Cours de cinéma par Anne Kerlan (directrice de recherche au CNRS, historienne de la Chine et du cinéma chinois).
https://www.forumdesimages.fr/les-programmes/toutes-les-rencontres/cours-les-cinemas-de-hong-kong-et-shanghai-en-miroir-des-origines-aux-annees-1950-par-anne-kerlan
---
Le Forum des images : au centre de Paris, bat le cœur du 7e art !
Rencontres exceptionnelles, cours de cinéma et conférences, festivals… un concentré du meilleur de ce qui se passe toute l’année au Forum des images.
Toute la programmation :
http://www.forumdesimages.fr/
@forumdesimages et #forumdesimages
https://www.forumdesimages.fr/les-programmes/toutes-les-rencontres/cours-les-cinemas-de-hong-kong-et-shanghai-en-miroir-des-origines-aux-annees-1950-par-anne-kerlan
---
Le Forum des images : au centre de Paris, bat le cœur du 7e art !
Rencontres exceptionnelles, cours de cinéma et conférences, festivals… un concentré du meilleur de ce qui se passe toute l’année au Forum des images.
Toute la programmation :
http://www.forumdesimages.fr/
@forumdesimages et #forumdesimages
Category
🎥
Court métrageTranscription
00:00:00 (Applaudissements)
00:00:02 Merci beaucoup Zeynep et merci au Forum des images de m'inviter.
00:00:07 Merci à vous d'être là ce soir alors qu'il fait si beau dehors
00:00:12 et que c'est l'heure de l'apéro en terrasse.
00:00:14 En plus, vous risquez de manquer le concert de Taylor Swift
00:00:18 parce qu'on risque de terminer un peu trop tard.
00:00:21 (Rires)
00:00:23 Donc vraiment, je vous remercie d'être là.
00:00:30 Cette rétrospective organisée par le Forum,
00:00:35 le portrait d'une ville Hong Kong en 100 films,
00:00:39 vous permet de découvrir la variété du cinéma de Hong Kong.
00:00:44 Et je vous remercie de m'être accueillie.
00:00:48 Je me suis donné comme objectif de vous montrer encore plus de variété
00:00:54 et de vous montrer des aspects de ce cinéma
00:00:57 qui pour des raisons très simples,
00:01:00 qui sont la difficulté d'accès aux films,
00:01:04 ce sont des films qu'on ne voit pas facilement
00:01:07 et dont je vais vous montrer pour certains des extraits
00:01:10 dont vous m'excuserez de la qualité qui n'est pas excellente.
00:01:13 Mais c'est mieux que rien.
00:01:16 Alors, Hong Kong, on le dit souvent, c'est un carrefour.
00:01:23 On le dit sur le plan commercial en particulier.
00:01:28 Alors, Hong Kong, c'est là, tout là-haut de la carte.
00:01:34 Et souvent, quand on pense à Hong Kong comme un carrefour,
00:01:37 on pense à la façon dont il est construit.
00:01:40 On pense à la façon dont il est en lien avec Taïwan
00:01:45 et toute l'Asie du Sud-Est.
00:01:48 Et c'est vrai aussi pour le cinéma.
00:01:51 Si vous connaissez un tout petit peu les compagnies
00:01:55 comme la Shaw Brothers ou la Cathay,
00:01:57 qui sont de grandes compagnies à Hong Kong,
00:02:00 ce sont aussi des compagnies qui ont diffusé
00:02:03 dans toute l'Asie du Sud-Est leurs films.
00:02:06 Ce qu'on sait peut-être un petit peu moins, encore que,
00:02:11 c'est que Hong Kong est aussi un carrefour
00:02:13 parce qu'il est situé tout au sud de la Chine
00:02:18 et qu'il entretient des liens très particuliers
00:02:22 avec la région de Canton, Guangzhou, comme on dit aujourd'hui,
00:02:26 mais aussi avec la ville de Shanghai.
00:02:30 Et c'est de ceci dont je vais vous parler aujourd'hui.
00:02:33 Alors pourquoi y a-t-il des liens très forts
00:02:36 dans le cinéma entre Hong Kong et Shanghai
00:02:40 et pourquoi particulièrement Shanghai
00:02:43 de toutes les villes chinoises ?
00:02:45 Alors, Shanghai, vous le savez peut-être,
00:02:49 est une des villes qui, en Chine, a connu,
00:02:53 dès la fin du 19e siècle,
00:02:56 une présence étrangère occidentale importante
00:03:00 du fait de la présence de concessions
00:03:03 dans la ville de Shanghai.
00:03:05 Mais contrairement à Hong Kong,
00:03:07 et c'est quelque chose à bien noter,
00:03:10 ce n'est pas une colonie à part entière.
00:03:13 Hong Kong est une colonie britannique,
00:03:15 elle a le statut de colonie,
00:03:17 elle l'aura jusqu'en 1997,
00:03:19 alors que Shanghai est une ville
00:03:21 avec une identité politique différente.
00:03:24 Shanghai est une ville administrée en partie par la Chine.
00:03:29 Et c'est aussi une ville qui,
00:03:33 dans les années 1920,
00:03:35 va connaître l'émergence des mouvements politiques,
00:03:38 comme le Parti communiste et les mouvements syndicalistes,
00:03:42 ce qui n'est pas du tout le cas de Hong Kong,
00:03:45 où la question politique est bien entendu
00:03:48 sous contrôle de la couronne britannique,
00:03:51 ce qui ne laisse pas beaucoup de possibilités
00:03:53 à la communauté chinoise.
00:03:55 Il y a, entre Hong Kong et Shanghai,
00:03:59 cela dit, quelques similitudes.
00:04:02 Il y a des similitudes dans la façon
00:04:04 dont ces deux villes ont été un petit peu considérées
00:04:08 dans l'imaginaire chinois,
00:04:10 là encore, on va dire 19e, 20e siècle,
00:04:13 et dans certains préjugés qui perdurent.
00:04:16 Il y a l'idée que Hong Kong est associée à Canton,
00:04:20 à la population cantonaise,
00:04:22 et que cette population cantonaise
00:04:24 est une population essentiellement de marchands.
00:04:27 Vous le savez peut-être,
00:04:29 mais Canton a été le port d'entrée,
00:04:32 entre autres, de l'opium en Chine.
00:04:34 Et donc, toute l'histoire de l'opium
00:04:37 et du commerce de l'opium
00:04:39 est très liée à la ville de Canton,
00:04:41 et cette idée de Canton comme lieu de marchands.
00:04:46 Shanghai, à l'inverse,
00:04:48 est située dans une région de la Chine
00:04:51 qui, plus traditionnellement,
00:04:54 est associée à la culture lettrée,
00:04:57 à la culture des anciens fonctionnaires lettrés,
00:05:02 donc de ceux, comme le nom l'indique,
00:05:05 qui lisaient, écrivaient, composaient de la poésie,
00:05:08 faisaient de la peinture,
00:05:11 donc une culture dite élégante
00:05:13 et qui était considérée comme très détachée
00:05:17 des questions matérielles et financières.
00:05:19 Bon, ça c'était dans les idéaux
00:05:22 et pas toujours dans la réalité.
00:05:24 Mais il y avait donc cette espèce d'opposition
00:05:26 entre Hong Kong, ville de marchands cantonais,
00:05:30 et puis Shanghai, une ville
00:05:33 qui s'est développée dans un lieu de Chine
00:05:38 plus élégant, plus raffiné.
00:05:40 Mais en vérité,
00:05:44 il y a quand même beaucoup de points communs
00:05:46 entre ces deux villes.
00:05:47 D'abord, il y a beaucoup de cantonais
00:05:49 qui vivent à Shanghai.
00:05:52 Il y a une grosse communauté cantonaise.
00:05:56 On peut aussi remarquer qu'aucune des deux villes
00:05:58 n'a été le siège du pouvoir chinois anciennement.
00:06:02 Donc ce ne sont pas des anciennes capitales,
00:06:04 ce ne sont pas des villes
00:06:07 qui ont un passé politique fort.
00:06:10 Et ce sont des villes qui se sont développées
00:06:13 au 19e siècle de par le commerce.
00:06:16 Et l'industrie.
00:06:18 Si bien que ce sont aussi des villes
00:06:20 où on a une bourgeoisie urbaine importante.
00:06:24 Et puis, il faut quand même le noter,
00:06:26 une proximité géographique,
00:06:28 puisqu'il suffit, si je puis dire,
00:06:31 de prendre le bateau
00:06:33 pour aller de la région cantonaise,
00:06:35 Hong Kong canton, jusqu'à Shanghai.
00:06:38 En tout cas, ce qui est certain,
00:06:40 c'est que quand le cinéma est arrivé en Chine,
00:06:44 Hong Kong et Shanghai,
00:06:47 plus que toute autre ville,
00:06:49 ont été des pôles associés à cette modernité occidentale
00:06:53 qui arrivait et que représentait le cinéma.
00:06:56 Alors, un petit point pour préciser,
00:06:58 parce que je vous parle là de canton Hong Kong.
00:07:01 Hong Kong est une ville
00:07:03 qui s'est développée comme colonie britannique,
00:07:07 et où la population locale
00:07:09 est essentiellement une population
00:07:11 issue de la région de canton.
00:07:13 Très souvent, ce sont des gens, par exemple,
00:07:15 qui seront nés à canton,
00:07:17 mais qui vont résider à Hong Kong,
00:07:19 ou faire du commerce à Hong Kong,
00:07:21 ou qui seront nés à Hong Kong,
00:07:23 mais ont des racines familiales à canton.
00:07:25 Donc très souvent, si vous voulez,
00:07:27 quand on parle de la communauté chinoise de Hong Kong,
00:07:30 on pense en arrière-plan
00:07:32 à toute cette attache avec canton.
00:07:35 Alors, ces ressemblances et ces différences
00:07:38 dont je viens de vous parler,
00:07:40 expliquent que les deux villes,
00:07:42 sont vues comme proches et concurrentielles
00:07:44 pour ce qui est du développement du cinéma,
00:07:46 et qu'il y a eu beaucoup d'échanges,
00:07:48 soutenus et fructueux.
00:07:50 Et je dirais même que,
00:07:52 pour aller un petit peu à l'encontre
00:07:54 de ce que racontent les historiens
00:07:56 du cinéma en Chine continentale,
00:07:59 on pourrait dire que le cinéma chinois
00:08:03 s'est inventé et s'est développé
00:08:05 dans une zone géographique
00:08:07 qui serait le sud de la Chine,
00:08:09 et qui comprend en fait
00:08:11 aussi bien Shanghai que Hong Kong,
00:08:13 dans une diversité de langues aussi,
00:08:16 qu'il s'agisse donc du cantonais,
00:08:19 parlé à canton, mais aussi majoritairement à Hong Kong,
00:08:23 du shanghaien, qui est le dialecte dominant à Shanghai,
00:08:28 et puis un petit peu plus tard,
00:08:30 quand il va se développer, le mandarin,
00:08:32 qui est la langue commune
00:08:34 qui sera imposée par le gouvernement nationaliste
00:08:36 en place en Chine à partir de 1931.
00:08:40 Il y a aussi beaucoup d'échanges
00:08:42 et d'emprunts culturels variés.
00:08:44 Il y a des échanges entre des hommes et des femmes
00:08:47 pendant le cinéma, qu'il s'agisse de réalisateurs,
00:08:49 d'acteurs, d'actrices et aussi de producteurs.
00:08:52 Il va y avoir des échanges de genres
00:08:54 pour les films de fantômes, les films d'art martiaux,
00:08:56 les comédies musicales,
00:08:58 et puis on en parlera un petit peu aussi
00:09:00 des échanges en termes de films.
00:09:04 Il y a comme un jeu de remake
00:09:06 entre des films qui vont être faits à Shanghai
00:09:09 dans un premier temps, et puis ensuite à Hong Kong,
00:09:11 ou vice versa.
00:09:13 C'est un petit peu tout ça que je me propose
00:09:16 de vous montrer ce soir,
00:09:19 en commençant par la question des débuts.
00:09:24 Je vais aller assez vite,
00:09:26 parce que ce n'est pas l'aspect le plus amusant
00:09:30 de cette conférence.
00:09:32 Ne vous inquiétez pas, par la suite,
00:09:34 on va chanter et même danser, si vous le voulez.
00:09:36 Mais revenons-en au début du cinéma en Chine.
00:09:40 Il y a en fait une vraie concurrence
00:09:44 dans les récits des historiens
00:09:46 sur l'arrivée du cinéma en Chine.
00:09:48 Très souvent, je dirais très longtemps,
00:09:51 on a dit que le cinéma était arrivé à Shanghai
00:09:56 en 1896.
00:09:59 Mais des recherches plus récentes
00:10:02 contredisent cette version des faits.
00:10:04 Pendant longtemps, les historiens se sont appuyés
00:10:07 sur cet article paru dans un journal
00:10:10 du 10 août 1896, un journal shanghain,
00:10:13 qui annonce un spectacle d'ombre occidentale
00:10:19 dans un jardin qui s'appelle le Jardin Xu.
00:10:23 À partir de là, les historiens avaient dit
00:10:26 que la première fois où le cinéma a été montré en Chine,
00:10:30 c'est à Shanghai, dans un de ces jardins.
00:10:33 Plus récemment, des chercheurs se sont penchés
00:10:40 sur le terme "ombre occidentale magique"
00:10:43 et se sont rendus compte que très probablement,
00:10:47 il ne s'agissait pas de cinéma,
00:10:49 mais de spectacles de lanternes magiques
00:10:51 qui étaient extrêmement populaires
00:10:53 et qui sont restés extrêmement populaires
00:10:55 à Shanghai jusqu'à les années 1950.
00:10:57 Ils peuvent être considérés comme un ancêtre du cinéma,
00:11:01 mais qui n'est pas le cinématographe
00:11:05 avec l'image en mouvement que nous connaissons.
00:11:09 Il y a déjà eu une question linguistique
00:11:14 qui s'est posée pour réinterpréter cet article.
00:11:17 Des chercheurs basés à Hong Kong
00:11:21 ont fait leurs propres recherches
00:11:23 dans les journaux locaux et se sont rendus compte
00:11:27 qu'il y avait des annonces pour l'arrivée
00:11:30 du cinématographe Lumière en avril 1897 à Hong Kong.
00:11:37 L'annonce est très claire.
00:11:39 Contrairement à l'annonce précédente
00:11:41 qui parle d'ombre occidentale magique,
00:11:43 on a une publicité pour l'arrivée
00:11:47 d'un projectionniste français, Maurice Charvet,
00:11:50 qui arrive à Hong Kong
00:11:54 et qui va projeter tout un programme de vue lumière
00:11:57 les 26 et 28 avril 1897,
00:12:01 alors on a même l'heure, à 11h du matin,
00:12:04 et le lieu.
00:12:06 Il s'agissait du St Andrew Hall,
00:12:09 dans ce qui était à l'époque le Hong Kong City Hall,
00:12:12 donc la mairie de Hong Kong.
00:12:15 On dit même qu'un millier d'enfants
00:12:18 d'une des écoles prestigieuses de Hong Kong,
00:12:22 le Queen's College,
00:12:24 allaient participer à cette projection.
00:12:27 Cela semble donc être avéré
00:12:30 que l'arrivée du cinématographe dans l'espace chinois
00:12:34 se fait par Hong Kong,
00:12:36 ce qui finalement est assez logique
00:12:38 quand on pense au trajet des bateaux
00:12:40 qui arrivaient d'Europe
00:12:43 et dont le premier port de rencontre
00:12:46 était Hong Kong, avant de remonter le long de la côte.
00:12:50 Il semblerait que cette même année,
00:12:54 Maurice Charvet a continué son voyage
00:12:58 pour se rendre à Shanghai,
00:13:01 vous voyez, un mois plus tard,
00:13:03 donc on est quand même sur une bataille de dates assez serrées,
00:13:08 et qu'il aurait aussi à ce moment-là montré des vues lumières.
00:13:13 D'après ce qu'on a des programmes qui nous restent,
00:13:18 il aurait montré par exemple le Jubilé de la Reine,
00:13:22 le Couronnement du Tsar,
00:13:24 quelques scènes parisiennes,
00:13:26 telles la Place de la Concorde, la Seine.
00:13:29 Ce qu'il faut aussi savoir,
00:13:31 c'est qu'au même moment à Shanghai,
00:13:35 il y a d'autres personnes qui vont montrer
00:13:38 des équivalents du cinématographe,
00:13:41 puisque vous le savez peut-être,
00:13:43 mais en vérité, et même si nous en sommes très fiers,
00:13:46 la lumière se fait en même temps que d'autres inventions d'images animées,
00:13:50 d'autres techniques,
00:13:52 par exemple un fameux animatoscope d'un Américain
00:13:57 qui s'appelle Harry Welby Cook.
00:14:00 Et donc il semble qu'à Shanghai,
00:14:02 ce soit aussi l'animatoscope qui ait été montré,
00:14:05 en plus des vues lumières.
00:14:07 En tout cas, ce qui paraît certain et important à retenir,
00:14:12 c'est que dans les deux cas,
00:14:14 pour Hong Kong comme pour Shanghai,
00:14:16 le public qui voit ces films n'est pas le public chinois.
00:14:19 C'est d'abord et avant tout le public des Occidentaux
00:14:22 qui vivent à Shanghai ou à Hong Kong.
00:14:26 Le Hong Kong City Hall,
00:14:28 où les enfants du Queen's College en 1897
00:14:32 sont très majoritairement des enfants de colons britanniques,
00:14:38 pour Hong Kong.
00:14:40 Et le lieu à Shanghai où la projection s'est faite,
00:14:44 c'est le Hastor House,
00:14:46 qui existe toujours si vous connaissez Shanghai,
00:14:49 qui d'ailleurs maintenant a tout un couloir
00:14:52 qui commémore cette première projection.
00:14:55 Mais c'était aussi un hôtel et une maison
00:14:59 fréquentés par les Occidentaux,
00:15:01 et plutôt les Occidentaux fortunés,
00:15:04 qui disposaient de moyens.
00:15:07 On a beaucoup moins de données pour savoir
00:15:11 ce que les Chinois ont pu voir,
00:15:13 aussi bien à Hong Kong qu'à Shanghai, à cette époque.
00:15:16 On dit que des projections ont eu lieu en plein air,
00:15:19 dans des maisons de thé et des restaurants de colounes,
00:15:22 mais les recherches aujourd'hui restent encore assez lacunaires.
00:15:26 Un autre moment de concurrence entre Hong Kong et Shanghai,
00:15:31 c'est la question du premier film.
00:15:34 Ce sont des questions qui agitent beaucoup les historiens du cinéma en Chine.
00:15:39 Où est le premier film ?
00:15:41 Alors là c'est le premier film de fiction,
00:15:43 et là ce n'est pas compliqué.
00:15:45 En vérité, la question qui se pose c'est
00:15:47 est-ce que ce serait d'abord à Shanghai en 1913,
00:15:50 avec un film aujourd'hui perdu qui s'appelle "Un couple malheureux",
00:15:55 ou est-ce que ce serait Hong Kong également en 1913,
00:15:59 donc lequel est le premier, ça devient vraiment très compliqué à savoir,
00:16:03 avec un film qui a un titre...
00:16:08 Donc Zhuangzi teste sa femme, je vous le lis parce que la diapo n'est pas très claire.
00:16:13 En tout cas, ce qui est intéressant dans les deux cas,
00:16:17 c'est que ce sont des films qui ont pu se faire avec l'aide d'Américains
00:16:24 qui étaient sur place et qui essayaient de développer le cinéma sur place.
00:16:28 Dans le cas de Shanghai,
00:16:30 il s'agit d'Américains qui avaient fondé un studio
00:16:33 et qui ont proposé à deux autres Chinois,
00:16:36 donc je vous ai mis leur nom, Zhang Shichuan et Zhang Zhengqiu,
00:16:39 de s'associer pour tourner.
00:16:42 Et en fait, l'importance de ce film,
00:16:45 c'est que ces deux Chinois, Zhang Shichuan et Zhang Zhengqiu,
00:16:48 vont apprendre les techniques du cinéma avec ces deux Américains,
00:16:51 et vont ensuite eux-mêmes développer le cinéma,
00:16:54 et vont finir par fonder une des grandes compagnies cinématographiques
00:16:58 de Shanghai d'avant-guerre.
00:17:00 Et puis, à Hong Kong,
00:17:03 avec Zhang Zhengqiu, test de sa femme,
00:17:06 on est dans une situation un petit peu similaire,
00:17:09 dans le sens où c'est un Américain qui s'appelle Benjamin Brodsky
00:17:13 qui va financer et apporter les équipements pour que le film se fasse.
00:17:18 D'ailleurs, ce fameux Benjamin Brodsky va tellement bien financer
00:17:23 qu'il va se considérer comme propriétaire du film,
00:17:26 qu'il va emmener avec lui le montrer aux Etats-Unis,
00:17:29 si bien que le film ne sera jamais montré à Hong Kong.
00:17:32 Mais il n'empêche que les Hongkongais sont évidemment très fiers
00:17:36 de l'existence de ce film.
00:17:39 C'est un film qui est adapté,
00:17:42 et ça on en reparlera parce que c'est quelque chose
00:17:45 qui est une espèce de constante dans le cinéma de Hong Kong,
00:17:48 adapté d'un opéra cantonais,
00:17:51 et qui met en scène le sage Zhong Zhe,
00:17:54 qui décide de tester la fidélité de son épouse.
00:17:57 Alors comment fait-il ? Il fait semblant de mourir,
00:18:01 il simule son enterrement pour voir ce que sa femme va faire,
00:18:05 et sans plus attendre, sa femme prend un amant,
00:18:08 dédaignant même d'aller se recueillir sur la tombe du défunt.
00:18:12 Mais l'amant, évidemment, n'est que Zhong Zhe déguisé,
00:18:16 et se rendant compte de sa dévue,
00:18:19 la femme va se suicider pour échapper à l'opprobre.
00:18:22 Alors c'est un film, dit-on, parce qu'il est perdu,
00:18:25 qui avait des effets spéciaux,
00:18:28 avec l'apparition du fantôme de Zhong Zhe,
00:18:31 et c'est aussi un film qui reste dans l'histoire
00:18:34 parce que c'est la première fois qu'une femme joue dedans.
00:18:37 Jusqu'à présent, les très courts métrages tous perdus
00:18:40 que l'on a de cinéma chinois,
00:18:43 et dans les pièces de théâtre classiques,
00:18:46 les rôles de femmes sont joués par des hommes.
00:18:49 Mais le réalisateur et acteur du film, Lai Man Wai,
00:18:55 a demandé à sa femme,
00:18:58 Yen Shan Shan, ou si vous prononcez à la cantonaise,
00:19:01 Yim San San, de jouer dans le film.
00:19:04 Alors je voudrais justement m'arrêter deux minutes
00:19:07 sur la personnalité de Lai Man Wai,
00:19:10 parce que c'est vraiment quelqu'un de très important
00:19:13 dans l'histoire du cinéma chinois, et pas seulement du cinéma hongkongais.
00:19:16 Lai Man Wai est vraiment typique d'une bourgeoisie hongkongaise,
00:19:21 très occidentalisée, très éclairée.
00:19:24 Il est né dans une famille de marchands cantonais localisés à Hong Kong.
00:19:30 Il a fréquenté dans sa jeunesse les cercles de la bourgeoisie hongkongaise.
00:19:35 Il est allé, lui, au Queen's College et au Saint-Paul College,
00:19:39 donc il fait vraiment partie de cette bourgeoisie cantonaise hongkongaise
00:19:43 éduquée à l'occidental.
00:19:46 Il était très proche des milieux protestants de la colonie.
00:19:49 Il s'est impliqué dans les activités de la YMCA de Hong Kong,
00:19:53 mais tout en gardant beaucoup de liens avec la communauté marchande de canton,
00:19:58 et aussi, il faut le dire, la communauté cantonaise au Japon.
00:20:03 Alors Lai Man Wai est quelqu'un qui, en raison de toutes ses origines,
00:20:09 est très sensible à la question politique.
00:20:14 Il soutient les mouvements révolutionnaires qui, à l'époque, en Chine,
00:20:18 veulent chasser les étrangers.
00:20:20 C'est-à-dire, en Chine, à l'époque, on est encore sous l'Empire,
00:20:24 donc les empereurs Manchu.
00:20:26 Et puis, évidemment, toute la question de la colonisation se pose également.
00:20:30 Il a adhéré au parti fondé par celui qu'on appelle
00:20:36 le père de la nation chinoise moderne, c'est-à-dire Sun Yat-sen.
00:20:40 Et il a participé à la révolution de 1911,
00:20:44 qui renverse donc la dynastie d'I Ching à Canton.
00:20:48 Mais très vite, il décide d'être actif dans les milieux artistiques
00:20:53 plutôt que dans les milieux politiques.
00:20:55 Il fait le choix de l'art plutôt que du combat politique,
00:20:58 en développant, en mettant en scène des pièces de théâtre,
00:21:02 qui sont donc des pièces de théâtre politiques,
00:21:05 pro-révolutionnaires, ce qui évidemment ne plaît pas du tout
00:21:09 aux colons britanniques, qui interdisent à Lai Man Wai
00:21:12 de continuer ses activités.
00:21:14 Et puis, Lai Man Wai va s'intéresser très tôt à la photographie au cinéma.
00:21:18 Et là, vous avez un autoportrait qu'il a fait de lui-même, tout jeune,
00:21:22 en s'amusant avec les trucages possibles par le miroir.
00:21:29 Et il va, avec son frère, fonder, juste après la Première Guerre mondiale,
00:21:37 la première compagnie hongkongaise qui va s'appeler la Sun, le Soleil.
00:21:41 Mais, là encore, interdiction de la couronne britannique, lui est donnée,
00:21:48 de tourner à Hong Kong.
00:21:50 Parce que les Anglais considèrent que ce personnage est un peu trop politisé,
00:21:56 un peu trop proche des mouvements révolutionnaires,
00:21:58 et ils n'ont pas très envie qu'il aille filmer ce qui se passe dans la colonie,
00:22:04 ou qu'il mette en scène des films qui pourraient éveiller
00:22:09 les velléités anticoloniales de la communauté chinoise sur place.
00:22:16 Alors, le résultat, c'est que Lai Man Wai va faire le choix
00:22:21 de tourner à Canton, qui est tout proche de Hong Kong,
00:22:24 mais qui échappe aux décisions britanniques.
00:22:27 Et puis, surtout, à partir de 1925, il va transférer une partie de ses activités à Shanghai.
00:22:34 Et il va fonder l'équivalent de la compagnie hongkongaise, la Sun, à Shanghai.
00:22:39 Et par la suite, et là je vais très vite, il va contribuer à la naissance
00:22:46 d'une des grandes compagnies shanghaïennes, qui s'appelle l'Alien Roi,
00:22:50 qui est fondée en 1930, et qui est une compagnie dans laquelle
00:22:55 les hongkongais et les cantonnais ont un rôle vraiment primordial,
00:23:00 à la fois parce que ce sont eux qui vont avoir l'initiative de la fonder,
00:23:05 mais aussi parce qu'ils vont faire appel au financement de toute cette communauté
00:23:10 marchande hongkongaise, qui va donc devenir actionnaire de la compagnie.
00:23:18 En même temps, ils n'ont pas donné beaucoup d'argent,
00:23:20 ce qui fait que la compagnie a eu de graves problèmes financiers
00:23:22 pendant tout le long de son existence.
00:23:24 Mais en tout cas, en effet d'annonce, c'était vraiment une compagnie soutenue
00:23:28 par toute la communauté bourgeoise, les élites hongkongaises.
00:23:34 Donc vous voyez, les débuts du cinéma chinois se font en parallèle
00:23:39 entre Hong Kong et Shanghai, avec déjà des allées et venues entre les deux villes.
00:23:46 Et avec l'Alien Roi, il faut bien se souvenir de la façon dont les hongkongais
00:23:50 ont aussi permis l'essor du cinéma au-delà de Hong Kong, en Chine et en particulier à Shanghai.
00:23:57 Alors, venons-en à la façon dont justement ce cinéma chinois s'est mis en place.
00:24:05 Quand Lai Man Wai arrive à Shanghai, on est au milieu des années 1920,
00:24:11 et le cinéma chinois est à la recherche de sa propre identité.
00:24:15 Dans les années 1920, ce qui domine le marché du film,
00:24:21 ce que voient principalement les spectateurs à Shanghai,
00:24:25 ce sont des films américains, des films produits à Hollywood.
00:24:30 C'est jusqu'à 80 à 90% des films montrés en salles,
00:24:34 aussi bien pour les spectateurs occidentaux que pour les spectateurs chinois,
00:24:39 qui sont des films hollywoodiens.
00:24:41 Évidemment, la communauté chinoise, intellectuelle et artistique,
00:24:48 se pose la question de comment, face à cette masse de films américains,
00:24:55 développer un cinéma qui aurait son identité locale.
00:25:00 Et une des réponses va être la volonté d'adapter au cinéma
00:25:07 des films en costume, des opéras,
00:25:13 des histoires de fantômes, des histoires qu'on rencontre beaucoup dans la littérature chinoise classique,
00:25:20 des films d'art martiaux,
00:25:23 alors le terme "art martiaux" n'est pas l'exacte traduction,
00:25:27 il faudrait dire plutôt des films de chevaliers et chevalières, vous allez le voir, combattants.
00:25:36 Et donc tous ces films de genre qui vont par la suite être très associés au cinéma de Hong Kong,
00:25:43 s'inventent en vérité au départ à Shanghai,
00:25:47 dans ce moment où les Shanghaiens cherchent à inventer leur cinéma face au cinéma hollywoodien.
00:25:58 Alors comment cela s'est-il passé ?
00:26:04 Les compagnies vont proposer à leurs spectateurs des films inspirés de ces légendes,
00:26:12 souvent ce sont des films à très petit budget,
00:26:15 le cinéma shanghaien et chinois est un cinéma très pauvre par rapport au cinéma hollywoodien.
00:26:22 Par ailleurs il y a un manque de formation,
00:26:25 les acteurs et actrices ne sont pas toujours excellents,
00:26:29 pour ce qu'on en sait, parce que là encore je vous parle de films malheureusement presque tous disparus.
00:26:35 Mais il va y avoir une compagnie qui va se spécialiser dans ces films,
00:26:39 qui sont des films très populaires,
00:26:41 et c'est une compagnie qui s'appelle la compagnie "Tianyi",
00:26:46 qui veut dire "unique", la traduction en anglais de son nom est "unique".
00:26:51 Elle est fondée à Shanghai en 1925 par toute une famille dont le nom chinois est la famille "Chao",
00:27:03 et si l'on reprend la prononciation cantonaise c'est la "Chow".
00:27:07 Pour ceux qui connaissent un peu le cinéma de Hong Kong, c'est évidemment l'ancêtre de la "Chow Brothers".
00:27:14 Ce sont des frères de la famille "Chow",
00:27:19 Jun-Ju, Jun-Me et Jun-Jun, et Jun-De, j'en oubliais ils sont quatre,
00:27:24 qui vont fonder cette compagnie unique.
00:27:28 Les frères "Chow" étaient très bouddhistes,
00:27:34 et donc ils ont aussi eu envie dans leurs films de faire passer leurs croyances, leurs religions,
00:27:42 en adaptant en particulier pas mal d'histoires issues du répertoire des bouddhistes.
00:27:52 Le premier film que la "Tianyi" "L'unique" produit,
00:27:59 qui met en scène à la fois l'aspect magique et puis des combats,
00:28:08 c'est l'histoire de l'héroïne Li Fei-Fei,
00:28:11 avec une actrice, Fen Du-Hua,
00:28:14 qui va devenir plus tard, dans les années 50,
00:28:18 très connue à Hong Kong comme professeure d'arts martiaux,
00:28:22 pour tous ceux qui vont vouloir jouer au cinéma dans ces films-là.
00:28:26 Donc une continuité certaine.
00:28:30 Je vous ai retrouvé une affiche du film,
00:28:34 où l'on voit un petit peu la façon dont les costumes se faisaient à l'époque,
00:28:42 une publicité,
00:28:44 et puis une photographie du film,
00:28:49 qui ne laisse pas voir grand-chose en termes d'histoire magique ou extraordinaire.
00:28:56 En tout cas, c'est un film qui va avoir un grand succès,
00:29:00 si bien que les autres compagnies à Shanghai vont se dire
00:29:03 "Ah bah tiens, voilà une bonne idée, faisons la même chose,
00:29:06 puisque les spectateurs viennent et que l'on peut ainsi tirer notre épingle du jeu."
00:29:13 Il va donc y avoir une vraie mode des films de fantômes et des films d'arts martiaux,
00:29:20 qui seront souvent des films avec des effets spéciaux.
00:29:25 Là par exemple, on lance des paumes des mains, de l'énergie,
00:29:31 dans des combats entre guerriers et moines.
00:29:37 Ce qu'il faut retenir, c'est que très souvent dans ces films,
00:29:41 les héros sont des héroïnes et les chevaliers sont des chevalières.
00:29:45 Cela met beaucoup en avant les premières actrices du cinéma chinois,
00:29:50 qui sont toutes des femmes, des femmes héroïques.
00:29:55 Je vous montrerai tout à l'heure un petit extrait.
00:29:58 On dit qu'entre 1928 et 1931, en trois années,
00:30:03 sur 400 films produits par les compagnies shanghaïennes,
00:30:06 250 sont des films d'arts martiaux.
00:30:12 Malheureusement, on n'a gardé jusqu'à ce jour aucun film de la compagnie Tianyi,
00:30:19 mais par contre, on a la chance d'avoir conservé une partie d'un film
00:30:24 de la compagnie de Lai Man Wai, "The Sun", qui, figurez-vous,
00:30:28 a été montré à Paris en 1928, au studio 28, qui existe toujours rue des Ursulines.
00:30:36 Le film était sorti sous le titre "La Rose de Pushui".
00:30:40 C'est l'adaptation d'une pièce de théâtre classique
00:30:43 qui s'appelle "Le Récit du Pavillon de l'Ouest".
00:30:46 Ce qui fait la marque de fabrique des films produits par Lai Man Wai,
00:30:51 et donc ici réalisé par Houyao, ce sont des films qui se veulent de très bonne qualité.
00:30:56 C'est vraiment l'idée qu'il faut concurrencer Hollywood,
00:31:00 donc apporter au cinéma chinois autant de qualité, d'attention portée dans les décors, les costumes,
00:31:08 et avec l'idée en plus que, contrairement aux Américains, on ne va pas faire n'importe quoi,
00:31:12 on va essayer d'être le plus proche de la réalité historique.
00:31:17 On est censé avoir des costumes et des décors qui seraient relativement proches de ce qui se portait à l'époque du récit.
00:31:29 La scène que je vais vous montrer, c'est une scène que j'ai choisie
00:31:34 parce qu'elle vous montre un petit peu ce qui se faisait aussi en termes d'effets spéciaux
00:31:38 et ce qu'on peut appeler comme justement "film combattant".
00:31:42 Il s'agit d'une très belle scène de rêve où le personnage principal, qui est un jeune homme lettré,
00:31:50 rêve qu'il va sauver la jeune fille dont il est amoureux et qui a été enlevé par de méchants bandits.
00:31:58 Et comme c'est un lettré, vous allez voir qu'il va utiliser une arme bien particulière
00:32:05 qui n'est pas tout à fait l'arme à laquelle on s'attend.
00:32:09 On peut lancer l'extrait de "La Rose de Pouchouaille".
00:32:13 Vous voyez notre lettré se demandant comment sauver sa dulcinée.
00:32:28 Et le voilà qui s'endort sur son petit serviteur.
00:32:36 [soupir]
00:32:38 [soupir]
00:32:40 [soupir]
00:33:08 Je ne suis pas une spécialiste des costumes chinois,
00:33:11 mais Lai Man Wai revendique le fait qu'on serait dans des coiffes et des coiffures typiques de l'époque du film.
00:33:20 Inutile de vous dire que vous êtes en présence du méchant.
00:33:26 [soupir]
00:33:28 [soupir]
00:33:30 [soupir]
00:33:32 [soupir]
00:33:34 [soupir]
00:33:36 [soupir]
00:34:04 [soupir]
00:34:06 Le pinceau du lettré.
00:34:21 [soupir]
00:34:23 Lai Man Wai, quand il fait ses films, utilise beaucoup les extérieurs et les figurants.
00:34:40 Et ça c'est vraiment le modèle hollywoodien aussi.
00:34:43 [soupir]
00:34:45 [soupir]
00:34:48 [soupir]
00:34:50 [soupir]
00:34:52 [soupir]
00:34:54 [soupir]
00:35:17 [soupir]
00:35:19 [soupir]
00:35:21 [soupir]
00:35:47 [soupir]
00:35:49 Et voilà.
00:35:58 Alors je...
00:36:13 C'est très important ce combat de l'épée et du pinceau.
00:36:17 Et la façon dont le pinceau gagne.
00:36:19 C'est aussi toute une revendication d'un cinéma
00:36:22 qui serait un cinéma du côté des arts et des lettres.
00:36:26 À une époque où en Chine, beaucoup de personnes cultivées considéraient le cinéma comme un art,
00:36:33 enfin même pas comme un art justement, comme un divertissement vulgaire
00:36:36 qui n'était pas digne des gens un petit peu éduqués.
00:36:39 Donc l'importance aussi de la victoire du lettré et du pinceau de la part de Lai Man Wai,
00:36:46 c'est une façon aussi de revendiquer justement le cinéma
00:36:51 comme du côté des arts, du côté de l'éducation et de tout ce qu'il peut faire.
00:36:56 Et par ailleurs, vous l'avez vu dans cette scène du lettré volant sur son pinceau,
00:37:02 on peut penser au film "Le voleur de Bagdad" de Douglas Fairbanks
00:37:08 qui était sorti quelque temps auparavant à Shanghai
00:37:13 où on a une très belle scène du voleur qui vole sur un tapis volant
00:37:19 comme ça dans des paysages assez fantastiques.
00:37:24 Et ce film avait fait scandale à Shanghai parce que dans un autre moment du film,
00:37:31 le voleur Douglas Fairbanks combat ceux qui sont appelés dans "Le voleur de Bagdad" des moghols
00:37:39 et qui sont donc des asiatiques, on va dire ça comme ça,
00:37:43 qu'il malmène rudement, qu'il attache par leur nat, qu'il suspend même par leur nat
00:37:51 et ça avait vraiment scandalisé les Chinois de l'époque qu'on puisse traiter de cette façon-là
00:37:55 dans un film américain, les Chinois auxquels ils s'assimilaient.
00:38:04 Et donc on peut aussi voir dans ce film une espèce de réponse à ce film de Douglas Fairbanks
00:38:11 avec ici une autre mise en scène du héros volant.
00:38:17 Alors le second extrait est un extrait, c'est un des rares films qui nous reste
00:38:23 où on a cette fois-ci une héroïne volante et une héroïne en action.
00:38:31 C'est un film qui a été produit par cette compagnie, la Minxin, la star fondée par Zhang Zhengchu et Zhang Shichuan
00:38:41 avec une actrice, Fang Xuepeng, qui va jouer aussi un rôle,
00:38:46 c'est une actrice qui va devenir elle-même réalisatrice
00:38:50 et qui est une de ces femmes de personnalité forte du cinéma chinois.
00:38:55 Alors je vais vous montrer l'extrait, on peut peut-être baisser le son.
00:39:00 L'extrait n'est pas très bon, on va baisser le son parce que la musique n'est pas du tout d'époque.
00:39:13 Et donc on est à un moment du film où il s'agit d'aller sauver un prisonnier.
00:39:21 Et donc vous allez voir là à la fois un personnage fantastique, le personnage du milieu,
00:39:30 une façon de décrire les méchants que voici, vous regarderez, ils ont les dents tordues,
00:39:37 ils sont complètement, enfin ce sont des barbares à tous les sens du terme.
00:39:44 Et puis regardez les costumes aussi, la façon dont il y a un mélange entre des costumes
00:39:53 qui sont apparentés à des costumes chinois traditionnels et puis des costumes qui vont venir un petit peu plus tard,
00:39:59 qui font probablement référence plus à ce qu'on pouvait voir dans des films américains de l'époque.
00:40:05 Donc voilà notre héroïne volante à nouveau.
00:40:09 Alors ça se faisait avec des systèmes de filins et de câbles, c'était paraît-il très dangereux
00:40:15 d'après les témoignages des artistes de l'époque.
00:40:18 Donc voici par exemple une jeune servante en longs cheveux
00:40:25 qui a quelque chose qui fait penser un petit peu à des esthétiques gothiques.
00:40:33 Alors je pense que vous pouvez peut-être voir aussi par comparaison que la qualité de ce film,
00:40:56 ça fait ressortir la façon dont le film précédent était vraiment très poussé en termes de qualité,
00:41:10 en termes de recherche cinématographique.
00:41:14 Là l'important ce sont les effets spéciaux, ce sont les figures un peu rebutantes.
00:41:23 Alors en tout cas ce qu'il faut noter avec ces films,
00:41:27 c'est qu'il y a des codes qui se mettent en place et qu'on retrouve par la suite dans tout le cinéma d'art martiaux.
00:41:33 Si vous pensez par exemple au combat du lettré contre le soldat,
00:41:39 si vous avez déjà vu des films de King Roo, par exemple "Touch of Zen",
00:41:44 souvenez-vous que dans "Touch of Zen" vous avez un lettré
00:41:48 et que l'histoire est aussi l'histoire finalement d'un lettré contre ceux qui viennent soit du pouvoir, soit du côté de l'armée.
00:41:57 L'autre constante c'est la présence des femmes héroïnes.
00:42:02 Là encore pensez à "Les rondelles d'or", autre film de King Roo,
00:42:07 mais il y en a beaucoup d'autres, des héroïnes combattantes dans les films d'art martiaux, c'est vraiment une tradition.
00:42:12 C'est peut-être un peu plus évident, mais ils aiment bien circuler dans les airs.
00:42:20 Ça fait partie des modes de transport favoris de tous ces combattants et de toutes ces combattantes que de voler.
00:42:29 L'autre chose qu'on peut remarquer dans les deux films, c'est l'hybridation.
00:42:34 Ce sont des films qui s'inspirent des contes et légendes chinoises, mais aussi beaucoup du cinéma hollywoodien.
00:42:40 Je vous l'ai signalé pour "La rose de Pushway" et pour "L'héroïne rouge".
00:42:46 L'image n'est pas très bonne, mais la servante avec ses longs cheveux a une espèce de costume,
00:42:54 légèrement maillot de bain, qui fait vraiment penser à ce qu'on peut voir dans des fresques hollywoodiennes de l'époque,
00:43:01 avec les budgets encore une fois du cinéma chinois de l'époque.
00:43:05 Ce cinéma d'arts martiaux et de fantômes magiques va se développer entre 1928 et 1931.
00:43:19 En Chine, en 1927, se passe quelque chose d'important.
00:43:25 C'est le moment où le Kuomintang, le parti nationaliste, prend le pouvoir.
00:43:31 Son objectif, c'est l'unification de la Chine.
00:43:37 Cette unification se fait aussi avec l'idée d'imposer des codes communs, des valeurs communes et une langue commune.
00:43:49 Ce gouvernement nationaliste va exercer un rôle de censeur par rapport à tout ce cinéma qui est produit à Shanghai.
00:44:01 Il va exercer un rôle de censeur d'abord contre tous ces films d'arts martiaux,
00:44:06 en disant que ce sont des films qui sont décadents et immoraux.
00:44:12 Encore une fois, vous ne l'avez peut-être pas très bien vu dans l'image de l'héroïne rouge,
00:44:19 mais la présence de femmes un peu dénudées,
00:44:23 et on a d'autres films comme ça où on a des mises en scène avec des femmes en tenue légère,
00:44:29 étaient considérées à l'époque comme une forme de décadence et d'immoralité.
00:44:36 Même si, franchement, par rapport au cinéma hollywoodien de l'époque, ça n'est vraiment pas osé.
00:44:43 Donc il va y avoir des lois pour interdire ces films,
00:44:48 parce qu'on considère que finalement, ils développent les bas instincts du peuple.
00:44:56 L'autre chose qu'on leur reproche, c'est d'encourager les superstitions.
00:45:01 Il y a un article d'un journaliste de l'époque qui raconte être allé à une séance de cinéma
00:45:06 où on projetait un de ses films, et le journaliste était horrifié
00:45:09 parce que les gens se sont mis à brûler de l'encens et à prier pendant le film, devant le film.
00:45:14 Il dit "mais ça ne va pas du tout, tous ces gens qui développent des réflexes religieux",
00:45:21 alors que l'époque était à la modernisation des esprits,
00:45:26 et donc à l'éradication de toutes formes de coutumes un peu s'apparentant à de la superstition.
00:45:33 L'autre chose que le gouvernement nationaliste veut imposer,
00:45:38 et qui va faire beaucoup de mal à certaines compagnies shanghaïennes,
00:45:43 c'est donc une langue parlée commune, le mandarin.
00:45:49 Tous les films en Chine jusqu'en 1931 sont muets,
00:45:56 mais à partir de 1931, alors qu'arrivent sur les écrans les films américains parlant et chantant,
00:46:06 les compagnies chinoises vont faire leurs premiers essais de films parlant et chantant aussi.
00:46:11 Là encore avec beaucoup de difficultés pour des raisons à la fois financières et techniques,
00:46:16 mais elles vont s'y essayer.
00:46:18 Et la compagnie Tiany, dont je vous ai parlé, qui s'était spécialisée dans ces films populaires,
00:46:24 va être aussi une des premières à réaliser des films chantants.
00:46:28 Le problème c'est que ce sont des films qui chantent en cantonnais,
00:46:32 ce qui ne va pas du tout au gouvernement nationaliste qui voudrait que l'on parle et que l'on chante en mandarin.
00:46:38 Le mandarin c'est la langue que l'on parle aujourd'hui en Chine continentale,
00:46:43 la langue parlée à la radio, à la télévision, dans les discours officiels,
00:46:49 c'est la langue que l'on utilise pour l'enseignement.
00:46:51 Et en 1930, ce n'est pas du tout une langue qui existe, c'est une langue qui est imposée,
00:46:58 alors que la Chine est un territoire où il y a une multiplicité de dialectes.
00:47:05 Et la Tiany étant une compagnie qui a beaucoup exporté ses films dans l'Asie du Sud-Est et Hong Kong,
00:47:12 elle produisait beaucoup de films en cantonais.
00:47:15 Et donc le problème va être pour la Tiany un double problème,
00:47:19 d'une part les films qu'elle produit sont censurés en raison de leur sujet,
00:47:24 et d'autre part à partir du moment où elle produit des films en cantonais,
00:47:29 elle n'a plus le droit de les montrer en Chine.
00:47:32 Elle peut continuer de les montrer à Hong Kong ou en Asie du Sud-Est, mais pas en Chine.
00:47:36 Et donc à partir de là, les frères Chow vont prendre la décision de se redéployer à Hong Kong,
00:47:46 avec l'idée qu'ils vont continuer à viser ce public d'Asie du Sud-Est,
00:47:52 plutôt que d'essayer de continuer à exister sur Shanghai.
00:47:57 Et donc c'est le moment, on est en 1934, c'est le moment où Jun Zhe Chow va construire à Hong Kong.
00:48:05 C'est ses premiers studios.
00:48:08 La suite, vous la connaissez peut-être, et puis c'est moins l'objet ici,
00:48:13 mais à partir de ses premiers studios, cette compagnie va se développer
00:48:18 et va devenir après-guerre une des premières compagnies à Hong Kong,
00:48:22 mais aussi dans toute l'Asie du Sud-Est, en particulier à Singapour,
00:48:25 sous le nom de Chow & Son ou Chow Brothers.
00:48:28 Et elle va devenir une compagnie particulièrement connue pour ses films d'art martiaux,
00:48:34 et des films en costume qui vont vraiment être une des spécificités
00:48:37 à la fois de la Chow Brothers et du cinéma de Hong Kong.
00:48:40 Vous voyez comment, là on a le cas d'une compagnie fondée à Hong Kong, à Shanghai,
00:48:46 et qui arrive à Hong Kong un petit peu plus tard,
00:48:48 et qui va véritablement développer à Hong Kong tous ces genres cinématographiques
00:48:52 qui sont désormais censurés et qui n'existent plus à Shanghai à partir de 1931.
00:49:00 Alors ça c'est une première donnée de l'histoire,
00:49:06 et vous verrez qu'elle a des suites dont je vous parlerai tout à l'heure.
00:49:10 Une autre donnée de l'histoire, c'est la façon dont Shanghai et Hong Kong
00:49:15 se sont beaucoup partagées ou en fait circulé les stars et les vedettes.
00:49:25 Et dans un premier temps, Hong Kong a été un réservoir où les compagnies shanghaiennes
00:49:31 allaient chercher des acteurs et actrices.
00:49:35 Alors c'est par exemple le cas avec cette actrice, Nancy Chan,
00:49:42 qui était très connue comme actrice dans le cinéma de Hong Kong à la fin des années 1930,
00:49:50 et qui va être engagée en 1938 pour jouer dans un film qui s'appelle "Mulan rejoint l'armée".
00:49:58 Alors là il faut que je revienne un petit peu sur ce qui se passe en 1938,
00:50:03 ou plus exactement à partir de 1937, vous le savez peut-être,
00:50:08 mais en juillet 1937, le Japon envahit la Chine,
00:50:14 et en quelques mois occupe toute la partie est de la Chine,
00:50:19 la bataille de Shanghai a lieu dans l'été 1937,
00:50:24 et à partir de fin 1937, une partie de Shanghai, la partie chinoise, est occupée par les japonais.
00:50:33 Les compagnies shanghaiennes vont continuer d'exister,
00:50:38 parce qu'elles vont se réfugier dans la partie occidentale de Shanghai,
00:50:43 qui a été protégée, qui n'a pas été envahie par les japonais.
00:50:47 Mais évidemment on est dans une situation de pays occupés, de pays en guerre,
00:50:52 et la demande des spectateurs chinois pour le cinéma évolue.
00:50:59 Les spectateurs vont avoir très envie d'aller au cinéma en temps de guerre,
00:51:05 on l'a aussi constaté dans la France occupée, les gens vont au cinéma,
00:51:11 et ils vont avoir envie de voir des films divertissants,
00:51:16 certes, mais ils aiment aussi avoir des films qui résonnent avec leurs préoccupations du moment.
00:51:22 Le problème étant qu'à Shanghai, puisqu'il y a l'occupant japonais,
00:51:26 il y a aussi une censure japonaise,
00:51:28 et les producteurs shanghaiens ne peuvent pas produire n'importe quel film,
00:51:33 ils ne peuvent pas produire de films qui évoquent la guerre.
00:51:37 Donc le cinéma shanghaien va en quelque sorte se réfugier dans un genre de cinéma,
00:51:45 un cinéma qui reprend des histoires du passé, des films en costume à nouveau,
00:51:51 donc d'une certaine façon il va revenir à ce répertoire de vieilles histoires,
00:51:57 et là encore avec des héroïnes combattantes.
00:52:00 C'est le cas avec cette fameuse Mulan, dont vous avez peut-être déjà entendu parler,
00:52:05 puisque Walt Disney l'a rendue célèbre un peu plus tard.
00:52:09 Mulan, qui est donc une jeune fille qui, dans la Chine ancienne,
00:52:14 remplace son père pour aller combattre l'envahisseur.
00:52:18 Donc la question patriotique est bien présente,
00:52:21 mais évidemment c'est une histoire qui se passe plusieurs siècles en arrière,
00:52:27 donc toute ressemblance avec l'occupation japonaise serait évidemment fortuite.
00:52:32 En réalisant ce film, le réalisateur et le producteur sont à la recherche d'un nouveau visage,
00:52:44 comme ça arrive souvent dans le cinéma,
00:52:46 et ils décident de faire venir de Hong Kong cette fameuse Nancy Chan,
00:52:51 qui probablement offre un type de féminité un petit peu différent de ce que l'on pouvait connaître à Shanghai à l'époque.
00:53:00 Vous le voyez avec cette couverture de magazine où elle est en maillot de bain.
00:53:04 Et ça c'est quelque chose que Hong Kong apporte à Shanghai,
00:53:10 dans une culture qui est quand même plus ouverte, plus occidentalisée,
00:53:14 et donc un petit peu moins prude.
00:53:17 La féminité s'expose d'une façon différente qu'elle ne s'expose en Chine à la même époque.
00:53:23 Par ailleurs, Nancy Chan était connue comme étant une bonne chanteuse et danseuse,
00:53:30 ce dont les producteurs avaient besoin pour le film.
00:53:34 La voici dans un extrait de Mulan Rejoint l'armée, dans un moment de danse de l'épée.
00:53:43 [Bruit de la pluie]
00:54:08 [Musique]
00:54:16 [Chant]
00:54:45 [Musique]
00:55:01 Une petite remarque concernant cette histoire, c'est une femme déguisée en homme.
00:55:08 Et ça c'est aussi une tendance de fond de ce cinéma, qui s'adapte de légendes chinoises,
00:55:16 ce sont comment les rôles féminins et masculins sont interchangeables.
00:55:20 Tout à l'heure je vous ai dit comment dans le tout début du cinéma chinois,
00:55:24 les hommes jouaient les rôles de femmes.
00:55:26 Et on va avoir aussi comme cela, et on en reverra tout à l'heure,
00:55:30 des femmes qui se déguisent en hommes,
00:55:33 et qui sont non seulement des combattantes, mais passent aux yeux des autres pour des hommes.
00:55:43 Dans l'histoire de Mulan, au moment où elle fait cette danse,
00:55:47 elle est considérée par les autres membres de l'armée comme un homme.
00:55:52 Et d'ailleurs cette chanson qu'elle chante est censée être une chanson
00:55:56 pour éveiller les soupçons dans l'esprit du jeune homme dont elle est tombée amoureuse,
00:56:03 mais qui pense qu'il a affaire à un camarade de combat et non pas à une jeune femme.
00:56:07 Alors le film va remporter un immense succès à Shanghai,
00:56:12 et d'autres films avec des héroïnes chevalières vont être produits.
00:56:18 Tous des films en costume, tous des films qui racontent
00:56:23 dans un espèce de contexte patriotique des histoires de combat.
00:56:29 Et à chaque fois, Shanghai va essayer de faire venir des actrices de Hong Kong,
00:56:38 puisque Nancy Chan avait vraiment remporté un grand succès.
00:56:43 Les producteurs shanghaiens se sont dit "eh bien pourquoi pas, reprenons la recette".
00:56:49 Je vous mets là d'ailleurs une autre couverture avec toujours Nancy Chan
00:56:54 dans le film dans lequel elle a joué juste après.
00:56:58 Et pour vous dire aussi qu'elle n'a pas joué que dans des films en costume ancien,
00:57:02 mais aussi dans des films très hollywoodiens, comme cette comédie musicale.
00:57:06 Elle va être de toutes ces actrices hongkongaises qui jouent dans le cinéma shanghaien
00:57:13 une des plus célèbres. Les autres n'auront pas ce succès là.
00:57:17 Elle va pour le coup connaître une carrière assez intense,
00:57:23 mais assez courte puisqu'elle se retire pour se marier en 1943.
00:57:27 L'inverse est vrai aussi, c'est-à-dire que Hong Kong est réservoir de stars,
00:57:33 mais Hong Kong a aussi été une terre d'exil des stars.
00:57:36 Et dans ce sens-là, c'est quelque chose d'encore plus fréquent
00:57:41 et qui se répète dans l'histoire.
00:57:45 Cela a lieu une première fois, toujours à la même période, en 1937-1938,
00:57:53 au début de la guerre, puisque évidemment, avec l'occupation japonaise,
00:57:58 un certain nombre de shanghaiens, y compris des shanghaiens du milieu du cinéma,
00:58:03 vont s'exiler pour quitter Shanghai.
00:58:07 Et un certain nombre d'entre eux et d'entre elles vont venir à Hong Kong.
00:58:11 C'est le cas de stars très connues comme Rudy, qui s'appelait aussi Butterfly Wu,
00:58:18 un jeu de mots avec son nom chinois,
00:58:22 qui se réfugie à Hong Kong et qui va jouer dans plusieurs films hongkongais de la période.
00:58:29 Rudy va retourner à Hong Kong une seconde fois, en 1946,
00:58:36 au moment où éclate la guerre civile entre les communistes et les nationalistes à Shanghai.
00:58:42 Elle va cette fois-ci définitivement s'installer à Hong Kong.
00:58:46 À partir de 1946, cette actrice qui a été la grande star du cinéma shanghaien des années 1930
00:58:53 devient une grande star du cinéma de Hong Kong
00:58:57 et elle va jouer dans de nombreux films des Shaw Brothers.
00:59:01 C'est le cas aussi avec Bai Guang.
00:59:05 Contrairement à Rudy, elle n'était pas une grande star à Shanghai,
00:59:11 mais elle fait des premiers films dans le cinéma shanghaien sous l'occupation japonaise.
00:59:17 Elle a très vite été repérée pour sa voix, que vous allez entendre dans très peu de temps.
00:59:23 Elle va arriver à Hong Kong après-guerre, en 1949,
00:59:34 au moment où les communistes s'installent en Chine et à Shanghai.
00:59:40 Elle va continuer sa carrière dans le cinéma de Hong Kong.
00:59:45 Ce qui est intéressant avec Bai Guang, c'est qu'on lui fait développer un personnage de femme fatale, de vampe,
00:59:55 qui n'a pas du tout sa place dans le cinéma chinois shanghaien des années 1930 et 1940,
01:00:04 qui est un cinéma d'un côté plus politique, de l'autre côté plus social.
01:00:09 Et puis évidemment, avec l'arrivée des communistes, il n'est plus du tout question de vampe ou de femme fatale,
01:00:14 mais plutôt de conductrice de camion ou de locomotive ou de soldate de détachement féminin rouge.
01:00:25 Alors que Bai Guang, elle va vraiment être travaillée, transformée et jouer cette femme vampe
01:00:36 qui s'inspire évidemment des femmes du cinéma américain, avec justement des films qui sont des mélodrames
01:00:47 où on retrouve tous les ingrédients de la femme mauvaise qui rend les hommes fous,
01:00:56 qui est prête à tuer jusqu'à son fils pour avoir une meilleure vie.
01:01:04 Elle était aussi très connue pour sa voix, une voix assez grave,
01:01:11 qui va très bien évidemment avec la personnalité de femme fatale qu'on lui attribuait.
01:01:19 Je vous propose de regarder et d'écouter Bai Guang dans ce film, "Le crime de Hai Tang Rong".
01:01:28 [Musique]
01:01:43 [Musique]
01:01:59 [Chant]
01:02:27 [Musique]
01:02:45 Pour vous dire que je vous jure qu'elle a une voix grave, ce n'est pas le meilleur.
01:02:53 Ce qui est très difficile c'est de trouver un extrait où on la voit en même temps qu'on l'entend.
01:02:58 C'est le seul extrait que j'ai trouvé, mais je vous invite, parce qu'elle est très connue,
01:03:02 à chercher son nom sur internet et de l'écouter dans d'autres chansons.
01:03:06 Vous verrez qu'elle a vraiment, là on l'entend à peine, une voix grave.
01:03:10 Je n'ai pas prolongé l'extrait aussi parce que la qualité du film est malheureusement très mauvaise.
01:03:16 Mais voilà, un type de film, vous le voyez peut-être, qui est très inspiré par cette culture occidentale,
01:03:25 par la musique, par les danses, évidemment, et que le cinéma de Hong Kong rend possible,
01:03:33 alors qu'à Shanghai, à la même époque, ça n'était absolument pas possible.
01:03:38 D'autres actrices vont suivre la même trajectoire que Bai Guang.
01:03:42 Je vous en mentionne quelques-unes, Lily Hua en particulier,
01:03:46 parce que vous l'avez peut-être vu si vous êtes allé voir le film qui passait au forum "Mariage reporté",
01:03:53 une belle comédie de Zhu Xuelin.
01:03:56 Et puis Wei Wei, dont je vous reparlerai tout à l'heure,
01:04:00 et qui est l'actrice principale de ce très beau film de Fei Mu qui s'appelle "Le printemps dans une petite ville",
01:04:05 qui malheureusement n'est pas considéré comme un film de Hong Kong,
01:04:08 si bien que vous ne le voyez pas dans la programmation, mais on en reparlera tout à l'heure.
01:04:13 Et puis, je ne peux pas m'empêcher de mentionner, je sais que c'est un petit peu tiré par les cheveux,
01:04:21 mais Grace Chang. Grace Chang est née en 1933 à Nankin, elle a grandi à Shanghai,
01:04:28 et donc comme tous ces réfugiés qui quittent la Chine au moment où les communistes arrivent,
01:04:33 elle s'installe à Hong Kong en 1949. Et quand elle arrive à Hong Kong en 1949,
01:04:38 elle n'est pas encore une actrice, elle a 16 ans, mais elle va s'inscrire dans une école de cinéma
01:04:44 qui a été fondée par un réalisateur, lui-même arrivé de Shanghai et exilé à Hong Kong,
01:04:50 qui s'appelle Pu Wan-Sang, dont je vous reparlerai tout à l'heure.
01:04:53 Et c'est donc à Hong Kong qu'elle développe sa carrière d'actrice, mais bon, elle vient quand même de Shanghai,
01:04:59 et c'est la raison pour laquelle je la mentionne.
01:05:03 Et c'est aussi pour vous montrer cet extrait de "Mambo Girl" que vous avez peut-être pu voir au forum.
01:05:10 (Musique)
01:05:39 (Musique)
01:05:47 (Musique)
01:06:02 (Musique)
01:06:17 (Musique)
01:06:39 Voilà un petit "cha cha cha", je vous avais promis qu'on danserait.
01:06:44 Pour en revenir à "Mambo Girl" quand même, si vous avez vu le film, vous l'avez constaté,
01:06:51 c'est quand même une histoire qui raconte l'histoire d'une jeune orpheline,
01:06:55 élevée dans cette famille hongkongaise, très bienveillante, très accueillante,
01:07:01 mais qui est à la recherche de sa véritable mère,
01:07:05 qui se révèle être une pauvre femme qu'il a abandonnée à sa naissance.
01:07:09 Et le film, je suis désolée pour ceux qui ne l'ont pas vu, je vais un peu spoiler,
01:07:15 mais le film se termine avec Kai Ling, "Mambo Girl",
01:07:19 qui au lieu de rester avec sa mère maternelle, décide de retourner dans sa famille d'adoption.
01:07:27 Et quand on pense à l'histoire de ces exilés de Shanghai qui arrivent à Hong Kong,
01:07:35 dont Grace Chang fait partie, c'est un petit peu un film qui raconte l'histoire de ces gens
01:07:41 adoptés par Hong Kong, qui se demandent s'ils devraient retourner à la mère patrie,
01:07:46 et qui décident que finalement ils ne sont pas si mal que ça dans leur famille d'adoption qu'est Hong Kong.
01:07:51 C'est aussi une histoire qui a parlé à la jeunesse exilée shanghaienne à l'époque.
01:07:58 Alors, évidemment, vous vous en doutez, ce ne sont pas que des actrices ou acteurs
01:08:04 qui sont arrivés à Hong Kong pour quitter le Shanghai, occupé par les japonais d'abord,
01:08:12 et puis ensuite, lorsque les communistes ont pris le pouvoir en Chine,
01:08:16 ce sont aussi tous les cinéastes, un certain nombre de cinéastes, qui sont venus se réfugier là.
01:08:22 Et là encore, en deux moments. Un premier moment, 1938, invasion japonaise,
01:08:27 beaucoup d'artistes shanghaiens vont à Hong Kong, vont essayer d'utiliser Hong Kong
01:08:34 comme base pour produire des films de résistance, des films patriotiques.
01:08:39 Ça ne va pas durer longtemps, puisqu'en 1941, les japonais occupent Hong Kong.
01:08:47 Les japonais sont en guerre contre les anglais, donc occupent Hong Kong.
01:08:51 Et là, tout s'arrête à Hong Kong, tout le cinéma s'arrête à ce moment-là.
01:08:55 Les exilés shanghaiens vont partir, les uns retournent à Shanghai,
01:09:01 les autres vont partir dans la Chine dite libre de Chongqing.
01:09:05 En tout cas, c'est une période entre 1937 et 1941, où il y a beaucoup d'allers-retours
01:09:09 entre Shanghai et Hong Kong dans les milieux du cinéma.
01:09:13 Et puis le deuxième temps d'exil, qui pour le coup est un temps d'exil souvent définitif,
01:09:19 c'est après, au cours de la guerre civile et avec l'arrivée du Parti communiste chinois,
01:09:26 où il va y avoir un immense afflux de réfugiés du continent.
01:09:30 Je ne vais pas trop développer là-dessus, parce que vous avez une conférence la semaine prochaine
01:09:34 sur Hong Kong, terre d'exil par Louisa Prudentino,
01:09:38 simplement pour vous dire qu'un certain nombre de réalisateurs,
01:09:43 qui sont souvent des vétérans du cinéma chinois,
01:09:46 c'est-à-dire des personnes qui ont commencé dans les années 1920 à Shanghai,
01:09:52 vont débarquer à Hong Kong et y rester définitivement,
01:09:59 et y développer leur cinéma.
01:10:04 Alors je vous ai déjà mentionné "Jew Sheline" avec ce film "Mariage reporté"
01:10:09 que j'espère que vous avez vu.
01:10:11 Je vous mentionne également Boo Wan-Sang, qui était le réalisateur de "Mulan",
01:10:16 qu'on a vu tout à l'heure.
01:10:20 Boo Wan-Sang et "Jew Sheline" vont d'abord travailler dans une compagnie fondée
01:10:26 justement par un homme d'affaires shanghaien, mais à Hong Kong.
01:10:32 Je vous mentionne aussi Li Pincheng et Fei Mu, dont je reparlerai tout à l'heure.
01:10:37 Ce qui est intéressant, c'est de voir qu'avec l'arrivée de tous ces réfugiés de Shanghai à Hong Kong,
01:10:44 et la mise en place de ces compagnies de production,
01:10:49 le cinéma en mandarin arrive à Hong Kong.
01:10:53 Encore une fois, Hong Kong est une terre où l'on parle d'abord et avant tout le cantonais.
01:10:58 Mais avec l'arrivée de tous ces réalisateurs et de ces producteurs,
01:11:02 à partir de 1949, il va y avoir un développement du cinéma en mandarin,
01:11:08 qui va pendant une vingtaine d'années dominer la production de cinéma à Hong Kong.
01:11:15 Si vous pensez aux films des Shaw Brothers,
01:11:18 ils parlent mandarin pendant au moins plusieurs décennies,
01:11:23 avant de basculer à des films en cantonais.
01:11:27 Ce qu'on peut remarquer aussi, c'est que ce sont tous des réalisateurs
01:11:33 qui dans leur cinéma n'ont pas mis la question politique au premier plan.
01:11:38 Cela ne veut pas dire qu'ils n'étaient pas préoccupés politiquement par l'avenir de la Chine,
01:11:43 par la question des rapports de classe, par la question de la pauvreté ou de l'exploitation,
01:11:48 mais dans leur cinéma, s'ils l'ont abordé, ils l'ont aussi abordé
01:11:53 en utilisant des genres dont ils s'inspirent, qui sont des genres hollywoodiens,
01:11:58 comme la comédie ou le drame,
01:12:01 et ils ne vont pas suivre nécessairement des formes de cinéma politiquement engagées.
01:12:13 Donc Hong Kong va aussi devenir le lieu où un cinéma qui n'est pas un cinéma politique,
01:12:20 qui n'est pas un cinéma de propagande,
01:12:25 mais qui est un cinéma qui se veut plus populaire,
01:12:28 mais aussi plus inspiré par des genres ou par des films venus de l'Occident,
01:12:35 des films américains, va pouvoir se développer à Hong Kong.
01:12:38 Je ne pouvais pas tout montrer, et c'est un aspect que je connais moins,
01:12:43 mais il y a par exemple dans le cinéma de Hong Kong,
01:12:45 et en particulier dans les années 50, tout un cinéma qui s'inspire beaucoup
01:12:51 des films noirs américains ou des films de Hitchcock,
01:12:54 il y a vraiment tout un développement de cette cinématographie-là,
01:13:00 parce que Hong Kong, encore une fois, du fait de son statut en tant que colonie britannique,
01:13:08 on ne peut y faire qu'un cinéma apolitique,
01:13:11 donc ça permet aussi à des cinéastes qui n'avaient pas envie de se lancer dans cette bataille politique,
01:13:17 de faire d'autres expérimentations et d'autres explorations esthétiques.
01:13:22 Un troisième point qui rassemble hélas ces cinéastes,
01:13:28 c'est que de toute façon leur avenir en Chine était très compromis,
01:13:32 dans la mesure où justement leur cinéma était très peu apprécié des communistes
01:13:37 et du pouvoir communiste en place,
01:13:39 et que certains en tant que personnes ont eu des ennuis avec le pouvoir communiste.
01:13:46 Par exemple, Zhu Shilin a réalisé à Hong Kong un film
01:13:53 qui s'appelle "L'histoire secrète de la cour des Qing",
01:13:57 qui reprend les derniers jours de la dynastie Manchu,
01:14:01 et qui a été très très très violemment critiqué en Chine et interdit en Chine.
01:14:09 Ce qui fait que Zhu Shilin à partir de là, de toute façon,
01:14:12 n'aurait jamais pu retourner à Shanghai et refaire une carrière à Shanghai,
01:14:16 il était définitivement grillé si vous voulez.
01:14:19 Et puis il y a le cas de Fei Mu,
01:14:22 ce cinéaste qui a réalisé en 1949 "Le printemps dans une petite ville",
01:14:29 qui a beaucoup déplu aux communistes installés à Shanghai,
01:14:33 qui vont le critiquer comme un film de décadence petite bourgeoise,
01:14:40 et son effet "narcotique".
01:14:42 Moi je trouve ça plutôt bien, les films avec effet "narcotique",
01:14:45 mais pas les communistes.
01:14:47 Et donc Fei Mu, après ce film, vient à Hong Kong,
01:14:51 va fonder une compagnie à Hong Kong,
01:14:53 et en même temps c'est un homme qui est complètement...
01:14:58 la culture chinoise l'habite complètement,
01:15:02 et il va vouloir repartir travailler à Pékin, en Chine,
01:15:06 donc il va essayer de se mettre au service des communistes,
01:15:09 et il va être très très très mal reçu par Madame Mao, alias Jiang Qing.
01:15:16 Certains disent même qu'il a été tellement mal reçu par elle qu'il en est mort,
01:15:21 parce qu'il rentre à Hong Kong et qu'il décède d'une crise cardiaque peu de temps après.
01:15:25 Mais vous voyez ce sont vraiment des destins...
01:15:27 Hong Kong est une terre d'exil,
01:15:29 mais il faut aussi comprendre que ce n'était pas toujours un exil choisi,
01:15:35 ou en tout cas qui n'était peut-être pas fait pour durer,
01:15:38 mais qui a duré malgré eux.
01:15:40 Et ce qui est certain, c'est que cela donne à Hong Kong tout un cinéma d'exilé,
01:15:47 où la question du rapport à cette terre d'origine perdue va vraiment travailler ce cinéma.
01:15:57 Alors je vais en parler avec un cas assez intéressant,
01:16:04 et qui va nous permettre aussi d'aborder la question des remakes.
01:16:09 Je vous le disais en début, il y a beaucoup de dialogues entre le cinéma de Hong Kong et le cinéma de Shanghai,
01:16:16 y compris avec des films qui vont être réalisés à Shanghai,
01:16:19 et puis refaits à Hong Kong, ou l'inverse.
01:16:22 Alors il y en a beaucoup, et je ne vais vous parler que d'un cas très particulier,
01:16:28 mais pour vous montrer un petit peu ce que cela peut donner.
01:16:33 C'est le cas de ce film que vous connaissez peut-être,
01:16:37 et que vous allez voir, ou que vous avez déjà vu,
01:16:41 je ne sais plus quand est-ce qu'il est dans la programmation,
01:16:43 "The Love Etern" de Lee Han-siang,
01:16:46 donc film réalisé dans les studios des Shaw Brothers à Hong Kong,
01:16:50 à partir d'une histoire traditionnelle, d'un opéra,
01:16:56 racontant l'histoire d'une jeune fille qui décide de se déguiser en garçon pour aller étudier.
01:17:07 Et elle va évidemment rencontrer dans son école un jeune homme,
01:17:12 dont elle va tomber amoureuse, mais elle est censée être un garçon et pas une fille,
01:17:17 donc cela complique un peu l'histoire.
01:17:20 Et donc ce film a été réalisé en 1963 à Hong Kong,
01:17:27 mais dix ans auparavant, le même film, le même opéra,
01:17:33 avait été réalisé en Chine, dans les studios de Shanghai,
01:17:38 par un réalisateur, Sang Ru, qui était un réalisateur tout à fait important du cinéma chinois.
01:17:48 Je vais vous montrer deux extraits qui correspondent exactement au même moment du film.
01:17:53 C'est le moment où les deux jeunes gens,
01:17:56 Zhou Yintai, qui est la jeune femme déguisée en garçon, et Liang Shanbo, le jeune garçon,
01:18:03 repartent de l'école, ils ont fini leurs études, ils sont très amis,
01:18:07 mais ils doivent rentrer, et donc c'est le début de leur voyage retour.
01:18:12 Je vous montre d'abord la version "Li Ran Xiang" pour une raison toute simple,
01:18:17 c'est qu'elle est sous-titrée, ce qui vous permettra de comprendre ce qui se dit, ou ce qui se chante plus exactement.
01:18:25 "Li Ran Xiang"
01:18:30 "Li Ran Xiang"
01:18:36 "Li Ran Xiang"
01:18:40 "Li Ran Xiang"
01:18:43 "Li Ran Xiang"
01:18:47 "Li Ran Xiang"
01:18:51 "Li Ran Xiang"
01:18:55 "Li Ran Xiang"
01:18:59 "Li Ran Xiang"
01:19:03 "Li Ran Xiang"
01:19:08 "Li Ran Xiang"
01:19:11 "Li Ran Xiang"
01:19:15 "Li Ran Xiang"
01:19:19 "Li Ran Xiang"
01:19:23 "Li Ran Xiang"
01:19:27 "Li Ran Xiang"
01:19:31 "Li Ran Xiang"
01:19:36 "Li Ran Xiang"
01:19:39 "Li Ran Xiang"
01:19:43 "Li Ran Xiang"
01:19:47 Je vous montre tout de suite le second extrait, même moment,
01:19:52 et vous le verrez avec un choix, on est toujours dans d'artifices, dans des décors très artificiels,
01:19:59 mais un choix assez différent de décors peints,
01:20:03 et un travail de caméra aussi assez différent,
01:20:08 mais pour le reste on est dans quelque chose de très proche.
01:20:12 "Li Ran Xiang"
01:20:16 "Li Ran Xiang"
01:20:19 "Li Ran Xiang"
01:20:22 "Li Ran Xiang"
01:20:25 "Li Ran Xiang"
01:20:29 "Li Ran Xiang"
01:20:33 "Li Ran Xiang"
01:20:36 "Li Ran Xiang"
01:20:40 "Li Ran Xiang"
01:20:44 "Li Ran Xiang"
01:20:48 "Li Ran Xiang"
01:20:52 "Li Ran Xiang"
01:20:56 "Li Ran Xiang"
01:21:01 "Li Ran Xiang"
01:21:04 "Li Ran Xiang"
01:21:08 "Li Ran Xiang"
01:21:12 Simplement pour vous signaler que dans les deux cas, ce sont deux femmes qui jouent les deux rôles,
01:21:19 donc à nouveau un film, des films avec cet art du déguisement.
01:21:25 Je n'en dirai pas plus parce que je voudrais arriver à ma conclusion,
01:21:31 mais voilà, vous voyez la façon dont les choses peuvent dialoguer à travers Shanghai et Hong Kong,
01:21:37 à travers les films.
01:21:39 Alors je voulais conclure en vous disant combien, vous l'avez compris,
01:21:45 pour les exilés de Hong Kong, Shanghai hante le cinéma hongkongais.
01:21:54 On a pas mal d'exemples dans le cinéma de Hong Kong par la suite, où Shanghai est évoqué.
01:22:02 L'exemple peut-être le plus évident, on va passer les extraits,
01:22:08 parce que c'est quelque chose que vous connaissez bien je pense,
01:22:11 et puis sinon vous pouvez aller le voir, c'est le film "In the mood for love"
01:22:17 qui se passe à Hong Kong dans les années 1950, mais qui se déroule dans un milieu de réfugiés shanghaiens.
01:22:28 Et tout d'ailleurs passe, l'exil, les vocations de Shanghai se font beaucoup par la bande-son,
01:22:35 avec les sons de la radio, les dialogues, le jeu du mahjong,
01:22:41 et puis même la chanson du film, qui est une chanson comme par hasard,
01:22:47 qui vient d'un film réalisé en 1947 par un exilé shanghaien lui-même.
01:22:54 Donc ça c'est un exemple.
01:22:56 Un autre exemple, c'est celui de ce très beau film que je vous encourage à voir
01:23:01 quand il passera Center Stage de Stanley Kwan.
01:23:04 Stanley Kwan évoque l'histoire d'une des grandes stars du cinéma shanghaien des années 1930,
01:23:12 l'actrice Juan Linu, au "Destin tragique".
01:23:16 Et donc pour évoquer ce destin, le film se déroule évidemment à Shanghai.
01:23:25 Et ce qui est assez frappant dans le film, c'est qu'il y a très très peu d'extérieurs,
01:23:29 la plupart des scènes sont en intérieur,
01:23:32 et que quand on a des extérieurs, la ville de Shanghai à proprement parler est absente,
01:23:38 elle est remplacée par des toiles de fond peintes qui représentent le paysage shanghaien.
01:23:45 Et à la fin du film, Stanley Kwan nous montre les studios de la compagnie où travaillait l'actrice,
01:23:52 donc ces studios de la Lienroi,
01:23:55 tels qu'ils sont dans le film, reconstitués, et tels qu'ils sont en vrai à l'époque, en 1991, à Shanghai.
01:24:03 Et il semble vraiment que Stanley Kwan semble dénoncer la destruction de ce patrimoine cinématographique
01:24:15 et de cette histoire commune,
01:24:17 tout en soulignant que c'est avec des personnes comme lui, depuis Hong Kong,
01:24:23 que ce patrimoine et cette mémoire peuvent revivre et se transformer.
01:24:27 Et je terminerai avec un film pour retourner à Shanghai,
01:24:31 qui est un film réalisé par Jia Jiangke,
01:24:35 ce qui est frappant c'est qu'on a à l'inverse en Chine continentale,
01:24:39 assez peu de films qui évoquent Hong Kong.
01:24:42 La nostalgie de Hong Kong pour Shanghai n'existe pas de la même façon du côté shanghaien,
01:24:49 sauf justement dans ce film de Jia Jiangke dédié à la ville de Shanghai,
01:24:53 où vous avez un personnage féminin qui erre dans un Shanghai
01:24:58 où le passé, là vous avez une vue sur le bouddha,
01:25:01 le passé est en train de disparaître sous nos yeux.
01:25:04 Et ce qui est très beau dans ce film, c'est que
01:25:07 Jia Jiangke rencontre une série de personnes qui racontent leur vie shanghaienne,
01:25:13 mais aussi comment certains ont quitté Shanghai pour Hong Kong.
01:25:16 Et donc on a quelques vues sur Hong Kong.
01:25:23 On va passer l'extrait 10 et on va aller tout de suite sur l'extrait numéro 11.
01:25:40 Pour voir la façon...
01:25:44 [Vidéo]
01:25:48 [Vidéo]
01:25:52 [Vidéo]
01:25:55 [Vidéo]
01:25:59 [Vidéo]
01:26:03 [Vidéo]
01:26:07 [Vidéo]
01:26:11 [Vidéo]
01:26:15 [Vidéo]
01:26:20 [Vidéo]
01:26:23 [Vidéo]
01:26:27 [Vidéo]
01:26:31 [Vidéo]
01:26:35 [Vidéo]
01:26:39 [Vidéo]
01:26:43 [Vidéo]
01:26:48 [Vidéo]
01:26:51 [Vidéo]
01:26:55 [Vidéo]
01:26:59 [Vidéo]
01:27:03 [Vidéo]
01:27:07 [Vidéo]
01:27:11 [Vidéo]
01:27:16 [Vidéo]
01:27:19 [Vidéo]
01:27:23 Alors on va laisser dérouler l'extrait.
01:27:31 Pour vous dire, quand Jia Jiangke arrive à Hong Kong, il arrive dans ce salon de coiffure un peu improbable,
01:27:39 pour rencontrer cette femme qui n'est autre que l'actrice Wei Wei, l'actrice principale du film de Fei Mu "Printemps dans une petite ville".
01:27:47 Donc vous voyez comment le passage de Shanghai à Hong Kong se fait pour Jia Jiangke par le cinéma.
01:27:53 Et les trois personnes qu'il rencontre à Hong Kong sont Wei Wei, et puis ensuite la fille de Fei Mu,
01:28:00 et la troisième étant une autre actrice du cinéma.
01:28:05 Et l'entretien avec Wei Wei, je ne sais pas si on peut avancer un tout petit peu l'extrait pour aller...
01:28:17 Je ne sais pas si c'est possible ça.
01:28:21 Mais il se continue avec un extrait que nous montre Jia Jiangke du film de Fei Mu "Le printemps dans une petite ville".
01:28:32 Et cet extrait du "Printemps dans une petite ville", vous allez le voir, montre deux personnages qui marchent vers...
01:28:43 Voilà, je vous laisse le regarder.
01:28:45 (...)
01:28:50 (...)
01:28:57 (...)
01:29:02 (...)
01:29:07 (...)
01:29:12 (...)
01:29:17 (...)
01:29:22 (...)
01:29:27 (...)
01:29:32 (...)
01:29:37 (Musique)
01:29:52 Alors je voulais terminer avec... Par contre je veux bien qu'on... Voilà.
01:29:56 Je voulais terminer avec cet extrait.
01:29:58 Vous voyez dans "Printemps dans une petite ville", il est question d'un couple qui pense à partir pour un ailleurs,
01:30:05 depuis un paysage en ruines, ouvrant sur un espace indéterminé.
01:30:13 Et ce plan du printemps semble avoir inspiré d'autres plans que prend Jia Jiangke un peu plus tard dans le film,
01:30:20 qui montre pour le coup à Hong Kong un homme errant dans un de ses passages vides.
01:30:27 Et on a l'impression que Jia Jiangke veut mettre en scène finalement l'errance commune de ce peuple qui aurait d'un côté perdu Shanghai,
01:30:39 mais peut-être pas complètement retrouvé Hong Kong,
01:30:43 ou peut-être d'un peuple qui ne cesse de se chercher seul, l'un cherchant l'autre dans des espaces qui restent dans l'indétermination
01:30:55 et un futur extrêmement incertain ou peut-être ouvert.
01:31:02 Voilà. Je vous remercie. Bonne soirée.
01:31:05 (Applaudissements)