Lundi 6 novembre 2023, SMART BOURSE reçoit Laurent Deydier (Directeur Général Délégué, Hottinguer Banque Privée)
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00:10 Poursuivons cette discussion de marché avec la dimension d'allocation d'actifs notamment.
00:15 Et Laurent Dédier qui est à nos côtés en plateau également pour cette demi-heure du lundi de Smart Bourse,
00:20 directeur général délégué en charge des gestions chez Autungre Banque Privée.
00:23 Bonjour et bienvenue Laurent.
00:24 Bonjour Joël.
00:25 Merci d'être avec nous dans le sillage de ce qu'on a pu dire déjà avec Alexandre Baradès.
00:29 J'aimerais bien qu'on revienne avec vous quand même sur ce rallye obligataire qu'on a vu pendant quelques jours la semaine dernière,
00:35 qui est un peu en pause en ce début de semaine mais qui a été puissant.
00:38 30-40 points de baisse sur le disant américain du pic au creux avec une série d'informations importantes,
00:44 de la macro, le discours des banques centrales et de la Fed.
00:47 Quelle est la substance qui est venue nourrir pour vous ce rallye obligataire
00:52 et qu'est-ce que ça nous indique de l'état d'esprit du marché et des scénarios possibles désormais pour la suite ?
00:57 Alors, je partage en grande partie l'analyse d'Alexandre.
01:01 Je pense que dans les ingrédients de la semaine dernière, il y a un ingrédient assez important aussi, c'est l'annonce du Trésor.
01:05 Au quatrième trimestre, ils ont annoncé que les émissions seraient moins importantes que ce que le marché anticipait.
01:11 Et j'ai envie de dire, ça a été un cocktail avec le discours de Powell et ses chiffres macroéconomiques
01:15 qui ont été un petit peu plus faibles mais qui n'ont pas été mauvais,
01:17 qui a fait un petit peu un cocktail détonnant qui a amené les marchés à faire un rallye de 5% aux Etats-Unis plus.
01:23 Et on a vu le disant américain perdre entre 30 et 40 points de base sur la semaine.
01:27 Donc je pense qu'il y a eu un ingrédient complémentaire qui est venu mettre un petit peu d'euphorie.
01:31 Ça montre quoi ? Non mais c'est intéressant parce qu'en plus ça se joue à la marge.
01:35 C'est à quelques milliards près des émissions que le marché s'est senti soulagé des annonces du Trésor américain.
01:42 Ça montre la sensibilité qu'a le marché aujourd'hui.
01:44 Alors sur ces questions de déficit et d'endettement, mais notamment vis-à-vis d'un pays comme les Etats-Unis.
01:49 Clairement aujourd'hui, le marché et la psychologie du marché...
01:51 En Europe, on est habitué à ça. Aux Etats-Unis, c'est peut-être un peu nouveau.
01:54 Alors on est dans un contexte aussi qui a beaucoup changé depuis la crise du Covid.
01:58 Le déficit a quand même aussi beaucoup galopé.
02:00 Puis là, on est en train de financer aussi deux économies de guerre entre guillemets.
02:04 Donc clairement, aujourd'hui, les Etats-Unis ont une situation qui est assez différente.
02:07 Et clairement, les investisseurs sont très focalisés sur ces messages autour des réunions de la Banque centrale, de l'inflation.
02:14 Et qu'est-ce qui se passe au niveau du Trésor ?
02:16 Quelque chose qu'on ne regardait même pas du tout en début d'année.
02:18 Même moi, en début d'année, c'est quelque chose que je regardais de très loin.
02:21 Et depuis cet été, on est tout le temps en train de se dire quel est le programme d'émission,
02:25 quelle va être la structure du programme d'émission. Est-ce que ça va être du court, du moyen, du long ?
02:28 Et d'ailleurs, on a vu que la structure du programme du quatrième trimestre
02:31 a en plus été assez favorable à l'esprit psychologique des investisseurs
02:34 parce qu'ils étaient plutôt sur la partie courte,
02:36 considérant que la partie longue n'était plutôt pas très bien rémunérée pour eux.
02:40 Est-ce que le marché obligataire est en train de commencer à anticiper
02:44 un atterrissage de l'économie américaine sans doute,
02:47 mais un atterrissage qui pourrait être plus brutal que ce qu'on a espéré jusqu'à présent ?
02:51 Je voyais que dans les consensus d'économistes,
02:54 la probabilité d'une récession à 12 mois aux États-Unis était en train de s'effacer.
02:57 Pas complètement, mais elle devient minoritaire.
02:59 Elle était majoritaire en début d'année,
03:01 elle devient minoritaire poussée par la réalité de l'économie américaine.
03:05 On a vu encore une fois les chiffres du troisième trimestre spectaculaires de croissance aux États-Unis.
03:10 Est-ce que c'est le moment de capituler sur cette idée-là
03:13 ou est-ce que c'est quand même un scénario qu'il faut probabiliser
03:17 et dont il faut tenir compte dans la stratégie d'investissement et la construction de portefeuille ?
03:21 Dans la construction de portefeuille, il ne faut jamais exclure un scénario noir.
03:24 On ne peut pas dire qu'il n'y aura pas de hard landing,
03:26 mais c'est vrai qu'aujourd'hui, il n'y a pas beaucoup d'éléments qui militent pour dire qu'il y a un hard landing.
03:30 La consommation va plutôt bien aux États-Unis, l'économie est assez saine.
03:34 Qu'est-ce qui peut nous amener à déroger de ce scénario central ?
03:37 Il y a un mur de refinancement devant nous entre 2024 et 2026.
03:40 Il y a 2,5 trillions, donc 2 500 milliards de dettes corporates à refinancer
03:45 et il y a un stock de 5 000 milliards de dettes immobilières à refinancer,
03:49 potentiellement si les ménages font "bouger" leur stratégie immobilière.
03:53 Donc là, il y a quand même un mur de dettes devant nous aux États-Unis
03:56 qui peut peut-être, à un moment ou à un autre, détériorer la vision.
04:00 Pourquoi ? Parce que si jamais vous refinancez plus cher, vous reniez vos marges.
04:04 Et si vous reniez vos marges, peut-être que vous allez les protéger et donc accélérer le licenciement
04:08 et donc un taux d'emploi qui pourrait déraper.
04:11 Aujourd'hui, je trouve que c'est vraiment trop tôt.
04:13 Les messages des entreprises ont été super sages.
04:15 Et c'est vrai, ça faisait trois trimestres qu'on avait des révisions négatives.
04:18 On a des révisions positives sur le trimestre, entre 2 et 4 %, on va voir les derniers chiffres de cette semaine.
04:22 Donc c'est plutôt pas mal. Donc on est plutôt avec un consensus qui anticipe bien les choses.
04:27 Sur le quatrième trimestre, les discours ont quand même été très neutres.
04:30 Personne n'a fanfaronné, j'ai envie de dire.
04:33 Personne n'a paru une ou deux sociétés que j'ai à l'esprit dans des secteurs bien spécifiques
04:36 qui ont dit qu'elles voyaient une petite amélioration au quatrième trimestre.
04:39 Tout le monde a été assez sage.
04:41 Et quand on essaye de gratter des informations sur la tendance 2024, tout le monde est très sage.
04:46 Incertitude d'économie, la locomotive chinoise est à l'arrêt, l'Europe en stagflation depuis trois trimestres,
04:51 les Etats-Unis ralentissent ou reprennent leur souffle, quel que soit le mot,
04:54 mais en tout cas, voilà, sont en train de reprendre leur souffle.
04:56 Donc personne ne peut se permettre d'être très optimiste.
04:58 Mais aujourd'hui, un scénario noir, je trouve qu'on n'a pas les ingrédients, sauf si on a un choc exogène.
05:03 - Oui, je comprends. Qu'est-ce qui différencie à ce stade les Etats-Unis de l'Europe ?
05:08 Laurent, si on a en tête que la Fed, toute chose égale par ailleurs, a délivré sa dernière hausse de taux en septembre,
05:15 maintenant, si je ne dis pas de bêtise, ou juillet, non, juillet, juillet, juillet,
05:19 qu'en est-il de la Banque Centrale Européenne et de la zone euro ?
05:24 Là aussi, on a eu toute une série de chiffres montrant la dynamique de croissance médiocre,
05:29 toujours plus médiocre, même peut-être en zone euro, sur le troisième trimestre.
05:33 Qu'est-ce que ça inspire en termes de réflexion chez l'investisseur ou le gestionnaire d'actifs ?
05:39 - On a, j'ai envie de dire, les mêmes mots, mais dans une caricature un petit peu plus mauvaise,
05:43 c'est-à-dire qu'on est en décroissance, on a 0,1 négatif au troisième trimestre.
05:48 On a des taux, si on regarde le 10 ans allemand, qui est à 2,70, 2,80, qui se baladent,
05:52 qui a un petit peu baissé la semaine dernière, mais pas énormément.
05:55 Et on a une Banque Centrale qui a des taux à 4, donc qui a quand même un petit peu de munitions
05:59 pour redonner de l'oxygène à l'économie en 2024, si elle le souhaitait, mais ce n'est pas le scénario.
06:04 Donc c'est vrai que clairement, aujourd'hui, aux États-Unis, on se dit qu'on a une partie
06:07 qui est plus facile parce qu'ils sont rentrés dans cette crise plus tôt.
06:09 L'inflation, ils l'ont certainement taclé un peu plus rapidement, j'ai envie de dire,
06:13 même si elle est plus résiliente parce que l'économie va mieux.
06:15 Et j'ai envie de dire qu'on a des messages aujourd'hui, d'ailleurs c'était assez intéressant,
06:19 il y a Visa et Mastercard qui ont publié leurs chiffres ces dernières semaines,
06:22 qu'envoyer le même message qu'on dit depuis septembre, il se passe quelque chose,
06:25 et c'est quand même un peu le poumon de l'économie, c'est l'utilisation de sa carte de crédit,
06:29 depuis septembre ça se dégrade et en octobre ça continue.
06:32 Et donc on se dit, tiens, peut-être que la Fed, alors le marché a très vite anticipé la semaine dernière,
06:36 on est passé d'une baisse d'autocours de juillet au mois de mai, ou au mois de juillet,
06:42 où on met la cette.
06:43 On avance, le marché avance, la première baisse d'autocours.
06:46 Ça vient cette semaine entre deux, je suis d'accord, higher, fallonger.
06:48 La question c'est le higher, c'est combien de temps on va rester à des niveaux qui seront peut-être,
06:51 entre 4,5 et 5,5 au Etats-Unis.
06:54 Mais aujourd'hui, pourquoi on préfère les Etats-Unis ?
06:58 Parce qu'ils sont autour de la moyenne historique en termes de valorisation,
07:01 mais je me dis, si on déplace le débat un petit peu plus loin, probablement au premier trimestre 2024,
07:06 si la Fed envoie ce signal qu'à un moment ou un autre elle peut baisser cette haut autour de l'été,
07:10 en deuxième partie 2024, il y a aussi une question qui a été très bien dit par Alexandre tout à l'heure,
07:15 l'expansion du multiple.
07:17 Aujourd'hui, les valorisations sont à la moyenne,
07:19 mais dans un phénomène où les taux viendraient à baisser,
07:22 tout d'un coup, même dans une dynamique de croissance faible,
07:24 avec des profits qui ne bougeront pas beaucoup, ou en très légère croissance,
07:27 on peut avoir des marchés haussiers aux Etats-Unis, juste par l'expansion du multiple, le fameux PE.
07:32 Il ne faut pas négliger quand même ce facteur de performance.
07:36 Ça nous a pénalisé, alors on était certainement en excès en 2021,
07:39 on avait fait un peu n'importe quoi, on a perdu 5, 6 points,
07:42 on est passé entre 22, 24 à 16, 18.
07:45 Est-ce que le marché l'année prochaine peut valoir 20 fois les profits des Etats-Unis ?
07:49 Ce n'est pas excluant, en tout cas c'est une question qui méritera d'être posée en 2024.
07:52 Et le risque macro est plus important aujourd'hui pour la zone euro que pour les Etats-Unis ?
07:56 Clairement, parce qu'on est dans une situation où tous les pays sont autour de zéro,
08:02 et puis on a toujours quand même cette crise économique, énergétique et militaire qui est à nos portes.
08:08 Et aujourd'hui, on n'est pas capable d'avoir un coup de l'énergie à bas coût comme les Etats-Unis,
08:13 donc aujourd'hui on est clairement défavorablement orienté.
08:16 Dans une location globale, qu'est-ce qu'on peut dire de la place des émergents aujourd'hui, Laurent ?
08:21 2023 ne restera pas comme une très bonne année pour les actifs émergents,
08:25 je mets un peu tout le monde dans le même lot.
08:27 Il y avait eu quand même une première partie d'année où on voyait des devises émergentes,
08:30 bien tenir, etc. et puis les choses se sont un peu renversées au fur et à mesure.
08:34 L'idée d'une Fed plus équilibrée, moins agressive,
08:39 est-ce que ça peut être un facteur de soulagement aussi pour un certain nombre d'actifs émergents ?
08:44 Est-ce que ces actifs-là ont leur place aujourd'hui dans une allocation ?
08:47 Une grande partie de la réponse tient dans le scénario dollar.
08:49 Si le dollar glisse à 1,10 et va peut-être même à 1,15 l'année prochaine,
08:53 dans ces conditions, il faudra certainement se réintéresser aux émergents,
08:56 qui ont quand même une année électorale et politique très importante en 2024,
09:00 quelles que soient les géographies qu'on regarde.
09:02 Dans un scénario où on a une économie mondiale qui reste molle,
09:05 et un dollar qui resterait dans cette borne de 1,05-1,10,
09:09 c'est trop tôt certainement pour refavoriser les actifs émergents en direct.
09:13 On peut s'intéresser, et ça a été très bien dit,
09:15 comme certaines valeurs du luxe ou du secteur,
09:17 qui bénéficient de la dynamique émergente en étant des valeurs domestiques dans les pays développés.
09:22 C'est comme ça que je jouerai les émergents encore jusqu'au printemps 2024.
09:25 Et après on pourra se poser la question,
09:27 si la Fed change de discours au tournant de l'hiver, au début du printemps,
09:31 de s'intéresser aux émergents. C'est trop tôt aujourd'hui.
09:33 En termes de grands équilibres, comment est-ce que tout ça se traduit dans un portefeuille équilibré ?
09:38 Action versus taux ? Est-ce que le match est relancé ?
09:42 Est-ce que l'obligataire 2023 devait être l'année des bonds ?
09:46 Tout le monde l'a écrit au moins à un moment, c'était il y a quelques mois maintenant, en début d'année.
09:51 Ça n'a pas été le cas.
09:54 Ça ne veut pas dire que 2024 n'apporte pas quand même une vision plus constructive
09:58 sur ces marchés obligataires j'imagine, Laurent.
10:00 Clairement aujourd'hui, pour finir l'année et démarrer 2024,
10:03 il y a un message de neutralité sur les actifs risqués, donc sur les actions.
10:06 Petite zone favorable et avis favorable aux États-Unis,
10:10 un autre moins sur l'Europe et on reste à côté.
10:13 On délaisse un peu les émergents aujourd'hui.
10:15 C'est vrai qu'aujourd'hui, la construction d'un portefeuille équilibré pour un client
10:18 va se résumer à un investissement plus important que par le passé.
10:22 Mais ça fait le passé, ça fait 10 ans qu'on souffre dans ces marchés-là,
10:25 de rééquilibrer la partie crédit et donc obligataire.
10:28 Alors quand je dis crédit, je ne vais pas aller sur le high-heel aujourd'hui
10:31 parce que c'est vrai qu'on a des petites incertitudes,
10:33 surtout en Europe, sur la trajectoire de la croissance économique.
10:36 Et donc le risque de voir le spread et donc le crédit s'écarter n'est pas à exclure.
10:41 Et donc aujourd'hui, je trouve qu'on n'est pas dans un momentum très favorable.
10:44 On n'a pas vu ça encore. Le risque-rendement sur le crédit, c'est pas détérioré ?
10:49 Aujourd'hui, il n'est pas visible.
10:50 Par-ci par-là, on voit des rétrostructurations, des annonces de paiements de coupons.
10:54 Mais aujourd'hui, ce n'est pas une généralité.
10:56 Il n'y a pas une tension sur les marchés de crédit.
10:58 Ça a juste été quelques épiphénomènes.
11:00 En revanche, clairement, sur la partie courte, que ce soit du monétaire qui est très défensif,
11:04 mais c'est une bonne recommandation, faire du 4% sans risque aujourd'hui
11:07 ou du 5,5% aux Etats-Unis quand on peut être investi en dollars
11:10 et si on est client américain, c'est assez intéressant.
11:13 Et donc aujourd'hui, on préfère la partie de qualité,
11:17 donc l'investment grade, court, américain, européen.
11:19 Et là, vraiment, il y a des choses à faire parce qu'il y a vraiment de l'attractivité.
11:23 Et on voit qu'aujourd'hui, ça résiste très bien à tous les phénomènes de marché.
11:27 Et c'est assez logique.
11:28 Et aujourd'hui, on embarque quand même un portage et un coupon qui est assez séduisant,
11:32 qui doit nous permettre, sur cette partie-là, de dégager autour de 5% en 2024
11:38 dans un scénario isopérimètre, un scénario de choc.
11:41 Et puis derrière, il faudra essayer de le tilter par des petites stratégies
11:44 de temps en temps positives sur d'autres classes d'actifs.
11:46 Mais aujourd'hui, il y a un cœur de portefeuille qui doit donner quand même
11:48 une belle performance en 2024.
11:50 - Merci beaucoup, Laurent.
11:51 Merci pour votre analyse de la situation et cet éclairage en matière de stratégie d'investissement
11:56 et de stratégie d'allocation d'actifs.
11:58 Laurent Dédier, qui était avec nous pendant cette demi-heure du lundi,
12:02 13h30, 14h, si vous nous suivez en direct, en replay, bien sûr, sur bismarck.fr.
12:06 Et puis la grande édition du lundi au vendredi à 17h, vous le savez.
12:09 Laurent Dédier, je le disais, directeur général délégué en charge des gestions
12:13 chez Autungr, banque privée, nous accompagnait pendant cette demi-heure.
12:17 Nous nous retrouvons à 17h en direct sur Bismarck.
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