Table ronde: de la «Méthode» aux méthodes

  • l’année dernière
Dans le cadre de la sortie du livre Actors Studio : histoire et esthétique d’une méthode, de Broadway à Hollywood, cette discussion reviendra sur les évolutions de la « Méthode » développée au sein de l’Actors Studio à partir du début des années 1950.

Avec Michel Cieutat, Jacques Demange, Christian Viviani (auteurs). Animée par Sonia Déchamps (éditrice).

En partenariat avec Carlotta.

Cours de cinéma dans le cadre de la thématique Acteurs, Actrices & Avatars.
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Transcription
00:00:00 Merci beaucoup Pauline. Bonsoir à toutes et à tous. Nous allons pendant 1h30 environ
00:00:16 parler de la méthode, des évolutions de la méthode développée au sein de l'actor
00:00:20 studio à partir des années 50 et nous allons en parler, Pauline l'a dit, avec les co-auteurs
00:00:25 de cette "Somme à nul autre pareil", ce sont les mots de Michel Ciment qui en signe
00:00:30 la préface, la préface de ce merveilleux livre "Acteur studio, histoire et esthétique
00:00:34 d'une méthode de Broadway à Hollywood" publié par Carlota Films. Et donc nous sommes avec
00:00:40 les co-auteurs de ce livre, Christian Viviani, professeur émérit de l'université de
00:00:45 Caen-Normandie et coordinateur de la revue Positif, Michel Sciotta, enseignant chercheur
00:00:50 retraité de l'université de Strasbourg, critique à Positif, Jacques Demange, docteur
00:00:56 en études cinématographiques et collaborateur à la revue Positif et donc à distance, Christophe
00:01:01 Damour, maître de conférence en études cinématographiques à l'université de Strasbourg.
00:01:06 Bonsoir à tous les 4 et merci d'être avec nous. Peut-être pour engager cette discussion,
00:01:14 peut-on commencer par poser les bases, la méthode avec un M majuscule, cela correspond
00:01:21 à un ensemble d'exercices et de techniques de jeu inspiré du théoricien et praticien
00:01:26 de théâtre russe Stanislavski. Quels en sont rapidement, je sais que ça va être
00:01:31 très dur et ça va être tout l'enjeu de cette séance, réussir à dire tout ce qu'on
00:01:35 a envie de dire dans un temps somme toute assez réduit, quels en sont rapidement ses
00:01:39 origines à cette méthode, à ce système Stanislavski et comment est-ce que les Etats-Unis
00:01:47 se sont finalement retrouvés au cœur de son développement dans les années 50 ?
00:01:51 Alors je veux bien intervenir sur l'histoire, je laisserai sur le fond de la méthode parler
00:02:01 de mon ami Michel Ciotta, parce que nous avons supprimé toutes les signatures donc à part
00:02:10 certaines personnes qui savent jouer les Sherlock Holmes, impossible de savoir qui a fait quoi.
00:02:17 Et on va parler évidemment de la genèse aussi de ce livre.
00:02:21 C'était volontaire et ça a toujours été notre manière de travailler Ciotta et moi.
00:02:28 Donc il y a quand même des spécialités pour chacun.
00:02:36 Donc du point de vue historique, la méthode, ce que l'on a appelé la méthode, c'est
00:02:46 tout simplement une forme américaine qui a pris beaucoup de distance d'ailleurs, on
00:02:55 peut en discuter, des théories du russe Konstantin Stanislavski.
00:03:04 A la suite de la révolution d'octobre, beaucoup d'artistes russes ont émigré un peu à
00:03:17 droite et à gauche et beaucoup d'acteurs qui avaient été proches de Stanislavski
00:03:23 au théâtre d'art de Moscou sont partis aux Etats-Unis.
00:03:27 Ils ont subsisté en donnant des cours d'art dramatique et ces cours ont été fréquentés
00:03:42 par des personnalités comme Lise Strasberg, Stella Adler et quelques autres.
00:03:52 Et ces personnalités, à leur tour, ont créé dans l'effervescence du théâtre engagé
00:04:02 américain des années 30, une unité qui s'appelait le "Group Theatre".
00:04:09 C'est là que commence à balbutier ce que l'on a appelé la méthode.
00:04:17 Même pas à balbutier, elle prend forme de manière extrêmement nette.
00:04:21 Non seulement elle prend forme, mais elle se différencie.
00:04:25 Très vite après la belle illusion collectiviste et engagée, la conception de Strasberg est
00:04:37 différente de la conception de Madame Adler et de la conception de Samford Meissner.
00:04:45 Donc chacun va de son côté.
00:04:47 L'Actor Studio va naître dans les années 40, en 47, autour de Strasberg, Cazan, Robert
00:05:07 Lewis et Cheryl Crawford.
00:05:14 Vous racontez, on n'aura pas le temps, mais vous avez pris à partir du moment où Stanislavski
00:05:26 ou en tout cas les adeptes des techniques de Stanislavski émigrent aux Etats-Unis.
00:05:30 Vous racontez aussi dans ce livre, et c'est passionnant, l'ascension du réalisme dans
00:05:35 les scènes des théâtres européens dans la deuxième partie du 19e siècle.
00:05:38 Comme ça, on arrive effectivement aux Etats-Unis et à la création de l'Actor Studio.
00:05:42 Et peut-être pour continuer à poser les bases, vous le disiez, il y a différentes
00:05:47 en réalité méthodes.
00:05:48 Mais quand on parle de la méthode, grossièrement dans un premier temps, puisqu'on va rentrer
00:05:53 dans le détail tout au long de la discussion.
00:05:55 Michel, de quoi est-ce qu'on parle, d'une certaine vérité de jeu ? Qu'est-ce qu'on
00:06:02 appelle la méthode avec un grand M ?
00:06:04 Avant de parler de la méthode, il faut parler du système.
00:06:07 Car le grand papa de l'Actor Studio, ce n'est pas tous les noms qu'on a cités il y a un
00:06:13 instant, Lise Strasberg qui va se l'approprier dans les années 50 et 60 en véritable gourou.
00:06:18 Non, non, non, non, non.
00:06:19 C'est le Russe que mentionnait notre ami Christian, Constantin Stanislavski.
00:06:25 Alors c'est très intéressant de savoir que dans sa troupe d'art de Théâtre d'art
00:06:31 de Moscou, il y avait quelques auteurs qu'il aimait interpréter.
00:06:35 Bien entendu, il y avait Tchékov, mais il y avait aussi un ennemi du peuple, Gibson.
00:06:39 Un soir, il a joué le rôle du capitaine dont j'oubliais le nom, son rôle préféré.
00:06:44 Il l'a joué comme une véritable mécanique, ce que Jacques Brel redoutait beaucoup sur
00:06:51 scène en son temps, autrefois, qui va entraîner sa retraite.
00:06:54 Ça a beaucoup déçu, il s'est dit, c'est pas possible, je ne peux pas ressombrer dans
00:06:59 un pareil accueil.
00:07:00 Et un autre soir, alors là, il s'est passé le contraire.
00:07:03 Il a été pris d'une véritable extase émotionnelle.
00:07:08 Ses camarades de jeu se demandaient ce qui lui arrivait, ce qu'il avait pu prendre.
00:07:13 Le public pensait que tous les soirs, c'était comme ça.
00:07:18 Mais lui, le lendemain matin, s'est demandé comment il avait pu jouer avec une telle véracité,
00:07:26 sincérité émotionnelle.
00:07:27 Et c'est alors qu'il s'est souvenu, dans un petit épisode de son passé, qui lui avait
00:07:33 octroyé un sentiment très fort à l'époque, mais qui correspond totalement à celui que
00:07:40 reçoit le capitaine Billu, dont j'ai oublié le nom, dans Un ennemi du peuple.
00:07:44 Ça lui a donné l'idée, pour être aussi bon les autres fois, de s'efforcer pour cette
00:07:50 scène-là.
00:07:51 De penser à sa souvenir d'enfance, juste avant la scène en question, pour que lorsqu'il
00:07:59 joue la scène, il puisse faire une sorte de serbiose entre son souvenir personnel,
00:08:04 dont tout le monde ignore tout autour de lui, et le personnage qu'il est censé incarner.
00:08:09 Alors bien sûr, d'une séance à l'autre, ça n'avait pas toujours la même intensité,
00:08:13 mais c'était toujours juste et bien meilleur que ce qu'il avait fait auparavant.
00:08:17 Alors il a réfléchi à toute une technique de jeu qui permettrait d'entretenir ce genre
00:08:23 de choses, fondée sur la mémoire affective, la mémoire sensorielle.
00:08:27 Il va élaborer un système avec plusieurs aspects, qui va coucher sur le papier d'année
00:08:33 en année.
00:08:34 Et c'est ainsi d'ailleurs, comme l'a dit Christian, lorsque sa troupe est venue aux
00:08:37 Etats-Unis en 1923-1924, ils ont joué le répertoire russe, je ne sais pas s'il y
00:08:43 avait Yves Seine dans le lot, mais les acteurs américains de théâtre de l'époque, ils
00:08:48 les ont vus jouer sans comprendre un mot, et ils jouaient en russe bien entendu, étaient
00:08:51 subjugués par la vérité de leur gestuelle, de leur déplacement sur scène, de leur manière
00:08:56 de jouer parfois, d'eau au public, un tabou dans le théâtre Broadway de l'époque.
00:09:01 Et puis surtout, il y avait des regards pour ceux des premiers rangs qui étaient d'une
00:09:05 intensité extraordinaire.
00:09:06 Alors ces acteurs-là, ceux de group theatre avaient le souci de monter des pièces à
00:09:12 caractère social comme Waiting for Lefty de Clifford Odette, se demandaient s'ils
00:09:20 ne pourraient pas eux-mêmes atteindre ce niveau de qualité hyper réaliste, naturaliste
00:09:24 dans leur propre travail.
00:09:25 Et comme ils posaient beaucoup de questions à Boleslavski, Pindam, je n'oubliais le
00:09:30 nom, ils sont restés, et à la suite de l'histoire, vous reconnaissez, c'est Christian qui l'a
00:09:33 raconté.
00:09:34 Donc ce système a été donc bien développé par Salil Zavski.
00:09:40 Il y a deux livres fondamentaux là-dessus.
00:09:43 Après, ils sont repartis et donc ça a été pris en main par plusieurs personnes.
00:09:49 Les noms ont été cités, surtout par Lee Strasberg.
00:09:52 Lee Strasberg avait retenu de ce que Salil Zavski lui avait dit, que le texte importait
00:09:58 peu au niveau des répétitions.
00:09:59 Il fallait la vérité émotionnelle avant tout.
00:10:03 Le texte, on l'apprendra plus tard.
00:10:05 Dans les répétitions, on improvisait beaucoup à Moscou.
00:10:08 Idem dans le groupe théâtre.
00:10:10 Et le texte parfois était un peu bousculé par ces improvisations.
00:10:15 Et les représentations, c'était pareil.
00:10:16 Si un soir, un acteur avait un sentiment de marcher partout, comme ça, dans son personnage,
00:10:21 avec besoin ce soir-là de marcher partout, il marchait partout.
00:10:24 Il pouvait rajouter un petit texte à Ibsen ou à un autre.
00:10:29 Ce n'était pas grave.
00:10:30 C'était la vérité qui comptait.
00:10:31 Et donc Lee Strasberg va s'en tenir à ça.
00:10:35 L'acteur doit être le personnage 24 heures sur 24, un côté assez obsessionnel et absolutiste.
00:10:40 Mais en 1934, Stella Adler, qui appliquait le même système qui était devenu une méthode,
00:10:50 est allée à Paris.
00:10:51 Elle tombe incitamment sur Salil Zavski.
00:10:53 Elle le remercie, le félicite pour tout ce qu'il a imaginé qu'on pratique en Amérique
00:10:57 avec succès.
00:10:58 "Oh madame, le texte, le texte, j'ai eu tort.
00:11:02 Le texte."
00:11:03 "Vous commencez à enseigner à vos acteurs.
00:11:07 Le texte, il est sacré."
00:11:08 Et après, le reste peut fonctionner.
00:11:10 Mais surtout le texte.
00:11:12 Elle revient à New York et raconte à Lee Strasberg ce qu'il a dit.
00:11:17 Alors lui, déjà, une personnalité.
00:11:19 Il faut bien savoir que Strasberg, on lui tire dessus beaucoup aujourd'hui.
00:11:22 Gourou, mégalomane, etc.
00:11:24 Mais c'était un acteur frustré.
00:11:27 Il avait tenté sa chance après le théâtre à Hollywood.
00:11:29 Personne n'a voulu de lui.
00:11:31 Il a trouvé son créneau avec, non pas un enseignement d'art dramatique.
00:11:35 Ça s'appelle l'acton studio.
00:11:36 Et studio, en français, on ne peut pas dire studio parce que ça fait un peu appartement
00:11:41 limité en espace.
00:11:42 Non, non.
00:11:43 C'est un laboratoire de recherche ouvert seulement à des professionnels qui veulent améliorer
00:11:47 leur jeu.
00:11:48 Mieux se connaître à la fois en tant que comédien et en tant que personne.
00:11:52 Et on y entre sur audition et c'est pas facile.
00:11:56 Parfois, il y en a deux seulement qui sont pris.
00:11:58 Avec Gaëtel, il a mis onze fois pour pouvoir rentrer dans le CENAC.
00:12:01 Il était déjà connu comme acteur.
00:12:03 Alors, celle-là, Adler, n'étant pas d'accord avec Strasberg et sa tyrannie, a ouvert son
00:12:10 propre enseignement qui était radicalement différent au niveau de la tenue des étudiants.
00:12:17 Très, très classique, rigoureux, un peu militaire sur les bords parfois.
00:12:22 Et surtout, le texte, le texte, le texte.
00:12:25 À partir de là, il y a eu plein de méthodes et aujourd'hui, il n'y en a plus qu'une parce
00:12:30 qu'en fait, on en revient à l'origine.
00:12:33 C'est là, comme vous l'avez dit, la véracité du jeu.
00:12:37 Aucun artifice.
00:12:38 Et dans les années qui ont suivi la création de l'acteur studio, vous avez, même si certains
00:12:44 de ces acteurs en faisaient parfois un peu trop sur le plan égocentrique et narcissique,
00:12:49 une vérité de jeu vraiment à ce jour, je dirais, presque inégalée.
00:12:54 Et on pourra le voir aussi à travers des extraits.
00:12:58 Jacques?
00:12:59 Je veux juste ajouter que c'est tout à fait juste.
00:13:01 Les bases sont posées à ce moment là.
00:13:02 La distinction Adler-Strasberg.
00:13:03 Et c'est vrai que l'idée, c'est la vérité du jeu au service du personnage.
00:13:09 Et c'est là où, effectivement, Strasberg avait eu ce petit écart.
00:13:12 C'est qu'on avait l'impression à un moment donné que c'était la vérité du jeu pour
00:13:16 l'acteur.
00:13:17 C'était un jeu pour le jeu.
00:13:19 Là où, effectivement, Adler revenait au texte, à l'importance du texte pour rappeler
00:13:23 l'importance du personnage.
00:13:24 Si on joue de cette manière là, c'est pour une vérité humaine, mais justement pour
00:13:27 rappeler la vérité humaine du personnage, favoriser l'identification du spectateur
00:13:31 à son endroit et donc assurer l'efficience du texte, de la fiction.
00:13:35 Mais derrière les textes, il y a des auteurs qui sont présents aussi dans votre livre.
00:13:40 Et d'ailleurs, vous posez la question qui est à l'origine de l'acteur studio, l'acteur
00:13:44 ou le texte?
00:13:45 C'est la vraie question.
00:13:47 Et on voit là où la lutte prend forme en définitive.
00:13:50 C'est à dire que des dramatures, j'y participe également, au sein de l'acteur studio, il
00:13:54 y a une unité de dramatures.
00:13:55 Les dramatures sont là pour travailler leur texte en direct avec des acteurs, pour pouvoir
00:14:00 le modifier si besoin.
00:14:02 Mais un texte qui donc s'écrit en fonction des capacités de l'acteur et surtout en
00:14:08 retenant quelque chose d'essentiel et qui a bien rappelé Stanislavski et qui a mentionné
00:14:12 Michel par rapport au caractère révolutionnaire de Stanislavski, c'est l'importance du corps
00:14:17 de l'acteur.
00:14:18 Là où dans le théâtre traditionnel, effectivement, l'acteur était là pour répéter un texte.
00:14:24 Il était là, il portait le texte.
00:14:26 Là où Stanislavski favorisait des exercices de gymnastique, de relaxation pour que l'acteur
00:14:31 puisse effectivement se familiariser, refamiliariser avec son corps et puis jouer effectivement
00:14:38 de cette mémoire sensorielle, de cette mémoire affective en faisant parler son corps et que
00:14:44 le texte soit soutenu par ce langage corporel propre à l'acteur.
00:14:47 Oui, je voulais rajouter justement puisque Jacques évoquait l'importance du corps et
00:14:57 la dimension quasi chorégraphique et la diversité des gens qui sont passés par l'acteur studio.
00:15:04 Il y a des écrivains qui ne sont pas devenus acteurs mais qui sont passés par l'acteur
00:15:14 studio.
00:15:15 Je me faisais cette réflexion récemment en voyant une production de West Side Story
00:15:19 que vous pouvez également voir en ce moment au théâtre du Châtelet.
00:15:22 Le chorégraphe Jérôme Robbins est passé par là aussi.
00:15:27 Ce qui m'a extrêmement frappé dans cette reconstitution de la chorégraphie de Robbins,
00:15:35 c'est effectivement qu'on retrouve des gestes, même une stylisation du geste que l'on peut
00:15:42 retrouver dans des performances non musicales, chez un Brando, chez un James Dean ou autre.
00:15:54 Il y a une espèce de manière de faire s'écouler, de fluidifier les différentes disciplines.
00:16:08 Vous parlez de différentes disciplines, on a évoqué le groupe théâtre, on a évoqué
00:16:13 les années 1920, les années 1930.
00:16:15 Peut-être un mot du contexte cinématographique, j'ai envie de dire.
00:16:20 C'est après la seconde guerre mondiale que les producteurs, les scénaristes, les réalisateurs
00:16:24 et les acteurs sont amenés à changer radicalement leur manière de représenter la réalité
00:16:29 sur la pellicule.
00:16:30 Ça correspond à un moment des Etats-Unis aussi ?
00:16:32 Oui, il y a une sorte de révolution à Hollywood parce qu'après avoir vu plusieurs films
00:16:41 de Rosselini ou de De Sica, Allemagne à Nézéro, Rome ville ouverte surtout et puis Le voleur
00:16:46 de bicyclette, les producteurs hollywoodiens ont quand même décidé de laisser sortir
00:16:51 leur réalisateur dans la rue.
00:16:52 Autrefois à Hollywood, quand quelqu'un voulait aller filmer un arbre bien particulier dans
00:16:58 une région donnée comme Kim Vidor voulait le faire, la MGM lui a dit "A tree is a tree,
00:17:05 filme-le sur le lot, nous l'avons".
00:17:06 Dans les films d'ailleurs des hollywoodiens, vous voyez New York, les rues, etc.
00:17:09 Mais pas jamais une seule fumée qui sort du milieu de la chaussée comme dans Taxi Driver
00:17:15 des décennies plus tard.
00:17:16 Donc il y a eu toute une série de réalisateurs qui ont eu gain de cause avec leurs producteurs
00:17:21 pour filmer de manière beaucoup plus réaliste, surtout les films policiers, la cité sans
00:17:26 voile, etc.
00:17:27 Alors il y a ça d'un côté, puis il y a une autre chose plus importante aussi, c'est
00:17:32 l'évolution de la société américaine après-guerre.
00:17:35 Car bien sûr, les Etats-Unis avaient renversé les nazis, mais ils avaient aussi renversé
00:17:44 les japonais d'une manière un peu rapide et très efficace.
00:17:47 Alors d'un côté les GIs qui avaient découvert les camps de concentration, ils les ignoraient,
00:17:54 les GIs, les soldats, pas les officiers.
00:17:57 Quand ils ont vu ce que certains allemands avaient pu faire avec les juifs à l'époque,
00:18:04 ça a dépassé leur entendement.
00:18:05 Bon, il y a des méchants, dans les films il y a plein de méchants, dans la vie il
00:18:08 y a des méchants, mais ça c'était pas des méchants, pire.
00:18:11 Mais les intellectuels font aussi un feedback, et nous Ayurvachinam et Nagasaki, qu'avons
00:18:16 nous fait ? Donc un sentiment de culpabilité existentielle qui ne remonte pas aux indiens,
00:18:24 ça faut attendre la guerre du Vietnam, se développe à cette époque-là.
00:18:28 En outre, les écrits de Freud, qui remontent à quelques temps quand même, font fureur
00:18:33 de plus en plus dans les années 50.
00:18:35 Donc la psychologie, les profondeurs certes, mais pour le commun des mortels, la psychologie
00:18:44 du comportement, le behaviorisme, joue un très grand rôle.
00:18:49 On étudie un peu qu'est-ce qu'une gestuelle peut mentionner, le port de certains vêtements,
00:18:56 comment se fait-il que tous ces gars de l'actor studio, une fois qu'ils sont assis dans un
00:18:59 film ou ailleurs, ils sont comme ça, fessés.
00:19:02 Donc un certain narcissisme, exhibitionnisme, on veut se faire remarquer.
00:19:07 Il y a une fêlure existentielle dans la jeunesse américaine de l'époque, et les scénaristes
00:19:13 s'emparent de ce genre de choses.
00:19:15 Tout cela relève de ce que Stanislavski et son voleur, bon il n'est pas méchant avec
00:19:24 Strasberg, je pense qu'il en a quand même fait un peu trop, son adaptateur américain
00:19:28 Lee Strasberg, il est tout à fait dans l'air du temps en exploitant cela.
00:19:32 Il fallait voir les cours de Lee Strasberg.
00:19:34 Je ne l'ai jamais vu à l'oeuvre, mais j'ai vu un documentaire américain où il a été
00:19:37 filmé.
00:19:38 Purée, il était d'une vacherie avec ses élèves.
00:19:43 On voit dans ce documentaire une jeune fille qui a fait son mieux pour jouer un rôle assez
00:19:48 tendu à un moment donné.
00:19:50 Il l'interrompt et lui fait remarquer que tout cela est faux.
00:19:53 Comment pouvez-vous jouer pareil ? Alors la jeune fille tombe nid de l'oeuvre, ça avait
00:19:58 l'air pas mal ce qu'elle avait fait, elle avait mis le costume et tout, elle est quoi.
00:20:01 Il monte sur scène et lui montre comment à un moment donné elle n'avait pas touché
00:20:05 un objet comme il fallait le faire pour un personnage de ce type là.
00:20:07 Mais ça en même temps c'était sa force.
00:20:11 Parce qu'elle n'y avait pas pensé le rapport à l'objet.
00:20:14 Et on va en parler avec les extraits à venir.
00:20:17 Et ça c'est un truc qui remonte à Sally Zaski, super développé par Lee Strasberg
00:20:21 en question et elle était un peu à côté de la blague.
00:20:24 Mais quand même, il y a une manière parfois d'être critique et lui n'en avait strictement
00:20:29 aucune.
00:20:30 C'est vous dire qu'il y avait une atmosphère d'un souci de très grande véracité de comportement
00:20:37 et en même temps une dimension absolutiste qui se mettait en place à l'époque.
00:20:42 Parce que les Etats-Unis à cette époque là aussi, politiquement, avaient un peu tendance
00:20:48 à se considérer comme le plus grand du monde avec l'autre grand ours de Moscou qui avait
00:20:55 tendance à faire aussi la même chose.
00:20:57 Il y a un dessin animé de Tex Avery, King Size Canary, qui montre bien qu'il se gonflait
00:21:02 les ailes et ainsi de suite.
00:21:04 Et ça c'était l'atmosphère de l'époque.
00:21:06 L'actor studio a régné sur la manière de devenir les meilleurs du monde dans l'interprétation,
00:21:14 au théâtre et au cinéma.
00:21:15 Jacques, vous vouliez rajouter quelque chose et après on passera la parole à Christophe.
00:21:18 C'était intéressant de remonter jusqu'à Freud parce qu'effectivement l'apport psychanalytique
00:21:25 est super important, notamment avec Strasberg.
00:21:27 Avec Strasberg, on a le sentiment que ses élèves, c'est un salon de psychanalyse.
00:21:33 Il fallait se gratter les plaies encore et encore et encore.
00:21:37 C'est un moment de crise à mon sens.
00:21:41 Ce moment de crise est parfaitement relayé dans les productions cinématographiques avec
00:21:45 des acteurs type actor studio, notamment Brando mais également Dean, un peu plus tard Newman.
00:21:50 On a l'impression que le jeu entre en crise.
00:21:52 On est proche parfois de l'hystérie, mais une hystérie contrôlée évidemment.
00:21:56 C'est vrai que ça contraste beaucoup avec le jeu de l'acteur hollywoodien des années
00:22:02 30, des années 40 qui était vraiment un jeu naturel.
00:22:09 Naturel, c'est une sorte de vérité vraisemblable, une vérité conventionnelle si on veut.
00:22:15 C'est-à-dire que c'était un jeu qui devenait extrêmement codifié, là où les acteurs
00:22:18 type actor studio mettent en crise ces conventions.
00:22:23 Et effectivement, il y a quelque chose de théâtral qui réapparaît avec eux à l'écran.
00:22:27 Et à nouveau, tu parlais d'exhibition, ça passe par un côté surexposition du corps,
00:22:33 chose qu'on ne faisait absolument pas à l'époque.
00:22:36 Christophe, peut-être avant de voir un premier extrait, je n'ai pas vu votre visage réagir
00:22:43 à ce qu'on a dit jusqu'à présent, mais peut-être si vous voulez rebondir sur des
00:22:48 choses qui ont été dites et peut-être nous raconter aussi la genèse de ce livre.
00:22:52 Et justement, comment est-ce que tous les quatre, vous avez entrepris cet immense défi
00:23:00 d'écrire ce livre ?
00:23:02 Il faut mettre le micro, ouais.
00:23:06 Vous m'entendez ?
00:23:07 Tout à fait.
00:23:08 Ça y est.
00:23:09 Bonsoir, merci d'avoir mis les moyens techniques pour que je puisse être présent ce soir
00:23:17 avec vous et à côté des trois mousquetaires.
00:23:21 Ils étaient quatre, on est quatre aussi.
00:23:23 Pour revenir sur la genèse du livre, c'est un projet qui date de très très longtemps
00:23:33 et c'est très bien pour se présenter ce soir au Forum puisque l'une des premières
00:23:38 versions date peut-être de 2009, lors d'un colloque sur l'actor studio que Fabien Gaffé
00:23:43 avait organisé justement en 2009.
00:23:45 Et puis un peu plus tard, Christian Viviani qui est professeur émulite, lors de son départ
00:23:53 à la retraite, on a évoqué vers 2016 un projet de réunir nos travaux puisque la
00:23:59 particularité symbolique de notre ouvrage c'est que nous représentons trois générations
00:24:05 de chercheurs sur ce sujet.
00:24:07 Moi j'ai été l'étudiant de Christian qui est un des premiers spécialistes en France
00:24:12 avec Christian Viviani notamment dans les pages de Positif puis à l'université de
00:24:17 Paris 1 de Caen puis de Strasbourg pour Michel à pouvoir enseigner la méthode, l'esthétique
00:24:23 du jeu, à s'intéresser au jeu des acteurs, ce qu'on appelle maintenant les études
00:24:26 actorales.
00:24:27 Et puis Jacques Demange a été ensuite mon étudiant quand j'étais à Strasbourg.
00:24:31 Donc on a eu ce projet-là en 2016 de réunir ces trois générations autour de ce projet
00:24:38 qui a pris quelques années puisqu'on a vraiment commencé les premières écritures,
00:24:41 les séances, les réunions à Strasbourg notamment en 2017.
00:24:46 Et puis le livre a vu enfin le jour là quelques années après cette année.
00:24:51 Peut-être, je vais laisser Michel compléter sur la genèse mais vous évoquiez les études
00:24:56 actorales et c'est ce que relève Michel Ciment dans la préface, c'est que quand on
00:25:00 parle des acteurs, on parle très peu en réalité de jeu.
00:25:05 D'où l'importance aussi de ce livre pour mettre des mots sur le jeu précisément.
00:25:11 Oui c'est ça, c'est que dans le cycle de Christian et de Michel et de leur texte,
00:25:20 mais surtout de leur ouvrage fondateur Pacino-De Niro-Regarde croisé, ont été fondés au
00:25:26 milieu des années 2000, ce qu'on appelle, ce qu'on a appelé et qu'on appelle encore
00:25:30 aujourd'hui les études actorales, qui s'intéressent aux acteurs d'un point de vue vraiment stylistique,
00:25:34 esthétique.
00:25:35 Plus d'un point de vue anecdotique ou biographique, de s'intéresser vraiment à la matière gestuelle
00:25:40 et appliquer l'analyse de film au corps de l'acteur.
00:25:44 Et ce qu'ont été les pionniers Christian et Michel et dans un scénario dans lequel
00:25:52 je me suis inscrit et dont Jacques a repris le flambeau aujourd'hui.
00:25:56 Donc oui s'intéresser aux acteurs, à un point de vue esthétique, à leur jeu, à
00:26:01 leur thématique, à leur aspect artistique aussi et créatif, considérer l'acteur comme
00:26:06 un auteur, comme un auteur presque égal au cinéaste, ou en tout cas dans une collaboration
00:26:11 fructueuse.
00:26:12 Et oui c'est dans cette optique-là, dans cette discipline, cette sous-branche, cette
00:26:19 branche des études cinématographiques qu'on appelle les études actorales, sous la houlette
00:26:22 de Christian et de Michel, que ce livre s'inscrit.
00:26:24 Michel, par rapport à la jeunesse de ce projet ?
00:26:29 Alors là je vais être dans le domaine un peu du rigolo, parce qu'il y a une filiation
00:26:35 du début à la fin, dont une grande partie vient d'être évoquée par Christophe, mais
00:26:39 en amont de tout ça, et tu me l'as raconté Christophe, j'espère que ce n'est pas une
00:26:45 erreur de ma mémoire d'être en âge avancé, ta vocation pour t'intéresser aux acteurs
00:26:54 d'un point de vue sérieux, tient je crois à la lecture d'un vieil article que j'ai
00:26:58 écrit sur Montgomery Cliffs qui faisait au moins 14 pages à l'époque à Positif.
00:27:03 C'est une générosité, maintenant 3 pages, c'est déjà un maximum pour un texte dense,
00:27:10 sans l'éloupé, et donc c'est ça, ton chemin de Damas a été starté, donc je suis donc
00:27:16 pour toi très fier qu'il ait servi au moins à un lecteur, puis après il vous a raconté
00:27:21 le reste de l'histoire, ce qui est amusant aussi c'est qu'il m'a succédé, après
00:27:25 ça on a été l'étudiant de Viviani, il m'a succédé à l'université de Strasbourg
00:27:28 et je lui ai donné ma boîte aux lettres, et la clé, ce qui est formidable.
00:27:32 Ensuite, il a cet oiseau là comme étudiant, alors à la fin on a le problème de la dédicace,
00:27:40 ah, Pacino de nouveau vous vous rendez compte ? Je ne sais pas s'il savait écrire pour
00:27:44 commencer, et deux il y a les agents entre eux, alors on a renoncé très vite, on a
00:27:48 pensé à Lennen Burstein, ça nous en a fait beaucoup plaisir, mais c'est pareil, quand
00:27:52 l'agent reçoit la lettre, ou alors on aurait pu lui écrire directement à l'action studio
00:27:56 elle va toujours, mais on n'a pas osé, acteurs français et tout, on a laissé tomber.
00:28:01 Et puis finalement, c'est un livre sur la filiation, donc on l'a dédié à nos enfants
00:28:06 et petits-enfants, et l'histoire ne s'arrête pas là, la préface finalement, c'est papa
00:28:12 Michel Simon, à qui l'on doit tout, vous vous rendez compte, c'est un bouquin familial,
00:28:17 et nous voilà ce soir.
00:28:18 J'allais dire la boucle est bouclée, mais même pas puisque ça continue bien au contraire,
00:28:22 peut-être Michel, parce que le temps passe et je le présente beaucoup trop vite, on
00:28:27 pourrait regarder un premier extrait, je ne sais pas si vous voulez nous le présenter
00:28:31 avant qu'on le regarde, ou si vous préférez qu'on le regarde et qu'on en parle juste
00:28:35 après.
00:28:36 Alors il est très connu, c'est la fameuse scène du gant lâché incidemment par Eva
00:28:41 Marissa dans Sur les quais, à un moment donné, je pense que, qui n'a pas vu Sur les quais?
00:28:45 Il passe demain en forme des images, pour ceux qui ne l'ont pas encore vu.
00:28:53 C'est la scène qui suit la réunion dans l'église avec le prêtre que joue Karl Malden,
00:29:01 où il veut, je vais comprendre, au docker, qu'ils sont victimes d'un syndicat tenu
00:29:08 par la mafia.
00:29:09 Il faut être courageux quand même pour se dresser contre ces gens-là, et il n'y a
00:29:14 pas grand monde à la réunion, et en plus la réunion est endommagée par des jets de
00:29:19 pierre sur les carreaux, etc.
00:29:21 Et Marlon Bordeaux, qui est là en tant qu'espion, son frère qui est l'avocat du syndicat,
00:29:28 surtout de son patron, l'a envoyé faire l'indic dans la réunion.
00:29:35 Et là, il a remarqué Eva Marissa, il la prend par la main, il la sort loin de la bagarre
00:29:39 et tout, on la retrouve ensuite dans la rue.
00:29:42 Alors la scène, elle est très intéressante, je ne sais pas où elle est coupée, j'avais
00:29:46 demandé à Christophe, tu l'as mis jusqu'à la fin ? Ou tu as coupé avant qu'il ne...
00:29:52 Non mais je pense que c'est le time-code que tu as indiqué.
00:29:57 Bon, on verra bien, qu'importe.
00:29:59 Ce qui est important c'est l'histoire du gant.
00:30:01 Alors il y a plusieurs versions de la chose, mais moi il n'y en a qu'une à laquelle je
00:30:05 crois.
00:30:06 Ce que vous allez voir a pu se passer lors d'une répétition, puis c'était tellement
00:30:10 bon qu'Ocasio a demandé à ce que les acteurs refassent la chose après.
00:30:14 Faites très attention à la réaction du caméraman, Boris Kaufmann, pas lui qui tenait
00:30:19 la caméra, mais le caméraman, il essaie de ne pas perdre dans le cadre Marlon Brando.
00:30:25 Si ça avait été prévu, il aurait baissé à fond pour vous permettre de ramasser le
00:30:30 gant.
00:30:31 Alors je vous donne l'explication avant, au niveau de la signif...
00:30:36 Non pas de la signification, mais simplement des signes que vous ne devez pas rater.
00:30:40 Faites très attention lorsqu'ils avancent un petit peu et qu'Eva Marissin laisse tomber
00:30:46 son gant.
00:30:47 Et après on explique très brièvement, c'est tellement évident que vous connaissez l'explication.
00:30:52 Mais je veux pas quand même...
00:30:55 Avant l'été.
00:30:56 Je crois que ça va.
00:31:03 Les pipes et les balles de baseball.
00:31:07 Ils jouent assez bien là-bas.
00:31:09 Je peux rentrer à la maison maintenant, d'accord?
00:31:14 D'accord.
00:31:15 Avec qui êtes-vous?
00:31:16 Moi?
00:31:17 Je suis avec moi, Harry.
00:31:18 Harry, tu as de la dime?
00:31:19 Une dime pour un cup de café?
00:31:20 Une bouteille, s'il te plaît.
00:31:21 C'est la dime que vous n'avez pas besoin.
00:31:23 Je sais vous.
00:31:24 Vous êtes vraiment déçue.
00:31:25 Allez, je vais te battre.
00:31:26 Mon frère était un saint.
00:31:27 Il était le seul à avoir essayé de me faire des conversations.
00:31:28 Oh, qu'est-ce que tu fais?
00:31:29 Sors de là, s'il te plaît.
00:31:30 Tu te souviens, Terry?
00:31:31 Tu étais là ce soir.
00:31:32 Sors de là.
00:31:33 Tu te souviens?
00:31:34 Sors de là.
00:31:35 Tiens, maintenant, voici des changements.
00:31:36 Prends-toi un ballon.
00:31:37 Ne me l'achète pas.
00:31:38 Il reste encore un ballon.
00:31:39 Je ne te le donnerai pas.
00:31:40 Je ne te le donnerai pas.
00:31:41 Je ne te le donnerai pas.
00:31:42 Je ne te le donnerai pas.
00:31:43 Je ne te le donnerai pas.
00:31:44 Je ne te le donnerai pas.
00:31:45 Je ne te le donnerai pas.
00:31:46 Je ne te le donnerai pas.
00:31:47 Je ne te le donnerai pas.
00:31:48 Je ne te le donnerai pas.
00:31:49 Je ne te le donnerai pas.
00:31:50 Je ne te le donnerai pas.
00:31:51 Je ne te le donnerai pas.
00:31:52 Je ne te le donnerai pas.
00:31:53 Je ne te le donnerai pas.
00:31:54 Je ne te le donnerai pas.
00:31:55 Je ne te le donnerai pas.
00:31:56 Je ne te le donnerai pas.
00:31:57 Je ne te le donnerai pas.
00:31:58 Je ne te le donnerai pas.
00:31:59 Je ne te le donnerai pas.
00:32:00 Je ne te le donnerai pas.
00:32:01 Je ne te le donnerai pas.
00:32:02 Je ne te le donnerai pas.
00:32:03 Je ne te le donnerai pas.
00:32:04 Je ne te le donnerai pas.
00:32:05 Je ne te le donnerai pas.
00:32:07 Les petits enfants de l'ancien Rummy.
00:32:09 Vous le connaissez très bien?
00:32:13 Tu sais, il est arrivé.
00:32:17 Qu'est-ce que cet homme a dit?
00:32:20 Ne fais pas attention à lui.
00:32:22 Il est drogue, il est en train de tomber.
00:32:24 Il est juste un vieux, qui se trouve dans la ville.
00:32:27 Ne fais pas attention.
00:32:28 Je dois y aller.
00:32:31 Tu n'as pas besoin d'être effrayée. Je ne vais pas te tuer.
00:32:35 Je suppose qu'ils ne te laissent pas aller avec les gars où tu es allée.
00:32:38 Tu sais comment sont les soeurs.
00:32:41 Tu es en train d'être une nonne?
00:32:43 C'est juste un collège ordinaire.
00:32:46 Où est-ce?
00:32:47 C'est dirigé par les soeurs de Saint-Anne.
00:32:50 Où est-ce?
00:32:52 En Territown.
00:32:54 Où est-ce?
00:32:56 Dans le pays.
00:32:57 Je n'aime pas le pays. Les gens me font nerveux.
00:33:02 Comment souvent es-tu là?
00:33:04 Je ne suis pas là depuis le dernier Noël.
00:33:08 On allait faire une fête de grâce.
00:33:11 C'est gentil.
00:33:14 Que fais-tu là-haut? Tu étudies?
00:33:18 Je suis enseignante.
00:33:21 Enseignante?
00:33:22 C'est très bien.
00:33:24 Je suis fier de Braith. Mon frère Charlie est très brave.
00:33:28 Il a eu quelques années à l'école.
00:33:31 Ce n'est pas juste Braith.
00:33:33 C'est comment tu les utilises.
00:33:36 Je comprends.
00:33:38 Je t'ai vu beaucoup de fois.
00:33:40 Tu te souviens de l'école paroquiale à Pielouski?
00:33:44 Il y a 7 ou 8 ans, tu avais le cheveu...
00:33:47 Braith.
00:33:48 Tu avais l'air de la rope.
00:33:51 Tu avais des fesses sur les doigts.
00:33:53 Des verres et tout.
00:33:56 Tu étais vraiment un délire.
00:33:58 Je peux rentrer à la maison. Merci.
00:34:02 Ne sois pas triste. Je te plaisante un peu.
00:34:05 Je veux juste te dire que tu es...
00:34:07 Tu es très jolie.
00:34:09 Merci.
00:34:11 Tu ne me souviens pas, n'est-ce pas?
00:34:14 Tu me souviens du premier moment où je te vois.
00:34:19 Je sais, non?
00:34:21 Je sais, non?
00:34:23 Il y a des gens qui ont des visages qui te manquent.
00:34:30 Je me souviens que tu étais en trouble tout le temps.
00:34:35 Tu me connais.
00:34:37 Les soeurs de Wendell me faisaient des trucs.
00:34:41 Ils pensaient que j'allais me battre à l'école, mais je les ai fait.
00:34:48 Peut-être que c'était juste parce qu'ils ne savaient pas comment te gérer.
00:34:51 Comment tu aurais pu le faire?
00:34:53 Avec un peu plus de patience et de gentillesse.
00:34:59 C'est ce qui fait que les gens sont mignons et difficiles.
00:35:02 Les gens n'en ont pas assez.
00:35:04 Tu me moques?
00:35:11 Je vais te rendre à la maison.
00:35:13 Il y a trop de gens ici qui ont seulement une chose dans leur tête.
00:35:17 Je vais te revoir de nouveau?
00:35:19 Pour quoi?
00:35:24 Je ne sais pas.
00:35:28 Vraiment?
00:35:34 Oui.
00:35:36 Quoi?
00:35:42 Quoi?
00:35:44 Quoi?
00:35:46 Quoi?
00:35:49 Quoi?
00:35:52 Le gant qui tombe s'est improvisé.
00:35:56 Mais Kazan avait avant beaucoup expliqué les deux personnages aux deux acteurs.
00:36:01 Parfois il le faisait à l'un sans l'autre.
00:36:04 Ici, Bando, c'est un ancien boxeur qui a tout raté à cause de son frère.
00:36:09 Il ne s'est jamais occupé de lui et n'a jamais donné sa chance.
00:36:12 Elle a été élevée.
00:36:14 Deux pommes que vous voyez là.
00:36:16 Beaucoup de mal à s'exprimer.
00:36:18 Elle, en revanche, a été élevée par son père, qui est veuf.
00:36:22 Elle a été mise dans une école de bonne sœur.
00:36:26 Où elle a une jeune fille absolument parfaite.
00:36:29 Le problème ici, c'est que son frère qui est tombé du toit, soit disant.
00:36:35 Il a été poussé par la mafia.
00:36:37 Et Bando est le seul témoin oculaire de ce meurtre.
00:36:41 Lui s'intéresse à elle.
00:36:43 C'est évident pour ce qu'elle est devenue.
00:36:45 Parce que gamine, ce n'était pas un éclat des yeux.
00:36:49 Ce qui est intéressant pour Cazan, c'est qu'il appelle ça la scène d'amour du film.
00:36:53 C'est la naissance d'un couple.
00:36:56 Il y a deux entraves.
00:36:58 Il y a le clodo qui vient au début, qu'il rejette brutalement.
00:37:02 Sans le moins de ménagement.
00:37:04 C'est un signe pour montrer son aspect peu empathique pour les obstacles devant lui.
00:37:11 Et puis après, il rentre dans un secteur où il y a un endroit pour les petits enfants.
00:37:17 Il y a une balançoire.
00:37:19 Et c'est à ce moment là où la jeune fille, parfaite, perd son gant.
00:37:25 Alors il se penche tout de suite pour la ramasser.
00:37:27 Ce qui est gentil.
00:37:29 Il est censé le lui tendre ? Non.
00:37:31 Il l'enfile.
00:37:33 Dans le genre symbole sexuel, je pense qu'il ne faut pas voir l'ufroïde from cover to cover pour voir l'allusion.
00:37:40 Mais ce qui est plus intéressant, c'est qu'il s'assoit sur la balançoire.
00:37:44 Et se balance en lui parlant.
00:37:46 En évoquant le passé, etc.
00:37:48 Donc, c'est peut-être un papa potentiel.
00:37:52 Et elle, la brute de pomme qu'il était au début, petit à petit,
00:37:57 trouve que finalement, il est très maladroit, mais il est quand même plutôt sympa.
00:38:02 Il y a peut-être un bout de chemin à faire ensemble.
00:38:05 Il se lève, il garde le gant. Finalement, lorsqu'il a mis le paquet sur le manque de tact pour draguer une fille,
00:38:13 il reprend le gant et il se laisse faire.
00:38:15 Et le bout de chemin, c'est la fin de la scène.
00:38:17 Mais il y aura des entraves.
00:38:19 Parce que bon, il y a le grillage qui est là.
00:38:23 On voit un travers.
00:38:25 Mais de l'autre côté, on ne peut pas passer.
00:38:27 Et le chemin, il est vide.
00:38:29 Il n'est pas particulièrement plaisant non plus.
00:38:31 Mais ils peuvent faire un bout de chemin ensemble.
00:38:33 Par rapport à l'époque, le rôle de l'objet, sa signification qui peut être très profonde.
00:38:39 Et ça, vous l'évoquez dans le livre, l'importance de l'accessoire chez les acteurs.
00:38:43 Le rôle du décor, la balançoire, etc.
00:38:47 Et la grille, après.
00:38:49 Tout ça, il n'a pas choisi le gant.
00:38:53 Pour la balançoire, je pense que c'était prévu.
00:38:56 Vous voyez, ça c'est absolument formidable.
00:38:58 Parce que l'acteur doit improviser lorsqu'il y a un obstacle qui se présente.
00:39:01 Et pas arrêter le jeu.
00:39:03 Un metteur en scène normal, traditionnel, classique, "Cut" aurait-il dit.
00:39:07 Et on aurait repris au début.
00:39:09 Pas casan.
00:39:10 Christian, vous vouliez ajouter quelque chose ?
00:39:12 Oui, je voulais rajouter un petit aspect anecdotique.
00:39:16 Mais pas si anecdotique en fait.
00:39:19 Je viens de terminer la lecture d'un livre que vous pouvez trouver à partir d'aujourd'hui en librairie.
00:39:26 Qui est l'autobiographie de Paul Newman.
00:39:29 Et Paul Newman révèle quelque chose que j'ignorais complètement.
00:39:33 C'est-à-dire que Brando a longtemps hésité avant d'accepter ce film.
00:39:40 Pour une raison très simple.
00:39:42 C'est que Casan était en pleine tourmente MacCarthy.
00:39:47 Il venait de dénoncer certains de ses anciens camarades.
00:39:53 Et ça posait des problèmes à Brando d'accepter de tourner de nouveau avec lui.
00:39:59 Et donc Brando tardant à donner son accord, ils ont cherché autre chose.
00:40:08 Ils ont cherché quelqu'un d'autre.
00:40:10 Et donc Paul Newman que Casan avait repéré à l'actor studio, a auditionné pour cette scène.
00:40:20 Avec comme partenaire, celle qui n'était pas encore son épouse, Joan Woodward.
00:40:25 Et bien sûr sans le gant.
00:40:29 Jacques ?
00:40:31 J'aimerais ajouter quelque chose.
00:40:33 On parle de collaboration, de couple.
00:40:35 Effectivement, tu l'as bien montré ce rapport entre la mise en scène et le jeu de l'acteur.
00:40:39 Casan de son côté ne dit pas couper.
00:40:41 Brando, lui et Eva Marysand continuent de jouer.
00:40:44 Et ça me semble important de revenir aussi sur l'actrice.
00:40:47 Dans cette scène, souvent ce qu'on retient c'est Brando.
00:40:50 Brando se saisit du gant, enfile le gant, brando marmone, a cette démarche nonchalante.
00:40:57 Mais il y a aussi l'actrice.
00:41:00 Ce qui est intéressant, c'est qu'elle vient aussi de l'actor studio et elle joue tout le temps.
00:41:04 Elle est en jeu constant.
00:41:06 Mais c'est un jeu qui est moins démonstratif.
00:41:08 C'est des micro-gestes.
00:41:09 Elle se palpe les mains, elle regarde Brando, puis elle regarde de sol.
00:41:12 Elle traduit un véritable malaise.
00:41:14 C'est aussi ça le principe de l'actor studio.
00:41:17 On a évoqué souvent ce côté narcissique propre à l'acteur, mais c'est vraiment collaboratif.
00:41:22 On a parlé du groupe théâtre, c'est le groupe.
00:41:24 L'actor studio c'est aussi une communauté.
00:41:26 C'est une véritable communauté.
00:41:27 Et ça se ressent quand ils jouent ensemble.
00:41:29 Les acteurs sont là pour s'appuyer les uns sur les autres.
00:41:32 On a vraiment le sentiment que Eva Marysand construit son jeu,
00:41:36 pas seulement par rapport à Brando, mais à partir de Brando.
00:41:41 C'est un jeu qui est moins explosif, sans doute moins expressif,
00:41:44 mais quand on fait attention aux détails, c'est une fébrilité constante.
00:41:48 On a vraiment deux collaborations, le réalisateur et ses acteurs, mais aussi les acteurs entre eux.
00:41:52 Et c'est peut-être au niveau du jeu.
00:41:54 L'écoute. L'acteur de l'actor studio.
00:41:57 Surtout ceux qui vont être formés par Sainte-Fan de Meissner,
00:41:59 qui mettait beaucoup d'accent là-dessus.
00:42:01 Ils s'écoutent mutuellement.
00:42:03 Très souvent, vous pouvez le voir dans les films français, en champ contre champ,
00:42:06 celui qui est vu de trois quarts d'eau ou de deux d'eau,
00:42:08 il attend que ça se passe, que l'autre débute son texte.
00:42:10 Jamais un acteur de l'actor studio ou actrice ne fera ça.
00:42:13 Peut-être Jacques, mais on l'évoquera aussi avec le troisième extrait qu'on va projeter,
00:42:18 mais peut-être un mot justement des méthodes actricesse,
00:42:21 des femmes qui sont moins nombreuses et surtout bien moins célèbres que les hommes.
00:42:25 Elles sont moins célèbres, moins nombreuses sans doute aussi,
00:42:29 mais elles sont surtout moins célèbres, elles sont moins mises en avant
00:42:33 de par les spécificités de leur jeu, je dirais.
00:42:35 C'est-à-dire que là où effectivement les acteurs ont développé un jeu corporel
00:42:39 extrêmement explosif, cette séquence est emblématique aussi de ce point de vue-là.
00:42:43 C'est-à-dire qu'en fait, on a l'impression de voir que Brando s'impose,
00:42:47 clairement à l'intérieur du cadre, il s'allonge, il se détend, il est là.
00:42:51 Mais effectivement, ce qu'on remarque au niveau des actrices,
00:42:53 c'est qu'elles développent aussi un style de jeu qui est particulier
00:42:55 qu'on retrouve chez beaucoup d'interprètes féminines.
00:42:57 C'est un jeu plus rentré, non moins psychologique, non moins physique, mais plus rentré.
00:43:02 On est moins du côté de l'explosion, on est plutôt d'un côté implosif,
00:43:05 c'est l'implosion, elle bouillonne, elle bouillonne, elle bouillonne, elle bouillonne.
00:43:08 C'est notamment sensible dans "Intra monomé désir" avec Kim Hunter,
00:43:11 où c'est assez fascinant ce côté-là, où Brando explose tout le temps,
00:43:15 il est tout le temps dans l'explosion, et elle, sa partenaire, elle implose sans cesse,
00:43:19 elle est toujours repliée sur elle-même.
00:43:20 Mais en fait, on retrouve la même stratégie de jeu.
00:43:22 C'est le même jeu physique, mais une orientation complètement opposée.
00:43:26 Christian, vous vouliez rajouter quelque chose ?
00:43:28 Oui, pour cette différence entre les acteurs masculins
00:43:36 qui ont très nettement dominé, surtout au cinéma,
00:43:40 il faut remarquer que les actrices, elles, ont plutôt évolué au théâtre.
00:43:49 C'est-à-dire que Julie Harris ou Kim Stanley,
00:43:53 qui ont tourné relativement peu au cinéma,
00:43:57 étaient des superstars au théâtre à Broadway.
00:44:02 C'est curieux de constater que, par contre,
00:44:08 Brando ou Dean, évidemment, de plus il est mort assez jeune,
00:44:14 mais même Newman, quoique Newman a renoué avec le théâtre beaucoup plus tard.
00:44:20 Mais quand ils étaient extrêmement célèbres au cinéma,
00:44:25 ils ne jouaient pas au théâtre, en fait.
00:44:29 Ce qui est intéressant, parce qu'on a parlé naturellement
00:44:32 de l'acteur et de l'actrice qu'on a vu dans cette scène,
00:44:36 mais ce que vous mettez en avant aussi dans ce livre,
00:44:38 c'est comment est-ce que des acteurs comme Lee Jacob,
00:44:41 qu'on voit dans ce film,
00:44:43 et toujours alors qu'il est passé entre les mains de Cazan,
00:44:47 a gardé un style de jeu classique.
00:44:50 Vous faites aussi cette distinction au sein même de certains films.
00:44:53 Je ne sais pas si Jacques ?
00:44:55 Au niveau des contrastes, oui, tout à fait.
00:44:58 On a des acteurs qui ont...
00:45:00 Au niveau surexpressif ou expressif tout simplement et sobre,
00:45:04 c'est quelque chose qu'on retrouve aussi à l'intérieur de la carrière de certains acteurs.
00:45:07 Paul Newman, c'est un exemple absolument exemplaire.
00:45:11 On a un acteur qui, au début de sa carrière au cinéma,
00:45:14 est trop expressif, c'est-à-dire qu'il a un jeu hyper James Dean,
00:45:18 mais ça devient des tics de jeu.
00:45:20 On a vraiment l'impression qu'il se calque totalement sur James Dean.
00:45:23 Et puis, progressivement, au fur et à mesure de l'avancée de sa carrière,
00:45:27 il va avoir un jeu beaucoup plus sobre, il va vers une épure.
00:45:31 On a vraiment cette impression-là.
00:45:33 On a l'impression qu'il y a deux tendances acteurs studio qui cohabitent dès le début.
00:45:36 On a le côté explosif, façon Marlon Brando ou façon James Dean,
00:45:41 et on a une espèce de sobriété quasi totale.
00:45:45 On a une espèce de mutisme expressif chez certains acteurs
00:45:48 où ce n'est plus le jeu qui sort, c'est un jeu qui est complètement intériorisé.
00:45:52 C'est hyper intéressant de voir au niveau de l'évolution des acteurs.
00:45:55 Et Paul Newman, c'est super intéressant de ce point de vue-là.
00:45:57 C'est-à-dire que début de la carrière, super expressif,
00:45:59 ensuite il a une période extrêmement sobre,
00:46:01 et dans les années 80-90, on est plutôt à une sorte de synthèse.
00:46:05 C'est-à-dire qu'il garde cette sobriété, mais avec des moments de relâchement.
00:46:08 C'est aussi pour ça qu'il se tourne pas mal vers la comédie à ce moment-là,
00:46:10 qui lui donne une légitimité à s'éplancher un peu plus.
00:46:13 L'explication que Newman donne dans ses écrits est très intéressante
00:46:21 parce qu'elle va complètement dans le sens de la méthode.
00:46:26 À savoir qu'il se trouve mauvais dans ses premiers films,
00:46:30 tout simplement parce qu'il joue des rôles qui ne sont pas lui.
00:46:35 Même Billy the Kid, il n'est pas Billy the Kid.
00:46:41 Et à mesure qu'il trouve des rôles, par exemple l'arnaqueur,
00:46:46 au rôle très important aussi, le verdict de Lomède,
00:46:52 à mesure qu'il trouve ces rôles dans lesquels il retrouve des aspects extrêmement personnels,
00:46:58 des traits de son propre caractère, son jeu se décante.
00:47:03 Il oublie, il écarte même volontairement les gestes excessifs
00:47:10 et il trouve une vérité qu'il n'avait pas avant.
00:47:13 Le lien entre l'acteur et le personnage est essentiel par rapport à la méthode.
00:47:17 On a un vrai dialogue entre l'interprète et le personnage.
00:47:21 Il ne s'agit pas simplement de devenir le personnage,
00:47:24 mais de comprendre en tant qu'acteur les liens qui peuvent s'établir entre l'acteur et le personnage.
00:47:29 Il y a un bon exemple aussi à ce niveau-là, c'est Marlon Brando et Stanley Kowalski.
00:47:33 C'est rapporté dans le très bon documentaire "Listen to me Marlon"
00:47:37 où Marlon Brando explique que quand on lui a proposé de jouer Stanley Kowalski au théâtre, à Broadway,
00:47:42 il était très réticent parce qu'il se disait "mais ce n'est pas du tout moi ce personnage,
00:47:46 c'est une brute épaisse, je ne ressemble pas à ça".
00:47:49 Il s'est demandé pourquoi il me dégoûte autant, pourquoi j'ai une aversion.
00:47:52 Ce n'est pas inintéressant d'être dégoûté par un personnage.
00:47:55 Il s'est rendu compte que ça lui a rappelé son père.
00:47:58 Et là, il y a eu un point de contact.
00:48:00 À partir de là, il a pu se dire "je peux dialoguer avec le personnage,
00:48:04 je peux lui apporter quelque chose que j'ai en moi".
00:48:07 On a cette idée-là qui va être poussée dans les années 70 avec De Niro, Al Pacino,
00:48:12 où l'idée va être d'aller vers le personnage.
00:48:15 Être un chauffeur de taxi, c'est quoi ? En quoi ça consiste ?
00:48:18 Je vais conduire un taxi type Robert De Niro, taxi driver.
00:48:21 On va évoquer toute cette partie avec l'incarnation à travers les biopiques
00:48:27 et comment la méthode s'incarne à ce moment-là dans ces biopiques.
00:48:32 Là, on a avancé très vite dans le temps. Je vous propose que Christophe nous présente le deuxième extrait.
00:48:37 On est en 57.
00:48:39 Oui, juste sur les méthodes actrices, je veux ajouter qu'il y a eu des actrices très expressives,
00:48:47 mais dans des second rôles, comme Jovan Flit ou Shelley Winters.
00:48:51 Il y avait quand même des grandes actrices qui sont restées dans le nombre des stars plus classiques.
00:48:56 La grande star féminine de l'époque, c'est Liz Tyler,
00:48:59 des partenaires des acteurs de la méthode, mais qui elle-même est une actrice de la méthode.
00:49:03 Le deuxième extrait, et puis ce que disait Christian,
00:49:07 est très intéressant sur le fait que Newman, une forme d'interchangeabilité entre Brando et Newman,
00:49:13 car notre livre raconte une histoire d'une communauté artistique,
00:49:17 une communauté actorale où les acteurs partagent déjà une même génération.
00:49:22 C'est des acteurs nés entre le milieu des années 1920 et le début des années 1930,
00:49:26 ou le milieu des années 1930 pour les plus jeunes.
00:49:29 C'est la raison pour laquelle Lee Jacob peut-être reste un peu classique,
00:49:32 puisque lui a une génération antérieure.
00:49:34 Donc il y a une véritable communauté artistique où il y a des thématiques communes,
00:49:37 un style de jeu commun.
00:49:39 Donc s'il y a bien deux visages, il y a bien sûr Brando dont on vient de parler.
00:49:43 La deuxième figure tutélaire de cette esthétique de la méthode, c'est James Dean.
00:49:48 Le deuxième extrait qu'on a choisi de vous montrer ce soir,
00:49:51 ce n'est pas un extrait avec James Dean, mais c'est un extrait, un héritier de James Dean.
00:49:55 C'est un héritier de Paul Newman, un autre héritier dont le jeu a beaucoup aussi évolué,
00:49:59 c'est Steve McQueen.
00:50:01 Il s'agit d'un extrait d'un téléfilm de 1957, tourné par Robert Mulligan,
00:50:07 qui s'appelle The Defender.
00:50:09 Cet extrait est assez intéressant puisqu'il nous montre le jeu de Steve McQueen.
00:50:16 On ne le connaît pas, on est habitué à un Steve McQueen plutôt distancié,
00:50:20 plutôt minéral, plutôt cool, le roi du cool,
00:50:23 comme on l'a fait dans les années 60 et 70.
00:50:25 Là, on voit un peu ce qu'a pu être l'influence stylistique de la méthode à la fin des années 50,
00:50:31 sous influence brandienne et sous influence de James Dean,
00:50:35 qui venait de mourir en 1956,
00:50:39 et dont les rôles ont échoué à Paul Newman.
00:50:45 Paul Newman et Steve McQueen, deux émules de la méthode,
00:50:48 étaient en concurrence sur tout un tas de rôles.
00:50:50 C'est Paul Newman qui, dans un premier temps, endosse les rôles,
00:50:54 notamment marqué par la haine, rôle que Steve McQueen visait,
00:50:59 et dans le film dans lequel il a un petit rôle.
00:51:01 L'extrait suivant me semble intéressant, mais on va le commenter après.
00:51:06 D'une part, pour rappeler l'importance de la télévision par rapport à l'esthétique de la méthode,
00:51:11 on a parlé du théâtre, du cinéma,
00:51:13 mais il ne faut pas oublier que dans cette fin des années 50,
00:51:15 la télévision américaine est très importante,
00:51:17 on y tourne des dramatiques,
00:51:19 et c'est très important pour le jeu des acteurs,
00:51:23 et les acteurs de l'acteur studio ont beaucoup tourné pour la télévision.
00:51:26 Ce qui est assez intéressant dans l'extrait qu'on va voir,
00:51:28 c'est la façon dont Steve McQueen joue.
00:51:30 Steve McQueen joue comme Paul Newman,
00:51:33 qui imite James Dean un peu.
00:51:35 C'est un jeu assez, à mon avis, typique
00:51:38 de la façon dont on jouait à la fin des années 50,
00:51:41 et de la façon dont tous les acteurs essayaient de copier James Dean,
00:51:43 qui venait de disparaître, et que tout le monde voulait devenir le nouveau James Dean.
00:51:46 C'est une façon assez contrastive,
00:51:49 assez opposée à la façon dont les acteurs joueront plus tard.
00:51:53 Paul Newman, on l'a dit tout à l'heure,
00:51:55 qui évoluera plus lentement tout au long des années 60,
00:51:57 ou Steve McQueen plus rapidement,
00:51:59 parce que dès le début, au milieu des années 60,
00:52:01 il atteint un jeu beaucoup plus sobre.
00:52:03 Ce qui est assez intéressant aussi dans l'extrait qu'on va voir,
00:52:06 c'est le partage de la thématique.
00:52:08 On parlait tout à l'heure de la balançoire,
00:52:10 une forme d'immaturité,
00:52:12 de rapport un peu comme ça, oedipien, à la mère, au père,
00:52:15 qu'on partage un peu tous les acteurs de cette époque-là,
00:52:18 et puis surtout le contraste entre les acteurs.
00:52:20 On parlait tout à l'heure des contrastes entre les acteurs.
00:52:22 Là, Steve McQueen joue avec deux acteurs très classiques,
00:52:25 donc on verra vraiment la rigidité, ils sont comme des statues,
00:52:28 et notamment un jeune acteur qui s'appelle William Shatner,
00:52:31 qui va être connu plus tard dans le rôle du Capitaine Kirk dans Star Trek.
00:52:35 L'idée, c'est de voir comment Steve McQueen joue à ce moment-là,
00:52:39 à mon avis un peu typique de la façon dont on jouait à l'époque,
00:52:42 et surtout, comment ce jeu moderne contraste
00:52:44 avec les acteurs classiques de ses partenaires.
00:52:47 Super, on regarde.
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00:56:16 Christophe, vous voulez reprendre la parole ?
00:56:20 Oui, juste pour compléter, ce qui me semblait vraiment intéressant,
00:56:25 c'est de copier James Dean dans le lancé de bras accusateur
00:56:28 qu'il répète plusieurs fois, que James Dean fait dans "La fleur de vivre".
00:56:32 Reprenons la thématique du délinquant juvénile qui a un rapport particulier à sa mère,
00:56:36 comme l'auront plus tard Montgomery Cliff dans "The Misfits",
00:56:40 Paul Newman dans "12 oiseaux de jeunesse" ou des films comme ça.
00:56:44 Et puis ce jeu névrotique caractérisé par des micro-mimiques
00:56:53 où on voit vraiment Steve McQueen jouer le bouillonnement intérieur.
00:56:56 C'est aussi une bonne illustration de ce que théorise Gilles Deleuze
00:57:00 dans ces deux phases qu'il découpe dans un jeu de l'acteur studio.
00:57:04 Il y a d'abord une phase d'imprégnation, une phase végétale d'imprégnation,
00:57:08 et puis une phase qu'il appelle "lacting out", une phase animale,
00:57:12 de débauche énergétique, de décharge énergétique.
00:57:16 Il me semble que, ici, quand la mère est présente, Steve McQueen s'imprègne
00:57:21 dans l'imprégnation une fois qu'elle part.
00:57:23 C'est assez typique, peut-être même assez mécanique de ce jeu-là.
00:57:26 On est dans les années 50, une deuxième phase où ce qu'ont inventé Brando
00:57:29 et James Dean est un peu repris, un peu stéréotypé, un peu caricatural.
00:57:33 Mais en tout cas, c'est très moderne.
00:57:36 Ça se voit face au jeu de Ralph Bellamy, un acteur classique des années 30,
00:57:40 qui lui est comme une gargouille complètement figée,
00:57:43 ou même un acteur du même âge, parce que ce sont des acteurs du début des années 30,
00:57:46 Steve McQueen et William Shatner.
00:57:50 C'est un jeu assez classique, assez sobre,
00:57:52 et puis le surjeu de l'autre l'abandonnera très vite.
00:57:55 Jacques, vous vouliez rebondir ?
00:57:57 Je voulais ajouter, pour dire qu'effectivement, ce côté névrotique,
00:58:00 on voit aussi en quoi le jeu type Actors Studio se prête assez bien au découpage.
00:58:03 C'est-à-dire qu'effectivement, il bouge tout le temps McQueen,
00:58:06 même quand il est filmé en gros plan.
00:58:08 Quand il est filmé en gros plan, c'est son visage qui bouge, il n'arrête pas,
00:58:11 il cligne, il répète le clignement des yeux tout le temps, tout le temps.
00:58:13 Il a un rictus, un léger rictus qui apparaît.
00:58:15 Et puis après, quand il est en plan rapproché, il peut jouer avec ses bras.
00:58:19 Il joue cet effet de répétition avec son bras qui se balance, qui se balance.
00:58:21 Et c'est intéressant parce qu'on commençait avec ça,
00:58:23 avec le côté révolutionnaire de Stanislavski, l'acteur qui tourne le dos.
00:58:26 Et on le retrouve ici, effectivement.
00:58:28 McQueen tourne le dos, et c'est intéressant, effectivement,
00:58:31 face à ces interprètes qui ont un tempérament beaucoup plus classique,
00:58:34 les bras sont le long du corps, ou à peine relevé.
00:58:36 Et on fait face à la caméra.
00:58:38 On a un peu de profil, mais surtout de face à la caméra.
00:58:40 Là, on retrouve cette robe-là qui vient de chez Stanislavski.
00:58:43 On les retrouve dans un autre médium, la télévision,
00:58:47 mais chez des acteurs qu'on qualifie de beaucoup plus modernes.
00:58:49 Et par rapport à la télévision, ça a joué un rôle assez essentiel.
00:58:52 Il faut le rappeler, il y a eu une émission Actors Studio qui a été créée.
00:58:55 Et vraiment dans l'esprit de l'Actors Studio, c'est-à-dire que la première saison,
00:58:59 c'était des pièces du répertoire qui étaient jouées en direct, filmées en direct,
00:59:02 qui étaient mises en scène par des membres de l'Actors Studio,
00:59:06 qui a plutôt bien marché.
00:59:08 Une seconde saison a été lancée, où pour le coup, c'était des pièces originales,
00:59:15 qui étaient mises en scène par Maturge, et ça s'est arrêté après la seconde saison.
00:59:17 Mais c'est intéressant de remarquer que la télévision, par rapport à cette captation en direct,
00:59:21 permet un peu de faire le lien entre la scène de théâtre et l'écran de cinéma.
00:59:25 Et c'est intéressant, effectivement, d'y revenir.
00:59:28 Et il y a un autre point qui est intéressant dans ce que tu viens de dire,
00:59:33 c'est que beaucoup de films de cinéma qui sont devenus emblématiques du jeu Actors Studio
00:59:44 ont eu leur origine d'abord dans une forme télévisée.
00:59:47 Par exemple, Miracle en Alabama.
00:59:49 Miracle en Alabama a été une dramatique télévision auparavant.
00:59:54 Le sillage de la violence avec Steve McQueen, c'était au départ un téléfilm avec Kim Stanley.
01:00:03 Peut-être, parce que je vois que le temps passe très vite et on a un troisième extrait,
01:00:09 j'aimerais vous donner la parole à vous toutes et tous.
01:00:13 Je vais faire un saut dans le temps, mais parce qu'on parlait tout à l'heure,
01:00:16 au tout début de la rencontre, du fait que l'Actors Studio n'avait pas le monopole de l'enseignement de la méthode.
01:00:22 1957, c'est la date de ce film, de The Defender.
01:00:27 C'est aussi l'année de naissance de Daniel Day-Lewis.
01:00:30 Donc je fais un saut immense dans le temps, mais aussi parce que c'est ce que vous racontez dans ce livre,
01:00:35 c'est que finalement, il y a les acteurs et actrices qui incarnent la méthode,
01:00:42 ce ne sont pas forcément des acteurs qui ont fréquenté l'Actors Studio.
01:00:45 Vous donnez cet exemple de Daniel Day-Lewis qui incarne la méthode alors qu'il n'a pas fréquenté l'Actors Studio.
01:00:50 Qui me suit dans ce saut dans le temps ?
01:00:53 Je pense que c'est Michel qui va vous suivre, fanatique de Day-Lewis.
01:00:56 Je ne sais pas qui se dégonfle, mais c'est qu'il y a eu une bagarre.
01:00:59 Je suis un grand admirateur de Daniel Day-Lewis, qui ne l'est pas.
01:01:05 Et je souhaitais qu'il fût présent dans le dictionnaire de 101 acteurs et actrices à la fin de notre bouquin.
01:01:13 Mais mon grand ami là sur ma droite m'a rappelé fort, gentiment, qu'on s'arrêtait aux années 80,
01:01:21 et qu'on ne mettait dans le dictionnaire que des acteurs américains et actrices américaines.
01:01:25 Je lui dis mais quand même, on va se faire regueuler par tous les lecteurs, il n'y a pas de Daniel Day-Lewis qui se souvient.
01:01:32 J'avais aucun argument, sinon que je l'avais vu.
01:01:35 Il y a eu un documentaire fait sur lui qui est formidable.
01:01:38 Et je vous le recommande parce que tout ce qu'on raconte là sur l'Actors Studio, il faut bien savoir une chose.
01:01:44 Tous ces jeunes gens et jeunes femmes qui suivent, ce ne sont pas des cours ni des enseignements, mais des exercices, etc.
01:01:51 Ce sont tous des dingues.
01:01:53 Ils ont des problèmes pathologiques assez poussés.
01:01:58 Et le record du monde de la pathologie actorale, c'est lui, Daniel Day-Lewis.
01:02:03 Il se donne à fond dans ses rôles, pire que Al Pacino.
01:02:09 Il joue 25 heures sur 24, a des exigences sur le plateau dingue.
01:02:15 Comme par exemple pour Lincoln, il a accepté le rôle de lui offré Spielberg, à condition qu'il trouve la voix de Lincoln.
01:02:23 Il n'y a aucun enregistrement, et pour cause. Mais aucun écrit rapportant le type de voix.
01:02:28 Le timbre de rien que dalle sur Lincoln.
01:02:31 Il a réfléchi.
01:02:33 Un jour il appelle Steven en lui disant "j'ai trouvé une voix que je vous propose".
01:02:37 Alors l'autre a trouvé ça très bien entendu.
01:02:42 Sur le plateau, quiconque avait un accent américain à couper au couteau, était interdit de lui adresser la parole.
01:02:52 Pour le film anglais "My Left Foot", il exigeait qu'il ait paralytique.
01:03:01 D'être porté sur son fauteuil roulant par tous les techniciens, etc.
01:03:06 Vous me direz que ce n'est pas quand même un peu exagéré ça.
01:03:09 Mais quand on sait qu'il a joué Hamlet, avec un talent supérieur à celui de John Gielgud ou de Laurence Olivier.
01:03:19 Et qu'un beau jour il a vu le fantôme de son père sur scène et est parti en pleurant dans sa loge.
01:03:25 Il n'est jamais revenu pour terminer la pièce et sur scène par ailleurs.
01:03:29 Il y a un petit problème.
01:03:31 Et ce problème vous le retrouvez dans "Phantom Thread", le dernier film qu'il a fait récemment, qui est formidable.
01:03:36 Où là il y a aussi le fantôme. C'est de la mère ou du père ?
01:03:39 De la mère.
01:03:42 Et il ne choisit pas ses rôles en fonction de quelques petits problèmes qui le tourmentent dans son crâne.
01:03:48 Alors vous le voyez, ça peut être une pathologie.
01:03:51 Montgomery Clift aussi choisissait certains rôles en fonction de ses problèmes.
01:03:55 Et il en avait.
01:03:57 Alors tout ça pour vous dire que mes copains ne m'ont pas soutenu non plus pour le mettre dans le dictionnaire.
01:04:05 L'oiseau là-haut à la Réunion était d'accord avec cet oiseau là.
01:04:10 Lui pendant un moment était d'accord avec moi.
01:04:12 Il avait raison, il n'avait pas sa place.
01:04:14 Et un beau jour, Christian m'appelle pour me dire "écoute, je crois que le directeur de Carlotta est un admirateur de Daniel Deleuze.
01:04:25 Il a mis de l'eau dans son vin tous les quatre, on peut le mettre, mais où ?"
01:04:29 Alors c'est pour ça qu'ils m'ont donné le choix entre la fin du 7e chapitre ou de la conclusion.
01:04:35 Il avait sa place dans la conclusion parce qu'il ouvre la voie à ce que vous venez de dire,
01:04:39 à savoir que quiconque veut jouer intensément, justement, et en même temps se soigner un petit peu,
01:04:46 à travers l'une des méthodes, d'où qu'il vienne, à sa place, quelque part devant une caméra ou sur une scène.
01:04:55 Daniel Deleuze c'est l'avenir de la méthode.
01:04:58 Alors l'avenir se trouve effectivement à l'international,
01:05:02 dans l'acteur britannique, et qu'effectivement la méthode s'est exportée.
01:05:05 Le dernier extrait qu'on va vous montrer a été réalisé par le Wimald,
01:05:09 réalisateur français qui certes a une phase américaine dans sa carrière cinématographique,
01:05:13 mais qui tout de même est française.
01:05:15 Et on se rend compte qu'aujourd'hui la méthode s'est devenue le jeu à l'américaine,
01:05:18 si vous voulez, le jeu emblématique des Etats-Unis, et ça s'est normalisé.
01:05:22 Mais ce que tu dis par rapport à Daniel Deleuze, c'est très bien pour Daniel Deleuze,
01:05:26 parce que ça va toujours, ce que je disais au début, dans le but de mieux incarner le personnage.
01:05:31 Mais c'est vrai qu'on rentre dans un régime, avec le cinéma contemporain et l'acteur contemporain,
01:05:35 dans un régime qu'on pourrait qualifier de la performance.
01:05:37 Ou parfois on a le sentiment que quand un acteur va perdre exprès ou prendre exprès du poids,
01:05:43 il s'inscrit dans l'héritage notamment de De Niro avec Raging Bull,
01:05:48 qui avait réellement pris du muscle et réellement pris du poids.
01:05:50 Et vous dites à quel point cette année, l'année 80, l'année de la sortie de Raging Bull...
01:05:54 C'est ça, c'est le régime de la performance qui arrive.
01:05:58 Et on est donc sur des acteurs qui, sans être passés par l'acteur studio,
01:06:01 vont se réclamer de l'acteur studio parce qu'ils vont réellement, d'un point de vue authentique,
01:06:05 modifier leur corps. Mais la question c'est de se dire pourquoi ?
01:06:08 Dans le cas de Daniel Deleuze, ça s'explique très bien, c'est pour mieux interpréter le personnage.
01:06:12 Alors on est dans le perfectionnisme absolu, mais c'est peut-être le point culminant de la méthode,
01:06:16 et donc on a eu raison de le mettre en conclusion.
01:06:18 Mais si c'est simplement pour dire "je suis un bon acteur, je me suis réellement investi",
01:06:23 la question c'est de se poser "est-ce qu'il y a réellement un intérêt ?"
01:06:27 Mais ce qu'on remarque c'est qu'il y a aussi beaucoup d'acteurs et d'actrices...
01:06:29 On parle des rôles à Oscars.
01:06:31 Oui, on parle des rôles à Oscars notamment, et ça se vérifie chaque année.
01:06:34 Le rôle à Oscars c'est l'acteur de la performance, effectivement,
01:06:36 mais la question du lien avec le personnage n'est pas toujours extrêmement présente.
01:06:39 Mais ce qu'on remarque aussi c'est qu'il y a beaucoup de styles de jeux,
01:06:42 notamment chez les actrices, qu'on va retrouver chez les actrices contemporaines
01:06:44 qui ne sont pas spécialement passées par l'acteur studio,
01:06:46 notamment ce jeu un peu introverti, cette implosion qu'on va retrouver dans l'extrait qu'on va montrer.
01:06:51 Donc Vanya sur la 42ème rue, on revient à la Russie et aux Etats-Unis,
01:06:56 on revient à ce métissage qui ouvrait la conférence.
01:06:58 Je pensais très bien, effectivement, de passer par cet extrait.
01:07:01 Et donc on est en 94.
01:07:03 [Rires]
01:07:06 [L'écriture est en anglais]
01:07:09 [L'écriture est en anglais]
01:07:12 [L'écriture est en anglais]
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01:08:44 [L'écriture est en anglais]
01:08:47 [Rires]
01:08:49 Ok, on va prendre un petit repas.
01:08:58 [Musique]
01:09:02 [Musique]
01:09:04 Ce qui est intéressant, c'est l'effet de mise en abîme.
01:09:09 Mise en abîme du point de vue du réalisateur,
01:09:12 c'est la représentation d'une pièce théâtrale de Tchékov,
01:09:15 où on va nous montrer les moments de pause,
01:09:18 c'est la dernière répétition avant la première représentation.
01:09:21 On a un effet de mise en abîme,
01:09:24 qu'on retrouve également dans le texte et le jeu de l'actrice,
01:09:27 où elle évoque son jeu, son personnage qui joue.
01:09:30 Ce qui me semble intéressant, c'est qu'on retrouve ce qu'on avait dit par rapport à "Eva Morrison",
01:09:34 c'est-à-dire qu'on a ce côté repli,
01:09:37 mais qui n'est pas un repli effacement, elle ne s'efface pas, au contraire.
01:09:40 Elle existe d'autant plus qu'elle se replie.
01:09:43 Ce que j'ai trouvé extrêmement intéressant, c'est qu'on a un cadrage très serré,
01:09:46 on se focalise sur le visage, mais à nouveau,
01:09:49 on a un lien entre le corps et le visage qui est créé par le jeu de l'actrice,
01:09:53 où elle ne fait pas seulement pleurer et rire,
01:09:56 elle a des vrais spasmes, qui dans les deux cas sont les mêmes,
01:09:59 et qui nous renvoient en tant que spectateur au fait que c'est tout son corps qui bouge,
01:10:03 et qui essaie de sortir, mais ça n'arrive pas à sortir, ça se retient.
01:10:06 Et c'est ça qui me semble extrêmement impressionnant.
01:10:09 Il est intéressant ce film de Louis Malle,
01:10:12 parce que je l'avais revu récemment pour les besoins de cette table ronde,
01:10:16 et au début du film, c'est vraiment l'archétype du théâtre filmé.
01:10:22 On a l'impression qu'on est dans du cadrage fixe, ça ne bouge pas,
01:10:25 on est là pour filmer les acteurs.
01:10:28 Et progressivement, au fur et à mesure de l'avancée du film,
01:10:30 la caméra elle aussi, assez sensiblement, commence à bouger.
01:10:34 Alors, ce n'est pas de long travelling, mais c'est quand même un mouvement qui est assez sensible.
01:10:39 Et moi ça m'a fait penser, assez étonnamment, à la mise en scène d'un peu de Cazan,
01:10:43 notamment à l'Est d'Éden.
01:10:45 On va avoir à un certain moment des mouvements de caméra,
01:10:48 assez inattendus, assez amples,
01:10:50 mais qui sont vraiment là pour soutenir le jeu de l'acteur.
01:10:53 Et là on a vraiment l'impression que c'est la même chose.
01:10:56 C'est à peine, mais c'est puissant, c'est sensible.
01:10:58 À un moment donné, dans cette séquence qu'on a vue,
01:11:00 la caméra se rapproche par un léger zoom.
01:11:02 Et ça participe de cette intensité qui traverse l'actrice Julianne Moore.
01:11:05 Et donc, à mon sens, on retrouve à nouveau cet esprit de collaboration,
01:11:08 où la mise en scène, et ça nous dit aussi quelque chose de la direction d'acteur,
01:11:12 un directeur d'acteur, comme l'était Cazan, comme Louis Mal,
01:11:16 ce n'est pas simplement savoir placer un acteur à l'intérieur du cadre
01:11:19 et discuter avec lui.
01:11:21 À mon sens, un bon directeur d'acteur,
01:11:24 et c'est exactement ce qu'on a dans les films de Cazan,
01:11:26 c'est un réalisateur qui sera capable, par sa mise en scène,
01:11:29 de soutenir et parfois même d'intensifier le jeu de l'actrice ou le jeu de l'acteur.
01:11:35 Et c'est pour ça que cette séquence me semblait intéressante aussi de ce point de vue-là.
01:11:38 Je vois qu'il nous reste quelques minutes à peine.
01:11:42 On a encore des milliers de choses à raconter dans ce livre ériche.
01:11:47 Est-ce que certaines ou certains d'entre vous ont des questions ?
01:11:53 Bonjour à tous et à toutes.
01:11:58 C'était par rapport au jeu d'acteur, parce que moi-même je fais un peu de théâtre.
01:12:04 Et justement, je voulais savoir c'est quoi pour être entre les deux,
01:12:10 ne pas aller trop loin par rapport au jeu d'acteur,
01:12:12 comme vous dites, jouer avec la sincérité, mais en même temps en ne faisant pas trop.
01:12:18 Je ne sais pas si c'est compréhensible ce que je viens de dire.
01:12:22 Entre la sobriété et la surexpressivité, c'est ça ?
01:12:25 C'est ça, il ne faut pas aller trop loin pour ne pas être dans le jeu trop.
01:12:31 Moi, à mon sens, c'est une remarque personnelle,
01:12:35 mais ce qu'on remarque au niveau des analyses des acteurs,
01:12:37 c'est que les limites sont posées par le personnage.
01:12:40 Et c'est là où les limites sont posées de base.
01:12:43 C'est-à-dire qu'en tant qu'actrice et acteur, l'acteur de la méthode,
01:12:47 et Stanislavski, avec Strasbach ça a changé,
01:12:51 c'était qu'est-ce que ferait le personnage ?
01:12:53 C'est ça la question qu'il pose.
01:12:55 Qu'est-ce que ferait le personnage ?
01:12:57 Et le travail créateur de l'acteur, il repose ici.
01:12:59 C'est d'imaginer, c'est le travail de l'imaginaire de l'acteur,
01:13:02 en se demandant qu'est-ce que ce personnage ferait à ce moment-là,
01:13:04 qu'est-ce qu'il a fait ce matin avant d'arriver dans cette scène,
01:13:06 et là je m'investis.
01:13:08 Par contre, c'est vrai que le problème de Strasbach,
01:13:10 c'était là où c'était trop, on est dans le trop,
01:13:12 ce n'est plus qu'est-ce que ferait le personnage,
01:13:14 c'est qu'est-ce que tu ferais toi l'acteur ?
01:13:17 C'est toi le personnage, ça revient au même.
01:13:18 Et c'est là où, à mon sens, ça coince,
01:13:20 et où il n'y a plus de limite à ce moment-là.
01:13:22 Il n'y a absolument plus de limite.
01:13:24 Et dans le documentaire que vous verrez d'ailleurs ce soir,
01:13:26 le documentaire d'Anne Tresgaud, on le voit très bien.
01:13:28 À chaque fois, il se rappelle de faire bien attention,
01:13:30 c'est la vérité du personnage,
01:13:32 et on voit certains acteurs dans le documentaire
01:13:34 où il n'y a plus de limite, parce qu'en fait,
01:13:36 le personnage est devenu eux, et donc il n'y a plus de borne.
01:13:38 À mon sens, ça se situe là.
01:13:40 Documentaire qui sera donc projeté à 20h30.
01:13:44 Une autre question ?
01:13:46 - Bonsoir.
01:13:47 Je voudrais tout à l'heure, sur l'île de la Réunion,
01:13:49 je ne me souviens plus du prénom,
01:13:51 on évoquait en fait le fait que Elisabeth Taylor
01:13:53 était la personne la plus courue à l'époque,
01:13:55 qui n'était pas porteuse de la réunion,
01:13:57 qui était la personne la plus courue à l'époque,
01:13:59 qui n'était pas porteuse de la réunion,
01:14:01 qui était la personne la plus courue à l'époque,
01:14:03 qui n'était pas porteuse de la réunion,
01:14:05 qui était la personne la plus courue à l'époque,
01:14:07 qui était la personne la plus courue à l'époque,
01:14:09 qui était la personne la plus courue à l'époque,
01:14:11 qui était la personne la plus courue à l'époque,
01:14:13 qui était la personne la plus courue à l'époque,
01:14:15 qui n'était pas porteuse de la méthode,
01:14:16 et qui jouait donc,
01:14:18 qui était entourée d'acteurs
01:14:20 qui étaient porteurs de cette méthode.
01:14:22 Ce qui m'intéresse en fait,
01:14:24 ce sont les interactions.
01:14:26 Lorsque vous avez effectivement des acteurs
01:14:29 qui sont "formatés" de la même façon
01:14:32 avec d'autres acteurs qui ne le sont pas,
01:14:34 ça donne quoi finalement comme résultat ?
01:14:37 - Pour une actrice jouée
01:14:44 avec soit un partenaire qui vient de l'acteur studio
01:14:48 ou est dirigé par un réalisateur
01:14:51 qui est imprégné de la méthode,
01:14:53 c'est un véritable "challenge" comme on dit en anglais,
01:14:57 un véritable défi,
01:14:59 car ils savent en amont que la barre va être extrêmement haute.
01:15:01 Comme l'a dit Jacques à un moment donné,
01:15:03 c'est à l'évasion avant lui,
01:15:05 il faut bien connaître LE personnage.
01:15:07 Ce qu'il a fait hier, avant-hier,
01:15:10 d'où il vient, sa famille, etc.
01:15:13 Il a 10 ans à expliquer tout ça à ses acteurs et actrices.
01:15:16 Et il mettait le paquet.
01:15:18 Il avait bien étudié la pièce ou le film, le scénario,
01:15:23 et il leur donnait un panorama d'une richesse
01:15:26 psychologique, sociale, philosophique,
01:15:29 freudienne, à fond la caisse.
01:15:32 Donc l'actrice ou l'acteur
01:15:35 qui n'avait pas été formé par la méthode,
01:15:37 finalement on savait autant
01:15:39 que ceux qui avaient pratiqué tous ces exercices-là.
01:15:42 Et jouer avec un partenaire
01:15:43 qui avait pratiqué la méthode,
01:15:45 les poussait à leur point de perfection les plus grands.
01:15:48 Il y a deux grands exemples.
01:15:50 La dame que vous venez de citer, Elisabeth Taylor,
01:15:52 regardez-les bien dans les trois films qu'elle a faits
01:15:54 aux côtés de son plus grand amour,
01:15:57 mais qui était insaisissable.
01:15:59 Montgomery Clift,
01:16:01 Place au soleil, c'est ça.
01:16:04 Ensuite, c'est un film qui n'est pas tout à fait réussi,
01:16:08 mais il y a quand même de très bonnes choses dedans.
01:16:11 Il y a une société qui devient l'arbre de vie.
01:16:13 Et puis beaucoup plus tard,
01:16:15 avec Soudain l'été dernier,
01:16:18 la pièce de Tennessee Williams,
01:16:20 où Clift passe son temps à l'écouter.
01:16:23 Elle donne le maximum de son talent,
01:16:26 elle qui a démarré comme une gamine.
01:16:29 Elle n'a plus le temps de suivre des cours d'art dramatique.
01:16:32 Mais devant cet être-là qui, à ses yeux,
01:16:35 représentait le summum de la vérité du jeu de l'acteur,
01:16:39 elle est extraordinaire tout au long du film de Lehmann-Kuetz.
01:16:42 Il y a un autre exemple identique, c'est Natalie Wood,
01:16:45 qui est devenue, devant la caméra, à l'âge de 4 ans,
01:16:48 parce que maman trouvait que la gamine avait une bonne petite mine
01:16:51 et qu'elle pouvait faire carrière.
01:16:53 Les mères de cet époque-là, il y en a eu plusieurs à Hollywood.
01:16:56 Mais elle a bien fait, la maman,
01:16:58 parce que Natalie Wood est devenue, au fil du temps,
01:17:01 une bonne et soudain une très bonne actrice,
01:17:05 dirigée par Elia Kazan,
01:17:08 acteur de La méthode, Warren Bailey,
01:17:09 dans le film qui a fait pleurer toute l'Amérique
01:17:12 et que les Français ont méprisé,
01:17:14 qui s'appelle "Splendor in the Grass", en anglais,
01:17:18 et qui devient en français "La fièvre dans le sang".
01:17:22 - "La fièvre dans le sang". - C'est ça.
01:17:24 Vous voyez, c'est intéressant.
01:17:26 Jouer face à quelqu'un qui a tout ce travail émotionnel et autre,
01:17:31 c'est un avantage pour l'autre.
01:17:35 Mais justement, dans cette même idée,
01:17:38 très vite,
01:17:41 quelqu'un comme Kazan,
01:17:43 et puis après, quelqu'un comme Mankiewicz,
01:17:46 Kazan lié à La méthode, Mankiewicz beaucoup moins,
01:17:51 ont joué des différences des acteurs.
01:17:57 Par exemple, chez Kazan,
01:17:59 c'est extrêmement frappant,
01:18:01 dans le film sur "Tramway, le médésir".
01:18:04 Puisque Vivienne Lee est une actrice de formation
01:18:08 classique, britannique, shakespearienne.
01:18:12 Et elle a eu du mal, évidemment.
01:18:15 Très vite, Kazan a compris qu'il ne pouvait pas la faire jouer
01:18:21 à la manière de l'acteur studio.
01:18:23 Et il a joué de cette différence
01:18:25 pour finalement établir la différence même
01:18:30 du personnage de Blanche Dubois
01:18:33 dans le cœur du film.
01:18:36 Même chose dans "Alaise d'Eden",
01:18:39 où le père de James Dean est joué par Raymond Massé,
01:18:45 qui est encore une fois un acteur britannique,
01:18:48 et qui non seulement jouait d'une manière différente,
01:18:53 traditionnelle,
01:18:55 mais qui en plus détestait James Dean.
01:19:01 Et Kazan a excité
01:19:04 cette agressivité qu'il y avait entre ces deux acteurs
01:19:14 pour obtenir ce qu'il voulait à l'écran.
01:19:18 Dans cette scène-là,
01:19:24 Kazan avait demandé à James Dean
01:19:27 de pratiquement embrasser,
01:19:30 de prendre les épaules de Raymond Massé
01:19:32 et de lui montrer qu'enfin il pourrait le reconnaître
01:19:35 comme son fils égal à l'autre,
01:19:37 qui ne vaut pas grand-chose.
01:19:39 Mais lui, c'est qu'un abel et qu'un,
01:19:43 dans un roman comme là.
01:19:45 Donc lui, il est l'enfant méprisé.
01:19:47 Donc Massé ne savait pas que James Dean,
01:19:50 qu'il détestait,
01:19:52 allait oser le prendre pour de l'amour paternel.
01:19:55 Et là, la scène est formidable,
01:19:57 parce qu'il faut voir la tête de Raymond Massé.
01:19:59 Il est à la perfection de son talent
01:20:01 et ne perd pas les pédales.
01:20:03 Mais il est le personnage, à ce moment-là,
01:20:05 agressé émotionnellement par son fils,
01:20:08 qu'il n'a jamais aimé.
01:20:10 Ça, c'est Kazan.
01:20:12 - C'est vrai que c'est intéressant aussi
01:20:14 ce rapport réalisateur acquis à la méthode
01:20:16 et acteur qui ne l'est pas du tout.
01:20:18 Parce qu'il y a eu le problème d'Agnès Déléuys
01:20:20 dans l'ouvrage, mais il y a eu un autre problème.
01:20:22 Et là, Christian, je peux peut-être te laisser la parole.
01:20:24 C'est Robert Redford.
01:20:27 On peut insister pour qu'il soit présent,
01:20:29 mais qui n'est pas passé par l'acteur studio,
01:20:31 mais qui a un contact avec la méthode
01:20:33 grâce à Sydney Pollack.
01:20:35 Je te laisse en parler, si tu veux.
01:20:37 - Et Sam Formasnell.
01:20:39 - Et Sam Formasnell.
01:20:41 Peut-être que tu veux dire un mot sur Redford.
01:20:43 - Ce qui s'est passé sur toute cette génération d'acteurs,
01:20:46 c'est qu'il y a eu une interaction, finalement.
01:20:49 Qu'ils soient passés par le studio ou pas,
01:20:55 d'une certaine manière, ils ont absorbé quelque chose.
01:20:57 Et on en est arrivé à la situation actuelle
01:21:04 que l'on pourrait qualifier,
01:21:07 pour utiliser une comparaison religieuse,
01:21:11 d'écuménique, finalement.
01:21:13 Parce qu'au studio même,
01:21:20 on accepte maintenant des jeux différents.
01:21:25 Alors qu'il y a eu toute une période
01:21:27 où c'était relativement dogmatique.
01:21:30 On le voit bien,
01:21:33 à la fois dans le documentaire que vous allez pouvoir voir bientôt,
01:21:39 ou dans la série Inside Actors Studio,
01:21:47 on voit bien que ça s'est complètement ouvert.
01:21:50 Et que ça ne cause pas de problème.
01:21:53 Parce que des acteurs qui n'ont pas été formés de la même manière
01:21:56 ont quand même baigné dans une manière de faire,
01:22:02 dans une manière d'agir,
01:22:04 qu'ils se fondent assez bien dans l'ensemble.
01:22:08 - Oui, bonsoir.
01:22:13 Merci beaucoup de toutes ces précisions.
01:22:16 C'est intéressant.
01:22:17 Je voulais vous demander,
01:22:19 est-ce que vous savez l'opinion de Louis Jourdan,
01:22:22 acteur français qui a sa carrière aux Etats-Unis,
01:22:25 à propos de James Dean,
01:22:28 avec lequel il a joué au théâtre ?
01:22:31 - Je connais l'opinion, la réaction de Michel,
01:22:38 pardon, non, au moins il s'appelle,
01:22:41 au moins il a fait carrière à Broadway,
01:22:45 pas tellement devant les caméras américaines.
01:22:47 Pour Louis Jourdan, je ne sais pas.
01:22:49 Jean-Pierre Aumont !
01:22:51 - De qui, pardon ?
01:22:53 - Jean-Pierre Aumont, qui a joué avec Pacino.
01:22:56 Alors, c'était inouï, parce qu'un beau soir,
01:23:01 Jean-Pierre Aumont lance sa réplique,
01:23:04 et s'attend à ce que Pacino lance la sienne.
01:23:07 Que nenni !
01:23:09 Tout d'un coup, il a une petite idée,
01:23:11 liée au personnage.
01:23:14 Et il arrive là-bas, qu'il se met à repanter la scène,
01:23:16 de long en large, en réfléchissant beaucoup.
01:23:19 Alors, Jean-Pierre Aumont, que fait-on dans ce cas-là,
01:23:21 qu'on n'a pas étudié la méthode ?
01:23:23 Il y a la salle, la salle comprend que c'est dans la pièce.
01:23:27 Et Jean-Pierre Aumont, lui, sait que ce n'est pas dans la pièce.
01:23:30 Il faut faire comme si c'était dans la pièce.
01:23:32 Alors, Jean-Pierre Aumont marche aussi,
01:23:34 en espérant que l'autre va lui balancer la réplique
01:23:36 qu'il attend et qu'il avait tous les soirs.
01:23:40 Et, justement, quand Al Pacino et son personnage
01:23:44 ont bien fait le tour de la question,
01:23:46 il donne la réplique.
01:23:48 Alors, pour Louis Jourdan, je ne sais pas.
01:23:50 Mais une autre anecdote intéressante des acteurs français
01:23:53 face à la méthode dans les années 50.
01:23:55 En 54 précisément, dans le bouquin marqué au milieu,
01:23:58 mais en ce temps-là, j'ai trouvé, c'est 54,
01:24:00 Gérard Philippe, Micheline Prelle et Jean Marais
01:24:03 sont invités pour un festival, je ne sais pas quoi,
01:24:05 du cinéma français.
01:24:07 Mais bien sûr, on parle tellement de l'acteur studio,
01:24:09 qu'ils peuvent assister à une séance.
01:24:11 Mais comme ils sont des professionnels et des Français
01:24:14 et qu'ils sont très connus dans le métier, on les invite.
01:24:19 Alors, ils rentrent.
01:24:21 Il n'y a personne d'autre que deux comédiens assis sur scène.
01:24:25 Et celui qui les introduit, il les fait s'asseoir.
01:24:28 En demandant le silence.
01:24:31 Alors, tous les trois s'assoient et regardent.
01:24:34 Il ne se passe rien.
01:24:38 Alors, le jeune homme vient, il dit, il se concentre.
01:24:41 Alors, ils attendent au moins cinq minutes
01:24:45 de concentration intense.
01:24:49 Mais ils commencent un peu à s'impatienter.
01:24:51 Est-ce qu'on remarque le jeune homme qui revient ?
01:24:53 Oui, il continue à se concentrer.
01:24:56 Alors, l'un des trois, je ne sais pas lequel,
01:24:59 vous pensez qu'ils vont se concentrer encore longtemps ?
01:25:02 Alors, ils attendent poliment encore cinq bonnes minutes.
01:25:08 Puis Gérard Philippe, Micheline Prelle, Jean Marais,
01:25:12 remercient le jeune homme et s'en vont.
01:25:15 Je dis ça en faisant un peu le pitre,
01:25:17 mais c'est un apéritif, un trailer.
01:25:22 Parce qu'il faut voir le film d'Annie Trégo en trois parties.
01:25:25 Surtout la dernière.
01:25:27 Vous allez voir le paroxysme auquel certains interprètes
01:25:31 peuvent atteindre.
01:25:35 C'est le document français.
01:25:37 Je ne pense pas qu'aux Etats-Unis, il y ait l'équivalent,
01:25:40 mais je ne le sais pas.
01:25:42 Mais en France, il n'y a que celui-là.
01:25:44 C'est le document sur l'Actors Studio.
01:25:46 Donc, merci à Annie Trégo qui a fait ça en 1983,
01:25:49 si je me souviens bien.
01:25:51 Hello, Actors Studio.
01:25:53 Conclusion ?
01:25:55 Je peux peut-être expliquer l'opinion de Louis Jourdan.
01:25:58 Très rapidement.
01:26:00 C'est juste pour avoir une colle.
01:26:02 Donnez-la nous !
01:26:04 Bien sûr.
01:26:05 Ils ont joué dans une pièce, d'abord à Broadway, je crois,
01:26:10 et ensuite à Philadelphia et à Boston.
01:26:15 Mais dans la tournée qui devait se passer avant Broadway,
01:26:20 avant et après, c'est très bizarre le processus de théâtre.
01:26:25 C'était donc une pièce de Jean Giraudoux, dont j'ai oublié le titre.
01:26:29 Caligula, peut-être ?
01:26:33 Il se plaignait que James Dean arrivait tous les jours en retard.
01:26:38 Parfois, il n'avait pratiquement pas dormi.
01:26:41 Parfois, il était moitié ivre.
01:26:43 Et il ne connaissait jamais son texte,
01:26:45 même quand il n'était ni ivre ni fatigué.
01:26:49 De jour en jour, c'était de plus en plus en retard.
01:26:52 Donc, toute la troupe était perturbée par ça.
01:26:54 Mais Jourdan l'a rejetée.
01:26:56 Et comme il y avait le conflit entre eux permanent,
01:26:58 c'était tout le monde qui était perturbé,
01:27:01 pendant les répétitions, par leur attitude à tous les deux.
01:27:04 Et finalement, James Dean a été évincé de la production
01:27:07 parce que les répétitions n'arrivaient pas à avancer et à se faire.
01:27:12 Lui prétendait qu'il était prêt quand il serait vraiment sur scène
01:27:16 et non pas en répétition.
01:27:18 Ce qui ne correspondait pas du tout à l'image du producteur
01:27:20 et de l'équipe de la pièce.
01:27:22 Ça, c'est la faute de l'enseignement,
01:27:26 si le mot est interdit,
01:27:29 de la méthode de M. Lee Strasberg
01:27:32 qui mettait en avant l'acteur par rapport au texte.
01:27:35 Vous savez, quand Pacino s'est présenté devant Francis Ford Coppola
01:27:39 et surtout Robert Evans qui ne voulait pas de ce nabot
01:27:42 pour jouer dans Le Parrain,
01:27:44 il est venu dépénaillé, pas coiffé,
01:27:46 il n'avait pas appris le texte de l'extrait qu'il devait jouer non plus.
01:27:49 Ça, c'est... Lui aussi est un élève de Lee Strasberg.
01:27:53 Mais bien entendu, les professionnels classiques
01:27:58 de l'art dramatique ne peuvent pas supporter ça.
01:28:00 Cela dit, vous avez des gens qui arrivaient in extremis
01:28:03 et qui avaient un immense talent.
01:28:05 Une anecdote très courte, Gérard Philippe, un dimanche,
01:28:07 à 15h, doit jouer Lorenzo de Ménicis au Palais de Chaillot.
01:28:10 À 15h03, un technicien remonte, c'est un sous-sol,
01:28:15 qui voit apparaître courant à 4 à 4 les marches et descentes,
01:28:18 M. Gérard Philippe, en tenue Lorenzo de Ménicis,
01:28:20 la perruque à la main,
01:28:22 il jouait seulement dans la deuxième scène.
01:28:24 Problème, circulation automobile déjà à Paris
01:28:27 puisque lui, il ne pouvait pas prendre le métro,
01:28:29 il ne serait jamais arrivé à destination.
01:28:31 Mais sur scène, la perruque, Lorenzo.
01:28:34 Ça s'appelle le talent.
01:28:36 Et autre chose, on n'a pas le temps d'en parler ce soir,
01:28:39 la présence.
01:28:41 Car vous ne serez jamais un grand acteur
01:28:44 ou une très grande actrice
01:28:46 si vous n'êtes pas né avec la présence.
01:28:49 Et la présence n'est pas le propre des comédiens.
01:28:52 C'est aussi dans la vie de tout le monde.
01:28:56 Certains nous l'ont, d'autres ne l'ont pas.
01:28:58 Mais ça ne se fabrique pas, la présence.
01:29:00 On peut apprendre des tas de trucs d'art dramatique,
01:29:02 mais la présence, you're born with it
01:29:04 or you're not born with it.
01:29:06 Merci infiniment.
01:29:09 Merci à vous toutes et tous d'avoir été avec nous.
01:29:12 avec nous.
01:29:13 [SILENCE]

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