,
06:43des people, de certains politiques.
06:46C'est pas moi qui suis cruel, c'est l'époque.
06:47Non, c'est votre regard.
06:50Et donc, je vous conseille de le lire.
06:52Ça s'appelle donc Clause de conscience et c'est paru chez Grasset.
06:55Merci beaucoup, Gilles-Martin Chauffier.
06:56Merci.