• l’année dernière
De Broadway à la télévision en passant par le cinéma, Ellen Burstyn a incarné des femmes fortes et désenchantées, drôles et spontanées. Explorons les motifs thématiques et gestuels de cette
actrice formée à l’Actors Studio, où elle a aussi enseigné et qu’elle a dirigé.

Cours de cinéma par par Hélène Valmary (maîtresse de conférences en études cinématographiques).

Cours de cinéma dans le cadre de la thématique Acteurs, Actrices & Avatars.
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Transcription
00:00:00 [ Applaudissements ]
00:00:09 - Merci beaucoup Pauline de m'avoir invitée à donner cette conférence.
00:00:12 Merci d'avance à Pascal et Quentin qui œuvrent à l'enregistrement et au bon déroulement de tout ça.
00:00:17 Et merci à vous d'avoir bravé la pluie un vendredi à l'heure de l'apéro pour venir entendre parler de Hélène Burstein
00:00:23 qui était considérée par un de ses enseignants, Bruce Dern, à l'actor studio de Los Angeles
00:00:29 comme une des cinq grandes actrices de son époque avec Geraldine Page, Kim Stanley, Maureen Stapleton et Julie Harris.
00:00:38 Alors Hélène Burstein, vous ne le savez peut-être pas, mais elle ne s'est pas toujours appelée Hélène Burstein.
00:00:42 Elle a même eu plusieurs noms parfois en même temps. C'est ce qu'elle raconte dans son autobiographie.
00:00:48 Alors sauf mention contraire, dès que vous aurez des citations en Italie, qu'elles seront issues de cette autobiographie.
00:00:54 Voilà ce qu'elle dit. Même si je suis née Edna Ray Gillilly, quand j'ai commencé à écrire, le premier nom que j'ai écrit c'était Edna Francie Moore.
00:01:03 Ma mère s'appelait Mrs. Schwartz, donc dans son cercle de relations, j'étais connue comme Edna Schwartz, mais je ne m'appelais jamais comme ça.
00:01:10 Donc j'avais déjà trois noms avant de quitter ma maison. Et en plus, j'avais aussi mon surnom qui était Toots.
00:01:16 Quand je dansais dans un chœur, je me faisais appeler Kerri Flynn. J'ai aussi fait un screen test sous le nom de Erika Dean.
00:01:23 Mon nom de mannequin c'était Edna Ray. Bon, visiblement, tous ces changements de noms étaient symptomatiques d'un processus plus profond qui était en cours.
00:01:32 Je me cherchais une identité, pas simplement un nom. Maintenant que j'ai trouvé mon chemin à Broadway, il m'a semblé que peut-être j'étais vraiment une actrice.
00:01:44 Ce n'était pas simplement un fantasme, ce n'était plus uniquement un fantasme. C'était un rêve devenu réalité. Tout à coup, je voulais mon nom à moi.
00:01:52 Et en effet, c'est lorsqu'elle obtient son premier rôle à Broadway dans une pièce qui s'intitule Fair Game et qui sera un succès à sa sortie en 1947 qu'on lui dit que ça ne va pas être possible.
00:02:01 Edna Ray Gillooly, on va lui rironner, ce n'est pas un nom d'actrice. Donc Edna se transforme en Helen et son Ray devient Mac Ray lors d'une soirée de brainstorming avec un créateur de cartoon des années 50.
00:02:15 C'est en 1964 qu'elle va prendre le nom de Helen Bernstein, du nom de jeune fille de la famille de son beau-père, alors de son troisième beau-père parce qu'elle a eu plusieurs maris, qui était d'origine polonaise.
00:02:27 Elle aura aussi encore un autre nom qui lui sera donné un peu plus tard dans la quête spirituelle qu'il anime et dans laquelle elle va suivre le responsable de l'ordre soufiste de l'Ouest américain qui s'appelle Pierre Villayet-Cannes
00:02:41 et qui va lui donner le nom de Hadia, qui veut dire "she who is guided", celle qui est guidée et qui pourra devenir Hadi, le guide.
00:02:51 On pourrait aussi ajouter à tous ces noms qui gravitent autour d'elle, entre lesquels se dessine sa personnalité à la fois de femme et d'actrice, la manière aussi dont elle a pu être confondue,
00:03:02 dont elle a pu être en rivalité à de nombreuses reprises avec l'actrice Anne Bancroft, que vous connaissez peut-être de The Miracle Worker, d'Arthur Penn ou du L'Oréa.
00:03:13 Elle a failli jouer la mère dans L'Exorciste, c'était le choix de William Friedkin, se jouer entre les deux.
00:03:20 Elle a failli jouer Alice dans Alice Doesn't Live Here Anymore. Il y a d'autres exemples aussi dans sa carrière.
00:03:26 Et puis, Hélène Burstein, dans une adaptation au théâtre de The Miracle Worker, a repris le rôle de Anne Bancroft.
00:03:33 Donc encore un exemple de toutes ces identités qui gravitent autour d'elle, pour dire que ce n'est pas tant pour Hélène Burstein ou chez elle la question d'une seule identité
00:03:42 qui serait la sienne et qu'il faudrait figer dans un nom qui lui correspondrait, qui traverse cette biographie, que cette croyance qui est la sienne, cette certitude,
00:03:53 qu'on est plusieurs et qu'il faut apprendre à regarder et à vivre avec toutes ces identités, toutes ces entités qui nous habitent.
00:04:02 Ces différentes identités, ces différentes versions d'elles-mêmes qui traversent son histoire et qui parfois cohabitent à un même moment,
00:04:10 cette quête ou cette réflexion sur qui elle est, on a souvent l'impression, quand on la lit et quand on compare le récit de sa vie avec ses films,
00:04:19 qu'elle les explore à travers sa filmographie. Alors bien sûr, on peut penser à ce moment dans The Ambassador de Jack Lee Thompson, au tout début du film,
00:04:27 où son amant, qui a l'air d'être son amant régulier, lui demande "En fait, t'es qui ? Je ne sais même pas quel est ton nom".
00:04:34 Et on retrouve différents exemples dans sa filmographie et on retrouve d'une certaine manière ce mélange à la fois d'unité et en même temps d'exploration
00:04:44 des multiples identités qui l'habitent dans son personnage de Doris dans Same Time Next Year, un film de Robert Mulligan de 1978,
00:04:52 qui est l'adaptation cinématographique d'une pièce qu'elle a jouée pendant trois ans à Broadway.
00:04:57 Et ce film raconte l'histoire d'un homme et d'une femme, mariés mais pas ensemble, qui, une fois par an, pendant 25 ans,
00:05:05 se retrouvent dans ce petit motel, dans cette petite campagne où ils se sont rencontrés un peu par hasard au début du film.
00:05:13 Et donc dans ce film, tous les cinq ans, ils se retrouvent, ils s'aiment, tout en faisant le point avec l'autre sur l'évolution de leur vie professionnelle et familiale.
00:05:24 Et donc on la retrouve tous les cinq ans avec des identités un peu différentes et parfois qui surprennent un petit peu cet amant.
00:05:31 On la découvre femme mariée qui vient faire une retraite chez des religieuses.
00:05:35 On la retrouve un peu plus tard hippie, femme enceinte, femme d'affaires et plus tard grand-mère.
00:05:44 Tout cela cohabitant avec cette impression à la fois de toujours la même et en même temps toujours un peu différente.
00:05:50 Et c'est vraiment fascinant quand on lit son autobiographie qui s'appelle Lessons in Becoming Myself, c'est bien ça dont il s'agit pour elle,
00:05:58 de voir comment la vie de ses personnages rencontre la sienne, comment elle se nourrit de sa propre vie, de sa propre histoire,
00:06:05 dans toutes ses dimensions à la fois tragiques mais parfois aussi drôles, pour habiter et construire certains de ses rôles.
00:06:12 Je ne suis pas sûre qu'il y ait beaucoup d'acteurs et d'actrices qui ont poussé, qui ont porté à ce degré-là d'imbrication, de confusion et d'influence réciproque
00:06:22 la relation entre leur vie privée et leur vie professionnelle.
00:06:26 Parfois c'est elle qui le raconte, parfois on s'en rend compte en faisant les liens par soi-même.
00:06:31 De nombreux personnages dont certaines scènes de la vie sont nourries de moments précis de l'histoire d'Hélène Bernstein
00:06:38 ou partagent avec elle un certain nombre de convictions.
00:06:41 Là où c'est le plus flagrant c'est avec le personnage d'Alice dans Alice Doesn't Live Here Anymore mais pas uniquement.
00:06:48 Par exemple, peut-être de manière plus anecdotique, son personnage de Doris dans Same Time Next Year,
00:06:54 on découvre que son personnage n'a jamais été diplômé du lycée.
00:06:59 Or c'est quelque chose qui est vrai aussi pour Hélène Bernstein qui raconte qu'on lui avait demandé un jour d'animer avec Jérôme Robbins,
00:07:07 le chorégraphe de West Side Story, une cérémonie de remise de diplôme à des lycéens.
00:07:11 Et puis on lui avait dit "Jérôme Robbins, il n'a jamais été diplômé, est-ce que tu ne voudrais pas lui faire la surprise de lui donner un diplôme à titre un peu honorifique ?"
00:07:19 Elle avait dit "Moi non plus, je ne suis pas diplômée" et on lui avait dit "Tu en vins aussi" et donc il s'était remis l'un à l'autre ce diplôme-là.
00:07:26 Donc on a ce petit corrélation entre les deux.
00:07:30 On peut penser aussi à son personnage dans Resurrection qui est un film qu'elle a vraiment porté, je vous en reparlerai plus tard,
00:07:36 mais qui s'appelle Edna May, là où elle s'appelait Edna Ray.
00:07:40 Et puis dans Alice n'est plus ici, lorsqu'elle raconte la manière dont, après avoir quitté sa maison,
00:07:51 elle erre de boutique en boutique à Dallas pour trouver une place de mannequin,
00:07:58 ou quand elle raconte comment à ce moment-là, une fois, elle s'est énervée contre un vendeur
00:08:02 qui lui faisait essayer beaucoup plus que de raison un ensemble de petites nuisettes.
00:08:06 On peut évidemment penser au personnage d'Alice qui va de bar en bar essayer de trouver un job de chanteuse
00:08:15 et qui rembarre un des propriétaires qui lui demande de se retourner en lui disant "Non mais j'ai pas besoin que je me retourne,
00:08:20 c'est pas avec mon cul que je chante".
00:08:22 Ou alors cette autre scène où elle arrive devant ce propriétaire et qui va lui trouver un piano et lui donner un travail
00:08:34 et devant lequel elle éclate en sanglots parce que ça fait des minutes et des minutes pour nous,
00:08:38 mais pour elle une journée entière qu'avec ses beaux talons qu'elle s'était achetés,
00:08:41 elle va de bar en bar et elle se fait un peu éjecter par tout le monde.
00:08:49 De même dans Alice n'est plus ici, quand elle raconte à Christopher Son son nouvel amoureux,
00:08:55 que c'est avec son frère devant le facteur Son toujours deux fois avec Lana Turner,
00:09:00 qu'elle a découvert qu'en fait pour embrasser il ne fallait pas garder les lèvres fermées mais les ouvrir.
00:09:06 C'est exactement le même récit qu'elle fait dans son autobiographie de comment son frère et elle,
00:09:12 qui étaient persuadés tous les deux qu'il ne fallait pas entrouver les lèvres,
00:09:16 se sont regardées un peu interloquées devant ce film en se disant "En fait on avait tout faux, c'est pas comme ça qu'il faut faire".
00:09:22 Là aussi dans Alice, qui est un film qui s'est construit sur un grand nombre d'improvisations entre les acteurs,
00:09:28 elle vient chercher chez elle dans sa vie la matière de son personnage.
00:09:34 Enfin, dernier exemple, elle raconte dans son autobiographie comment elle a raccroché le téléphone
00:09:40 après que sa mère pour la première fois lui ait dit qu'elle était fière d'elle
00:09:46 et elle a dit à la cuisine et au silence dans la cuisine qui l'entourait "Ah ben voilà, c'était pas si difficile".
00:09:53 Or, cette manière de parler dans le vide, de parler à des gens qui ne sont pas là, c'est quelque chose qu'on retrouve aussi
00:09:59 à de nombreuses reprises dans ces films. On en verra tout à l'heure un exemple dans Requiem for a Dream.
00:10:05 Alors, c'est pas passionnant dans la vie de chercher de traquer les endroits des films de Helen Burstein
00:10:13 qui sont en relation directe avec sa vie, mais il y a vraiment quelque chose là qui raconte déjà sa méthode
00:10:21 de travail qu'elle va développer au contact de Lise Strasberg
00:10:27 qui consiste vraiment à travailler à partir de soi pour nourrir ses personnages.
00:10:33 Donc on va essayer de voir un peu aujourd'hui comment elle en est arrivée là, comment a tissé ce lien
00:10:38 et cette ligne vraiment si cohérente entre sa vie personnelle et sa vie professionnelle.
00:10:46 Alors Helen Burstein, a priori, apparemment, elle a su assez vite qu'elle voulait être actrice
00:10:52 sans forcément être prise au sérieux, ni par cette... et même une fois qu'elle est réussie,
00:10:57 ni par sa mère qui était peu présente, qui a même envoyé ses enfants en internat
00:11:02 parce qu'elle ne voulait pas que ses amants sachent qu'elle avait déjà des enfants
00:11:06 et elle voulait pouvoir mentir un petit peu sur son âge, ni son père qu'elle a peu connu,
00:11:11 qu'elle a retrouvé quand elle avait 19 ans mais qu'elle a vite quitté pour fuir ses assauts sexuels.
00:11:17 Donc Helen Burstein décide très vite qu'elle ne va pas rester chez elle, le jour de ses 18 ans elle s'en va
00:11:22 et donc elle va chercher du travail en tant que mannequin, d'abord à Dallas
00:11:26 et puis elle va travailler dans une chorale à New York, elle va devenir danseuse dans un show
00:11:32 qui va la faire voyager de Boston à New York, à Montréal.
00:11:36 Elle est heureuse d'appartenir au show business, d'appartenir à une troupe, à un groupe,
00:11:42 mais elle se marie, elle se marie avec Bill et Bill veut retourner vivre à Détroit où ils habitaient avant
00:11:47 donc elle quitte New York pour revenir à Détroit où elle ne travaille pas tout de suite,
00:11:53 donc elle emménage avec son mari, elle lit beaucoup pendant que son mari travaille,
00:11:57 elle raconte qu'elle écoute beaucoup la radio et qu'elle s'entraîne à essayer de reconnaître
00:12:00 les compositeurs de musique classique qu'elle entend et puis elle retrouve du travail,
00:12:05 vite elle gagne plus d'argent que son mari qui se met à rentrer un peu plus tard et un peu plus éméchée
00:12:11 et en fait elle décide qu'elle veut retourner à New York et donc elle repart à New York
00:12:16 avec l'idée de faire venir son mari, que son mari la rejoigne un peu plus tard.
00:12:21 C'est quand elle assiste à son premier show à Broadway devant Barbara El Guedes
00:12:27 qu'elle se dit que c'est ça qu'elle veut devenir et qu'elle peut devenir,
00:12:31 elle n'y est pas encore mais elle va y arriver, elle va devenir actrice
00:12:34 et donc elle continue à la fois son travail de mannequin qui lui apporte des revenus réguliers
00:12:40 et puis elle trouve un travail à la télévision dans le Jackie Gleason Show
00:12:45 et elle décide en 1957 de tenter sa première audition à Broadway
00:12:51 et elle va raconter comment au moment de sa première audition,
00:12:56 comment elle s'est servie de son tract, pardon pas de son tract du tout,
00:12:59 de son tract tout court pour jouer cette scène dans laquelle son personnage pénètre
00:13:04 dans son premier appartement dans sa nouvelle ville New York.
00:13:08 Voilà ce qu'elle raconte, donc elle est sur scène, elle auditionne et elle doit jouer ce personnage.
00:13:14 Je me suis dit ok, je suis dans mon premier appartement, c'est mon premier jour à New York
00:13:19 et puis tout à coup j'ai entendu très clairement une voix dans ma tête,
00:13:23 non non non, en fait t'es sur scène au Ethel Barrymore Theatre
00:13:27 et t'es sur le point d'auditionner pour ta première pièce à Broadway.
00:13:31 J'étais un peu sous le choc. Oui c'est vrai, c'est ça la réalité,
00:13:35 j'ai pas besoin d'inventer quoi que ce soit, j'ai pas besoin de faire semblant de quoi que ce soit,
00:13:39 le sentiment que j'ai pour la situation réelle, être pour la première fois sur un plateau, sur scène à Broadway,
00:13:46 en fait c'est le même sentiment que celui de mon personnage qui a son premier appartement à New York
00:13:52 et c'est donc rempli de ces vrais sentiments pour ce jour-là
00:13:55 et de toutes ces implications dans ma nouvelle vie que j'ai commencé cette scène.
00:14:00 Alors maintenant, la voix de qui m'a parlé à ce moment-là ?
00:14:05 Je pense que c'était la mienne mais on aurait dit ma voix de maintenant,
00:14:08 maintenant étant 2007 quand elle écrit le livre.
00:14:10 C'était la voix d'une actrice de La Méthode.
00:14:13 Ce que la voix disait c'était le cœur de la technique que je n'apprendrai que des années plus tard
00:14:22 et en gros de trouver ce qui est vrai, ce qui est réel dans la situation du moment
00:14:28 et d'être vrai à partir de ça.
00:14:32 Autrement dit, ce travail à partir de cette matière intérieure,
00:14:39 ce travail à partir du moment présent et de la situation présente dans laquelle on est
00:14:44 qui caractérisera en partie l'enseignement de Lee Strasberg à l'acteur studio,
00:14:49 c'est déjà intuitivement la façon dont Bernstein appréhende ses rôles.
00:14:55 Cet ancrage dans une réalité, cette nécessité de trouver en soi et dans le présent de la situation,
00:15:01 dans le moment même du jeu, ce dont on a besoin pour le personnage.
00:15:05 C'est quelque chose qui est central dans La Méthode,
00:15:08 telle que Hélène Bernstein va l'apprendre et telle qu'elle-même va l'enseigner.
00:15:14 Peut-être qu'il faut faire un rappel rapide sur ce qu'on appelle La Méthode.
00:15:21 Avec un M majuscule, on devrait plutôt dire Les Méthodes,
00:15:24 mais c'est la manière dont l'enseignement ou le système du metteur en scène russe Konstantin Stanislavski
00:15:31 a été dispensé sur le territoire américain.
00:15:35 Il y a eu une tournée à la fin du 19e siècle de certains de ses élèves
00:15:41 qui ont appris un peu ce système de Stanislavski
00:15:47 et qui a imprégné et qui a été digéré par un certain nombre d'acteurs
00:15:55 qui l'ont ensuite dispensé en privilégiant, selon les enseignants, certains points ou d'autres,
00:16:04 ce qu'on appelle le système de Stanislavski, c'est un ensemble de procédés psychotechniques
00:16:11 qui visent à stimuler la créativité de l'acteur.
00:16:16 C'est un système évolutif parce que Stanislavski a pu privilégier certaines dimensions
00:16:22 à des moments de sa carrière et d'autres à d'autres, j'en reparlerai tout à l'heure,
00:16:26 mais c'est des réflexions et des exercices qui ont été pensés,
00:16:31 et on peut les diviser en deux grandes parties, il s'agit à la fois de préparer,
00:16:36 de proposer un travail extérieur de l'acteur sur le rôle et sur lui-même
00:16:41 et aussi un travail intérieur sur le personnage ou sur l'acteur.
00:16:46 Et donc il y aura des gens comme Lee Strasberg qui travailleront plutôt cette dimension intérieure,
00:16:50 d'autres comme Stella Adler dont je vous parlerai plus tard,
00:16:52 qui seront plutôt sur l'approche extérieure du rôle,
00:16:55 les comportements du personnage ou des choses comme ça.
00:16:58 C'était une petite parenthèse si vous aviez besoin d'un rappel.
00:17:01 Je reviens à cette première audition d'Hélène Bernstein à Broadway
00:17:05 pour continuer à dire de quelle manière ce qu'elle va apprendre,
00:17:10 sur quoi on va mettre des mots, c'était déjà des choses intuitivement présentes chez elle.
00:17:15 Elle raconte que lors de sa dernière audition pour le rôle,
00:17:19 elle doit jouer une scène qui se passe dans un restaurant
00:17:23 et elle s'est rappelée quelques années auparavant quand elle était dans un restaurant avec un collègue
00:17:30 et il y avait des violonistes gypsies qui étaient là.
00:17:34 Donc elle repense et elle s'imprègne de ce moment-là et elle commence à…
00:17:39 je ne sais pas très bien, je ne suis pas une actrice,
00:17:42 donc comment on joue la femme un peu éméchée qui écoute de la musique,
00:17:45 mais voilà, en fait elle joue son personnage comme ça
00:17:48 et le metteur en scène se dit « mais qu'est-ce qu'elle est en train de faire ? »
00:17:50 et quelqu'un lui explique qu'en fait elle écoute la musique tout en ayant bu.
00:17:56 Et ça aussi, « by the way » comme dit-il, c'est du « good method acting »,
00:18:02 une manière d'imaginer, de créer la réalité sensorielle,
00:18:08 pas seulement avec les mots, ça venait d'un endroit dont elle ne savait pas,
00:18:14 mais c'est quelque chose, le travail sur la mémoire,
00:18:16 que ça soit la mémoire sensorielle ou la mémoire affective,
00:18:19 c'est quelque chose qui va lui être…
00:18:21 qu'elle va travailler encore plus à l'acteur studio au contact de Lise Strasberg,
00:18:24 mais c'est quelque chose qu'elle a déjà intuitivement en elle,
00:18:27 elle qui d'ailleurs dit qu'une des chances qu'elle a dans son métier,
00:18:31 c'est qu'elle a une très très bonne mémoire
00:18:32 et que donc dans sa mémoire il y a plein de petits compartiments avec des émotions
00:18:36 et que quand on a besoin, elle va chercher dans ses petits tiroirs.
00:18:40 Donc c'est déjà une actrice de la méthode avant même qu'elle ait rencontré la méthode.
00:18:46 Dans les années 60, qui ne sont pas encore des années de cinéma,
00:18:51 qui sont des années essentiellement de théâtre, mais pas que,
00:18:54 ce sont des années à la fois fastes et compliquées pour elle.
00:18:57 Elle travaille beaucoup à la télévision, au théâtre, à la radio,
00:19:01 mais elle continue à avoir des fins de mois un peu difficiles
00:19:05 et des contrats qui ne s'enchaînent pas toujours.
00:19:07 Elle adopte un petit garçon en 1961, elle divorce en 1962
00:19:11 et elle se remarie en plus en 1964 avec un acteur qui s'appelle Neil Nephew,
00:19:15 qui est un homme qui va très vite jalouser son succès,
00:19:20 qui va commencer petit à petit à sombrer mentalement avec des hauts et des bas
00:19:24 jusqu'à être diagnostiqué comme schizophrène.
00:19:27 Et cet aspect de sa vie, ce mari schizophrène, violent et paranoïaque,
00:19:33 c'est quelque chose qui va pendant quasiment 20 ans interférer toujours avec le reste,
00:19:40 que ce soit avec son travail ou dans sa vie professionnelle,
00:19:43 même après qu'elle ait obtenu le divorce en 1970.
00:19:47 C'est quelqu'un dont elle va toujours avoir peur,
00:19:50 qui va surgir parfois dans sa vie privée, parfois sur les tournages,
00:19:55 même après qu'il ait été interné, il s'évade, il vient perturber.
00:19:59 Je parlerai tout à l'heure de la manière dont on retrouve ce personnage dans un de ses films,
00:20:04 mais il faudra attendre le suicide de cet homme en 1968
00:20:06 pour qu'elle s'épanouisse un peu plus dans son travail et dans sa vie de femme.
00:20:13 Donc voilà, des rôles par-ci, par-là, dans des endroits un peu différents.
00:20:18 Elle a quand même envie d'un rôle au cinéma, qu'elle n'a toujours pas trouvé.
00:20:23 Elle est embauchée sur Goodbye Charlie de Vincente Minelli,
00:20:27 qui est un film qui sortira en 1964, qui n'est pas une bonne expérience pour elle.
00:20:32 Elle raconte l'impression d'avoir été là uniquement pour être humiliée par le metteur en scène.
00:20:38 Elle dit que parfois il y a des acteurs comme ça,
00:20:39 ils sont choisis juste pour que le metteur en scène se défoule sur eux.
00:20:42 Elle a l'impression d'avoir joué ce rôle-là sur le film.
00:20:45 Elle raconte la manière dont Minelli disait le texte en même temps qu'elle,
00:20:50 pour qu'elle prenne son rythme à lui,
00:20:52 ce qui lui donnera le sentiment qu'en fait elle joue la performance
00:20:55 que Minelli aurait donné du rôle, mais qu'elle n'est pas autorisée
00:20:58 à donner sa propre performance du personnage.
00:21:01 Et Ellen Burstyn, c'est quelqu'un, on va le voir notamment dans Requiem for a Dream,
00:21:06 qui appréciera particulièrement les metteurs en scène,
00:21:10 et qui cherchera surtout les metteurs en scène qui vont lui laisser de la place,
00:21:15 qui vont lui laisser un espace de proposition, d'expérimentation et de création.
00:21:20 C'est quelqu'un qui aura à cœur de changer certains éléments de ses personnages,
00:21:25 qui aura toujours son mot à dire sur les rôles eux-mêmes
00:21:28 et parfois même sur la manière d'être filmée dans certaines scènes.
00:21:34 Elle est toujours aussi avide d'apprendre,
00:21:38 pas simplement le nom des compositeurs de musique classique,
00:21:41 mais d'apprendre encore plus dans son métier.
00:21:44 Et donc elle va commencer à suivre les cours, les "Scene Classes" de Stella Adler,
00:21:49 qui va ensuite l'inviter à rejoindre ses "Technique Classes",
00:21:54 vous allez voir même avec Lee Strasberg, il y a toujours des termes et des noms
00:21:59 de classes ou d'ateliers extrêmement précis et extrêmement décomposés.
00:22:04 Stella Adler, c'est une des enseignantes de la méthode,
00:22:07 qui est connue pour son travail avec Marlon Brando,
00:22:10 il dira, Brando dit "je dois tout à Stella Adler",
00:22:13 elle a travaillé aussi avec Robert de Niro.
00:22:16 Elle, c'est une adepte de Stanislavski, deuxième période,
00:22:20 où après qu'il ait défendu la primauté du travail intérieur de l'acteur sur le rôle,
00:22:25 il va au contraire dire que ce qui compte d'abord,
00:22:29 ce par quoi l'acteur doit commencer son travail,
00:22:32 c'est sur l'apparence, sur le maquillage,
00:22:37 et puis aussi sur la ligne des actions physiques,
00:22:39 sur le comportement, sur ce que fait son personnage.
00:22:43 Adler rencontre Stanislavski en Europe en 1934,
00:22:46 et c'est forte de ce changement qu'elle va revenir,
00:22:50 ouvrir sa propre école et donc avoir un certain nombre d'acteurs
00:22:54 qui vont suivre son enseignement.
00:23:00 Donc Ellen Burstein, elle suit les cours de Stella Adler,
00:23:02 elle va aussi suivre les cours de l'acteur Jeff Corey,
00:23:07 qui était un acteur qui a été blacklisté au début des années 50,
00:23:11 jusqu'en 1962 à peu près,
00:23:13 et comme il ne peut plus jouer, il va se tourner vers l'enseignement.
00:23:17 Elle dira qu'avec lui, elle va explorer des dimensions un peu plus sombres
00:23:22 d'elle et de certains personnages.
00:23:24 Elle a jusqu'à présent été plutôt dirigée dans des comédies un peu légères,
00:23:29 et si j'ai une occasion de le dire maintenant, je le dis maintenant,
00:23:32 c'est quelqu'un de très drôle, Ellen Burstein,
00:23:34 dans les films et même dans la vie.
00:23:38 Donc Jeff Corey, c'est aussi quelqu'un qui s'inspire en partie de Stanislavski,
00:23:43 mais qui ne privilégie pas chez lui les mêmes éléments que Strasberg.
00:23:48 Par exemple, chez Jeff Corey, il n'y a pas d'exercice de relaxation,
00:23:53 pas de travail de concentration ou de travail sensoriel sur le rôle.
00:23:58 Chez lui, c'est tout de suite la scène.
00:24:00 Donc l'acteur commence et il fait la scène,
00:24:02 et à partir de là, quelle qu'ait été la qualité de ce travail-là,
00:24:06 des exercices d'improvisation,
00:24:09 et ça c'est quelque chose que chérira beaucoup Ellen Burstein.
00:24:14 En 1964, elle arrive enfin aux cours de Lee Strasberg avec son mari.
00:24:20 Elle suit les private classes de Lee Strasberg.
00:24:24 Elle suit aussi un cours avec la femme de Lee Strasberg, Paula Strasberg.
00:24:27 Donc ce sont des cours qui ont lieu deux fois par semaine.
00:24:30 Là, il y a à la fois des exercices et puis des cours qui consistent au travail sur des scènes.
00:24:37 Alors elle raconte que la première fois qu'elle est rentrée dans la classe de Lee Strasberg,
00:24:41 elle n'a rien compris.
00:24:42 C'est un plateau, il y a des gens partout.
00:24:44 Il y a un type qui faisait le poulet ou le pigeon,
00:24:46 il y a une dame qui fait semblant de prendre une douche,
00:24:48 il y en a une autre qui se regarde devant un miroir.
00:24:50 Elle essaie de se retenir, de rire,
00:24:52 et puis elle dit tout à coup, Lee Strasberg arrête tout,
00:24:55 et là, chacun, il va dire ce qui va ou ce qui ne va pas.
00:24:59 Et ça, c'est quelque chose qu'on retrouve partout dans les témoignages sur le travail de Strasberg,
00:25:04 cette capacité qu'il avait.
00:25:06 Il ne s'agit pas d'enseigner une méthode qui conviendrait à tout le monde,
00:25:09 mais de voir chez chacun ses blocages,
00:25:12 les endroits où il pourrait travailler,
00:25:15 et avec quels instruments, avec quels outils, avec quel type d'exercice,
00:25:19 le faire travailler pour débloquer tel ou tel élément.
00:25:23 Donc ça, c'est quelque chose qui impressionne Ellen Bernstein
00:25:26 et c'est quelque chose que certains observateurs d'Ellen Bernstein à l'Acteur Studio
00:25:31 pourront dire une qualité qu'elle a aussi dans son travail avec ses élèves.
00:25:38 Ellen Bernstein raconte aussi,
00:25:42 parce que vraiment, Lee Strasberg, quand on l'écoute, il a vraiment changé sa vie.
00:25:46 Elle raconte qu'un jour, elle a été observée par Lee Strasberg,
00:25:52 elle a eu un retour sur son travail par lui.
00:25:54 Et un jour, il fallait faire l'exercice du petit-déjeuner.
00:25:57 Donc il faut être sur le plateau et il faut faire ce qu'on fait au petit-déjeuner.
00:26:01 Il y en a qui se font un jus d'orange, enfin bref, vous savez ce que c'est un petit-déjeuner.
00:26:05 Donc elle se prépare un café et elle est assise avec sa tasse de café,
00:26:09 dont elle essaye de faire les contours avec son travail de mémoire sensorielle,
00:26:12 de me faire comprendre que le café est trop chaud ou pas assez.
00:26:16 Et puis elle dit, voilà, j'ai senti dans le coin de mon regard
00:26:19 qu'il était en train de me regarder et que ça allait être mon tour.
00:26:22 Et il en vient à lui faire comprendre
00:26:27 qu'elle fait les choses trop parfaitement et qu'elle a le droit de se tromper.
00:26:31 Et Lynn Bursin raconte qu'elle a pleuré pendant deux semaines
00:26:34 après les phrases que lui a dites de Lee Strasberg
00:26:37 et que ça a été pour elle une libération, qu'elle a compris avec lui à ce moment-là
00:26:43 qu'en fait depuis toujours, elle était obsédée par la perfection,
00:26:47 par le besoin, le sentiment qu'elle devait être parfaite.
00:26:49 Évidemment, elle ne l'était pas.
00:26:52 Et du coup, elle passait son temps à essayer de le cacher avec différents stratagèmes.
00:26:57 Et donc, voilà, elle explique que Strasberg lui a pas tant appris
00:27:02 une nouvelle manière de jouer que vraiment une nouvelle manière d'être,
00:27:06 une manière d'être elle-même, d'être juste elle-même.
00:27:08 C'est déjà très bien et c'est pas grave du tout.
00:27:10 Et dont va ensuite découler une manière de jouer.
00:27:14 Donc vraiment, la rencontre avec Strasberg est une libération à la fois personnelle
00:27:17 et puis dans le travail, dans le rapport au jeu.
00:27:21 Elle suit d'abord les classes de Strasberg et puis en 1967,
00:27:29 donc trois ans plus tard, elle se décide enfin à auditionner
00:27:32 pour intégrer véritablement, être membre à part entière de l'Actor Studio.
00:27:37 Mais il lui fait trois ans pour penser qu'elle en est capable,
00:27:40 qui est vraiment à l'époque le lieu, elle dit, le source of acting development.
00:27:45 C'est l'endroit mythique où on apprend, on développe ses qualités de jeu.
00:27:53 C'est une période aussi pour elle d'engagement politique.
00:27:57 Elle étudie l'histoire du Vietnam, elle est dans un certain nombre de manifestations.
00:28:01 Une période aussi de déménagement puisqu'elle va quitter New York
00:28:04 pour Los Angeles pour suivre son mari.
00:28:06 Donc elle va intégrer l'Actor Studio Los Angeles qui est ouvert par Bruce Dern.
00:28:12 Donc vous voyez que c'est quelqu'un, c'est effectivement une Actress Studio,
00:28:16 mais c'est quelqu'un surtout qui se nourrit de beaucoup de manières et beaucoup de...
00:28:20 Comment ?
00:28:22 Ça ne fait pas une heure que je parle.
00:28:29 D'accord, mais vous n'êtes pas obligé de rester si je vous ennuie.
00:28:39 Donc Hélène Burstein, il va y avoir un extrait dans pas longtemps
00:28:43 si vous voulez patienter trois minutes, mais sinon vraiment n'hésitez pas à partir.
00:28:47 Donc c'est une actrice de la méthode, mais pas que la méthode Strasberg.
00:28:57 Elle a expérimenté différents types d'exercices de ce système de Stanislavski
00:29:04 avec Jeff Corey, Bruce Dern, Lee Strasberg ou Stella Adler.
00:29:08 Elle est toujours en attente d'un rôle au cinéma.
00:29:11 Elle pense peut-être l'avoir quand elle est auditionnée pour un film de Mark Rydell
00:29:15 qui s'appelle The Reverse, dans lequel Steve McQueen a le premier rôle.
00:29:19 Elle est le choix du réalisateur, mais pas le choix de Steve McQueen.
00:29:22 Il a ce qu'on appelle le casting approval, donc ce n'est pas encore cette fois-ci.
00:29:26 Finalement ce premier rôle, elle va l'avoir et un premier rôle qui va en entraîner d'autres.
00:29:31 C'est le rôle de Beth dans Alex in Wonderland de Paul Mazurski en 1970
00:29:37 dans lequel elle joue l'épouse d'un réalisateur qui est en manque d'inspiration
00:29:43 après son premier film, son premier succès, qui est joué par Donald Sutherland.
00:29:48 Et l'année suivante, et ça va être mon extrait bientôt,
00:29:51 elle va jouer dans The Last Picture Show de Peter Bogdanovich.
00:29:56 Elle auditionne d'abord pour un rôle précis, le rôle de Geneviève, la serveuse.
00:30:00 Et puis en lisant le scénario, elle se rend compte qu'il y a deux autres rôles qu'elle pourrait jouer.
00:30:03 Elle pourrait jouer le rôle de Ruth, l'épouse de l'entraîneur de baseball
00:30:07 et aussi le rôle de Lois, qui est une femme plus forte,
00:30:12 et le rôle qu'elle voudrait jouer.
00:30:14 Alors Bogdanovich lui dit assez vite qu'elle va avoir un rôle dans le film,
00:30:16 mais elle ne sait pas trop lequel.
00:30:17 Il lui dit non, mais tu fais celui de Ruth, donc celui qu'elle ne veut pas.
00:30:22 C'est lui le Academy Award rôle, mais elle n'en veut pas.
00:30:27 Elle sera bien Lois.
00:30:28 Et petite parenthèse avant l'extrait, c'est quelqu'un qui n'a qu'un peu d'appétence pour les récompenses.
00:30:34 Elle n'est pas allée quand elle a été nommée et qu'elle aura l'Oscar pour Alice n'est plus ici.
00:30:39 Elle n'ira pas.
00:30:40 C'est Scorsese qui le récupérera pour elle.
00:30:43 Et même quand Scorsese l'appellera de Cannes en lui disant si tu viens, tu as le prix d'interprétation.
00:30:47 Voilà, elle ne viendra pas.
00:30:49 Il y a vraiment chez elle l'idée que ce qui compte, c'est ce qu'il y a à l'écran
00:30:53 et que c'est un travail d'ensemble, c'est un travail d'équipe.
00:30:57 Donc, on va découvrir dans un court extrait son personnage dans The Last Picture Show.
00:31:03 On l'a vu juste un tout petit peu auparavant.
00:31:05 Elle joue la mère du personnage de Cybille Shepard.
00:31:08 Juste avant, on l'a vu arriver en voiture pour dire à sa fille de ne pas rentrer trop tard ce soir.
00:31:13 Et elle en a profité pour faire un doigt d'honneur à son amant.
00:31:17 Et là, on la retrouve donc chez elle qui s'ennuie avec son mari qui dort déjà devant la télé
00:31:21 et qui va et elle va aller voir sa fille dans sa chambre.
00:31:25 Voilà, je vous laisse découvrir, admirer Len Burstein et puis ensuite on parle de cet extrait.
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00:33:52 (Bruits de la télé)
00:34:00 (Bruits de la télé)
00:34:02 (Bruits de la télé)
00:34:30 (Bruits de la télé)
00:34:52 Donc, plusieurs choses sur cet extrait avant d'en voir un autre.
00:34:55 Ce personnage de mère un peu désabusée dont les rêves et les désirs n'ont pas survécu à cette réalité d'avoir à élever un enfant,
00:35:04 de s'assurer une sécurité financière, et cette mère qui veut pour sa fille mieux que ce qu'elle a eu,
00:35:10 et qui se sent déjà devenir vieille, elle a que 39 ans quand elle joue ça,
00:35:14 c'est un personnage qui va traverser sa filmographie de ce rôle à Requiem for a Dream,
00:35:20 en passant évidemment par Alice dans Alice n'est plus ici.
00:35:24 Ce qu'on a ici aussi et qu'on va retrouver dans différents films et dans différents genres,
00:35:30 c'est pour rendre compte de cette vieillesse, de ce problème du personnage avec le fait de vieillir,
00:35:37 c'est à la fois la présence du miroir et la présence aussi de personnages féminins plus jeunes avec lesquels se comparer.
00:35:46 Quelques exemples ici, dans The King of Marvin Gardens, son film suivant de Bob Rafelson dont on verra un extrait juste après,
00:35:53 où son personnage est en train de se rendre compte que l'homme avec lequel elle est s'intéresse désormais plus à sa belle-fille qu'à elle-même,
00:36:00 elle est en train de préparer toutes ses affaires pour les brûler,
00:36:03 et elle s'avance vers cette salle de bain où on va retrouver son reflet,
00:36:07 en même temps qu'elle explique ce problème de vieillesse, cet âge qui arrive, et cette poitrine qui désormais est un peu tombante.
00:36:18 Ce qu'on a aussi dans l'extrait que vous avez vu et qu'on va retrouver dans d'autres films de son oeuvre,
00:36:25 c'est le fait que son personnage passe dans l'ombre.
00:36:29 Souvent les actrices et les stars aiment être montrées plutôt dans la lumière.
00:36:34 Là je vous ai remis le photogramme de ce moment où elle s'avance vers sa fille,
00:36:40 un peu plus tard dans le film où elle va prendre un autre coup de vieux parce qu'elle va découvrir que sa fille couche désormais avec son amant à elle,
00:36:47 mais là aussi elle va avoir un passage comme ça par le noir qu'on retrouve aussi dans un film plus récent
00:36:53 où elle joue encore une mère qui donne tout pour son enfant, The Yards de James Gray.
00:36:59 Ce qu'on a aussi ici et qu'on retrouve souvent, c'est un mélange à la fois de vulgarité, de trivialité,
00:37:07 je n'ai pas mis la réplique finale aussi à son amant, la scène juste avant,
00:37:11 on l'a vu faire un doigt d'honneur à cet amant qui la repousse parce qu'il préfère aller voir ses puits,
00:37:16 mais là aussi dans cette manière d'être assise complètement avachie dans son canapé,
00:37:22 cet accent aussi qu'elle appuie particulièrement, le fait qu'elle boive puis qu'elle se resserre à boire
00:37:30 qui est quelque chose qui pourra caractériser d'autres personnages joués par des actrices du studio
00:37:35 et qu'on peut aussi apparenter à un certain naturel ou à un certain réalisme,
00:37:39 on ne se tient pas toujours très bien et très droit dans son canapé, surtout quand on s'ennuie,
00:37:44 et un certain réalisme qu'on va retrouver dans des positions dans les films qui ne sont pas habituellement
00:37:49 celles dans lesquelles on voit les stars, je pense à quand on la voit sur les toilettes à l'arrière-plan
00:37:54 dans The King of Marvin Gardens où les jambes écartées en train de se laver les pieds
00:37:59 ou s'épilant dans Alice n'est plus ici.
00:38:03 Ce qu'on a aussi dans ce personnage et qui va caractériser l'actrice dans d'autres rôles,
00:38:10 c'est quand même une certaine sensualité qui passe par le fait de se toucher,
00:38:15 que ce soit se toucher les cheveux, le cou, le fait de se parfumer,
00:38:20 une manière d'attirer les regards vers ce corps et vers cette apparence.
00:38:24 C'était vraiment une très belle femme, Hélène Bernstein, et puis aussi une manière,
00:38:29 un verbe très cru, une manière de parler de sexualité, d'affirmer son désir
00:38:37 qu'on retrouvera aussi dans d'autres de ses films.
00:38:42 Ce qu'on a aussi ici et qui caractérise d'autres personnages et d'autres actrices et acteurs
00:38:50 issus de l'acteur studio, c'est une capacité à faire se succéder, voire à faire cohabiter
00:38:59 dans une même scène ou un même endroit de jeu, un panel d'émotions contradictoires
00:39:05 ou les contradictions d'un personnage ou les différentes identités qui l'habitent.
00:39:10 Je pense ici à son côté, à la fois, elle est à la fois une mère qui conseille sa fille
00:39:16 et qui l'aime, et en même temps, elle est elle-même un petit peu gamine dans certains aspects.
00:39:22 Il y a ce moment où elle tient le doudou de sa fille, mais il y a aussi cette espèce de mou qu'elle fait.
00:39:29 Et puis cette "mais t'as pas envie de quelque chose là maintenant, tout de suite",
00:39:33 comme peuvent parfois le réclamer capricieusement les enfants.
00:39:38 Ça, c'est quelque chose qu'on retrouve chez de nombreuses reprises ses ailes,
00:39:44 une capacité à incarner différentes émotions contradictoires en même temps
00:39:49 ou à les faire se succéder. Pour vous rendre ça un petit peu plus palpable,
00:39:54 on va regarder un autre extrait, un extrait de "The King of Marvin Gardens" de Bob Rafelson.
00:40:01 Elle joue le personnage de Sally, qui vient de comprendre que son homme lui préfère désormais
00:40:09 une femme plus jeune, sa belle-fille, à elle. C'est une scène très symbolique où, sur la plage,
00:40:16 elle a constitué un grand bûcher et elle est en train de brûler tout ce qui constituait
00:40:23 les accessoires de sa vie d'avant, où elle pensait encore être une belle femme désirable.
00:40:28 Donc, elle jette plein de vêtements et dans l'extrait que vous allez voir,
00:40:31 elle enterre aussi son maquillage avant de signer vraiment définitivement
00:40:38 cette transformation qu'elle accepte en se coupant les cheveux.
00:40:43 Donc, on regarde cet extrait et moi, ce qui m'intéresse, c'est surtout,
00:40:46 même si on parlera d'autre chose, c'est la succession des émotions qu'on peut lire
00:40:51 sur son visage au moment où elle commence à se couper les cheveux.
00:40:54 Je vous laisse regarder et puis on en parle.
00:40:57 (bruit du vent)
00:41:00 - Wait a minute. Smile on.
00:41:21 Dearly beloved, we are gathered here today to lay sweet Maybeline
00:41:26 in her final resting place in the sand.
00:41:29 So, eyeliner, eyeshadow and eyelashes.
00:41:36 Do you know that eyelashes are made out of real animal fur?
00:41:43 They are really, honest, Jason. Minx.
00:41:47 I've been walking around for 20 years with little minx on my eyelids.
00:41:53 May I greet the morning as I am, with my own naked face.
00:42:13 Sally, come on, let's go now and run some of that energy off.
00:42:18 Come on, sweetheart, there's nothing left to throw into the fire.
00:42:21 - Yeah, I just want to sit here. I don't want to run.
00:42:24 - Sally, please come run with me right now.
00:42:28 Come on. Come on. Come on.
00:42:32 Now go slow. Come on.
00:42:35 (bruit du vent)
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