Le réalisateur Olivier Assayas et le critique et histoirien du cinéma Charles Tessons étaient au Forum des images pour évoquer le numéro des Cahiers du Cinéma de 1984 'Made in Hong Kong'
Une équipe des de la revue a exploré un continent-cinéma jusqu’alors ignoré, à la rencontre de l’extraordinaire vitalité de cette ville.
Retour sur ce numéro spécial, devenu mythique, avec ses deux principaux auteurs.
Enregistré le 5 avril 2024, dans le cadre de la thématique Portrait de Hong Kong au Forum des images
Infos : https://www.forumdesimages.fr/les-programmes/toutes-les-rencontres/cours-les-cahiers-made-in-hong-kong-40-ans-apres-par-olivier-assayas-et-charles-tesson
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Rencontres exceptionnelles, cours de cinéma et conférences, festivals… un concentré du meilleur de ce qui se passe toute l’année au Forum des images.
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00:00:00 - Bonjour, on va pouvoir commencer.
00:00:10 Merci à toutes et à tous d'être si nombreux pour ce premier cours de cinéma de notre
00:00:14 programme Hong Kong qui a démarré ce mercredi jusqu'au 7 juillet.
00:00:18 On est très très heureux de pouvoir inaugurer ce programme avec des beaux films, des belles
00:00:25 personnes.
00:00:26 Donc Charles Tesson est critique et historien du cinéma et Olivier Assas, vous êtes scénariste,
00:00:32 réalisateur et vous avez également été critique au Cahiers jusqu'en 85.
00:00:36 Alors, vous n'êtes pas parti sans rien.
00:00:41 Vous le dites d'ailleurs dans ce numéro, il y a déjà des gens, des pionniers qui
00:00:45 ont un peu défriché le cinéma de Hong Kong.
00:00:48 Vous mentionnez notamment Serge Danais bien sûr et puis d'autres personnes, des distributeurs,
00:00:54 des châteaux, vous parliez des frères Armanet.
00:00:56 Donc il y a déjà des gens qui ont un petit peu défriché.
00:00:59 Je voulais vous demander juste en préambule, quand vous êtes parti à Hong Kong, qu'est-ce
00:01:04 que vous connaissiez déjà de ce cinéma là ? Est-ce que chacun d'entre vous pouvait
00:01:08 me citer un ou deux films qui vous ont marqué, qui vous ont ouvert des perspectives ?
00:01:12 - Moi j'aimerais bien, pardon, c'est pas mon genre d'habitude, mais j'aimerais bien commencer
00:01:20 juste pour replacer tout ça dans son contexte et de façon aussi à ce que Charles puisse
00:01:29 compléter là où ma mémoire serait imprécise.
00:01:33 On est en effet en 84, au tout début de la découverte en Occident du cinéma chinois.
00:01:44 Je dis ça, j'utilise volontairement le terme découverte dans le sens où on ignorait l'existence
00:01:55 du cinéma chinois et grosso modo de à quoi il pourrait bien ressembler.
00:01:59 Et c'est seulement en 82 que Marco Muller, à l'époque jeune cinéphile italien,
00:02:13 présente au festival du jeune cinéma de Turin une sélection de films chinois qui
00:02:24 provoquent la stupéfaction parce qu'on se rend compte qu'il y a eu des films de studio
00:02:29 qui se sont faits à Shanghai dans les années 30, qu'il y a également un cinéma qui persiste
00:02:38 pendant la période maoïste à cette époque là, à peine sortie de la révolution culturelle,
00:02:49 qu'il y a un cinéma hongkongais, qu'il y a un cinéma moderne hongkongais, bref qu'existe
00:02:56 un continent de cinéma que jusqu'à présent on avait ignoré.
00:03:01 Donc tout part littéralement de Turin 82 où je ne sais pas comment Marco Muller s'était
00:03:10 procuré ces copies qui n'existaient pas en Occident.
00:03:13 Donc il a dû convaincre les autorités chinoises de laisser sortir ces films et de les montrer
00:03:21 dans un festival occidental.
00:03:23 Ça n'a pas dû être facile et d'autant plus que c'était des films qui étaient
00:03:29 ... qui appartenaient pour l'essentiel à une période qui n'était pas la période
00:03:34 maoïste mais qui était la période du cinéma de Shanghai.
00:03:39 Shao Taisong et moi-même, jeunes critiques à cette époque là, sommes marqués de façon
00:03:51 j'ai envie de dire presque indélébiles par la découverte du cinéma chinois.
00:03:55 C'est à dire que c'est quelque chose, c'est comme la découverte d'un monde qui apparaît
00:04:00 devant nos yeux et où on commence à recevoir des objets dont on ignore d'où ils sortent,
00:04:09 dans quel contexte ils ont été faits, de quand ils datent, de qui en sont les auteurs,
00:04:15 est-ce qu'il y aurait possiblement une forme de politique des auteurs qu'on pourrait appliquer
00:04:19 au cinéma chinois.
00:04:20 Quelles sont les différences de fond entre le cinéma de Shanghai et le cinéma hongkongais
00:04:28 et son histoire.
00:04:31 Et encore une fois, les quelques oeuvres qu'on voyait, les premières qu'on a pu voir c'était
00:04:43 souvent les films de Bruce Lee qui étaient montrés sur les grands boulevards dans un
00:04:49 cinéma qui s'appelait le Hollywood Boulevard, le directeur était René Château qui est
00:04:58 le distributeur qui a révélé Bruce Lee au public français.
00:05:05 Il y avait "A touch of Zen" de King Hu qui avait été montré au festival de Cannes
00:05:17 comme une étrangeté absolue, c'est un film très long, complexe, abstrait, qui ne relevait
00:05:24 d'aucune esthétique connue et qui était déjà le film d'un King Hu sur le déclin,
00:05:30 enfin en tout cas perçu comme étant sur le déclin, c'est-à-dire ayant ses plus grands
00:05:33 succès publics derrière lui.
00:05:36 Donc encore une fois, une connaissance fragmentaire, des trous béants et le désir d'en savoir
00:05:48 plus.
00:05:49 Qu'est-ce qui fait que tout ça conduit au numéro spécial qu'on a des Cahiers du
00:05:57 Cinéma ? Ça tient d'abord au succès l'année précédente du numéro des Cahiers du Cinéma
00:06:04 qui était "Made in USA".
00:06:06 On avait fait, on avait réuni un groupe, une partie de la rédaction des Cahiers du
00:06:15 Cinéma qui avait été faire à Los Angeles un numéro qui, après la période gauchiste
00:06:24 des Cahiers du Cinéma, permettrait de renouer avec le cinéma international, en l'occurrence
00:06:30 avec le cinéma américain.
00:06:31 Ce numéro avait été un succès et donc Serge Soubiana qui était le rédacteur en
00:06:35 chef des Cahiers du Cinéma à cette époque-là était plutôt partant pour rééditer l'expérience
00:06:46 avec le cinéma asiatique, avec Hong Kong qui était, j'ai envie de dire, à la mode
00:06:51 et qui était en particulier validée par quelqu'un qui était notre ami et qu'on
00:06:58 aimerait toujours qui est Serge Danet qui avait été lui-même à Hong Kong l'année
00:07:04 précédente, avait rencontré des cinéastes hongkongais, s'était intéressé à ce
00:07:09 qui se passait sur ce territoire et qui a été lui aussi, même s'il n'était plus
00:07:15 au Cahiers du Cinéma à cette époque-là, un interlocuteur, un soutien, un allié.
00:07:21 Donc ça c'était, j'ai envie de dire, les circonstances pratiques, matérielles
00:07:30 qui ont fait que ce numéro a eu lieu mais en réalité ce qui a été moteur, ça a
00:07:36 été notre passion à Charles et à moi, non pas tant de remplir la case du "made
00:07:45 in Asia" mais plutôt de donner toutes les clés dont on pouvait avoir besoin pour comprendre
00:07:55 l'histoire, l'esthétique, les enjeux d'un continent de cinéma qui encore une fois n'était
00:08:03 pas cartographié.
00:08:04 Il y avait un projet dans ce numéro qui était un projet absolument pédagogique, qui était
00:08:12 de donner aux critiques, aux journalistes, aux théoriciens de cinéma futur toutes les
00:08:18 clés pour situer l'histoire récente du cinéma chinois de manière à ce qu'elle
00:08:27 puisse s'intégrer, être à sa place dans l'univers, dans la planète cinématographique
00:08:40 de cette époque-là.
00:08:41 Est-ce que ça te va Charles ?
00:08:43 Non mais juste pour compléter brièvement, le passage à l'acte concret, j'ai reçu
00:08:51 une lettre d'invitation officielle de Hong Kong, je crois que c'est la première fois
00:08:53 que le festival Hong Kong a invité quelqu'un à des cahiers.
00:08:56 La première personne allée à Hong Kong, le premier voyage, c'est Serge Danais, journal
00:09:00 de Hong Kong 1980.
00:09:01 Tu as rappelé la chose très importante, c'est 1982 parce qu'il faut se souvenir
00:09:05 qu'en Chine, après la chute de la bande d'écarte et tout, c'est Deng Xiaoping, l'ouverture
00:09:08 démocratique, les films de Shanghai qui étaient interdits avant 48-49 étaient de nouveau
00:09:14 accessibles.
00:09:15 J'y étais à Turin avec Danais, l'Ouenterim, Nouvelle-York, Positive.
00:09:19 Donc là, ça nous a aidés indirectement parce que je pense qu'on s'intéressait
00:09:23 beaucoup aux films d'art martiaux et de Kung-Fu.
00:09:25 Mais aussi on a découvert très vite, parce que c'est dans le numéro, c'est-à-dire
00:09:28 qu'il y a une tradition du cinéma de Hong Kong en cantonais, puis il y a des films
00:09:31 qui parlent le pinyin, le mandarin.
00:09:33 Et Hong Kong a été la terre d'exil, King Hu étant d'autre.
00:09:39 Et donc du coup, il y avait un chénon manquant.
00:09:41 Parce que quand on voyait du Wong Kar-wai, le drame, on se dit mais ça vient d'une
00:09:45 tradition hongkongaise qui vient aussi de ceux qui sont venus de Chine travailler là-bas.
00:09:48 Donc ça, ça a été très utile d'avoir une connaissance du cinéma shanghaien des
00:09:52 années 30, de voir Free Move, Printemps d'une petite ville, qui va ensuite à Hong
00:09:55 Kong, fait un premier film, meurt tout de suite.
00:09:57 Tout ça, ce chénon-là, c'est la part moins connue peut-être du cinéma de Hong Kong
00:10:02 par rapport aux studios chauds, aux arts martiaux, par rapport à la Nouvelle Vague,
00:10:06 par rapport au John Woo, le Polar, tout ça.
00:10:08 Mais c'est quelque chose qui a été très important, parce qu'on l'a découvert aussi
00:10:11 sur place avec les bouquins du catalogue.
00:10:13 Cinéma cantonais, le melodrame cantonais, le film mandarin 46, etc.
00:10:17 Et ça, on en parle un peu dans le numéro avec les compagnies de gauche, leftistes.
00:10:21 Mais c'était important de comprendre.
00:10:23 Donc effectivement, tout ça a fait...
00:10:24 Mais on est arrivé à Hong Kong, on ne savait pas ce que serait le sommaire.
00:10:26 On l'a découvert.
00:10:29 Et encore une fois, juste pour rendre hommage là où il faut rendre hommage, c'est le travail
00:10:40 du festival de Hong Kong, de Li Chuk-To et de Shu-Kei, et de Jerry Liu, qui ont fait
00:10:53 des catalogues par genre du cinéma hongkongais à l'occasion du festival de Hong Kong, dans
00:11:02 lesquels on a pioché sans vergogne.
00:11:04 C'est-à-dire que tout le travail de terrain, d'analyse des films, de choix des objets,
00:11:11 les...
00:11:12 Comment dire ?
00:11:13 - Les biographies surtout.
00:11:16 Les biographies de tous les cinéastes, parce que c'était des livres épais comme ça,
00:11:23 en chinois et en anglais, où il y avait les films et surtout les biographies, ça c'était
00:11:28 très précieux.
00:11:29 - C'est-à-dire qu'ils ont fait un travail de mémoire absolument exceptionnel.
00:11:32 Et d'ailleurs, c'est des catalogues qui devraient être réédités parce que vraiment, c'est
00:11:39 des sommes sur la question et évidemment, c'est ces catalogues qui nous ont ouvert les
00:11:47 yeux et nous ont ouvert d'ailleurs toutes les portes.
00:11:50 - Et d'ailleurs, je crois que...
00:11:53 Parce que c'est vrai que c'est plus qu'un hors-série, c'est quasiment déjà une petite
00:11:56 bible et je crois que vous disiez que vous aviez même écrit encore plus et que vous
00:12:01 espériez y intégrer un dictionnaire.
00:12:04 - Oui, c'était...
00:12:05 Non seulement tu as fait le "Made in USA", mais aussi, moi je connaissais pas l'histoire
00:12:10 des cahiers quand je suis arrivé au cahier, enfin c'est une autre histoire, mais ils ont
00:12:13 réédité des vieux "Made in USA" en 80-82, où il y avait un dictionnaire des cinéastes
00:12:18 avec des commentaires et tout et ça nous avait, je crois, marqué.
00:12:21 On avait voulu faire ça pour le cinéma de Hong Kong.
00:12:23 On l'a fait un peu à la fin du numéro, mais pas autant qu'on voulait.
00:12:26 Genre tel cinéaste, tel comédien, sa biographie, qu'est-ce qu'il a fait ? De dresser un peu
00:12:31 toutes les générations qui ont fait le cinéma de Hong Kong depuis les années 30, de Ren
00:12:34 Yan par exemple, qui a commencé à faire des films d'art martiaux aux années 20 en
00:12:37 Chine, qui a trahi Hong Kong après, etc.
00:12:39 Donc cette histoire-là...
00:12:40 - Par ailleurs, on avait une abondance de matériel, ce qui fait qu'on était obligé
00:12:49 d'utiliser un corps plus petit pour tout faire rentrer, etc.
00:12:53 Donc c'est écrit beaucoup plus petit que le numéro des cahiers normaux.
00:12:56 - Alors moi je voulais montrer quelque chose quand même, parce que c'est une oeuvre rare.
00:13:00 Alors là, dans le petit format, je sais pas ce que ça va donner.
00:13:03 Donc je crois que c'est l'oeuvre d'Olivier Assayas, on va pas bien voir, mais il faudra
00:13:07 regarder, ouvrir les cahiers.
00:13:08 Hop là, mes feuilles tombent.
00:13:09 C'est une...
00:13:10 Vous allez l'expliquer Olivier, ça sera...
00:13:11 Vous l'expliquez mieux que moi, mais en fait il y a tout un lien entre la généalogie
00:13:16 des dynasties Shaolin et le cinéma.
00:13:19 Alors Olivier, pour expliquer...
00:13:20 - C'est un peu une sorte de cartographie, je disais un peu univers Marvel du Kung Fu.
00:13:30 C'est-à-dire que moi ce qui m'a passionné...
00:13:33 - Il y a du vrai, il y a du faux, mais surtout du vrai quand même.
00:13:35 - Non mais c'est...
00:13:36 Moi ce qui m'a marqué, ce qui m'avait frappé à l'époque, c'était de quelle manière
00:13:45 le cinéma d'art martiaux chinois se nourrissait à la fois de la littérature cantonaise,
00:13:55 mais surtout j'ai envie de dire de la culture populaire cantonaise, et en particulier celle
00:13:59 des arts martiaux.
00:14:00 Et cette culture cantonaise part de l'histoire du temple de Shaolin.
00:14:09 Et il y a des maîtres en élève, d'étudiants, de disciples, plusieurs générations dont
00:14:24 les histoires, dont les aventures nourrissent la fiction, enfin nourrissent la fiction,
00:14:31 les récits, les scénarios des films, mais en même temps les cinéastes, en particulier
00:14:39 Liu Qiaoyang, qui est sans doute le plus grand metteur en scène de films de Kung Fu, j'ai
00:14:45 envie de dire sans comparaison, est lui-même héritier de cette généalogie.
00:14:55 Il est lui-même fils d'un disciple qui lui-même, etc.
00:14:59 Et donc au fond il y a ce mélange de façon indissociable, à la fois la véritable histoire
00:15:09 des moines de Shaolin et la véritable histoire du Kung Fu et les légendes et les récits
00:15:15 qu'il a inspirés, et ça se glisse de façon absolument fluide dans l'histoire du cinéma
00:15:23 qui à son tour adopte les valeurs, l'esthétique, j'ai envie de dire, des arts martiaux traditionnels
00:15:37 de la culture du Guangdong.
00:15:40 Et donc c'est vrai que à l'époque ça m'avait passionné et comme tout ça était d'une
00:15:45 complexité terrible, je me suis dit peut-être qu'il y a moyen de le simplifier en faisant
00:15:49 un diagramme et en énumérant les différentes générations d'artistes martiaux par époque,
00:16:01 par période et en mettant en valeur les connexions entre les uns et les autres d'une génération
00:16:10 à l'autre.
00:16:11 Oui parce que vous parliez de Lu Chaiyang, oui parce que son père était formé aux arts
00:16:18 martiaux par Lingxing Hong qui était l'élève préféré du frère Wong Fei-Hung qui a fait
00:16:22 l'objet d'une grande saga des années 50 et puis par Tzu-Yi Hark en prenant un Tse-Tli
00:16:29 qui lui fait la boxe du nord qui n'a rien à voir avec la boxe du sud mais c'est pas
00:16:31 grave.
00:16:32 Ce qu'on adorait c'était de découvrir le cinéma de Kung Fu parce que moi personnellement
00:16:38 j'aime beaucoup le sport au cinéma et la pratique de l'art martiaux peut être considérée
00:16:42 comme un sport et ça donnait un genre cinématographique à part entière.
00:16:45 Et c'est vraiment en Hong Kong qu'on a découvert que Chan-Chih n'est pas Lu Chaiyang, n'est
00:16:48 pas Bruce Lee, n'est pas Huang Yuping etc. avec plein de différences et de constats
00:16:53 par rapport à ça et c'est tout à fait passionnant.
00:16:56 Lu Chaiyang c'est plus, on parlera peut-être après, c'est plus la pratique confucéenne
00:17:01 d'apprendre.
00:17:02 Bruce Lee est un artiste tout de suite génial, on ne le voit jamais s'entraîner, il est
00:17:06 tout de suite au sommet de son art.
00:17:07 Tous les films de Lu Chaiyang c'est pour montrer au contraire qu'on commence à 8 ans puis
00:17:11 on devient bon 20 ans après, il faut travailler tous les jours.
00:17:13 Il y a tous ces sujets là et même les films de Kung Fu Comedy et Huang Yuping ont pris
00:17:20 de la tradition de la vertu martiale qui est aussi celle de l'apprentissage mais tout en
00:17:23 faisant un comedy comique et parodique.
00:17:26 Puis après Lu Chaiyang disait de Bruce Lee ou de Cheng Shih, puisqu'il était son instructeur
00:17:30 de la martial, mais il n'était pas tout d'accord, il disait avec leur Wu De, la vertu martiale
00:17:34 n'est pas bonne.
00:17:35 C'est ce qu'il disait de Bruce Lee, très bon Wushu mais très bon Wu De.
00:17:39 C'est à dire, il y a le Wushu, c'est les arts martiaux en général, avec le Wuxia
00:17:43 qui est une de ces arts, le Kung Fu, la boxe à mains nues.
00:17:45 Même si c'est Wushu, le Kung Fu ça veut dire travailler dur et être bon dans un domaine.
00:17:51 Un pâtissier peut avoir un bon Kung Fu en pâtisserie.
00:17:54 Donc c'est pas les arts martiaux le Kung Fu mais bon c'est devenu comme ça.
00:17:58 Bon je m'égare.
00:18:00 Et c'est vrai qu'on voit toutes les différences et ça, ça nous a beaucoup intéressé par
00:18:05 rapport à la façon dont le cinéma, on l'a capté au bon moment, on a eu de la chance.
00:18:11 Il y avait encore les Show Brothers, il y avait Cheng Shih, il y avait Lu Chaiyang, on a vu
00:18:15 dans les studios le 8 Diagram Pole Fighter qui passe là je crois demain, on l'a vu
00:18:19 en projection en privé dans les Show Brothers.
00:18:22 Lu Chaiyang qui se posait la question je vais aller tourner en Chine les arts martiaux de
00:18:25 Shouling avec un petit jeune qui s'appelait pas encore Jet Li mais Li Mianjie.
00:18:29 Donc on va aller à Hong Kong, il y avait tout ça, il y avait Tsui Har qui arrivait
00:18:35 avec son Zou qui remettait avec les effets spéciaux les technologies anciennes, les
00:18:40 films anciens de Wuxia originaires qui avaient été perdus.
00:18:43 King Ghoul c'était plutôt de l'opéra de Pékin, il était moins travaillé par ça.
00:18:47 Là on a compris de l'intérieur et c'était passionnant.
00:18:50 C'est à dire que d'abord on a très vite fait la différence qui est à mon sens essentielle
00:18:59 entre les films qui relèvent d'une approche puriste du Kung Fu et ceux qui relèvaient
00:19:08 de l'invention, de la fiction, de l'imagination.
00:19:10 Liu Qiaoyang est un véritable maître de Kung Fu et ça rupture certains des grands
00:19:28 films d'arts martiaux puisque c'est à ça qu'on s'est intéressé en premier en débarquant
00:19:34 à Hong Kong parce qu'on s'est intéressé par la suite à d'autres choses.
00:19:37 Mais on s'est d'abord intéressé au cinéma d'arts martiaux où d'abord on établit une
00:19:45 distinction immédiate qui est entre celle des films de Kung Fu et les films, comme disait
00:19:50 Charles de Sabre, qui se passent dans un univers féerique, entièrement fictif mais inspiré
00:19:58 de romans de littérature populaire du Guangdong et de l'autre le cinéma de Kung Fu proprement
00:20:06 dit qui est très attaché à la pureté du style.
00:20:11 Certains des grands films d'arts martiaux ont à voir avec la rencontre entre Chang
00:20:23 Che qui était un grand cinéaste mais qui ne s'intéressait pas au Kung Fu ou très
00:20:28 peu et dont le directeur de combat était Liu Qiaoyang puisque à l'époque la voie pour
00:20:37 devenir réalisateur c'était de commencer en tant que chorégraphe d'arts martiaux.
00:20:47 C'est à dire que les scènes d'action dans les films de Chang Che ou dans beaucoup de
00:20:54 films de l'époque étaient mises en scène par des instructeurs d'arts martiaux qui
00:21:01 disaient on met la caméra là et puis après on met la caméra là et puis après on met
00:21:04 la caméra là.
00:21:05 C'est à dire qu'ils prenaient en main le plateau et donc c'est ce qui se passait dans
00:21:11 les films de Liu Qiaoyang et Chang Che qui souvent étaient d'ailleurs tournés à Taïwan.
00:21:16 Il y avait à l'époque beaucoup de circulation dans le cinéma entre Hong Kong et Taïwan
00:21:22 parce qu'à Taïwan il y avait des paysages qu'on n'avait pas à Hong Kong du fait que
00:21:27 c'était une île et qu'on ne pouvait pas sortir de l'enclave qui à l'époque était
00:21:33 une colonie britannique.
00:21:34 Donc il y a eu cette distinction principale et progressivement on s'est rendu compte
00:21:51 qu'au sein du cinéma de Kung Fu il y avait quelqu'un qui se détachait absolument par
00:21:58 son purisme et qui a rompu avec Chang Che parce qu'il estimait que Chang Che ne respectait
00:22:05 pas les règles essentielles des arts martiaux.
00:22:10 Donc on a compris encore une fois que Liu Qiaoyang était au fond la clé de voûte du
00:22:24 cinéma de genre Hong Kongais tel qu'on le découvrait.
00:22:27 Il en était un peu le John Ford, c'est à dire qu'il était à la fois un grand cinéaste
00:22:33 appartenant à une dynastie dont le frère est devenu un acteur très très connu, Liu
00:22:42 Qiaoyang et qu'au fond il était en train de construire une alternative à Bruce Lee
00:22:51 qui était devenu une méga star entre temps en pratiquant une forme de combat qui est
00:22:57 le Jet Kwon Do.
00:22:58 Il a été formé Win Chung avec Ip Man au départ.
00:23:03 C'est à dire qu'il pratiquait le cinéma de Bruce Lee était une nature parfaitement
00:23:14 différente du cinéma dont on parle parce que d'abord il était tourné dans la rue,
00:23:20 il était réaliste, il était parlé en cantonais ce qui n'était pas le cas non plus des films
00:23:26 des Shaw Brothers etc. dont on parle qui étaient parlés en mandarin et puis sa technique
00:23:34 était un mix de styles de combat occidentaux et chinois.
00:23:39 Donc Bruce Lee était à l'articulation entre le monde du cinéma chinois dont il était
00:23:51 issu et des techniques de combat occidental et c'est ça qui a fait sa notoriété qui
00:23:58 s'est répandue de façon beaucoup plus large et de façon beaucoup plus diverse que le
00:24:03 cinéma de genre de Hong Kong qui est resté un tout petit peu enfermé à l'international
00:24:11 dans les Chinatown.
00:24:12 Pour prolonger c'est pareil on a découvert sur place que Shaw Brothers c'était vraiment
00:24:19 la Cuyauta Bay c'était la reconstitution qu'on visitait le village, on dit c'est la
00:24:24 Chine perdue qu'on reconstitue ici c'est la mémoire de la Chine et Shaw Brothers était
00:24:29 surtout intéressé dans tous les Chinatowns donc il s'était d'abord installé à Singapour
00:24:33 d'ailleurs, Shanghai, Changi, Singapour etc. dans tous les Chinatowns du monde donc il
00:24:38 faisait des films pour la communauté, la diaspora chinoise.
00:24:41 Par contre quand on a eu la révolution de Bruce Lee et Golden Arvest eux c'était envoyé
00:24:48 dans le marché américain à Jackie Chan avec les cannonballs ringards et tout, ils ont réussi
00:24:52 après avec Jackie Chan mais en faisant un duo avec un autre acteur mais il était obsédé
00:24:57 Michael Hoy tu te souviens ça marche au Japon, il était obsédé par un marché international
00:25:02 non chinois à la Golden Arvest.
00:25:04 Donc c'est là on voyait les différences de culture par rapport à…
00:25:08 Juste pour préciser, la société de production qui était dominante dans le cinéma de genre
00:25:20 de Hong Kong c'est la Shaw Brothers, si vous avez vu un film de cette période là
00:25:25 vous avez vu le logo Shaw Brothers qui est Donnie Truant et Raymond Chow, alors il y
00:25:32 a deux personnes, il y a le directeur de Shaw Brothers c'est Ron Ron Chow, Ron Ron Chow
00:25:39 a vécu jusqu'à 102 ans et a été le créateur et le personnage clé de la fabrication du
00:25:48 cinéma de Hong Kong, la création d'une industrie à Hong Kong.
00:25:54 Le responsable des productions chez Shaw Brothers était Raymond Chow, Raymond Chow
00:26:04 il est… c'est brouillé…
00:26:06 Ça s'écrit pas pareil, ça n'a rien à voir.
00:26:08 S-H-A-W et C-H-O-W pour l'autre.
00:26:12 Voilà pour Raymond.
00:26:14 Qui à un moment donné a considéré qu'il n'était pas suffisamment considéré au
00:26:20 sein de Shaw Brothers ou en tout cas il voulait faire d'autres choses, il a créé une société
00:26:25 qui s'appelle Golden Harvest et qui était l'antagoniste d'une certaine façon de
00:26:35 la Shaw Brothers et c'est lui qui dans ce cadre là a produit Bruce Lee et donc évidemment
00:26:44 ça a été un succès énorme instantanément et qui a évidemment changé un peu la face
00:26:51 de la… enfin a changé la géographie du pouvoir dans le cinéma de Hong Kong parce
00:26:59 que Raymond Chow s'est mis à produire y compris Michael Hoy qui est devenu un comique
00:27:07 à très grand succès et s'aventurait sur le territoire international grâce aux portes
00:27:15 que lui a ouvert le succès de Bruce Lee tandis que la Shaw Brothers est restée un peu en
00:27:24 retrait, restée un peu en arrière et a continué à produire essentiellement pour les Chinatown
00:27:29 et pour le grand public hongkongais.
00:27:31 Bruce Lee a ringardisé le cinéma de Hong Kong, c'est une révolution y compris par
00:27:40 rapport au studio Shaw qui faisait des films de bout de scènes traditionnels donc ça
00:27:44 a eu double effet la bombe Bruce Lee si je puis dire que j'aime beaucoup, j'aime
00:27:49 bien son film cantonais justement, purement cantonais qui est la fureur de vaincre qui
00:27:52 se passe, on va pas en faire parler de Bruce maintenant et il y a une double réaction
00:27:56 en deux temps, c'est un, les Shaw Brothers a dit à Lu Chaoyang, instructeur de la martiaux,
00:28:01 tourne des fils et il a fait venir Shaolin, donc Shaolin c'était aussi du Kung Fu mais
00:28:07 hérité toujours de la tradition Shaw de l'histoire de la Chine pour être une riposte
00:28:11 au cinéma de Bruce Lee.
00:28:12 Puis après dans l'après Bruce Lee, écoutez les premiers entretiens de Jackie Chan, on
00:28:16 va pas faire de l'imitation de Bruce Lee ou du faux, il y a eu la Kung Fu Comedy qui
00:28:20 a été un truc génial dans l'après Bruce Lee pour retourner au Kung Fu mais sur un
00:28:25 autre registre. Mais il a fallu du temps pour trouver je dirais ces deux réponses
00:28:29 à la révolution Bruce Lee, parce que lui il a mis la perfection de l'art martial d'un
00:28:33 point de vue sportif à un niveau extrêmement fort, puis il a fait une star mondiale parce
00:28:38 que c'était aussi l'homme du ressentiment, il se battait contre des blancs, enfin je
00:28:41 vais pas vous faire l'histoire, vous la connaissez tous très bien.
00:28:44 Le personnage de Bruce Lee c'est toujours l'émigré, donc il a toujours eu succès
00:28:51 y compris dans ce qu'on appelle le tiers monde, parce qu'il incarne cette figure de
00:29:00 quelqu'un qui est un émigré qui se bat pour survivre et qui garde la tête haute.
00:29:05 C'est ça la clé de la reconnaissance du succès parce que ça touche à un endroit
00:29:11 extrêmement précis, extrêmement sensible et qui a été reconnu très tôt dans le
00:29:19 monde entier.
00:29:20 Comme le wuxia était très, il y avait la kathème qui a disparu, mais grâce à Come
00:29:25 with me qu'on va voir et tous ces films de Shaw Brothers, il y a eu la révolution Bruce
00:29:30 Lee, Kung Fu Comedy, Shaolin et ce qui nous avait plu aussi quand on était à Hong Kong
00:29:33 c'est qu'on a vu même en petits morceaux le zoo, parce que The Warriors of the Magic
00:29:38 Mountain de King Ku, de pardon de Tsuyaf, mais c'était tout d'un coup, on revenait
00:29:43 au wuxia mais avec les effets spéciaux alors qu'ils avaient été un peu tombés en désirécence
00:29:47 suite à la révolution Bruce Lee où plus personne ne voulait faire de wuxia.
00:29:51 Donc c'est intéressant, on était vraiment à des moments où...
00:29:53 On est aussi arrivé un peu à la fin de l'histoire, ce qui est toujours d'ailleurs intéressant
00:30:00 mais c'est intéressant à quel point les cahiers du cinéma historique à la fin des
00:30:06 années 50 sont allés à Hollywood au moment où c'était la fin des studios.
00:30:10 Les studios, les rédacteurs des cahiers sont arrivés à un moment donné où tout et tout
00:30:16 partait en...
00:30:17 - C'est ce qui s'est récuit dans les années 60 à Hollywood aussi.
00:30:20 - Voilà, ils ont rencontré Hollywood au moment où les studios s'effondraient et d'une certaine
00:30:26 façon nous on est arrivé à Hong Kong dans des circonstances qui étaient semblables.
00:30:33 C'est à dire que...
00:30:35 Alors après Showbrovers a survécu pendant des années mais néanmoins la capacité d'innovation,
00:30:43 la nouveauté, le renouvellement ne passait plus par là.
00:30:48 Golden Harvest était effectivement concurrencé sur le registre de la Kung Fu Comedy par
00:30:54 une société qui s'appelait Cinema City, qui était dirigée par Mac Carr et qui travaillait
00:31:01 avec des stars comme Sammo Hung etc.
00:31:03 Au fond il y avait quelque chose qui était en train de changer du point de vue du fond
00:31:10 et qui se matérialisait par ce qu'on a appelé la nouvelle vague hongkongaise.
00:31:19 Et on arrive au moment, nous, cahiers du cinéma de l'époque, on arrive au moment où s'affirme
00:31:27 cette nouvelle génération qui est...
00:31:30 - Expliquez peut-être maintenant ce que c'est que cette nouvelle génération.
00:31:33 - Voilà, alors d'abord ce sont des cinéastes beaucoup plus jeunes évidemment qui débutaient
00:31:39 à ce moment là et la plupart d'entre eux avaient fait leurs études dans des écoles
00:31:44 de cinéma occidentales.
00:31:45 Anne Hoy, Tsuye Hark, Kirk Wong, Alan Fong, j'en oublie sûrement...
00:31:58 - Patrick Tam ?
00:32:00 - Oui Patrick Tam bien sûr.
00:32:04 - Ils ont aussi commencé par la télé aussi.
00:32:07 - Certains ont commencé par la télé.
00:32:09 - On parlait beaucoup de la télé, la télé qui arrivait et tout.
00:32:11 - Ben disons que oui, Alan Fong a été produit par la télé.
00:32:15 Disons qu'ils étaient un peu comme les cinéastes indépendants occidentaux à l'époque
00:32:21 qui trouvaient leur financement comme ils pouvaient mais pas dans le cadre d'un studio,
00:32:26 dans le cadre d'une certaine liberté de la pratique du cinéma et qui éventuellement...
00:32:33 Alors il y avait des cinéastes qui s'intéressaient au cinéma de genre comme Tsuye Hark depuis le départ
00:32:39 et puis il y en avait d'autres qui étaient plus intéressés par le néo-réalisme comme Alan Fong
00:32:44 ou encore une fois des cinéastes qui étaient intéressés par une forme de modernité un peu punk de l'époque
00:32:52 comme Kirk Wong qui avait fait un film qui s'appelait Health Warning qui est une bizarrerie absolue.
00:32:58 Mais en tout cas, ça a été historiquement dans le cinéma chinois la première génération de cinéastes indépendants.
00:33:12 Alors chacun a suivi des voies, ils ont tous suivi des voies différentes.
00:33:19 Han Hoi continue à faire des films aujourd'hui, c'est une grande cinéaste, inégale mais franchement il y a une oeuvre importante.
00:33:27 Alan Fong, on a un peu perdu sa trace, mais quelqu'un comme Tsuye Hark est devenu progressivement un des cinéastes chinois à mon sens les plus importants.
00:33:41 Parce que lui, alors quand on a débarqué à Hong Kong, le film qu'il venait de faire avait été interdit.
00:33:50 Il avait été interdit parce que la censure anglaise était très sévère.
00:33:59 Après par la suite on a beaucoup parlé de la censure chinoise, mais la censure anglaise n'était pas commode non plus
00:34:08 parce qu'elle voulait être bien avec la Chine et elle voulait maintenir aussi une certaine...
00:34:18 elle n'était pas du tout ouverte à l'idée d'un cinéma transgressif, politiquement imprécis ou éventuellement dangereux.
00:34:32 Donc là Tsuye Hark a fait un film où il représentait des dealers de drogue qui étaient des G.I. américains.
00:34:39 Pour les anglais c'était "oh là là, attention, on ne veut pas se mettre mal avec les américains, on ne veut pas se mettre mal avec personne".
00:34:46 Ils ont interdit son film.
00:34:48 C'est "L'Enfer des armes" ou pas ?
00:34:50 C'est "L'Enfer des armes" que ça s'appelle en français.
00:34:54 Mais au moment où on était là, il était en train de travailler sur un film qui allait s'appeler "Zu, Warriors of the Magic Mountain"
00:35:04 qui au fond était déjà ce qu'allait devenir le cinéma chinois à venir.
00:35:15 C'est à dire qu'étant inspiré de légendes, de littérature classique, de situations classiques de l'art chinois,
00:35:30 il y intégrait une culture qui était celle des effets spéciaux, des trucages, tout ça très bordélique, partant dans tous les sens, etc.
00:35:44 Mais avec constamment une invention formelle qui toujours renvoyait à cette idée que le cinéma chinois devait trouver son alternative,
00:35:56 sa réponse au cinéma d'effets spéciaux américain.
00:35:59 Que si le cinéma chinois ne trouvait pas la solution qui lui permettait à la Chine de concurrencer le cinéma américain, il n'y aurait plus de cinéma chinois.
00:36:10 C'est une idée, force, qui a traversé la totalité de l'oeuvre de Tsui Har, qui persiste aujourd'hui encore à faire des films à grand spectacle,
00:36:20 d'effets spéciaux chinois qui ne doivent rien au cinéma américain.
00:36:25 - Vous n'avez pas appelé quelqu'un de la Guerre des Étoiles pour un spécialiste des effets spéciaux de la Guerre des Étoiles pour "Zu, Warriors of the Magic Mountain" ?
00:36:34 - Oui, disons qu'il y avait une circulation avec l'Occident, Tsui Har qui était issue de cette culture-là.
00:36:44 - On a parcouru tout le sommaire, en fait. On est arrivé à la nouvelle vague, ils ont été très très rapides.
00:36:50 Donc effectivement, comme vous avez choisi, il y a une grande partie qui est dédiée aux arts martiaux et au kung fu,
00:36:57 mais vous avez choisi trois grandes figures. Il y a trois grands entretiens.
00:37:01 Il y a Lu Chia-Liang dont on vient de parler, il y a King Wu et Cheng Cheh que vous n'avez pas pu avoir.
00:37:07 Je sais que c'est le grand regret de la... Il n'y a pas d'interview de Cheng Cheh.
00:37:11 Donc ça, c'était pour une première partie. Puis ensuite, effectivement, dans une autre, vous explorez toute l'économie de ce cinéma-là
00:37:19 et vous rencontrez et Sir Ren Ron et Raymond Shaw. Donc l'un Shaw Brothers et l'autre Golden Harvest.
00:37:28 Et puis voilà, il y a ensuite toute une dernière partie sur la nouvelle vague à venir, effectivement.
00:37:33 Vous allez sur le tournage, je crois, d'un des tournages de Han Hoi.
00:37:37 - Je vais sur le tournage de Love in a Fallen City, où il y a une sorte de mariage contre nature.
00:37:45 - Exactement. En fait, je voulais quand même montrer des images parce qu'on a beaucoup parlé.
00:37:49 Donc en fait, on a un peu des extraits de chacun de ces personnes.
00:37:53 Alors maintenant, il faudrait repartir en arrière. Je ne sais pas lequel vous aimeriez commenter.
00:37:57 - Comme Drinks With Mi, on commence par ça. - On commence par ça.
00:38:00 Alors, c'est Liron d'Eldor qui va passer tout de suite après ce cours de cinéma et qui est déjà passé dans la semaine.
00:38:06 - Cheng Pei-pei. - Donc de King Wu avec Cheng Pei-pei.
00:38:09 - Donc c'est l'extrait numéro un. - C'est la scène d'auberge, c'est génial.
00:38:13 Vous la connaissez peut-être, vous allez la découvrir ou ça vous donnera envie de voir le film, j'espère.
00:38:18 [ Musique ]
00:38:47 [ Musique ]
00:39:16 [ Musique ]
00:39:41 [ Musique ]
00:40:07 [ Cris ]
00:40:09 [ Bruit de fusil ]
00:40:11 [ Bruit de fusil ]
00:40:13 [ Bruit de fusil ]
00:40:33 [ Cris ]
00:40:35 [ Bruit de fusil ]
00:40:37 [ Bruit de fusil ]
00:40:39 [ Bruit de fusil ]
00:40:46 [ Musique ]
00:41:00 C'est bien, hein ?
00:41:04 Ça peut nous donner l'occasion de parler des héroïnes du Kung Fu, ça c'est pas trop présent dans le numéro d'ailleurs.
00:41:09 - Il y a quelques portraits, il y a deux actrices. - Il y a un portrait de Xu Feng quand même.
00:41:12 - Il y a deux actrices. - Vous voulez absolument la rencontrer.
00:41:14 Mais les héroïnes de Kung Fu, on en parle moins mais il y a eu des belles...
00:41:19 - Bien sûr. - Moi, je...
00:41:21 On a fait un portrait de Xu Feng pour les amateurs de King Wu, ils savent qui elle est.
00:41:26 Moi, j'étais absolument fasciné par Cheng Peipei.
00:41:30 Cheng Peipei est un des personnages clés dans mon rapport avec le cinéma chinois,
00:41:37 j'étais absolument amoureux d'elle.
00:41:39 Mais j'ai eu la chance de la rencontrer beaucoup plus tard.
00:41:44 Elle est restée vraiment marquée par son travail avec King Wu,
00:41:50 elle ne vivait pas loin de chez lui, quand lui-même était vieux et pas complètement fonctionnel.
00:41:56 Elle vivait près de chez lui à Los Angeles et c'est elle qui venait l'aider, le soutenir, etc.
00:42:05 Et je l'ai rencontré à un...
00:42:13 Je l'ai rencontré beaucoup plus tard à un festival de cinéma en Birmanie.
00:42:21 On a dit plein de trucs qui partent un peu dans tous les sens.
00:42:26 Oubliez tout, King Wu c'est autre chose.
00:42:32 King Wu est véritablement un très grand artiste, solitaire,
00:42:38 extrêmement marqué par la culture de l'opéra de Pékin,
00:42:44 toute la gestuelle, la musique, la danse, etc.
00:42:47 C'est un très grand artiste.
00:42:49 La calligraphie.
00:42:51 Alors "Come Drink With Me" est son premier grand succès.
00:42:58 Avant il était acteur, on le connaît comme acteur, c'est un acteur connu.
00:43:01 Quand il fait "Come Drink With Me",
00:43:08 en fait, il a été extrêmement marqué par une visite qu'il a faite au Japon
00:43:17 des tournages de Kurosawa.
00:43:20 Il a découvert les films de Kurosawa,
00:43:24 il a assisté à des tournages, je ne sais plus s'il a assisté ou pas,
00:43:28 mais il y a eu une délégation chinoise qui est allée au Japon.
00:43:33 Et il y a quelque chose dans le cinéma d'art martiaux de Kurosawa
00:43:43 qui a été déterminant dans l'invention du cinéma de genre hongkongais
00:43:49 de la même manière qu'il a été déterminant dans l'invention du western spaghetti.
00:43:55 C'est d'une certaine façon beaucoup de choses,
00:43:59 beaucoup de cette chorégraphie,
00:44:03 de cette façon un peu baroque de poser les situations, les scènes, etc.
00:44:10 qu'on doit à Kurosawa.
00:44:12 C'est lui la matrice.
00:44:16 Et donc "Come Drink With Me" est le premier...
00:44:22 Ce n'est pas comme s'il y avait des films qui ressemblaient à ça avant dans le cinéma hongkongais,
00:44:27 il n'y avait rien qui ressemblait à ça dans le cinéma hongkongais.
00:44:31 Avec "Come Drink With Me", King Hu invente un genre.
00:44:35 Il invente un genre qui va avoir évidemment un succès énorme
00:44:39 puisqu'il va donner naissance à une industrie
00:44:42 qui ne produira littéralement plus que ça pendant des décennies.
00:44:46 Il a une exigence de l'épure pour causer des problèmes aussi.
00:44:55 Disons que "Come Drink With Me" est un succès énorme.
00:45:01 Le plus gros sera "Dragon Gate In" après je crois.
00:45:04 Et ensuite il fait "Dragon Gate In" mais il se brouille tout de suite.
00:45:07 Comme il a mauvais caractère, il se brouille tout de suite avec "Run Run Show"
00:45:12 et il décide d'aller à Taïwan pour produire lui-même "Come Drink With Me"...
00:45:19 Pardon, "Dragon Gate In" qui va dépasser encore plus le succès de "Come Drink With Me".
00:45:28 C'est le premier film de Hong Kong qui dépasse au box-office à Hong Kong les films américains.
00:45:33 C'est depuis "Dragon Gate In" que tous les films chinois de Hong Kong
00:45:36 sont supérieurs au box-office à tous les films américains.
00:45:39 La référence c'est "Dragon Gate In" en termes de box-office.
00:45:42 Après avoir fait "Dragon Gate In",
00:45:46 King Hu a une sorte de carte blanche pour faire ce qu'il veut à Taïwan
00:45:51 et il commence à faire un film qui s'appellera "A Touch of Zen"
00:45:54 qui est de plus en plus mégalomane, de plus en plus complexe, de plus en plus cher
00:46:00 au point que son financier finit par le lâcher.
00:46:04 Donc le film reste en plan, c'est-à-dire que le film n'a pas été terminé.
00:46:10 Néanmoins, King Hu avait tourné plusieurs heures de films.
00:46:18 Grâce à Pierre Grissian, à la fois distributeur, producteur, critique, figure essentielle du cinéma français,
00:46:30 de l'histoire moderne du cinéma français,
00:46:34 il rencontre King Hu et il trouve le financement qui permettra d'achever une version un peu bancale
00:46:43 de "A Touch of Zen" qui intégrerait la totalité de la première partie qui a été tournée
00:46:49 et une partie de la seconde, la première ayant été tournée intégralement
00:46:54 et ce qui a été tourné de la seconde pour faire un film qui tiendrait à peu près debout sur trois heures.
00:46:59 C'est ce film-là qui a été montré à Cannes, qui a beaucoup impressionné,
00:47:08 qui a eu un prix mineur du prix technique.
00:47:16 Mais le film a été un désastre au box-office chinois et ça a un peu cassé la carrière de King Hu
00:47:28 qui néanmoins a persisté dans son oeuvre mais dans des conditions beaucoup plus précaires et beaucoup plus difficiles,
00:47:35 ne revenant au sommet que des années plus tard quand il fait "Raining in the Mountain"
00:47:41 qui est sans doute un des chefs-d'oeuvre de l'histoire du cinéma chinois
00:47:44 et qui est l'aboutissement de l'oeuvre encore une fois de cet artiste majeur qu'est King Hu
00:47:50 qui est inégalé et inégalable au sein du cinéma de genre par ratio.
00:47:59 Quand on a vu d'autres films, quand on voit la scène d'auberge, elle est magnifique.
00:48:03 Il y a l'opéra, la scénographie de l'opéra, il fera beaucoup de scènes d'auberge
00:48:07 qui sont différentes des scènes de saloon de l'all-western mais il y a quand même ça.
00:48:10 Pour trouver la figure que vous trouvez dans tous les films d'armature, même chez Bruce Lee,
00:48:13 c'est la femme au centre et le cercle.
00:48:15 Ça c'est un classique.
00:48:16 Et puis ce qui est magnifique c'est le montage et le rythme, c'est-à-dire la musique, les bruits,
00:48:21 l'accéléré, l'arrêt, l'ellipse, l'action.
00:48:24 Il y a une manière de monter l'action.
00:48:26 Et c'est pas toujours fait pareil.
00:48:27 J'adore quand Ching Pei-pei mouline et puis on voit l'effet, il y a un effet vaponaire,
00:48:32 il tombe comme des mouches là.
00:48:34 Et on ne voit pas l'action-réaction physique.
00:48:37 Par contre quand il envoie une petite pique, si je puis dire, une piochette à Han Yin-je,
00:48:42 il pique de la main.
00:48:43 Donc là on a le trajet de l'action.
00:48:45 Donc il y a des moments où le trajet est filmé, il est ellipsé,
00:48:48 il y a des moments d'accélération, il y a des moments d'arrêt sur corps,
00:48:51 comme Bruce Lee il fait aussi des arrêts sur corps, des gestes,
00:48:54 il prend des postures comme une statue.
00:48:56 Et il y a des moments où comme ça, tout d'un coup le corps se met à accélérer, s'arrêter.
00:48:59 Et toute cette composition rythmique, chorégraphique, avec le sens du montage, des cadres, des bruits,
00:49:06 c'est absolument magnifique.
00:49:07 On en verra d'autres extraits dans le "Raining Summer".
00:49:09 On en parle trop.
00:49:11 We talk too much.
00:49:13 Il faut quand même dire...
00:49:15 On va faire voter des gens, il faut que je leur donne des images.
00:49:17 Il faut...
00:49:18 N'oubliez de parler de Han Yin-je, le monsieur maigre qui reçoit la fléchette.
00:49:22 On l'avait rencontré tous les deux avec Olivier, c'était génial.
00:49:25 Lui aussi c'est un instructeur d'arts martiaux qui vient du Nord,
00:49:28 qui a travaillé avec King Hu sur ce film-là.
00:49:31 Et quand King Hu a lâché la Show Brothers, il l'a accompagné dans son aventure à Taïwan.
00:49:36 Et du coup, un petit jeune, Lu Cha-Liang, a remplacé Han Yin-je aux Show Brothers
00:49:42 pour être instructeur d'arts martiaux et chorégraphe.
00:49:45 Ils font deux choses, les instructeurs, ils entraînent les comédiens pour les scènes,
00:49:48 et puis ils font la chorégraphie des scènes.
00:49:50 Donc ils les appellent chorégraphe et instructeur.
00:49:52 Donc ça c'est intéressant de voir cette histoire.
00:49:54 Et après, comme il connaissait Raymond Shaw, comme Olivier l'a dit,
00:49:57 Raymond Shaw a travaillé à la Show Brothers en 1962 en tant que responsable de prod,
00:50:00 il a dit "Viens travailler avec moi parce que j'ai un petit jeune qui est pas mal, c'est Bruce Lee".
00:50:03 Donc il a joué dans Big Boss, vous vous souvenez de la scène finale de Big Boss, peut-être,
00:50:07 pour les amateurs de Kung Fu, il y en a sans doute dans la salle,
00:50:10 et il a fait aussi la chorégraphie des combats de Feuers de Vainque.
00:50:12 Sauf que Bruce Lee, il voulait pas de trampolines et des sauts en l'air,
00:50:15 il voulait qu'on voit que c'est soit lui qui fasse ça et qu'il y ait pas de tricherie.
00:50:18 Puisque dans la tradition du Nord, trampoline, boum, qu'on saute, machin, etc.
00:50:23 Ça c'est la culture Han Yin-je qui vient du Nord.
00:50:25 On a pas parlé des différences culturelles, Shaolin Sud, Boxe du Nord, etc.
00:50:30 Mais c'est intéressant de voir que lui est un acteur fidèle, j'adore sa tête,
00:50:34 et on va rencontrer le monsieur.
00:50:37 - Moi ce que je voudrais ajouter, c'est quand même,
00:50:42 le cinéma de Hong Kong, le cinéma d'action de Hong Kong, a été pillé par Hollywood.
00:50:48 Ce cinéma... - On sait quoi savoir, non ?
00:50:51 - Oui, enfin, disons que... - On sait quoi savoir, pardon.
00:50:56 - Sans oublier, oui, on sait quoi savoir.
00:50:58 Non mais je veux dire, le cinéma de genre hongkongais
00:51:03 a eu une influence majeure sur le cinéma américain.
00:51:07 C'est-à-dire dans le sens où quand on voyait des films qui ressemblent à ce qu'on vient de voir là, etc.
00:51:11 C'était entièrement neuf.
00:51:13 Enfin, on voyait ça, on hallucinait.
00:51:15 Personne ne filmait comme ça.
00:51:18 Ça ressemblait à rien de connu.
00:51:20 Je veux dire, en termes de rythme, en termes de chorégraphie,
00:51:23 et en termes d'invention formelle.
00:51:28 Et à plus forte raison, si on regarde un extrait de "Raining in the Mountain",
00:51:35 moi je me souviens, jeune cinéaste,
00:51:38 j'étais absolument fasciné par ce que faisait King Hu,
00:51:44 qui circulait entre le réalisme, l'abstraction, la musique, la danse, etc.
00:51:50 Au point que je me souviens encore,
00:51:53 j'ai tenu à ce qu'on fasse une sorte de storyboard,
00:51:57 un plan par plan d'une des scènes finales de "Raining in the Mountain".
00:52:06 Parce qu'à l'époque, on n'avait même pas de VHS.
00:52:11 Si je me souviens bien.
00:52:13 En 80, on avait des VHS.
00:52:15 Mais disons que c'était de très mauvaise qualité.
00:52:21 Et je me souviens que j'avais emprunté une table de montage au festival de Hong Kong,
00:52:30 où j'avais visionné une bobine, ou plusieurs bobines,
00:52:34 de "Raining in the Mountain",
00:52:36 juste pour regarder comment c'était fabriqué.
00:52:38 Plan par plan.
00:52:40 Et je regardais ça et je me disais, c'est extraordinaire.
00:52:44 On peut faire un cinéma où les plans ressemblent à des coups de pinceau.
00:52:49 Et où il peut y avoir une sorte d'énergie
00:52:55 qui vient justement de ce qu'on ne comprend pas absolument ce qui se passe.
00:53:01 - C'est dans les scènes de combat, parce que dans "Raining in the Mountain",
00:53:04 dans l'extrait qu'on va regarder, c'est très millimétré au contraire.
00:53:07 - Le son du drapé...
00:53:09 Alors, bizarrement, le premier cinéaste américain qui a compris
00:53:15 qu'il se passait quelque chose dans le cinéma chinois,
00:53:18 c'est John Carpenter, qui est un cinéaste pour lequel j'ai une immense admiration.
00:53:22 Et qui a fait un film, qui n'est pas son meilleur,
00:53:26 qui s'appelle "Big Trouble in Little China".
00:53:28 - "Le griffe du mandarin", non ?
00:53:30 - Je ne sais pas comment ça s'appelle.
00:53:32 - Il est montré, je croyais, dans l'oeuvre.
00:53:34 - En tout cas, ça a été le premier à comprendre
00:53:38 qu'esthétiquement, il y avait quelque chose à aller chercher
00:53:43 dans le cinéma chinois,
00:53:45 qui allait, de fait, transformer le cinéma américain.
00:53:50 Et je suis convaincu que le cinéma d'action américain
00:53:53 n'aurait pas évolué de la même manière, ou aussi vite, ou de cette façon-là,
00:53:57 s'il n'y avait pas eu le modèle des films de Hong Kong,
00:54:01 qui, tout d'un coup, apportait une écriture
00:54:04 qui avait une espèce de modernité, qui était stupéfiante.
00:54:07 - C'était plus sur les films polarongkongais que nous...
00:54:10 C'est après, "Jonewoo", c'est après, même on n'en parlait pas trop.
00:54:13 - C'est plus tard.
00:54:14 - C'est plus tard, mais ça aussi, "Andy Laws", "Infernal Affairs",
00:54:17 ça a eu des...
00:54:18 Après, juste sur l'héroïne féminine,
00:54:20 c'est vrai que quand vous voyez les Bruce Lee,
00:54:21 les personnages féminins, c'est pas top top, quand même.
00:54:23 Enfin, c'est le moins qu'on puisse dire.
00:54:25 Mais, par contre, les dames d'épée, c'est magnifique,
00:54:28 dans les films de King Koo, Cheng Pei-pei, Xu Feng.
00:54:30 Puis aussi, chez Tsu-Hark, il y a des personnages féminins très intéressants.
00:54:35 Et également, même dans "Lu Cha-Liang",
00:54:38 il y a un film que j'adore de lui, enfin, j'aime beaucoup,
00:54:41 c'est "Exécuteur" de Shao Ling,
00:54:43 où ils sont mariés, sur un bateau, il y a une lune de noces,
00:54:46 et puis lui dit "Ma boxe du Tig est supérieure à ta boxe de la grue",
00:54:49 à sa femme.
00:54:51 Et au moment de faire l'amour, elle, elle sert les genoux,
00:54:55 et c'est la boxe de la grue, et lui, il n'arrive pas à l'écarter,
00:54:57 ils n'arrivent pas à faire l'amour, tout le monde se fout de leur gueule.
00:54:59 Donc, j'aime bien le kung fu domestique, ou le sexe kung fu,
00:55:03 qui est chez "Lu Cha-Liang", tout à fait, ça vous...
00:55:06 Voilà, c'est une parenthèse un peu déplacée, mais c'est pas grave.
00:55:09 Alors, celui-là de "Lu Cha-Liang", on ne va pas le passer,
00:55:11 mais on va passer "Shao Ling contre Ninja",
00:55:13 où il y a aussi du kung fu domestique.
00:55:14 J'adore celui-là.
00:55:15 Alors ça, on peut le regarder.
00:55:16 Ce film-là, on va le passer plusieurs fois dans le programme,
00:55:18 et on a un extrait, donc on pourrait regarder l'extrait numéro 3,
00:55:21 s'il te plaît, Sacha.
00:55:23 Eh, c'est pas un casson, c'est un cassant !
00:55:31 Il y a aussi un couteau !
00:55:33 C'est quoi ça ?
00:55:34 C'est un casson !
00:55:35 C'est pas un casson !
00:55:36 Mère, ces armes...
00:55:38 Ah, ces armes, je l'ai demandé à l'Association Japonaise.
00:55:42 Un couteau Japonais ?
00:55:52 Un couteau.
00:56:00 Un couteau.
00:56:01 Ah, mon cœur !
00:56:07 Il m'a fait peur !
00:56:12 Monsieur, regardez !
00:56:18 C'est pas mal.
00:56:19 Il y en a encore.
00:56:20 Il y en a encore.
00:56:21 C'est un couteau.
00:56:35 Il y en a encore.
00:56:41 C'est un couteau.
00:56:42 C'est un couteau.
00:56:43 C'est un couteau.
00:56:44 C'est un couteau.
00:56:45 C'est un couteau.
00:56:46 C'est un couteau.
00:56:47 C'est un couteau.
00:56:48 C'est un couteau.
00:56:49 C'est un couteau.
00:56:50 C'est un couteau.
00:56:51 C'est un couteau.
00:56:52 C'est un couteau.
00:56:53 C'est un couteau.
00:56:54 C'est un couteau.
00:56:55 C'est un couteau.
00:56:56 C'est un couteau.
00:56:57 C'est un couteau.
00:56:58 C'est un couteau.
00:56:59 C'est un couteau.
00:57:00 C'est un couteau.
00:57:01 C'est un couteau.
00:57:02 C'est un couteau.
00:57:03 C'est un couteau.
00:57:04 C'est un couteau.
00:57:05 C'est un couteau.
00:57:06 C'est un couteau.
00:57:07 C'est un couteau.
00:57:08 C'est un couteau.
00:57:09 C'est un couteau.
00:57:10 C'est un couteau.
00:57:11 C'est un couteau.
00:57:12 C'est un couteau.
00:57:13 C'est un couteau.
00:57:14 C'est un couteau.
00:57:15 C'est un couteau.
00:57:16 C'est un couteau.
00:57:17 C'est un couteau.
00:57:18 C'est un couteau.
00:57:19 C'est un couteau.
00:57:20 C'est un couteau.
00:57:21 C'est un couteau.
00:57:22 C'est un couteau.
00:57:23 C'est un couteau.
00:57:24 C'est un couteau.
00:57:25 C'est un couteau.
00:57:26 C'est un couteau.
00:57:27 C'est un couteau.
00:57:28 C'est un couteau.
00:57:29 C'est un couteau.
00:57:30 C'est un couteau.
00:57:31 C'est un couteau.
00:57:32 C'est un couteau.
00:57:33 C'est un couteau.
00:57:34 C'est un couteau.
00:57:35 C'est un couteau.
00:57:36 C'est un couteau.
00:57:37 C'est un couteau.
00:57:38 C'est un couteau.
00:57:39 C'est un couteau.
00:57:40 C'est un couteau.
00:57:41 C'est un couteau.
00:57:42 C'est un couteau.
00:57:43 C'est un couteau.
00:57:44 C'est un couteau.
00:57:45 C'est un couteau.
00:57:46 C'est un couteau.
00:57:47 C'est un couteau.
00:57:48 C'est un couteau.
00:57:49 C'est un couteau.
00:57:50 C'est un couteau.
00:57:51 C'est un couteau.
00:57:52 C'est un couteau.
00:57:53 C'est un couteau.
00:57:54 C'est un couteau.
00:57:55 C'est un couteau.
00:57:56 C'est un couteau.
00:57:57 C'est un couteau.
00:57:58 C'est un couteau.
00:57:59 C'est un couteau.
00:58:00 C'est un couteau.
00:58:01 C'est un couteau.
00:58:02 C'est un couteau.
00:58:03 C'est un couteau.
00:58:04 C'est un couteau.
00:58:05 C'est un couteau.
00:58:06 C'est un couteau.
00:58:07 C'est un couteau.
00:58:08 C'est un couteau.
00:58:09 C'est un couteau.
00:58:10 C'est un couteau.
00:58:11 C'est un couteau.
00:58:12 C'est un couteau.
00:58:13 C'est un couteau.
00:58:14 C'est un couteau.
00:58:15 C'est un couteau.
00:58:16 C'est un couteau.
00:58:17 C'est un couteau.
00:58:18 C'est un couteau.
00:58:19 C'est un couteau.
00:58:20 C'est un couteau.
00:58:21 C'est un couteau.
00:58:22 C'est un couteau.
00:58:23 C'est un couteau.
00:58:24 C'est un couteau.
00:58:25 C'est un couteau.
00:58:26 C'est un couteau.
00:58:27 C'est un couteau.
00:58:28 C'est un couteau.
00:58:29 C'est un couteau.
00:58:30 C'est un couteau.
00:58:31 C'est un couteau.
00:58:32 C'est un couteau.
00:58:33 C'est un couteau.
00:58:34 C'est un couteau.
00:58:35 C'est un couteau.
00:58:36 C'est un couteau.
00:58:37 C'est un couteau.
00:58:38 C'est un couteau.
00:58:39 C'est un couteau.
00:58:40 C'est un couteau.
00:58:41 C'est un couteau.
00:58:42 C'est un couteau.
00:58:43 C'est un couteau.
00:58:44 C'est un couteau.
00:58:45 C'est un couteau.
00:58:46 C'est un couteau.
00:58:47 C'est un couteau.
00:58:48 C'est un couteau.
00:58:49 C'est un couteau.
00:58:50 C'est un couteau.
00:58:51 C'est un couteau.
00:58:52 C'est un couteau.
00:58:53 Disons que Chang Cheh est une figure essentielle dans le cinéma de genre chinois,
00:59:08 mais aussi qui occupe une place particulière.
00:59:22 Il a signé beaucoup de films dont il n'est pas forcément le réalisateur.
00:59:29 Il y avait littéralement 7 ou 8 films de Chang Cheh qui sortaient chaque année.
00:59:35 La réalité, c'est que certains étaient de lui, qui étaient souvent les meilleurs,
00:59:42 et les autres étaient réalisés par ses assistants, dont John Woo.
00:59:47 Mais la plupart des grands cinéastes de genre, de polar, de la génération suivante,
00:59:55 étaient des assistants de Chang Cheh formés par Chang Cheh.
00:59:59 De la même manière qu'il avait aussi une grande réputation de découvreur de talent.
01:00:04 Il donnait leur première chance à des réalisateurs,
01:00:09 mais aussi à de jeunes acteurs dont Fu Sheng, qui est un grand acteur,
01:00:17 qu'on voit dans ce très beau film "Les disciples de Shaolin"
01:00:21 qui est sans doute le chef d'oeuvre de Chang Cheh.
01:00:25 Si je ne me trompe pas, Su Feng est mort dans un accident de voiture au moment de la sortie du film.
01:00:31 Non, après le "8 Diagrammes Paul Fighter" qu'on a vu dans les vidéoshow.
01:00:36 "8 Diagrammes de Wu Lang"
01:00:40 C'est un peu une sorte de James Dean du cinéma chinois.
01:00:52 Vous analysez toute une séquence dans le dossier.
01:00:57 Oui, il faut avoir à l'esprit que Chang Cheh est déterminé par le fait qu'il avait un goût pour les hommes.
01:01:08 Ça passait par une sexualisation du corps masculin, y compris cruelle.
01:01:21 C'est quelque chose qui est assez présent dans l'opéra de Pékin,
01:01:27 avec toujours le côté "c'est beaucoup" du truc.
01:01:34 Il a toujours chez Chang Cheh une fétichisation du corps masculin
01:01:42 et une attirance vers la destruction de ce corps.
01:01:46 C'est présent de façon très dérangeante, troublante et très audacieuse dans ses principaux films.
01:01:56 C'est quelqu'un qui ne s'intéresse pas tant que ça au Kung Fu,
01:02:00 mais qui est un grand cinéaste pervers.
01:02:06 Mais quand même assez impressionnant et, encore une fois, jouant un rôle essentiel
01:02:13 parce que tout le monde est passé par l'école de Chang Cheh.
01:02:20 Tous les grands stars masculines de Kung Fu ont tourné avec lui.
01:02:26 Alors on regarde l'extrait.
01:02:29 (extrait de Kung Fu)
01:02:57 (extrait de Kung Fu)
01:03:07 (extrait de Kung Fu)
01:03:17 (extrait de Kung Fu)
01:03:27 (extrait de Kung Fu)
01:03:47 (extrait de Kung Fu)
01:04:11 (extrait de Kung Fu)
01:04:40 (extrait de Kung Fu)
01:04:57 Il faut expliquer que le film est en couleurs.
01:05:00 Il y a une séquence en noir et blanc juste à ce moment-là.
01:05:03 Oui, le film passe en noir et blanc à ce moment-là, je crois que c'est parce qu'il y a trop de sang.
01:05:08 À l'époque, je pense, pour le public, pour la Show Brothers qui produisait le film,
01:05:16 le noir et blanc arrivaient à faire passer des trucs qui auraient été quand même trop violents,
01:05:25 voire insupportables en couleurs.
01:05:29 Donc ils mélangent la couleur et le noir et blanc, mais ça fait partie de...
01:05:33 En fait, ce noir et blanc, à mon avis, produisait l'effet inverse.
01:05:37 C'est-à-dire qu'il renforce la scène, il renforce la cruauté de la scène qui continue comme ça pendant un moment.
01:05:43 Mais oui, il y avait quelque chose quand même qui était perçu comme transgressif et sortant un peu du bord cadre.
01:05:56 Donc ce film-là, ce n'est pas celui de Song Che qu'on passera dans le programme,
01:06:01 mais on pourra, parce que c'est lui qui a initié la trilogie du sabreur Man Chou.
01:06:06 On va passer un seul bras les tuas tous et l'arrache du tigre.
01:06:09 C'est quand même lui qui a initié aussi cette trilogie.
01:06:12 Oui, les sabreurs Man Chou handicapés du Japon, on en a produit beaucoup.
01:06:16 Le plus connu, c'est Zatoichi, Tengu Sazen et tout, pour remettre tout ça en perspective.
01:06:22 Mais lui, effectivement, il en a fait autre chose.
01:06:25 Parce que nous, on était très contents quand on a visité les studios de show,
01:06:27 on a vu le fameux pont de l'arrache du tigre, qui était un peu vermoulu,
01:06:30 mais c'était un pont mythique, ce pont de l'arrache du tigre, le combat final, etc.
01:06:35 C'est vrai que lui, c'est le roi de la césarienne Kung Fu, quand même.
01:06:39 Les éventrements, le corps, etc.
01:06:42 Ce que tu as très bien dit, l'érotisation et puis la martyrologie du corps masculin.
01:06:47 Il est très fort pour ça.
01:06:49 Pour finir sur un extrait de réalisateur dont vous avez cité,
01:06:56 on pourrait regarder Love in a Fallen City, qui est de Hanoi,
01:07:01 qu'on va aussi passer dans le programme.
01:07:02 On va changer complètement de registre.
01:07:04 C'est bien aussi de parler d'une réalisatrice, vous l'avez citée,
01:07:08 qui travaille encore toujours aujourd'hui, dont on va passer quelques films.
01:07:12 Et puis, ça permettra de clore, il y a aussi un écho à l'histoire de Hong Kong.
01:07:18 Et puis de la rétrocession, et de tous ces aspects dont on n'a pas parlé.
01:07:21 Ils en parlaient beaucoup à l'époque, de la rétrocession.
01:07:25 Lu Chia-Liang, je vais aller tourner un film en Chine, je vais peut-être aller à Taïwan.
01:07:29 Le compte à rebours était dans les têtes, et dans ce film-là aussi.
01:07:34 Je vous propose de regarder ça, puis après on pourra laisser la parole à la salle.
01:07:39 [-Vous pouvez rentrer. Prenez votre thé.]
01:07:43 [-Oui, vous pouvez rentrer.]
01:07:45 [-Les deux enfants sont enfin au lit.]
01:07:51 [J'ai appelé à Zhu, il a voulu nous accueillir.]
01:07:56 [Il a dit qu'il allait à la restaurante de Hong Kong, et vous deux aussi.]
01:08:00 [-Vous avez tellement l'intérêt !]
01:08:03 [Vous n'avez pas reposé depuis quelques jours.]
01:08:05 [Vous allez y, ce soir ?]
01:08:08 [-La restaurante de Hong Kong est la plus ancienne dans la ville.]
01:08:12 [Il y a des lumières, des banques, des stages.]
01:08:16 [Ce sont des choses de l'époque.]
01:08:18 [Ce qui était très stylé il y a 40 ou 50 ans n'est pas assez.]
01:08:21 [Sauf les noirs qui portent des pantalons à la hauteur.]
01:08:25 [-Pourquoi ?]
01:08:27 [-C'est la Chine.]
01:08:29 [-Vous devez aller voir, vous deux.]
01:08:32 [Vous pouvez faire le tour.]
01:08:34 [-Ne me considère pas, je ne suis pas sûr.]
01:08:37 [Musique]
01:08:55 [-Mme.Bai, vous dansez très bien.]
01:08:57 [Vous dansez souvent au Shanghai ?]
01:08:59 [-J'ai dansé une seule fois.]
01:09:00 [-Vous êtes une talentueuse dansée.]
01:09:02 [-Vous êtes une talentueuse dansée.]
01:09:04 [Musique]
01:09:11 [Applaudissements]
01:09:18 [-Si M.Fan ne veut pas aider, nous devons manger ces liches ?]
01:09:22 [-Il ne vient pas ?]
01:09:25 [-Il viendra. Nous avons fait du travail pour l'inviter ici.]
01:09:29 [Il viendra.]
01:09:30 [-Je ne comprends pas. Pourquoi il aime Mme.Bai ?]
01:09:33 [-Parce qu'elle vit à l'étranger.]
01:09:35 [Il aime les choses chinoises.]
01:09:37 [-M.Fan et les autres de la classe, sont-ils des amis de Jian Qiao ?]
01:09:41 [-Tiè et Louise sont venus.]
01:09:43 [-Bonjour !]
01:09:44 [-Bonjour !]
01:09:45 [-M.Fan ?]
01:09:47 [Musique]
01:09:54 [-Pourquoi tu ne parles pas ?]
01:09:55 [-Je n'ai pas fini de dire ce que je peux dire.]
01:09:58 [-Pourquoi tu parles en arrière ?]
01:10:03 [-Il y a des choses stupides à dire en arrière, mais aussi en arrière de soi.]
01:10:08 [Par exemple, je t'aime.]
01:10:11 [Je t'aime toute ma vie.]
01:10:13 [-C'est tout bêtise.]
01:10:16 [-Louise veut ouvrir un café à Paris, dans le Boflin ou le Molo.]
01:10:23 [Rires]
01:10:26 [-Pourquoi il parle toujours en arrière ?]
01:10:29 [-Ils sont des étudiants de France, ils sont très romantiques.]
01:10:33 [Le garçon veut faire comme les Français, il veut détruire notre idée de mariage.]
01:10:38 [Il ne veut pas se marier avec une femme.]
01:10:40 [La femme veut faire comme les Français, elle veut détruire notre idée de corruption.]
01:10:44 [Au final, elle ne peut pas le faire, elle veut se marier.]
01:10:48 [Rires]
01:10:49 [C'est une blague.]
01:10:51 [-Nous, on regarde Hong Kong, mais il ne faut pas oublier que Hong Kong nous regarde aussi.]
01:10:55 [-Les clichés sont partout.]
01:10:58 [-Oui, alors, ce film est un étrange hybride, puisque Show Brothers propose à Han Hoi,
01:11:16 qui est la figure importante, je dirais, de la nouvelle vague hongkongaise,
01:11:22 de réaliser un mélo classique à gros budget pour la Show Brothers.
01:11:34 En se disant qu'il y a cette nouvelle génération de jeunes cinéastes,
01:11:37 pourquoi ne pas leur donner leur chance ?
01:11:39 Han Hoi réalise, qui est l'auteur de Both People, de Story of Voviet,
01:11:49 des films qui ont eu une notoriété internationale,
01:11:52 qui ont été montrés à Cannes, qui ont été très reconnus.
01:11:55 C'est la première cinéaste chinoise à avoir une reconnaissance internationale.
01:12:02 Les Show Brothers, qui sont intéressés, voire preneurs de cette notoriété internationale,
01:12:12 lui proposent de tourner un mélo avec deux stars de l'époque.
01:12:18 Chou Yun-fat, jeune, très jeune, et Cora Miaou.
01:12:25 Chou Yun-fat n'est pas encore le Chou Yun-fat superstar du tout,
01:12:30 le genre de superstar qu'on connaîtra par la suite,
01:12:34 mais c'était une valeur sûre du box-office.
01:12:40 Cora Miaou était aussi très connue, elle était, je pense, l'épouse du cinéaste Wen Wang,
01:12:50 cinéaste chinois de San Francisco.
01:12:53 C'est l'un des éléments marquants de Love in a Fallen City,
01:13:13 qui circule entre Shanghai et Hong Kong,
01:13:16 qui raconte comment, au moment de l'arrivée des Japonais,
01:13:28 les Chinois de Shanghai se sont repliés sur Hong Kong.
01:13:34 Une partie du film se passe dans un hôtel, le Repulse Bay Hotel,
01:13:39 qui venait d'être détruit.
01:13:42 C'était un très bel hôtel colonial anglais,
01:13:48 où la meilleure société chinoise venait,
01:13:52 et c'était un lieu de circulation entre les hautes bourgeoisies hongkongaises et les Anglais,
01:14:08 qui étaient la puissance coloniale.
01:14:14 Han Hoi avait voulu reconstituer le Repulse Bay Hotel pour Love in a Fallen City,
01:14:27 et c'est sur ce décor-là que j'avais été la voir.
01:14:30 J'avais suivi une journée de tournage,
01:14:34 en copinant avec Chou Yun-fat et Cora Miao,
01:14:38 je la connaissais déjà, parce que je crois qu'on l'avait rencontrée.
01:14:43 C'était quoi leur film ? Pas Dim Sum ?
01:14:47 Dim Sum.
01:14:48 C'était tout à fait charmant.
01:14:51 Ils étaient à Hong Kong à l'époque.
01:14:55 Ils habitaient à Hong Kong, c'est possible.
01:14:58 Je les ai retrouvés beaucoup plus tard, au moment du film que Wayne Wang a fait sur la rétrocession.
01:15:09 Chinese Box ?
01:15:12 Chinese Box, exactement.
01:15:14 Où il y avait de nouveau Cora Miao et Jeremy Irons.
01:15:17 Et à l'époque je vivais avec Maggie Chung,
01:15:22 qui jouait aussi dans Chinese Box.
01:15:28 J'avais retrouvé tout le monde, y compris Tom Loddy,
01:15:33 qui en était le producteur,
01:15:36 qui était l'un des bras droits de Francisco Péla,
01:15:40 que j'avais rencontré dans d'autres circonstances.
01:15:44 Le Repulse Bay Hotel est devenu un objet tellement mythique dans la culture hongkongaise
01:15:53 qu'il a fini par être reconstruit quasiment à l'identique.
01:15:58 Et, ultime paradoxe, quand j'ai tourné un film à Hong Kong,
01:16:04 "Bording Gate", que j'ai fait avec Asia Argento il y a maintenant un certain temps,
01:16:09 on a tourné dans le Repulse Bay reconstruit.
01:16:13 Et donc il y avait une sorte de pont entre le jeune journaliste des cahiers du cinéma,
01:16:21 le jeune rédacteur des cahiers du cinéma,
01:16:23 l'assistant au tournage d'An Hoi dans le décor du Repulse Bay Hotel,
01:16:30 et moi, bien plus tard, filmant le Repulse Bay reconstitué.
01:16:36 Ce qui est intéressant dans le film, par rapport au roman,
01:16:39 c'est le personnage féminin qui est divorcé et dont le mari meurt.
01:16:45 On veut qu'elle soit la veuve, elle veut s'émanciper de cette contrainte familiale.
01:16:49 Et en même temps le film est assez complexe,
01:16:53 elle tombe amoureuse d'un mec qui est un peu une sorte d'aventurier gigolo.
01:16:56 Et c'est vrai que comme ils ont quitté Shanghai pour Hong Kong et que les japonais débarquent,
01:17:03 on pouvait faire le parallèle entre l'arrivée de la rétrocession, les Chinois, etc.
01:17:08 Mais le film est plus subtil par rapport à cette métaphore possible,
01:17:11 il y a beaucoup de films qui parlent de ça, Hong Kong,
01:17:14 et qui est l'idée qu'ils s'aiment à contre sens de l'histoire avec un H.
01:17:18 Au moment où les japonais bombardent, c'est là où l'amour arrive.
01:17:23 Mais il y a quand même ce côté parallèle qui existe,
01:17:27 qui est très présent dans le cinéma de Hong Kong,
01:17:29 puis même dans les Shaolins,
01:17:32 c'était au moment où la bande des quatre, les pires choses de la Chine.
01:17:37 Les Chinois sont très chinois Han, si je puis dire, en termes ethniques,
01:17:41 et que la dynastie Qing est une dynastie Manchu,
01:17:44 donc les Manchus ce n'est pas des Chinois.
01:17:46 Donc Shaolin devient comme le village astérix par rapport au Roma,
01:17:50 c'est la Chine pure qui résiste face aux Manchus.
01:17:54 Et tout d'un coup quand ces films de Hong Kong, de Shaw Brothers,
01:17:57 prennent ça, le message était clair,
01:17:59 Hong Kong c'est la vraie Chine qui résiste contre la Chine communiste, maoïste,
01:18:02 qui est la négecumène de la mémoire chinoise.
01:18:06 Voir Shaolin qui résiste contre les Manchus,
01:18:09 c'était aussi Hong Kong, la vraie Chine qui résiste contre la Chine dévoyée par le maoïsme.
01:18:14 Il y a des lecteurs politiques dans tous ces films-là qui sont extrêmement intéressants à faire.
01:18:19 Disons que Shaolin était aussi la Chine confucéenne,
01:18:27 par opposition à Wutang qui était l'outseu.
01:18:36 Dans la boxe Kung Fu il y a ce qu'ils appellent le Kung Fu externe,
01:18:42 dit dur, physique, Shaolin, bouddhiste,
01:18:46 et il y a ce qu'on appelle le Kung Fu interne, Wudang, taoïste, du Duf, etc.
01:18:51 Donc c'est aussi deux oppositions qu'on retrouve.
01:18:54 Qui sont le moteur de beaucoup d'intrigues.
01:18:58 Mais l'école de Wudang a existé,
01:19:05 comme le temple de Shaolin a évidemment existé.
01:19:10 Le plus fin sur la politique, là je ne suis pas assez compétent,
01:19:13 parce que je ne connais pas assez l'histoire chinoise,
01:19:15 mais quand on discute avec Kinkou, il vous parlait différemment sur la dynastie Song,
01:19:18 la dynastie Ming, le pouvoir et tout.
01:19:20 Il y avait une connaissance de l'histoire de la Chine.
01:19:22 Et je pense que quand on voit ses films,
01:19:24 il y a des choses qui échappent par rapport à la lecture politique qu'il faisait de l'époque,
01:19:29 qui sont extrêmement complexes.
01:19:31 Parce que lui, outre ce que tu as dit, connaissant la littérature, la peinture,
01:19:35 il y avait aussi une connaissance de l'histoire de la Chine.
01:19:38 Entre le 13ème siècle en France, entre Louis XV, Louis XIII, je ne sais pas quoi,
01:19:41 ce n'est pas la même chose, on le sait un peu nous ici,
01:19:43 lui il le savait parfaitement.
01:19:45 Il y a cette idée que les écoles d'arts martiaux étaient construites souvent en opposition à la dynastie Qing,
01:19:55 à la dynastie Manchu, et que très souvent il s'agissait de combattre.
01:20:01 C'est un fait historique, c'est-à-dire que les écoles d'arts martiaux se sont opposées
01:20:13 et ont lutté, ont pratiqué une guerre de résistance contre l'envahisseur Manchu.
01:20:22 Donc on va être obligés de trouver une conclusion, pas tout de suite, on va laisser la parole à la salle,
01:20:29 mais je pense qu'on a bien balayé toute l'amplitude du...
01:20:34 Non, ce n'est pas assez pour Charles, Charles pourrait continuer, mais on va vous laisser la parole surtout.
01:20:39 (Applaudissements)
01:20:46 Bonsoir, merci d'être là. J'avais une petite question parce que vous allez à Hong Kong en 84, c'est ça ?
01:20:53 Oui.
01:20:54 Donc 4...
01:20:55 En avril 84, il y a 40 ans exactement.
01:20:58 4 années après, si je ne me trompe pas, il y a un système de censure qui se met en place à Hong Kong
01:21:04 par rapport aux films qui pourraient déranger un peu plus la catégorie 3,
01:21:09 c'est-à-dire que certains films étaient marqués comme interdits au public de 18 ans, plus de 18 ans,
01:21:14 même en notant des films passés, donc rétroactivement même.
01:21:19 Je me demandais si vous aviez déjà des échos en 84 d'une volonté politique de censurer certains films,
01:21:25 ou si vous aviez eu des échos en 88, par vos contacts que vous aviez pu faire à l'époque,
01:21:31 de ce système de censure qui s'était mis en place, et s'il avait un impact sur les productions ou pas.
01:21:36 Il s'agit de films, bien sûr, pas le type de film qu'on a vu, quoiqu'il y en ait un qui pourrait peut-être passer dedans.
01:21:42 Mais bon, il y a... Voilà. Donc c'était une question sur ça. Merci beaucoup.
01:21:46 Moi, non, disons que ce qui était... Non, on n'a pas... Non. Enfin, la réponse non, ça ne faisait pas partie du débat, disons.
01:21:55 Non, personne ne nous en a parlé, non. Y compris les gens du festival, les interlocuteurs, non.
01:21:59 C'est pas... Enfin, disons, en tout cas, ça, c'était pas un... Oui. Il n'y avait pas de visibilité, quoi. Voilà.
01:22:10 Je ne sais pas comment le dire autrement. Et je pense que ça a dû changer après, par la suite,
01:22:14 parce qu'il y a eu une production, avec des choses très intéressantes, d'ailleurs, etc. Mais c'était plus tard, je pense.
01:22:28 Merci.
01:22:29 Bonsoir. Avant tout, merci de votre présence et de cet échange. Je suis arrivé un quart d'heure en retard.
01:22:34 Donc peut-être que vous avez déjà abordé le sujet, mais tout simplement, comment vous avez eu l'idée, en fait,
01:22:38 de vous intéresser au cinéma de Hong Kong dans les années 80 ? Comment vous avez eu l'idée ?
01:22:44 On l'a un peu expliqué. On l'a un peu expliqué, mais disons...
01:22:50 Mais je n'étais pas le seul retardataire, donc peut-être...
01:22:52 Moi, je suis un peu... Je suis un peu... Je suis un peu...
01:22:55 Mais disons que...
01:22:57 Mais je n'étais pas le seul retardataire, donc peut-être...
01:22:59 Non, mais disons que ce que je n'ai pas formulé, que je peux formuler peut-être beaucoup plus simplement,
01:23:05 en disant que moi, j'ai écrit sur le cinéma, au cahier du cinéma, entre 1980 et 1985.
01:23:14 Et pendant ces cinq années-là, les deux événements les plus remarquables dans le paysage du cinéma,
01:23:28 c'était la découverte du cinéma chinois, dont on ignorait tout, donc ça m'a beaucoup marqué,
01:23:35 et la révolution des effets spéciaux dans le cinéma américain, qui, de la même manière...
01:23:41 J'ai eu l'impression d'être témoin en direct live d'une transformation radicale
01:23:47 de ce qu'on pouvait faire au cinéma et la manière dont on pouvait le faire.
01:23:51 Donc, d'une certaine façon, j'ai été marqué par ces deux événements,
01:23:55 à une époque où j'étais journaliste, donc, d'une certaine façon, scrutateur des variations sismiques au sein du cinéma.
01:24:09 Et pour moi, c'est pour ça que c'est une des raisons, évidemment, pour lesquelles, avec Charles,
01:24:15 on s'est retrouvés pour faire ce numéro spécial.
01:24:23 Pour répondre très vite, moi, je connaissais les films de Bruce Lee, que j'adorais,
01:24:27 parce que, quand on voit un film, on dit, c'est l'histoire d'un mec, ou c'est l'histoire d'un,
01:24:32 ou ça parle d'un, et quand on avait un Bruce Lee, on fait des gestes.
01:24:37 Donc, le fait qu'on dit qu'on avait un Bruce Lee faisant des gestes, ça dit tout de son cinéma, je trouve.
01:24:41 Après, j'ai vu plein de films chinois à Turin en 82, énormément, j'ai adoré, parce que c'était un continent de cinéma.
01:24:49 Et puis, j'avais vu aussi, au Festival des Trois Continents, à l'Âge d'Adolfe, dans la salle,
01:24:53 je crois que j'ai vu Father Hanson en 81, au Trois Continents, donc j'ai dit, tiens, Hong Kong,
01:25:00 un cinéma réaliste qui montre la ville, parce qu'on n'a pas parlé aussi de ça, c'est-à-dire que c'est du studio,
01:25:05 et tout d'un coup, il y a des gens qui commençaient à filmer la ville, même dans Nomad, qu'on a vu récemment,
01:25:09 Artists Goes By, tout d'un coup, ils se réapproprient la ville, et même le polar hongkongais a permis de filmer la ville,
01:25:14 alors qu'avant, c'était beaucoup des studios, c'était beaucoup le décor Shaolin, temple ancien,
01:25:18 donc il y avait cet aspect-là qui m'a...
01:25:20 - À voir exclusivement. - Oui, exclusivement, exactement.
01:25:22 Et tout d'un coup, ça, et puis voilà, quoi.
01:25:26 Et puis à Pesaro, en 83, j'ai rencontré Kingu, j'ai fait un entretien, il est dans le numéro,
01:25:30 j'ai vu "Raining in the Mountain", qui a été une claque absolue, une sidération magnifique,
01:25:37 un grand film politique sur la convoitise, le pouvoir, la succession, le manuscrit,
01:25:41 je commentais extrait, on n'a pas eu le temps de voir.
01:25:44 Et puis voilà, quoi. Donc rien que ça, ça m'a rendu curieux,
01:25:49 et j'ai découvert encore plus ce qu'il y a de ce polar hongkong sur place, et ça m'a pas lâché depuis.
01:25:56 - Bonsoir, et merci d'être là, du coup.
01:25:59 Moi, j'avais une petite question un peu plus généraliste,
01:26:01 dans le sens où vous arrivez à Hong Kong en 84,
01:26:04 vous découvrez un continent de cinéma, comme vous le dites,
01:26:08 est-ce que vous découvrez une culture, je pense à "Love in the Fallen City",
01:26:11 qui est adaptée d'une nouvelle d'Eileen Chang,
01:26:14 est-ce que vous découvrez aussi une littérature hongkongaise
01:26:17 qui est très, très propre à ce qu'on appelle le "Hong Kong style",
01:26:20 est-ce que vous découvrez aussi cet aspect-là de la culture ?
01:26:24 - Non. Enfin, je veux dire, pour ce qui me concerne,
01:26:30 moi, d'une certaine façon, quand je suis venu à Hong Kong,
01:26:37 d'abord, non, j'ai pas lu la littérature hongkongaise,
01:26:42 parce qu'elle n'était pas traduite, et que je parle pas du Hong Kong,
01:26:45 et que je parle, hélas, pas chinois,
01:26:47 mais par contre, j'ai beaucoup lu François Tcheng,
01:26:50 donc l'art de l'écriture chinoise,
01:26:53 enfin, je me suis nourri de François Tcheng pour comprendre la culture chinoise,
01:26:58 et c'est vrai que ça m'a donné aussi bien sur la poésie,
01:27:02 sur le rapport à ce qu'était la poésie chinoise,
01:27:05 et à ce qu'était la peinture chinoise,
01:27:07 des repères qui m'ont été précieux,
01:27:09 pour moi, pour les gens qui m'ont suivi,
01:27:11 qui connaissaient la peinture chinoise,
01:27:13 des repères qui m'ont été précieux,
01:27:15 pour comprendre ce que je voyais au cinéma,
01:27:18 dans le cinéma que je préférais.
01:27:20 Et, comment dire,
01:27:25 ça a été vraiment mes bibles,
01:27:29 enfin, les deux livres, l'écriture poésie chinoise,
01:27:31 puis l'autre, le nom m'échappe, enfin bon, bref,
01:27:33 c'est celui sur la peinture,
01:27:36 explique, au fond, m'ont donné la grille de lecture,
01:27:42 pour le cinéma chinois.
01:27:45 Donc, d'une certaine façon,
01:27:47 j'ai approfondi mon intérêt, ma curiosité,
01:27:52 pour la culture chinoise,
01:28:00 simultanément, alors que j'écrivais sur le cinéma.
01:28:06 Et puis, il ne faut pas négliger quelque chose
01:28:10 qui, pour moi, a été essentiel,
01:28:12 ça a été la découverte de Simon Leys,
01:28:15 c'est-à-dire ma passion pour la Chine,
01:28:20 pour la culture chinoise,
01:28:21 et pour, d'une certaine façon,
01:28:23 une culture chinoise libre,
01:28:26 qui n'est pas, évidemment, asphyxiée
01:28:28 par la dictature de la bande des Quatre
01:28:32 dans la dernière période du maoïsme.
01:28:36 C'est évidemment Simon Leys qui m'a ouvert les yeux,
01:28:41 et qui, à travers son amour pour la culture chinoise,
01:28:46 m'a remis bien les pendules à l'heure
01:28:49 quant à ce qui était de la politique chinoise de l'époque,
01:28:53 et de la façon dont elle était avalée tout crue
01:28:58 par l'intelligentsia française.
01:29:01 Je n'ai pas lu Simon Leys, contrairement à Olivier,
01:29:04 mais ce qui est très intéressant,
01:29:05 c'est que quand on découvre un pays, une scénographie,
01:29:07 ça donne une soie de culture, si je puis dire.
01:29:09 Et c'est après que j'ai lu beaucoup,
01:29:12 outre François Tcheng, Wensheng,
01:29:14 sa fille sur l'histoire de la pensée chinoise,
01:29:15 Jean-François Bitter sur le taoïsme, c'est magnifique,
01:29:18 et tout et tout.
01:29:19 Jean-François Bitter, c'est magnifique.
01:29:21 Je vous recommande si vous vous intéressez au taoïsme.
01:29:24 C'est magnifique, ces bouquins.
01:29:26 Petit biblio en passant.
01:29:29 Et voilà, c'est vrai que ça,
01:29:32 après que ça m'a permis d'accompagner
01:29:35 et de comprendre le cinéma,
01:29:36 avec cette couche en plus, par rapport à la peinture chinoise,
01:29:39 quand on voit les Kinkou, Montagne, Ciel Haut,
01:29:42 l'histoire de la calligraphie,
01:29:43 j'ai beaucoup lu des textes sur la calligraphie,
01:29:45 parce qu'on n'a pas passé à Renning,
01:29:47 mais il y a le côté...
01:29:48 La calligraphie, ce n'est pas seulement le tracé du pinceau,
01:29:50 mais c'est l'écart du vide,
01:29:52 entre le moment où le pinceau est là et la plaque,
01:29:54 c'est des choses tout à fait passionnantes.
01:29:56 Et quand tout d'un coup on voit les films,
01:29:58 ça les éclaire sur un autre jour.
01:30:00 Nous, je pense qu'on est un peu comme ça, Olivier,
01:30:02 on est allé là-bas, on connaît tout ça,
01:30:04 mais c'est après que ces films-là,
01:30:06 qui nous ont époustouflés, intrigués,
01:30:08 parce qu'il y a une singularité unique,
01:30:10 dans l'esthétique du cinéma mondial,
01:30:11 qui est propre au cinéma de Hong Kong,
01:30:13 propre au cinéma chinois,
01:30:14 aussi chéhoussien, français, etc.
01:30:16 Et tout d'un coup, ça donne envie de comprendre.
01:30:18 - Et si d'une certaine façon,
01:30:20 il y a une chose dont on n'a pas parlé,
01:30:22 qui est quand même un peu,
01:30:24 et qui est tout de même, pour moi, essentielle,
01:30:28 qui ne figure pas dans ce numéro des cahiers,
01:30:30 mais qui pour moi est synchrone,
01:30:33 c'est la découverte du nouveau cinéma taïwanais.
01:30:38 C'est-à-dire que dans le prolongement
01:30:40 de notre voyage à Hong Kong,
01:30:46 j'ai rencontré un jeune critique de cinéma taïwanais
01:30:52 qui m'a dit "mais vous êtes les cahiers du cinéma,
01:30:55 vous défendez le cinéma,
01:30:56 vous défendez le cinéma moderne,
01:30:58 qu'est-ce que vous foutez à Hong Kong
01:31:00 à regarder ces vieilleries du cinéma, d'arts martiaux, etc.
01:31:05 Alors qu'aujourd'hui, à Hong Kong,
01:31:07 le système est en train de se libéraliser,
01:31:09 qu'il y a des jeunes cinéastes
01:31:11 qui font des choses très audacieuses,
01:31:13 qui sont contemporaines, modernes,
01:31:15 et qui devraient plutôt vous aimanter
01:31:18 que ceux sur lesquels vous vous focalisez à Hong Kong.
01:31:24 Je l'ai pris au pied de la lettre
01:31:28 et je lui ai dit "d'accord, je viens à Taïwan".
01:31:31 C'est évidemment un voyage qui m'a indéliblement marqué,
01:31:36 parce qu'à l'époque,
01:31:38 le pays vivait encore sous la loi martiale.
01:31:44 Même s'il commençait à y avoir un mouvement d'opposition.
01:31:49 Chen Kuo-fu, ce jeune critique,
01:31:56 m'a organisé une journée de projection
01:31:59 et le soir, j'ai rencontré les cinéastes.
01:32:01 Cette journée de projection, j'ai vu quatre films,
01:32:04 dont "Les garçons de Feng Kui" de Ho Xiaotian
01:32:09 et "That day on the beach", le premier film d'Edward Yang.
01:32:13 Il y avait une troisième personne qui était là,
01:32:15 l'opérateur d'Edward Yang,
01:32:17 qui était Chris Doyle,
01:32:20 qui deviendra plus tard un des très grands inventeurs de formes du cinéma chinois
01:32:26 à travers sa collaboration avec Wong Kar-wai.
01:32:29 Encore une fois, j'étais aspirant cinéaste,
01:32:35 j'écrivais encore au cahier du cinéma,
01:32:38 mais ma voix, ce n'était pas l'écriture,
01:32:41 ce n'était pas la critique,
01:32:43 pour moi j'avais l'impression de me nourrir
01:32:46 et de nourrir mon désir de devenir cinéaste.
01:32:49 Et donc, avec les cinéastes du nouveau cinéma taïwanais,
01:33:01 pour moi, ce n'était pas un rapport de cinéphile à réalisateur,
01:33:08 c'était des frères, c'était une histoire d'amitié,
01:33:12 en particulier avec quelqu'un pour qui j'ai encore la plus grande affection et passion,
01:33:20 qui est Edward Yang,
01:33:22 mais tout autant avec Ross Yaotian,
01:33:24 avec qui la conversation était plus difficile,
01:33:27 parce que Ross Yaotian ne parle pas anglais,
01:33:29 tandis qu'Edward Yang parlait parfaitement anglais,
01:33:32 il avait étudié aux Etats-Unis,
01:33:34 et donc la communication allait plus vite,
01:33:37 elle était plus vive.
01:33:40 Et évidemment, c'est l'écriture qui m'y a fait penser,
01:33:49 j'ai rencontré aussi à cette occasion-là,
01:33:52 Wen-Yin Chen et Chu-Tien Wen,
01:33:56 qui sont l'un et l'autre des écrivains importants de cette époque-là,
01:34:06 liés au mouvement démocratique,
01:34:09 qui allait finalement avoir la peau de la loi martiale,
01:34:14 imposée par le Kuomintang,
01:34:17 et allait contribuer à ouvrir la porte à la démocratie à Taïwan,
01:34:27 qui reste aujourd'hui la principale démocratie dans le monde chinois.
01:34:32 Je crois qu'il y a une dernière question, là-haut.
01:34:36 Bonsoir, je suis là.
01:34:39 Vous avez évoqué tout au long de cette discussion la notion de filiation,
01:34:46 entre différentes époques, différentes villes de cinéma de Shanghai,
01:34:51 et quelles sont les échos que vous trouvez dans le cinéma contemporain,
01:35:00 que ce soit en Chine ou dans d'autres parties du monde,
01:35:05 quelles traces laissent ces films que vous avez présentés, que vous avez évoqués ?
01:35:12 Grande question.
01:35:15 Pour bien voir tout l'ensemble,
01:35:20 le cinéma chinois est né à Shanghai.
01:35:23 Il s'est développé à Shanghai, il a existé à Shanghai,
01:35:26 y compris pendant l'occupation japonaise, avec la période dite de l'île orpheline,
01:35:30 et aussi avant la victoire des communistes au pouvoir.
01:35:34 Quand la RPC est existée,
01:35:37 eux ont voulu doucement, sûrement et efficacement,
01:35:41 la mort du cinéma shanghaïen, ils ont voulu faire de Beijing la capitale du cinéma.
01:35:46 Je dirais qu'ils ont réussi avec Shanghai,
01:35:48 ils sont en train de réussir avec Hong Kong, qu'ils ont aussi absorbé.
01:35:52 Ce qui est intéressant par rapport à ce centre-là,
01:35:55 et après, quand on a parlé de Marco Muller en 82,
01:35:58 ce qu'il faut savoir aussi, c'est qu'ils ont rouvert la Beijing Film Academy,
01:36:02 à cette époque-là, au moment où on pouvait libérer les pellicules des archives.
01:36:07 Et les Chang Yimou et tous ces cinéastes-là ont découvert,
01:36:12 quand ils étaient à l'école de cinéma, Chang Kai-Kei et plus tard Cha Song-Kei,
01:36:17 ces films-là, faits par les shanghaïens des années 30-40,
01:36:21 et eux, et notamment Cha Song-Kei, ont été bien sûr très influencés
01:36:25 par cette école à la fois du roman sentimental,
01:36:28 de la préoccupation sociale, et Sun Wu, etc.,
01:36:32 qui a influencé ce cinéma plus de la 6e génération que de la 5e, peut-être.
01:36:36 Et à Hong Kong, on a surtout vu le report art martial,
01:36:41 mais c'est vrai qu'avec d'autres cinéastes, dont Han Hoi, Love in the City,
01:36:45 Wong Kar-Wai, le rapport à la mélodrame et à tous ces récits-là...
01:36:49 - Stanley Kwan aussi.
01:36:51 - Stanley Kwan, pardon. Stanley Kwan, central, parce qu'il a même fait un film
01:36:54 avec Maggie Chung sur Huang Lingyu, la star qui s'est suicidée,
01:36:58 Center Stage, qui va sortir, et ils vont ressortir, Stanley Kwan.
01:37:02 - Programmé ici aussi.
01:37:04 - Là, ces cinéastes-là, on voyait qu'ils s'étaient préoccupés par ce lien-là.
01:37:08 Là où c'est plus complexe, c'est par rapport à Taiwan,
01:37:11 c'est vraiment la nouvelle vague qu'il a révélée,
01:37:13 parce qu'il était préférable d'aller travailler à Hong Kong,
01:37:16 parce que Chang Kai-Kei a d'abord été à Taiwan,
01:37:18 et après il est venu travailler à Hong Kong.
01:37:20 - Parfois il a fait l'aller-retour.
01:37:22 - Parfois il a fait l'aller-retour, il était à Shanghai.
01:37:24 - Son premier choix, s'il avait tourné à l'époque du Kuomintang,
01:37:27 mais avant en Chine, un film qui se passait à Taiwan,
01:37:30 et puis il a été là-bas, et tout.
01:37:32 Mais c'est intéressant de voir, parce qu'il y a un cinéma taïwanais qui a existé,
01:37:35 mais qui est un cinéma en langue taïwanaise,
01:37:37 plutôt des 60, quand c'était un cinéma moderne de propagande,
01:37:40 c'est vraiment la nouvelle vague qui a ouvert et qui a créé des nouveaux liens
01:37:43 narratifs et esthétiques, avec le tronc commun, je dirais,
01:37:46 d'un cinéma chinois qui a été éclaté, mais qui a existé à partir de Chang Kai,
01:37:50 à partir de cinéastes importants, Chen Shuli, Fei Mu,
01:37:53 tous ces cinéastes-là.
01:37:55 Et il y a la tradition des arts martiaux, la première étape, ça a été Zhu,
01:37:58 qui a redonné un nouveau souffle à ce genre-là, par rapport à sa prescription,
01:38:01 puis après le Hang Li 2000, avec Zheng Peipei, tous ces trucs-là.
01:38:05 Maintenant tout le monde fait ça en Chine,
01:38:07 et même John Woo en a fait, Trois Royaumes.
01:38:11 - Oui, disons que...
01:38:13 - Mais c'est vrai que c'est intéressant de voir comment...
01:38:16 Parce que les arts martiaux, ils en ont fait dans les années 20 et 30 en Chine,
01:38:20 mais c'est des films perdus, ça existait,
01:38:23 et comme les Japonais ont attaqué la Manchurie,
01:38:26 ils ont bombardé Chang Kai, les studios,
01:38:28 ils sont mis à faire des films réalistes sociaux,
01:38:30 et c'est un peu la fin du genre, qui a ensuite ressuscité Hong Kong.
01:38:34 Donc c'est intéressant de voir comment Chang Kai était le creuset
01:38:37 de tous les genres en termes esthétiques et narratifs,
01:38:40 et comment ils se sont dispersés à différents moments,
01:38:43 et les rentrations, ou reviennent aujourd'hui dans le cinéma chinois.
01:38:46 - Oui, moi je voudrais juste reprendre sur cette question de l'influence,
01:38:51 qu'est-ce qu'il en reste aujourd'hui ?
01:38:56 Et d'une certaine façon, je trouve que le bilan est à la fois...
01:39:01 Oui, il est à la fois déterminant,
01:39:09 parce que je pense que le cinéma chinois,
01:39:12 et l'écriture du cinéma chinois de genre,
01:39:16 a marqué le cinéma international, le cinéma mondial,
01:39:20 donc il me semble qu'il y a un avant et un après,
01:39:23 la découverte de ce cinéma,
01:39:25 qui pendant quelques années a été d'une modernité fulgurante.
01:39:29 Le cinéma hongkongais,
01:39:33 et le cinéma taïwanais qui se libérait,
01:39:38 tout d'un coup,
01:39:40 révélait un nouveau cinéma, une nouvelle manière de faire du cinéma,
01:39:45 et je pense que personne ne faisait des choses aussi fortes ou aussi intéressantes
01:39:50 que ce qui se passait dans ce cinéma à cette époque-là.
01:39:54 Qu'est-ce qu'il en est resté ?
01:39:56 Le cinéma taïwanais, il n'y en a quasiment plus,
01:39:58 le cinéma hongkongais est en train d'être...
01:40:03 on achève de l'asphyxier, la censure chinoise achève de l'asphyxier,
01:40:09 et le cinéma chinois aujourd'hui a été ravagé par la censure,
01:40:15 et les jeunes cinéastes chinois,
01:40:17 je ne crois pas qu'ils puissent faire les films qu'ils ont envie de faire,
01:40:20 ou qu'ils pourraient faire, et qu'ils pourraient faire,
01:40:22 et qu'ils raconteraient aujourd'hui le monde dans lequel ils vivent.
01:40:29 Là où je n'aurais pas parié là-dessus,
01:40:33 parce que je pensais que la censure se dénourait progressivement,
01:40:38 que le cinéma qui pourrait y avoir dans une Chine éventuellement libéralisée,
01:40:47 un cinéma chinois ambitieux, moderne, stimulant, etc.,
01:40:56 c'est le contraire qui s'est passé.
01:40:58 C'est un peu la censure qui a eu la peau de ce qui se faisait d'intéressant,
01:41:02 et aujourd'hui, qu'est-ce qui se fabrique ?
01:41:05 Au fond, dans le meilleur des cas, on peut dire que c'était Tsui Hark qui avait raison.
01:41:10 C'est Zhu et le film matrice des mégas productions,
01:41:16 des blockbusters chinois qui aujourd'hui envahissent les écrans en Chine,
01:41:22 et qui sont d'un intérêt inégal,
01:41:25 parce qu'ils n'ont certainement pas la liberté de penser,
01:41:28 la vivacité, la profondeur de ce qu'on fait en leur temps.
01:41:33 Carway, Hosia Hossienne ou Edward Yang,
01:41:37 et évidemment on ne peut que le déplorer.
01:41:40 Ce sera sur ces mots un peu mélancoliques,
01:41:45 on va vous remercier tous d'être venus ce soir.
01:41:48 Merci beaucoup Charles Tesson et Olivier Assaillas.
01:41:51 (Applaudissements)