Avec Vincent Drye, fondateur de la Mad Jacques
Retrouvez "La question qui" sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/burne-out
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AmusantTranscription
00:00 Dans les années 50 et 60, tout le monde faisait du stop comme Salomé Sake ou presque.
00:04 Il y avait moins de voitures, le train c'était long, c'était plus cher, l'avion, n'en parlons même pas.
00:07 Depuis, les trains vont vite et Blabla Car nous permet de lire 70 commentaires sur les gens
00:13 avec qui on va partager quelques heures de route.
00:15 Certains pourtant résistent et continuent à faire de l'auto-stop mais avec des idées derrière la tête.
00:21 Pour nous en parler, Vincent Drie, le co-fondateur de la Mad Jack, une grande course en stop
00:26 qui rassemble chaque année environ 2500 personnes dans un petit village de la Creuse.
00:30 Bonjour Vincent.
00:31 Bonjour.
00:32 Alors comment est née cette course un peu Pékin Express ?
00:35 C'est vraiment un projet qui est né comme une idée entre copains qu'on peut avoir le soir autour d'une bière.
00:41 On avait quand même deux idées en tête je pense quand on a lancé cet événement.
00:45 C'était de montrer qu'on n'était pas obligé de partir trop loin pour vivre l'aventure,
00:49 que ça pouvait se faire simplement sur un week-end à côté de chez soi.
00:53 Et on avait tous en tête aussi des petits coins de France absolument incroyables, absolument sous-cotés aussi.
00:58 Et on avait envie de faire découvrir ces coins aux gens.
01:00 Donc on a lancé cette course en stop, on s'est retrouvé avec 800 personnes au départ.
01:05 On n'y connaissait rien, ça a été une expérience incroyable.
01:08 C'est énorme déjà 800 personnes.
01:09 C'était énorme, avec le recul on se dit "mais pourquoi ?"
01:13 C'est bien que ça correspond à une envie, je sais plein de choses, cette envie d'aventure.
01:17 Complètement.
01:18 Voir débarquer plus de 3000 personnes dans un petit village de 500 habitants, ça doit être quelque chose quand même.
01:22 Les binômes arrivent après une journée entière de stop depuis leur propre ville, si je ne me trompe pas.
01:26 Est-ce que vous avez des petites anecdotes comme ça à nous partager ?
01:29 Il y en a beaucoup.
01:30 C'est vraiment une machine à histoire qui est décluplée par le nombre de participants.
01:35 Il y a beaucoup de gens qui la font avec leurs grands-parents, leurs parents.
01:40 On a des binômes intergénérationnels.
01:45 5 ans, 77 ans.
01:46 Oui vraiment, il y a des écartages.
01:48 Le doyen de la course a 83 ans quand même.
01:52 Il y a des histoires d'amour, beaucoup.
01:54 On a notamment ce qu'on appelle les binômes libres.
01:56 Ce sont des gens qui ne se connaissent pas, qui décident de faire la course en stop ensemble.
01:59 Il y en a certains, on a même un mariage de binômes libres.
02:02 Il y a déjà des bébés majaques ?
02:05 Il y a déjà un bébé majaque.
02:06 Est-ce que dans ses prénoms il y a "Jacques" ?
02:07 Je ne l'ai pas demandé.
02:09 Il y a vraiment une foultitude d'histoires.
02:12 Vous le dites, maintenant faire de l'auto-stop, ça passe davantage pour une recherche d'aventure,
02:17 de rencontre, de sensation que de réelle nécessité aujourd'hui.
02:20 C'est une façon de retrouver l'étrangeté, l'aléatoire dans nos vies.
02:23 Oui, je pense que c'est en tout cas aujourd'hui pas mal une expérience sociale.
02:26 Il y a un truc assez rare finalement de lâcher prise,
02:29 qu'on a de moins en moins dans nos quotidiens aujourd'hui.
02:32 Il y a vraiment ce côté confiance des deux côtés.
02:34 C'est-à-dire que le chauffeur qui s'arrête doit faire confiance pour prendre les gens dans sa voiture,
02:39 dans son habitacle.
02:40 Et à l'inverse, quand on stoppe, il y a ce moment un peu de "Allez, on y va".
02:43 On monte dans cette voiture qu'on ne connaît pas.
02:45 Et ce truc-là est très rafraîchissant.
02:47 Et souvent, les discussions n'ont rien à voir avec ce qu'on peut avoir sur un blabla-car, par exemple,
02:51 où c'est une relation beaucoup plus contractualisée.
02:53 Là, il y a un truc gratuit.
02:54 En plus, on va laisser un commentaire sur vous, au cas où vous auriez envie de le faire.
02:58 Il y a un côté où le filtre social est beaucoup moins fort aussi.
03:02 On va tomber sur des gens qu'on n'aurait jamais croisés autrement.
03:04 Donc, je pense que pour ça, c'est intéressant.
03:06 D'ailleurs, c'est marrant parce que parfois, c'est juste un premier pas vers l'étrangeté, vers l'aléatoire.
03:11 Vous racontez cette histoire de deux participants qui ont fini par tout quitter,
03:14 par faire une vraie sortie de route pour partir six mois en bateau.
03:17 Ah ouais, elle est incroyable, cette anecdote.
03:19 Je pense que c'est l'anecdote la plus folle, quand même, on peut le dire.
03:21 Donc, deux gars qui n'étaient pas particulièrement bien dans leur vie professionnelle.
03:25 Il y en a un, je crois, qui était au chômage, l'autre qui était en born-out de son job.
03:29 Ils font la course en stop. C'est un skipper qui les prend en stop.
03:33 Le gars les trouve sympas et décide d'aller jusqu'au festival
03:36 parce qu'il y a un festival à l'arrivée en Creuse.
03:38 Le dernier chauffeur qui amène les gens est invité sur le festival.
03:42 Les types font la fête. À la fin, le skipper dit aux deux gars,
03:45 "Ecoutez les gars, je dois convoyer un bateau pour les Antilles.
03:48 Je pars la semaine prochaine. Il y a de la place. J'ai besoin d'équipiers.
03:52 Si vous voulez, vous venez." Les types rentrent chez eux,
03:54 plaquent leur job, lâchent leur chômage et embarquent pour les Antilles.
03:58 Et est-ce que c'est eux qui se sont mariés à la fin ?
04:00 Non, hélas, ça aurait fait une chute parfaite.
04:03 Ça fait un beau premier pas, en fait. On se dit, on commence à lâcher prise
04:06 et alors après, il y en a qui n'arrêtent plus.
04:08 Là, franchement, c'est pour beaucoup. Il y a vraiment un truc de déclic.
04:11 Il y a deux tiers des gens qui n'ont jamais fait de stop.
04:12 Eh bien, j'en fais partie. J'ai jamais fait de stop de toute ma vie parce que j'ai peur.
04:16 Soit j'ai peur de prendre des gens. En vrai, quand on est en voiture,
04:18 ce n'est pas moi qui conduis, mais j'ai peur de prendre des gens ou j'ai peur d'en faire.
04:21 Est-ce que tous les deux, vous avez des petits conseils pour rentrer dans la bonne voiture
04:24 ou en tout cas, ne pas rentrer dans la mauvaise ?
04:26 Je pense que c'est beaucoup à l'intuition.
04:28 Parce que moi, j'ai fait du stop à la base par nécessité parce que j'étais en Ardèche,
04:32 dans un département très isolé où il y avait très peu de transports en commun.
04:34 Et j'avais tout simplement envie d'aller voir mes amis.
04:36 A la base, c'était quand même ça. Et donc, j'ai commencé, je pense, j'avais 14 ans, 13 ans, très jeune.
04:41 Et j'avais quand même cette notion du danger potentiel que ça pouvait représenter,
04:44 bien qu'il ne me soit quasiment jamais rien arrivé.
04:46 Vous êtes quand même sortie d'une voiture en marche. Vous l'avez raconté.
04:48 Oui, je l'ai raconté dans le web, ça, je ne me souviens plus.
04:50 Absolument, je suis sortie d'une voiture en marche.
04:52 Il y a eu une anecdote, ça ne s'est pas bien passé.
04:55 Mais c'est marrant parce qu'en rentrant dans la voiture, je m'étais dit "je ne le sens pas".
05:00 Et je pense que, je sais que c'est bateau de dire ça comme ça, mais généralement, on le sait, on le sent.
05:04 En tout cas, moi, vraiment, je ne réfléchis pas combien de fois du stop,
05:06 il m'est arrivé une fois quelque chose et c'est là-fois où je m'étais dit "je ne devrais pas y aller,
05:09 mais il est tard, il faut que je rentre".
05:11 Et je pense qu'il y a vraiment ce suivre son intuition.
05:14 Et après, en tant que femme, quand il y a une femme dans la voiture,
05:17 moi, je suis quand même plus rassurée. Alors, en vrai, ce n'est pas une garantie,
05:19 mais je sais que je privilégie quand même des voitures où il y a au moins une femme dans la voiture.
05:23 Est-ce que vous ne croyez pas qu'il y a ce truc de confiance, où finalement, on fait confiance à quelqu'un
05:26 et que la personne, elle est honorée de cette confiance,
05:28 ou en tout cas, qu'elle l'apprend au sérieux et ça va dans les deux sens ?
05:33 Carrément, oui. Sur la mat'jac', on redit beaucoup ça,
05:36 de ne pas y aller si on ne le sent pas,
05:38 demander tout de suite à descendre si on ne le sent pas non plus.
05:41 Après, il y a un truc de binôme aussi, c'est bien de faire du stop avec des gens avec qui on se sent bien.
05:45 Moi, ce serait mon conseil sur la mat'jac', c'est vraiment que des binômes.
05:48 Et c'est sûr que c'est un bon début.
05:50 Mais juste sur la question de danger, parce qu'on va évidemment avoir tout de suite ça en tête,
05:55 moi, je ne sais pas combien de fois j'ai fait du stop, probablement beaucoup moins que vous,
05:58 mais quand même, il m'est arrivé une fois un truc en plusieurs années.
06:02 Mais par contre, tellement de belles rencontres,
06:05 tellement de personnes qui effectivement se sentaient honorées aussi de ma confiance,
06:09 de personnes qui m'ont amenée, qui ont fait des détours monumentaux pour m'amener à ma destination,
06:13 qui m'ont invitée chez eux.
06:14 Moi, j'encourage parce que je trouve que ça vaut vraiment le coup.
06:17 Et en plus, c'est écologique.
06:18 Et c'est encore possible pour vous, Zalomé Saké, de faire du stop ?
06:20 Vous en avez fait dernièrement ?
06:21 Là, ça fait un moment que je n'en ai pas fait en France.
06:22 C'est vrai que maintenant, je fais pas mal de covoiturage
06:24 et puis surtout, j'habite à Paris,
06:26 donc moi, j'ai des transports en commun que je prends tous les jours.
06:28 C'est beaucoup plus simple.
06:30 Mais à priori, je vais en faire cet été en Italie, si tout va bien.
06:33 D'accord.
06:34 En tout cas, c'est quelque chose que je n'ai pas du tout envie d'arrêter de faire.
06:37 Et vous pourriez faire la MAGAC ?
06:39 Franchement, pourquoi pas ?
06:40 Je trouve que c'est très chouette.
06:42 Non, mais je trouve ça extrêmement...
06:44 C'est très positif, en fait, ce type d'événement.
06:47 Et surtout, nous, en tant que journaliste,
06:48 on traite d'événements ultra négatifs toute la journée.
06:50 On peut vite avoir la tendance à penser, en regardant les médias,
06:53 que le monde est très noir, que les gens sont très mauvais.
06:55 Les gens n'ont pas confiance les uns dans les autres, notamment.
06:57 Alors qu'en fait, il y a tellement de personnes extrêmement...
07:00 C'est très altruiste, le stop.
07:01 Prendre quelqu'un en stop, c'est vraiment...
07:03 Il n'y a aucune raison de faire ça.
07:04 Et pourtant, on le fait par une forme de générosité.
07:07 Et je trouve que ça envoie un très bon signal.
07:08 Et c'est pour ça que j'encourage aussi à faire ça,
07:11 parce que c'est aussi ce type de liens sociaux dont on a besoin.
07:14 Et d'arrêter de se méfier.
07:15 Dans un autre genre, c'était l'émission "Nuée et culottée"
07:18 sur la 5 qui promouvait un peu le même type de mentalité.
07:20 Et je trouvais ça très, très positif.
07:22 Par un de la MAGEC.
07:23 Ah ben voilà !
07:24 Tout est lié.
07:25 Vincent Dry, est-ce que les gens dont une partie mettait les pieds
07:27 pour la première fois en creuse à l'occasion de cette course en stop,
07:30 ont tendance ensuite à y retourner ?
07:32 Est-ce que vous n'êtes pas en train de créer du tourisme de masse en creuse, Vincent ?
07:35 Il y a un petit peu de marge.
07:37 Mais c'est...
07:38 Donc la MAGEC, aujourd'hui, c'est plus large.
07:39 C'est-à-dire qu'on fait aussi des aventures à vélo, en trek, en canoë.
07:43 Mais tout ça, à chaque fois...
07:45 Canoë en stop ?
07:46 Pardon.
07:46 Non.
07:47 Alors...
07:48 Le piano est un peu dur.
07:48 Une aventure par une aventure.
07:50 Mais en tout cas, tout ça, à chaque fois,
07:53 finit dans des petits villages, dans des petits bleds.
07:55 J'ai entre 500 et 1 000 habitants,
07:57 dans des coins qui sont relativement sous-cotés,
07:58 en tout cas qui ne sont pas dans la carte touristique habituelle.
08:01 Et nous, il y a vraiment cette volonté, justement,
08:04 de créer de l'attractivité, d'autres imaginaires, en fait, de voyages
08:08 que ceux dont on a l'habitude,
08:10 pour redonner envie aux gens de découvrir ces coins-là.
08:13 J'ai une stat, on a quand même travaillé le sujet.
08:15 C'est important, c'est l'obstacle à ne rien faire, les stations.
08:17 On a 40% des gens qui viennent sur une MAJAC
08:21 qui reviennent dans les 12 mois sur la destination de l'événement.
08:25 Donc quand on dit qu'ils reviennent, c'est qu'ils y passent au moins une nuit.
08:28 Donc à l'échelle de la Creuse, par exemple, pour 3 000 personnes, c'est quand même beaucoup.
08:31 Il faut imaginer qu'on a une quinzaine d'aventures,
08:33 donc ça fait du monde qui, effectivement, revient.
08:36 Qui crape à hutte et qui fait du stuff.
08:37 Au revoir, Vincent Dry, merci beaucoup.
08:39 Vous êtes donc le co-fondateur de la MAJAC.
08:41 La prochaine course en stop Salomé Saké, c'est le 8 et 9 juin 2024.
08:45 Trouvez votre binôme
08:46 et vous proposez aussi des trecs, vous l'avez dit, des courses à vélo en canoë.
08:49 Toujours dans des régions françaises épargnées par le tourisme de masse.