SMART IMPACT - Le débat du mercredi 15 novembre 2023

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Mercredi 15 novembre 2023, SMART IMPACT reçoit Sébastien Roumegous (Fondateur, Biosphères) et Chuck de Liedekerke (Fondateur, Soil Capital)

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00:00 [Musique]
00:06 Le débat de Smart Impact avec Chuck de Lidekerck.
00:10 Bonjour, bienvenue.
00:11 Bonjour Thomas.
00:12 Heureux de vous accueillir.
00:13 Vous êtes le fondateur de Soil Capital et Sébastien Roumégouze,
00:16 bonjour, le fondateur de Biosphère.
00:18 Bienvenue à tous les deux.
00:19 Alors on va parler d'agriculture régénératrice.
00:22 De quoi s'agit-il ?
00:23 Définition pour commencer.
00:24 Alors l'agriculture régénératrice,
00:26 c'est une agriculture qui s'oppose à une agriculture extractive
00:30 qui va restaurer la fertilité naturelle des sols,
00:33 qui va améliorer la biodiversité et qui va stocker du carbone.
00:38 C'est un enjeu de taille aujourd'hui.
00:40 70% des terres aujourd'hui sont dégradées.
00:44 Ce n'est pas moi qui le dit, c'est l'Union Européenne.
00:47 Et il y a une très bonne nouvelle dans tout ça,
00:49 c'est que l'agriculteur est capable d'assurer
00:52 une résilience de notre système agroalimentaire.
00:54 Oui, on peut inverser, on va dire, la logique.
00:57 Est-ce que ça veut dire, Sébastien Roumégouze,
00:59 que l'agriculture traditionnelle,
01:02 elle s'est petit à petit largement éloignée
01:05 des objectifs dont on vient de parler ?
01:07 En fait, il faut revenir sur l'histoire.
01:09 C'est important de comprendre d'où on vient
01:11 pour savoir où on est.
01:12 On a donné pour objectif à l'agriculture,
01:14 en après-garde, de produire en quantité.
01:16 Je pense que ça a été un grand succès.
01:18 Le problème, c'est que dès les années 70,
01:20 on s'est rendu compte qu'on a eu ce qu'on appelle
01:23 des externalités négatives,
01:24 bref, des pollutions fabriquées par ces systèmes agricoles,
01:26 très gourmands, notamment en entrant,
01:28 pesticides, engrais, etc.
01:30 Et donc, on est en train de réaligner, finalement,
01:33 une production en quantité
01:35 avec la restauration des écosystèmes.
01:37 L'agriculture régénératrice, ça a l'air d'un mot-valise,
01:40 mais finalement, c'est peut-être le mot
01:42 qui correspond le plus à ce qu'on vise.
01:44 On vise à régénérer les écosystèmes.
01:46 On ne peut pas vraiment préserver la nature.
01:48 On ne peut que préserver les processus
01:50 qui permettent à la nature de s'épanouir.
01:52 - Oui, mais ça veut dire que,
01:54 quand on n'est pas dans cette logique
01:55 d'agriculture régénératrice, on appauvre...
01:57 Enfin, on l'a déjà dit ici,
01:58 les sols s'appauvrissent petit à petit, régulièrement ?
02:00 - On a globalement une...
02:02 Voilà, on amenuise globalement les sols.
02:05 On va casser des niches écologiques,
02:07 donc on a moins de biodiversité sur site.
02:10 En fait, on vient casser...
02:11 On a trois grands cycles.
02:12 Le carbone, l'eau et les éléments chimiques.
02:17 Le carbone et l'eau, ça constitue les sucres,
02:19 l'énergie que nous consommons tous,
02:21 humains, insectes, animaux.
02:23 Et donc, en fait, on doit préserver
02:25 ces cycles fondamentaux
02:26 pour pouvoir avoir de la biodiversité.
02:27 Et c'est souvent ça qui a été mal compris.
02:29 En fait, la clé d'une agriculture durable,
02:31 ce n'est pas tant d'arrêter en priorité
02:33 les pesticides et les engrais,
02:34 même si ça peut avoir une utilité importante,
02:36 puisque ça pollue, dans certains cas.
02:38 Mais par contre, on va devoir restaurer
02:40 le cycle du carbone et de l'eau
02:42 au travers du végétal.
02:43 Et c'est le propos et le projet
02:45 de l'agriculture régénératrice,
02:46 restaurer ce que j'appelle la trame végétale
02:49 au sein des écosystèmes cultivés.
02:52 - Et on va détailler les enjeux de cette agriculture,
02:54 mais peut-être une présentation
02:56 de vos entreprises respectives.
02:58 Soil Capital, quel rôle joue Soil Capital
03:01 dans cette transition, cette transformation ?
03:04 - Alors, Soil Capital va accompagner
03:06 les agriculteurs dans l'adoption
03:07 de pratiques régénératives
03:09 en mesurant, en certifiant
03:12 et en allant leur chercher une rémunération
03:15 pour l'amélioration de leurs pratiques,
03:17 qu'on va notamment mesurer grâce à
03:19 l'amélioration de l'empreinte gaz à effet de serre.
03:23 Il ne faut pas oublier que,
03:24 non seulement des agriculteurs
03:25 peuvent réduire leurs émissions,
03:27 mais en améliorant les cycles,
03:30 dont parle Sébastien,
03:31 stocker davantage de carbone dans les sols.
03:34 Et ça, quand des entreprises
03:37 nombreuses ont pris des engagements
03:39 de décarbonation pour répondre
03:42 à l'urgence climatique,
03:43 mais aussi pour s'assurer une résilience
03:45 de leur système sur le long terme,
03:47 et bien il y a là un lien qui peut être fait.
03:50 Soil Capital est un lien très direct
03:52 entre ces entreprises-là et les agriculteurs.
03:54 - Alors, vous êtes présent dans plusieurs pays,
03:56 pas seulement en France,
03:57 mais c'est quoi ?
03:58 C'est de la rémunération supplémentaire
03:59 pour les agriculteurs ?
04:00 C'est de ça dont on parle ?
04:01 - Alors, ça commence par une rémunération
04:04 parce que les agriculteurs produisent
04:07 un service à la société,
04:09 à l'environnement qui a une valeur.
04:10 Mais au-delà de cette rémunération,
04:12 il y a une vraie conversation agronomique
04:15 qui est essentielle
04:16 parce que l'agriculteur, au premier titre,
04:19 son rôle, ce n'est pas de stocker du carbone
04:21 ou de restaurer la biodiversité.
04:23 Ça, c'est des moyens pour avoir un écosystème
04:25 fertile, naturel, sur le long terme.
04:28 Et pour ça, il a besoin de comprendre,
04:30 comme le disait Sébastien,
04:31 quels sont les cycles,
04:32 comment est-ce qu'un sol peut être fertile
04:34 et fonctionner de manière à produire
04:36 en pérennité l'alimentation
04:38 dont notre système a besoin.
04:40 - Sébastien Roméo,
04:41 c'est ce que vous proposez avec Biosphère ?
04:43 Vous aidez les entreprises, les exploitants
04:46 à choisir les bonnes pratiques,
04:48 à faire cette transition ?
04:50 - C'est ça.
04:51 On est spécialisé pour simplifier
04:53 et sécuriser cette transition
04:55 d'une agriculture dite conventionnelle,
04:57 qui peut varier d'un pays à l'autre,
04:59 vers une agriculture régénératrice,
05:00 qui permet d'être en lien
05:01 avec ces grands cycles naturels,
05:03 notamment le stockage du carbone, etc.
05:05 L'histoire de Biosphère s'ancre il y a 10 ans.
05:08 Quand on s'aperçoit que l'agriculture,
05:11 c'est 50% de l'occupation des surfaces
05:13 des écosystèmes terrestres,
05:15 si on veut régénérer et entretenir
05:17 les écosystèmes terrestres,
05:18 on ne peut pas se passer de l'agriculture.
05:20 Cet alignement entre les besoins
05:22 d'un écosystème et nos besoins à nous,
05:25 c'est-à-dire produire de l'alimentation,
05:27 est indispensable.
05:28 Cela demande une ingénierie,
05:29 à la fois technique,
05:30 quelles sont les nouvelles méthodes
05:31 qui permettent de s'aligner
05:32 avec le cycle du carbone, de l'eau, etc.
05:34 et comment ça peut être acceptable
05:36 pour l'agriculteur d'un point de vue économique
05:38 et condition de travail.
05:39 C'est notre expertise.
05:41 On travaille majoritairement
05:42 pour des grands groupes
05:43 qui nous mandatent auprès de leurs fournisseurs
05:45 dans une vingtaine de pays.
05:46 On doit couvrir une centaine
05:47 de milliers d'hectares aujourd'hui
05:48 pour déployer ces pratiques.
05:51 Il y a la question du financement
05:53 de cette transition.
05:55 C'est là que Soil Capital intervient.
05:57 J'ai bien compris qu'il n'y avait pas que ça.
06:00 C'est quoi ?
06:01 Les talons, c'est le carbone
06:03 et c'est un système de crédit carbone.
06:05 Je veux bien comprendre
06:06 comment ça marche, ce que vous proposez.
06:08 Attention avec le terme crédit carbone.
06:11 Je pense qu'aujourd'hui,
06:12 on est bien au courant des dérives du système.
06:15 Je pense que ça fait beaucoup de mal
06:17 à cette transition.
06:20 Ici, il s'agit d'une certification
06:23 d'une transition vers un système régénératif
06:27 qu'on peut mesurer par le carbone.
06:28 Mais il ne s'agit pas de créer
06:29 un instrument financier
06:30 sur lequel on va spéculer.
06:32 Ce n'est pas des droits à polluer.
06:33 On est tous en train de regarder la série de Canal.
06:36 Effectivement, ça nous fait s'arracher les cheveux.
06:40 Ça marche comment, ce que vous proposez ?
06:43 D'abord, on va aller chercher chez l'agriculteur
06:48 toutes les données liées à leur sol
06:50 et à leur pratique agricole.
06:51 Ces données peuvent être auditées et le sont.
06:54 On va intégrer ces données
06:57 avec des analyses de sol
06:59 et avec de la télédétection
07:01 dans un modèle qui va permettre
07:04 de suivre l'évolution des taux de carbone
07:07 et de matière organique dans les sols
07:08 et la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
07:11 Quand cette mesure a été faite,
07:13 comment passe-t-on à la phase de rémunération de l'agriculteur ?
07:17 On va constater, à partir d'une référence de l'agriculteur,
07:21 que l'agriculteur peut s'améliorer.
07:23 Pour toute tonne de CO2
07:26 qui va être améliorée par rapport à cette référence,
07:30 c'est une tonne évitée dans la filière agroalimentaire.
07:36 On peut prendre l'exemple d'un de nos clients,
07:40 Cargill ou Royal Canin,
07:42 pour un exemple plus proche de chez nous.
07:46 Les émissions de Royal Canin
07:50 vont comprendre les émissions
07:53 de toute la chaîne d'approvisionnement.
07:55 En général, 70 à 85 % des émissions du secteur agroalimentaire
08:00 se passent au champ, c'est l'agriculture.
08:03 C'est très important pour ces entreprises,
08:06 si elles veulent tenir leurs engagements de décarbonation
08:09 et s'assurer une résilience du système sur le long terme,
08:12 de rémunérer les agriculteurs dans notre programme.
08:15 Puisqu'on parle de rémunération et de prix,
08:18 on voit que le secteur du bio souffre.
08:21 C'est l'agriculture régénératrice,
08:23 ce n'est pas exactement la même chose,
08:25 mais ça se rejoint.
08:27 Ça fait des mois que ce secteur souffre.
08:30 Est-ce que ça incite l'industrie agroalimentaire,
08:34 on a bien compris que c'est ce dont on parle ici,
08:37 à décélérer ?
08:39 Je ne sais pas si c'est une question de décélération.
08:42 Je pense qu'on a des enjeux environnementaux.
08:44 En tout cas, la plupart des pays de l'OCDE
08:46 ont structurellement changé leurs réglementations
08:49 et commencent à aller vers des réglementations environnementales.
08:52 Ça a touché le climat et le carbone,
08:54 la biodiversité, l'eau.
08:56 Les grandes entreprises multinationales,
08:58 notamment du CAC 40, qui nous mandatent,
09:00 c'est parmi ceux qui nous mandatent le plus,
09:02 doivent avoir des engagements et les tenir.
09:05 La rémunération pour les agriculteurs
09:08 se fait via des systèmes comme Solcapital et Porter,
09:12 et sont très intéressants.
09:14 Et également des prix premium à l'hectare ou à la tonne,
09:17 parce qu'ils suivent ces principes de l'agriculture régénératrice.
09:20 Donc, on est dans une décélération du marché.
09:22 On n'est pas dans une décélération,
09:24 on est dans un changement de modèle à l'échelle des filières.
09:27 J'entends bien, et heureusement d'ailleurs.
09:29 Mais on ne peut pas se décorréler totalement du marché.
09:32 J'espère que la baisse de consommation du bio est temporaire.
09:36 Mais imaginons qu'elle dure.
09:39 Pour moi, ce n'est pas le même marché.
09:41 C'est pour ça que je vous parlais de la décorrélation du marché du bio.
09:43 On n'est pas dans le marché du bio,
09:44 on est dans une voie médiane où,
09:46 dans tous nos programmes,
09:47 on vise à réduire ou supprimer les pesticides
09:49 et les engrais chimiques,
09:50 parce que c'est un objectif pour désintensifier les systèmes,
09:53 tout en gardant un rendement assez élevé.
09:56 Par contre, on change les règles du jeu
09:59 des techniques de production pour l'agriculteur.
10:01 L'agriculteur doit faire un effort dans ce changement de système.
10:03 Et temporairement ou durablement, on ne sait pas encore,
10:06 les entreprises agroalimentaires donnent ce qu'on appelle un prix premium,
10:09 un incentive en anglais,
10:11 pour que les agriculteurs se sentent motivés à changer de pratiques
10:15 malgré les frottements qu'il y a dans toute transition.
10:18 C'est peut-être demain des conditions d'accès marché à l'agriculture régénératrice.
10:22 C'est pour ça que je dis que c'est un peu décorrélé.
10:23 Je suis d'accord.
10:24 On a une mutation.
10:25 Par contre, est-ce que la bio est corrélée à tout ça ?
10:28 Je ne sais pas.
10:29 La bio est en décroissance parce que l'inflation fait que
10:32 c'est devenu bien trop cher pour beaucoup de ménages
10:34 qui les consommaient auparavant.
10:36 Donc, on est dans une conjoncture un peu différente.
10:39 L'agriculture régénératrice, c'est un outil
10:41 pour les grandes entreprises agroalimentaires
10:43 pour répondre à leurs enjeux environnementaux et leurs engagements.
10:46 – Mais Chuck de Lidokerk, il peut y avoir un lien.
10:50 C'est à vous, parmi vos clients, il doit y avoir des entreprises
10:53 qui rémunèrent donc mieux des producteurs,
10:56 qui ont fait ce chemin d'agriculture régénératrice
10:58 mais qui donc ensuite répercutent ça sur le produit qu'elles vendent aux consommateurs
11:03 avec une petite hausse par exemple.
11:05 – Alors aujourd'hui, ce n'est pas ce qu'on observe
11:08 mais je pense que tôt ou tard, si le marché doit intégrer
11:12 le prix d'une transition dans la filière,
11:15 d'une manière ou d'une autre, quelqu'un va le payer.
11:17 – Bien si.
11:18 – Et d'une manière ou d'une autre, ça va être soit le contribuable,
11:20 soit le consommateur, ça veut dire vous, nous, tout le monde.
11:23 Maintenant, ce qui est clair, le contrat avec le bio par exemple,
11:28 c'est qu'ici, il s'agit de la survie même de notre modèle agroalimentaire.
11:34 C'est très important ça, parce qu'on a quelques années maintenant
11:38 dans des conditions de stress climatique de plus en plus importantes
11:41 où on a vu la sécheresse être responsable de la décroissance
11:44 de rendement qui pour des gros industriels qui sont les clients de Biosphere
11:48 et les nôtres aussi, les inquiète sérieusement.
11:52 Il y a une génération d'agriculteurs aujourd'hui qui font accompagner,
11:55 qui faut soutenir et ça c'est nos initiatives.
11:57 – Merci beaucoup à tous les deux d'être venus nous présenter
12:01 effectivement cette agriculture régénératrice.
12:04 On passe à notre rubrique Start-up tout de suite, c'est parti.

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