La question qui fâche

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Transcript
00:00 jusqu'ici tout va bien, mais ça c'est jusqu'à ce qu'on parle de l'explosion des dividendes,
00:05 cette année encore, versée par le CAC 40 à ses actionnaires.
00:08 Et ce qu'on ne dit pas assez, c'est que la France est championne d'Europe du reversage
00:12 de dividendes aux actionnaires.
00:13 Par conséquent, notre question c'est, remercie-t-on suffisamment les actionnaires du Grand Capital ?
00:18 - Oui, on a baissé les lumières pour dramatiser un peu le tout.
00:25 Remercie-t-on suffisamment les actionnaires du Grand Capital ?
00:27 Si on pose cette question, c'est qu'il y a donc des dividendes records, 46 milliards d'euros
00:32 versés par les entreprises du CAC 40, 13,3% de plus que l'année dernière.
00:37 Et vous, Olivier Babaud, qu'on reçoit ce soir, bonsoir, vous pensez que c'est super.
00:42 Moi, je ne vois pas ce qu'on y gagne, mais vous avez l'air hyper convaincu.
00:44 Pourquoi c'est super, Olivier Babaud ?
00:46 - D'abord, remercie-t-on assez ?
00:48 Est-ce que c'est vraiment un remerciement quand on est payé d'un salaire ?
00:50 Ce n'est pas un remerciement, c'est la contrepartie de ce qu'on apporte.
00:53 Finalement, le dividende, c'est la contrepartie de l'apport du capital qui est nécessaire aux entreprises.
00:59 Alors si on a tant de dividendes, c'est parce qu'il y a des profits.
01:02 S'il y a des profits, c'est une super nouvelle.
01:04 Ça veut dire que tous ces groupes qui sont en grande partie à l'étranger, en fait,
01:07 ce n'est pas en France, qui font la majeure partie de leur but.
01:09 - Et leurs impôts peut-être aussi, d'ailleurs ?
01:10 - Non, justement, c'est ça qui se met.
01:12 Quand ils sont français, quand ils sont au CAC 40, on va en parler.
01:14 Les impôts, ça déferle chez nous et ça, c'est cool.
01:16 Mais tous ces gens-là, ça veut dire qu'ils gagnent des marchés,
01:19 c'est-à-dire qu'ils sont efficaces.
01:21 Ça veut dire aussi que par l'intéressement et la participation,
01:24 ça ruisselle, n'est-ce pas, sur le salarié ?
01:26 - Pas tout à fait, justement, Olivier.
01:28 Est-ce que c'est normal que les dividendes augmentent beaucoup plus
01:30 que les salaires des employés de ces entreprises ?
01:32 On est sur du 3,7%.
01:35 Ça a augmenté trois fois plus pour les dividendes que pour les employés de ces entreprises.
01:38 - Alors attention, il y a une différence fondamentale.
01:40 Quand vous augmentez vos salariés, il y a un effet cliquet.
01:42 Vous n'allez pas les baisser l'année d'après.
01:43 En revanche, il faut se souvenir que le dividende, c'est aussi le prix du risque.
01:47 C'est-à-dire que vous pouvez baisser, il y a des moments où vous prenez des sacrés déculottés.
01:52 Et d'ailleurs, il y a un grand paradoxe en France,
01:53 parce qu'on ne veut pas mettre de retraite par capitalisation.
01:55 On ne peut pas avoir de fonds de pension, parce qu'on dit que c'est trop dangereux.
01:58 Et puis à la fois, dès qu'il y a un dividende, on dit "Oh, regardez, les actionnaires, ils se gavent".
02:01 Mais s'ils se gavent tant que ça, pourquoi nous, on ne se gave pas aussi ?
02:03 Pourquoi on ne met pas tous notre argent si on en avait ?
02:06 - Vous ne le faites pas d'ailleurs, Olivier Babou.
02:07 - Moi, j'aimerais bien avoir des capitaux à investir.
02:09 Vous savez, je suis prof de faire.
02:10 - C'est le problème de beaucoup de Français d'ailleurs.
02:11 Les entreprises du CAC 40, c'est presque un tiers de ce qui est versé en dividende dans toute l'Europe.
02:17 C'est énorme.
02:18 Est-ce que ça ne veut pas dire que ces entreprises sont incapables d'investir dans de nouveaux secteurs,
02:21 notamment celui, au hasard, de la transition écologique dont on a tous besoin ?
02:24 - Alors oui, vous posez une super question.
02:26 D'abord, il faut signaler que quand on donne des dividendes,
02:29 ça veut dire que d'abord, sur les profits, on a payé 25% à l'État.
02:32 - Versus 33% avant le quinquennat d'Emmanuel Macron.
02:35 - Mais alors, baisser le taux, ça peut augmenter la recette.
02:37 Vous savez, c'est les faits et l'affaire.
02:38 - Alors ça, je ne vais pas le mener en sèche.
02:40 - Trop d'impôts tuent l'impôt.
02:40 Donc quand il y a un peu moins d'impôts, vous avez plus de recettes.
02:43 C'est ce qui s'est passé par exemple avec le prélèvement forfaitaire unique,
02:46 c'est-à-dire les 30% sur les dividendes qu'on paye ensuite.
02:50 Donc vous avez 25% dans un premier temps et ensuite 30%.
02:52 Les gens ne savent pas forcément.
02:53 Alors vous posez une très bonne question.
02:55 Il y a des profits.
02:56 Ces profits doivent servir à se transformer, à investir,
03:00 à avoir des nouvelles machines qui vont être plus respectueuses de l'environnement, etc.
03:03 Et les entreprises le font globalement.
03:05 La petite crainte qu'on peut avoir, c'est que cet argent, s'il est trop aux dividendes,
03:08 les dividendes, encore une fois, ne sont pas illégitimes en soi.
03:11 Sinon, on n'aura pas de capitaux.
03:12 Sinon, personne ne va vous donner l'argent pour vous développer.
03:14 - Ça veut dire qu'on n'investit pas.
03:15 - Ça veut dire qu'on n'investit pas assez.
03:16 Ça, c'est le choix des entreprises.
03:18 Je crois qu'aujourd'hui, les actionnaires, ils sont d'abord de plus en plus regardant
03:22 sur la qualité de leurs investissements, sur ce que font les entreprises, sur la RSE.
03:26 Tout ça, il y a de plus en plus d'exigences.
03:27 Je ne pense pas aujourd'hui que les entreprises n'en fassent pas assez.
03:30 Elles savent qu'il y a un mur d'investissement.
03:32 Même Total, ils investissent énormément.
03:34 - Ils pourraient en faire plus, vu Total, ce qu'ils font par ailleurs.
03:36 Est-ce que ces entreprises, au-delà d'un certain montant versé en dividendes, c'est
03:40 normal qu'elles continuent de recevoir des aides de l'État, qui pourraient être dépensées
03:43 par ailleurs pour la santé ou l'éducation des Français ?
03:46 Est-ce qu'on ne devrait pas mettre un stop ?
03:47 Si vous êtes capable de verser tant, vous ne devriez pas recevoir des aides de l'État.
03:51 - C'était aussi une très bonne question.
03:53 Le problème, c'est que derrière les aides de l'État, je me suis demandé.
03:55 Monsieur France Inter, c'est toujours des bonnes questions.
03:56 Mais derrière les aides de l'État, il y a des choses extrêmement diverses.
04:00 Il y a pas mal de choses qui sont des niches.
04:02 On a en France l'habitude de faire une réglementation hyper forte.
04:06 Et puis on s'excuse, dont on sait qu'elle a plein d'effets pervers.
04:08 Et on s'excuse tout de suite en la mitant de plein de trous, comme dans un gruyère,
04:11 en disant « non, t'inquiète pas, derrière, on va faire des niches ».
04:14 Et derrière, on appelle ça des aides.
04:15 Parfois, il y a certaines aides.
04:17 Mais parfois, par exemple, les allégements sur les cotisations sur les bas salaires,
04:20 c'est juste ce qu'on a trouvé pour amortir l'effet très élevé de notre SMIC.
04:25 Et donc du coup, selon vous Olivier Babaud, remercitons suffisamment les actionnaires du Grand Capital ?
04:30 En tout cas, on a des actionnaires qui sont contents.
04:32 Mais s'ils sont contents, d'abord, ils vont payer des impôts.
04:35 On a des entreprises qui sont toujours chez nous.
04:36 Et ça fait en grande partie un truc qui va à l'État.
04:38 Et un truc qu'il faut dire, c'est que la répartition de la valeur ajoutée créée par l'entreprise,
04:41 elle est chez nous en France plutôt à la faveur du salarié.
04:44 Elle a plutôt augmenté depuis les années 80.
04:46 En tout cas, elle n'a pas baissé depuis 20 ans.
04:47 Donc il n'y a pas de drame de ce point de vue-là.
04:49 Il n'y a pas de dégradation au profit du capital.
04:52 La France est quand même le pays où on inverse le plus en Europe.
04:55 C'est une bonne nouvelle pour qui en fait Olivier Babaud ?
04:57 Parce que ce matin, vous avez tweeté, vous avez dit que c'est une excellente nouvelle.
04:59 Les grandes entreprises de l'alimentaire, du soda, du luxe, de l'hygiène,
05:02 ça a été dit sur RTL ce matin, ont profité de la vague d'inflation
05:05 pour passer des hausses de prix qui allaient au-delà de leurs hausses de coûts.
05:09 Ça veut dire qu'ils ont participé à l'inflation derrière.
05:11 Ils versent des dividendes énormes.
05:13 Et derrière, les Français qui sont derrière tout ça,
05:16 eux, ils n'envoient pas la couleur.
05:17 Voir même, le coût de la vie augmente.
05:20 D'abord, j'aime bien tweeter pour la gratter.
05:21 Parce que c'est pour ça que tout le monde fait.
05:22 Oui, c'est sûr que vous aimez beaucoup.
05:24 C'est tout à fait vrai que, je parlais avec un acteur de la grande distribution ce matin,
05:28 que certains industriels n'ont pas tellement joué le jeu, ou même c'est le contraire.
05:31 C'est-à-dire qu'ils ont profité de l'inflation pour se glisser tranquillement
05:34 et puis se refaire des marges tranquillement.
05:36 Essayer d'augmenter en disant, tout le monde a accepté l'idée que ça allait augmenter.
05:40 C'est pour ça qu'il faut de la concurrence.
05:41 Parce que plus vous avez de la concurrence, plus vous pouvez éviter ce petit effet
05:45 de petits coquins qui en profitent pour augmenter les prix sans se casse voir.
05:48 Moi, j'ai l'impression, peut-être à tort, que les actionnaires,
05:52 c'est quand même des gens qui ne font rien en fait.
05:54 En pratique, c'est des retraités par exemple.
05:56 C'est des gens qu'on mit de côté toute leur vie.
05:57 Ils n'ont pas de système de répartition comme chez nous.
05:59 Donc, eux, on leur donne de l'argent et ceux qui travaillent,
06:00 qui sont sur les chaînes d'assemblage dans les usines, on les laisse un peu tomber.
06:04 Ce qu'il faudrait développer, c'est l'actionnariat salarié.
06:07 C'est le fait pour tout le monde de pouvoir mettre en partie,
06:09 une partie de leur épargne dans ce qui, en fait, à long terme,
06:13 il y a des crises tout le temps, 2008, on s'en souvient, etc.
06:15 Mais à long terme, il faut bien le dire, les actions, c'est le truc le plus rentable.
06:19 - Oui, commencez par vous, Olivier Babaud-Marine.
06:21 Une conclusion pour tous ceux qui ont encore à investir.
06:23 - Vraiment, ma conclusion, c'est...
06:25 C'est ça, investissez.
06:27 Ma conclusion, c'est, Olivier Babaud, finalement,
06:29 vous êtes un mec qui n'a pas d'actions, mais qui est content que
06:31 ce qui en est touche un max de caillasses grâce à l'inflation
06:33 parce que c'est pour investir, mais pas encore dans les employés.
06:35 - Ça permet à l'État, surtout, d'avoir pas mal d'impôts.
06:38 Ça nous paye pas mal de choses, donc on n'est pas mécontent.
06:40 - Merci, Olivier Babaud, d'être venu.
06:42 Je rappelle que vous êtes essayiste libéral,
06:45 et qu'on vous entend et on vous voit beaucoup sur Twitter.
06:47 - C'est pas obligé de me lire sur Twitter.
06:50 - Et vous, Franck Portes, l'application que vous utilisez
06:53 pour trouver des boulots payés 3 euros de l'heure au noir,
06:56 vous savez si elle va bien financièrement, cette appli que vous ne citez jamais dans votre livre à pied d'œuvre ?
07:00 - Non, j'en suis parti, et c'était pas au noir.
07:02 - Ah, c'est... Vous, ce que vous touchez ?
07:05 - Ah, voilà, c'est très délicat de parler du travail au noir.
07:11 En principe, c'est pas au noir.
07:13 - Et elle va bien, cette appli ?
07:15 - Je sais pas, j'y vais plus.
07:17 Mais ils ont inventé une nouvelle formule
07:20 qui incite les prestataires à faire du noir.
07:25 Mais comme les gens sont complètement...
07:27 Là, on parle pas des classes populaires,
07:29 on parle des gens en dessous,
07:31 on parle pas des gens sur qui ruissait les aides et compagnie.
07:34 Beaucoup de gens demandent même pas le RSA.
07:37 Il y a beaucoup de gens sans papiers aussi,
07:39 qui n'ont droit à rien.
07:41 Là, c'est vraiment une espèce de catégorie,
07:44 même pas sociale, de nouveaux pauvres,
07:47 qui se fait complètement piéger par ce genre d'application,
07:52 qui sont des réalisations...
07:54 qui sont une forme de révolution du monde du travail.
07:57 Génial et fourbe,
07:59 une espèce d'entreprise de récupération des déchets.
08:02 Les gens qui ont échoué...
08:04 - Se retrouvent là encore.
08:06 - Ils sont faits travailler pour rien.
08:08 Ça profite quand même à des gens...
08:10 - À certains.
08:11 - Et c'est nul !
08:13 - Pour nous, oui.
08:15 Mais je trouve que l'idée est assez géniale.
08:17 Ils n'ont plus de grève, plus de syndicats...

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