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Cours de cinéma donné le vendredi 8 décembre 2024 par Nicolas Tellop, écrivain, essayiste, au Forum des images.

Irma Vep, c’est le mystère incarné en une silhouette. Modelée par Musidora et Louis Feuillade pendant la Grande Guerre, elle s’immisce dans l’imaginaire collectif du XXe siècle et parcourt ses zones d’ombres.

Dans la thématique Acteurs, Actrices & Avatars :
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Transcription
00:00:00 Bonsoir.
00:00:01 Oui, alors c'est intéressant de s'attaquer à ce personnage, Diarma Vep, qui n'est pas
00:00:18 forcément le plus connu des personnages héroïnes ou anti-héroïnes ou contre-héroïnes du
00:00:25 cinéma du XXe siècle, mais qui en même temps a été fondateur, fondamental et qui
00:00:29 a inspiré un archétype qui est devenu un archétype populaire, si ce n'est un archétype
00:00:34 justement féminin.
00:00:35 Pour cette présentation, on va suivre en particulier trois oeuvres.
00:00:41 Ça va être le sériel de Louis Feuillade qui s'appelle Les Vampires, qui a été réalisé
00:00:48 en 1915 et qui suit sur huit épisodes les aventures d'une bande de criminels, de malfaiteurs
00:00:57 inspirés un peu par Fantomas.
00:00:59 Évidemment, ils n'ont de vampire que le nom.
00:01:02 Il n'y a pas du tout de dimension surnaturelle dans cette bande organisée qui doit affronter
00:01:10 un journaliste qui sait jurer leur perte.
00:01:14 C'est un peu une sorte de roule tabile qui s'appelle Philippe Guérande.
00:01:18 Et donc, voilà un sériel populaire dans la grande tradition, finalement, de la littérature
00:01:27 feuilletonnesque de l'entre-deux-guerres ou de la belle époque.
00:01:30 Ce film là a inspiré en 1996 un film d'Olivia Sayas qui s'appelle Irma Vep, qui reprend
00:01:39 le personnage interprété par Musidora.
00:01:42 Et il s'agit en fait de raconter l'histoire d'un metteur en scène qui entreprend de
00:01:47 faire le remake des vampires en un seul film de deux heures, je crois, quelque chose comme
00:01:54 ça.
00:01:55 Et il a été chercher l'actrice Maggie Chung, une actrice hongkongaise, pour interpréter
00:02:01 le rôle d'Irma Vep.
00:02:03 Et donc, Maggie Chung, dans le film, interprète son propre rôle interprétant Irma Vep.
00:02:08 Et la troisième oeuvre, c'est celle plus récente d'une série qui a été proposée,
00:02:13 enfin qui a été tournée par Olivia Sayas de nouveau, qui est une sorte de remake de
00:02:18 son propre film de 1996, qui est un remake développé, amplifié, amélioré peut-être
00:02:25 aussi.
00:02:26 On comprend beaucoup plus de choses de ce qui se passe dans le film de 96 après avoir
00:02:31 vu la série de 2022.
00:02:33 Et elle avait été tournée pour le compte de la maison de production HBO aux Etats-Unis.
00:02:38 Donc, ça va être les trois jalons de notre réflexion.
00:02:44 Je ne vais pas présenter d'extrait du film d'Olivia Sayas pour la bonne et simple raison
00:02:49 qu'il est proposé, je crois, à la programmation juste après la conférence.
00:02:53 Et par contre, j'ai un petit extrait de la série à vous proposer.
00:02:57 Mais ça va être vraiment surtout de se focaliser finalement sur ce qu'a inventé Louis Feuillade
00:03:04 et Musidora à travers ce personnage d'Irma Vep.
00:03:08 Musidora, quand elle était interviewée à la fin de sa vie et qu'on s'intéressait
00:03:13 à ce qu'elle avait fait, pourquoi elle avait été aussi fondamentale dans l'histoire
00:03:17 du cinéma, elle disait qu'elle avait été la première vamp du cinéma en tournant dans
00:03:24 les vampires et en tournant ce personnage de femme fatale dans les vampires de Louis
00:03:31 Feuillade, interprétant Irma Vep.
00:03:33 Elle avait été la première vamp du cinéma.
00:03:35 Alors, ça se discute et justement, c'est là-dessus que je voudrais commencer en essayant
00:03:41 de vous proposer une courte généalogie de la femme fatale.
00:03:46 Cet archétype populaire qui a énervé largement le cinéma, les literatures du XXème siècle,
00:03:53 notamment à travers les films noirs, les romans policiers, ces choses-là.
00:03:57 Alors, si on veut jouer au malin, la première femme fatale, c'est sans doute Circé dans
00:04:04 la mythologie grecque.
00:04:05 Circé, kyrké en grec, ça veut dire l'oiseau de proie.
00:04:09 Vous voyez bien que ce n'est pas n'importe quel type de personnage féminin qu'on peut
00:04:14 nommer avec ce genre de patronyme.
00:04:17 Ce qui est intéressant dans les caractéristiques de Circé, c'est qu'elle est maîtresse espoison.
00:04:24 C'est quelque chose qu'on va retrouver chez Irma Vep et aussi qu'elle est experte dans
00:04:30 l'art d'opérer des métamorphoses.
00:04:32 Et cette notion de métamorphose, elle est au cœur justement du personnage d'Irma Vep
00:04:37 et de la façon dont les réalisateurs, les créateurs, les créatrices successives et
00:04:43 successives vont s'approprier cette figure-là.
00:04:44 Donc ça, c'est l'origine, si vous voulez, de la femme fatale dans la dimension un peu
00:04:50 imaginaire.
00:04:51 Il y a une femme fatale d'origine dans l'histoire, c'est Cléopâtre.
00:04:58 En tout cas, c'est comme ça qu'elle était présentée à Rome.
00:05:00 Il y avait des campagnes hallucinantes de propagande anti-Cléopâtre vu qu'on la présentait
00:05:08 comme la femme qui était capable de faire couler l'Empire romain à elle toute seule.
00:05:12 En tout cas, c'était celle qui pouvait faire faillir les hommes les plus puissants de l'Empire
00:05:19 romain.
00:05:20 Et avec Cléopâtre, il y a cette dimension de la femme fatale qui va être fixée.
00:05:25 C'est la femme qui est séduisante évidemment, mais qui est exotique aussi.
00:05:29 C'était cet exotisme qui est à la fois séduisant et impressionnant et dangereux.
00:05:35 En plus, elle finit, vous savez comment elle finit, avec la piqûre d'aspic avec le serpent.
00:05:41 Ça rejoint peut-être une autre femme fatale qui est Ève.
00:05:45 Mais ça, on va passer les détails.
00:05:48 Évidemment, il y en a d'autres qui jalonnent un peu l'histoire de l'imaginaire.
00:05:52 Il y a la fée Morgane, par exemple, au Moyen Âge.
00:05:56 Il y a M'lady de Winter dans les Trois Mousquetaires d'Alexandre Dumas.
00:06:05 Mais le geste qui va vraiment fonder ce qu'on connaît de la femme fatale au 20e siècle,
00:06:12 c'est un tableau de Philip Burgess.
00:06:16 Tableau qui a disparu.
00:06:18 La rumeur veut que ce soit la femme qui ait inspiré ce tableau à Philip Burgess, qui
00:06:24 s'en est emparé, qui l'ait fait disparaître.
00:06:26 Elle avait bien compris que ce n'était pas un portrait qui était pour la mettre en
00:06:32 valeur.
00:06:33 Et ce tableau s'appelle The Vampire, qui montre une femme qui prend le dessus, en tout cas
00:06:41 qui domine de sa stature, un homme qui visiblement soit endormi, soit est devenu inconscient,
00:06:48 empoisonné, qui sait.
00:06:49 En tout cas, une scène a priori qui n'est pas surnaturelle du tout, mais qui possède
00:06:56 une aura surnaturelle par son titre, The Vampire.
00:07:00 Et cette aura surnaturelle, elle va être encore amplifiée par le poème que va écrire
00:07:08 Rudyard Kipling, inspiré par ce tableau.
00:07:12 Rudyard Kipling, qui est le cousin de Philip Burgess et qui savait très bien dans quelles
00:07:17 circonstances ce tableau a été peint.
00:07:20 Et c'est visiblement un tableau qui a inspiré de l'expérience de Philip Burns Jones vis-à-vis
00:07:28 d'une actrice qui avait beaucoup de succès en Angleterre à l'époque.
00:07:32 Ce poème s'appelle The Fool of Eras.
00:07:36 Il y avait un fou qui n'est pas du tout non plus surnaturel.
00:07:43 Le sous-titre, c'est The Vampire quand même.
00:07:46 Et ça présente l'histoire d'une femme qui n'a aucune considération pour un homme
00:07:51 qui lui, à l'inverse, se met en quatre, voire s'oublie et se détruit pour lui plaire.
00:08:00 Alors, en 1897, il faut aussi se rappeler que c'est l'année où sort Dracula de Bram
00:08:08 Stoker.
00:08:09 C'est une sorte d'alignement quand même assez important autour du thème du vampire,
00:08:14 même si chez Dracula, évidemment, le vampire, ça ne fait pas de doute.
00:08:17 C'est vraiment le vampire tel qu'on se l'imagine, buveur de sang, etc.
00:08:22 Là, ici, le vampire, c'est finalement la métaphore qui est choisie pour décrire
00:08:28 un type de femme, la femme fatale.
00:08:30 Ce tableau, même si nous, on n'en a aucune trace, il a été diffusé par le biais de
00:08:38 gravures comme celle là et ça va rencontrer un écho fondamental, incroyable à travers
00:08:46 toute l'Europe et même aux États-Unis.
00:08:49 Et en 1909, c'est à dire 12 ans après l'apparition du tableau et du poème, il y a une pièce
00:08:56 de théâtre de Porter et Merson Brown qui reprend le titre de Rudolf Kipling, A Fool
00:09:02 for a Prize et qui propose donc une sorte de mélodrame qui met en scène l'histoire
00:09:10 qui est contée entre les lignes par le poème.
00:09:14 Donc, un homme qui tombe follement amoureux d'une femme et qui s'est détruit dans cet
00:09:19 amour tandis qu'elle n'a que du mépris pour lui et qu'elle l'instrumentalise jusqu'au
00:09:25 bout.
00:09:26 Cette pièce de théâtre, elle va à son tour avoir un succès phénoménal aux États-Unis
00:09:36 et elle va déboucher sur un film en 1915 de Frank Powell qui s'appelle comme la pièce
00:09:45 et comme le poème A Fool for a Prize et qui va être aussi quelquefois titré The Vampire.
00:09:52 Donc, on retrouve cette image du vampire et pour les historiens du cinéma, les historiens
00:09:59 de la culture populaire, etc.
00:10:00 C'est ça la vraie origine du mot vamp.
00:10:03 C'est ce film là.
00:10:05 Et Ted Abara, l'actrice qui interprète cette fameuse femme fatale, elle va devenir l'icône
00:10:15 de la femme fatale au cinéma, en tout cas pour les États-Unis.
00:10:18 Il y a des photographies d'époque promotionnelle qui sont assez rigolotes pour représenter
00:10:26 l'impact qu'elle a sur les hommes et en particulier sur le personnage principal.
00:10:31 Vous voyez qu'après son passage, il ne reste pas grand chose.
00:10:35 Il y a une autre photo qui est intéressante parce que c'est le contre-champ du tableau.
00:10:41 C'est exactement la même posture, mais de l'autre côté.
00:10:45 Sauf que le monsieur, il n'est vraiment pas en bon état.
00:10:49 Mais voilà, vous voyez, on a ici l'acte de naissance de la vamp.
00:11:00 Alors, ça se discute en même temps parce que je vous l'ai dit, ce film là, il date
00:11:04 de 1915.
00:11:05 1915, c'est aussi la date à laquelle sort les vampires de Louis Feuillade.
00:11:09 Mais c'est vrai qu'on a avec Ted Abara le prototype de la femme fatale telle qu'on
00:11:14 va la retrouver dans les films noirs des années 30, 40, 50 aux Etats-Unis.
00:11:20 Ce prototype de la beauté glacée qui instrumentalise les hommes, qui les manipule et qui fait en
00:11:27 sorte finalement de causer leur perte, même si son but à elle, ce n'est pas de causer
00:11:32 leur perte, c'est d'arranger ses propres intérêts.
00:11:35 Il se trouve que ses propres intérêts rejoignent généralement l'idée de les détruire.
00:11:40 Donc, cette généalogie qui est très claire, qui dessine une ligne de l'Angleterre aux
00:11:47 Etats-Unis, il y a une sorte de généalogie plus discrète, parallèle, qui se construit
00:11:52 en Europe et elle va prendre comme origine un roman très étrange qui s'appelle Lulu
00:12:00 de Félicien Chambsor, qui met en scène une femme.
00:12:05 Ce n'est pas une femme fatale, c'est une femme séductrice.
00:12:07 C'est une sorte d'actrice de cirque et elle grandit dans un milieu populaire, à
00:12:18 limite dès ses premiers pas dans l'enfance, sa mère en prenant des artifices, en s'habillant
00:12:25 comme elle, en se maquillant, etc.
00:12:27 Et donc, elle construit tout un art de la séduction qui va lui permettre d'atteindre
00:12:32 les plus hautes sphères de la société.
00:12:34 Pour Félicien Chambsor, c'est une métaphore de ce que doit être l'art d'écriture.
00:12:41 Donc, le maquillage, etc.
00:12:44 En fait, c'est la beauté du style quelque part.
00:12:47 Mais cette pièce, ce roman, va se retrouver adapté en pièce de théâtre dans le théâtre
00:12:54 de Guignol, le grand Guignol, des théâtres un peu mélodramatiques et souvent sensationnels.
00:13:02 Et il y a un auteur allemand qui s'appelle Frank Wittkind qui séjourne en France à
00:13:10 la fin des années 1910 et qui va assister à cette pièce de théâtre qui est adaptée
00:13:16 de ce fameux Lulu.
00:13:18 Il est tellement marqué par cette histoire qu'il va écrire une pièce de théâtre
00:13:22 qui s'appelle La boîte de Pandore.
00:13:24 Toujours avec une jeune fille qui s'apprête, qui joue de sa séduction, etc.
00:13:31 En toute innocence, sauf que son coup de génie, entre guillemets, c'est de déplacer le cadre
00:13:38 de l'action qui va se situer dans un bordel, dans une maison close.
00:13:41 Et cette jeune fille qui est totalement, tout à fait innocente, en tout cas, elle ne veut
00:13:48 de mal à personne, elle va causer la perte de tous les hommes qui vont s'y prendre d'elle.
00:13:53 Et ça va donner lieu en 1929 à un des grands classiques du cinéma européen, c'est Lulu.
00:13:59 On revient au titre d'origine de Félicien Chamsor, interprété par Louis Brooks et
00:14:06 qui s'appelle La boîte de Pandore en Allemagne.
00:14:10 Donc voilà, un des premiers prototypes européens, continentaux en tout cas, de la femme fatale,
00:14:17 avec cette particularité qu'elle est totalement innocente.
00:14:20 En 1911, il y a un roman qui s'appelle La Mandragore de Ewers, qui met en scène une
00:14:29 histoire un peu similaire, sauf que là, on est dans le surnaturel pur et dans le sordide
00:14:35 absolu parce qu'il s'agit d'une jeune fille qui est créée artificiellement, un peu comme
00:14:40 Frankenstein, vous voyez.
00:14:41 Mais sauf que, c'est un truc bizarre, il faut s'accrocher.
00:14:47 Elle est créée à partir de la semence d'un pendu qui est inséminée artificiellement
00:14:56 dans une prostituée sexuellement insatiable.
00:14:59 Donc vous voyez, il y a un passif.
00:15:03 La Mandragore qui va en être, c'est un personnage tout à fait innocent, mais doux comme un
00:15:10 ange, etc.
00:15:11 Une beauté évidemment fatale.
00:15:13 Et tous les personnages masculins qui vont s'approcher d'elle vont se détruire.
00:15:20 Vous voyez ces deux personnages là, c'est un peu les patients zéro de la vente.
00:15:27 C'est les personnages qui détiennent le virus sans en être affectés eux-mêmes.
00:15:31 Mais vous voyez, il y a quelque chose qui germe dans l'imaginaire européen du début
00:15:38 du 20e siècle et qui va peut-être donner naissance au personnage d'Irma Vep dans les
00:15:45 vampires de Louis Feuillade.
00:15:48 Alors, j'ai présenté un peu le récit tout à l'heure des vampires.
00:15:52 Donc c'est vraiment en 1915 un récit qui est totalement improvisé.
00:16:00 En fait, l'idée, c'est que la guerre ayant commencé, on ne sait pas trop dans quelle
00:16:05 direction on va et l'industrie cinématographique encore moins.
00:16:09 Et pour apporter de l'argent à Gaumont, Louis Feuillade lui propose de faire un serial comme
00:16:16 il sait bien faire.
00:16:17 Il en a déjà fait un précédemment autour de Fantomas.
00:16:20 Et pour que vraiment ce soit efficace financièrement parlant, il lui propose de faire quelque chose
00:16:30 à très petit budget, improvisé au jour le jour.
00:16:33 Enfin, vraiment quelque chose dans la pure tradition du serial et du feuilleton.
00:16:38 Et Musidora, il avait l'idée, Louis Feuillade, de lui proposer un rôle.
00:16:47 Mais il ne savait pas quoi.
00:16:48 Et lui dit, vous avez le choix.
00:16:51 Soit je vous fais interpréter la gentille, mais je vous préviens, vous mourrez au deuxième
00:16:57 épisode.
00:16:58 Soit je vous fais interpréter la méchante.
00:17:01 Et là, vous serez jusqu'à la fin.
00:17:04 Mais c'est la méchante.
00:17:05 Et Musidora, elle a dit ce sera la méchante parce qu'elle avait besoin d'argent.
00:17:10 Et le personnage d'Irmavep, il n'intervient qu'au deuxième épisode qui s'intitule le
00:17:19 cryptogramme rouge.
00:17:21 Et il n'a pas encore les caractéristiques qui vont le fixer dans l'imaginaire collectif.
00:17:29 Mais je vous propose de regarder un extrait.
00:17:31 C'est la première apparition de Musidora à l'écran dans le rôle d'Irmavep.
00:17:37 Vous allez voir qu'il y a Philippe Guérande qui est le détective.
00:17:41 Vous vous rappelez, c'est le journaliste qui est déguisé en voyou qui va qui va espionner
00:17:50 le gang des vampires dans un cabaret dont il croit à juste titre qu'il abrite leur
00:17:56 refuge.
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00:20:08 Ce qui est intéressant dans cette séquence, c'est qu'elle est dominée par le motif du chaos, du désordre et du débordement.
00:20:15 Enfin, toute proportion gardée.
00:20:16 La Musidora, elle interprète Irmavep en chanteuse de cabaret.
00:20:22 Une chanteuse qui fait quand même un peu peur.
00:20:25 Sans doute qu'elle est inspirée par toutes les chanteuses qu'on pouvait imaginer, subversives,
00:20:31 notamment celles qui véhiculaient les idées un peu anarchistes, anarchistes, pardon, pendant
00:20:40 la Commune.
00:20:41 Ce genre de choses, une agitatrice, finalement.
00:20:44 Et ce désordre qu'elle semble créer dans la salle, avec les personnages qui discutent,
00:20:55 qui semblent enthousiastes, ça rappelle un peu cette dimension subversive.
00:21:01 Et le désordre, c'est aussi celui des lettres qui sont renversées par l'anagramme, pour découvrir,
00:21:06 quand Philippe Guérande découvre que finalement, Irmavep, c'est l'anagramme de vampire.
00:21:13 Et que donc, elle porte dans son nom l'identité de la vamp, en tout cas de la muse de ce groupe
00:21:21 de criminels qui a vocation à renverser l'ordre social.
00:21:25 Ce qui est intéressant dans cette histoire d'anagramme, de décoder finalement le nom,
00:21:32 etc.
00:21:33 C'est que Philippe Guérande, quand il perce le mystère, il ne remet pas forcément de
00:21:40 l'ordre à cette histoire-là.
00:21:41 Au contraire, il met un visage au désordre, en quelque sorte.
00:21:45 Et le visage du désordre, le visage de la subversivité, c'est Irmavep, c'est Musidora.
00:21:53 Mais ce n'est vraiment pas encore là, maintenant, même si c'est une apparition qui est frappante,
00:22:00 marquante, il n'y a qu'à voir la grimace qu'elle fait.
00:22:03 Ce n'est pas encore là que la légende d'Irmavep va commencer à s'écrire.
00:22:07 C'est bien plus tard, au sixième épisode, dans un épisode qui s'appelle "Les yeux
00:22:13 qui fascinent".
00:22:14 Et c'est l'extrait qu'on va voir maintenant.
00:22:19 Il s'agit d'un extrait dans lequel Irmavep est obligé de cambrioler la chambre d'un
00:22:29 personnage assez important pour lui dérober des documents.
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00:24:41 C'est un extrait un peu long, mais c'était fondamental de le montrer parce que tout
00:24:46 le monde est devenu fou à l'époque quand ils ont vu ça.
00:24:49 Et il faut le remettre dans le contexte quand même pour savoir ce qui s'est passé exactement.
00:24:53 Il faut savoir qu'Irmavep, enfin Musidora, quand elle apparaît costumée comme ça,
00:24:59 c'est pas la première à endosser ce genre d'habits.
00:25:02 C'est un habit qui lui préexiste, notamment chez Fantomas.
00:25:08 On le retrouve souvent, le Fantomas qui est écrit par Pierre Souvestre et Marcel Alain
00:25:13 dans les couvertures des céréales qui sont publiées au début du 20e siècle.
00:25:19 On retrouve souvent ce personnage entièrement habillé en noir, dans une coupe assez étroite.
00:25:26 C'est l'archétype d'un personnage qu'on va beaucoup trouver dans les hôtels à l'époque,
00:25:33 c'est le rat d'hôtel.
00:25:35 Le rat d'hôtel, c'est le nom qu'on donnait aux voleurs, aux cambrioleurs,
00:25:39 qui souvent dépouillaient les richissimes clients dans les palaces et des choses comme ça.
00:25:48 Au cinéma, quand Feuillade l'adapte, on retrouve cet habit du rat d'hôtel.
00:25:57 C'est sans doute un souvenir aussi d'un roman feuilleton de Paul Feval du 19e siècle
00:26:03 qui s'appelle "Les habits noirs".
00:26:05 Les habits noirs, c'était une métonymie qui désignait à la fois un groupe de criminels
00:26:10 au même titre que les vampires et la façon dont ils se présentaient,
00:26:13 c'est-à-dire dans un habit entièrement noir, cagoule, comprise, etc.
00:26:17 Donc voilà, un personnage qui n'est pas nouveau.
00:26:20 C'est un personnage qu'au contraire, dans l'imaginaire collectif,
00:26:23 on a l'habitude depuis une vingtaine d'années de rencontrer au cinéma ou dans la littérature.
00:26:30 Et on connaît aussi son pendant féminin, la souris d'hôtel.
00:26:34 Il y a le rat d'hôtel, la souris d'hôtel.
00:26:37 Donc ça ne sort pas de nulle part.
00:26:41 D'ailleurs, il y a un précédent dans les vampires eux-mêmes.
00:26:45 Là, il y a une scène tout à fait marquante et frappante dans le premier épisode des vampires
00:26:51 où on voit un de ces criminels exactement habillé de cette façon-là,
00:26:57 entièrement noir, qui s'évade du logement de Philippe Guérande.
00:27:02 Et c'est un homme.
00:27:05 Je vais vous montrer l'extrait.
00:27:08 C'est l'extrait de l'épisode numéro un qui s'appelle "La tête coupée".
00:27:13 C'est un modèle de la façon dont on représente à l'époque,
00:27:19 avant celui qu'on vient de voir, le fameux rat d'hôtel.
00:27:24 ♪ Musique de suspense ♪
00:27:29 ♪ Musique de suspense ♪
00:27:34 ♪ Musique de suspense ♪
00:27:40 ♪ Musique de suspense ♪
00:27:46 ♪ Musique de suspense ♪
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00:28:10 ♪ Musique de suspense ♪
00:28:35 ♪ Musique de suspense ♪
00:28:40 ♪ Musique de suspense ♪
00:29:05 ♪ Musique de suspense ♪
00:29:34 Ça aussi, c'est une scène qui fascine beaucoup à l'époque.
00:29:39 Cette façon de représenter les toits de Paris, cette ambiance menaçante,
00:29:44 le fait que l'épisode se termine là-dessus.
00:29:46 On termine quand même sur une tonalité extrêmement mystérieuse.
00:29:51 Et rétroactivement, c'est tellement évident que ça aurait dû être Irma Vep.
00:29:56 C'est tellement évident que ça aurait dû être dans la continuité de ce personnage
00:30:01 qui est vraiment habillé en noir, féminin, qui déambule sur les toits,
00:30:08 que dans les deux versions du personnage qui seront proposées par Olivier Assayas,
00:30:15 on va retrouver cette scène-là, mais interprétée par une actrice.
00:30:20 Dans la version 1996, il y a une très belle séquence comme ça,
00:30:25 que vous verrez peut-être tout à l'heure,
00:30:27 c'est une cascadeuse qui répète cette déambulation,
00:30:31 beaucoup plus spectaculaire d'ailleurs, parce que c'est presque du funambulisme.
00:30:35 Et dans la version de 2022, c'est même ce qui a donné lieu à des images
00:30:44 qui ont beaucoup tourné sur les réseaux sociaux au moment de la diffusion de la série
00:30:48 et qui était une sorte de carte de visite promotionnelle.
00:30:54 Donc Irma Vep, c'est ça.
00:30:56 Irma Vep, c'est cette femme qui est habillée en noir,
00:31:00 qui déambule sur les toits de Paris,
00:31:03 qui survole un petit peu les réalités de ce monde
00:31:08 et qui agit en coulisses dans la nuit pour dérober les mystères de tout à chacun.
00:31:14 C'était tellement une évidence que ça aurait dû être elle,
00:31:18 qu'Olivier Assayas corrige le tir, vu que c'est bel et bien ce que lui propose.
00:31:22 Et c'est intéressant parce que chacun des deux metteurs en scène
00:31:26 qui sont utilisés comme avatars de lui-même dans ces récits-là,
00:31:30 ont pour volonté et vocation de respecter à la lettre le récit de Louis Feuillade.
00:31:36 Et ils en font quand même cette incartade en quelque sorte,
00:31:39 vu qu'ils imposent ce personnage féminin envers et contre tout,
00:31:42 alors que dans le modèle d'origine du film, c'était un personnage masculin.
00:31:46 Bref, ce personnage du rat d'hôtel ou de la souris d'hôtel
00:31:51 préexiste à Yermavep.
00:31:53 Et même si on n'en a pas beaucoup d'exemples de représentations féminines à l'époque,
00:32:00 il y en a quand même au moins une.
00:32:03 En 1913, un film qui s'appelle Protea, de Prote, le dieu de la mer,
00:32:10 qui est spécialiste aussi en métamorphose.
00:32:14 Ce personnage de Protea, c'est une sorte de cambrioleuse, espionne,
00:32:20 c'est très clairement une façon de capitaliser sur la fascination
00:32:25 qu'exerce en Europe le personnage de Matahari.
00:32:28 Sauf que c'est un personnage positif, c'est une héroïne,
00:32:31 c'est pas une méchante.
00:32:33 Et Protea, interprétée par Josette Andriot, qui était une athlète,
00:32:38 c'était une artiste de cirque qui avait beaucoup travaillé avec les chevaux, etc.
00:32:43 On la voit par exemple habillée de cette façon-là.
00:32:50 Sauf que là où Musidora va déclencher quasiment les émeutes
00:32:55 en se présentant en Yermavep,
00:32:58 tout le monde reste assez froid devant Josette Andriot
00:33:02 quand elle est habillée en Protea.
00:33:04 Donc on peut se demander qu'est-ce qui se passe,
00:33:07 qu'est-ce qui change finalement pour que de l'un à l'autre,
00:33:11 il y ait une réception qui soit si différente.
00:33:17 Il y a des interprétations diverses et variées.
00:33:21 Le petit-fils de Louis Feuillade, par exemple,
00:33:25 il disait que le génie de Feuillade, de son grand-père,
00:33:29 c'était la plastique de Musidora.
00:33:32 C'était le corps de Musidora.
00:33:34 Donc ce qui changerait finalement, c'est pas la façon d'interpréter, etc.
00:33:38 C'est en fait le corps de l'actrice.
00:33:41 Musidora elle-même, elle le disait en des termes un peu moins choisis,
00:33:45 elle disait qu'elle était bien roulée.
00:33:48 Et voilà, il se trouve que j'étais bien roulée.
00:33:51 Et le troisième facteur qui intervient,
00:33:55 c'est que là où Josette Andriot portait une combinaison en coton,
00:34:00 Musidora exige de porter une combinaison en soie
00:34:06 qui va lui être taillée, semble-t-il, selon la légende,
00:34:12 par Paul Poirail, ça c'est certain,
00:34:14 mais ce qui se raconte, c'est que ça a été taillé à même son corps.
00:34:18 Donc vous voyez, il y a quelque chose qui devient beaucoup plus érotique
00:34:23 par le choix des matériaux, par l'histoire même du costume,
00:34:27 et puis par ce qu'en dit finalement Musidora elle-même.
00:34:31 Ce qui change en fait, c'est la façon d'appréhender cette interprétation du rôle
00:34:40 et ces petits détails minuscules qui vont tout changer finalement.
00:34:44 Et elle a raison d'une certaine façon, parce que les faits l'ont montré,
00:34:51 cette séquence va poser problème, il va y avoir un scandale,
00:34:57 la préfecture de Paris interdit la diffusion du film,
00:35:01 et elle suspend même le tournage de la suite des vampires.
00:35:07 Donc vous voyez, il y a quelque chose ici qui se cristallise,
00:35:10 qui est problématique dans la façon dont Irma Veppe apparaît à l'écran.
00:35:15 Et il y avait un journaliste, je crois, qui avait dit que Irma Veppe,
00:35:20 dans cet épisode, n'était pas nue, elle était pire que nue.
00:35:24 Alors qu'est-ce que c'est que pire que nue finalement ?
00:35:28 Il y a quelque chose là-dedans évidemment qui est de l'ordre de ce qu'est l'érotisme.
00:35:35 On est dans quelque chose qui montre sans rien laisser voir,
00:35:39 quelque chose qui est exhibé, qui en même temps est intégralement occulté, caché.
00:35:44 On ne dissimule rien et en même temps on expose tout.
00:35:49 Vous voyez, il y a cette nuance et ce paradoxe qui est constant,
00:35:54 et qui est mise en scène d'ailleurs dans l'extrait.
00:35:57 Je ne sais pas si vous vous rappelez, quand elle cherche la carte au trésor,
00:36:01 elle est là comme ça, les mains sur la hanche,
00:36:04 elle se dit "mais qu'est-ce que c'est que ce bordel, où est-ce que c'est ?"
00:36:06 Elle pose la main sur la table où il y a une nappe en noir,
00:36:11 et à travers la nappe, elle appréhende le document, elle sent le document.
00:36:17 Et il y a quelque chose ici qui est de l'ordre justement de l'érotisme de son costume.
00:36:22 C'est-à-dire qu'à travers l'occultation de la soie noire, etc.,
00:36:28 en fait, rien ne nous est caché, on appréhende tout.
00:36:32 On appréhende le fait que Muzdorah, elle était bien roulée.
00:36:37 Et ce côté très ambigu entre le visible et l'indiscernable,
00:36:45 ça rejoint une théorie de Marcel Duchamp, qu'il a commencé à exposer en 1912,
00:36:50 qui s'appelle l'inframasse.
00:36:52 L'inframasse pour lui, c'était le nom de ce qui apparaît pour disparaître.
00:36:56 C'est lui qui dit ça. Ce qui apparaît pour disparaître.
00:36:59 C'est exactement ça.
00:37:01 On voit son corps et en même temps son corps disparaît derrière ce voile noir.
00:37:06 Il disait aussi que c'était ce qui était imperceptible et pourtant perçu.
00:37:10 Ce qui est à peine repérable, mais qui représente une différence fondamentale.
00:37:16 Et voilà, il y a une différence fondamentale, il y a une nuance dans le costume de Muzdorah
00:37:22 qui fait qu'on est dans quelque chose qui répond à ce que Marcel Duchamp appelait l'inframasse.
00:37:28 L'inframasse pour lui, c'était le possible, l'expression du possible, l'expression du devenir.
00:37:35 À travers l'inframasse, on avait le passage entre ce qui était et ce qui va devenir.
00:37:40 Et là, on a une sorte de passage qui n'est jamais vraiment réalisé,
00:37:44 entre l'ombre, ce qu'elle représente, c'est une ombre, c'est une silhouette,
00:37:48 et le corps qui est en train de s'en extraire en quelque sorte.
00:37:52 C'est comme si, à travers ce personnage et son incarnation ici,
00:37:57 Muzdorah incarnait la possibilité d'un corps.
00:38:01 Ce qui est inconcevable au début du XXe siècle, à cette époque-là.
00:38:06 Il y a quelque chose qui fait scandale, évidemment.
00:38:09 Quelque chose qui fait scandale parce qu'il appelle à ce que c'est que l'érotisme.
00:38:14 C'est-à-dire quelque chose qui est suggéré, mais qui ne nous est jamais montré.
00:38:20 Ça nous dit aussi ce que c'est qu'un fantasme.
00:38:23 Quelque chose qui est désiré, mais qui n'est pas réalisé.
00:38:26 Tout ça, en fait, se situe dans la nuance et dans l'indiscernable, dans l'inframasse,
00:38:31 l'inframinse, pardon, et se cristallise dans cette apparition d'Irmavep.
00:38:38 Mais finalement, ça rappelle un petit peu ce qu'on avait dit précédemment sur l'anagramme.
00:38:46 Vous savez, l'anagramme que Philippe Guérande réussit à résoudre
00:38:51 ne remet pas de l'ordre dans le chaos.
00:38:54 Il met juste un nom sur le chaos.
00:38:57 Ce chaos a un nom, c'est Irmavep.
00:38:59 Là, c'est pareil.
00:39:01 En se cachant, en dissimulant le corps, Irmavep ne cache pas sa féminité.
00:39:09 Au contraire, elle l'exhibe.
00:39:12 Il y a cet art du paradoxe, cet art de la nuance, qui est envisageable,
00:39:19 dans la façon dont Musidora s'approprie le personnage.
00:39:25 D'ailleurs, toutes les photos de l'époque qui sont utilisées pour faire la promotion du film,
00:39:30 on est dans la pin-up.
00:39:33 On a complètement oublié cette dimension de femme fatale, de criminel.
00:39:42 On ne sait pas bien ce qu'elle fait sur ce guéridon, par exemple.
00:39:46 Visiblement, ce n'est pas une sieste, ce n'est pas possible.
00:39:49 Mais en tout cas, il y a bien quelque chose qui pose problème à l'époque,
00:39:53 vu que c'est interdit, qu'elle n'est pas nue mais pire que nue.
00:39:56 Moi, ça me fait beaucoup penser à un scandale qui a eu quelques décennies plus tôt.
00:40:00 C'est celui d'Olympia avec Manet.
00:40:03 Parce que finalement, c'est un peu le même processus.
00:40:07 Sauf qu'Olympia, elle est nue.
00:40:09 Ça, c'est certain.
00:40:10 Elle n'a rien à cacher.
00:40:12 Mais à l'époque, le tableau, quand il est exposé en 1865, il fait scandale.
00:40:18 Et on se demande bien pourquoi.
00:40:19 Parce que l'histoire de l'art qui l'a précédé, ce n'est que des femmes nues.
00:40:25 Georgione, Titien, Véronèse, Goya.
00:40:28 On ne va pas tous les énumérer parce que là, on y est de même à terre encore.
00:40:34 Mais il y a un truc qui se passe dans le tableau de Manet qui fait que ça pose problème.
00:40:41 C'est un tableau qui est traité d'ordurier, qu'on crache dessus.
00:40:46 Il y en a qui veulent les ventrer à coups de canne et à coups de parapluie.
00:40:49 Tout ça pour une femme nue de plus.
00:40:54 Et on sait pourquoi.
00:40:56 C'était qu'auparavant, quand on peignait, c'est ce qu'Émile Zola a dit avec une formule quand même assez impactante.
00:41:05 Quand on peignait une femme, ce n'était pas des femmes, c'était des déesses.
00:41:09 Et donc, le côté déesse, le côté surnaturel, le côté idéal était un alibi.
00:41:15 Il n'y avait pas d'érotisme là-dedans, vu qu'en fait, c'était un personnage mythique ou mythologique qui était représenté.
00:41:21 Ou alors c'était Ève par exemple, et là c'est pareil, on est dans un autre ordre qui est celui de la religion.
00:41:27 Donc du coup, il n'y avait pas de problème de censure.
00:41:32 Là, avec Olympia et avec tout le contexte qui est celui du tableau,
00:41:36 il y a quand même quelqu'un qui lui apporte un bouquet visiblement, etc.
00:41:40 Elle a un petit collier de velours autour du cou, elle a des bijoux, elle a ses mufles aux pieds.
00:41:46 Vous voyez, c'est une scène du quotidien.
00:41:48 C'est pas une déesse, c'est une femme, voire c'est une coquette, autrement dit c'est une prostituée.
00:41:54 Et Zola, il disait qu'auparavant dans l'histoire de l'art, à propos de ce tableau,
00:41:59 Zola qui était un ami de Manet,
00:42:01 Zola disait à propos de ce tableau que dans l'histoire de l'art, auparavant, on peignait les...
00:42:07 Alors que je ne me trompe pas, parce que sinon ça va tomber à l'eau.
00:42:12 Les déesses comme des prostituées, voilà. On peignait les déesses comme des prostituées,
00:42:18 comme des putains, dit-il.
00:42:20 Tandis qu'avec Manet, on peint une putain comme une déesse.
00:42:24 Et là on change de régime, évidemment.
00:42:28 Parce que ce qu'on représente c'est plus l'idéal, c'est plus le rêve,
00:42:31 c'est plus une sorte d'incarnation abstraite, c'est une femme, une vraie femme.
00:42:38 Et c'est ça en fait qui pose problème en 1865.
00:42:42 C'est pour ça qu'on veut cacher ce tableau et qu'on veut le détruire.
00:42:46 Il y a Michel Léris, un autre écrivain, qui a dit quelque chose de très joli,
00:42:51 qui rejoint complètement la formulation de Zola.
00:42:54 Lui il disait qu'avec Olympia, c'était comme si Manet avait ramené le ciel,
00:43:01 donc l'idéal, au niveau du sol.
00:43:04 C'est-à-dire qu'on avait ramené l'idéal féminin dans la réalité, en quelque sorte.
00:43:09 Avec Irmavep, il y a peut-être quelque chose de ce goût-là.
00:43:15 On pourrait essayer de réécrire la formule de Michel Léris en disant qu'avec elle,
00:43:19 c'est une part de nuit qui rentre en pleine lumière, pour jouer sur ces paradoxes-là.
00:43:24 Et cette part de nuit, pour rejoindre un peu ce qu'on avait dit
00:43:27 par rapport à Irmavep et sa première apparition, c'est cette nuit du chaos,
00:43:31 c'est cette nuit du fantasme, c'est cette nuit aussi qui fait peur,
00:43:34 cette nuit qui impressionne, cette nuit qu'on désire.
00:43:37 Finalement, c'est la nuit du sac, quelque part.
00:43:40 C'est la nuit du désordre, des pulsions, qu'elle met en pleine lumière,
00:43:47 voire qu'elle nous intime à découvrir à l'intérieur de nous.
00:43:53 C'est peut-être ça aussi le sens de cette carte au trésor qu'elle découvre.
00:43:57 Ce trésor, cette carte, elle mène à quoi ?
00:44:00 Peut-être qu'elle mène à quelque chose de caché dans l'inconscient.
00:44:03 En tout cas, dans l'inconscient masculin, vu que c'est essentiellement
00:44:07 les spectateurs masculins, notamment les futurs surréalistes,
00:44:11 qui sont complètement devenus fous à l'époque, en assistant à ça.
00:44:14 Il y a quelque chose, évidemment, qui fait se rencontrer à la fois l'érotisme
00:44:19 et la poésie, à la fois le fantasme et les pulsions.
00:44:24 Quelque chose qui est à la fois dérangeant et extrêmement attractif, séduisant.
00:44:30 Évidemment, cette dimension érotique, très vite, ça va dégénérer.
00:44:38 Il y a par exemple le modèle Nativa qui va poser dans une combinaison
00:44:47 à qui est visiblement arrivé des problèmes.
00:44:51 Mais vous voyez, on ne se trompe pas en disant que le costume d'Irma Webb,
00:44:59 il y a un caractère érotique là-dedans.
00:45:02 Tout de suite, c'est réapproprié.
00:45:04 Ce n'est pas une revue érotique, c'est une revue de mode.
00:45:09 Bon, n'empêche.
00:45:10 C'est réapproprié pour finalement bousiller ce qu'ont fait Musidora et Feuillade,
00:45:18 puisque là, il n'y a pas de doute, il n'y a plus de mystère, il n'y a plus d'occultation,
00:45:22 il n'y a plus de magie dans ce corps à la fois présent et absent.
00:45:28 Là, il y est à travers les trous.
00:45:33 Mais du coup, cette photo-là, elle est intéressante parce qu'elle va faire la jonction
00:45:40 avec tout un imaginaire qui va se construire tout au long du 20ème siècle
00:45:43 et qui rappelle autre chose encore, qui a à voir avec l'érotisme,
00:45:47 mais avec un degré quand même un peu plus élevé, un peu...
00:45:52 Comment dire ?
00:45:54 Voilà, le BDSM.
00:45:56 Le costume de la dominatrice, il est très clairement inspiré par le costume d'Irma Vepp.
00:46:06 Et il y a un vrai rapport finalement entre l'imaginaire du BDSM et le film de Feuillade.
00:46:17 Parce que les deux jouent sur la même logique de subversion.
00:46:21 Les deux fonctionnent sur l'idée que déjà, on va jouer sur les fantasmes des gens,
00:46:29 on va libérer les pulsions, on peut endosser des rôles différents,
00:46:35 on peut multiplier les personnalités et surtout, on va emmener l'humain,
00:46:40 l'être humain vers des limites, vers des expériences limites.
00:46:45 Et cette subversion, elle rappelle un petit peu finalement celle des vampires,
00:46:50 celle des criminels dans la série de Feuillade.
00:46:56 Et dans les rituels BDSM d'ailleurs, il y a tout un rapport à la loi
00:47:03 et de subversion des rapports de pouvoirs, et des rapports de pouvoirs même blasphématoires
00:47:09 qui est toujours mis en scène, mis en jeu.
00:47:11 L'idée de la soumission là-dedans, ce n'est pas une vraie soumission,
00:47:14 c'est une soumission qui est jouée la plupart du temps.
00:47:16 Et pour illustrer ça, je voudrais vous citer deux phrases d'une écrivaine
00:47:22 qui s'appelle Véronique Bergen, qui est très versée dans le sujet,
00:47:25 et qui a écrit que les pratiques SM pervertissent le rapport à la loi,
00:47:29 la caricature, en parodiant la hiérarchie, elles en sapent les fondements,
00:47:33 en exhibent l'absence de fondation.
00:47:36 C'est-à-dire qu'en fait, dans l'expérience du BDSM, il y a l'idée qu'on renverse justement l'ordre,
00:47:45 on renverse la loi, on renverse la façon dont le pouvoir s'exerce.
00:47:51 C'est exactement ce qu'une bande de criminels organisés peut rêver de faire en fait.
00:47:57 Et donc, je vous propose cette hypothèse qu'il y a en germe,
00:48:04 dans l'imaginaire souterrain des vampires de Louis Feuillade,
00:48:08 quelque chose qui a à voir avec le BDSM.
00:48:11 Et d'ailleurs, dans la scène qui suit la première apparition d'Irma Veppe qu'on a vue tout à l'heure,
00:48:22 il y a une séquence qui justement joue sur les rapports de renversion de pouvoir.
00:48:28 Et c'est cette séquence-là que j'aimerais que vous projetiez là maintenant.
00:48:32 Donc c'est la suite de l'épisode 6 "Les yeux qui fascinent".
00:48:36 Vous vous rappelez, Irma Veppe a dérobé la carte au trésor,
00:48:40 et elle sort de la chambre pour revenir dans la chambre du grand vampire.
00:48:46 Le grand vampire l'attend pour récupérer le document.
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00:50:58 Donc le personnage masculin qui intervient là, c'est un autre criminel.
00:51:03 Il appartient pas du tout à la bande des vampires, il s'appelle Moreno, c'est un concurrent.
00:51:08 C'est pour ça qu'il intercepte Irma Veppe, c'est pour lui dérober,
00:51:13 se rechercher la bande des vampires.
00:51:16 Vous voyez qu'il y a une interversion des rôles, parce qu'auparavant,
00:51:19 Irma Veppe, dès sa première apparition, dès l'épisode 2,
00:51:23 elle apparaît comme une sorte de femme forte, qui est dominatrice.
00:51:28 En tout cas, c'est elle qui inspire les vampires.
00:51:31 Son nom même, c'est vampire.
00:51:33 C'est elle le gang, en quelque sorte.
00:51:36 Les grands vampires, les chefs du gang, ils vont se succéder,
00:51:39 ils vont tous mourir les uns après les autres.
00:51:41 Mais elle, elle reste toujours jusqu'à la fin.
00:51:44 Donc c'est vraiment elle le mâle incarné, en quelque sorte.
00:51:48 Et là, d'un coup, le registre change, vu qu'elle est violentée,
00:51:54 elle est malmenée, elle est dominée,
00:51:57 elle tombe sur quelqu'un de plus fort qu'elle, visiblement.
00:52:01 Et ce qui est intéressant dans la suite, c'est qu'on va apprendre
00:52:05 que Moreno est amoureux d'Irma Veppe.
00:52:08 Donc, vous voyez, ce côté amour/haine, le fait qu'elle passe
00:52:13 un petit mauvais quart d'heure, quand même, là,
00:52:16 et qu'il y a associé avec le désir que lui éprouve pour elle,
00:52:20 qui est plus qu'un désir charnel.
00:52:22 Il veut que ce soit un couple.
00:52:25 C'est vraiment un souhait qui est formulé très vite
00:52:28 dans la suite de la série.
00:52:30 Et donc, voilà, ce côté dominatrice/dominée,
00:52:36 ça a beaucoup aussi interpellé à l'époque.
00:52:39 Ce changement de rôle, ce changement de registre,
00:52:42 ce renversement des rôles.
00:52:44 Et ça, ça correspond aussi à l'imaginaire du BDSM.
00:52:47 Les rôles sont jamais immuables.
00:52:50 Au contraire, les rôles s'intervertissent toujours.
00:52:54 En tout cas, il y a quelque chose qui, dans l'imaginaire de l'époque,
00:52:59 va se cristalliser.
00:53:01 Et c'est cette scène-là, en particulier,
00:53:03 qui va devenir un peu l'étendard des vampires.
00:53:06 D'ailleurs, la seule vraie affiche qu'on a de l'époque,
00:53:10 et qui n'apparaît que...
00:53:12 C'est l'affiche de l'épisode "Les yeux qui fascinent".
00:53:14 L'affiche qui a survécu au temps, c'est celle-là.
00:53:17 Et elle représente cette scène,
00:53:20 de manière complètement poétique et surréaliste.
00:53:24 Parce que là, elle lève à moitié les bras.
00:53:26 Donc on ne sait pas, elle est en train de voler.
00:53:30 Et il y a même un truc qui ressemble un petit peu...
00:53:34 On pourrait y voir comme une sorte de préfiguration à Twin Peaks,
00:53:40 je dis bien.
00:53:42 À la fameuse loge, avec ce rideau derrière elle.
00:53:46 Et puis les yeux, les fameux yeux qui fascinent.
00:53:49 Les yeux de Moreno que vous voyez dans l'angle à droite.
00:53:52 En haut à droite.
00:53:55 Donc il y a une scène étrange, de voyeurisme, d'abandon.
00:54:00 Quelque chose qui est vraiment de l'ordre d'un érotisme surnaturel,
00:54:07 surréaliste en tout cas.
00:54:09 Là on voit bien que les surréalistes,
00:54:11 pourquoi ils sont devenus tous complètement fous,
00:54:13 en voyant cette série et cet épisode-là en particulier.
00:54:17 C'est que ça éveille plein de choses chez eux.
00:54:19 Ça leur parle, mais au plus profond d'eux-mêmes.
00:54:23 En tout cas, c'est quand même ça,
00:54:26 cette scène où l'héroïne qui incarne le mal,
00:54:29 qui est celle qui domine jusqu'au bout,
00:54:31 qui est un danger permanent pour Philippe jusqu'au huitième épisode,
00:54:34 jusqu'à la fin, jusqu'à la dernière seconde.
00:54:36 C'est là où on la représente la plus vulnérable.
00:54:39 C'est quand même curieux.
00:54:40 Encore une fois, un art du paradoxe et de la nuance qui est particulier.
00:54:43 En tout cas, cet imaginaire BDSM,
00:54:46 il va être très clairement mis à l'honneur dans le film d'Olivia Assayas en 1996.
00:54:51 On l'a vu à Gichang quand elle fait l'essayage du costume d'Irma Vepp.
00:54:56 Déjà, ce n'est plus un costume en soie, c'est un costume en latex.
00:55:00 Et cet essayage se fait dans un sex shop.
00:55:03 Et c'est bel et bien du coup un costume de pratique sado-masochiste.
00:55:08 C'est à la fois très serré, pas assez.
00:55:13 Une séquence d'essayage qui est très, très drôle.
00:55:16 Vous voyez d'ailleurs que l'actrice sur ce photogramme
00:55:19 semble assez dubitative de ce qu'elle est en train de vivre.
00:55:23 Mais en tout cas, Olivia Assayas, à ce moment-là,
00:55:28 il rend très clair l'idée que dans les vampires de feuillade,
00:55:32 il y a cet imaginaire BDSM qui est en train de germer.
00:55:36 Et dans le remake qu'il en propose sous forme de série en 2022,
00:55:42 il y a une séquence assez hallucinante dans le premier épisode
00:55:46 où il y a l'actrice qui doit incarner Irma Vebb,
00:55:49 qui est censée être une actrice hollywoodienne,
00:55:51 qui a eu une aventure précédemment avec une assistante,
00:55:55 avec son assistante, mais ils se sont quittés, etc.
00:56:00 Visiblement, tout le monde dit, la rumeur veut que Myra,
00:56:06 le personnage de l'actrice, ait utilisé son pouvoir
00:56:10 pour séduire son assistante, c'est-à-dire qu'elle ait dominé son assistante
00:56:14 et qu'elle ait joué des rapports de pouvoir pour la séduire
00:56:17 et puis pour pouvoir profiter d'elle.
00:56:19 Et au moment où cet extrait commence, il y a l'assistante en question
00:56:25 qui, depuis s'est mariée avec un réalisateur hollywoodien,
00:56:28 pour elle tout est oublié, elle vient rendre visite à son ancienne amie.
00:56:33 Et vous allez voir, c'est une séquence assez curieuse.
00:56:38 - Tu portes un costume. - Oui, ils m'ont besoin dans le costume.
00:56:44 - Montre-moi. - Non.
00:56:47 - Allez, s'il te plaît. - Non.
00:56:50 - Montre-moi comment tu te sens. - Tu sais comment je me sens, très bien.
00:56:55 - J'oublie. - Oui, tu le fais.
00:56:58 Prends ton coq.
00:57:05 - Bien, ma fille. - Heureuse ?
00:57:08 - Tu peux te lever ? - Allez.
00:57:13 Levez-toi, Mira.
00:57:15 Et maintenant, fais comme tu faisais pour moi.
00:57:23 Je peux ?
00:57:25 - Wow. - Oui.
00:57:34 - C'est cool. - Oui, très cool.
00:57:37 Je tourne.
00:57:40 Tourne.
00:57:43 - Ils me regardent. - J'aime quand ils te regardent.
00:58:00 - C'est embarrassant. - Mais tu es calme.
00:58:03 Je sais.
00:58:04 Je ne veux pas que la crew me voit comme ça.
00:58:08 Je te connais et tu es en train de partir.
00:58:10 Je ne sais pas.
00:58:13 Tu peux t'asseoir, je suis contente.
00:58:18 Tu sais ce que j'ai fait aujourd'hui ?
00:58:28 Je ne sais pas. Je pense que tu as mis ces sacs sur le défilé
00:58:33 parce que tu étais sur le tourisme.
00:58:36 - C'est vrai. - Oui.
00:58:38 Toutes les vêtements que tu m'as amenées.
00:58:41 Quand je faisais les achats et que tu les as cassés.
00:58:44 - Oui. - Et maintenant, tu as ta revanche.
00:58:48 Non, non.
00:58:49 Ma revanche est de te sentir avec mes doigts.
00:58:53 - Tu le fais. - Je sais.
00:58:55 Assis-toi.
00:58:57 Rentre.
00:58:58 Mets tes mains sur le manteau.
00:59:05 J'ouvre tes jambes.
00:59:10 Pas trop.
00:59:14 Là.
00:59:17 La séquence se termine sur le fauteuil de l'épisode des vampires
00:59:21 et sur celui qu'on va retrouver dans l'affiche.
00:59:24 Cette séquence-là fait écho à cette séquence d'hypnotisme
00:59:30 de la part de Moreno.
00:59:32 Ce qui est clair, c'est ce à quoi on assiste.
00:59:35 C'est un renversement des rôles.
00:59:37 Tout ce qu'on nous a raconté avant ce moment-là,
00:59:40 c'est que Myra avait été relativement odieuse
00:59:42 pour instrumentaliser son pouvoir
00:59:44 et exercer une forme de fascination sur sa pauvre assistante.
00:59:48 Là, ici, c'est son assistante qui prend le contrôle
00:59:51 et qui la manipule intégralement comme une sorte de poupée.
00:59:54 Lève-toi, tourne-toi, assieds-toi, mets tes mains sur...
00:59:58 Il y a quelque chose ici qui est de l'ordre de la poupée mécanique,
01:00:02 en quelque sorte,
01:00:03 et qui rejoint encore une fois l'imaginaire du BDSM.
01:00:06 C'est une scène qui est très bizarre
01:00:08 parce que rien n'explique la raison pour laquelle,
01:00:11 d'un coup, comme ça,
01:00:14 elle change d'attitude face à son ancienne petite amie.
01:00:19 La seule raison qui puisse nous l'expliquer, c'est le costume.
01:00:23 C'est comme si ce costume, en fait, qu'elle essaie...
01:00:26 Là, elle est en train de l'essayer,
01:00:27 elle ne joue pas encore le rôle, on dirait Mavep.
01:00:29 Rappelez-vous que c'est censé intervenir à l'épisode numéro 6.
01:00:34 Quand, là, on assiste au début de la série,
01:00:36 ils n'en sont, à juste titre, qu'à l'épisode numéro 1.
01:00:39 Donc là, en fait, elle n'a pas vocation
01:00:42 à jouer le rôle d'Irma Vep sur le plateau.
01:00:45 Elle est juste là pour faire des essayages.
01:00:47 Et néanmoins, ce costume semble prendre possession d'elle.
01:00:51 Et c'est ce costume qui semble
01:00:54 intervertir les polarités à l'intérieur d'elle-même,
01:00:57 comme si elle était manipulée par le costume d'Irma Vep,
01:01:00 et qu'elle devenait, en quelque sorte,
01:01:03 ce personnage qui a existé en 1915.
01:01:08 Et c'est très clair, dans une séquence précédente,
01:01:11 qu'on voit, qui fait écho à une séquence du film de 1996,
01:01:16 dès que Myra essaie le costume,
01:01:19 elle commence à s'amuser avec,
01:01:22 et elle court dans les couloirs,
01:01:24 et elle va dérober une carte bleue dans un sac.
01:01:26 C'est-à-dire qu'elle devient voleuse.
01:01:29 Elle devient Irma Vep, en quelque sorte.
01:01:32 Et c'est dans le changement de rôle,
01:01:35 cette capacité à endosser un rôle différent,
01:01:38 à devenir autre, voire à intervertir les rôles,
01:01:42 qu'on reconnaît finalement la caractéristique principale d'Irma Vep.
01:01:46 Ce costume y rend l'incarnation de chaque personnage possible.
01:01:51 Quitte à ce que ça se renverse contre soi,
01:01:55 comme c'est le cas précédemment, dans cette séquence.
01:01:58 Mais en tout cas, il y a une histoire
01:02:01 de double désincarnation, réincarnation,
01:02:04 qui se passe par le costume.
01:02:07 Et un dédoublement, finalement.
01:02:10 C'est comme si les personnages ne sont plus eux-mêmes
01:02:13 à partir du moment où ce costume est porté.
01:02:16 Et cette histoire de dédoublement,
01:02:19 de multiplication des rôles, d'interversion,
01:02:22 on la retrouve évidemment de manière encore plus claire
01:02:26 dans les Vampires de Feuillade,
01:02:28 dans la suite de la séquence qu'on a vu déjà en deux morceaux.
01:02:31 Vous savez, la séquence où Irma Vep a dérobé la carte au trésor,
01:02:34 où après elle se fait enlever par Moreno.
01:02:37 Il y a une autre séquence encore après,
01:02:40 et c'est celle qu'on va voir maintenant.
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01:03:26 Donc il y a une deuxième Irma Vep, cachée dans le coffre.
01:03:35 C'est en fait la domestique de Moreno
01:03:38 qui l'a hypnotisée au préalable
01:03:41 et qui l'a entraînée à endosser le rôle d'Irma Vep.
01:03:44 C'est elle qui va aller porter au grand vampire dans la chambre à côté
01:03:49 la fausse carte au trésor qu'il lui aura confiée.
01:03:52 Ce qui est intéressant là-dedans,
01:03:55 c'est qu'on a encore une fois une mise en perspective du rapport de pouvoir.
01:03:58 Vu que cette Irma Vep bis, c'est une domestique.
01:04:02 Elle est hypnotisée, elle fait l'objet d'un double pouvoir.
01:04:06 Et cette séquence un peu folle,
01:04:09 où elle est extraite de la malle
01:04:12 devant la vraie Irma Vep qui elle est assoupie.
01:04:15 On a une scène qui est complètement surréaliste, un peu onirique.
01:04:18 On ne se demande pas si ce n'est pas elle qui rêve et qui se dédouble.
01:04:21 Il y a quelque chose encore une fois qui a dû faire germer
01:04:24 énormément de choses dans l'imaginaire des surréalistes.
01:04:27 Mais en tout cas, il y a une deuxième Irma Vep.
01:04:30 Le personnage se dédouble, comme si justement à travers le prisme du costume,
01:04:33 il y avait cette faculté à se multiplier le personnage dans l'espace.
01:04:38 Et cette nature double du personnage d'Irma Vep,
01:04:42 versatile on va dire, mais double aussi dans le sens où
01:04:45 elle peut se dédoubler en plusieurs créatures.
01:04:49 On va la retrouver dans une scène fondatrice cachée.
01:04:55 Parce que la première femme d'importance dans l'histoire des vampires,
01:05:01 elle apparaît au deuxième épisode.
01:05:04 Ce n'est pas encore Irma Vep.
01:05:06 C'est la fiancée de Philippe Guérande.
01:05:10 C'est une danseuse de ballet que Philippe va visiter sur scène
01:05:16 pour voir un petit peu le spectacle, etc.
01:05:18 Et vous allez voir que c'est très curieux la façon dont elle est représentée
01:05:22 et le rôle qu'elle-même joue.
01:05:25 C'est ce qu'on va pouvoir voir maintenant.
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01:07:41 Le personnage de Marfa Koutilov,
01:07:47 qui est interprétée par la danseuse Stacia Napierkova,
01:07:52 beaucoup la confond avec Irmavep.
01:07:57 Souvent quand on représente Irmavep dans les vampires,
01:08:02 on a tendance à reprendre ce personnage-là,
01:08:06 avec les collants toujours, et puis les ailes de vampire,
01:08:09 les ailes de chauve-souris.
01:08:11 Or, pas du tout, c'est pas du tout Irmavep telle qu'elle apparaît
01:08:15 quatre épisodes plus tard, quand même.
01:08:18 Et c'est très curieux qu'il y ait cette sorte de préscience,
01:08:23 d'origine cachée d'Irmavep, à travers ce personnage de danseuse
01:08:29 qui est précisément la fiancée du héros,
01:08:33 la fiancée de celui qui combat les vampires,
01:08:36 qui combat Irmavep.
01:08:38 Il y a un rapport louche, suspect, ambigu, d'attraction-répulsion,
01:08:42 qui lie forcément Philippe avec Irmavep, dans cette perspective-là.
01:08:48 Vous voyez qu'à la fin, elle ne se sent pas bien,
01:08:51 parce que le grand vampire, pour punir Philippe et Gerand,
01:08:55 qui les embête et qui contrarie leur plan,
01:08:58 lui a offert une bague, qui est une bague empoisonnée,
01:09:02 et donc elle meurt empoisonnée sur scène.
01:09:04 Il y a autre chose qui est très curieuse,
01:09:10 c'est que autant l'apparition d'Irmavep, dans son costume,
01:09:13 dans l'épisode 6, ça va déclencher un scandale inouï,
01:09:18 on arrête tout, il ne faut plus tourner la suite des épisodes, etc.
01:09:23 Autant, en fait, cette scène-là n'a posé aucun problème.
01:09:26 Mais c'est le même rapport qu'il y a avec la peinture précédente,
01:09:31 Olympia et Olympia.
01:09:33 Là, ce n'est pas une femme qu'on voit, c'est un personnage fantastique.
01:09:36 C'est une chimère, c'est un vampire,
01:09:40 donc il n'y a pas d'érotisation du corps,
01:09:42 il y a une forme au contraire d'idéalisation du personnage
01:09:45 à travers le rôle qu'elle a, un rôle qui est surnaturel,
01:09:48 et qui ne permet pas de se rattacher à la matérialité du désir.
01:09:53 Le fait que ce soit la fiancée de Philippe,
01:09:56 et que Philippe, visiblement, ce soit quelqu'un qui est très respectueux
01:10:01 des règles, des convenances de la société,
01:10:03 il vit quand même avec sa mère dans les vampires,
01:10:05 il faut se le rappeler, Philippe vit avec sa mère.
01:10:08 Donc il y a un côté, oui, vieux garçon qui respecte la loi,
01:10:14 il est fiancé avec une fille bien,
01:10:17 vous voyez, il n'y a aucun problème érotique.
01:10:20 Irma Veppe, c'est un peu la mauvaise conscience de ça.
01:10:24 C'est la résurgence du désir, du fantasme,
01:10:30 de ce que Philippe a peut-être envie de taire.
01:10:34 Il y a une forme de dédoublement, en tout cas,
01:10:36 entre le personnage de Marfa Koutilov et Irma Veppe,
01:10:39 qui rappelle un petit peu le poème de Baudelaire,
01:10:42 qui s'appelle "Laquelle est la vraie", vous savez,
01:10:45 où Baudelaire, le narrateur du poème,
01:10:49 dit qu'il était amoureux d'une femme,
01:10:51 il a été amoureux d'une femme qui était l'idéal incarné,
01:10:53 et évidemment, étant l'idéal incarné,
01:10:56 cette femme-là meurt instantanément.
01:10:58 L'histoire d'amour avec l'idéal n'est pas possible.
01:11:00 Et donc, il vient visiter la tombe tous les jours,
01:11:03 et il tombe littéralement sur une fille
01:11:06 qui est l'exact portrait de la femme qu'il a aimée,
01:11:10 mais qui est vulgaire, hystérique,
01:11:13 qui crie sans cesse, qui piétine la tombe.
01:11:17 Vous imaginez Baudelaire, elle piétine la boue, etc.
01:11:21 Et puis, elle dit "c'est moi que tu aimes",
01:11:24 et que c'est pas moi, vous voyez, Baudelaire.
01:11:26 Et voilà, c'est le dégoût de Baudelaire
01:11:29 vis-à-vis, au contraire, de la matérialité,
01:11:33 du spleen, du réel, de cette femme trop vraie
01:11:37 qui finalement le révulse, en quelque sorte.
01:11:41 Et ça se finit sur le fait qu'à force de piétiner la tombe,
01:11:46 la tombe s'ouvre, et le poète,
01:11:50 il y a son pied qui tombe dans la fosse,
01:11:53 et il reste à jamais le pied dans la fosse de l'idéal.
01:11:57 Enfin, vous voyez, Baudelaire.
01:11:59 Mais il y a un truc comme ça, en fait, avec Irma Vep.
01:12:03 Cette sorte d'affrontement constant.
01:12:07 À chaque fois, Philippe réussit à se débarrasser du grand vampire,
01:12:11 il y en a un autre qui arrive derrière,
01:12:13 mais c'est toujours Irma Vep qui reste là
01:12:17 comme antagoniste principal.
01:12:20 Jusqu'à la fin, évidemment, je vous le révèle,
01:12:24 parce que j'imagine que vous n'allez pas forcément vous précipiter
01:12:27 pour voir les huit épisodes de ce film muet et pourtant génial,
01:12:31 mais à la fin, il y a une nouvelle fiancée, évidemment,
01:12:34 une fille bien sous tout rapport, elle a été choisie par un maman,
01:12:38 et c'est bien évidemment elle qui va se débarrasser d'Irma Vep.
01:12:43 Comme s'il y avait une sorte de vengeance de l'idéal
01:12:47 qui reprenait sa place et qui remisait au placard
01:12:51 un peu tout ce qui était fantasme, tordu, inquiétant, angoissant,
01:12:56 et en même temps extrêmement attirant,
01:12:59 qui pouvait torturer la vie quotidienne de Philippe Guérande.
01:13:02 Il y a quelque chose d'une sorte de lecture comme ça,
01:13:05 un peu psychanalytique qu'on pourrait proposer, en tout cas, de cette série.
01:13:08 Et dans ce cas-là, Irma Vep, elle incarnerait une sorte de femme multiple.
01:13:15 En tout cas, la femme en tant qu'elle est multiple, de multiples possibles.
01:13:19 Pas simplement l'idéal, pas simplement la femme fatale,
01:13:22 pas simplement la garce, etc.
01:13:24 Mais tout ça.
01:13:27 Et ce mystère qui restera éternellement impénétrable à Philippe,
01:13:35 qui lui comprend que dalle.
01:13:37 Lui, tout ce qu'il comprend, c'est que sa maman lui apporte sa tisane,
01:13:39 littéralement, c'est quand même ce qui se passe.
01:13:42 Sa maman lui apporte la tisane au lit avant qu'il aille se coucher.
01:13:46 Donc, évidemment, il a un rapport particulier avec l'image de la femme.
01:13:50 Ce rapport particulier, c'est Irma Vep.
01:13:53 Attraction, répulsion, ce rapport multiple,
01:13:57 qui se coïncide dans cette silhouette mystérieuse.
01:14:02 Et ce rapport multiple, on l'a vu à plusieurs reprises dans les extraits,
01:14:07 le fait qu'elle se dédouble sans cesse,
01:14:09 le fait qu'il y ait plusieurs images rémanentes, etc.
01:14:12 On le retrouve dans cette image mythique,
01:14:15 cette affiche mythique,
01:14:17 qui était une affiche publicitaire pour vanter les mérites de ce roman feuilleton "Les vampires",
01:14:23 où on voit la silhouette d'Irma Vep et les questions formulées trois fois.
01:14:28 Pourquoi trois et pas quatre ?
01:14:30 Je vous laisse l'appréciation.
01:14:32 Mais en tout cas, il y a ce côté répétition, multiple, dédoublement,
01:14:36 qui rejoint finalement les thématiques qui sont inhérentes à la fois au feuilleton "Les vampires",
01:14:42 mais aussi finalement à tout ce qu'on a dit auparavant
01:14:45 sur les multiples visages du féminin, en quelque sorte.
01:14:51 Alors très rapidement, ça va donner lieu à plein de réinterprétations,
01:14:58 à plein de réappropriations de cette figure d'Irma Vep.
01:15:03 Évidemment, les surréalistes vont lui composer des poèmes,
01:15:07 des pièces de théâtre en hommage à, etc.
01:15:10 Et il y a surtout en Belgique, un court métrage que je regrette bien fort
01:15:17 de ne pas pouvoir vous présenter un extrait aujourd'hui,
01:15:20 mais en même temps, je vous en ai déjà présenté beaucoup.
01:15:22 Mais on n'a pas trouvé de copie suffisamment bonne
01:15:26 pour que ce soit de qualité suffisante pour le représenter,
01:15:31 le projeter ici. Un film qui s'appelle "La perle" d'Henri Dursel, qui date de 1929.
01:15:36 Là aussi, une question de désir, vous voyez le personnage.
01:15:40 C'est un film surréaliste, muet. Il n'y a pas d'histoire, évidemment.
01:15:44 L'histoire, on peut la reconstituer. Et en l'occurrence, c'est un jeune homme
01:15:49 qui veut acheter un collier de perles pour sa fiancée.
01:15:54 Évidemment, il tombe sur qui ? Une voleuse qui précisément a volé
01:16:01 un collier de perles et qu'il l'a caché dans sa jartière.
01:16:05 Ça commence à faire beaucoup. Là-dessus, il y a une ellipse
01:16:12 et on se retrouve dans un hôtel. Donc, voilà, l'hôtel des vampires, etc.
01:16:19 Il est là dans sa chambre en train de regarder l'horizon.
01:16:22 Donc, peut-être qu'il est en train de dire, est-ce que je lui offre mon collier de perles ?
01:16:26 Il ne cesse d'être volé, disparu et retrouvé, le collier de perles.
01:16:30 En tout cas, il y a une incertitude. Il est là dans l'expectative.
01:16:33 Le collier de perles est derrière lui sur la table.
01:16:35 Il regarde dans le miroir où normalement, il devrait voir le reflet du collier de perles.
01:16:38 Il n'y est plus. Il court dans les couloirs. Et là, dans les couloirs,
01:16:42 il va ne cesser de croiser que des images d'Irma Vep,
01:16:49 qui sont tranquillement en train de dérober tous les chambres de l'hôtel.
01:16:54 Donc, on en voit une. On voit bien qu'il y en a une deuxième qui est différente.
01:16:58 Lui, il essaie de les poursuivre, mais à chaque fois, en fait,
01:17:01 ce n'est jamais la bonne qui l'attrape. Finalement, il y en a beaucoup qui le séduisent aussi.
01:17:08 Vous voyez là, c'est le festival d'Irma Vep. Et là, vous n'en voyez que trois.
01:17:14 En réalité, il y en a plein. Il regarde dans la chambre. Il y en a trois, quatre qui passent derrière.
01:17:20 Donc, ça me semble évident. C'est le désir. En tout cas, c'est quelque chose qui le travaille,
01:17:25 qui le hante. Et c'est comme si, en lui dérobant son collier de perles,
01:17:30 le cadeau qu'il est censé faire à sa fiancée, c'est comme s'il lui dérobait littéralement son désir.
01:17:35 Parce que le désir qu'il a pour sa fiancée lui est dérobé pour un désir pour quelqu'un d'autre.
01:17:41 Un désir en particulier. Mais quelqu'un qui incarne cette voleuse,
01:17:46 qui incarne cette femme multiple, qui incarne cette femme un petit peu mystérieuse.
01:17:51 En fait, pour une Irma Vep. N'importe laquelle. Il a le choix.
01:17:58 Mais voilà, il y a quelque chose quand même qui a une vraie relecture des vampires par rapport à ça.
01:18:05 Ce n'est pas juste qu'on reprend le personnage d'Irma Vep parce que ça nous fascine.
01:18:08 Il y a une vraie compréhension des tensions qu'il y a à l'œuvre dans les vampires
01:18:12 et qui sont projetées à la manière d'un rêve dans la perle, dans Riders Soul.
01:18:18 Vous pouvez le voir sur YouTube, notamment la version la meilleure,
01:18:23 en tout cas en termes de qualité d'image, c'est celle qui est tronçonnée en quatre parties.
01:18:28 La séquence dans l'hôtel est quand même assez hallucinante parce qu'on a l'impression qu'elle porte en germe
01:18:33 la séquence de l'hôtel dans Shining. Il y a quand même des travelling comme ça dans l'hôtel qui sont très curieux.
01:18:40 Et il y a une séquence dans une baignoire, une séquence de douche qui rappelle carrément Psychose.
01:18:47 Est-ce que Kubrick et Hitchcock ont vu la perle ? Je n'en sais rien.
01:18:53 Mais ça fait quand même rêver à une sorte de filiation possible.
01:18:57 Au-delà des surréalistes, qui est quand même un courant d'avant-garde et qui est un courant assez restreint à l'époque,
01:19:03 pas forcément très diffusé, on retrouve un peu un personnage similaire à celui d'Irma Vev,
01:19:10 notamment dans les pulps aux Etats-Unis, la fameuse série des Weird Tales.
01:19:15 Là ici, c'est une illustration qui est proposée par une grande artiste qui s'appelle Margaret Brundage,
01:19:22 qui est proposée pour une nouvelle qui s'appelle The Vampire Master.
01:19:27 On retrouve quelque chose qui est comme un écho d'Irma Vev, avec toujours cette perspective de la vamp,
01:19:34 en tout cas du vampire, en ligne de mire. Ça, ça date de 1933.
01:19:40 Cette image là, elle va devenir iconique.
01:19:45 Aujourd'hui, on la trouve dans des t-shirts, on la trouve dans des posters.
01:19:49 C'est une image qui a été extrêmement importante pour la pop culture du XXème siècle.
01:19:56 Pendant la guerre et tout ça, bizarrement, Irma Vev, on l'oublie un peu.
01:20:03 Et même en Europe, c'est surtout aux Etats-Unis, à la suite de Weird Tales, qu'on va retrouver des images d'elle.
01:20:11 Il y en a une très belle interprétation dans une comédie loufoque de Frank Tashlin,
01:20:18 l'auteur de La blonde et moi, qui s'appelle Artiste et modèle,
01:20:22 dans lequel il y a un personnage qui est interprété par Jerry Lewis,
01:20:29 qui est un petit peu immature, et dont la passion c'est de lire la bande dessinée qui met en scène les aventures de Bat Lady.
01:20:38 Or, il se trouve que la voisine de Jerry Lewis, c'est l'illustratrice du comic book,
01:20:45 et sa colocataire, c'est celle qui lui sert de modèle pour la fameuse Bat Lady.
01:20:52 Et donc, Jerry Lewis va faire la rencontre de son idole.
01:20:58 C'est vraiment l'incarnation de ce qu'il désire.
01:21:02 Ça va lui faire évidemment extrêmement peur.
01:21:05 Et quand il va rencontrer celle qui en est l'incarnation, en tout cas, la fameuse colocataire, il ne va pas la reconnaître.
01:21:14 Et on retrouve cette tension, vous voyez, entre l'image fantasmée et l'image réelle.
01:21:20 Et l'image réelle, chez Jerry Lewis, elle est rejetée.
01:21:23 Lui, ce qui l'intéresse, c'est de retrouver à chaque fois la Bat Lady.
01:21:28 Voilà, c'est comme ça qu'elle est représentée.
01:21:32 Une sorte de réécriture de Marta Kouliakoff.
01:21:37 Et c'est Shirley MacLaine qui l'interprète.
01:21:40 C'est la secrétaire de la maison d'édition qui publie les aventures de Bat Lady.
01:21:45 Vous voyez, cette tension entre la réalité décevante et l'imaginaire qui fait rêver et en même temps qui fait peur,
01:21:54 ça rappelle aussi les tensions qui étaient à l'œuvre dans les vampires.
01:21:57 Elles sont compliquées encore par un autre dédoublement parce qu'il y a une femme fatale, une vraie.
01:22:01 Je ne vous raconte pas les circonstances parce que sinon on ne s'en sort pas.
01:22:04 Il y a une femme fatale, une vraie qui va s'approprier le costume de Bat Lady et qui va essayer de séduire Jerry Lewis.
01:22:11 Et Jerry Lewis va se rendre compte que c'est une fausse Bat Lady parce que la vraie Bat Lady, c'est sa voisine.
01:22:16 Il a compris ça maintenant.
01:22:19 Donc tout est bien qui finit bien dans l'Amérique un peu puritaine des années 50.
01:22:22 Finalement, le fantasme, on n'en a pas besoin vu que la ménagère du quotidien suffit amplement,
01:22:32 finalement, à incarner ces fantasmes là.
01:22:35 En tout cas, ce qui est curieux, c'est que cette histoire de fantasme,
01:22:38 de dédoublement, d'inquiétude, d'épulsion, etc.
01:22:42 C'est vraiment dans la comédie qu'on va la retrouver dans les années 50 et 60.
01:22:47 Et notamment de nouveau chez Jerry Lewis, avec un film absolument génial qui s'appelle Le tombeur de ses dames.
01:22:55 Un film dans lequel Jerry Lewis qui vient de subir un chagrin d'amour duquel il ne se remet pas.
01:23:05 On l'engage pour être l'homme à tout faire d'une sorte de pension de famille qui n'abrite que des jeunes femmes.
01:23:14 Vous allez vous dire "ouais, il va être exposé à la tentation".
01:23:16 Non, pas du tout.
01:23:17 Lui, au contraire, il ne veut plus avoir un affaire avec les femmes.
01:23:20 Chaque fois qu'on lui demande quelque chose ou qu'il y a une femme qui lui parle, il s'en va en courant.
01:23:25 Il se lie quand même d'amitié avec certaines, mais il n'y a pas du tout de romance.
01:23:28 Il y a vraiment quelque chose à contre-emploi.
01:23:30 C'est l'anti-playboy de Jerry Lewis dans ce film.
01:23:33 Sauf qu'il y a une locataire de cette fameuse maison de pension de famille pour femmes qui ne sort jamais de chez elle.
01:23:41 Et à un moment poussé par la curiosité, Jerry Lewis va entrer et va découvrir l'innommable.
01:23:48 Je vous propose de regarder maintenant.
01:23:51 (Bruit de pas)
01:23:54 (Sifflement)
01:24:01 (Bruit de pas)
01:24:04 (Bruit de clavier)
01:24:26 (Bruit de clavier)
01:24:29 (Musique)
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01:28:17 (Bruit de pas)
01:28:28 (Bruit de cri)
01:28:35 Ça se passe de commentaire peut-être.
01:28:37 Mais vous voyez, on a quand même toutes les cases qui sont cochées par rapport à l'image de la femme fatale.
01:28:43 Là, on a en plus cette idée d'animalisation, miscartilage, on ne sait pas très bien ce que c'est.
01:28:51 Est-ce que c'est une sorte d'araignée féminine ou une femme araignée ?
01:28:55 Quelque chose comme ça.
01:28:58 Suspendue au plafond par une corde, quand elle se déplace avec la corde dans la main,
01:29:02 on a l'impression que c'est un truc d'instrument sadomaso encore une fois.
01:29:06 Il y a quand même tout un imaginaire qui continue à aller dans cette direction-là.
01:29:11 Et puis ce qui est intéressant aussi, c'est qu'au-delà de sa capacité de transformation,
01:29:17 la femme fatale apparaît là-dedans comme étant une sorte de catalyseur,
01:29:22 de métamorphose et de transformation de l'environnement de l'individu.
01:29:26 Comme si elle rendait son réel absolument mouvant, en permanence, en permanente.
01:29:33 Comme si on était dans une sorte de libération des pulsions qui en faisait un décrochage de la réalité,
01:29:45 onirico, érotique et évidemment comique parce qu'on est chez Jerry Lewis, évidemment.
01:29:53 Mais voilà, en tout cas, il a encore des choses à régler au niveau de ses pulsions,
01:29:58 ne serait-ce qu'à cause du dernier mot qu'il prononce quand il s'enfuit de devant l'appartement de Miss Cartilage.
01:30:07 Ce type de personnage, ça va devenir vraiment un personnage iconique de la pop culture à travers des séries télé.
01:30:18 Parce que c'est évidemment les séries télé dans les 60 qui vont permettre de diffuser le plus efficacement
01:30:24 les icônes, l'imaginaire de cette époque-là.
01:30:30 Et sans doute que l'incarnation la plus forte, en tout cas le souvenir le plus fort d'Irma Vep
01:30:37 tel qu'on peut le déceler dans les années 60, c'est dans la série Chapeau Moulon et Bottes de Cuir de Brian Clements.
01:30:43 Là, c'est avec sa première compagne, collègue, interprétée par Honor Blackman,
01:30:51 mais qui, dès les premières saisons, apparaît toujours vêtue de cuir.
01:30:56 Ce cuir noir qui fait écho au latex et aussi évidemment aux costumes en coton.
01:31:02 Et voilà, il y a un imaginaire qui est évident et qui va se cristalliser encore plus
01:31:11 quand c'est Janna Rigg qui va incarner le personnage d'Emma Peel.
01:31:17 Là, on retrouve l'idée de dédoublement, l'idée d'endosser des rôles différents.
01:31:24 Parce que la mécanique de la série, c'est qu'à chaque épisode, au départ, quand ils font leur enquête,
01:31:29 John Stead et Emma Peel, ils sont habillés tout à fait normalement, et notamment Emma Peel est habillée
01:31:33 comme une femme des années 60 normale. Et dès qu'on verse dans l'action,
01:31:38 dès qu'il s'agit de rentrer en contrebande dans le repère des méchants,
01:31:45 ou qu'il s'agit de se battre, etc., elle a une tenue en cuir noir, extrêmement cintré,
01:31:51 qui rappelle finalement la tenue de Musidora. Il ne manque que le masque, finalement.
01:31:57 Et en plus de ça, l'utilisation du cuir, le fait qu'elle donne des baffes à tout le monde,
01:32:05 ça rappelle quand même pas mal l'univers sadomaso. Et évidemment, c'est mis en scène
01:32:12 de multiples reprises dans différents épisodes, notamment celui que vous voyez en haut à droite,
01:32:19 qui ne fait pas de mystère sur ce qui s'y passe. Il y a très clairement un imaginaire
01:32:28 qui rappelle un peu celui du bondage, par exemple, de la jeune femme en détresse,
01:32:33 et cette faculté aussi qu'Emma Peel a de toujours renverser la situation.
01:32:39 Elle est toujours à la fois, dans ces épisodes, dominée et dominante.
01:32:44 En tout cas, elle finit par dominer. Et ce motif du cuir, qui est dans l'ADN de la série,
01:32:54 parce que c'est dans le titre, en tout cas en français, va laisser place à d'autres combinaisons
01:33:00 par la suite, dans les années 65 par exemple, quand elle va se revêtir de combinaisons
01:33:10 un peu plus sportives, un peu plus sixties. Les fameux Emma Peelers, parce que c'est quand même son nom
01:33:16 qui est donné pour donner une terminologie comme ça à ce type de costume.
01:33:23 Mais malgré le côté coloré qu'on peut voir dans certains épisodes et dans cette double page,
01:33:29 on retrouve quand même cet imaginaire d'Irma Vep avec ce costume plus sombre,
01:33:35 qui laisse voir davantage de forme, les sixties obligent, mais il y a visiblement quelque chose
01:33:41 qui est dans la suite logique finalement de ce que Irma Vep et Muise Dora ont posé.
01:33:48 Et à travers ce qu'incarnent Emma Peel dans la série, il va y avoir évidemment plein de réappropriations,
01:33:57 notamment dans les comic strips, à travers le personnage par exemple de Modestey Blaise,
01:34:01 qui est un peu moins connu aujourd'hui, mais c'est une espionne, voleuse, exactement comme Protea,
01:34:06 exactement comme Matta Hari, et on retrouve cette combinaison moulante, noire,
01:34:13 qui est à la fois héritée d'Emma Peel et d'Irma Vep.
01:34:19 À droite, vous avez la veuve noire, Black Widow, chez Marvel, qui apparaît à la même époque,
01:34:26 et avec ce costume qui, là aussi, rappelle beaucoup de choses.
01:34:33 D'où est-ce que ça a été puisé exactement ? Sans doute pas chez Irma Vep, mais Irma Vep en est l'origine directe.
01:34:42 Et évidemment, ça va trouver son incarnation totale dans l'univers des comic strips avec Catwoman.
01:34:51 Catwoman est un personnage qui existe depuis les années 40. Il a été créé par Bob Kane et Bill Finger en 1940,
01:34:59 mais la Catwoman que nous, on connaît comme ça, n'était pas celle du tout qui apparaissait en 1940.
01:35:05 C'était une femme vêtue à la mode de cette époque-là, avec une jupe crayon et un masque de chat.
01:35:12 Rien à voir avec cette imaginaire-là, qui va aussi dans la direction évidemment de l'érotisme et du BDSM.
01:35:19 Vous savez que la série des Batman des années 60, c'est une série quand même très kitsch, dans le sens où kitsch camp.
01:35:26 Justement, vous voyez, on joue sur les clichés homosexuels, et des déviances et des perversions possibles et variées,
01:35:39 mais en s'en jouant dans cette série-là.
01:35:43 Catwoman va être interprétée par trois actrices différentes en années 60. Il y a Julie Newmar, ensuite Erza Keats,
01:35:50 qui est une actrice afro-américaine. C'est assez intéressant parce que régulièrement, Catwoman est interprétée par une afro-américaine
01:35:57 dans la suite des adaptations de Batman au cinéma. La dernière en date, The Batman, c'est Zoé Kravitz qui l'interprète.
01:36:07 Et au cinéma, quand la série va être adaptée au cinéma, c'est Mary Weather qui va endosser le rôle.
01:36:16 Et donc c'est là que la vraie Catwoman que nous on connaît va naître.
01:36:22 Et c'est en hommage à elle que Tim Burton va la faire intervenir dans Batman le défi, Batman Returns,
01:36:32 qui est davantage... Les deux films de Tim Burton, le premier et celui-là, sont davantage adaptés finalement de la série télé que des comic books.
01:36:42 Et la façon de faire intervenir le personnage de Catwoman dans le film est assez intéressante.
01:36:50 Et c'est peut-être le dernier extrait que je vais vous présenter parce que l'heure tourne.
01:36:54 Et on verra comment on pourra conclure après ça.
01:37:00 [Musique]
01:37:04 [Musique]
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01:38:14 [Musique]
01:38:25 Il y a beaucoup de choses à dire par rapport à "Ernavep" en fait dans cet extrait-là.
01:38:30 Parce qu'on retrouve plein de thématiques qu'on a abordées par rapport à la série de Feuillade et les vampires.
01:38:37 Déjà on retrouve un peu l'imaginaire BDSM.
01:38:40 C'est évident, le costume est en latex en plus.
01:38:43 Donc ça ne laisse pas de place à une confusion dans l'imaginaire, en tout cas celui des années 80 et 90.
01:38:49 C'est très identifié.
01:38:51 En plus il y a ces coutures apparentes qui renvoient à la psyché un peu torturée de l'héroïne de Sélina dans la vie privée de tous les jours.
01:39:03 Le fouet, j'en ai parlé.
01:39:06 Et donc cette image, ce n'est pas un objet de désir, loin de là.
01:39:13 C'est une image de subversion, une image qui cherche à s'amuser, à détourner et à détruire aussi d'une certaine façon l'image de la femme traditionnelle.
01:39:23 Vous voyez il y a cette séquence où avec son fouet elle décapite quatre mannequins,
01:39:29 quatre modèles de la féminité telle qu'elle est acceptée, en tout cas imposée, normée par la société.
01:39:36 On leur coupe la tête, on coupe la tête du modèle de façon à se libérer de cette entrave qui est imposée aux femmes par la société.
01:39:47 Et tout ça par le prisme du jeu, par le prisme de jouer un rôle.
01:39:52 Elle s'amuse comme une petite fille avec son fouet en jouant à la corte à sauter.
01:39:57 Tout ça n'est pas sérieux pour elle.
01:39:59 Et en même temps c'est infiniment sérieux parce qu'on parle de la condition des femmes.
01:40:03 Et c'est en particulier le cas quand elle fait face aux deux policiers qui se moquent d'elle.
01:40:10 Parce qu'ils mettent en scène la femme comme objet de désir.
01:40:15 Est-ce qu'il faut avoir peur ou est-ce qu'il faut éprouver du désir pour elle ?
01:40:20 Là aussi elle se retourne contre ça, elle se retourne contre cette image imposée du patriarcat on pourrait dire,
01:40:26 pour imposer au contraire l'image d'une féminité libre, multiple, complexe,
01:40:32 mais qui n'a rien à... comment dire... qui ne doit rien au regard masculin quelque part.
01:40:42 Et c'est peut-être en ça que cette séquence fait le plus écho à Irma Vep et à Musidora des origines.
01:40:50 Parce que Musidora, même quand elle dit "oui ça a marché parce que j'étais bien roulée",
01:40:56 elle le dit aussi d'une façon un peu de manière ironique.
01:41:00 Parce que ce qu'elle dit aussi derrière c'est que, évidemment,
01:41:04 elle s'accepte, elle s'impose comme image de fantasme, érotique, etc.
01:41:09 Et en même temps on l'a dit, le fait de jouer avec la dissimulation du regard,
01:41:14 le fait de jouer avec l'ambiguïté, le fait de ne rien laisser voir tout en cachant tout, etc.
01:41:20 ça fait s'échapper justement à ce regard qui est un regard un peu mortifère.
01:41:28 Donc quelque part Catwoman ici, elle réalise de manière tout à fait claire, sans aucune ambiguïté,
01:41:37 ce qui était déjà l'origine du personnage d'Irma Vep,
01:41:41 un personnage qui est libre, qui se libère des carcans de la société,
01:41:45 et en particulier des rapports qu'elle peut avoir avec la masculinité.
01:41:49 Mais dans tous les cas aussi, ce qui est intéressant c'est que c'est une féminité qui est multiple.
01:41:55 Catwoman c'est pas que Catwoman, c'est aussi Selina.
01:41:58 Et c'est les deux en fait à la fois.
01:42:00 Parce que l'une est l'expression de l'autre, en tout cas de sa psyché un peu tourmentée.
01:42:05 Voilà, je vais devoir rendre l'antenne.
01:42:11 J'avais encore plein d'autres choses à vous montrer, mais les extraits étant chronophages,
01:42:18 on va s'arrêter là.
01:42:21 Mais je pense qu'on a pu faire une sorte de voyage comme ça,
01:42:27 à travers les fantasmes du XXe siècle,
01:42:31 qui est peut-être satisfaisant pour comprendre l'impact qu'ont pu avoir Irma Vep et Musidora encore aujourd'hui.
01:42:39 [Applaudissements]

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