Avec Aline Thomas
Retrouvez "La question qui" sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/burne-out
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AmusantTranscription
00:00 Avec Aline Thomas ce soir, journaliste, réalisatrice et surtout icône de mode puisque vous avez
00:05 créé votre propre marque de patron grande taille qui s'appelle Bonjour Gisèle.
00:10 On a décidé de tirer un petit peu ce fil et on a eu envie de vous présenter quelqu'un
00:13 qui parle de tout, mais alors de tout, politique, société, émancipation des femmes à travers
00:17 les vêtements.
00:18 A-t-il toujours fallu être mince pour rentrer dans des vêtements ? C'est Passion Corset
00:23 sur France Inter, introduite aujourd'hui par un rappel à l'ordre anatomique de Florence
00:27 Forestier au César.
00:28 J'en profite que y'a des créateurs dans la salle je crois de mode.
00:36 Alors j'en profite messieurs les stylistes pour vous rappeler l'existence d'un élément
00:42 que vous avez sans doute omis qui s'appelle le ventre.
00:45 Voilà, ça se situe entre les seins et le bassin.
00:49 Ça a une fonction de digestif ou respiratoire.
00:53 Donc si vous pouviez les intégrer dans vos créations les prochaines fois.
00:57 Alors non, je sais que ça va dénaturer vos croquis, mais pensez-y, c'est une fonction
01:02 vitale.
01:03 Bonjour Yvonne Jacob.
01:04 Bonjour, vous êtes autrice, vous êtes journaliste, vous êtes spécialisée dans l'histoire
01:08 de la mode, vous êtes déjà venue dans cette émission, vous avez publié tout récemment
01:11 le livre « Paré, enquête sur l'émancipation vestimentaire des femmes », c'est chez
01:16 Hugo Doc et vous avez un compte Instagram merveilleux pour qui s'intéresse au style
01:20 qui s'appelle « Sapez comme jadis ». On va se demander si cette émancipation dont
01:24 vous parlez, ça vaut aussi pour les femmes grosses.
01:26 Alors le corset, parce qu'on a appelé cette interview « Passion corset », c'est
01:29 un petit peu l'image qu'on se fait de la femme entravée, enfermée dans une armature
01:33 rigide.
01:34 Vous en avez essayé vous Yvonne, c'est un plaisir le corset ?
01:36 J'en ai essayé plusieurs fois et je ne peux pas dire que c'est un plaisir, mais,
01:40 puisqu'il y a un mais, le problème c'est qu'aujourd'hui on essaye majoritairement
01:43 des corsets qui ne sont pas faits sur mesure.
01:45 Or le corset, et c'est fondamental, devait être fait plutôt sur mesure pour les femmes
01:49 et c'est ça qui le rendait supportable ou en tout cas qui rend le fait de le porter
01:53 aujourd'hui insupportable.
01:54 Pour autant, à l'époque du corset, le but c'était quand même de souligner une
02:00 taille très fine, une taille de guêpe comme vous dites, Aline Thomas, dans votre livre.
02:05 Il n'y avait pas de culte de la minceur à l'époque du corset ?
02:07 Je vais te faire une réponse qui est un peu chiante pour la radio, mais il n'y a
02:10 pas une époque du corset, ça n'existe pas, parce que ça s'étale sur plus de
02:14 trois ou quatre siècles.
02:15 Et donc il y a des tonnes de corsets et même pour chaque époque il y a des tonnes de corsets
02:19 en fait.
02:20 Même au XIXe siècle, qui est vraiment le corset dont on a l'image la plus présente
02:23 à l'esprit généralement pour les gens qui ne connaissent pas tant que ça l'histoire
02:25 de la mode, c'est des corsets pour faire du sport, des corsets de grossesse.
02:29 Des corsets de grossesse ?
02:31 De grossesse.
02:32 Genre on comprimait le ventre ?
02:34 Non, non, on ne le comprime pas, il est adapté avec des goussets pour laisser de la place
02:38 au ventre, mais maintenir quand même le corps parce qu'il faut comprendre qu'il
02:41 n'y a pas de soutien-gorge.
02:42 Donc en fait, l'image qu'on a qui est terrible du corset, effectivement, qui entrave
02:45 les femmes etc.
02:46 C'était aussi quelque chose qui pouvait être, je n'aime pas dire positif, mais
02:51 en tout cas qui aidait à soutenir la poitrine.
02:53 Vous savez au moment du Covid, les gens ont dit "ah c'est bien, certaines femmes
02:56 ont dit on va pouvoir se passer du soutien-gorge", mais quand on a une poitrine emposante, c'est
03:00 horrible de ne pas avoir de soutien-gorge.
03:01 Et donc le corset, il servait aussi à ça.
03:04 Et il y avait des corsets qui étaient extrêmement serrés, mais ce n'était pas la majorité.
03:09 Ce n'était pas tout le temps le cas.
03:10 Alors dans le livre d'Aline Thomas, on apprend que les Grecs recommandaient, pour
03:14 ne pas grossir, de rester nue le plus de temps possible.
03:18 Donc là, actuellement, si je suis grosse, est-ce que c'est parce que je m'habille
03:21 au quotidien ?
03:22 L'antiquité est une période que je maîtrise très mal.
03:25 Mais je ne sais pas, si vous avez l'expérience, parfois l'été, d'être dans des vêtements
03:29 plus fins ou plus légers, on va faire peut-être plus attention à son corps quand on est plus
03:34 nu ou dans des vêtements plus légers que quand on a des couches.
03:38 Et justement, le vêtement avant le XXe siècle, c'est des couches et des couches.
03:42 Et c'est une structure qui structure et qui modèle de manière totalement artificielle
03:45 le corps.
03:46 Pour lequel le poids n'a pas d'importance en fait ?
03:48 Ce n'est pas que ça n'a pas d'importance.
03:51 C'est-à-dire que la grosseur a quand même toujours été…
03:55 C'est-à-dire qu'il y avait une envie de corps intermédiaire, moyen en fait.
04:01 Le corps gros n'était pas valorisé.
04:04 En revanche, pour les femmes, on pouvait valoriser des rondeurs, mais sur certaines parties
04:09 du corps.
04:10 La poitrine, les bras, les hanches.
04:12 Ce qui mettait l'accent sur la féminité.
04:17 Et en fait, par féminité, on entend surtout le fait de pouvoir faire des enfants.
04:20 Et donc la maternité, le fait d'être fertile.
04:22 Et alors, quand est-ce que les corps minces sont devenus l'alpha et l'oméga dans la
04:26 mode ?
04:27 À partir du début du XXe siècle, il y a une tendance qui commence surtout dans le
04:31 monde anglo-saxon et surtout aux États-Unis, au sport et aux corps sveltes et musclés,
04:36 y compris chez les femmes.
04:37 Et à partir des années 1920, il y a une mode qui est très androgyne, la mode de la garçonne.
04:42 Avec un corps très fin.
04:45 Et c'est vécu dans l'histoire de la mode, c'est décrit comme une libération parce
04:50 que les femmes s'émancipent du corps.
04:51 C'est des choses extrêmement contraignantes, extrêmement lourdes.
04:53 Mais ça s'accompagne, on oublie trop souvent de le dire, de dictates sur la minceur qui
04:59 existaient moins avant parce que le corps était plus caché.
05:02 Et qui sont devenues de plus en plus fortes au fil du siècle.
05:06 Il y a quand même des choses qui bougent ces dernières années, non ?
05:09 Yvan Halim, le mouvement body positive, ça a bien dû changer des choses dans la mode.
05:12 Alors oui et non.
05:15 La perplexité sur le visage d'Aline étant arrivée très très rapidement.
05:19 Je pense que le body positive, ce qui est surtout flagrant, c'est le fait que les femmes
05:24 grosses ou en tout cas celles qui n'arrivaient pas à trouver des vêtements dans les magasins
05:28 de prêteurs portés et qui n'arrivaient pas à s'habiller, ont commencé à dire,
05:32 et surtout grâce aux réseaux sociaux, ont commencé à dire "je ne trouve pas de fringues
05:35 à ma taille".
05:36 Donc il y a eu une libération de la parole.
05:37 Et j'allais dire, on a essayé de s'adapter un petit peu à ça.
05:41 Donc on a commencé à voir des vêtements à un peu grande taille, mais surtout dans
05:45 de la fast fashion.
05:46 Et pas complètement.
05:48 C'est-à-dire que ça reste quand même une niche.
05:50 Ce n'est pas devenu inclusif, disons.
05:52 Et surtout, il y a eu un mouvement body positive qui s'est ratatiné sur lui-même.
05:58 Et depuis quelques saisons, dans la mode, ça se voit.
06:01 Les gens qui font des statistiques sur les tailles des modèles qu'on voit sur les catwalks
06:05 et sur les podiums des défilés.
06:07 Et ça avait un petit peu progressé.
06:09 Et ça a totalement diminué depuis deux ou trois saisons.
06:13 On est revenu en arrière à ce niveau-là.
06:14 Donc il y a eu une parenthèse de quatre ans à tout casser.
06:16 Oui, très très très très courte.
06:18 En fait, très souvent aussi, on voit que même par rapport à l'acceptation des corps
06:23 gros, ça dépend aussi beaucoup de la situation économique et de la santé morale du pays.
06:29 Et en fait, très souvent, quand tout va bien, on tolère le corps gros, le corps qui est
06:34 bon vivant.
06:35 Et dès qu'il y a une crise économique ou dès qu'on est dans une situation comme
06:40 actuellement où il faut commencer à maîtriser les choses, c'est-à-dire on essaye d'avoir
06:43 du contrôle sur les choses parce que tout part un peu à volo.
06:46 Le corps revient en premier.
06:47 Le corps revient en premier.
06:48 Et le contrôle du corps, donc la minceur, revient.
06:51 Il y a un truc sur lequel je voulais rebondir sur l'extrait de Florence Foresti.
06:55 Elle dit "messieurs" en parlant des créateurs de mode.
06:58 Et c'est aussi une vraie question aujourd'hui de la représentation des gens qui créent
07:01 la mode, qui sont davantage des hommes et davantage des hommes blancs.
07:05 Et il y a un vrai sujet dans la mode en ce moment autour de ça.
07:07 Et ça, c'est pas en train de bouger ?
07:08 C'est pas trop en train de bouger.
07:11 Aline, vous finalement, vous avez trouvé la solution.
07:14 Vous faites vos propres vêtements ?
07:15 Ah oui, je me fabrique mon petit monde à moi.
07:18 Voilà.
07:19 Yvonne, vous qui vous y connaissez vraiment très bien en histoire de la mode, c'est
07:23 votre sujet.
07:24 À quelle époque vous auriez aimé vivre en termes de vêtements ?
07:26 Je tends le bâton pour me faire battre parce qu'on m'en parle tout le temps.
07:29 Le Moyen-Âge, mais en étant un homme.
07:31 J'aurais été un garçon.
07:32 Genre vous auriez aimé avoir des pantalons en toile de jute et qui sentaient un peu le
07:36 caca ?
07:37 Non, non, parce que je… Non.
07:38 C'était la vision, j'ai fait moi des habits du Moyen-Âge.
07:41 Ils avaient des pourpentes, des petites vestes matelassées, courtes et bien figées.
07:44 Comme franchement la plupart des Instagrammeuses aujourd'hui qui ont des enfants qui sont
07:47 très blonds.
07:48 Des petites vestes molletonnées.
07:50 Oui, c'est ça.
07:51 Et des chausses bien moulantes en bas qui permettaient de gambader dans la nature,
07:57 à la différence des femmes qui étaient encombrées dans leurs jupons.
07:59 Donc vous mettriez chausses et petits vestons molletonnés.
08:05 Ça c'est votre style idéal.
08:06 Et là je suis partie à l'aventure.
08:07 Et là on part en forêt et c'est merveilleux.
08:10 Aline, vous avez une idée d'époque où vous auriez aimé gambader ?
08:14 Gambader…
08:15 En vêtements pas tout nus peut-être, comme à l'Antiquité.
08:19 De façon très paradoxale, je pense que j'aurais bien aimé vivre à l'époque de… je sais
08:24 pas, au XVIIe siècle.
08:25 Vraiment essayer les corsets, histoire d'avoir la taille fine au moins une fois.
08:28 Mais d'avoir un corset sur mesure surtout.
08:30 Oui, et une très belle robe, un peu meringue.
08:32 Je pense que ça m'aurait plu.
08:34 Ce que vous disiez pour terminer sur cette histoire de corset, Ivan, ce que vous nous
08:37 disiez hors antenne, c'est que le corset c'était aussi pas quelque chose pour qu'on
08:41 voit le corps.
08:42 Les vêtements n'étaient pas faits pour qu'on voit le corps avant.
08:43 C'est-à-dire que la silhouette était construite de manière artificielle.
08:48 Donc il y avait des sous-vêtements qui créaient une silhouette artificielle avec ce corset
08:53 et avec des sous-vêtements en bas, comme le vertugadin, puis le panier, puis la crinoline
08:57 qui donnaient énormément d'ampleur à partir des hanches et jusqu'aux pieds.
09:01 Et donc le fait de voir vraiment le corps féminin, c'est quelque chose qui date du
09:04 XXe siècle.
09:05 Donc des années 1920 et de la guerre.
09:07 Si on évacue toute la partie moyenne, je ne peux pas faire une histoire totale du vêtement.
09:12 Si vous voulez retrouver l'histoire totalement du vêtement, c'est "Pareil, enquête sur
09:16 l'émancipation vestimentaire des femmes", c'est chez Hugo Dock.
09:19 Et c'est donc signé Ivan Jacob.
09:21 Au revoir, merci beaucoup.
09:22 Je rappelle que vous êtes aussi la tenancière du compte.
09:26 Ça paye comme jadis !