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Le 26 novembre 2023, Liu Jian était l'invité d’honneur du Carrefour du cinéma d’animation pour une séance master class.

Le réalisateur chinois évoque son parcours, de la peinture à son entrée remarquée dans le cinéma d’animation, en passant par l’ouverture de son studio. L’occasion de découvrir ses courts métrages et de revenir sur le contexte de création de ses œuvres très politiques.
Animée par Denis Walgenwitz, producteur.

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Transcription
00:00:00 Bonsoir à tous. Merci beaucoup d'être venu et de nous avoir rejoint pour cette masterclass consacrée à Liu Jian.
00:00:19 Pour moi c'est un moment important, mais pas que pour moi en fait, c'est un moment important pour tout ce travail que Liu Jian a effectué,
00:00:26 souvent seul au début, puis de plus en plus accompagné et bien accompagné.
00:00:32 C'est important parce que c'est un travail qu'il a dû commencer dans des conditions qui n'étaient pas du tout évidentes,
00:00:40 où rien ne pouvait le conduire à réaliser et produire des longs métrages d'animation.
00:00:46 Je remercie le Forum des images d'accueillir ce moment particulier, parce que pour moi c'est toujours émouvant de découvrir le travail d'un cinéaste
00:01:01 qui a été peu vu ici en France, en tout cas certains de ses films ont été distribués, mais c'est toujours difficile de voir des films indépendants.
00:01:12 Donc merci pour ce moment, cet espace qu'on a maintenant pour partager avec Liu Jian les arcades de son travail.
00:01:21 Je vais juste prendre 10 secondes pour mettre mon écouteur correctement, parce que toi Liu Jian tu y arrives à le mettre du premier coup.
00:01:28 Je suis en train de chercher.
00:01:31 Pas de souci, j'entends très bien, merci.
00:01:34 La présentation de cette masterclass est construite de façon assez classique, assez simple, parce qu'il y a énormément de choses à voir et dont il faudra que Liu Jian nous parle.
00:01:49 On a fait une structure assez simple, qui est finalement chronologique et qui va ainsi démarrer.
00:01:56 Je ne sais pas si vous la voyez.
00:02:07 Comme je le disais, on reprend un peu la chronologie et on démarre très tôt, puisqu'on va démarrer tout de suite avec l'apprentissage.
00:02:19 Notamment ce moment où Liu Jian est au bazar de Nanjing.
00:02:27 Ici ce petit document qu'il a partagé avec nous, c'est sa carte d'étudiant.
00:02:32 Beaucoup d'entre nous en avons eu une, mais celle-ci est particulière.
00:02:37 C'est celle qu'il avait pour le collège dans lequel il a appris, notamment la peinture.
00:02:44 Il y avait à ce moment-là uniquement le département peinture.
00:02:50 Comment ça se passait ? Il y avait des ponts avec d'autres matières aussi que la peinture.
00:02:57 En effet, à l'époque, j'apprenais la peinture traditionnelle chinoise.
00:03:05 L'école était assez petite à l'époque. Nous étions dix étudiants environ par classe.
00:03:12 Il y avait trois filières, les arts, les arts artisanaux et la musique.
00:03:18 Ainsi, l'école était assez petite et nous nous connaissions tous, que ce soit étudiants ou enseignants.
00:03:26 C'était un enseignement plutôt traditionnel ou qui était très tourné vers l'art contemporain ?
00:03:31 Quel était l'esprit des enseignants, des professeurs à l'époque ?
00:03:36 A l'époque, j'étudiais vraiment l'art le plus traditionnel, la peinture traditionnelle chinoise.
00:03:45 J'y étais étudiant entre 1989 et 1993, fin des années 1980, début des années 1990.
00:03:55 A l'époque, la pensée des arts occidentaux venait d'arriver en Chine.
00:04:04 Nous avions vraiment cette curiosité envers ces arts et nous y étions très intéressés.
00:04:08 C'est une question que je pose par rapport à ce dont on parlera plus tard, par rapport au film.
00:04:13 Il y avait un département musique aussi dans cette école.
00:04:16 Est-ce que les liens que vous aviez avec les étudiants en musique, les professeurs en musique, étaient importants aussi ?
00:04:23 Effectivement, nous avions trois départements, mais nous avions beaucoup de cours en commun.
00:04:32 Autrement dit, nous nous connaissions tous.
00:04:34 Nous étions parfois même dans la même résidence étudiante.
00:04:38 Nous connaissions très bien nos camarades dans l'épargnement de musique.
00:04:43 Donc, en fait, quelle que soit notre spécialité, quels que soient les profils des uns et des autres, nous échangeons beaucoup sur plein de sujets différents.
00:04:53 Donc ici, cette image, j'imagine que ça représente l'ensemble des étudiants de cette année-là, c'est ça, avec tous les départements mélangés sur cette photo ?
00:05:04 Non, c'est l'ensemble des étudiants en musique.
00:05:07 Ici, je crois que c'était simplement les étudiants en art.
00:05:11 Donc une trentaine d'étudiants au total.
00:05:13 Au premier rang, ce sont les enseignants.
00:05:16 Vous savez le jeu qu'on fait à chaque fois en famille, de retrouver Liu Jian étudiant dans la photo.
00:05:25 Est-ce qu'il y a quelqu'un ici qui l'a trouvé ?
00:05:27 Il faut juste me donner la couleur de son vêtement et son motif.
00:05:32 Personne ? Comment ?
00:05:35 Oui, c'est ça, vous l'avez trouvé.
00:05:37 C'est bien lui. Tu n'as pas changé Liu Jian, toujours le même.
00:05:42 Très bien. À l'issue de cette expérience au Mozart de Nanquin, quand on sort de l'école, il y a les premiers travaux.
00:05:56 Et notamment, il y a cette collaboration assez particulière avec Feng Xiaogang pour Big Shot Funeral.
00:06:08 Quel rôle as-tu joué exactement dans ce film et comment es-tu rentré dans cette production ?
00:06:14 Puisque c'était un réalisateur qui faisait des films importants à ce moment-là.
00:06:18 Comment ça se passe quand on sort de l'école pour arriver sur ce type de production ?
00:06:22 Lorsqu'il tournait Funeral de the Star, il y avait une scène dans un temple à Pékin.
00:06:34 Et à l'époque, il voulait tourner sur place, mais finalement, il y a eu des complications.
00:06:39 Il n'était pas possible de tourner pour des raisons météorologiques ou humaines, je ne sais plus.
00:06:46 Je ne sais pas si c'était par impossibilité ou parce qu'ils ont eu une idée d'utiliser l'animation pour cette scène.
00:06:57 J'avais un ami d'ami qui était chargé des arts visuels de l'équipe.
00:07:06 Et avec un autre ami, on a travaillé ensemble pour faire un cours de deux minutes qui a été intégré au film.
00:07:14 Et ce film-là, ce film court, vous l'aviez fait dans quel studio ? Dans un studio de la production ? A quel endroit c'était ?
00:07:25 Je n'avais pas de studio. A l'époque, je travaillais en tant qu'artiste.
00:07:33 Et donc j'ai fait ça chez moi. J'ai dessiné les scènes chez moi.
00:07:38 Si je me souviens bien, après avoir terminé notre travail, nous sommes allés à Pékin et nous avons montré notre travail au réalisateur.
00:07:49 Et à l'époque, il m'avait dit trois mots, peut-être un peu plus. Il m'a dit "Hao, hao", donc bien, très bien. Et il est reparti.
00:07:57 Et donc l'équipe ensuite a sorti une enveloppe et nous a payé pour notre travail. Donc c'était notre expérience.
00:08:08 Mais la deuxième fois, lorsque nous sommes allés sur le tournage, on était dans son bureau et nous avons pu voir les lieux du tournage et c'était complètement différent.
00:08:21 Et donc c'était la première fois pour moi d'assister au tournage. Donc je voyais les acteurs, je voyais les équipements utilisés.
00:08:31 Et c'est une expérience qui m'a beaucoup impactée. Je me suis dit "Ah, tourner un film est quelque chose d'intéressant".
00:08:38 Et à l'époque, j'ai tout d'un coup eu une réflexion assez folle.
00:08:45 Je me suis dit "Peut-être qu'un jour, je pourrais aussi tourner un film ou participer à la production d'un film". Je me suis dit que peut-être que c'était possible.
00:08:54 Pourtant, cette expérience, elle est en 2001 et il semblerait que, en ce qui concerne l'animation, tu as bien avant, c'est-à-dire à la sortie de l'école, vers 1995, dans ces moments-là,
00:09:07 il y a déjà eu une sorte de sensibilité ou d'intérêt pour l'animation, puisque tu avais une formation de peintre.
00:09:15 Et donc le contact avec l'animation s'est établi par le biais d'un film ou par des connaissances qui travaillaient dans ce domaine. Comment ça s'est passé ?
00:09:24 Oui, en effet. Au départ, l'animation était une manière de gagner sa vie pour beaucoup de mes camarades, parce que nous étions très bien payés dans l'animation.
00:09:39 Et je crois que ça devait être en 1998-99, sans doute, lorsque je voulais chercher du travail. J'ai un camarade de classe qui m'a dit "Viens, tu peux aller dans un studio d'animation,
00:09:56 tu pourras dessiner les scènes, les paysages". Et donc j'ai participé à des examens. Et comme j'avais un camarade de classe qui travaillait dans le studio,
00:10:06 j'ai réussi le recrutement et j'ai commencé à travailler dans ce studio d'animation. Effectivement, j'étais très bien payée à l'époque.
00:10:13 Et en plus, nous nous étions payés en dollars hongkongais. Notre patron était hongkongais. Et beaucoup de mes camarades de classe, pour gagner leur vie,
00:10:24 travaillaient dans l'animation. Mais moi, j'étais artiste à l'époque. Et je crois que de manière assez inconsciente, j'ai essayé de faire de l'art contemporain à travers l'animation.
00:10:37 Et à l'époque, avec un ami et partenaire, nous faisions des courts-métrages, nous réalisions des expériences pour nous. Et c'est peut-être grâce à cela que nous avons pu participer
00:10:50 à la réalisation du film de Feng Xiaogang. Et c'est comme ça que j'ai pu être en contact avec le cinéma et le film.
00:10:57 À la suite de cette expérience, il y a eu ce moment où tu as été amenée à travailler au Nanjing Fuxi Animation.
00:11:07 Et j'ai préparé cette présentation avec aucune image, parce qu'en fait, il n'y a aucune image de cette période-là.
00:11:15 Vu qu'on n'a pas d'image, est-ce qu'on peut avoir quelques mots sur l'expérience que tu as passé pendant quelques années au sein de cette société,
00:11:23 et quelles responsabilités tu avais à ce moment-là ?
00:11:27 En effet, c'était un tout petit studio d'animation à Nankin, studio créé par un ami. C'était aussi un ancien camarade de fac.
00:11:39 Et donc, nous travaillions ensemble. J'étais réalisateur et je me chargeais en partie de la gestion du studio d'animation.
00:11:48 Et en fait, nous travaillions pour la télévision de Shanghai. Nous faisions des courts-métrages de 5 minutes pour enfants.
00:11:59 Il y avait 365 épisodes au total. Donc, après 50 épisodes pour cette société animée, je me suis dit,
00:12:07 je crois que c'était un peu différent de ce que je pensais. J'en ai eu marre et je n'ai plus trop eu envie d'aller au bureau.
00:12:17 Je pense que ça a dû accumuler chez toi une certaine énergie pour arriver finalement, en partant de cette société,
00:12:25 à créer une autre société très importante qui s'appelle Lee Joy Animation, et à l'intérieur de laquelle est né ce projet de Piercing One,
00:12:35 qui est donc ton premier long métrage. Est-ce que cette idée est déjà venue lorsque tu travaillais dans la société précédente
00:12:47 et c'est venu progressivement ? Comment tout ça est né ? Et notamment, je dois dire quand même un petit mot avant que Lu Jian réponde.
00:12:53 Piercing One, c'est un film dont on a commencé à entendre parler grâce au travail de Gerben, qui est ici présent et qui s'occupait du festival d'Outrecht.
00:13:03 Grâce à ce travail de défrichage, on a découvert ce film, on a pu le présenter à Annecy.
00:13:11 Et c'est important parce que ce qui était frappant dans le film, et on va en reparler, je pense, c'est le fait que tout au long du film,
00:13:20 d'abord c'est un film qui parle d'une période quasiment à l'instant T, c'est-à-dire que le film est produit en 2007-2008,
00:13:32 et ça parle de la crise économique de 2008 déjà. Et il y a déjà un propos qui est ancré dans la réalité, dans l'actualité, dans le monde.
00:13:39 Et ça, c'était très frappant quand on a vu le film. Et la deuxième chose, c'est que ça nous montrait une Chine qu'on avait rarement l'occasion de voir.
00:13:50 Donc ma question, c'est comment est-ce que c'est venu ? Est-ce que c'est une idée qui vient de loin ?
00:13:54 Comment ça se construit en fait ? Parce que ça sort de nulle part pour nous quand on voit ça.
00:13:59 Tu as dit beaucoup.
00:14:03 Je pense que tu es très familier de mon processus de production.
00:14:11 Pourquoi j'ai voulu créer ce studio de Le Joy, c'est justement parce que je ne voulais plus retourner dans les bureaux, dans les studios de Nanking à Fuji.
00:14:23 Nos relations étaient devenues difficiles avec mon ami. Et j'ai voulu réaliser un film d'animation que j'avais envie de réaliser.
00:14:33 A l'époque, je n'avais que très peu de connaissances sur l'animation ou sur le film. Tout ce que j'avais envie, c'était de créer.
00:14:41 Et donc Piercing One, je crois que c'était un roman que j'ai écrit en 1996-97.
00:14:53 Et je me suis dit que c'était plus simple d'adapter mon roman en scénario.
00:14:59 Au départ, je voulais simplement réaliser un film, au moins un métrage de 30 minutes.
00:15:08 Et peut-être à partir de là, pouvoir le vendre à un bon prix.
00:15:15 Donc c'était vraiment l'idée que j'avais pour mon studio.
00:15:18 Mais après l'avoir fait, je me suis rendu compte que rien n'était comme je l'avais imaginé.
00:15:27 Et donc au début, j'avais présenté un extrait de 2-3 minutes. Je l'avais montré à un festival à Tokyo.
00:15:39 J'avais également imprimé quelques images pour les montrer. C'était à Tokyo.
00:15:45 Et donc ce directeur de festival qui m'a été très intéressé, qui m'a contacté, on s'est rencontré à Hangzhou.
00:15:55 Ensuite, il est venu me voir dans mon studio à Nankin.
00:16:00 C'était quelque chose de très important pour moi.
00:16:02 Parce que finalement, c'était la première fois que je rencontrais quelqu'un qui était spécialisé dans l'animation.
00:16:09 Que ce soit un réalisateur ou encore un directeur de festival.
00:16:12 Et donc lorsqu'il est venu me voir dans mon studio à Nankin,
00:16:16 et qu'il m'a proposé de participer à son festival en tant que jury,
00:16:22 c'était la première fois que je voyais autant de courts-métrages en un seul coup,
00:16:36 pendant une séance dans un festival.
00:16:38 Et c'est quelque chose qui a été extrêmement intéressant pour moi.
00:16:40 J'ai pu, à travers cette expérience, à travers ce festival, mieux comprendre ce qu'était l'animation.
00:16:45 Donc j'ai participé à ce festival.
00:16:46 Et ensuite, je suis rentrée en Chine.
00:16:48 Et donc j'ai apporté beaucoup de modifications à mon scénario.
00:16:54 Je pense que la moitié a été modifiée.
00:16:56 Et à partir de là, j'ai décidé d'en faire un long-métrage.
00:17:01 Au début, j'étais naïve.
00:17:03 Je me suis dit que j'allais pouvoir le terminer en un an.
00:17:06 Mais finalement, cela m'a pris trois ans au total.
00:17:09 Ce qui est le temps qu'on met en France pour faire un court-métrage en général.
00:17:14 À chaque fois, ça leur fait le même effet.
00:17:19 Donc cette aventure.
00:17:24 Ce moment du festival où tu vois tous ces films, c'est en quelle année ?
00:17:29 À ce moment-là ?
00:17:30 Tu te rappelles de ça ?
00:17:33 Je crois que c'était en 2008.
00:17:38 À l'époque, je travaillais en tant qu'artiste, en tant que peintre.
00:17:46 Et donc quand il m'avait invité à son festival, j'avais été invité en tant qu'artiste.
00:17:53 Et je participais au jury en tant qu'artiste contemporain.
00:17:58 Puis à mon retour en Chine, j'ai commencé à réaliser Piercing One.
00:18:05 Et c'est au fur et à mesure que mon identité a commencé à changer.
00:18:11 Je me suis dit que je suis également réalisateur de films d'animation.
00:18:15 Quand tu es rentrée en Chine pour reprendre le travail sur Piercing One,
00:18:19 qui était avec toi à ce moment-là ?
00:18:22 Qui travaillait sur le film ?
00:18:24 Toi seulement ?
00:18:26 J'étais avec ma femme.
00:18:34 Hormis le film, nous étions deux.
00:18:39 Je réalisais deux films.
00:18:41 Et elle s'occupait de toutes les activités externes.
00:18:45 Elle faisait toutes les relations, les mises en contact avec les festivals, etc.
00:18:51 Très bien.
00:18:54 Donc effectivement, Piercing One est un film qui se situe dans une ville particulière en Chine.
00:19:01 À quel endroit l'action se passe ?
00:19:05 C'était à Nanquin, la ville où je vivais.
00:19:10 En deux mots, pour ceux qui ne l'ont pas vu,
00:19:14 ça parle de personnes qui sont prises au moment de la crise économique,
00:19:18 où il y a une récession au niveau de l'emploi.
00:19:21 Ce sont des gens qui se retrouvent privés de leur emploi
00:19:24 et qui cherchent un moyen de vivre, de retrouver du travail et de gagner de l'argent.
00:19:30 Et au bout d'un moment, petit à petit,
00:19:33 il y a cette idée de revenir de là où ils viennent,
00:19:35 c'est-à-dire de leur ville d'origine,
00:19:37 qui est plus éloignée dans la campagne.
00:19:40 Et il y a toute cette relation qui est omniprésente dans le film
00:19:44 entre la limite de l'urbanisme de la ville.
00:19:48 On voit des bâtiments en construction.
00:19:51 Et tout de suite, il y a des champs, la campagne qui est présente.
00:19:55 Et ça se passe beaucoup sur la frontière.
00:19:58 C'est quelque chose que tu connais bien,
00:20:00 c'est quelque chose que tu voulais raconter ?
00:20:02 Oui, tout à fait. C'est un environnement qui m'est familier,
00:20:07 parce que je vis ici, je vis dans cette ville.
00:20:10 Après avoir terminé le scénario,
00:20:12 après avoir terminé une partie de l'animation,
00:20:15 en fait, tout au cours du processus,
00:20:18 j'allais me balader dans la ville,
00:20:20 je prenais beaucoup de photos pour faire des choix,
00:20:24 pour mettre en place toutes mes scènes.
00:20:27 Donc, c'était très important pour moi
00:20:30 d'avoir toutes ces images de lieux pour les intégrer au film.
00:20:34 Et cette histoire a lieu en hiver.
00:20:41 Ainsi, vous voyez, en hiver, les jours sont moins ensoleillés.
00:20:49 Et donc, au niveau des couleurs aussi,
00:20:56 nous sommes plutôt dans des nuances grises.
00:20:58 L'ambiance est donc un peu plus sombre, de manière générale.
00:21:01 Et donc, dans Piercing One, l'ambiance est plus lourde.
00:21:05 C'était quelque chose que je voulais faire.
00:21:07 Et qu'on sent très bien tout au long du film aussi.
00:21:10 Et c'est vrai que tu parles des teintes, des lumières, des couleurs.
00:21:14 Et c'est vrai que quand on vient te rendre visite
00:21:17 et on voit effectivement le soir tomber assez vite,
00:21:20 et on a ces teintes un peu vertes, grises,
00:21:22 comme ça, qui se marient, qui se mêlent.
00:21:24 Et qu'on retrouve dans le film, très nettement.
00:21:27 Il y a quelque chose qui est très frappant quand on voit le film aussi.
00:21:32 On va parler un petit peu de technique.
00:21:36 C'est des vraies mises en scène.
00:21:39 Il y a un découpage qui est très précis, très net,
00:21:42 et qui est très énergique.
00:21:44 Notamment, les coupes sont très nettes, très énergiques.
00:21:48 Et il y a très peu d'animation.
00:21:51 L'animation n'est pas très développée.
00:21:53 Mais du coup, ça donne au personnage une énergie
00:21:56 dans les "posing" que tu utilises.
00:21:58 Comment tu as élaboré un petit peu tout ça ?
00:22:01 Comment c'est venu, en fait ?
00:22:03 J'imagine, naturellement, que si tu étais tout seul à animer,
00:22:06 que tu ne pouvais pas animer 24 images par seconde, naturellement.
00:22:10 Mais du coup, tu as dû trouver un système
00:22:12 pour que ça fonctionne aussi bien à la fin.
00:22:14 Effectivement, à l'époque, lorsque je réalisais ce film,
00:22:21 je ne savais pas qu'il fallait avoir 24 images ou 12 images.
00:22:25 Tout ce que je voulais faire,
00:22:27 c'était que les mouvements du personnage
00:22:32 correspondaient à ce que je voulais faire.
00:22:36 Je voulais avoir une certaine dynamique dans les mouvements.
00:22:39 Et en fait, j'apprenais tout en faisant.
00:22:42 J'ai fait beaucoup d'essais.
00:22:44 Cela m'a pris beaucoup de temps.
00:22:46 Par exemple, le mouvement de la marche.
00:22:49 Je suis allée poser la question à des amis
00:22:52 qui travaillent dans l'animation,
00:22:54 qui sont des professionnels,
00:22:57 et qui me montraient, en démontrant,
00:23:02 que c'était des mouvements qui ressemblaient à des mouvements chez Disney,
00:23:05 qu'il y avait beaucoup d'élasticité.
00:23:07 Je trouvais que ce n'était pas des mouvements
00:23:09 qui étaient adéquats pour mon film.
00:23:11 Cela a alimenté ma réflexion
00:23:13 sur ce que je voulais vraiment faire dans mon film.
00:23:16 Ainsi, quand on regarde mon film,
00:23:19 les mouvements sont plus rigides, plus simples,
00:23:22 plus simplistes presque.
00:23:24 C'est vraiment le style que je veux.
00:23:27 C'est aussi l'effet visuel que je souhaite transmettre à mon public.
00:23:31 On a même parfois l'impression
00:23:33 qu'entre les pauses d'animation et les coupes des plans,
00:23:37 c'est au même niveau.
00:23:41 A chaque fois, ça donne un coup de fouet aux scènes.
00:23:46 Il y a des mouvements qui se font,
00:23:48 le plan se coupe, on passe à l'autre plan.
00:23:50 Cela crée une sorte d'accélération
00:23:54 dans le défilement du film.
00:23:56 Effectivement.
00:24:00 J'ai beaucoup appris des vrais films,
00:24:03 des films en scène réelle.
00:24:05 Je me suis vraiment intéressée au style de narration,
00:24:09 aux découpes de scènes dans des films filmés en prise réelle.
00:24:14 C'est à partir de toutes ces pensées, ces réflexions
00:24:19 que j'ai fait Piercing One.
00:24:22 Je voulais que chaque scène ait un impact.
00:24:24 Comme dit un ami,
00:24:27 c'est vraiment parce que tu es naïf et ignorant que tu es téméraire.
00:24:30 C'est vraiment parce que je ne connaissais rien
00:24:32 que j'ai fait un film d'animation de ce style-là.
00:24:35 Lorsque j'étais à la moitié de la réalisation de ce film,
00:24:40 je me suis rendue compte
00:24:42 que j'avais créé mon propre langage d'animation.
00:24:46 Un langage que je voulais.
00:24:48 C'est ce qui s'est produit,
00:24:51 parce que c'est ce qui nous frappe
00:24:53 quand on voit les premières images du film.
00:24:55 On est tout de suite plongé dans un langage nouveau
00:24:58 et en même temps très accessible,
00:25:00 dans lequel on rentre très facilement.
00:25:02 Les ambiances dans tes films sont importantes.
00:25:07 Elles sont données beaucoup par l'usage de la couleur,
00:25:10 de la lumière.
00:25:12 Et pourtant, quand tu les construis,
00:25:14 quand on le voit sur ce document, ici, ce storyboard,
00:25:17 les indications que tu mets en place
00:25:19 sont des indications liées à ce que les personnages ressentent,
00:25:22 à ce qu'ils doivent transmettre comme émotions.
00:25:25 Parce que c'est souvent des personnages qui doutent
00:25:28 ou qui se posent des questions sur ce qu'ils vont devoir faire.
00:25:31 Il y a un jeu sur l'écriture aussi.
00:25:34 Le langage, ce qu'ils disent, est très important.
00:25:37 On voit que tu mets en place,
00:25:39 on le voit bien sur cette page de storyboard,
00:25:42 cette mécanique des personnages qui dialoguent entre eux.
00:25:45 Alors qu'au final, ce n'est pas vraiment ce qu'on ressent.
00:25:48 Puisque, naturellement, c'est à l'œuvre sur le travail fini,
00:25:52 mais au final, on a ça comme image.
00:25:54 C'est-à-dire des images avec une ambiance très forte
00:25:57 et visuellement très impactante.
00:25:59 Donc comment tu passes d'une logique à l'autre ?
00:26:03 C'est comme préparer des ingrédients
00:26:05 pour cuisiner quelque chose à la fin.
00:26:08 On peut aussi remonter à mon envie de faire de l'animation.
00:26:20 Au début, je ne connaissais rien aux films d'animation,
00:26:23 mais je savais dessiner,
00:26:25 puisque j'ai appris la peinture et j'ai appris le dessin.
00:26:28 Et lorsque j'ai décidé de faire ce film,
00:26:33 j'avais une envie très simple.
00:26:35 Je vais dessiner un film.
00:26:38 Et là, je me suis dit,
00:26:42 je ne connais pas très bien l'animation,
00:26:47 je suis très peu familier avec l'animation,
00:26:52 mais concernant mon style, j'ai des exigences.
00:26:57 En tout cas, je sais que pour les scènes,
00:27:02 pour l'utilisation des couleurs,
00:27:04 j'avais confiance en moi,
00:27:06 je savais que je pouvais faire quelque chose de bien.
00:27:08 Effectivement, ça se sent, c'est très frappant
00:27:10 et c'est aussi très audacieux.
00:27:12 C'est des choix, notamment dans la couleur.
00:27:14 Il y a des gammes colorées, il y a un usage de la couleur.
00:27:17 Ici, on voit une image très rouge,
00:27:19 mais il y a quasiment des images très cousines
00:27:22 dans les tons de bleu, de vert aussi.
00:27:24 C'est quelque chose de très maîtrisé tout le long.
00:27:29 Et ça aide beaucoup à suivre le film, à suivre l'histoire.
00:27:33 C'est aussi un autre chemin visuel à travers toute la narration.
00:27:38 Ici, on a cette...
00:27:42 Ce n'est pas la première affiche,
00:27:45 elle est venue un peu plus tard.
00:27:47 Je la trouve intéressante parce que,
00:27:49 devant ces deux personnages qui sont un peu désœuvrés,
00:27:52 sur cette image,
00:27:54 ils ne font rien de particulier,
00:27:56 mais derrière, il y a des références.
00:27:59 Est-ce que c'est une façon pour toi
00:28:03 de mettre sur le mur les choses
00:28:05 qui t'influençaient aussi à ce moment-là
00:28:08 ou qui avaient marqué les jeunes à ton époque, par exemple ?
00:28:13 C'est intéressant.
00:28:16 Oui, on voit des images de stars, de célébrités de l'époque.
00:28:21 C'était des photocopies de couvertures
00:28:27 à l'université, lorsque nous étions étudiants.
00:28:31 Après les études, nous lui on des petits studios
00:28:36 et nous recouvrions nos murs de ces posters
00:28:41 de rock stars, de célébrités, de peintres que nous apprécions.
00:28:46 Mais c'est très simple,
00:28:50 c'était des photocopies en noir et blanc, comme on le voit ici.
00:28:53 Ici, on voit beaucoup de stars anglo-saxonnes ou internationales.
00:28:57 Il commençait à y avoir des stars en Chine aussi,
00:29:00 dans la musique rock,
00:29:02 c'est quelque chose qui était accompagné aussi
00:29:05 avec des artistes contemporains en Chine.
00:29:08 Ici, on a une image, on en parlait tout à l'heure,
00:29:12 c'est une image où la construction se fait au niveau des couleurs.
00:29:18 A l'époque, tu utilisais des logiciels assez simples
00:29:23 et pas forcément dédiés à l'animation.
00:29:26 Tu travaillais à base de quels logiciels
00:29:29 et comment tu t'étais aguerri ou entraîné à travailler avec ça ?
00:29:36 C'est assez simple, c'était Photoshop.
00:29:39 Après le dessin, je mettais dans Pierre
00:29:42 pour ensuite avoir les différentes couches de dessin,
00:29:45 les différentes couches de couleurs.
00:29:48 Et je travaille encore de cette façon-là aujourd'hui,
00:29:51 quand je fais de l'animation.
00:29:53 Donc finalement, c'est un processus assez simple.
00:29:56 Ici, on a une vue, je l'ai gardée en pleine image
00:29:59 pour qu'on ait les détails de ton bureau.
00:30:02 C'est ta station de travail.
00:30:04 Tu montais directement sur ton bureau.
00:30:09 Tout était fait au même endroit.
00:30:12 C'est ça ?
00:30:14 C'est simple.
00:30:16 Tout à fait.
00:30:18 Je travaille sur un PC qui est aujourd'hui très lent.
00:30:24 A l'époque, vous voyez là,
00:30:29 il fallait toute une nuit pour que les couches soient rajoutées.
00:30:33 Il fallait vérifier les couches une à une.
00:30:35 Parfois, il y avait des erreurs.
00:30:37 Il fallait recommencer.
00:30:39 Donc, ça tournait très lentement.
00:30:41 Je travaillais sur cet ordinateur-là à l'époque.
00:30:45 On ne va pas la laisser trop longtemps
00:30:47 pour ne pas te rappeler de trop mauvais souvenirs.
00:30:50 Du coup, on va passer à ton banc de montage ici aussi.
00:30:53 C'était pour ce PC-là ?
00:30:55 C'était pour ce PC-là.
00:30:57 C'était pour ce banc de montage ici aussi.
00:30:59 C'était pour la musique ou pour l'image ?
00:31:02 C'est un banc de montage humatique.
00:31:05 Là, on était en post-production.
00:31:12 On était dans un studio à Shanghai.
00:31:15 Là, je crois qu'on était en train de copier le film sur le fichier.
00:31:20 Je crois que ça nous a pris énormément de temps.
00:31:24 On a dû passer deux ou trois jours sur place
00:31:27 pour vraiment copier le film sur toutes ces bandes à côté.
00:31:30 C'était le début des films numériques.
00:31:34 C'était juste après la pellicule.
00:31:37 À la suite de cette première expérience,
00:31:40 le film a commencé à être montré en Europe.
00:31:43 Il a été sélectionné à Annecy par ailleurs.
00:31:46 Je crois que Gerben, tu l'avais sélectionné aussi à Utrecht.
00:31:51 Ça avait été un précédent.
00:31:54 On a pu le présenter ici même au Forum des images.
00:31:58 Comment s'est passée la perception de Piercing One ?
00:32:02 Est-ce que ça a été important pour toi ?
00:32:05 De quelle manière ça t'a permis de passer à la suite ?
00:32:09 C'était une expérience très précieuse pour moi, évidemment.
00:32:16 Lorsque je faisais Piercing One,
00:32:19 je n'avais pas pleinement conscience
00:32:22 du fait que j'étais en train de faire un film d'animation.
00:32:25 Pour moi, c'était une œuvre d'art.
00:32:28 C'est un long métrage.
00:32:31 À la fin, c'est un film qui a été présenté dans des festivals.
00:32:37 C'est vraiment lors des festivals
00:32:40 que je me suis rendue compte que j'étais dans le cinéma,
00:32:44 que j'étais dans l'animation.
00:32:47 En 2009, lorsque j'étais au Festival international de l'animation
00:32:51 aux Pays-Bas, il y avait une première.
00:32:55 L'année suivante, je suis allée à Annecy.
00:32:58 C'est là que j'ai participé à un festival d'animation
00:33:02 de plus grande échelle.
00:33:04 Et là, je me suis vraiment rendue compte des choses.
00:33:07 J'ai également vu en direct les réactions du public.
00:33:11 C'était des expériences très précieuses pour moi.
00:33:16 C'était aussi un très grand encouragement.
00:33:20 C'est là que je me suis dit que je faisais un film d'animation
00:33:24 qui avait de la valeur, qui était important.
00:33:27 Pierre Senghwan avait été récompensé à cette époque-là.
00:33:33 Il a participé à de nombreux festivals.
00:33:36 Et c'était une expérience, le fait de participer à des festivals,
00:33:40 d'échanger avec d'autres réalisateurs,
00:33:43 de regarder d'autres œuvres,
00:33:46 m'ont beaucoup encouragée à continuer à faire des films d'animation.
00:33:51 J'ai aussi eu des producteurs qui m'ont contactée,
00:33:55 qui m'ont proposé de travailler ensemble, etc.
00:33:58 Et c'est comme cela que je me suis familiarisée avec le métier,
00:34:04 avec le secteur, et cela m'a encouragée à m'engager vraiment sur cette voie.
00:34:10 Naturellement, d'ici, on ne se rendait pas vraiment compte de cela
00:34:13 parce qu'on ne connaissait pas en détail ton parcours et ce que tu avais fait.
00:34:17 Mais en tout cas, c'était une très bonne nouvelle de voir ton film arriver.
00:34:22 Et notamment parce qu'encore une fois, comme je le disais tout à l'heure,
00:34:25 tu nous montrais la Chine. Il y avait un côté presque documentaire,
00:34:28 même si c'est un film de fiction, c'est une vraie histoire,
00:34:31 c'est un scénario. Mais tout au long du film,
00:34:34 on est ancré dans le réel et c'était une fenêtre
00:34:37 qui s'ouvrait sur la Chine, pour nous en tout cas.
00:34:40 Tu parlais des rencontres que tu as faites.
00:34:43 Dans la présentation, dans la chronologie du travail de Liu Jian,
00:34:49 on va faire une petite parenthèse maintenant, mais je me suis permis de la faire
00:34:52 parce que d'abord, c'est une expérience qu'on a vécue avec un film qui s'appelle "Mr. Wu",
00:34:57 qui était en développement, qui n'a pas été réalisé.
00:35:00 C'est un film de Patrick Zakman, produit par les films d'ici.
00:35:03 Patrick Zakman est photographe à l'agence Magnum
00:35:07 et il avait fait toute une série de photos assez importantes dans son travail sur la Chine.
00:35:12 Lors de ce travail, il a rencontré un homme qui est resté pour lui toujours très mystérieux,
00:35:18 qui s'appelle M. Wu, qui a été un guide pour lui,
00:35:21 qui lui a permis notamment de faire des photographies de la mafia chinoise
00:35:24 et de l'introduire dans ce milieu.
00:35:27 Cet homme a disparu par la suite, assez mystérieusement aussi.
00:35:31 Patrick a voulu faire un film sur cette personne et il avait donc un matériel photo.
00:35:37 Il avait beaucoup d'images, il avait beaucoup de documents photographiés,
00:35:41 mais néanmoins, ce n'était pas suffisant pour en faire un film.
00:35:45 Il voulait qu'il y ait une histoire, il voulait que son personnage soit incarné par un acteur,
00:35:52 mais il y avait aussi un moment, un désir de vouloir mêler son travail photographique avec de l'animation,
00:35:58 l'animation permettant, une fois de plus, un peu comme c'était le cas du long métrage sur lequel tu as travaillé,
00:36:04 de faire exister des séquences qu'on ne peut pas filmer autrement.
00:36:09 Donc l'idée est venue de mixer, de mélanger de l'animation avec de la photographie,
00:36:17 comme Liu Jian avait un style assez réaliste.
00:36:20 Par ailleurs, il était réalisateur chinois et c'était très important pour Patrick
00:36:24 de travailler avec quelqu'un qui comprenait les Chinois et qui vivait en Chine.
00:36:28 Donc l'idée de collaborer s'est mise en place.
00:36:32 Moi, j'ai eu la chance à ce moment-là d'être assistant lors de ce travail de développement.
00:36:37 Mais donc, c'est juste pour vous montrer un petit peu comment les choses se sont assemblées.
00:36:44 C'est que dès le storyboard, on utilisait donc, enfin c'est Liu Jian qui a récupéré les photos qui étaient choisies par Patrick Zakman.
00:36:53 Et il les a intégrées tout de suite dans son storyboard pour mettre en place la mise en scène et commencer à découper.
00:37:00 Naturellement, on a fait ça à distance. On a tout fait. Je ne vous cache pas que c'était frustrant.
00:37:04 Parce que quand on travaille avec une équipe artistique, quand les personnes sont si loin,
00:37:08 on n'avait même pas fait de debrief ensemble. En fait, il fallait vraiment, on avait fait peut-être des Skype ou des choses comme ça.
00:37:15 Mais il y a beaucoup de choses qui passaient par Internet. Néanmoins, on a pu se caler, s'entendre.
00:37:21 Et moi, du coup, je suis très curieux de savoir comment ça se passait de l'autre côté de la boîte aux lettres.
00:37:28 En fait, quand tu recevais les éléments, comment tu as pris les éléments du projet ? Est-ce que c'était difficile pour toi ?
00:37:34 Ou naturellement, tu n'as rien dit. Tu as dit oui, OK, à tout, tout le temps.
00:37:37 Mais la question, c'est est-ce que vraiment tu t'es gratté la tête en disant comment je vais faire ? Comment ça s'est passé ?
00:37:42 Quand j'ai vu le scénario et quand j'ai vu les œuvres de Patrick, j'étais extrêmement excitée.
00:37:54 Parce que c'était une manière de créer qui était complètement différente.
00:37:59 Il y avait des prises de vue réelles, des photos, de l'animation. Donc, il y avait trois moyens d'expression combinées.
00:38:05 J'ai trouvé ça extrêmement intéressant comme démarche. Malheureusement, cela ne s'est pas concrétisé par un film à l'arrivée.
00:38:12 Mais c'est finalement le prototype d'animation. Et pour tout ce travail, pour moi, a été extrêmement intéressant.
00:38:25 Alors, je suis venue une fois à Paris, tout de même. Tout ne s'est pas fait uniquement en ligne.
00:38:29 Nous avons pu échanger autour de ce projet. Patrick m'avait même emmené me promener à Paris en moto.
00:38:36 Nous étions même allés dans le quartier chinois. Il voulait me montrer ce que voyait Mister Wu à Paris.
00:38:48 C'était quelque chose de complètement nouveau pour moi.
00:38:52 Hormis le film, hormis sa manière de travailler, hormis les visites au studio, hormis les échanges, j'ai eu une très belle expérience.
00:39:04 C'était très agréable. Et je pensais que nous allions réussir à achever ce film d'animation.
00:39:11 Si nous étions en Chine, je pense que j'aurais vraiment tout fait pour l'achever.
00:39:16 Mais finalement, je ne sais pas pourquoi cela ne s'est pas fait en France.
00:39:22 Mais en tout cas, c'était une expérience unique, extrêmement intéressante pour moi.
00:39:26 Oui, c'était naturellement, on peut l'imaginer, un film un peu compliqué à financer et à produire.
00:39:33 C'est pour ça qu'on n'a pas pu aller plus loin. C'est vrai aussi que Patrick Zakman est venu te rendre visite à Nankin.
00:39:41 Tout à fait.
00:39:46 À un moment donné, j'étais à New York. J'y suis restée pendant quatre mois.
00:39:53 Il était aussi venu à New York me voir et nous avions continué nos réunions de travail sur place.
00:39:58 Comme ça, très composite, comme méthode de travail.
00:40:04 C'est intéressant visuellement parce que ce n'est pas très éloigné de la façon de travailler de Liu Jian au départ.
00:40:14 Mais simplement, ça passe par une autre mécanique où les images, tout est visible.
00:40:20 On garde visuellement présent la photographie.
00:40:27 Quand on revient au storyboard, on a une photographie de départ, une mise en place qui est faite par Liu Jian en dessin.
00:40:34 Puis ensuite, un mélange des deux pour avoir cette scène qui va dans le film, dans le teaser qui avait été fait, passer d'une réalité à une autre comme ceci.
00:40:52 Ça a commencé à s'animer ainsi. De la même manière, ici on avait une mise en place des personnages.
00:40:59 C'est quand ils sont en Chine.
00:41:01 C'est très simple comme mise en place, mais visuellement, ça faisait quelque chose de très particulier, visuellement très fort.
00:41:09 C'est fait avec des moyens assez rudimentaires. C'est juste une simple photo et on aurait pu aller naturellement plus loin encore.
00:41:20 Mais déjà, il y avait quelque chose qui fonctionnait.
00:41:22 Et je trouvais intéressant que là, ce qui était curieux, c'est que tu as vraiment été dans la vision qu'était celle que souhaitait Patrick.
00:41:30 Mais en réalité, il se jouait artistiquement quelque chose qui te concernait aussi toi personnellement en tant qu'artiste.
00:41:42 Nos échanges se passaient avec grande fluidité. Nos points de vue, nos opinions étaient assez raccord sur la production, sur ce que nous voulions montrer.
00:41:56 Malheureusement, nous n'avons pas réussi à l'achever.
00:42:00 Mais effectivement, j'avais posé la question à Patrick. Est-ce que nous pouvons trouver des investissements en Chine pour le faire ?
00:42:10 Malheureusement, il a fortement hésité. Il ne souhaitait pas avoir d'investissement chinois dans le projet.
00:42:17 Et c'est comme ça que nous n'avons pas fait ce film finalement.
00:42:21 Je crois qu'on s'en souviendra pour la prochaine fois.
00:42:24 À la suite de cette expérience, peut-être qu'au moment où tu travaillais avec Patrick, tu avais déjà l'idée du film suivant à ce moment-là ?
00:42:34 Oui, en faisant Mister Wu, j'avais déjà l'idée du film suivant.
00:42:43 La suite, c'est Have a Nice Day. Il faut revenir une minute sur Piercing One.
00:42:51 Il y a quelque chose qu'on n'a pas dit au moment de Piercing One.
00:42:54 Il s'appelle Piercing One parce que tu avais prévu qu'il y aurait un 2 et un 3.
00:42:58 En fait, tu avais prévu trois films en réalité. C'est bien ça ?
00:43:01 Tout à fait. Je souhaitais faire une trilogie.
00:43:09 Donc Piercing One, ensuite Have a Nice Day et ensuite Art College. Pour moi, c'était une trilogie à la base.
00:43:20 Donc en fait, on retrouve un certain nombre d'éléments qui étaient présents dans le film d'avant, mais le ton a vraiment changé.
00:43:27 On le voit dès l'affiche d'ailleurs. Le ton a changé. Il y a ce désir, encore une fois, d'ancrer le film dans la réalité.
00:43:38 Donc tu ne fais pas de son en studio, tu vas chercher des sons dans la ville, dans la vraie vie autour de toi.
00:43:47 Ça, ça se passe avant l'animation ? Comment tu organises ce travail-là ?
00:43:53 Lorsque je préparais Piercing One ou encore même Have a Nice Day, entre-temps, il y a eu des changements qui sont survenus.
00:44:00 À partir de Have a Nice Day, nous avons commencé à travailler de façon plus conventionnelle parce que nous avions des producteurs notamment.
00:44:13 Après Mr Wu et après Piercing One, il y a eu une période vide et durant laquelle j'ai commencé à réfléchir.
00:44:26 Je me suis dit que je voulais faire quelque chose, un film qui me plaise, qui me fasse du bien.
00:44:35 C'est ainsi que ce projet a démarré. Ensuite, il y a ce producteur, Yang Cheng, avec qui j'ai travaillé.
00:44:43 Ici, nous avions une équipe d'ingénieurs son. C'était différent d'avant où finalement j'avais juste un micro et puis j'allais enregistrer des sons dehors.
00:44:55 C'était une manière de travailler complètement différente. Là, nous avions des professionnels.
00:44:59 Ces prises de sons étaient faites avant de faire l'animation ou c'est quelque chose qui était là pour, une fois que tu avais tes scènes bien établies et animées, tu allais faire les enregistrements ?
00:45:09 Là, ce que vous voyez, c'était les enregistrements, les captations qui ont été faites avant les scènes d'animation.
00:45:22 C'est les sons qui précèdent les scènes d'animation. Ici, par exemple, ce sont des bruits dans le marché, la découpe de la viande, le brouhaha des marchés.
00:45:34 Si on regarde la prochaine image, ce sont les bruits des chantiers, des constructions de routes, etc.
00:45:42 Quand on parle des sons dans l'animation, c'est complètement différent que des films en prise de vue réelle, puisqu'il y a toujours des bruits de fond quand on bouge, il y a du bruit, alors qu'il n'y a pas de son quand on anime quelque chose.
00:46:01 Lorsque je travaillais avec mon producteur, c'était la première fois aussi qu'il travaillait sur de l'animation, et donc il m'a dit "il faudrait que nous ayons une base sonore pour ce film d'animation".
00:46:16 Et pour moi, c'était une manière de travailler qui me convenait. Au-delà des bruits, il faut aussi de la musique, la bande sonore.
00:46:25 La musique est décidée avant même de dessiner les scènes, donc finalement le son et la musique précèdent toujours le visuel.
00:46:33 Au niveau de ce qu'on raconte dans le film, tu disais que tu avais envie de te faire plaisir.
00:46:38 On voyait sur cette image que tu allais prendre des sons avant sur des bouts de viande qu'on découpe, et dans ce film, apparemment, la viande qu'on découpe c'est assez important, puisqu'on découpe beaucoup de viande.
00:46:51 Donc effectivement, il y a quelque chose qui se libère, même par exemple une certaine idée de la violence.
00:47:02 Ce qui est assez intéressant, c'est que là on voit une scène où naturellement il y a un homme qui est en train de passer un mauvais moment dans sa vie.
00:47:10 Néanmoins, cette violence est en partie à l'image, mais elle est encore une fois dans la succession des scènes, dans le fait qu'on passe sur des scènes très violentes.
00:47:24 C'est très contrasté. Il y a aussi des scènes d'une très grande douceur, d'une très grande sensibilité des personnages entre eux.
00:47:30 C'est ça qui frappe aussi, c'est ça qui donne sa force à certaines scènes du film, à certaines séquences du film.
00:47:38 On a le sentiment, par exemple, on le voit sur l'affiche, quand on a vu ton film, on a pensé à d'autres réalisateurs, plutôt des réalisateurs américains assez contemporains.
00:47:50 Est-ce que c'est quelque chose qui t'a influencé, que tu avais à l'esprit ?
00:47:53 Et est-ce qu'il y avait d'autres réalisateurs chinois, par exemple, qui ont eu aussi une influence sur l'envie d'aller travailler un film de genre comme ça ?
00:48:01 Oui, effectivement, j'aime beaucoup les films de genre. Il y a beaucoup de réalisateurs qui m'ont influencé, soit moi de façon consciente, soit de façon complètement inconsciente.
00:48:15 Si on parle de réalisateurs américains, il y a les frères Cohen, notamment, ou encore Tarantino.
00:48:25 Et je pense que peut-être de manière inconsciente, j'ai été influencé par leur travail.
00:48:31 Et donc, il y a des éléments qui vont apparaître dans mes films. Alors, ce sont des éléments qui sont exprimés à ma manière.
00:48:43 Mais quel que soit le format du film, la vie, le quotidien est ce qui m'influence le plus, je pense.
00:48:52 En tout cas, c'est la source d'inspiration la plus importante pour moi. C'est la source d'inspiration la plus directe pour moi.
00:48:59 C'est ce qu'on sent dans la majorité des séquences.
00:49:04 Tu as beau partir à l'aventure sur un film de genre qui a des codes aussi, qui a sa propre construction, ce lien avec le réel est toujours très présent.
00:49:17 Et ce lien avec ta vie aussi, puisque c'est une histoire de mafia, mais c'est une mafia qui a aussi à voir avec l'art contemporain, ce qui est assez inhabituel.
00:49:27 Justement, là, c'est quelque chose qui n'est pas habituel et là, on sent que c'est ta signature pour le coup.
00:49:33 Ici, j'imagine que c'est donc sur le travail du son à nouveau, cette scène-là.
00:49:41 Et on retrouve effectivement, on voit bien qu'effectivement, tu travailles avec d'autres moyens sur ce film.
00:49:48 Et par ailleurs, sur le travail du dessin, tu as travaillé sur des personnages qui ont des archétypes, qui sont très typés, beaucoup plus typés d'ailleurs que sur Pershing One.
00:49:57 On a des personnages très différents, très marqués comme ça.
00:50:01 Que ce soit ce personnage-là ou lui qui est très important aussi, qui a une force, ça tient dans son look, dans sa coupe de cheveux, dans son attitude.
00:50:12 Il marque beaucoup le film, en fait, de sa présence.
00:50:16 Tu as travaillé de quelle manière, en fait ?
00:50:20 Tu parles de gens que tu connais, qui existent, ou tu les imagines de quelle manière, ces personnages-là ?
00:50:26 Ce sont des personnages complètement fictifs.
00:50:31 C'est aussi pour cela que j'aime beaucoup l'animation pour faire des films,
00:50:36 puisque je peux vraiment créer des personnages complètement à partir de mon imagination.
00:50:42 Je peux créer des rôles qui correspondent à ce que j'ai envie de faire.
00:50:46 C'est un peu différent, donc, des films en prise de vue réelle.
00:50:50 L'acteur, par exemple, peut avoir une impression qui se rapproche beaucoup de ce qu'on veut donner, mais peut-être pas à 100%.
00:50:57 Alors que dans l'animation, en termes de physique, en termes d'apparence, le personnage peut correspondre à 100% à ce que je veux montrer.
00:51:04 Donc, on a des personnages, comme je le disais, qui sont très typés.
00:51:08 Ici, on voit aussi rapidement le découpage.
00:51:13 Par contre, on sent que c'est toujours la même mise en place, que tu as une méthode qui est stabilisée d'une certaine manière,
00:51:20 et que tu peux utiliser, qui te permet de vraiment construire ta mise en scène.
00:51:24 Et ici, après, non seulement on a des personnages typés, mais ce qui est aussi nouveau, c'est qu'il y a des angles de vue,
00:51:30 il y a des cadrages qui sont plus audacieux que ce que tu avais fait dans Piercing One.
00:51:36 Tu le voulais, c'est quelque chose que tu sentais que tu pouvais le maîtriser aussi beaucoup plus.
00:51:42 Est-ce que tu as senti cette évolution-là dans ton travail ? De quelle manière c'est venu ?
00:51:46 Oui, je pense que finalement c'était un besoin assez simple après Piercing One.
00:51:53 Que ce soit en termes de réalisation, en termes de narration, j'avais d'autres ambitions.
00:52:01 Je voulais faire de mon mieux, faire quelque chose de meilleur.
00:52:06 Et cela se trouve dans les détails.
00:52:11 Il y a plus de rigueur, plus de précision.
00:52:14 Et il y avait une société de production derrière moi, et ainsi j'avais beaucoup plus de sources, j'avais accès aussi à des conseils.
00:52:22 Donc tout cela explique ce résultat.
00:52:26 Vous travailliez à ce moment-là avec une équipe de combien de personnes environ ?
00:52:30 Quelle importance avait l'équipe à ce moment-là ?
00:52:34 Pour Piercing One, j'étais seule.
00:52:42 Pour Have a nice day aussi, pour l'animation, j'étais seule.
00:52:45 Mais vers la fin, étant donné le cycle des festivals, il me restait une centaine de scènes.
00:52:53 Et donc j'ai eu deux, trois personnes qui ont travaillé avec moi pour pouvoir le terminer.
00:52:57 Mais finalement, plus de 90%, j'étais tout seule.
00:53:00 Mais hormis le travail d'animation, il y avait beaucoup de collaborateurs.
00:53:06 Par exemple, je vous l'ai dit, les ingénieurs sons pour la captation, ce sont des professionnels.
00:53:10 Et puis j'avais aussi les moyens d'aller acheter les droits des musiques que je voulais utiliser.
00:53:17 C'était pour moi quelque chose de très important.
00:53:19 Tout cela était nécessaire pour proposer une meilleure qualité dans mon film.
00:53:24 Ici, on a sélectionné quelques images révélatrices de ton attachement au réel.
00:53:32 Naturellement, dans tous tes films, il y a des voitures.
00:53:35 Il y a des modèles de voitures qui existent et qui sont très détaillés, mine de rien, à chaque fois.
00:53:40 Ici, on a ce personnage de femme qui est très important et qui a demandé un certain travail.
00:53:47 Tout à l'heure, on a vu des personnages qui étaient plutôt des mafieux,
00:53:51 des gens qui avaient un type un peu particulier.
00:53:54 Mais dans le même film, il y a ces autres personnages qui sont dans un autre monde, pratiquement,
00:53:59 et qui ont une autre personnalité.
00:54:01 Les deux mondes se côtoient comme ça tout le temps et ils n'ont pas du tout la même philosophie,
00:54:06 que ce soit eux ou ces amis-là.
00:54:10 Cela fait beaucoup plus penser à des gens qu'on a l'impression que tu aurais pu connaître, par exemple.
00:54:17 Ces trois-là sont des étudiants dans le film.
00:54:23 Quand les uns côtoient les autres, c'est toujours assez intéressant.
00:54:31 Leur quotidien est entremêlé à cette histoire de mafieux.
00:54:40 Dans Have a Nice Day, il y a beaucoup d'humour noir, il y a beaucoup d'absurdité dans ce film.
00:54:45 Oui, puisqu'effectivement, on fait se côtoyer cet univers-là avec celui-ci.
00:54:50 À nouveau, je remets cette planche de travail qu'il y a eu sur ce personnage féminin,
00:54:55 parce qu'il va commencer à amorcer d'autres personnages qu'on retrouvera plus tard dans ton travail.
00:55:00 Mais elle est très importante pour moi dans le film, parce que d'abord, elle agit beaucoup pour faire avancer les choses.
00:55:06 Elle a son caractère, elle est intéressante parce qu'elle parle peu aussi,
00:55:13 contrairement aux hommes qui parlent beaucoup et qui ne font pas grand-chose, pour certains d'entre eux.
00:55:18 Tu tenais à ce qui est un personnage féminin.
00:55:20 Comment tu as eu l'idée de cette femme-là et du rôle qu'elle devait jouer ?
00:55:28 Comment tu l'as fait jouer avec les autres, par exemple ?
00:55:31 Finalement, c'était aussi une manière d'exprimer un certain humour.
00:55:37 Cette femme est quelqu'un de très déterminé, qui agit rapidement, qui prend ses décisions rapidement,
00:55:47 et qui a un goût pour l'aventure.
00:55:50 À l'inverse, son petit ami a les cheveux longs, a l'air d'être un voyou,
00:55:57 mais finalement, c'est quelqu'un qui est plutôt faiblard.
00:56:00 C'est un peu comme son nom.
00:56:02 Son nom en chinois, c'est "Wu Li Dong", ça veut dire "sans force pour bouger".
00:56:07 À nouveau, on a quelques références de photos.
00:56:13 C'est le travail préalable que tu fais ?
00:56:15 Comment ça se passe ? Tu marches, tu repères les choses ?
00:56:19 Comment tu chasses ces endroits-là ? Comment tu les trouves ?
00:56:22 Que ce soit des recoins comme ça ou des grands axes de cette manière ?
00:56:30 Comme on avait les portables désormais, les appareils numériques,
00:56:33 c'était très simple de prendre des photos partout.
00:56:36 Au quotidien, j'ai l'habitude de prendre des photos pour documenter mon quotidien.
00:56:45 Et pour ce film-là, je suis allée regarder dans mes archives.
00:56:50 Pour les besoins du scénario, je vais par exemple dans un endroit,
00:56:54 je vais aller prendre des photos en grande quantité,
00:56:57 et ensuite je vais faire le tri selon mes besoins,
00:57:00 puis dessiner les scènes dont j'ai besoin.
00:57:02 À nouveau, on retrouve ce couple emblématique.
00:57:06 Une fois de plus, c'est assez révélateur de leur caractère,
00:57:11 puisqu'il y en a un qui est faible et qui est surarmé,
00:57:14 et l'autre qui est très forte et qui est juste avec une simple robe.
00:57:17 Quand on voit les scènes, c'est toujours intéressant de voir
00:57:23 comment ils se sortent chacun de leur situation,
00:57:27 mais là, ils sont très représentatifs de leur personnalité propre.
00:57:31 Effectivement, on voit qu'il a son casque, il ne veut pas être reconnu.
00:57:41 Et donc, si on veut se venger de lui, personne ne va savoir qui c'est.
00:57:47 Naturellement, surtout pas avec ses cheveux.
00:57:51 J'avais une autre question, c'est que dans le film, à un moment donné,
00:57:55 je sais que c'est anecdotique, on ne va pas parler de Donald Trump ici,
00:57:58 mais plutôt le fait que tu aies utilisé son discours d'investiture,
00:58:02 il me semble, que l'on entend à la radio à un moment donné dans le film.
00:58:06 À nouveau, pour moi, c'est un écho de ce qui était mis en place dans "Piercing One",
00:58:11 où dans "Piercing One", on faisait allusion de façon très forte
00:58:16 à la crise financière, et là, l'élection de Trump,
00:58:20 et ce n'est pas le sujet du film, mais soudain, le son nous ramène
00:58:26 et nous rapproche aussi, parce que nous, on a entendu ce discours ici en France,
00:58:31 donc d'un seul coup, ça crée une proximité très forte.
00:58:37 Ça, c'est ton... De quelle manière, encore une fois,
00:58:42 tu prends tes décisions pour aller prendre...
00:58:46 Comment tu fais ton choix d'aller prendre telle ou telle partie de la réalité,
00:58:50 du réel, de l'actualité, pour l'injecter dans le film ?
00:58:54 - "Piercing One", c'était en 2008, à l'époque où Obama venait d'être élu président.
00:59:02 Et en Chine, nous étions également très surpris qu'un président amérien soit noir.
00:59:08 Et donc, il y avait cette discussion entre deux chauffeurs chinois qui parlaient d'Obama.
00:59:15 Peut-être que cela paraît absurde, mais c'était ce type de conversation qu'on entendait en Chine.
00:59:22 Dans "Have a nice day", il y avait également un point intéressant en termes de chronologie,
00:59:29 puisque désormais, le président américain a été Donald Trump.
00:59:35 Trump est également un personnage qui a de l'humour.
00:59:42 Sa voix, son apparence sont absurdes, quelque part.
00:59:47 J'ai trouvé ça très intéressant.
00:59:50 Et donc, d'avoir sa voix dans ce film avait un effet.
00:59:56 Donc, cela permettait de poser le contexte chronologique de mon film.
01:00:02 Et aussi, il y avait cet élément absurde que je voulais mettre.
01:00:09 C'était un élément absurde dans la radio de la voiture.
01:00:13 Qui fonctionne très bien, c'est payant en tout cas.
01:00:16 J'ai une dernière question concernant "Have a nice day".
01:00:21 C'est qu'il y a un certain nombre de scènes qu'on retrouve de façon répétée, dont une qui est très particulière.
01:00:28 Il y a celle-ci notamment. Il y a des sortes de moments suspendus dans le film,
01:00:33 avec des scènes qui n'ont rien à voir avec l'histoire et qui ponctuent le film.
01:00:38 Que ce soit ces scènes-là, des scènes qui sont différentes quand même avec la séquence du Shangri-La,
01:00:45 qui est une sorte de publicité psychédélique, fantasmée, qui est un moment très étrange.
01:00:53 Et puis il y a ce plan sur l'eau aussi, qui n'est pas animé, qui est un plan filmé sur l'eau avec des reflets dorés.
01:01:02 Ça c'est quelque chose d'assez fort dans le film, d'assez nouveau aussi.
01:01:10 Et je le rapproche aussi du travail, du choix que tu as fait de certaines chansons populaires.
01:01:17 Ça tire le film vers quelque chose d'assez tendre, avec une sorte de nostalgie et de contemplation.
01:01:24 Est-ce qu'on peut parler un peu de ça ? Parce que c'est très à l'opposé du film de genre dont on a parlé au début pour présenter "Have a nice day".
01:01:30 Oui, tu as parfaitement raison.
01:01:41 Moi je voulais savoir ce que faisait ce varant sur la voie ferrée.
01:01:46 Et je sais que tu ne veux pas me le dire, ça fait des années que je cherche à le savoir.
01:01:50 Je me disais en le coinçant ici devant le public, j'y arriverais, mais visiblement il résiste.
01:02:02 En fait, théoriquement, on ne devrait pas trouver un varant sur les rails. Il n'est pas censé être là.
01:02:11 Mais je trouve très cool ce varant.
01:02:16 Si jamais on a si beau reptile, si grand reptile sur les rails, en plus il entend le bruit du train, il se lève pour regarder.
01:02:27 Déjà je trouve que c'est une scène super cool et qui est très poétique aussi.
01:02:32 Tu vois quand tu veux.
01:02:35 Oui, effectivement, c'est peut-être une manière de faire un peu rebelle.
01:02:42 Mais bon, je suis réalisateur, je décide, c'est moi qui décide.
01:02:46 C'est une réponse qui me va très bien et je suis bien d'accord avec toi par ailleurs.
01:02:51 Juste pour revenir, je ne te reposerai pas la question.
01:02:59 J'espère qu'on aura une autre masterclass dans cinq ou dix ans, quand on aura fait cinq ou six films.
01:03:03 Parce qu'à la vitesse où tu vas, ça va arriver comme ça.
01:03:06 Et que je pourrais te poser la question sur les reflets d'or sur l'eau.
01:03:10 Mais par contre, on peut quand même parler de la musique malgré tout.
01:03:15 Parce qu'il y a cette présence de la musique, ça par contre, ça emmène le film sur le ton.
01:03:20 Vers quelque chose qui est presque à l'opposé de la dureté des mafieux qu'on voit au début.
01:03:27 C'est très romantique.
01:03:29 Ça fonctionne aussi très bien par contrepoint.
01:03:31 Et c'est une idée que tu as eu très tôt dans l'histoire.
01:03:36 C'est quelque chose que tu voulais mettre en place très tôt.
01:03:38 Ou c'est venu petit à petit quand tu as avancé dans la réalisation.
01:03:42 Vous parlez peut-être du générique de fin.
01:03:49 C'est un morceau des années 80.
01:03:51 C'est une chanson que j'aime beaucoup.
01:03:53 Avant même d'écrire le scénario, j'aimais déjà beaucoup cette chanson.
01:03:59 Et je voulais l'utiliser dans un film.
01:04:01 Et donc, en fait, elle existait déjà dans ma tête.
01:04:04 En fait, elle est très forte parce que dans ce qu'elle raconte, en France, elle était sous-titrée.
01:04:09 On avait les paroles.
01:04:12 Elle est très nostalgique.
01:04:14 Elle correspond à quelque chose qu'on a connu ici avec certains morceaux pop des années 80
01:04:20 qu'on continue à écouter par ailleurs et qui créent une sorte de nostalgie avec la musique synthétique notamment.
01:04:25 C'est quelque chose qui est à l'œuvre.
01:04:28 Comme elle arrive à la fin, elle reprend en quelque sorte.
01:04:31 On repense aux personnages et à leur parcours pendant le film à ce moment-là.
01:04:36 Et ça va peut-être nous amener d'ailleurs au film suivant qui, lui, par contre, n'est plus daté à l'époque de Trump, mais bien avant.
01:04:42 C'est-à-dire que tu termines cette trilogie avec un film qui se passe en 1994.
01:04:48 Donc, à l'époque, on va boucler en quelque sorte notre discussion, puisqu'on revient à l'époque où tu étais au Beaux-Arts à ce moment-là.
01:04:57 Donc ça, c'était prévu dès le départ.
01:04:59 Tu savais depuis longtemps que tu allais parler de cette période.
01:05:01 Pour quelle raison voulais-tu en parler?
01:05:03 Qu'est-ce que tu voulais raconter sur ce moment?
01:05:06 Concernant le concept d'Art College, il est né en même temps que Piercing One.
01:05:12 À l'époque, j'avais deux projets en tête.
01:05:15 L'un, c'était Piercing One et l'autre, c'était celui-ci.
01:05:20 Toutefois, c'était un sujet plus large.
01:05:23 Avec Art College, j'avais beaucoup plus de personnages.
01:05:26 Et à l'époque, je n'avais pas les moyens de le réaliser.
01:05:30 Et c'est pour cela que j'ai commencé par Piercing One.
01:05:33 Et après Have a Nice Day, je me suis dit que les conditions étaient réunies pour le faire.
01:05:41 Et à l'époque, j'ai commencé à enseigner à l'Académie des Arts à Hangzhou.
01:05:47 J'avais une petite équipe d'une vingtaine de personnes qui pouvaient m'aider sur ce projet.
01:05:54 Et cela nous a pris cinq ans.
01:05:59 C'est le projet qui nous a pris le plus de temps.
01:06:04 C'est aussi le film le plus long, puisqu'il dure deux heures.
01:06:07 Effectivement, on a isolé cette pleine page.
01:06:14 On retrouve tous les ingrédients que l'on retrouve dans ton travail graphique.
01:06:19 Mais on a l'impression que c'est plus épanoui, plus mûr, même dans le dessin.
01:06:24 Comment s'est passé le travail avec cette petite équipe qui a commencé à se former ?
01:06:30 J'imagine que si des gens ont collaboré avec toi, c'est-à-dire qu'il y a des choses que tu as arrêtées de faire et que tu as confiées à d'autres personnes.
01:06:37 Comment ça s'est organisé ?
01:06:39 Pour ce qui est de mon équipe, je n'avais pas d'exigence particulière d'avoir quel type de personnes que je voulais avoir dans mon équipe.
01:06:59 J'avais des étudiants, des collègues, des enseignants.
01:07:03 Et finalement, tout cela s'est fait naturellement.
01:07:06 Certains enseignants, je me suis dit qu'on pouvait travailler ensemble.
01:07:09 Certains élèves sont pas mal, donc j'aurais proposé d'intégrer l'équipe.
01:07:13 Aujourd'hui, il y a Mme Lidjadja aussi qui est là, qui est réalisatrice.
01:07:17 Et finalement, cette manière de travailler était complètement différente, parce que c'était un travail collectif.
01:07:29 Auparavant, je travaillais toujours seule.
01:07:32 C'était un procédé complètement différent.
01:07:36 C'est un vécu aussi complètement différent.
01:07:39 Il y a des bons côtés, mais pour moi, il y avait aussi beaucoup de points sur lesquels je devais réfléchir.
01:07:50 J'avais beaucoup à apprendre également.
01:07:52 Par exemple, pour ce style, pour le style des personnages, pour les cours,
01:07:57 nous avons pris six mois pour parvenir à un consensus.
01:08:02 Et ce n'était pas forcément évident pour moi, parce qu'auparavant,
01:08:08 quand je travaillais seule, en six mois, peut-être que j'allais déjà réussir à abattre le travail pour 30 minutes d'animation.
01:08:18 Mais finalement, en équipe, il faut négocier, il faut échanger, il faut parvenir à un accord.
01:08:24 Mais finalement, une fois l'accord retrouvé, je me suis dit que cela valait le coup.
01:08:29 Et c'est bien aussi grâce à cette équipe que nous avons pu créer un film de l'ampleur d'Art College.
01:08:40 Tout ce que je ne pouvais pas faire seul, les idées que je n'arrivais pas à mettre dans ce film seul,
01:08:47 tout cela a été possible grâce à cette équipe.
01:08:50 En tout cas, c'est effectivement frappant, parce qu'on sent la présence de cette équipe dans le film.
01:08:54 Et on sent aussi qu'elle a vraiment compris comment toi, tu avais travaillé au départ.
01:08:59 On sent qu'ils ont complètement intégré, on voit dans l'animation.
01:09:02 C'est super que Gérgère puisse être avec nous aujourd'hui, parce qu'elle a mené ce travail de direction d'animation.
01:09:11 Elle a poussé l'animation d'une certaine manière, tout en gardant la même énergie, la même tenue que celle qui est présente depuis le début.
01:09:23 C'est un mélange qui fonctionne bien, qui est très tenu, parce qu'on aurait pu animer même encore plus à la limite.
01:09:31 Et ça n'a pas été fait, parce qu'il faut garder cette musique qu'il y a entre l'animation à l'intérieur des plans et le découpage du film.
01:09:40 Ici, on voit à nouveau des planches de décor. On a l'impression d'ailleurs qu'elles sont plus fouillées qu'avant encore, qu'il y a plus de déterminants.
01:09:47 Ici, à nouveau, on voit, c'est très important, les corps prennent de plus en plus de place,
01:09:55 au point parfois de devenir presque des paysages et d'envahir tout le cadre, tout le champ.
01:10:04 Par rapport à l'histoire, à ce que le film raconte, on n'est plus dans un film de genre comme l'était à Venice Day.
01:10:13 On revient dans une sorte de chronique, plus, où les rapports personnels et sentimentaux entre les personnages sont beaucoup plus présents.
01:10:25 Ça passe par des dialogues qui sont très importants, en nombre, en richesse, dans les thèmes qu'ils abordent.
01:10:32 Comment s'est passée l'écriture de ce film-là ? Est-ce qu'elle était différente des films précédents ?
01:10:38 Effectivement, Art College diffère des deux précédents films par le rôle des femmes.
01:10:50 Il y a peut-être la moitié des personnages qui sont féminins. On a deux lignes de narration dans Art College, les garçons et les filles.
01:10:59 C'est effectivement très nouveau. Je tenais à ce qu'on montre la dernière image sur cette image-là.
01:11:09 En fait, elles sont présentées, c'est assez nouveau, elles sont très présentes.
01:11:15 On voyait le personnage dans Avenice Day, qui était quelqu'un de très actif, qui faisait avancer les choses.
01:11:23 Ici, elle participe vraiment à la réflexion et surtout, il y a un dialogue qui ne se fait pas de façon directe.
01:11:32 Mais quand il se passe quelque chose, chez les hommes, il y a une sorte d'écho.
01:11:35 Comme ça, chez les femmes, on peut le voir dans l'autre sens aussi. En tout cas, il y a une sorte d'équilibre qui se monte.
01:11:41 D'une manière générale, est-ce que c'est devenu plus évident pour toi de parler des femmes, de les mettre en scène, de les faire exister dans le film ?
01:11:52 Par ailleurs, je dois dire qu'elles sont très justes aussi. Elles sont très contemporaines, très justes.
01:11:57 On n'a pas l'impression de quelque chose qui est plaqué ou qui est stéréotypé en ce qui les concerne. Elles sont très présentes.
01:12:07 Effectivement. Art College est inspiré de mon expérience en tant qu'étudiant.
01:12:19 L'histoire regorge également de nombreuses histoires. En fait, finalement, c'est une synthèse des histoires de ce qui m'est arrivé quand j'étais étudiant.
01:12:30 Comme je vous le disais, il y avait des étudiants en art, dans les arts traditionnels, en musique. Nous étudions ensemble, nous vivions ensemble.
01:12:39 Il y avait beaucoup d'interactions. Nous nous connaissions très bien. Et particulièrement, les filles du département de musique étaient très populaires chez nous.
01:12:53 On aimait beaucoup aller les voir. On faisait semblant d'aller apprécier leur musique, mais en fait, on voulait faire connaissance avec les filles en musique.
01:13:02 Et donc, en fait, on connaissait très bien toutes les histoires des filles étudiantes en musique et on connaissait finalement les ragots des uns et des autres.
01:13:12 Art College a lieu en 1994, donc cela paraît être une période un peu lointaine. Mais finalement, dans la réalisation, quand on regarde les scènes, ce sont des scènes plus réalistes, plus précises, avec des couleurs plus riches.
01:13:32 Parce que dans ma mémoire, toutes ces scènes se déroulent de cette façon. Ce n'est pas parce que ce sont des scènes qui remontent plus loin dans le temps qu'elles sont plus floues, plus fantaisistes.
01:13:47 Elles sont en fait très réalistes et très précises dans ma tête. Et en fait, je me suis remise dans le bain de l'époque. Et c'est dans cette ambiance que j'ai réalisé ce film.
01:13:59 C'est un film qui est très réaliste pour moi, bien qu'il raconte des choses qui appartiennent au passé.
01:14:10 On le regarde vraiment comme une chronique, comme quelque chose, comme un extrait d'une époque et qui relate la vie de ces étudiants à ce moment-là à l'école.
01:14:23 Quelle était l'ambiance à ce moment-là et notamment la relation avec les enseignants ? Est-ce que tu parles d'un enseignement traditionnel ?
01:14:33 Est-ce qu'il y avait une envie de la part des étudiants d'apprendre cet art traditionnel ? Est-ce qu'il y avait une envie de rompre avec un état d'esprit ?
01:14:43 Quelle atmosphère il y avait dans l'école à ce moment-là ?
01:14:48 À l'époque, pour moi en tout cas, j'avais une vingtaine d'années quand j'étais étudiant.
01:15:03 En termes d'environnement à l'époque, c'était vraiment où on avait commencé à avoir accès à l'art occidental. Il y avait un vrai choc culturel entre l'art traditionnel et l'art occidental.
01:15:18 J'étais finalement coincée dans ce paradoxe où il y avait beaucoup d'échanges, de discussions entre étudiants, mais même avec les enseignants concernant ces contradictions.
01:15:31 Les enseignants aussi étaient un petit peu perdus. Parfois, quand ils créaient quelque chose, ils n'aimaient pas leur peinture et ils la brûlaient.
01:15:40 Nous aussi, en tant qu'étudiants, on faisait une peinture, elle ne nous plaisait pas, on la ratureait ou on la brûlait.
01:15:48 Donc, toutes ces anecdotes sont très réelles, très réalistes. C'était une période qui était très simple, très pure.
01:16:02 Au début des années 90, la Chine était encore un pays où on manquait beaucoup de ressources. Et donc, souvent, on parlait de littérature, d'art, de philosophie.
01:16:18 Et même si on n'y connaissait pas grand-chose, on discutait de ces sujets-là. On n'avait que très peu de désirs matériels, parce que finalement, il n'y avait pas grand-chose.
01:16:30 Ainsi, il y avait des choses amusantes qui survenaient. Par exemple, j'avais un camarade qui dit « quel est ton idéal ? »
01:16:50 Il dit « moi, je voudrais devenir quelqu'un qui puisse avoir 10 000 yuans ». Et là, tout le monde lui donnait des coups de pied en disant « oh là là, mais quel rêve stupide ! »
01:17:03 Aujourd'hui, ce serait différent. Aujourd'hui, si tu dis « tu veux devenir riche ? » tout le monde va dire « ah super, super rêve ! »
01:17:12 Il y avait plus d'idéal à ce moment-là qu'aujourd'hui, tu dirais ?
01:17:18 Je pense que c'est aussi parce que ce sont des jeunes. Au cours de cette période, on se pose beaucoup de questions sur l'avenir, sur son environnement.
01:17:32 Il y a des aspirations qui sont très présentes, des attentes vis-à-vis de l'amour par exemple.
01:17:40 Finalement, c'était impossible pour un jeune de ne pas avoir d'aspiration ni d'idéal. C'était impossible de ne pas être rempli d'espoir.
01:17:51 Et donc, c'était comme cela. Et je pense qu'avec l'âge, avec l'époque, les choses changent.
01:18:00 La Chine des années 90 était une Chine où il y avait beaucoup d'espoir.
01:18:10 Ce qui est intéressant, c'est qu'on voit cette image. J'aime beaucoup cette image parce que pendant qu'elle discute, elle regarde vers une sorte d'infini, de futur doré.
01:18:20 En tout cas, il y a une sorte de perspective qui est comme une promesse.
01:18:25 Récemment, quand on est venu te rendre visite à Hangzhou à l'occasion du festival organisé par ton université, dont Gerben ici présent est le directeur artistique,
01:18:43 j'ai été frappé par plusieurs choses qui font écho à ce que tu dis.
01:18:50 La première, c'est que lors des tables rondes sur des questions artistiques, sur des vraies questions vraiment d'art, d'expression,
01:19:05 de la façon dont on doit représenter les choses, de comment on raconte les choses, les professeurs notamment étaient très sérieux et très investis dans ces échanges.
01:19:16 C'était en même temps très intellectuel et très investi. Ils passent beaucoup de temps à détailler leurs intentions, leurs doutes, les possibilités.
01:19:27 C'était très frappant. Par ailleurs, de l'autre côté, tu disais qu'à l'époque, il y avait un idéal qui a tendance peut-être à disparaître.
01:19:34 Mais aujourd'hui, c'est vous qui êtes les professeurs de ces nouveaux étudiants. Il faut dire que ces étudiants sont beaucoup des étudiantes, notamment,
01:19:42 et qu'elles ont, pour les avoir rencontrés lors de conférences, elles sont très vivantes, elles sont très curieuses, elles posent des questions d'une très grande pertinence et avec beaucoup d'intensité.
01:19:58 Je trouve que là, il y a un mouvement qui est en train de se mettre en place entre toute l'expérience que vous avez vécue dans les années 90.
01:20:06 Je dis vous parce qu'il y a toi, mais il y a d'autres professeurs, il y a d'autres anciens camarades d'école que tu as rencontrés par la suite.
01:20:14 Il y a toute une génération, finalement, qui accompagne maintenant cette nouvelle génération vers la suite de cette aventure artistique aussi,
01:20:23 dont fait partie aussi la constitution de ton équipe. Ton équipe, je ne sais pas, est-ce que c'est des gens de ta génération ou c'est des gens plus jeunes qui la constituent, par exemple ?
01:20:33 Il y en a beaucoup qui sont plus jeunes que moi dans la création. Aujourd'hui, j'enseigne à l'université.
01:20:46 J'ai l'occasion d'échanger avec des étudiants. Les jeunes d'aujourd'hui rencontrent des problèmes similaires à nous.
01:21:02 À l'époque, nous étions étudiants, mais aujourd'hui, il y a aussi d'autres choses qui sont assez différentes.
01:21:09 Par exemple, en termes de besoins matériels. Aujourd'hui, ils vivent dans une société relativement prospère. Ils vivent à l'ère d'Internet.
01:21:27 Mais finalement, les désirs sont de plus en plus forts. Ils veulent avoir une voiture, ils veulent avoir un appartement.
01:21:36 À l'époque, nous n'avions pas cette pression-là, d'avoir toutes ces possessions matérielles-là.
01:21:43 Mais en même temps, il y a des aspirations, des sujets qui reviennent. Il y a toujours les mêmes questions qui reviennent.
01:21:52 Par exemple, leurs réflexions sur la vie, leurs aspirations vis-à-vis de l'amour, les relations amicales, etc.
01:22:02 Je pense que pour cela, rien ne change. Les jeunes, à chaque génération, sont confrontés à ces questions, sont confrontés à ces interrogations.
01:22:12 Comment se passe ton expérience, toi, en tant qu'enseignant ? Sur quoi tu insistes ? Sur quoi tu appuies ?
01:22:26 Pour expliquer, tu es maintenant à la direction du département jeux vidéo et animation de l'université dans laquelle tu travailles.
01:22:37 Qu'est-ce que tu cherches à leur transmettre et à leur faire connaître, que ce soit dans le champ professionnel ou dans le champ artistique plus purement ?
01:22:53 Le mois dernier, vous êtes venu à mon université et il y avait une masterclass. Le feedback que j'avais, c'était très positif, notamment concernant les étudiants.
01:23:13 J'espère vraiment que nos étudiants puissent être toujours plus dynamiques, plus ouverts. J'aimerais vraiment qu'ils aient davantage cette capacité à réfléchir par eux-mêmes,
01:23:27 avoir l'esprit critique, avoir leur propre personnalité, que ce soit dans leur travail artistique, que ce soit dans leur vie, que ce soit dans leur vision de la vie et du monde.
01:23:37 Il est nécessaire de rester curieux. Et quand tu m'as dit que tu appréciais ces étudiants, leur état d'esprit très ouvert, et quand tu m'as dit que les étudiants posaient des questions extrêmement intéressantes,
01:23:54 là je me suis dit « Ah ! » En tant que personnel de l'université, c'était vraiment ce que j'avais envie d'entendre. J'étais ravie de savoir que mes étudiants étaient comme ça.
01:24:09 Ça me fait sourire parce que c'est vrai qu'ils étaient comme ça, mais il y a un autre truc que je dois dire, c'est qu'ils avaient une façon de poser les questions qui était très intense.
01:24:18 J'avais l'impression d'être cloué au mur quand ils me posaient une question comme ça. Ils voulaient la réponse. Il y avait vraiment ce côté-là.
01:24:27 C'était une super expérience pour ça. C'était très excitant, mais très surprenant aussi, cette force qu'elles ont. Je dis « elles » parce que très souvent, c'était des étudiantes.
01:24:35 Elles commençaient par s'excuser un peu, puis après elles me clouaient au mur à chaque fois. C'était très drôle.
01:24:41 À chaque fois, je me relevais et je me disais que c'était une vraie question. Il y avait une réponse en trois volets.
01:24:49 Ce sont des questions très importantes, souvent esthétiques et artistiques. Elles n'étaient pas très matérialistes, elles étaient très pragmatiques.
01:25:06 Effectivement, même si les questions n'étaient pas forcément très pertinentes, le fait qu'elle contient à poser des questions, j'ai trouvé que c'était très bien.
01:25:18 En tout cas, c'était une bonne expérience. J'espère qu'on pourra poursuivre d'ailleurs parce que c'est toujours très intéressant.
01:25:26 Ça donne envie, vu le travail qui est remarquable, qui est fait dans les écoles en Europe et en particulier en France.
01:25:32 Ça donne très envie de mettre en place des rencontres.
01:25:35 C'est assez rare qu'on ait l'occasion de dialoguer avec un réalisateur comme toi.
01:25:45 Avant qu'on termine cette rencontre, je voulais donner la possibilité aux personnes présentes de poser des questions.
01:25:56 Il a complètement oublié de poser ses questions essentielles et on ne peut pas laisser Liu Jian repartir sans y avoir répondu.
01:26:03 Est-ce que vous avez des questions ou des remarques ?
01:26:08 Je vous prête mon micro. Ah non, il y a un micro, c'est déjà prévu. C'est génial.
01:26:15 Bonjour, excusez-moi, je vous ai découvert quand votre film a été déprogrammé.
01:26:20 Est-ce que vous pourriez nous parler un peu de cette histoire dont on n'a pas tellement parlé en France ?
01:26:31 C'était en 2017, c'était pour Have a Nice Day.
01:26:36 Effectivement, il avait été retenu pour la sélection officielle au festival Danci.
01:26:40 Mais comme vous le savez, tout est vérifié, contrôlé en Chine pour qu'il puisse être diffusé.
01:26:52 Il faut avoir une autorisation de diffusion pour pouvoir être diffusé, pour participer à des festivals, etc.
01:26:59 Et en fait, à l'époque, nous n'avions pas encore reçu l'autorisation.
01:27:02 C'était la raison pour laquelle nous n'avons pas pu participer à des festivals.
01:27:07 Mais c'est souvent lié aux décisions du producteur.
01:27:12 Nous, en tant que réalisateur, nous ne serons pas souciés de cela.
01:27:18 On aurait participé à des festivals, mais le producteur a dit non, non, parce que ce film ne pourrait pas être diffusé en Chine.
01:27:24 Et donc, après discussion avec les producteurs, il a décidé qu'on n'allait pas le diffuser à Nice.
01:27:32 Ce n'était pas une censure politique alors ?
01:27:35 C'est une question d'interprétation.
01:27:41 Il y a un épilogue à cette histoire, c'est que l'année suivante, le film a été présenté en ouverture du festival,
01:27:50 où Lujan a envoyé une vidéo pour le présenter, où j'étais présent aussi pour le présenter.
01:28:01 C'était un grand moment, la salle était pleine et il a été chaleureusement accueilli.
01:28:06 Effectivement, c'est toujours délicat, il y a toujours des tractations,
01:28:11 mais on arrive toujours à s'en sortir et à montrer les œuvres comme on le voit ici cette semaine.
01:28:18 C'est vrai que ça complique parfois un peu les choses.
01:28:22 Je pense qu'à ce moment-là, Lujan était déjà parti vers de nouvelles aventures,
01:28:28 et comme il dit, il a laissé le soin à son producteur de démêler les fils de cette histoire.
01:28:33 On en avait parlé quand même un peu, puisque le festival d'Annecy avait communiqué,
01:28:37 avait donné un communiqué officiel, et par ailleurs avait eu à cœur de présenter le film l'année suivante.
01:28:44 Bonsoir, je me demandais, parce qu'en voyant, j'ai vu que "Have a nice day" pour l'instant,
01:28:51 quelque chose qui me frappe dans la mise en scène, c'est qu'on a vraiment l'impression de voir des acteurs
01:28:58 en train de jouer la scène devant nous, et je me demandais comment vous construisiez vos scènes.
01:29:05 Est-ce que vous aviez des acteurs qui jouaient la scène devant vous et vous animiez après,
01:29:10 ou est-ce que vous aviez tous les dialogues en tête ? Est-ce qu'il y a une part d'improvisation ?
01:29:16 J'aimerais connaître votre procédé de mise en scène.
01:29:21 Je suis heureux d'entendre ça.
01:29:34 Quand je regarde mes films, au bout de 15, 20 minutes, j'oublie en fait que c'est un film d'animation.
01:29:44 Je suis simplement l'histoire.
01:29:48 Et donc tout ce que je regarde, c'est vraiment les événements, les sentiments des uns et des autres dans l'histoire.
01:30:02 C'est un film d'animation.
01:30:06 Pour ce projet-là, parfois on avait des photos qui nous servaient de base.
01:30:12 À vos ententes, je me dis que finalement c'est un projet réussi.
01:30:18 Finalement, il ne faut pas trop s'attarder sur la technique.
01:30:22 Il faut sentir les choses, sentir le message, les sentiments que cherche à transmettre le film.
01:30:32 Le premier contact qu'on a avec votre style d'animation, c'est qu'on est un peu choqués de la limitation de la technique.
01:30:47 On se dit, mais on pourrait même se dire qu'il se fout de nous.
01:30:54 Parce qu'on est tellement habitués à voir des animations très sophistiquées.
01:30:59 Et en fait, très vite, on comprend que l'important c'est l'histoire, c'est les personnages, c'est ce que vous voulez raconter,
01:31:07 les sentiments qu'on ressent aussi.
01:31:09 Et on oublie très vite cet aspect.
01:31:14 Oui, c'est tout à fait ça, merci.
01:31:40 C'est assez simple. En fait, je fais ça tout seul.
01:31:45 Donc peut-être pour vous c'est très abstrait, mais pour moi c'est très concret, c'est très clair.
01:31:52 Parce que sur le storyboard, je n'ai finalement pas besoin d'ajouter beaucoup de détails.
01:32:01 Ça me permet d'économiser un peu de temps.
01:32:05 Merci beaucoup.
01:32:07 Oui, il y a une question là.
01:32:16 Bonsoir, est-ce que je parle chinois ?
01:32:23 Je crois que oui.
01:32:25 Bonjour, à partir de Piercing One, j'ai appris que vous aviez fait cela tout seul.
01:32:33 J'étais extrêmement surprise.
01:32:35 Et après avoir vu Piercing One, après Ravennaiser, je me suis dit que vous étiez plutôt un animateur indépendant.
01:32:41 Et de votre expérience, vous avez fait beaucoup de choses.
01:32:44 Et j'ai été très surprise.
01:32:46 Je crois qu'on sent vraiment aussi la culture académique qui est très présente.
01:32:52 Comment dire ?
01:32:54 On sent vraiment que vous êtes en train de créer une œuvre d'art en tant qu'artiste.
01:33:00 C'est de l'animation.
01:33:02 Comme c'est un film, c'est une œuvre d'art.
01:33:05 Et c'est une œuvre d'art, c'est une œuvre d'art.
01:33:08 Et c'est une œuvre d'art, c'est une œuvre d'art.
01:33:11 Comme c'est une œuvre réussie, vous allez continuer à faire de l'animation.
01:33:16 Mais quand j'ai regardé Art College, j'ai vu qu'il y avait beaucoup de célébrités qui ont doublé ce film.
01:33:25 Et je me suis dit, est-ce que vous vouliez vraiment créer un pont entre le film indépendant avec le film commercial ?
01:33:37 C'était quelque chose qui m'a surlipinée.
01:33:42 Je pense que la réponse est assez simple.
01:33:47 Quand on parle de film indépendant, on peut se dire, voilà, c'est quelque chose que je fais seule.
01:33:59 Plus important encore, c'est vraiment une œuvre qui se fait selon ma propre volonté.
01:34:09 C'est vraiment, je fais ce que je veux faire, sans entrave.
01:34:14 Et je ne me soucie finalement pas non plus de la taille de mon équipe.
01:34:23 En fait, quand on réalise quelque chose qui correspond parfaitement à nos attentes,
01:34:32 finalement, ce n'est pas important de savoir s'il y a des célébrités ou pas dans ce film.
01:34:37 Il faut simplement se dire si ce film est bien ou pas.
01:34:42 Finalement, cette séparation entre le film indépendant et le film commercial, parmi les films commerciaux, il y a des très bons films commerciaux.
01:34:48 Mais concernant le doublage par des célébrités, je peux peut-être dire quelques mots.
01:34:55 Au début du travail de réalisation, il faut savoir que pour les deux films précédents,
01:35:00 finalement, j'avais proposé à mes amis artistes de doubler mes films.
01:35:07 Et pour ce film, j'avais pensé à mes étudiants.
01:35:09 Mais mon producteur m'a dit, j'ai peut-être une idée.
01:35:13 Peut-être que nous pourrions inviter des célébrités à le faire.
01:35:18 C'est une idée qui était là.
01:35:21 Et lorsque nous avions terminé le film, et lorsqu'on nous a dû faire le doublage,
01:35:32 c'est surtout le producteur qui allait se mettre en contact avec toutes ces personnes-là, avec ces célébrités,
01:35:38 qui avaient apprécié le film et qui étaient prêts à nous soutenir.
01:35:42 Et lorsque nous sommes rentrés au studio d'enregistrement, nous nous sommes rendus compte que finalement, le résultat était très bon.
01:35:49 Alors au début, je m'étais dit peut-être qu'il y aurait peut-être un humour que je n'apprécierais pas beaucoup.
01:36:02 Quand on parle de célébrités, ce n'est pas un groupe unique.
01:36:06 Il faut simplement trouver les bonnes personnes pour ces personnages.
01:36:10 Alors évidemment, le producteur va dire, d'un point de vue commercial, il y a des attentes.
01:36:19 Puisque quand on a des personnes célèbres, forcément, il y a un effet de promotion évident.
01:36:24 Et je me suis dit, oui, pourquoi pas.
01:36:25 Pour moi, de toute façon, en tant que réalisateur, l'essentiel était que la voix corresponde au personnage.
01:36:30 Merci.
01:36:33 Il faut quand même noter une chose, c'est que par rapport à votre question sur le pont qu'il y a entre l'animation et une autre dimension de l'art ou du cinéma,
01:36:45 c'est que les films de Liu Jian sont sélectionnés autant dans les festivals de films d'animation que dans les festivals de films de fiction plus généralistes.
01:36:58 Et ça ne semble pas avoir été une frontière pour le travail de Liu Jian.
01:37:04 Et par ailleurs, les questions qu'on se pose, par exemple, nous sur l'animation, parce qu'on fait partie de ce milieu,
01:37:10 je crois que les gens qui sont plus dans le champ du cinéma se sont beaucoup moins posé ces questions-là.
01:37:15 Ils sont allés directement à ce que vous décriviez tout à l'heure sur le fond de l'histoire et sur ce que raconte le film.
01:37:22 Mais c'est vrai que c'est très particulier à ton travail.
01:37:25 C'est qu'il a très tôt traversé les frontières géographiques, mais aussi artistiques.
01:37:32 Oui, je suis tout à fait d'accord.
01:37:36 C'est ça.
01:37:38 Bonsoir, vous faites beaucoup référence à des films filmés en live action.
01:37:43 Est-ce que vous regardez, vous avez comme inspiration des films d'animation aussi ?
01:37:47 J'en ai très peu vu, quand on parle des films d'animation.
01:37:56 Toutefois, il y a un film qui m'a beaucoup influencée, qui a beaucoup de sens pour moi.
01:38:05 En effet, c'est après avoir vu ce film que je me suis dit que j'allais utiliser l'animation pour réaliser un film.
01:38:13 C'est un film japonais, Ghost in the Shell de Mamoru Hoshi.
01:38:22 En effet, parce que je savais que c'était le film dont s'était inspiré Matrix.
01:38:34 C'est après avoir vu Ghost in the Shell que je me suis dit, avec grande surprise, que l'animation pouvait être aussi riche,
01:38:44 pouvait être capable d'exprimer autant de choses.
01:38:49 Et c'est là que je me suis dit qu'en termes de mise en scène, l'animation pouvait dégager une très grande force.
01:38:58 Et c'est là que je me suis dit que l'animation était un très bon moyen de réaliser des films.
01:39:04 Bonsoir, merci beaucoup pour cette présentation.
01:39:08 J'aurais une question par rapport à votre évolution depuis vos études, où vous avez reçu une éducation très académique.
01:39:16 Maintenant que vous êtes professeur, quelles sont les valeurs les plus importantes que vous souhaitez transmettre à vos étudiants ?
01:39:25 En ayant votre parcours et votre expérience dans le cinéma.
01:39:29 En fait, quand on parle de la pédagogie dans l'animation à l'école, peut-être que je peux dire quelques mots.
01:39:42 Auparavant, nous nous focalisions sur l'animation traditionnelle, en termes de sujets, en termes de techniques de réalisation,
01:39:49 en termes d'esthétique, peut-être que nous étions dans une vision plus traditionnelle de la discipline.
01:39:53 Mais aujourd'hui, on essaye d'encourager les étudiants à s'intéresser à la satiété d'aujourd'hui,
01:40:01 à regarder davantage autour de soi pour pouvoir créer son propre style
01:40:09 et pour proposer son propre regard sur la société, sur les relations humaines.
01:40:17 Et c'est quelque chose que nous encourageons, vraiment, d'avoir cet esprit critique sur la société d'aujourd'hui.
01:40:21 Ces dernières années, je trouve que ce type de pédagogie a proposé des résultats intéressants,
01:40:28 puisque nous avons des étudiants qui ont pu présenter des œuvres à Annecy, certains ont été récompensés.
01:40:35 Mais en tout cas, c'est peut-être la direction générale de l'enseignement aujourd'hui chez nous.
01:40:44 C'est vraiment la curiosité à laquelle vous faisiez référence plus tôt, quand vous avez commencé à vous intéresser aux choses,
01:40:51 et à dire que la curiosité, c'est très important pour vous de regarder ce qui se fait ailleurs,
01:40:56 ce qui se fait autrement, comprendre comment les choses sont faites, etc.
01:41:00 - Mais c'est ça. - Oui, c'est ça.
01:41:05 - Merci beaucoup. - Je suis ingénieux.
01:41:11 - Merci beaucoup. - Je vais vous dire un dernier mot.
01:41:15 Naturellement, pour moi, c'était un grand moment de restitution de ton expérience, de toutes ces années de travail.
01:41:27 Naturellement, on a le sentiment que, surtout quand on voit Art College, que quelque chose s'ouvre sur les prochains films.
01:41:36 Naturellement, on te souhaite plein de bonnes choses pour ces prochains projets qui nous tardent de voir et dont il nous tarde d'entendre parler.
01:41:43 Merci beaucoup aussi à vous pour votre attention, pour avoir suivi et accueilli ce partage-là avec nous aujourd'hui.
01:41:55 En tout cas, j'espère qu'on se retrouvera très bientôt pour parler de tes prochains films.
01:42:03 On n'a pas de date, je pense, aujourd'hui, sur la sortie de Art College en France, mais c'est mes mentors qui s'en occupent.
01:42:11 Donc, je vous engage à rester en veille. Comme vous avez l'air très curieux, il y en a certains d'entre vous qui ont pisté le travail de Liu Jian depuis des années, visiblement.
01:42:19 Donc, je ne crois pas qu'ils vont te laisser tomber et qu'ils seront là présents au moment où ton film sortira en salle.
01:42:25 En tout cas, merci à tous. Merci beaucoup, Liu Jian, d'avoir partagé toute cette expérience-là avec nous.
01:42:33 C'est très important. Et merci au Forum d'avoir programmé ce moment. C'est vraiment un grand moment pour moi, en tout cas, et j'espère que ça l'a été pour vous aussi.
01:42:43 Merci beaucoup.
01:42:44 Merci à vous tous.
01:42:50 Merci beaucoup.
01:42:51 Merci à tous.
01:42:52 [Applaudissements]

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