• l’année dernière
Retrouvez la question qui fâche sur France Inter : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-question-qui-fache

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Alors justement la question qui fâche du jour Nora c'est…
00:02 Je vais gagner un million si je réponds bien à la question.
00:09 Oui c'est ça, l'attention est à son comble.
00:11 En alimentation, les pauvres ont-ils mauvais goût alors ?
00:14 Qu'est-ce que le mauvais goût ?
00:16 Non mais en fait c'est ça, c'est qu'est-ce que ça veut dire mauvais goût ?
00:19 Qu'est-ce que veut dire bon goût ?
00:21 Le bon goût et le mauvais goût c'est arbitraire, c'est décidé par certaines classes, les classes dominantes.
00:25 C'est le produit de normes sociales, le bon goût à Paris n'est pas le bon goût à Lyon, n'est pas le bon goût à Shanghai, n'est pas le bon goût à Sydney.
00:33 Le mauvais goût c'est la même chose.
00:35 C'est la même chose, c'est la mauvaise santé ?
00:37 C'est plutôt une manière de se distinguer le goût et là je n'ai rien inventé.
00:41 Bourdieu, le sociologue, en parlait à ma place, déjà dans la distinction notamment, il disait aussi le goût c'est le dégoût du goût des autres aussi.
00:50 C'est-à-dire qu'on a le curseur de son goût par rapport à celui des autres et de la classe sociale à laquelle on appartient ou bien de ce qu'on veut refléter aussi.
00:57 Ok, mais Maya dans cette émission va incarner la voix de vos détracteurs comme tous les jours.
01:01 Maya n'est pas d'accord.
01:02 Je ne suis pas d'accord du tout parce que quand on parle du bon goût, ça peut tout simplement être le goût qui est bon pour nous.
01:08 Là on parlait justement des chiffres de l'obésité, du coup les pauvres manifestement ont mauvais goût.
01:13 Et ils ont le goût de ce qu'ils peuvent acheter.
01:15 Et alors déjà sur la malbouffe, on aime tous et toutes la malbouffe, c'est fait pour, c'est ingéniéré pour, c'est ce qu'on appelle le bliss point,
01:24 c'est une bonne dose de sucre, de sel et de gras qui fait exploser le cerveau.
01:28 Vous demandez à n'importe quel ado de 17 ans s'il préfère manger des carottes râpées ou un french tacos, je pense que la réponse elle est claire.
01:35 Moi quand je suis triste, j'ai moins envie de carottes râpées que de frites mayonnaise.
01:38 Mais alors justement ça, ça coûte horriblement cher. Le prix des burgers il a doublé depuis 2009.
01:41 Il a doublé mais il reste moins cher que de s'alimenter de manière équilibrée on va dire, selon les recommandations du programme nutrition santé,
01:48 le fameux PNNS qui nous dit de réduire la viande, de manger plus de légumineuses etc.
01:52 Les fruits et légumes ont pris 40% d'inflation en 20 ans je crois.
01:57 C'est absolument énorme et aujourd'hui on a 8 millions de personnes en France qui vivent avec moins de 3 euros par jour pour manger.
02:05 Donc on fait avec ce qu'on peut.
02:07 En fait il n'y a pas de goût de riche et de goût de pauvre. Ce serait comme dire qu'il y a un goût féminin, un goût masculin.
02:12 Les hommes mangent plus de viande que les femmes.
02:14 Ce n'est pas parce qu'ils sont nés avec un goût pour les côtelettes d'agneau et les femmes pour le gaspacho.
02:17 C'est des constructions aussi sociales. Là dans le cas des classes sociales, c'est vraiment une question de moyens.
02:22 Et aujourd'hui pour reprendre la chercheuse Nicole Darmond de l'Inrae que je cite dans mon livre,
02:26 la structure des prix, elle ne favorise pas l'équilibre alimentaire.
02:30 Est-ce que ce n'est pas un petit peu déresponsabilisant et un peu misérabiliste de dire que finalement les pauvres sont enfermés quelque part dans leur classe sociale ?
02:38 Moi ce serait plutôt l'inverse qui me choque.
02:40 C'est la culpabilisation, les injonctions qu'on fait parce qu'on parlait de...
02:45 Culpabiliser et responsabiliser, ce n'est pas la même chose ?
02:47 Non tout à fait.
02:48 Mais les messages de santé publique, de prévention qu'on a, manger bouger, ne pas manger trop gras, trop sucré, trop salé, 5 fruits et légumes par jour.
02:55 En fait ça culpabilise les gens qui n'ont pas les moyens de répondre positivement à ces injonctions et à ces messages de santé.
03:03 C'est-à-dire que vous n'avez pas les moyens de manger 5 fruits et légumes par jour si vous l'entendez toute la journée, vous culpabilisez.
03:07 Et culpabiliser les riches culpabilise les pauvres pour des habitudes alimentaires dont ils ont les mêmes pratiques.
03:13 C'est-à-dire que cette fois ce n'était pas très française.
03:15 Mais par exemple, on va moins stigmatiser un riche qui va manger au McDo ou qui va manger des Twix qu'un pauvre.
03:23 Parce qu'on va se dire que être riche, lui on le cache social.
03:26 Mais le riche il est capable de soutenir finalement ce mode de vie parce qu'après il va pouvoir se payer un club de gym.
03:31 Alors que les pauvres quand ils viennent obèses ou quand ils ont le diabète, c'est la sécu qui paye.
03:35 Donc c'est moi qui paye.
03:36 Alors je pense que la société paye les 5 aller-retours en jets privés de Bernard Arnault par semaine.
03:42 Je pense qu'on paye aussi, dans mon livre j'explique justement comment est-ce que les prix sont décidés sur l'alimentation.
03:48 On paye une agriculture intensive, productiviste, etc.
03:52 On paye les excès des riches aussi.
03:54 Et ce sont les pauvres qui trinquent encore une fois.
03:56 Puisque ce sont les classes les plus précaires qui n'ont pas les moyens de se payer des choses qui seraient bonnes pour la santé.
04:01 On rappelle que l'obésité elle est aussi multifactorielle.
04:03 C'est pas seulement l'alimentation qui est en cause évidemment.
04:07 Mais on culpabilise justement des pratiques qui pourtant ne le sont pas chez les gens qui sont aisés.
04:12 Et c'est ça moi qui me rend dingue.
04:14 Je cite dans mon livre, il y a des critiques culinaires qui vont aller acheter du KFC en le commandant.
04:20 Parce qu'ils ont honte d'aller les chercher dans la rue parce qu'on peut les reconnaître.
04:24 Donc ils peuvent faire croire qu'ils ont les habitudes de vie complètement saines et équilibrées.
04:28 Alors Nora Boazounoui, je vous repose la question.
04:31 Les pauvres ont-ils de mauvais goût ?
04:33 Non, et puis il n'y a pas de mauvais goût.
04:35 Moi je pense que c'est ça qu'il faut retenir en termes de nourriture.
04:38 On a le goût de ce qu'on peut acheter.
04:40 Les boîtes de conserve.
04:41 C'est bon les boîtes de conserve ? C'est un très bon moyen de manger des lentilles, des légumineuses, des haricots rouges, des haricots blancs.
04:47 La boîte de conserve est formidable comme les légumes surgelés.
04:50 Ils sont formidables aussi.
04:52 Marine, une conclusion ?
04:53 Oui, Maya dit que oui.
04:55 Alimentation, les pauvres ont-ils de mauvais goût ?
04:57 Maya dit que oui, vous dites que non.
04:59 Moi je dis que je ne suis pas la bonne personne à qui poser la question.
05:01 J'aime les knakis et les raviolis en boîte.
05:03 Je déteste le homard parce que ça a un goût de caoutchouc.
05:05 La truffe, ça me perturbe parce que ça sent le gaz.
05:07 Le foie gras, je trouve que c'est juste une mousse de canard qui se la pète.
05:09 Je propose qu'on règle tout ça autour d'une ratatouille à la coqueline de Radio France.
05:12 C'est bon et c'est pas cher.
05:14 Merci et au revoir Norane Boisouni.
05:17 Je rappelle que votre essai s'appelle "Manger les riches, la lutte des classes"
05:20 passe par l'assiette aux éditions Nourrir Turfu.
05:23 Et je vais y arriver.
05:24 Nourritourfu.
05:25 Nourriturfu.
05:26 Je l'avais bien au début en fait.

Recommandations