En présence de Jeanne Herry, cinéaste, Gaëlle Macé, coscénariste et Nicolas Loir, chef opérateur. Animée par Anaïs Bordages, journaliste et critique séries et cinéma.
Après la projection de son court métrage Marcher, Jeanne Herry revenait sur son parcours et son travail, à l’occasion d’une rencontre exceptionnelle.
Enregistré au Forum des images le 18 janvier 2025 dans le cadre de la thématique « Elles sont là pour rester », 10 réalisatrices aujourd’hui en France (4 décembre 2024 - 6 avril 2025).
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Le Forum des images : au centre de Paris, bat le cœur du 7e art !
Rencontres exceptionnelles, cours de cinéma et conférences, festivals… un concentré du meilleur de ce qui se passe toute l’année au Forum des images.
Toute la programmation : http://www.forumdesimages.fr/
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Après la projection de son court métrage Marcher, Jeanne Herry revenait sur son parcours et son travail, à l’occasion d’une rencontre exceptionnelle.
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Court métrageTranscription
00:00:00Bonjour tout le monde, merci beaucoup d'être venu à cette rencontre exceptionnelle et
00:00:14sans plus attendre, je vous demande d'accueillir la réalisatrice Jeanne Hery, la scénariste
00:00:26Gaëlle Massé et le chef opérateur Nicolas Loire, bienvenue à tous les trois, merci,
00:00:42alors Jeanne déjà est-ce que vous pouvez nous expliquer comment Marché est arrivé
00:00:48puisque c'est votre tout premier film ? Oui tout à fait, et bien en fait moi je faisais
00:00:54plutôt du théâtre, j'étais au conservatoire, j'ai commencé à faire de la mise en scène
00:00:57de théâtre et puis après j'ai écrit un livre qui s'appelait, mes premiers pas dans
00:01:02l'écriture c'était un livre qui s'appelait quatre ans azéthée, un petit livre, un petit
00:01:06comme un récit un peu et après je me suis lancée dans l'écriture de Elle l'adore et
00:01:14c'est une écriture qui a été très longue mais à la fin de ma première version de
00:01:18scénario j'ai trouvé une productrice qui m'a dit mais faudrait d'abord que tu fasses
00:01:20un court métrage et donc ça a pris beaucoup de temps et j'ai écrit Marché, pas tout
00:01:27de suite et j'avais d'abord écrit un truc qui s'appelait cours de conduite qui se passait
00:01:31dans une voiture et on m'a dit mais c'est super mais du coup tu vas te coincer dans
00:01:36une voiture quoi, ça va être ta première réalisation et tu veux pas faire un truc
00:01:39un peu plus, et c'est vrai que je m'étais arrangée pour pas du tout me frotter à ce
00:01:43que c'était qu'une réalisation on va dire un peu plus ambitieuse et du coup en contre
00:01:48au lieu de faire ça dans une voiture je me suis dit bah je vais partir marcher et
00:01:51en fait j'ai fait comme un petit portrait en creux de ma mère, voilà, voilà comment
00:01:58est née Marché et je me suis, quand je le vois je me suis dit putain mais on a eu plein
00:02:01de moyens déjà, c'est vrai qu'on s'est fait prêter plein de trucs, des grues, des
00:02:05machins, j'ai essayé plein de choses sur la mobilité et puis je suis super heureuse
00:02:10de, il y a ma mère, il y a mon fils, il y a Grégory Adbois qui crève l'écran déjà,
00:02:17voilà, c'est marrant de revoir ça.
00:02:20En le revoyant aujourd'hui, trois longs métrages plus tard, est-ce que vous avez l'impression
00:02:23d'y voir déjà vos futures obsessions ou préoccupations ou au contraire vous êtes
00:02:28totalement éloignée de cette première réalisation ?
00:02:31Non, totalement c'est impossible mais c'est sûr que ce truc sur la mobilité là, je me
00:02:36suis plus coincée dans des bureaux après, mais non, le truc qui reste vraiment c'est
00:02:43l'amour des acteurs je pense et puis il y a le compositeur qui est là, celui aussi
00:02:49déjà qui a composité, la musique de marché qui a composité aussi toutes les autres musiques
00:02:57de films.
00:02:58Quand on fait une erreur je pense qu'il faut s'obstiner, moi c'est ma politique et donc
00:03:05voilà Pascal Sangla qui était au conservatoire avec moi, qui était tout jeune aussi, je
00:03:08crois que c'était une de ses premières musiques de films et après on a beaucoup travaillé
00:03:11ensemble.
00:03:12Non, en fait si je dois relier ma petite carrière, en termes de veine d'écriture, marché c'est
00:03:22vraiment dans la droite ligne de 80 étés, le livre dont je vous ai parlé avant, c'est-à-dire
00:03:27vraiment sur une veine je pense plus intime, pas sensible parce que les autres trucs sont
00:03:33sensibles aussi, mais où la matière biographique est plus en avant, plus le temps passe, plus
00:03:37je fais des films où la matière biographique est là mais elle est très très très très
00:03:41planquée, de plus en plus loin on dirait, là où ouvertement est 80 étés et marché,
00:03:47la matière biographique elle est très en avant et c'est pourquoi on s'était dit,
00:03:52à la demande, c'est pas moi qui ai voulu, qu'on allait faire lire par une actrice quelques
00:03:58extraits de 80 étés, pas très longtemps, parce que c'est exactement dans la même
00:04:02veine et après en fait moi j'ai écrit 80 étés, j'étais vraiment saturée de moi-même
00:04:09comme sujet, j'avais arrêté de dire je ressens, je pense que, je me souviens, je
00:04:14machin, à 25 ans, bon, en même temps ça fait que c'est un livre court du coup, c'est
00:04:19une autobiographie à 25 ans, une bonne copie double, et j'étais vraiment saturée de moi-même
00:04:25et je me suis dit mais en fait j'ai écrit un livre que j'aurais jamais eu envie d'aller
00:04:28acheter à la librairie moi-même, parce que moi je lis que des romans assez foisonnants
00:04:33un petit peu comme ça, et je me suis dit bon bah il faut que j'aille me confronter
00:04:37à d'autres choses, est-ce que je suis capable vraiment d'écrire de la fiction et tout ça,
00:04:41et donc j'étais partie sur Elador, un polar, une structure un peu plus charpentée on va
00:04:46dire dans la narration, un récit un peu haletant j'espère, mais du coup j'ai quand même
00:04:51fait un court métrage qui ressemble un peu à 80 étés, voilà.
00:04:55Et donc on a fait venir Sarah-Jeanne Driaud, qui va venir vous lire donc un extrait de
00:05:0180 étés.
00:05:02Sarah-Jeanne est-ce que tu veux, tu veux, j'ai pas reconnu ta voix, est-ce que tu veux
00:05:18que je dise un petit peu le fil rouge du livre ? Oui, en fait c'est donc sur moi, sur moi
00:05:26ma famille, et le fil rouge c'est vraiment des portraits en creux, donc c'est très fragmenté,
00:05:32mais il y a une espèce de petit fil rouge qui est mon grand-père, c'est la vie de mon
00:05:35grand-père, par touche, par petit chapitre, tout petit chapitre, mais on n'a pas choisi
00:05:46d'extrait, donc bon, ça avait pas d'intérêt l'info que je viens de vous donner, parce
00:05:50que vous allez pas en entendre parler visiblement, vous allez plus entendre parler de moi.
00:05:55En même temps c'est le sujet de l'histoire.
00:06:00Merci Sarah-Jeanne d'être là.
00:06:04La vie c'est 80 étés, en moyenne, cela m'a frappée il y a 3 ans, je me souviens très
00:06:15précisément quand, 80 étés, on pourrait dire, je pourrais dire 80 hivers, 80 printemps,
00:06:22je pourrais le dire, mais ce n'est pas ce qui m'a frappée il y a 3 ans, la vie, ma
00:06:29vie et aussi celle de maman, c'est 80 étés, et ça c'est frappant, c'est peu, je pourrais
00:06:39dire aussi, mais cela n'engage que moi, la vie c'est 900 chaussures, 450 paires, en comptant
00:06:48les chaussures ordinaires, les souliers, les baskets, les chaussons, les tongs, les
00:06:53bottes en caoutchouc, les chaussures de ski, les moon boots, les espadrilles, les nouilles,
00:06:56les palmes et l'unique paire de chaussures de bowling que j'ai jamais porté.
00:07:00Si je participe un jour à une émission de télévision, qui aura pour objet de fouiller
00:07:07dans mon passé et de convoquer mes fantômes en chair et en os sur le plateau, si l'animateur
00:07:13ouvre un rideau derrière moi, que je me retourne et que je vois alignées, non les
00:07:18vieux enfants de ma jeunesse, mais toutes les chaussures que j'ai portées depuis ma
00:07:22naissance, les vraies, celles que j'ai vraiment portées, je pleure, et ma mère aussi peut-être.
00:07:30La vie c'est 80 étés et pas plus, ou pas beaucoup plus, cela m'a frappée il y a 3
00:07:38ans, je m'en souviens très précisément. J'étais dans une voiture, c'était l'été,
00:07:44on roulait dans la campagne avec Judith, on allait retrouver Olivia, une amie, à Ruffec.
00:07:5180 étés. Je l'ai pensée, je me suis enfoncée dans le siège du mort à l'avant et je l'ai
00:07:58dit à Judith. Elle a été très réceptive, peut-être même qu'elle s'est enfoncée
00:08:04derrière le volant, tout en regardant la route ou le rétroviseur. Elle comprend ça
00:08:09Judith. On s'aime pour ça aussi. C'est une histoire d'amitié. Je cours, je tape,
00:08:20je pédale. Dans la vie, je transpire beaucoup. Parfois j'ai l'impression d'être une dynamo
00:08:25de vélo. J'aime beaucoup le principe de la dynamo. J'aurais bien aimé l'inventer.
00:08:30Si j'avais une case pour la physique dans mon cerveau, ça aurait pu être dans mes cordes.
00:08:35Mais je n'ai pas de case pour la physique dans mon cerveau. Cette lacune est un héritage
00:08:40familial. Dans mon cerveau, je n'ai qu'un hit pool pour la physique. Dedans, il y a de l'eau
00:08:46salée, des cailloux, le principe des aimants et la conscience que mon corps est conducteur
00:08:52d'électricité. Comme l'eau, comme le métal, je ne suis pas en bois. Le type qui a inventé la
00:08:59dynamo avait une case pour ça et il devait toucher sa bille en bricolage. J'ai l'impression
00:09:05d'être une dynamo. J'ai des mollets vigoureux qui pédalent pour faire marcher la lumière. Si
00:09:11j'arrête de pédaler, la lumière s'éteint. C'est la nuit. Faire du vélo dans le noir, c'est trop
00:09:17dur. Je m'arrête. Je n'avance plus. Je préfère me laisser tomber dans le fossé. Si j'arrête de
00:09:22pédaler, la dynamo s'essouffle et meurt. J'ai 24 ans. Je trépigne. Si j'arrête, je vais mourir. Si
00:09:31je ne fonce pas, tête baissée, je ne sais plus comment respirer, je m'essouffle. La mécanique
00:09:36s'enraye, je ne respire plus. Je tombe dans un fossé profond, humide, fougère. L'avantage dans
00:09:44tout ça, c'est que personne ne pédale pour moi, je m'allume toute seule. C'est bien. Et comme je
00:09:50suis entourée de personnes prêtes à réparer ma dynamo en cas de pépins, à dégager le chemin
00:09:55devant moi, à m'aimer dans les côtes, c'est bien. Donc pour l'heure, je dois travailler beaucoup et
00:10:02être fatiguée le soir, voir des gens, rire, passer en coup de vent dans ma chambre, avoir des coups
00:10:07de barre dans la journée. C'est comme ça. Je parcours plusieurs kilomètres en danseuse. La dynamo
00:10:13frotte fort et vite. L'ampoule est vive, je vis et je n'ai pas envie de m'arrêter. L'inconvénient de
00:10:21tout ça, ce n'est pas de pédaler et d'éclairer la route, c'est de ne pas savoir où je vais. Quand
00:10:28j'aurais fait Paris-Lyon, Lyon-Bordeaux, Bordeaux-Strasbourg, Strasbourg-Nantes, et qu'enfin
00:10:33je serais face à la mer, je serais peut-être lasse de trépigner. Et calme, apaisé, je fixerais
00:10:41sûrement un siège pour enfants sur mon vélo. J'y mettrai mon petit bouchon et nous reprendrons
00:10:46la route, à trois minimum, avec une belle dynamo sereine, régulière, fragile, lumineuse.
00:10:54Dans ma chambre, il y a une très petite chaise en bois clair. Sur le dossier, mon prénom, Jeanne,
00:11:07est écrit à la peinture blanche. Une chaise sur laquelle peut s'asseoir une toute petite personne.
00:11:13Ma sœur de quatre ans, mon aîné, Angèle, a son prénom aussi. Ces deux chaises nous ont suivi dans
00:11:22chacun des déménagements de notre vie. J'ai une photo de moi assise sur ma chaise, faite pour
00:11:28mes fesses d'enfant. J'ai l'air très jeune, cela doit faire à peine quatre ans que j'aime ma mère.
00:11:33J'ai des lunettes rondes et vertes. Je suis sur un plateau de cinéma. C'est sur cette chaise que
00:11:40j'ai découvert ce silence-là, ce silence qu'on demande poliment. S'il vous plaît. Assise sur
00:11:48ma jolie petite chaise en bois clair, j'ai vu une foule de gens produire un silence électrique.
00:11:53Quelqu'un demande ce silence. D'autres prennent le relais. Toki-woki, porte-voix, cris. Et quarante
00:12:02personnes se taisent enfin. Regardent, se regardent, écoutent, sourient. On n'éternue pas. Personne ne
00:12:13lésine sur ce silence-là. Au cœur du blanc, le clap sonne, un son sec qui donne envie de se lever
00:12:21sans faire grincer le bois clair, de le saisir et d'être chargé de ça. À quatre ans, on peut
00:12:27assurer sa partie de silence et claquer le clap. Puis les acteurs parlent. Leur voix est si frêle
00:12:35dans le silence puissant et belle, net, essentiel. Maman travaille dans le blanc. Elle est de ceux
00:12:42qui ne doivent pas se taire, qui doivent avoir la force de parler, de quitter le confort grisant de
00:12:47ce silence de feu. Là, tout peut arriver. Tout arrive. Un avion, par exemple, qui vient briser
00:12:55la chaîne des muets. Alors l'homme du son dit « avion ». Et tout est à refaire jusqu'au prochain « coupé ».
00:13:02Coupé. Les acteurs cessent de jouer, les autres de se tairent. Chaque maillon reprend son métier
00:13:10propre pour lequel il est payé, en plus du travail de faiseur de silence. Un beau travail. Revient le
00:13:17brouhaha où maman peut ne rien dire et reprendre son souffle. Je suis assise sur ma chaise, je
00:13:23regarde. J'ai été un bon maillon moi aussi, très attentive. Les 40 travailleurs me permettront de
00:13:29revenir. On pliera ma chaise dans un coin jusqu'au lendemain et celle d'Angèle. Ces chaises nous ont
00:13:35suivies sur chacun des tournages où nous sommes passées petites. Des films nous doivent une partie
00:13:41de leur silence. Regardez la photo. Ma bouche est close. Demandez à la script qui nous a offert les
00:13:48chaises. À l'origine, des chaises de pêcheurs. Des chaises qui vont voyager du bout de la jetée jusqu'au
00:13:56plateau de cinéma. Deux endroits de vie où le silence est vital. Deux endroits où l'on peut
00:14:02vous regarder droit dans les yeux et sans ciller, vous demander « silence, s'il vous plaît ».
00:14:07J'ai deux soeurs, une petite et une grande. Vanille en avait 5, j'en avais 15. Elle a demandé « c'est
00:14:20quoi le charme ? ». Sa mère a réfléchi puis elle a répondu à Vanille que les gens qui avaient du
00:14:26charme n'étaient pas forcément très beaux mais qu'ils avaient du chien de la personnalité. Drôle,
00:14:32intelligent. Et que ça les rendait séduisants et que c'était formidable d'avoir du charme,
00:14:37que c'était mieux que d'être beau, plus original et très bien, comme Jeanne par exemple. L'adolescente
00:14:45que j'étais avait bien entendu pas forcément très beau, formidable et original aussi. J'avais des
00:14:53lunettes, 10 kg de chair embarrassante en trop et j'avais bien entendu. J'ai même dit oui. J'y
00:15:00étais allée de mon petit couplet, c'est moi qui avais dit « drôle et intelligent ». Ce n'est pas
00:15:05moi qui avais dit « comme Jeanne ». Mais c'était un compliment alors j'ai dit oui. Notre explication
00:15:12n'était pas mauvaise. Je pense qu'à l'époque, Vanille a bien compris. En tout cas, elle n'a pas
00:15:17moufté. Elle a peut-être regardé sa grande soeur, fière représentante du charme dans cette voiture,
00:15:23et elle s'est peut-être demandé si c'était tellement formidable d'être pas forcément très
00:15:28beau à 15 ans. Peut-être a-t-elle vu une pensée aérienne traverser ma tête,
00:15:34passer juste derrière mes lunettes. J'aimerais bien être un peu plus beau et moins forcément
00:15:42original. Je suis sur une bascule. J'ai un pied de chaque côté de la planche. Elle tient en
00:15:56équilibre sur un tronc d'arbre coupé. Du côté où je m'apprête à basculer, puisque lentement et
00:16:03mine de rien je donne un peu plus de poids, il y a la suite. L'après-moi. L'âge des femmes et des
00:16:12adultes. L'horizon est dégagé, tout est à faire. Il faut prendre l'espace, et pas toujours en
00:16:19courant, construire, pas toujours solidement, saisir des bras, donner des baisers, faire le
00:16:25dos rond parfois. J'accoucherai, sûrement. Il y aura de beaux étés. Je passerai du bon temps.
00:16:33Merci beaucoup Sarah-Jeanne.
00:16:43On va pouvoir parler cinéma maintenant.
00:16:50Alors je vous propose qu'on apprenne un peu mieux à vous connaître tous les trois. Gaëlle Massé,
00:16:59donc vous êtes scénariste. Vous avez notamment co-écrit plusieurs films avec Rebecca Zlotowski
00:17:04et avec Jeanne Hery. Vous avez co-écrit Elle l'adore et vous êtes consultante aussi sur ces
00:17:11autres films. Vous avez été consultante sur ces autres films. Est-ce que vous pouvez m'expliquer
00:17:15un petit peu comment vous avez été amenée à travailler ensemble et pourquoi cette collaboration
00:17:19est perdue aujourd'hui?
00:17:20J'ai rencontré Jeanne par l'intermédiaire d'un de nos amis communs, qui est scénariste et réalisateur
00:17:30d'ailleurs Jean-Luc Gagé. Jeanne avait écrit Elle l'adore. Elle était en train de le financer et le
00:17:38financement prenait un peu de temps. Il y avait le désir d'avoir un. Il y a très longtemps qu'elle
00:17:43portait ce projet et il a pensé, me connaissant et connaissant Jeanne, il avait travaillé avec
00:17:48nous deux, que peut-être ce serait intéressant que je le lise et je me souviens extrêmement bien
00:17:55du premier rendez-vous dans un café. J'avais donc lu le scénario et on a commencé à parler du
00:18:04chanteur d'Elle l'adore, du genre du film et je crois que notre conversation a été très vite
00:18:10évidente. Je ne sais pas très bien comment dire autrement et donc on a travaillé ce scénario en
00:18:21Bretagne, à Paris. On a réécrit un peu. Il y avait déjà tout. Il s'agissait, je pense, de soutenir
00:18:29peut-être un peu le genre, la comédie policière peut-être. Dans mon souvenir, mais c'est quand
00:18:36même un peu ancien, je crois qu'on avait travaillé la figure du chanteur. Je crois que la première
00:18:41fois que j'ai lu le scénario, je ne savais pas que Jeanne Héry était la fille, je ne le savais pas,
00:18:47et je lui ai dit... La fille de Julien Clerc. La fille de Julien Clerc, je ne savais pas si j'avais le droit de le dire.
00:18:52En passant, maintenant c'est le coup. Maintenant tout le monde le sait. C'est une vérité et on arrive au café parce que Jeanne
00:18:56rougit beaucoup, peut-être moins, et je lui ai dit ce que je trouvais incroyable. Je lui ai dit non mais il est
00:19:02vraiment bien le scénario. Ils auraient dû donner les financements. Il y a une chose qui est si juste,
00:19:06c'est ce chanteur populaire. Comment tu peux avoir capté si bien ? Mais je vous jure que c'est vrai.
00:19:13Vraiment c'est parfait. Il est fan et tu connais très bien. Et le chanteur, j'y crois complètement.
00:19:18En revanche, il va falloir qu'on voit comment on peut l'amener à couvrir le meurtre
00:19:23qu'il couvre et comment il peut entraîner le personnage. Et là Jeanne devient
00:19:30tout rouge. Je ne suis pas sûre qu'elle me l'ait dit là. Je crois que c'est Jean-Luc Gaget qui m'a dit
00:19:34mais quoi tu ne savais pas ? Je lui ai dit ben non je ne savais pas. Et après donc on a le film.
00:19:40Elle a rencontré Sandrine Kéberlin, elle a rencontré Alain Attal. Elle a pu faire le film. Je me
00:19:48souviens très bien d'avoir vu marcher. Le film a été la réussite que l'on sait. Et ensuite Jeanne
00:20:00m'a proposé. Elle avait écrit Pupille. Elle écrit comme vous venez de l'entendre. Et j'ai été très
00:20:07heureuse de pouvoir être comme une première lectrice en fait. Et ça a été le cas sur Pupille.
00:20:11Et après sur... Je verrai toujours vos visages. Voilà ce que je peux dire. J'ai eu beaucoup de
00:20:18chance. Les films ont été de très grands succès. Donc ça a mis en valeur ma collaboration.
00:20:24C'est vraiment ma précieuse consultante. Vraiment très précieuse sur chaque projet de son oeil. Je
00:20:32suis dans une forme de solitude dans l'écriture assez longtemps. Et j'arrive généralement à Gaëlle
00:20:37la deuxième version de scénario ou troisième ou quinzième pour elle l'adore. Ce n'est pas une
00:20:44blague. Vraiment quinze. Et à chaque fois elle arrive à un moment donné où je suis en fin de
00:20:51marathon et où je suis un peu épuisée et un peu où je manque de recul. Et vraiment son oeil c'est
00:20:56quelqu'un qui comprend ce que j'écris et ce que je veux faire surtout. C'est ça qui est très
00:21:01important. Et donc elle comprend ce que je veux faire. Donc elle comprend aussi là où c'est pas
00:21:06encore tout à fait là. Et ça c'est ça. Voilà j'ai pas d'autres mots que précieux. Merci. Nicolas
00:21:15vous êtes chef opérateur. Vous avez travaillé notamment avec Cédric Jiménez sur Novembre.
00:21:20Thomas Bidegain sur Sous d'un Seul. Et vous avez aussi été le chef opérateur de Je verrai
00:21:24toujours vos visages. Le dernier film en date de Jeanne Hery. Comment vous avez été amené à
00:21:28collaborer ensemble et est-ce que ça s'est bien passé ? Très bien. Alors moi j'arrive au deuxième
00:21:34marathon qui est après le marathon de l'écriture qui est le marathon de la préparation. Et Jeanne
00:21:39on se connaissait avant sur une série. En fait je tournais une série qui s'appelait Vous les
00:21:45femmes avec Judith et Olivia. Olivia Cote et Judith Ciboni. Une petite série humoristique
00:21:51assez hilarante sur Teva. Et la première fois que j'ai rencontré Jeanne c'était quelques jours
00:21:58comme ça. Elle en tant que comédien et moi en tant que technicien. Et sur le tournage de Novembre
00:22:04je me souviens d'une journée où Hugo Sédignac le producteur on tournait et m'a parlé du prochain
00:22:11film de Jeanne que lui coproduisait. Et il m'a proposé de le lire et j'ai dit oui. Enfin c'est
00:22:17bête à dire mais j'ai tout de suite dit oui. Je suis disponible avant d'avoir lu. Parce que j'avais
00:22:23vu les films de Jeanne avant et je me souvenais aussi de la personne qu'elle était sur le tournage.
00:22:28Et oui le tournage c'était un très beau souvenir de travail surtout. Et oui comme je le dis j'arrive
00:22:38moi une fois que l'écriture a pris plusieurs mois ou plusieurs années. Et là la collaboration
00:22:46commence. Et moi j'essaie de rentrer dans sa tête et d'essayer de retranscrire le mieux
00:22:52possible ce qui est sur texte pour le traduire à l'image. Alors on va traverser toute votre
00:22:59filmographie. J'espère que vous avez du temps. Il y a quand même trois films. Et on a déjà commencé
00:23:06mais en essayant d'isoler un petit peu les thèmes les plus récurrents dans votre filmographie et
00:23:14dans votre travail. Je pense qu'il y a déjà le thème de la parole qui était aussi l'objet de
00:23:18la leçon de cinéma qui a été donnée hier sur votre travail. Et puis il y a aussi la thématique
00:23:24du lien le lien filial. On l'a vu le lien adoptif le lien d'idolâtrie entre un chanteur et sa fan
00:23:33et le lien réparateur qui peut y avoir dans je verrai toujours vos visages. Est-ce que c'est
00:23:41une lecture qui vous paraît juste et pourquoi cette thématique précise vous intéresse autant ?
00:23:48Oui c'est vrai que le lien m'intéresse. Toute forme de lien. C'est vrai que c'est ce qui
00:23:53m'intéresse. Parce que je ne sais pas. Parce que moi je me suis rendu compte très vite que mon
00:24:01rapport, mon bien-être dans la vie, la façon dont j'allais pouvoir traverser l'existence de
00:24:10manière heureuse était très conditionnée à la qualité des liens que j'avais avec les autres.
00:24:15Contrairement à certaines personnes et je les comprends mais moi j'ai pas eu cette histoire
00:24:20là. Pour moi les autres c'est la potentialité du bien-être et du bonheur. Les bonnes
00:24:26rencontres, les liens sains, enrichissants, le dialogue, les alliances, les liens d'amitié,
00:24:34les liens amoureux, les liens professionnels, les liens de famille. Tout ça me passionne du
00:24:39coup. C'est vrai que la camaraderie. Donc c'est vrai que c'est ce que j'aime le mieux. Aller
00:24:46étudier ces liens et essayer de les raconter le mieux possible. Et c'est vrai que ça passe
00:24:53beaucoup par la parole. J'ai un goût assez prononcé pour les dialogues et pour le jeu des
00:25:01acteurs. J'ai l'impression que je produis des scénarios qui sont des partitions, des partitions
00:25:07à jouer, des films à jouer pour les acteurs. Vraiment c'est mon but et ça conditionne aussi
00:25:13mon plaisir de spectatrice et de réalisatrice que de travailler avec eux. Donc leur donner des choses
00:25:19intéressantes à jouer avec, si possible. C'est vrai que c'est assez bavard et c'est pas hyper
00:25:24minimaliste. Comparé à Marché qui l'est plus, si on peut dire. Non, après, oui, oui, la parole,
00:25:32c'est les séquences que j'aime le mieux écrire et mettre en scène. Et ce sont les séquences
00:25:37d'action psychologique où l'action progresse par le verbe et par la prise de parole. Quand dire,
00:25:44c'est une action. Faire en sorte de trouver des situations où on n'est pas dans le bavardage,
00:25:50encore que parfois c'est génial de faire des belles scènes de bavardage et des discussions,
00:25:55mais j'essaye beaucoup de trouver des situations qui permettent d'écrire des scènes où le verbe
00:26:01est une action forte. Réfléchir, dire, trouver les mots, réceptionner ça. Et ça se voit beaucoup
00:26:07surtout dans les deux derniers films, je crois. Mais aussi Elle l'adore, parce que j'avais fait
00:26:11Elle l'adore pour la scène de garde à vue. J'ai vraiment écrit. Il y a une scène assez
00:26:16longue de garde à vue avec Sandrine Kiberlin. J'avais vraiment écrit le film pour cette scène
00:26:22de garde à vue où elle se défend. Elle survit grâce à son imagination et à son rapport aux mots
00:26:29et à la parole. J'ai vraiment hésité au moment de choisir les extraits entre cette scène de garde
00:26:34à vue et une autre que vous allez découvrir ici ou redécouvrir. Malheureusement, mais c'est vrai
00:26:42que Sandrine Kiberlin est époustouflante dans tout le film. Et donc là, c'est un film qui est sur la
00:26:47parole et la communication, mais un type très spécifique de communication, parce que c'est le
00:26:50mensonge, en fait. Et on a ce personnage qui est plutôt mythomane et qui est amené à mentir aussi
00:26:58pour couvrir ce chanteur joué par Laurent Lafitte, qu'elle admire énormément. Et donc, j'ai choisi
00:27:05de vous montrer la scène qui arrive pile au milieu du film et qui révèle un petit peu de nouvelles
00:27:11informations sur tout ce qu'on vient de voir.
00:27:34J'ai pas pu. J'ai pas pu faire ce que vous m'aviez demandé. Pourquoi? Parce qu'à la frontière, les voitures étaient fouillées.
00:27:39Alors, j'ai pas pu continuer. C'était trop risqué. J'ai regardé dans le coffre et putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain,
00:28:09putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain, putain
00:28:39Comment vous savez que personne n'a vu votre voiture près de la forêt ?
00:28:41Parce qu'il faisait nuit.
00:28:42Parce que s'il y avait eu une voiture à proximité, je l'aurais vue.
00:28:45Parce que j'ai fait très attention !
00:28:48C'est vraiment Sandrine qui me fait rire là.
00:28:50Elle est géniale.
00:28:51Elle est très drôle.
00:28:53Qu'est-ce qui vous intéressait dans cette figure du fan ?
00:28:56Parce que vous l'avez déjà expliqué un peu avec le personnage du chanteur, d'où ça venait.
00:29:01Comment vous êtes arrivée à ce personnage incroyable de Sandrine Kiberlin qui est prête à tout ?
00:29:09En fait, à la base, je ne savais pas quoi écrire et on s'est mis à une terrasse de café avec un copain.
00:29:14Et j'avais écrit un tout petit court-métrage.
00:29:16Pour le coup, c'était vraiment un truc que j'avais tourné à l'arrache à la fémis.
00:29:20C'était un personnage de mythomane.
00:29:22Je me suis rendu compte que moi, les mythomanes, c'est un tort, mais ça me fait rire.
00:29:27C'est une pathologie.
00:29:29Enfin, c'est grave, c'est sérieux.
00:29:31Mais moi, ça me fait rire quand même.
00:29:33En tout cas, c'est réjouissant.
00:29:35Écrire, évidemment, quelqu'un qui ment, c'est comme Serge le mytho.
00:29:39C'est hyper marrant à écrire.
00:29:41Donc, on s'est mis une terrasse de café et on avait mis dans notre liste.
00:29:46Qu'est-ce qu'on aimerait bien voir dans le film ?
00:29:48On avait mis un personnage de mythomane.
00:29:50Et c'est vrai qu'après, je suis partie sur cette histoire de chanteur, de cadavre.
00:29:56À qui un chanteur pourrait demander ?
00:29:59Pour qui on cacherait un cadavre ?
00:30:01C'est le genre de questions qu'on se pose de temps en temps.
00:30:04Non, vous ne la posez pas, vous ?
00:30:06Bon, ça arrive, si, non ?
00:30:12Et je m'étais dit, une fan,
00:30:14tel que le genre de fan que j'ai rencontré par le biais de l'immense célébrité de mon papa,
00:30:20qui avait quelques fans,
00:30:24il avait beaucoup d'admiratrices et d'admirateurs,
00:30:27mais des fans, des vraies fans,
00:30:29des fans qui sont des collectionneuses,
00:30:31qui suivent, qui viennent à tous les concerts,
00:30:35qui collectionnent tout.
00:30:37Il n'y en a pas tant que ça, évidemment,
00:30:39mais ce type de personnalité que j'avais croisée,
00:30:42je trouvais ça intéressant.
00:30:44Je me disais, elle l'aurait fait sans problème.
00:30:48Et moi, j'avais éprouvé,
00:30:50en fait, c'est parce que moi, je l'ai éprouvé,
00:30:52ce lien de fanitude.
00:30:53J'ai eu une professeure au conservatoire qui s'appelle Muriel Mayette.
00:30:56Je l'ai eu quelques mois, d'ailleurs, elle est dans le film.
00:30:58Elle est, en effet, la femme de ménage gouvernante du chanteur.
00:31:01C'est une grande actrice, Muriel Mayette.
00:31:03Elle avait donné un atelier quand j'étais élève.
00:31:06J'étais devenue zinzin de cette femme.
00:31:08C'est-à-dire que j'avais éprouvé une espèce de passion adolescente,
00:31:11comme on peut éprouver pour des professeurs.
00:31:13Je la trouvais tellement géniale.
00:31:15Et à un moment donné, je me suis dit,
00:31:17là, t'es complètement fan, en fait.
00:31:19Je m'étais dit, elle, c'est fou.
00:31:21Je pense que si elle me disait,
00:31:23Jeanne, je suis dans la merde.
00:31:25Est-ce que tu peux amener cette paire de chaussettes demain à Marseille ?
00:31:30Ce n'est pas grand chose.
00:31:32Tu prends ta voiture, tu vas à Marseille,
00:31:34tu déposes la paire de chaussettes, tu reviens.
00:31:36J'aurais dit, mais sans problème, Muriel.
00:31:38Mais il n'y a pas de problème, je vais faire ça, moi.
00:31:40Et donc, ce truc-là, je l'avais éprouvé de l'intérieur.
00:31:43Je m'étais dit, bah ouais.
00:31:45En fait, pourquoi non ?
00:31:47Bon, après, j'ai un peu chargé la mule.
00:31:49Elle est fan et elle est mythomane.
00:31:51J'ai fait rencontrer des trucs.
00:31:53On peut arriver à cette scène de garde à vue.
00:31:55Finalement, l'idée, c'était de former un duo,
00:31:58comme un duo de comédies mal assorties,
00:32:00c'est-à-dire un boulet.
00:32:02Et en fait, le boulet,
00:32:04il va devenir celui qui sauve tout le monde.
00:32:06Et puis, sa pathologie va devenir sa force.
00:32:09Parce que dans la garde à vue,
00:32:11finalement, elle va s'en sortir grâce à ça,
00:32:13à son aplomb, à sa capacité de rebond
00:32:16et d'imagination.
00:32:18Voilà, c'était plein de petits trucs comme ça.
00:32:21J'ai vraiment dévié de votre...
00:32:23Non, non, c'était parfait.
00:32:25D'accord, merci.
00:32:27Et donc, on arrive à cette scène au milieu du film.
00:32:29On pense qu'elle a fait exactement
00:32:31ce qu'il lui avait dit de faire,
00:32:33qu'elle a réussi à traverser la frontière avec cette voiture,
00:32:35avec le cadavre à l'intérieur, que tout s'est bien passé.
00:32:37Une paire de chaussettes.
00:32:39Et en fait, on découvre à ce moment-là,
00:32:41à travers le dialogue et le montage,
00:32:43que non, pas du tout.
00:32:45Et qu'elle lui a menti aussi.
00:32:47Comment est arrivée cette idée
00:32:49de mettre ce twist-là
00:32:51au milieu du film, à l'écriture ?
00:32:53Il fallait que ça lui retombe dessus,
00:32:55forcément.
00:32:57Lui, il tue accidentellement sa meuf,
00:32:59il a un cadavre sur les bras,
00:33:01il décide de la confier.
00:33:03Il élabore un plan complètement con,
00:33:05mais possible.
00:33:07Il confie une voiture,
00:33:09encore une fois,
00:33:11il confie un cadavre à l'intérieur,
00:33:13il confie une voiture avec un corps à transporter,
00:33:15sauf qu'elle n'est pas censée savoir que c'est un corps.
00:33:17Il ne peut pas se passer ce qu'il devrait se passer
00:33:19dans son plan rêvé.
00:33:21Sinon, ce n'est pas marrant, ce film.
00:33:23Donc, évidemment,
00:33:25qu'elle ne fait pas ce qu'il lui a dit,
00:33:27qu'elle fait un peu à sa façon
00:33:29et que du coup, ça va finir par lui retomber dessus
00:33:31à lui.
00:33:33Et que quand ça lui retombe dessus à lui,
00:33:35il va finir par essayer de la plomber elle,
00:33:37forcément. Donc c'est elle qu'on met en garde à vue.
00:33:41Mais voilà, et cette scène,
00:33:43c'était constitué
00:33:45d'un duo mal assorti,
00:33:47un chanteur, une fan,
00:33:49et qui vont
00:33:51très, très peu se voir.
00:33:53Ça serait une comédie, on les mettrait en road movie,
00:33:55les deux, dans une voiture, et puis ils partiraient en voyage
00:33:57et puis ils s'engueuleraient, et puis en même temps,
00:33:59ils se trouveraient des atomes crochus,
00:34:01et puis voilà, ça ferait un film super.
00:34:03Et là, l'idée, c'était un duo
00:34:05qui est contrarié par les événements,
00:34:07qui ne peut pas se voir.
00:34:09Et en fait, du coup, ils avaient très peu de scènes ensemble.
00:34:11Ils en avaient quatre dans tout le film.
00:34:13Et ça, c'est la deuxième,
00:34:15je crois, qu'ils ont ensemble.
00:34:17Et la première,
00:34:19c'est toute entente
00:34:21et douceur, et la deuxième, évidemment, lui,
00:34:23est très, très en colère, parce qu'il comprend qu'elle a fait
00:34:25n'importe quoi. Et voilà.
00:34:27Et cette scène était difficile à tourner, très difficile
00:34:29à tourner pour Laurent Lafitte, qui était extrêmement
00:34:31fatigué, qui était entre la comédie française,
00:34:33là, etc.
00:34:35Et il a peiné un peu,
00:34:37alors que ça arrive à tout le monde,
00:34:39sur tous les tournages, des moments où
00:34:41c'est un peu plus difficile. En plus, le texte, c'était difficile.
00:34:43Je voulais qu'il aille vite, etc.
00:34:45Et évidemment, c'était le jour qu'avaient choisi
00:34:47absolument tous les financiers du film,
00:34:49donc tout Studio Canal, tout TF1,
00:34:51tout machin, pour venir sur le plateau.
00:34:53Et on aurait dit qu'ils étaient au théâtre,
00:34:55ils étaient tous assis sur des chaises, comme ça,
00:34:57et regardaient les acteurs jouer. Et donc, Laurent,
00:34:59qui était un tout petit peu plus à la peine
00:35:01que d'habitude, c'était une drôle d'ambiance,
00:35:03du coup.
00:35:04Ça a peut-être contribué à l'énerver suffisamment
00:35:06pour la scène, aussi.
00:35:07C'est possible.
00:35:09Et donc, vous m'avez dit que Gaël,
00:35:11c'est un regard précieux qui arrive
00:35:13parfois à la quinzième version,
00:35:15vous disiez. Donc vous, Gaël,
00:35:17à ce moment-là, vous arrivez, vous découvrez le script
00:35:19et quel est votre rôle, à ce moment-là,
00:35:21pour aider Jeanne
00:35:23à avancer sur Elle l'adore ?
00:35:27Sur Elle l'adore, je crois qu'il y avait
00:35:29la question du... Elle s'était déjà
00:35:31partie avec sa productrice,
00:35:33Sophie Tepper, qui avait développé
00:35:35le film en financement, et les gens...
00:35:37Jeanne n'avait pas
00:35:39fait grand-chose,
00:35:41et les gens n'acceptaient pas très bien
00:35:43le personnage du chanteur, c'est-à-dire,
00:35:45ils le trouvaient noir,
00:35:47ils comprenaient pas l'humour de Jeanne,
00:35:49ils le lisaient pas encore,
00:35:51et que c'était une comédie
00:35:53policière. Donc, en fait, je crois que,
00:35:55comme souvent le travail de scénariste
00:35:57ou de consultant, c'est vraiment rendre vraisemblable,
00:35:59je vais citer Hitchcock,
00:36:01mais rendre vraisemblable l'imvraisemblable.
00:36:03Et Jeanne est très, très, très
00:36:05précise, et donc on s'est juste attaché
00:36:07pour qu'il n'apparaisse pas monstrueux
00:36:09ce chanteur, qui demande
00:36:11quand même... Jeanne, vous avez parlé du lien,
00:36:13et ce qui est très intéressant, là, je viens d'y penser,
00:36:15c'est qu'au fond, il y a un lien totalement
00:36:17asymétrique entre un
00:36:19chanteur très, très
00:36:21de succès, qui n'est incapable d'aller dire
00:36:23qu'il y a eu un accident, c'est quand même
00:36:25d'ailleurs une victoire de la... C'est ça, une victoire de la chanson
00:36:27qui lui tombe dessus, donc c'est le succès
00:36:29tue.
00:36:31Donc le succès tue, mais le conjoint...
00:36:33Et il n'est pas capable de renoncer,
00:36:35c'était ça qui était très difficile à faire accepter,
00:36:37comment ce personnage peut-il rester
00:36:39sympathique ? D'ailleurs, peut-on être sympathique ?
00:36:41C'est peut-être une question difficile pour Jeanne,
00:36:43quand on a autant de succès,
00:36:45à quoi on renonce ?
00:36:47Pourquoi il ne va pas à la police
00:36:49en disant qu'il y a eu un accident ? Parce qu'il ne peut
00:36:51pas perdre, parce que les gens ne le comprenaient pas, parce qu'il est
00:36:53si célèbre qu'effectivement
00:36:55il va être surexposé, bien plus
00:36:57qu'un autre, et
00:36:59donc c'était beaucoup sur les équilibres,
00:37:01au fond, c'est vrai qu'ils n'ont pas
00:37:03sur les équilibres,
00:37:05comment, sur le lien,
00:37:07et ce lien asymétrique, il fallait aller
00:37:09vers... Je crois
00:37:11qu'on est d'accord toutes les deux, on ne voulait pas faire un film
00:37:13sombre, ou noir, ou crado,
00:37:15il fallait donner une chance à
00:37:17tous les personnages de retomber sur les pieds, et là,
00:37:19ce que je trouve génial, en fait, je viens d'y penser,
00:37:21c'est que Sandrine Kiberlin répare
00:37:23ce lien asymétrique,
00:37:25au fond, elle arrive à la fin
00:37:27à le rééquilibrer,
00:37:29et lui, peut-être, apprend quelque chose,
00:37:31donc je dirais qu'on a travaillé,
00:37:33parce que l'essentiel des poteaux de Salamé était là,
00:37:35avec Jeanne, en fait, les scènes
00:37:37sont là, elle lit les dialogues comme elle joue,
00:37:39Jeanne est une actrice, donc elle joue bien,
00:37:41donc on entendait, et peut-être que les gens lisaient
00:37:43dans les commissions, sans entendre
00:37:45le ton particulier
00:37:47qu'est celui de la comédie policière,
00:37:49qu'elle allait y apporter, moi j'ai essayé
00:37:51avec elle, de dire, comment on peut faire
00:37:53entendre ça un peu mieux, je crois.
00:37:55Je n'ai pas du tout
00:37:57de souvenirs de ça,
00:37:59mais j'ai l'impression qu'on a beaucoup plus travaillé
00:38:01sur la fin, les flics, parce qu'en fait,
00:38:03il y a trois personnages principaux, il y a le chanteur,
00:38:05la fan et les flics, parce qu'à un moment donné, il y a une enquête,
00:38:07et j'ai l'impression qu'on a plus travaillé sur la fin,
00:38:09sur cette fin que j'avais
00:38:11un peu de mal à trouver, mais où effectivement,
00:38:13la dépendance change de camp, parce qu'à la fin,
00:38:15c'est lui qui est dépendant d'elle,
00:38:17et elle, elle est un peu guérie
00:38:19du côté un tout petit peu excessif,
00:38:21parce que moi j'ai beaucoup de respect pour ces grandes
00:38:23fans que j'ai rencontrées, j'ai pas rencontré
00:38:25des folles dingues, j'ai rencontré des femmes
00:38:27qui étaient dans l'admiration,
00:38:29c'est pas que des collectionneurs d'autographes,
00:38:31c'est des gens qui aiment une oeuvre,
00:38:33qui la connaissent très très bien,
00:38:35c'est généralement,
00:38:37voilà, ça remplit leur vie,
00:38:39peut-être que c'est un peu extrême,
00:38:41voilà, c'est un peu extrême,
00:38:43mais
00:38:45c'est pas, enfin moi,
00:38:47j'ai beaucoup de respect
00:38:49pour cette personne-là, et je l'adore,
00:38:51Muriel, pour moi elle est brillante,
00:38:53et d'ailleurs celle qui sauve tout le monde à la fin.
00:38:55Bon ben voilà,
00:38:57on a sans doute travaillé à la fin,
00:38:59moi ce dont je me souviens c'est que j'étais,
00:39:01peut-être que moi j'ai travaillé
00:39:03à ça sans
00:39:05le montrer aussi.
00:39:07Absolument.
00:39:09Après ce film-là,
00:39:11vous passez à Pupille,
00:39:13qui est un film qui parle d'adoption,
00:39:15avec plein de personnages
00:39:17qui vont traverser un processus
00:39:19d'adoption d'une manière différente,
00:39:21et là aussi
00:39:23on est sur un film
00:39:25qui repose beaucoup sur la parole
00:39:27et la communication, et comment trouver
00:39:29les bons mots, et donc j'ai choisi
00:39:31une scène, vous allez le voir,
00:39:33où le choix des mots est très important,
00:39:35mais où tous les personnages
00:39:37ne sont pas forcément en mesure de parler.
00:39:51...
00:40:03Bonjour Théo.
00:40:05...
00:40:07Je m'appelle Karine.
00:40:09Je suis éducatrice spécialisée.
00:40:11...
00:40:13Comme tu le sais, ta maman ne peut pas s'occuper de toi dans l'immédiat.
00:40:15...
00:40:17Mais elle nous a chargé de veiller sur toi.
00:40:19Et nous, on est là pour ça.
00:40:21Pour toi.
00:40:23...
00:40:25On t'accueille comme tu es.
00:40:27...
00:40:29Si ta maman maintient son choix,
00:40:31des personnes vont prendre une décision pour toi.
00:40:33...
00:40:35Et tu auras un papa et une maman d'adoption pour la vie.
00:40:37...
00:40:39Si elles se rétractent,
00:40:41alors on l'accueillera,
00:40:43et on l'aidera à te retrouver,
00:40:45et à s'occuper de toi.
00:40:47...
00:40:49En attendant cette décision, tu vas aller faire une étape chez Jean.
00:40:51...
00:40:53Il va prendre soin de toi.
00:40:55...
00:40:57...
00:40:59...
00:41:01Bien sûr.
00:41:03...
00:41:05...
00:41:07...
00:41:09...
00:41:11...
00:41:13Bonjour Théo.
00:41:15...
00:41:17Je peux ?
00:41:19...
00:41:21...
00:41:23...
00:41:25Salut mon bébé.
00:41:27...
00:41:29...
00:41:31...
00:41:33Vous m'avez dit, avant qu'on arrive ici,
00:41:35que, à l'écriture, quand Gaël arrive
00:41:37pour vous donner un regard
00:41:39un peu neuf, parfois, vous lui présentez
00:41:41plusieurs options. Vous m'avez dit, c'est comme
00:41:43si je lui disais, choisie entre la robe bleue
00:41:45et la robe rouge, et c'est toi
00:41:47qui tranche. Est-ce que vous pouvez m'expliquer un petit peu
00:41:49ce processus-là dans l'écriture ?
00:41:51Oui, mais je voudrais revenir juste deux secondes
00:41:53sur cette scène. C'est super que vous l'ayez
00:41:55choisie, parce que
00:41:57j'ai voulu faire Pupille
00:41:59pour deux séquences, précisément,
00:42:01entre guillemets, pour
00:42:03celle-ci, et la rencontre
00:42:05avec le bébé, entre Elodie Bouchès
00:42:07et le bébé. Dans le processus
00:42:09d'adoption
00:42:11d'un pupille de l'État,
00:42:13cette étape où
00:42:15quelqu'un des services,
00:42:17le bébé vient d'être remis à l'adoption par sa
00:42:19maman, vient lui parler pour lui
00:42:21expliquer ce qui se passe, c'est quelque chose
00:42:23que m'a expliquée une éducatrice spécialisée
00:42:25à Brest. Et quand elle m'a dit
00:42:27quand je viens les voir et que je leur
00:42:29explique vraiment ce qui se passe,
00:42:31comme ils ne sont pas comme
00:42:33les autres bébés, souvent, on regarde
00:42:35quand même, ils sont un peu plus
00:42:37suivis, ils ont un peu plus d'examens
00:42:39que les autres bébés, ils sont souvent
00:42:41monitorés, et du coup j'entends
00:42:43les battements du cœur, ils font « tika tika tika »,
00:42:45« oh là oui, oh là oui », et là
00:42:47j'ai vu cette scène, quand elle m'a raconté ça,
00:42:49je me suis dit, ok,
00:42:51il faut que je revienne la voir, il faut que je revienne à Brest
00:42:53c'est ça, le film, c'est ça,
00:42:55c'est exactement ça, c'est les liens d'attachement,
00:42:57c'est les mots, c'est la communication
00:42:59non-verbale des bébés, c'est
00:43:01comment on fait, le poids des mots,
00:43:03pourquoi ils le reçoivent, qu'est-ce qu'ils reçoivent
00:43:05parce qu'ils ne reçoivent pas le sens de chaque
00:43:07chaque mot, la grammaire, le verbe, non, ils ressentent l'émotion qu'on y met
00:43:11et ils ressentent que tout d'un coup, dans un moment de fragilité intense,
00:43:15d'immense déstabilisation de leur vie, au début de leur vie, leur vie commence
00:43:20par ce moment de déstabilisation et de flou, il y a quelqu'un qui arrive
00:43:24avec de la solidité et qui vient, qui pose les mots et qui dit
00:43:27c'est ça qui se passe, mon grand, tu ne te trompes pas, il y a quand même
00:43:32un pépin là, tu sens de l'émotion autour de toi, tu sens un vide,
00:43:35tu sens que les adultes sont troublés, c'est ça, mais on est là et c'est
00:43:39pour ça que le chœur fait papapapapa et alors ça c'est le réel,
00:43:43le réel il est absolument génial et après il y a le film et c'est là
00:43:47qu'on est au cinéma, c'est que pour faire ça, mais en fait il faut
00:43:52tout décomposer et tout bricoler, il faut mettre un bébé qui est tout
00:43:57à fait normal, qui a six jours, il faut lui poser des petits trucs
00:44:02qui ne marchent pas avec un truc où il n'y a pas de son, mais quand même
00:44:06où il y aura les petits trucs, et puis il faut prendre une actrice
00:44:09qui va dire un texte et qui va y mettre beaucoup d'émotions,
00:44:13beaucoup la charge émotionnelle et de solidité qu'il faut pour les
00:44:17personnages.
00:44:17Mais si on croit un peu ce que le film raconte sur les bébés et sur
00:44:21leur réception des choses, on ne peut pas dire à l'actrice vas-y
00:44:24abattre sur le bébé là, toutes l'émotion, tu les dégueules dessus,
00:44:28il n'y a pas de problème, on est obligé de filmer Sandrine qui
00:44:31berlint toute seule, qui met toute la charge émotionnelle
00:44:34possible, puis le bébé tout seul avec Sandrine qui berlint qui fait
00:44:38bouillouba.
00:44:41Et puis comme en fait, moi je veux un moment où il bouge et à un
00:44:44moment donné, je veux un moment où il la fixe et que ce bébé ne fixera
00:44:48pas Sandrine qui berlint, je dis Madame la maman, est-ce que vous
00:44:51pouvez vous mettre à la place de Sandrine qui berlint ?
00:44:53Et Madame la maman, elle se met et puis elle fait...
00:44:56Et moi j'attends qu'à un moment donné, pendant plus de dix secondes,
00:45:01il fasse...
00:45:04Ça, on assemble, après on fait du montage son, on met les...
00:45:10Tout réuni, ça fait le réel, mais pour ça, on a fait du cinéma avec
00:45:16le bricolage intense du cinéma.
00:45:18Je voulais dire parce que cette scène est très révélatrice aussi
00:45:21de pourquoi ces films ne sont pas des films documentaires,
00:45:24ces films sont des films documentés et où les gens de cinéma se sont
00:45:28mis une race pour que ça soit bien fait en fait.
00:45:32Et c'est très bien fait.
00:45:33Ça a pris combien de temps pour tourner cette scène ?
00:45:34Pas grand chose, une fois qu'on a compris comment on allait faire,
00:45:37le décortiquer, comment on allait faire d'abord Bidule, que le bébé,
00:45:41de toute façon, il est là pour une heure, pas plus.
00:45:43Donc c'est la star du truc.
00:45:44Dès qu'il arrive, on fait le bébé là, vite, vite, la caméra, machin,
00:45:47bon, et qu'on n'a que...
00:45:50Une fois qu'on s'est organisé, c'est bon, ce n'est pas très long
00:45:56finalement, parce que le bébé nous impose que ça ne soit pas trop long.
00:46:00Et c'est vrai que quand le bébé, il est fatigué, il s'en va et que
00:46:03Sandrine, elle doit continuer à dire son texte à un poupon inanimé
00:46:06en faisant semblant que c'est un bébé et en mettant toute la charge
00:46:09émotionnelle du reste, comme Elodie Bouchès quand elle rencontre son bébé.
00:46:13Le principe est le même, on ne peut pas dire à Elodie Bouchès,
00:46:15vas-y, tu vas t'effondrer en larmes devant lui, il va se prendre une
00:46:18tombe d'émotion dans la tronche.
00:46:19C'est pareil, c'est-à-dire qu'elle fait ce truc où elle est absolument
00:46:22déchirante et bouleversante devant un poupon inanimé et très bien fait,
00:46:27donc on dirait un bébé mort en fait.
00:46:30C'est vrai, mais c'est leur job en même temps, chacun son job.
00:46:34Et alors, pour revenir sur ce que vous disiez, effectivement,
00:46:37à un moment donné, c'est là où moi, j'avance seule assez longtemps
00:46:40et à un moment donné où c'est tellement important de ne plus être
00:46:43seule et c'est là où Gaëlle arrive dans l'écriture, aussi pour aboutir,
00:46:47je n'ai pas encore tout abouti, ce n'est pas encore tout bien.
00:46:50Et là, j'ai vraiment besoin de quelqu'un qui m'aide, qui vient
00:46:54avec son oeil affûté, son regard, sa sensibilité et qui va m'aider,
00:46:59qui va m'ôter un mal de crâne.
00:47:00Jusqu'en moi, je ne sais plus faire de choix où on est d'accord de dire
00:47:03bon là, il faudrait un truc comme ça.
00:47:04C'est vrai que ça arrive une ou deux fois où je propose deux dialogues
00:47:09ou deux petites scènes et je n'ai plus moi à faire, je ne sais pas
00:47:12laquelle choisir.
00:47:13Je me tourne vers Gaëlle et je lui dis tu préfères la robe bleue
00:47:15ou la robe noire et elle va faire la noire.
00:47:18Et là, je ne me pose plus de questions et c'est bon.
00:47:20Je sais que c'est bon.
00:47:21Mais je n'avais pas d'exemple précis, mais peut-être que toi,
00:47:24Tona.
00:47:27Pupi, moi, je le souviens, elle aide beaucoup.
00:47:30Il y a un immense travail de documentation, effectivement,
00:47:33à Brest.
00:47:34Et donc, tout est déjà très écrit.
00:47:37Moi, ça me paraît assez facile et pas toujours parce que d'ailleurs,
00:47:40parfois, les deux, la robe noire est bien, la robe bleue est bien.
00:47:44Mais après, oui, dans le récit, on parle beaucoup, on lit ensemble,
00:47:48on lit ce qu'elle a écrit.
00:47:49Je l'entends.
00:47:50Elle s'entend aussi.
00:47:52Donc voilà, quand on parle de charge émotionnelle, d'une certaine façon,
00:47:57je la reçois.
00:47:58Je peux imaginer, je crois qu'on savait déjà que ce serait
00:48:00Sandrine Guiberlin, Élodie Bouchèze, Gilles Lelouch.
00:48:05Voilà, après, c'est les équilibres, en fait.
00:48:08C'est comment ne pas perdre le lecteur et après le spectateur.
00:48:13Justement, comment on sait, on est en train de se planter là,
00:48:17ou là, ça ne fonctionne pas, ça ne marche pas, il faut réécrire.
00:48:21Je n'ai pas de souvenirs du tout avec Jeanne.
00:48:23Une des difficultés de Pupil, c'était sur toutes les institutions,
00:48:29c'est-à-dire de quand même raconter la valeur documentaire.
00:48:33Effectivement, c'est du cinéma, mais il fallait aussi pouvoir
00:48:35respecter le travail des éducateurs, des travailleurs sociaux qui
00:48:39prennent en charge avec le système que Jeanne nous racontait et qui
00:48:45est quand même très, très précieux en France, de services publics,
00:48:48de tous ces gens, à partir du moment donné où une femme accouche
00:48:51sous X, où un enfant va être, il y avait plusieurs interlocuteurs
00:48:56et ça passait par plusieurs centres.
00:48:57Et quand on voulait être exhaustif ou quand Jeanne était très
00:49:01exhaustive pour respecter chacun, il y a eu un travail, ce dont je me
00:49:04souviens le plus sur Pupil, c'était peut-être ça qui demandait
00:49:09d'aller vers le cinéma, de synthétiser un peu sans trahir quand même
00:49:16les travailleurs sociaux, les gens de terrain, les gens qu'elle
00:49:22avait énormément rencontrés et qui lui avaient livré toutes leurs
00:49:25histoires.
00:49:26Voilà.
00:49:28Mais c'est assez facile, c'est assez facile, notamment parce que voilà,
00:49:32elle joue, elle joue, elle joue.
00:49:34Donc d'abord, c'est très bien écrit, donc même quelqu'un qui jouerait
00:49:38pas très bien.
00:49:39À mon avis, le texte porte déjà la charge mentionnelle.
00:49:42C'est juste, c'est adressé, c'est assez facile.
00:49:47Mais en plus, elle le joue.
00:49:48Et donc, je sais pas, j'ai de bons souvenirs.
00:49:50C'est des moments incroyables, de très bons souvenirs de Pupil.
00:49:56Et après, je travaille de moins en moins.
00:49:58C'est à celui d'après, il a eu beaucoup moins besoin de moi
00:50:01encore que Pupil.
00:50:01Le prochain peut-être plus du tout.
00:50:05C'est vrai.
00:50:08Les dialogues sont vraiment cruciaux dans tous vos films.
00:50:12Mais un film, c'est vrai que c'est aussi de l'image.
00:50:15Et donc, la question que vous devez vous poser en permanence,
00:50:17j'imagine, c'est comment mettre tous ces mots à l'image,
00:50:20comment on les met en scène, comment on les sublime.
00:50:23Et je verrai toujours vos visages, qui est votre dernier film.
00:50:27Et une très belle illustration de ça, je trouve.
00:50:30J'ai choisi là encore un extrait qui est un extrait où on voit donc
00:50:35trois victimes pour les personnes qui n'auraient pas vu le film,
00:50:37trois victimes de vol avec violence et trois personnes qui ont été
00:50:42condamnées pour vol avec violence, qui échangent dans le cadre
00:50:46d'un processus de justice réparative.
00:50:51Et donc, on a un personnage incarné par Miu Miu, votre mère,
00:50:55qui craque un peu.
00:51:00Et donc, on observe à la fois son monologue à elle et puis toutes
00:51:04les réactions de toutes les autres personnes dans la salle.
00:51:06Donc, je vous propose de regarder cet extrait.
00:51:08J'ai très peur de sortir de chez moi, en fait.
00:51:12J'ai peur de la rue, des trottoirs.
00:51:15J'ai de grandes angoisses idiotes que ça puisse recommencer.
00:51:20Parce que moi, je n'ai pas changé.
00:51:21C'est toujours facile de m'attaquer.
00:51:24Encore plus qu'avant, même, puisque je suis plus vieille.
00:51:28Au début, j'ai essayé de ressortir sans sac, main dans les poches.
00:51:32Mais en fait, c'était pire.
00:51:33Je me suis dit, s'ils veulent vraiment mon argent,
00:51:36ils vont dire de le chercher directement dans mes poches.
00:51:39Ils vont être obligés de me secouer, de me retirer mon manteau.
00:51:44Donc, en gros, depuis sept ans, je reste chez moi.
00:51:48Mais chez moi, ça va pas trop non plus.
00:51:50Mon appartement, ils donnent sur la rue.
00:51:52J'ai beaucoup de mal avec les bruits de la rue.
00:51:55Les scooters, les gens qui crient.
00:52:00Alors, je reste plutôt côté cours dans ma chambre.
00:52:03Voilà, ben, c'est comme ça.
00:52:06Et c'est de ma faute aussi.
00:52:08Parce que j'aurais pas dû sortir à cette heure-là.
00:52:10Je suis sortie jamais à cette heure-là, normalement.
00:52:14J'ai traîné chez moi, au lieu de sortir tôt, comme d'habitude.
00:52:19Et puis, j'aurais dû lâcher ce sac tout de suite, surtout.
00:52:21Je sais pas pourquoi j'ai pas lâché ce sac.
00:52:24Pour ce qu'il y avait dedans.
00:52:26Et puis, quand j'entends vos histoires,
00:52:28je vois bien que moi, c'est pas aussi grave que vous.
00:52:30Je vois bien que moi, c'est pas aussi grave que ce que vous avez vécu, vous.
00:52:34Je devrais aller bien, puisque c'était pas grave.
00:52:37Les gens me disent,
00:52:38c'est un vol à l'arraché, c'est pas grave.
00:52:40Et je le sais.
00:52:42C'est vrai.
00:52:44J'y arrive pas.
00:52:45Si, si, c'est grave.
00:52:47Pardon, t'avais pas fini, Sabine.
00:52:49Mais c'est très grave, ce qui t'est arrivé.
00:52:52Je sais pas.
00:52:52Ben si.
00:52:54Il t'a traîné, il t'a frappé, il t'a passé des mois à l'hôpital.
00:52:56C'est grave.
00:52:57Il t'a cassé les os, ce fils de pute.
00:53:00Oui.
00:53:01Celui qui fait ça à ma mère, moi, je le tue.
00:53:06Alors là, Nicolas va peut-être aussi pouvoir intervenir.
00:53:09Comment concrètement on construit une scène comme ça,
00:53:12qui est une scène chorale avec un monologue qui est extrêmement important,
00:53:15qui est un peu un point de bascule pour ce personnage.
00:53:17Mais aussi pour les autres qui...
00:53:19En fait, le craquage, c'est pas celui-là, si je peux me permettre.
00:53:21C'est deux rencontres plus tard, quand elle craque, effectivement.
00:53:24Mais là, c'est son premier récit où elle n'est pas vraiment en craquage.
00:53:28Elle trouve qu'elle est nulle.
00:53:29Bon, mais c'est après qu'elle va craquer.
00:53:32Mais donc, ce n'est pas tout à fait le point de bascule.
00:53:34Pardon, je me permets de...
00:53:35Oui, bien sûr, bien sûr.
00:53:37Disons qu'elle se révèle un petit peu, qu'elle était assez discrète
00:53:40depuis le début du film.
00:53:41Et là, en fait, on voit aussi toute l'empathie que les autres personnages
00:53:46vont ressentir pour elle à ce moment-là.
00:53:49On est dans un film où c'est principalement des personnes qui parlent
00:53:52dans des pièces et où le dialogue est vraiment moteur de l'action.
00:53:58Comme vous le disiez tout à l'heure, comment vous décidez de travailler
00:54:02la mise en scène, la mise à l'image de ces dialogues ?
00:54:07Alors, c'est beaucoup d'échanges avec Jeanne.
00:54:10Moi, de mon côté, ce que j'essaie, c'est de ne pas dénaturer ce qui
00:54:15est au texte, parce qu'en marché, on rigole, mais le réalisateur avec
00:54:21qui Miu Miu parle pourrait être Jeanne, c'est-à-dire qu'elle est très
00:54:24précise sur les dialogues et sur les liaisons et sur tout,
00:54:31extrêmement tout.
00:54:32Donc, en préparation, on a beaucoup travaillé sur l'évolution de la
00:54:37grammaire cinématographique dans le film, qui est en corrélation avec
00:54:40l'évolution des personnages.
00:54:42Donc, c'est beaucoup de travail et de séances de travail tous les deux
00:54:47où on découpe le film et on va faire évoluer notre découpage par rapport
00:54:52aux personnages.
00:54:54Là, on est dans une scène où il y a dix personnes, donc c'est assez
00:54:58complexe.
00:55:00J'ai des documents de découpage.
00:55:02On est arrivés très préparés et dans ce dispositif là, on a fait le choix
00:55:12de travailler avec trois caméras pour ces scènes là, ce qui n'est pas
00:55:16habituel au cinéma, mais souvent, on avait deux caméras qui étaient
00:55:20dirigées vers le comédien ou la comédienne qui faisait son monologue
00:55:25et très important, les écoutes, parce que c'est aussi un film sur les
00:55:28silences et sur l'écoute et l'empathie.
00:55:31Et Jeanne voulait capter ses écoutes en même temps que le comédien qui joue.
00:55:40Et donc, c'était un dispositif.
00:55:42On avait une caméra qui allait chercher des écoutes et deux caméras
00:55:46qui filmaient le personnage.
00:55:49Alors, au fur et à mesure du film, le découpage évolue.
00:55:56On va, par exemple, au début, les personnages vont plutôt être isolés
00:56:00dans le cadre et ensuite, on va commencer à amener des amorces,
00:56:04à mélanger les gens et ça, on ne le voit pas, mais on le ressent.
00:56:09Et moi, mon rôle, il est là, c'est d'essayer de retranscrire au maximum
00:56:14ce qui est dans le texte, puisque Jeanne est très précise.
00:56:19Donc, on arrive très préparé et il y a assez peu de place pour
00:56:23l'improvisation parce que les questions qu'on peut avoir avant ou que
00:56:28moi, je peux avoir avant, je lui ai posé, je lui ai demandé et
00:56:32c'est très collaboratif, que ce soit la façon de filmer.
00:56:38Je lui ai demandé quelle est l'image juste pour le film.
00:56:43Après, c'est toujours de doser l'esthétisme versus le réalisme.
00:56:47Pour moi, il n'y a pas de belle image, mais il y a une bonne image.
00:56:52Et là, c'était de savoir comment, comment placer le curseur.
00:56:58Et après, c'est une discussion qu'on a aussi avec le chef décorateur,
00:57:00Jean-Philippe Moreau, il faut aussi beaucoup penser aux sons,
00:57:03aux costumes.
00:57:04Donc, c'est très collaboratif.
00:57:07Finalement, parce qu'en plus, ce cercle de rencontres, on le fait
00:57:11en studio.
00:57:12On ne le fait pas dans une vraie prison.
00:57:14C'est un décor qui est censé se passer en prison, dans une sorte
00:57:16de salle polyvalente de prison, salle d'atelier, on va dire.
00:57:20Ce n'était pas très facile de tourner dans une vraie prison.
00:57:24Donc, c'était plus facile de tourner dans un studio.
00:57:27Mais ça veut dire qu'on a toute la liberté d'inventer vraiment
00:57:30notre salle de rencontres telle qu'on a envie de la voir.
00:57:33Et c'est vrai qu'on a fait une salle assez chaude, vraiment,
00:57:36qui était loin d'être moche, avec des belles couleurs.
00:57:39Le sol, moi, je tenais vraiment à avoir un sol très coloré,
00:57:42très vivant, parce que je savais que j'aurais des plans comme ça,
00:57:45de top shot, vu d'en haut, où on filmerait.
00:57:48Moi, j'adore, je ne sais pas pourquoi, j'adore les nuques et les pieds.
00:57:51Donc, les chaussures, on l'entend, nos 80 ZT, j'ai une obsession
00:57:55pour les chaussures.
00:57:56Donc, je filme les pieds et je filme les sols et les nuques des gens,
00:58:02beaucoup.
00:58:04Et bref, cette salle de rencontres, c'est vrai qu'on l'a faite un peu
00:58:07à notre main et c'est vrai qu'on a mis des belles couleurs,
00:58:10des couleurs froides, mais aussi des couleurs chaudes.
00:58:13Et cette liberté est immense.
00:58:16Mais c'est vrai que pour le chef FOB, pour le chef d'éco,
00:58:19c'est beaucoup de travail, du coup, pour inventer ça,
00:58:22pour que ça fasse très vivant et très vrai.
00:58:25Et c'est vrai que, du coup, pour chaque rencontre,
00:58:29on savait, il fallait qu'on décide d'une météo aussi, forcément,
00:58:32parce qu'on fait tout.
00:58:32Donc, la lumière n'est absolument jamais naturelle.
00:58:35Elle est toujours fausse.
00:58:37Est-ce qu'il fait beau ? Est-ce qu'il fait moche ?
00:58:39Est-ce qu'à tel moment, ce serait pas plus intéressant que ce soit
00:58:41une lumière un peu pâle ?
00:58:43Tout ça, c'est des choix qu'on fait et c'est vrai qu'on arrive,
00:58:45comme on n'a pas énormément de temps, c'est vrai qu'il n'y a pas
00:58:48beaucoup d'improvisation.
00:58:49On a décidé à chaque moment, est-ce qu'on met un petit traveling
00:58:53avant, à ce moment-là ?
00:58:54Est-ce que tout est quand même bien balisé, je dirais ?
00:58:58Oui, après, c'est ta façon de travailler aussi.
00:59:02Mais oui.
00:59:03Non, mais moi, j'ai travaillé avec d'autres réalisateurs et réalisatrices
00:59:07où on fait jouer les comédiens le matin en prépa et on décide du découpage
00:59:13au moment venu.
00:59:14Mais c'est pas ta façon de travailler.
00:59:17Mais c'est vrai que, par exemple, t'es une des seules à...
00:59:22Moi, j'ai reçu un scénario et quelques semaines avant le tournage,
00:59:26j'ai eu un scénario à noter par jeunes où, normalement,
00:59:30on a la scène des didascalies et le dialogue.
00:59:33Et là, c'est d'autres didascalies très longues où il y a des informations
00:59:39pour chaque technicien, par exemple, chaque chef de poste sur les costumes,
00:59:47sur la couleur, sur l'heure qu'il est, sur ce qu'elle veut ressentir
00:59:53sans que ce soit inscrit dans les didascalies.
00:59:55Sinon, ça serait trop long parce que, parfois, ma pénombre n'est pas la même
01:00:01que la sienne.
01:00:02Le rouge sans rouge n'est pas le même que le mien.
01:00:05Et la salle de rencontre, on a visité pas mal de centres de détention,
01:00:11des vrais.
01:00:12Et je crois que quand on a visité Fleury-Murgis...
01:00:17La prison des femmes.
01:00:18Des femmes, en fait, on a vu et on a ressenti quelque chose
01:00:25que le chef décorateur s'est beaucoup inspiré de cette prison,
01:00:29même de la femme, parce que Fleury-Murgis s'est fait d'une certaine manière
01:00:32en étoile.
01:00:34Et après, c'est un mélange avec d'autres centres de détention.
01:00:37Mais là, dans le film, on a tourné les scènes de prison à Réau, je crois.
01:00:44L'arrivée des victimes qui est vraiment filmée dans un vrai centre de détention
01:00:49à Réau.
01:00:50Et après, on est parti à Brissus-en-Marne en studio.
01:00:53Mais c'est vrai qu'après, sur l'horaire, le challenge, c'est d'essayer
01:00:59de retranscrire la lumière naturelle le plus fidèlement possible.
01:01:04Et ça, c'est pareil, c'est des échanges avec Jeanne, avec le chef déco,
01:01:09beaucoup aussi sur les couleurs.
01:01:12Il y a certaines couleurs qu'on a exclues.
01:01:15On déteste le vert.
01:01:17C'est vrai.
01:01:18C'est un vrai problème.
01:01:19Et moi, je ne suis pas contrariante, sauf si je fais un film sur les sapins.
01:01:22Je vais dire, écoute, mon vieux, on a un problème.
01:01:26Mais le chef déco, comme il le connaît bien, placé des objets verts
01:01:30exprès dans les trucs pour que Nicolas vienne et les prenne.
01:01:34Mais on parle de rien.
01:01:35On parle d'un truc petit comme ça.
01:01:36Il venait, il enlevait le truc vert.
01:01:38On n'a pas fait gaffe au micro, désolé.
01:01:39Non, c'est le vert du Vélib' en fait, qui m'angoisse profondément.
01:01:44Je ne sais pas pourquoi.
01:01:45Du Vélib'.
01:01:46C'est le...
01:01:47Oui, c'est pas tous les verts, c'est certainement ce vert spécifique.
01:01:51Il est ma boule, mais un peu.
01:01:55Et non, et après le découpage, c'est voilà, là, c'était très précisé.
01:01:59Même le dialogue, c'est-à-dire qu'on a vu Fratesto.
01:02:02J'ai souvenir d'une scène où il interjectait des petits bas E.
01:02:07Non, des voilà.
01:02:08Des voilà.
01:02:09Et Jeanne disait, c'est très, très, très bien, mais tu vas m'enlever tous les voilà.
01:02:13Et c'était, voilà, c'était drôle.
01:02:16Mais le...
01:02:17Ce qu'il disait, le texte, c'est, je m'appelle Thomas.
01:02:20Voilà, j'ai 50 ans, je fais ci, je fais ça.
01:02:23Et lui, il dit, je m'appelle Thomas.
01:02:28J'ai 49 ans.
01:02:30Voilà, mais c'est bien.
01:02:33Et donc, voilà la même chose, tout pareil.
01:02:35Mais pourquoi tu as rajouté des voilà?
01:02:37Parce que c'est vrai que si vous avez le scénario, c'est à 100% ce qu'on
01:02:43voit à l'image.
01:02:44Il n'y a pas de mots qui ne sont pas écrits.
01:02:46C'est très précis.
01:02:47Il n'y a pas d'improvisation ou d'ajustement pendant le tournage.
01:02:53Gilles a dit putain.
01:02:56Il a rajouté un putain qui est génial dans la colère de Gilles,
01:02:59la colère du personnel de Gilles, qui est l'événement de la troisième rencontre.
01:03:03Il a rajouté un putain qui est super.
01:03:06J'ai adoré ton putain, je lui ai dit extra ton putain.
01:03:09Et donc, du coup, je l'ai gardé.
01:03:11Mais non, c'est vrai, c'est vrai qu'il n'y a pas beaucoup de trucs qui changent.
01:03:15Mais on le sent, il y a une musicalité aussi dans le texte.
01:03:17Mais oui, mais voilà, c'est ça.
01:03:19Mais non, mais merde, c'est vrai, c'est vrai.
01:03:22Non, mais c'est drôle.
01:03:23J'en ai parlé avec mon rope il n'y a pas longtemps, avec mon papa qui est donc
01:03:26chanteur et qui me disait parce que lui, c'est un très bon, moi, je pense,
01:03:31un très grand chanteur et un très grand compositeur.
01:03:33Mais ce n'est pas un grand instrumentiste.
01:03:35Ce n'est pas quelqu'un qui a une grande précision.
01:03:39Ce n'est pas William Scheller ou des gens qui pourraient vraiment.
01:03:41Ce sont vraiment des très grands pianistes.
01:03:43Mon père, bof, bon, mais il compose quand même.
01:03:46Et mais il a une idée très précise de ce qu'il veut.
01:03:49Et à chaque fois, il allait en studio.
01:03:51Je m'en rappelle parce que moi, j'étais là aussi.
01:03:53Il tombait sur des musiciens qui étaient
01:03:54évidemment des musiciens, des grands instrumentistes qui devaient jouer ce que
01:03:57mon père avait composé et il jouait ce qui était composé.
01:04:01Mais il changeait deux, trois trucs quand même.
01:04:04Et mon père, je l'ai vu mais cent fois dire
01:04:06excuse-moi, tu peux jouer les notes, s'il te plaît?
01:04:09Il ne dit pas sympa comme ça.
01:04:11C'est moins sympa quand il le dit.
01:04:13Mais et des fois, il ne sait pas lui-même ce qui n'est pas joué correctement.
01:04:18Mais il dit mais tu joues pas exactement ce que j'ai écrit.
01:04:20Il dit si, si.
01:04:22Non, tu ne joues pas vraiment ce que j'ai écrit.
01:04:25Je crois, je ne sais pas te dire où, mais je me suis.
01:04:28Et donc, je l'ai vu partir une heure,
01:04:31rebidouiller lui pour dire OK, c'est ça que tu fais différemment.
01:04:34Ah oui, mais ça, en termes de garde chromatique,
01:04:36c'est mieux de le faire différemment et dire mais joue les notes, s'il te plaît.
01:04:40Et en fait, on s'en est parlé la dernière fois.
01:04:42Et en fait, c'est un peu ce que je me dis aussi.
01:04:45C'est-à-dire que ces voix là, ils sont très sympas, mais ils ne m'intéressent pas.
01:04:48En fait, la partition avec tous les voix là qui viennent se rajouter,
01:04:51c'est une autre partition et c'est pas...
01:04:53Non, puis tu me disais, la préparation est faite pour ça.
01:04:59Chacun propose et tu tranches et après, on avance.
01:05:03Parce qu'il faut tenir un planning, il faut tenir tout ça.
01:05:05Mais moi, là, mon rôle,
01:05:08je les ai vraiment souvenirs.
01:05:11Je suis physiquement la personne sur le plateau qui est la plus proche du comédien.
01:05:16Et donc, moi, j'essaie de retranscrire au mieux la première prise.
01:05:22J'ai eu des émotions à chaque fois les premières prises.
01:05:25La deuxième, c'est ce qui se joue, donc ça va.
01:05:28Mais j'essaie au mieux de retranscrire ça.
01:05:31Et c'est vrai que Jeanne, là-dessus, doit faire,
01:05:35donne sa confiance.
01:05:36Parce que si on tourne à trois caméras, par exemple,
01:05:39elle va pouvoir regarder une image, mais pas les trois images en même temps.
01:05:43Donc, elle s'entoure de gens et elle va leur faire confiance
01:05:47pour aller capter la main, par exemple, de Miu Miu,
01:05:51qui raconte beaucoup, qui touche le bâton,
01:05:54qui est aussi forte qu'un gros plan sur un visage.
01:05:57Et c'est vrai qu'une fois qu'elle a fait confiance à son équipe.
01:06:02Mais c'est vrai, cette histoire de confiance est très importante,
01:06:05parce qu'en plus, je trouve que dans tous les petits endroits
01:06:09de compétences que nécessite ce métier de réalisatrice,
01:06:14il y a des endroits où je me sens assez en confiance.
01:06:17Je me dis, bon, ça, je sais faire diriger un acteur ou écrire
01:06:21ou avoir un avis précis sur le découpage ou quel focal.
01:06:27Là, qu'est-ce qu'on fait ?
01:06:29Ou plutôt caméra à l'épaule.
01:06:30Ça, je me sens plutôt à l'aise.
01:06:32La lumière, c'est pas que je suis une bille,
01:06:35c'est un peu comme mon père, un instrumentiste.
01:06:37Je suis, mais nul, je serais incapable d'éclairer, moi, personne.
01:06:41Si on me dit, t'es un acteur, éclaire-le.
01:06:43Je ne saurais pas quoi faire.
01:06:44Peut-être une lampe torche, en me disant...
01:06:48Ça fait un style, surtout d'un film.
01:06:50Mais donc, je suis obligée de faire confiance à mon chef opérateur.
01:06:54Vraiment, je ne peux que lui dire, vas-y, toi,
01:06:57parce que toi, tu sauras vraiment transformer
01:06:59techniquement ce que je veux et je ne suis pas précise.
01:07:03Et du coup, on va vraiment être obligés de fonctionner sur...
01:07:07Donne-moi des rêves.
01:07:08Je ne peux pas lui dire, mets une mandarine, comme ça, à 50.
01:07:12Et puis le machin, déjà, je dis n'importe quoi.
01:07:15Mais c'est vraiment ça.
01:07:16Donc là, ce truc de confiance, je m'en remets vraiment
01:07:18à mon chef opérateur.
01:07:20Il faut qu'il ait compris la sensation, effectivement,
01:07:22qu'on ait dosé le bon curseur entre ultra-naturaliste
01:07:26ou pas, à quel point on fait quelque chose
01:07:28qui est un tout petit peu plus joli que le réel,
01:07:30ou pas du tout, à quel point on veut que les peaux des acteurs
01:07:33soient... Voilà, à quel point on se dit, non, les actrices,
01:07:35on veut qu'elles ne soient pas maquillées,
01:07:37qu'elles soient un peu moches parce que ça fait réel.
01:07:39Et en fait, ce n'est pas vrai.
01:07:40Enfin, tout ça, c'est des choix qu'on fait en amont.
01:07:42Et après, je dois faire confiance.
01:07:46Et je n'ai vraiment pas à regretter.
01:07:47Pour le dire, c'est une de mes...
01:07:49Enfin, oui, je vais le dire.
01:07:51Autant sur Pupi, j'en ai un peu chié avec mon chef op.
01:07:54Ce n'était pas très cool.
01:07:55Autant, j'ai adoré travailler avec Nicolas parce que lui aussi,
01:07:58il est très, très, très, très précis, sensible à l'écoute.
01:08:01Et c'est quelqu'un qui se met au service du film et vraiment,
01:08:07le film lui doit beaucoup.
01:08:08Merci.
01:08:16On va passer ensuite peut-être aux questions du public.
01:08:19S'il y en a, je voulais quand même finir par vous parler
01:08:21de direction d'acteurs.
01:08:22Vous en avez parlé un petit peu, mais justement, à ce niveau-là,
01:08:24quel est le degré de précision avant de démarrer le tournage
01:08:30et de dire action?
01:08:32Quel est le processus pour amener les acteurs là où vous voulez
01:08:34les emmener?
01:08:36Je pense qu'évidemment, le casting, ce n'est pas très original
01:08:39de dire ça, mais c'est une grande partie de la direction d'acteurs
01:08:42de trouver les bonnes personnes pour les personnages.
01:08:45Et puis moi, c'est vrai que je m'entoure d'acteurs qui sont
01:08:47souvent des acteurs, toujours des acteurs professionnels
01:08:51et si possible, des très bons acteurs.
01:08:53Justement, parce que comme moi, je ne les dirige pas en disant
01:08:56fais à ta sauce, les mots sont écrits, mais dis les mots que tu veux.
01:09:01Non, je leur demande un peu plus comme une façon de faire au théâtre
01:09:07de respecter la partition.
01:09:08Et c'est un peu sacré au théâtre, on n'a pas le droit de changer
01:09:11les mots du tout.
01:09:12On doit se les coltiner les mots et incarner ça et leur donner
01:09:16vie, leur donner la vérité.
01:09:17Donc, c'est aussi le travail que je fais avec les acteurs.
01:09:20Et après, comme chaque acteur, comme l'activité du jeu est assez
01:09:28mystérieuse, que c'est un mélange d'abandon et de contrôle,
01:09:31comme chaque acteur a sa façon de faire, qu'entre Miu Miu,
01:09:36ma mère qui n'a jamais fait d'école, qui a appris vraiment
01:09:42sa méthodologie, sa façon de faire, et Suyanne Brahim qui a la comédie
01:09:46française et qui joue des textes et qui a fait le conservatoire avant,
01:09:48etc.
01:09:49Comme à la fin, ils sont tous extraordinaires, mais ils n'ont pas
01:09:52la même cuisine, ils n'ont pas la même façon de faire.
01:09:55Et c'est vrai qu'il faut s'adapter à chacun un petit peu et aussi
01:09:59les amener à s'adapter à ma façon de faire.
01:10:02L'essentiel, quand même, avec des acteurs, vu que je ne les prends
01:10:06pas que pour leur nature profonde, mais aussi pour leurs compétences
01:10:10techniques, les deux, en fait.
01:10:14S'il faut créer un lien de confiance, voilà, de confiance,
01:10:18les acteurs ont besoin d'être vus, d'être regardés, d'être vus.
01:10:21Et parce qu'eux, ils vont se lâcher et il faut qu'ils sentent en face
01:10:24quelqu'un qui leur fait dire tu peux te lâcher avec moi, si c'est bien,
01:10:29tu peux me faire confiance, je vais te dire que c'est bien.
01:10:30Si ce n'est pas bien, tu peux me faire confiance, je vais te dire
01:10:33que ça ne va pas encore, qu'on n'y est pas encore.
01:10:35Ce lien de confiance qui est à la fois de mettre en danger des gens,
01:10:39parce que c'est eux qui vont se mettre tout nus, c'est eux qui vont
01:10:41pleurer, c'est eux qui vont se jeter de la falaise et tout ça.
01:10:44Et en même temps, de porter assistance à personne en danger,
01:10:47alors que c'est moi-même qui les ai mis en danger.
01:10:49C'est ça, c'est mettre en danger et porter assistance à personne
01:10:52en danger, leur donner du confort de jeu.
01:10:55Quel est ton confort de jeu ?
01:10:56Il y en a, c'est beaucoup, beaucoup de blabla, beaucoup d'enveloppement,
01:11:00beaucoup.
01:11:01Moi, je suis assez maternante, en plus maternelle.
01:11:03Mais il y en a, c'est, attends, moins, pas trop.
01:11:07Et il faut s'adapter à chacun.
01:11:11Et là, ta demande en même en préparation était que l'environnement
01:11:15technique ne vienne pas gêner ou empiéter sur le jeu des comédiens.
01:11:21Et je me souviens d'une phrase dans ton scénario à noter,
01:11:25qui était que les visages des personnages étaient les paysages
01:11:29du film et qu'on se devait de respecter ça.
01:11:33Et donc, après, c'est en cascade et chaque technicien va respecter
01:11:38le travail du comédien qui, là, est l'essence même du film.
01:11:42Et donc, c'est par exemple le choix de filmer certaines scènes à deux caméras
01:11:46en champ contre champ, en simultané, qui, naturellement, au cinéma,
01:11:51n'est pas habituel, puisque c'est plus compliqué techniquement.
01:11:54Mais là encore, en préparation, je lui dis, si on place le bureau
01:11:58ou le décor de telle façon, pour moi, ça sera beaucoup plus simple.
01:12:02Donc, elle l'entend.
01:12:04Et après, c'est à nous, techniquement, de jouer le jeu pour que les comédiens,
01:12:10comme tu dis, soient le plus en confiance possible pour délivrer
01:12:13ce qu'il y a à la fin à l'image.
01:12:16Oui, et puis, en plus, ce n'est pas de la gaudriole, ce qu'ils doivent jouer,
01:12:18ils doivent vraiment aller chercher des trucs un peu forts.
01:12:20Donc, c'est vrai que Nicolas, qui est le chef de poste, qui a le plus
01:12:26de gens, en fait, puisque le chef opérateur, comme c'est très militaire
01:12:31et hiérarchisé, le chef opérateur est aussi le chef des techniciens,
01:12:36des machinistes, des électros, etc.
01:12:38Il a beaucoup de gens, entre guillemets, sous sa commande,
01:12:42sous sa direction et c'est l'équipe la plus silencieuse du monde.
01:12:46C'est même un peu flippant, c'est-à-dire que l'équipe communique
01:12:51vraiment, en plus, maintenant qu'avec des espèces d'oreillettes.
01:12:53Donc, il n'y a même pas, oh Roger, viens voir, tu peux, machin.
01:12:56Non, c'est vraiment d'un silence.
01:12:58Je crois que j'ai fait quatre blagues ou six, douze blagues pendant tout
01:13:01le tournage, tellement, des fois, c'était un peu...
01:13:03Mais non, après, on construit aussi son équipe technique en fonction
01:13:07du réalisateur et du sujet.
01:13:11Moi, je suis quelqu'un de plutôt discret, donc je m'entoure de gens
01:13:14qui sont un peu comme moi.
01:13:16Je ne suis pas très expressif, mais c'est vrai, mais non, non,
01:13:22c'était un tournage assez studieux et respectueux.
01:13:27Mais joyeux.
01:13:28Du coup, on entendait bien les blagues de Fred Testo.
01:13:30C'est ça qui est très drôle.
01:13:33Je crois savoir que vous employez des mots différents pour dire
01:13:36moteur, action, tout ça sur le tournage.
01:13:39C'est une blagoune, c'est le premier jour.
01:13:42Premier jour.
01:13:43Oui, je crois qu'on avait dit câlin, non, bisous, pour dire action.
01:13:48Oui, c'était pour mettre une bonne ambiance.
01:13:50Premier jour.
01:13:51Puis comme pour une fois, c'était ni une séquence qui parlait
01:13:54ni de viols, ni de braquage, ni de trucs.
01:13:57Évidemment, c'est direct le monologue d'Adèle Exarchopoulos qui raconte
01:14:02ses viols.
01:14:03Bon, bisous, ce n'est pas terrible.
01:14:04Mais comme là, c'était léger, ça allait.
01:14:07Je crois qu'on a le temps pour quelques questions et je crois
01:14:10qu'il y en a pas mal.
01:14:12On va faire passer un micro.
01:14:14Là, je crois.
01:14:15Là, la première est ici.
01:14:17Merci pour votre rencontre extraordinaire et fabuleuse.
01:14:21On en apprend beaucoup sur les métiers du cinéma.
01:14:24Ça permet d'avoir des infos, pas forcément devant, mais également
01:14:28derrière l'écran.
01:14:29Ma question, c'est pour Jeanne.
01:14:31Alors, elle va être très brève.
01:14:33Est-ce que, comme beaucoup ou la plupart des réalisateurs,
01:14:37passent aussi par un storyboard qui est un autre découpage
01:14:43du scénario ?
01:14:44Ou est-ce que l'équipe se contente du scénario à noter ?
01:14:49Je pense notamment au chef op ou au chef déco.
01:14:51Est-ce que vous êtes arrivés de storyboarder vos scénarios ou
01:14:56un scénario particulier ?
01:14:58Écoutez, pas beaucoup.
01:15:00En fait, ce n'est pas si fréquent que ça, les storyboards au cinéma.
01:15:04Il n'y a pas beaucoup de réalisateurs qui le font.
01:15:05Il doit y avoir Jeunet, Besson, peut-être.
01:15:09C'est souvent sur les scènes.
01:15:11Mais moi, je l'ai fait pour quelques scènes d'action, en fait.
01:15:13Quand les scènes, on a vraiment, on se dit, il va falloir vraiment
01:15:17avoir toute la matière possible.
01:15:18Et souvent, les scènes d'action, entre guillemets, par exemple,
01:15:21dans Elle l'adore, scènes d'action, quand il y a les explosions.
01:15:25Non, quand la jeune femme mourait écrasée pour une victoire de la
01:15:31musique, il fallait bien que j'ai tous les plans.
01:15:33Il y avait une bagarre, etc.
01:15:35On sait qu'il va falloir avoir tous les éléments pour que ça soit
01:15:38bien, donc pour ne pas oublier, on fait un storyboard.
01:15:41Effectivement, ça m'est arrivé sur 10% aussi pour certaines scènes
01:15:44où j'avais un peu les foies et où je me disais, il ne faut vraiment
01:15:47pas que j'oublie des plans.
01:15:48Il ne faut pas qu'on oublie la réaction de Midul, le plan large
01:15:51de truc, cette version-là, cet angle-là, ce truc-là.
01:15:54Donc là, oui, un petit peu de storyboard, mais c'est pas...
01:15:56Moi, je fais des croquis horribles parce que je ne sais pas du tout
01:16:01dessiner.
01:16:02C'est vraiment horrible, mais je ne fais pas de storyboard.
01:16:05On faisait des plans au sol.
01:16:07Oui, on fait des plans au sol.
01:16:08Et oui, souvent, c'est plutôt quand il y a, ça dépend des réalisateurs,
01:16:11mais quand il y a beaucoup d'effets spéciaux aussi pour pouvoir
01:16:14budgéter les effets, parce que ça coûte très cher.
01:16:18Et les séquences dangereuses pour pouvoir sécuriser tout ce qui
01:16:23va se faire.
01:16:25Mais là, oui, c'était plus des plans au sol.
01:16:28Est-ce que vous pourriez expliquer ce que c'est un plan au sol ?
01:16:30Vous voyez, par exemple, un plan de votre maison, c'est le même
01:16:34plan et on va placer les personnages et leurs déplacements et on
01:16:37va écrire chaque plan et chaque angle de caméra pour, par exemple,
01:16:44voir quels plans on pouvait faire en même temps.
01:16:48Et surtout, et là, l'assistante réalisatrice, ça lui permet aussi
01:16:52de quantifier le nombre de plans qui vont être dans une journée et
01:16:56pour anticiper en préparation, de dire, elle va nous dire, j'ai
01:17:01prévu 6 heures sur le monologue de Miu Miu, combien d'axes on a,
01:17:07combien de plans.
01:17:08Et après, on sait à peu près combien de prises ça va nous donner.
01:17:13On a une heure pour faire tel axe, on a eu 45 minutes pour faire tel
01:17:17truc, etc.
01:17:18Et là, un plan en pied, ce serait, moi, je ferais là, comme si on ne
01:17:23me voyait du dessus.
01:17:24Je mettrais quatre petits ronds et après, on met des axes comme ça.
01:17:29Et c'est vrai que ça paraît bizarre, mais ça permet, par exemple,
01:17:34quand on tourne une scène dans une rue, dans un axe, ça permet de
01:17:38savoir que les camions, on va les mettre, il y a 30 camions, on va
01:17:41les mettre dans un côté.
01:17:42Et si on veut se retourner, c'est pour anticiper, parce que tout
01:17:46est extrêmement précis et militaire.
01:17:52Je crois qu'il y a une autre question là-bas.
01:17:57Bonsoir, Madame Eri, je me nomme Léo et je suis très fan de votre
01:18:03filmographie.
01:18:04J'adore particulièrement Pupille et Je vais à tour au visage.
01:18:07Et il y a un truc dans ces deux films qui m'a particulièrement marqué,
01:18:10c'est Gilles Lelouch.
01:18:11Je trouve que quand il est dirigé par vous, il offre des merveilles
01:18:15en termes de performance.
01:18:16Et je me suis demandé, qu'est-ce qui vous a donné l'idée de faire
01:18:22de Gilles Lelouch un peu votre acteur fétiche en quelque sorte ?
01:18:26Merci beaucoup, déjà, je vous reconnais.
01:18:32Qu'est-ce qui m'a donné envie ?
01:18:34En fait, c'est quand j'écrivais le rôle de l'assistant familial
01:18:38pour Pupille.
01:18:39C'est vrai que j'ai tout de suite pensé à Gilles Lelouch alors que
01:18:41je ne le connaissais pas et que pour moi, je ne sais pas.
01:18:48Je cherchais quelqu'un comme ça de très viril et qui incarne,
01:18:54qui a beaucoup incarné ou qui incarne toujours, d'ailleurs,
01:18:56dans le cinéma, une masculinité très virile.
01:18:58Comme ça, je me dis bon, quitte à mettre un mec pour s'occuper
01:19:03d'un tout petit bébé, autant que ce soit le mec le plus viril
01:19:05de France, c'est plus marrant.
01:19:08Et évidemment, qu'on a plus vu jouer les flics, les gangsters,
01:19:15un peu tout dans des partitions plus nerveuses qui correspondent
01:19:19aussi à Gilles, à une partie de lui-même qui est très nerveux.
01:19:21Mais moi, c'est aussi quelqu'un qui est assez tendre.
01:19:25Et j'avais aussi envie que le bébé se sente très bien dans ses bras
01:19:32et qu'on se dise pour le bébé, ah, parce qu'on le voit vivre
01:19:35un moment pas marrant de sa vie, il naît et puis à peine arrivé
01:19:40parmi nous, sa maman dit moi, c'est sans moi.
01:19:43Donc, je voulais passer ce petit choc qu'on va avoir, nous,
01:19:48d'empathie.
01:19:49On se dit, ah, mais il va dans les bras de lui.
01:19:51Ah, il va être bien, comme un bon fauteuil confortable,
01:19:54je ne sais pas, quelque chose de solide.
01:19:55Et comme Gilles était très à l'aise avec les bébés, ça, c'était
01:19:59quand même une interrogation que j'avais parce que c'est difficile
01:20:03à apprendre, c'est comme danser ou n'importe quoi.
01:20:06Il fallait qu'il y ait quelque chose de charnel avec ce bébé,
01:20:08d'évident, de se dire, il est bien.
01:20:11Et de fait, les bébés, puisqu'il y en avait plusieurs,
01:20:13étaient très bien dans les bras de Gilles.
01:20:15Et comme il n'y avait personne d'autre qui avait le droit de porter
01:20:18le bébé, à part les parents du bébé et Gilles Lelouch,
01:20:21pour ne pas multiplier, ce n'était pas un paquet non plus
01:20:23qu'on allait...
01:20:24Et donc, c'est pour sa tendresse que j'ai toujours, moi,
01:20:32perçu et pour sa virilité, sa masculinité assez débordante
01:20:39comme ça, que je ne l'ai pas regretté parce que c'est un acteur
01:20:44aussi très précis et qui, je pense, ça lui a plu d'aller
01:20:51mobiliser ces endroits-là, qu'il mobilise moins dans les autres films.
01:20:57Est-ce qu'il y a d'autres questions?
01:20:59Oui.
01:21:00Bonsoir.
01:21:01C'est là?
01:21:02Oui.
01:21:03Bonsoir.
01:21:05On a beaucoup parlé de liens.
01:21:08Je verrai toujours vos regards, vos visages, pardon.
01:21:11Vous n'êtes pas la seule, personne ne retient ce titre.
01:21:14Très bon titre que j'ai moi-même trouvé.
01:21:19Je pense que c'est un film important.
01:21:22En tout cas, pour moi, il l'est parce que c'est peut-être la
01:21:25première fois que quelqu'un a réussi à donner à voir ce que
01:21:29c'est qu'une procédure.
01:21:31Pas comme un truc désincarné, techno-administratif, mais
01:21:35justement au travers de personnes qui mettent en oeuvre un cadre et
01:21:40qui protègent.
01:21:41Je trouve que c'est rarissime de montrer ça au cinéma et de le
01:21:46montrer tout court d'ailleurs.
01:21:48Et ma question n'a d'ailleurs rien à voir.
01:21:51C'est que je voulais savoir quelle différence il y a pour vous,
01:21:57s'il y en a une, entre réaliser un film comme ça et tourner une
01:22:02série comme 10% où vous n'êtes pas, vous n'avez pas le contrôle,
01:22:07je dirais, de toute la chaîne.
01:22:10Donc, pourquoi faire une série comme ça?
01:22:12Est-ce que c'est pour changer d'air et de muscles?
01:22:17Enfin, comment c'est arrivé dans votre parcours?
01:22:20Merci déjà pour ce que vous avez dit.
01:22:23Et moi aussi, je suis comme vous, les protocoles, les cadres pour moi,
01:22:27quand ils sont bien pensés et souvent, en fait, je les trouve assez
01:22:30bien pensés.
01:22:31Ça protège beaucoup et ça libère.
01:22:33Et c'est des protocoles qui sont faits avec un grand degré de
01:22:39civilisation et d'humanité.
01:22:40Moi, je trouve la plupart du temps.
01:22:42Donc, pourquoi une série?
01:22:4510% précisément parce que c'était juste après Elle adore et qu'on me
01:22:48l'a proposé et que j'avais envie de me muscler en tant que réalisatrice,
01:22:52que c'était une opportunité super, que la direction artistique ne
01:22:56venait pas de moi.
01:22:57Elle a donc été donnée par Cédric Lapiche, Antoine Garceau et Lola
01:23:04Doyon, qui étaient les trois premiers réalisateurs de la première
01:23:06saison.
01:23:07Donc, moi, j'arrive dans un endroit où je dois me mettre dans les
01:23:10pieds de chausser les baskets de quelqu'un d'autre, épouser une
01:23:15direction artistique que je n'ai pas choisie, des décors que je n'ai
01:23:17pas choisi, un casting que je n'ai pas choisi.
01:23:19Tout ça est assez exotique et c'est super.
01:23:25C'est un super exercice.
01:23:26La partition, elle est très bien écrite.
01:23:2810%.
01:23:29Moi, j'adore les scénaristes de 10% et la créatrice Fanny Herrero.
01:23:32Donc, c'était comme un petit exercice de style où j'ai pu continuer
01:23:37à faire mes gammes et à apprendre et à me muscler comme réalisatrice.
01:23:43D'ailleurs, vous avez aussi travaillé sur Mouche, qui est l'adaptation
01:23:47de Fleabag et qui a un style visuel déjà pré-établi.
01:23:50En fait, la version originale et qui est très spécifique.
01:23:53Comment on s'immisce là-dedans ?
01:23:56Pareil.
01:23:57En fait, j'aurais pu en réaliser peut-être un peu autrement.
01:24:00Il se trouve que j'ai...
01:24:01Et en même temps, comme c'est quelqu'un qui s'adresse tout le temps
01:24:03à la caméra, à un moment donné, il faut bien la filmer vu qu'elle
01:24:06s'adresse à nous.
01:24:08Mais pareil, c'était un exercice de style, un petit peu, que de reprendre
01:24:13cette partition anglaise que j'ai traduite.
01:24:16J'ai écrit très peu de nouvelles scènes, j'en ai écrit un petit peu
01:24:20à la demande des producteurs.
01:24:21En fait, je trouvais...
01:24:22C'était plus comme une démarche de mise en scène au théâtre.
01:24:25C'est-à-dire, je trouvais la partition tellement géniale.
01:24:29Elle avait été créée par une troupe anglaise formidable.
01:24:36Les Anglais ont vraiment un vivier d'acteurs qui est incroyable.
01:24:40Les Français aussi.
01:24:41Donc, je m'étais dit, la partition est super.
01:24:44Je vais faire mon flibague à moi, un peu francisé, mais pas trop,
01:24:50avec des super acteurs.
01:24:51Mais le fait est que les acteurs étaient génials.
01:24:54C'est fait exprès, c'est compositisé.
01:25:00Et voilà.
01:25:01Donc, oui.
01:25:03Est-ce qu'il y a d'autres questions ?
01:25:05Alors, excusez-moi, ce sera la dernière question.
01:25:07Désolée.
01:25:08Mais oui.
01:25:09Anna, c'est à toi.
01:25:09Oui, là-bas.
01:25:13Bonsoir.
01:25:14Merci beaucoup pour cette rencontre super intéressante.
01:25:18Merci beaucoup pour votre travail, Jeannery.
01:25:20C'est incroyable.
01:25:21Merci à vous.
01:25:23Et ma question, à la base, c'était justement par rapport à 10%
01:25:26et les séries.
01:25:27Et c'était pour savoir si vous prévoyez d'en faire une nouvelle
01:25:31ou plus globalement, quels étaient vos projets futurs
01:25:34ou les projets en développement desquels vous pouvez parler,
01:25:37bien sûr.
01:25:38Et voilà.
01:25:41Merci beaucoup.
01:25:42Une série, pour le moment, pas trop.
01:25:45Je me suis posé la question pour le prochain projet,
01:25:47parce que j'ai une matière qui est assez dense et que j'ai le désir
01:25:54de raconter un personnage qui se déploie sur une dizaine d'années.
01:25:59Donc, je me suis posé la question.
01:26:01Mais en fait, on s'est dit avec mes producteurs qu'on préférait
01:26:04vraiment le cinéma pour le moment, qu'on avait encore un crédit
01:26:09dans la machine pour faire un autre film, qu'on aurait peut-être,
01:26:13si le scénario allait à hauteur des espérances, pas trop de mal
01:26:15à le financer et que faire du cinéma, c'est vraiment génial.
01:26:19Non, mais c'est vrai, c'est génial.
01:26:21C'est magnifique et c'est magnifique de voir des salles remplies,
01:26:25de faire venir des gens, de partager.
01:26:27Il y a quand même ce truc de partage.
01:26:29Moi, j'adore les séries et binger des trucs.
01:26:31Je trouve ça génial aussi.
01:26:32Mais là, se réunir dans des salles de cinéma et rire ensemble,
01:26:40et pleurer ensemble, et être intéressé, être captivé par une même image
01:26:43au même moment, à l'instant T, je trouve que ça reste quand même
01:26:46quelque chose que moi, je trouve un peu inégalable, en fait.
01:26:50Donc, on profite.
01:26:52Donc, j'essaye d'écrire mon prochain film et j'espère.
01:26:56Voilà, je suis en plein dedans.
01:26:59Merci beaucoup.
01:27:00Je crois qu'on doit s'arrêter là.
01:27:01Merci beaucoup.