• il y a 2 ans
Journée d’étude sur les épidémies et la prévention en santé publique
Mardi 21 mars 2023 à Pierrefitte-sur-Seine

Premières questions
Transcription
00:00 Bonjour, j'aurais juste une petite question par rapport à la dernière phrase que vous avez.
00:07 Monsieur Changlier, est-ce qu'on peut voir dans les archives de l'époque,
00:12 dans la décision justement du médecin de déclarer quelqu'un lépreux ou pas,
00:18 donc de le condamner socialement, est-ce qu'on peut y voir les inégalités sociales
00:22 que l'on retrouve parfaitement aujourd'hui dans les manières dont un médecin peut peut-être
00:30 identifier un patient en fonction de ses origines, de son milieu social, etc.
00:36 C'est-à-dire, est-ce qu'il y a des équivalences à cette époque-là
00:39 que l'on n'hésiterait pas à plus pour un grand marchand ou un prince ?
00:44 Alors absolument, ce n'est pas toujours visible, mais on le voit par exemple dans les actes,
00:49 quand il y a un tribunale qui est très connu qui s'appelle la Purge à Clermont-Ferrand en Auvergne,
00:54 qui sert à distinguer les lépreux des autres.
00:56 Évidemment, un grand prince ne va pas passer par un tel tribunal, il va passer par d'autres biais.
01:01 Et j'ai un autre exemple, c'est un médecin du 15e siècle qui s'appelle Girolamo Mantredi,
01:06 qui est italien de Bologne, qui a un traité sur la peste,
01:09 et qui traite de tous les aspects, c'est vraiment un énorme traité en italien et en latin,
01:14 et il explique la quarantaine.
01:17 Et il dit, voilà, la quarantaine c'est pour tout le monde, ce qu'on sait pour la quarantaine.
01:21 Mais il dit, si la personne est noble, alors il vaut mieux la laisser chez elle.
01:26 Et ce n'est évidemment pas parce que c'est sanitairement meilleur,
01:29 c'est juste que, pour les raisons que j'ai dites, c'est-à-dire qu'il ne s'agit pas qu'elle se contamine en allant au Lazaret,
01:34 mais aussi, pour un noble, et c'est sans doute plus important,
01:37 il ne s'agit pas de vivre ne serait-ce que 40 jours avec des marins,
01:41 c'est tout à fait inacceptable d'un point de vue social.
01:44 Donc évidemment, il y a cette prise en compte qui n'est pas toujours explicite,
01:47 mais quand elle l'est, on devine qu'elle est profonde.
01:50 Merci beaucoup. Je voudrais rebondir sur quelque chose qui a été évoqué brièvement par Christian Bonat,
01:57 et qui a à voir avec, non pas les résistances face à l'ordre sanitaire,
02:06 tel que l'État peut le mettre en scène et tenter de l'imposer,
02:12 mais avec l'inverse, avec la question des faiblesses.
02:16 Et en particulier, cette idée qui a été quand même véhiculée par beaucoup d'historiens,
02:24 des faiblesses particulières de la santé publique en France.
02:28 Donc là, sur le fait qu'au fond, en dépit de la multiplication des lois,
02:34 en dépit de la mise à l'agenda d'un certain nombre de mesures sanitaires,
02:40 y compris des vaccinations, etc.,
02:43 l'essentiel de la deuxième moitié du 19e siècle et du 20e siècle
02:51 est celle d'une grande impuissance de l'État.
02:54 Et dans cette perspective-là, vous entendre sur,
02:58 non pas la résistance des patients ou des malades,
03:02 mais la résistance des médecins.
03:05 Christian ?
03:07 Enormes questions, évidemment.
03:17 On part de Silberman et Murat et de l'utopie contrariée de l'hygiène publique
03:25 et de la santé publique en France,
03:27 qui est une hypothèse sérieuse, travaillée et intéressante,
03:33 mais peut-être incomplète quand même.
03:35 Je pense qu'il y a des cas de mariage extrêmement fonctionnel et heureux
03:41 où l'État s'appuie sur une part du corps médical pour promouvoir.
03:46 Et je pense notamment au phénomène de la vaccination infantile
03:51 via les pédiatres français.
03:53 C'est-à-dire, je crois qu'il n'y a pas de modèle plus parfait que celui-là.
03:56 Je pense que la France est devenue un des pays les plus vaccinateurs de toute l'Europe
04:01 via la construction d'une identité professionnelle,
04:05 d'un sous-groupe de spécialités qui s'appelle les pédiatres.
04:08 Ce qui est intéressant là-dedans, ça rejoint des choses qu'on a discutées aussi,
04:11 c'est que ce qui marche à cet endroit,
04:13 et ça rejoint des choses qu'on a déjà évoquées dans la première table en ombre,
04:17 c'est que si c'est l'État qui dit "vous devez", ça ne marche pas.
04:22 Le BCG a montré qu'il y a des médecins qui ont fini par faire des fausses enregistres certificat.
04:27 À la fin, plus personne ne savait qu'ils étaient vraiment vaccinés, etc.
04:30 C'est-à-dire qu'on était dans un truc assez ingérable au bout d'un moment.
04:34 Quand on délègue ça aux pédiatres,
04:37 donc là, ce n'est pas l'État qui prescrit,
04:39 et ça passe comme une lettre à la poste,
04:41 c'est extrêmement fort parce qu'il y a un intérêt partagé.
04:44 Les pédiatres ont intérêt parce que ça construit leur spécificité
04:48 de la prise en charge de la petite enfance,
04:50 de passer à chez eux, etc.
04:52 Et en contrepartie, ils vaccinent infiniment plus que les médecins généralistes, etc.
04:56 Et donc là, ça fonctionne.
04:58 Il y a d'autres endroits où c'est clair que la santé publique,
05:02 après, il faudra définir et déplier ce qu'on entend par santé publique.
05:06 Parce que là, on parle d'une vaccinale ou d'une série de vaccinations.
05:09 Est-ce que c'est l'éducation ?
05:11 Est-ce que c'est un programme épidémiologique de veille, de surveillance, etc.
05:15 C'est encore autre chose.
05:17 Peut-être que ma réponse va durer jusqu'à 14h30.
05:20 Donc, je vais m'arrêter là.
05:22 Vous voulez que quelqu'un d'autre agisse ?
05:25 Allez-y, Magali.
05:27 Pour le sida, je voulais simplement souligner qu'on a beaucoup parlé
05:32 des errements de l'État en la matière.
05:37 Sur l'aspect capacité de l'État à entendre et écouter les associations,
05:43 on peut noter que la France a réagi,
05:47 elle a eu des réactions assez précoces par rapport à d'autres pays
05:51 et dans le sillage des États-Unis,
05:54 notamment pour ce qui est de l'accès des patients
05:57 aux instances qui discutent les essais pharmaceutiques.
06:00 Et ça, on le voit, il y a une résistance du corps médical au départ
06:05 sur l'idée que le patient ne sait pas.
06:08 Mais cette résistance, elle tombe quand même en partie,
06:12 du point de vue institutionnel, en tout cas dans les années 1990,
06:16 et avec une inversion qui se fait quand même à la NRS,
06:22 une acceptation des associations qui se fait assez rapidement,
06:27 finalement, dans les années 1990,
06:30 par le biais, je dirais, aussi des militants médecins
06:33 qui sont à la jonction entre les deux
06:35 et qui jouent un rôle aussi dans cette acceptation.
06:38 [SILENCE]

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