Vendredi 13 octobre 2023, SMART ÉDUCATION reçoit Stéphane André (Fondateur, École de l'Art Oratoire)
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00:07 -Bonjour à toutes et à tous. Je suis ravie de vous retrouver
00:11 dans votre rendez-vous hebdomadaire Smart Education,
00:14 dédié aux nouvelles formations, métiers, pédagogie,
00:17 également aux nouvelles technologies de l'éducation.
00:20 Comme chaque mois, nous faisons un focus sur une filière.
00:24 Celle-ci les traverse, justement, les secteurs et les métiers.
00:27 C'est l'art oratoire.
00:29 Tout le monde est amené à un moment ou un autre
00:32 à prendre la parole en public, notamment dans le monde professionnel.
00:36 Depuis 50 ans, l'école de l'art oratoire
00:38 forme à la communication orale et veut rendre l'éloquence accessible
00:42 au plus grand nombre. Nous recevons le fondateur
00:45 de l'école de l'art oratoire, Stéphane André.
00:47 Bonjour. -Bonjour.
00:49 -Bienvenue. On est ravis de vous accueillir.
00:51 J'en profite pour présenter votre livre,
00:54 "Une éloquence naturelle pour préserver l'écologie sociale"
00:58 et "Une éloquence naturelle pour la civilisation".
01:00 Merci encore d'être avec nous. 50 ans, je le disais.
01:03 Comment est né ce projet en 1973, donc,
01:06 de construire une école autour de l'art oratoire ?
01:09 -Tout simplement parce qu'on m'a donné la chance.
01:11 Quand j'étais élève à l'ESSEC, puis ensuite diplômé de l'ESSEC,
01:15 le directeur de l'école était un ancien avocat,
01:18 maître Olivier, qui m'a demandé... J'étais comédien déjà,
01:21 et il m'a demandé de former des élèves de l'ESSEC.
01:24 Rapidement, je suis passé dans l'entreprise
01:27 à la parole en public.
01:28 A l'époque, ça ne se faisait pas.
01:30 Il n'y avait pas de séminaire sur la prise de parole
01:33 où que ce soit en France, en public,
01:35 donc j'ai dû créer ma propre technique.
01:37 -Vous étiez précurseur sur ce sujet,
01:40 la communication orale et l'art oratoire.
01:42 -M. Olivier a été un précurseur,
01:45 et il m'a donné la chance de commencer à travailler.
01:48 J'ai dû forger ma technique tout seul
01:50 car je n'avais pas de modèle autour de moi.
01:53 -Vous appelez ça un art, c'est aussi une question
01:55 que je me suis posée en préparant cette émission.
01:58 -La muse de l'art oratoire, de la parole en public,
02:02 à Rome, s'appelait Calliope.
02:04 C'était considéré comme un art.
02:06 Je considère que l'art oratoire est effectivement un art,
02:10 ce qui me permet d'ailleurs de me différencier, par exemple,
02:13 de différencier un Hitler d'un de Gaulle.
02:16 Hitler, c'est horrible.
02:17 Le son est absolument épouvantable,
02:20 la gestuelle est absolument laide,
02:22 et Hitler a du charisme, mais pas de l'art oratoire.
02:26 Ce n'est pas de l'art Hitler,
02:27 alors qu'Obama, Mitterrand, De Gaulle,
02:30 pour en citer quelques-uns,
02:32 c'est une esthétique artistique qui fait les beaux orateurs.
02:36 -C'est intéressant, Stéphane André.
02:38 Précurseur à l'époque,
02:39 est-ce que vous diriez qu'aujourd'hui,
02:41 avec les concours d'éloquence médiatisés,
02:43 la pratique de l'oral s'est démocratisée un peu ?
02:47 -Elle s'est démocratisée, mais j'appelle ça une mode.
02:50 Elle date d'à peu près il y a 10 ans,
02:52 et comme toutes les modes, elle reste en surface.
02:55 Avec la mode de l'éloquence,
02:56 on a vu fleurir, ou plutôt naître,
02:58 un peu comme des escargots après une pluie de printemps,
03:02 un tas de nouveaux formateurs
03:03 qui n'ont pas fait les recherches nécessaires,
03:06 et cette mode de l'éloquence reste beaucoup
03:08 au niveau du brio personnel.
03:10 Le stand-up, par exemple,
03:12 est une manifestation de cette envie de briller personnellement.
03:16 L'art oratoire n'est pas l'art de briller personnellement.
03:19 C'est être au service d'une cause, d'un public,
03:22 d'une fonction et d'un public.
03:24 Ce n'est pas l'art de briller personnellement,
03:26 comme certains politiques ont tendance à le faire.
03:29 -On reste en surface, selon vous ?
03:31 -On reste en surface.
03:33 On piège les défauts, on essaie de les enlever,
03:35 et quand on enlève un défaut, il est remplacé par un autre.
03:38 Le défaut vient d'un déséquilibre interne au corps de l'orateur,
03:42 il se déséquilibre complètement, les défauts arrivent,
03:45 les "eux", les "si vous voulez", les "c'est-à-dire",
03:48 les "vous" et les "que", etc.
03:50 Tout ça va avec des déséquilibres du corps.
03:52 Il faut rééquilibrer le corps.
03:54 Quand on réussit le corps à corps avec une auditrice,
03:57 on réussit le cerveau à cerveau.
03:59 C'est ce que j'essaie de faire.
04:01 -C'est intéressant, on va en parler.
04:03 Est-ce que vous pensez, pour rester sur cette démocratisation,
04:07 cette pratique de l'art oratoire ou de l'éloquence,
04:10 qu'il faut la rendre obligatoire dès le plus jeune âge,
04:13 cette pratique-là ?
04:14 Est-ce qu'on pratique assez l'oral à l'école ?
04:16 -Je dirais que, d'abord, je ne vais pas dire des choses trop négatives,
04:20 cette mode de l'éloquence, elle est venue
04:23 parce qu'on s'est rendu compte
04:24 que l'oral avait disparu de notre culture.
04:27 Donc, en soi, cette mode, c'est bien qu'elle soit née.
04:30 Maintenant, il faut essayer de l'orienter correctement.
04:33 Et donc, il y a quelque chose, là, à revoir complètement.
04:38 Mais je dirais, pour répondre à votre question,
04:41 que ce qui serait formidable, c'est de préserver
04:44 ce qu'est l'art oratoire, sans le savoir,
04:47 de l'enfant de 5 ans.
04:48 Les enfants autour de l'âge de 5 ans sont des orateurs.
04:53 Ils ont un regard, une posture, une voix
04:56 et un discernement sur ce qui se passe dans le monde.
04:58 Parfait.
05:00 -Ils ont peut-être en plus moins peur
05:02 de s'exprimer en public, les enfants.
05:04 Ils ont peut-être moins peur de s'exprimer en public.
05:07 -Ils n'ont pas peur. On leur donne la peur.
05:09 On parle d'éducation sur votre plateau.
05:12 L'éducation à l'oral de l'enfant de 5 ans,
05:14 qui est disponible au monde,
05:16 qui a un regard, même sur le papa qui le gronde,
05:18 l'enfant maintient son regard avec curiosité et amour
05:21 vis-à-vis de son père, même quand il se fait gronder,
05:24 et le père prend ça pour un défi.
05:26 C'est une absurdité totale.
05:28 Ensuite, on finit par dire "attention à ce que tu vas dire",
05:31 "t'as encore dit une connerie", et même le ton qu'on emploie,
05:35 "je t'écoute", le môme, il prend la trouille.
05:37 Il apprend à baisser les yeux, à réfléchir,
05:40 avant de parler. Moyennant quoi, il apprend à réfléchir,
05:43 il apprend la solitude et la peur de dire une bêtise.
05:46 Il apprend le trac.
05:48 L'éducation française de l'oral donne le trac aux enfants.
05:52 On ferait mieux de préserver ce qu'ils ont,
05:54 de le cultiver dans l'enseignement dès les premiers moments
05:58 de l'école, et là, on aurait la préservation
06:01 d'un art oratoire naturel.
06:03 Mon dernier livre s'appelle "L'éloquence naturelle".
06:06 C'est tel qu'adulte, par la technique
06:08 que nous enseignons à l'école de l'art oratoire,
06:11 nous pouvons retrouver. Ce qu'on fait retrouver,
06:13 c'est l'enfant de 5 ans qu'ils ont été,
06:16 alors qu'ils ont peut-être 60 ou 70 ans,
06:18 ils peuvent retrouver par la technique
06:20 ce qu'était l'enfant de 5 ans qu'ils ont été.
06:23 -Quel est le profil de ces apprenants
06:25 qui viennent vous voir, qui viennent toquer
06:27 à la porte de l'école de l'art oratoire ?
06:30 -Alors, il y a... C'est beaucoup l'entreprise.
06:32 Nous avons beaucoup de gens, et j'ai commencé moi-même,
06:36 dans mon petit cabinet de formation,
06:38 avant que ça devienne une école d'art oratoire,
06:40 d'abord avec l'entreprise, et je ségrai à l'entreprise,
06:43 de nous avoir envoyé beaucoup d'élèves.
06:46 -Comment vous l'expliquez, ça, que les entreprises
06:48 ont ce besoin-là de se former ?
06:50 Est-ce que c'est des managers, d'ailleurs ?
06:52 C'est quoi, le profil de ces gens ?
06:54 -C'est souvent des managers.
06:56 Ca peut aller de l'agent de maîtrise,
06:58 je me souviens, c'est PSA à Mulhouse,
07:00 des agents de maîtrise de Peugeot, à l'époque,
07:03 et jusqu'au PDG, jusqu'aux dirigeants,
07:05 jusqu'aux grands dirigeants,
07:07 et donc, c'est tous les managers,
07:09 tous les gens qui ont en responsabilité des équipes,
07:12 même des équipes modestes,
07:14 mais ce sont en général des managers ou des consultants,
07:17 et puis, ça s'explique, parce que, dans l'entreprise,
07:20 on s'est rendu compte que les slides, c'est bien,
07:23 avoir son texte sous les yeux, c'est bien,
07:25 mais qu'on pouvait endormir un public,
07:27 y compris de collaborateurs qui peuvent très bien s'endormir
07:31 au lieu d'aller bosser,
07:32 c'est pas de leur faute,
07:34 c'est parce que le manager les a endormis
07:36 par un ton soporifique dans chacune de ces réunions.
07:39 -Quelle est votre méthode ?
07:40 On l'a bien compris, vous vous adaptez
07:42 à celui que vous avez en face de vous,
07:45 mais voilà, si on devait expliquer la méthode Stéphane André
07:48 ou la méthode des 10 professeurs
07:50 qui enseignent à l'école de l'art oratoire,
07:53 ce serait quoi ? On part de quoi ?
07:54 -D'abord, ça commence par l'écoute.
07:57 Je dirais que, très souvent, on enseigne la posture,
08:01 l'ancrage, j'ai horreur de l'ancrage,
08:03 parce qu'on est comme ça, on oublie un peu le ciel et l'autre,
08:06 mais on est aux bases.
08:08 C'est des postures de western, c'est un peu bizarre.
08:11 C'est d'abord, avant la posture et la voix.
08:15 Si on n'enseigne pas le regard, on perd son temps.
08:19 Or, le regard, c'est un instrument d'écoute.
08:21 -Il y a des choses à faire avant même de parler.
08:24 -Oui. C'est pour ça que nous travaillons beaucoup
08:27 l'entrée en scène. Mais le premier outil utilisé
08:29 par un orateur, c'est le regard.
08:32 C'est à partir du regard et d'une décision
08:36 de s'intéresser à l'autre,
08:38 s'intéresser au monde,
08:39 à partir de cette décision de s'intéresser à l'autre,
08:42 on absorbe le monde et on grandit comme par hasard.
08:46 Et à ce moment-là, le canal est préparé pour la voix.
08:49 Et le regard amène le dos, le dos amène la voix,
08:53 et c'est comme le cheval en équitation.
08:55 Le cerveau, c'est le cavalier.
08:57 Si le regard, le dos et la voix fonctionnent,
09:00 alors le cerveau fonctionne. Je n'ai plus à m'occuper de mon cerveau.
09:03 Je ne réfléchis plus avant de parler, je suis dans l'action.
09:07 Je suis avec vous et avec mon propre corps.
09:09 Si je réussis le corps à corps avec vous,
09:12 j'ai réussi le cerveau à cerveau.
09:14 Arrêtons de penser au cerveau, piégeons-le dans l'action.
09:17 Et l'action, c'est d'abord le corps à corps.
09:21 Réussi à partir du regard d'intérêt
09:25 sur son propre public.
09:26 Une personne, dix personnes ou dix millions.
09:29 -Et ce qui se passe sur la voix ?
09:31 Il y a un travail sur la voix.
09:32 -Il y a un travail sur la voix, mais qui commence par l'oreille.
09:37 C'est-à-dire qu'on apprend d'abord à nos élèves
09:41 avant de leur apprendre ce que c'est que la respiration.
09:44 On fait allusion à leur sens artistique.
09:46 On les prend pour des adultes au sens artistique.
09:49 Un exercice que j'aime bien, c'est placer la voix
09:52 pour l'élève sur un petit texte, un verre de La Fontaine.
09:55 L'élève écoute et reproduit.
09:57 La première fois, il n'y arrive pas très bien.
10:00 On lui dit "attention, réécoutez mieux ma voix".
10:02 Il y arrive très bien. Il peut sortir une belle voix
10:05 alors qu'il ne sait pas comment fonctionne la respiration.
10:08 On peut lui apprendre techniquement la voix,
10:11 mais d'abord, il y a un projet musical avec la voix.
10:14 Il faut sensibiliser nos élèves là-dessus.
10:16 Et il y a un projet relationnel avec le regard.
10:19 -Combien de jours ces ateliers ? Stéphane André ?
10:22 -C'est très variable.
10:24 Il y a des cours longue durée.
10:26 Et puis, il y a des cours qu'on appelle des séminaires,
10:29 qui sont en deux ou trois jours.
10:31 Les séminaires intensifs, un peu plus longs,
10:34 qui sont en trois ou quatre jours,
10:35 cinq jours même.
10:37 Les durées sont très variables.
10:39 Ca dépend des besoins de chaque élève,
10:41 de son emploi du temps aussi, de ses goûts.
10:44 Et puis, surtout, il y a dans nos cours
10:47 une base qui est l'art oratoire, le regard de voix.
10:50 Et puis, on décline ça sur des écoles d'application
10:53 qui sont multiples. -Des exemples.
10:55 -Qui sont la négociation, le débat contradictoire.
10:58 Nous avons aussi des politiques,
11:00 en général, en cours particulier,
11:02 mais avec eux, nous travaillons beaucoup le débat,
11:05 l'exposé en public, la conférence,
11:07 l'exposé aussi à travers les médias.
11:09 Comment je parle devant un ordinateur
11:12 dans une visioconférence ?
11:13 Donc, les écoles d'application varient.
11:16 La technique de base est toujours la même.
11:18 -Et on ne l'oublie pas, cette technique,
11:21 c'est aussi une question que je me suis posée.
11:23 Une fois qu'on est passé vous voir, Stéphane André,
11:26 ça, on le retient, on l'a pour la suite ?
11:29 -On essaie de donner à nos élèves une conscience de sportif.
11:32 Jamais un sportif n'oublie sa technique.
11:35 Un joueur de tennis, un cavalier en équitation, en dressage,
11:38 la technique est toujours là.
11:40 Et notre technique est tellement basique
11:43 et, j'allais dire, écologiquement juste.
11:45 Il nous semble que nous respectons le morceau de nature
11:48 qui est notre propre corps.
11:50 Nous le respectons lorsque nous amenons l'orateur au regard,
11:53 à placer son dos et puis la voix.
11:55 Il nous semble que là, nous faisons exactement,
11:58 pour parler en public, ce que la nature,
12:00 que j'appelle mère nature, exige,
12:02 ce que nous faisions quand nous parlions en public.
12:05 Si on parle en public devant, avec des tiques d'épaule,
12:08 il est évident qu'on massacre son propre corps
12:11 et qu'on massacre alors la relation au public.
12:13 -On termine là-dessus. Stéphane André,
12:16 merci beaucoup d'être venu nous voir dans "Smart Education".
12:19 Nous sommes ravis de vous accueillir,
12:21 fondateur de l'école de l'art oratoire.
12:24 Je remontre votre livre, "Une éloquence naturelle",
12:27 pour préserver l'écologie sociale dans nos organisations.
12:30 Merci beaucoup d'être venu nous voir dans "Smart Education".
12:33 Merci à vous de nous avoir suivis.
12:36 On se retrouve très vite pour un nouveau numéro.
12:38 A très vite sur "Be smart". Ciao.
12:41 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
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