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L’Europe : acteur historique du secteur spatial, ou bien machine battue par ses retards et qui perd de sa souveraineté ? Si en termes de spatial, le continent a longtemps brillé par ses expertises et ses coopérations, il reste aujourd’hui sur l’acquis de programmes déjà anciens. Alors, doit-il opérer ou non une radicale transformation pour rester à la hauteur des ambitions du secteur ? Pour en débattre, André Loesekrug-Pietri, président de JEDI et Éric André Martin, secrétaire général du CERFA.

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Transcription
00:00 Que vaut l'Europe spatiale ? Que l'on voit vers à moitié vide ou à moitié plein,
00:09 l'Europe soit l'acteur historique au cœur du secteur spatial international qui brille
00:14 et est abrié par ses coopérations et son expertise ariane ou bien cette grande machine
00:19 qui a peut-être trop tardé à prendre le virage du new space et qui perd peu à peu
00:25 son accès souverain à l'espace battu par ses retards et l'agilité de ses concurrents
00:30 notamment outre-Atlantique.
00:31 Alors faut-il, oui ou non, opérer une radicale transformation de cette Europe spatiale ?
00:38 Pour en débattre en plateau, nous avons avec nous André Le Zecrouc-Pietri, président
00:43 de JEDI, l'Initiative Européenne pour l'Innovation de Rupture.
00:47 Bonjour.
00:48 Bonjour.
00:49 Bienvenue sur le plateau de Smart Space.
00:50 À l'aise de vous, Eric-André Martin, secrétaire général du CERFA, le Comité d'études
00:55 des relations franco-allemandes à l'Institut des Relations Internationales.
00:59 Bonjour.
01:00 Bonjour.
01:01 Bienvenue sur le plateau de Smart Space.
01:02 Alors je vais commencer par vous André Le Zecrouc-Pietri.
01:06 Vous, vous voyez le verre à moitié vide ou à moitié plein quand il s'agit de l'Europe
01:10 spatiale ?
01:11 Il est totalement vide.
01:12 Totalement vide.
01:13 Je verrais une exception, c'est le patron de l'Agence Spatiale Européenne, Joseph
01:17 Achevarer, qui essaye vraiment de changer les choses depuis maintenant deux ans qu'il
01:20 est nommé.
01:21 Le problème, c'est qu'il a à la fois des maîtres, donc ces actionnaires, les États-membres
01:25 qui n'arrivent pas à se mettre d'accord, qui ont d'ailleurs assez peu de vision sur
01:28 l'avenir du spatial et une organisation qui est empêtrée dans notamment une chose qui
01:34 est ce qu'on appelle le retour géographique, qui est que chaque projet doit à la fois
01:40 être lié à l'excellence scientifique et technologique, mais également faire de la
01:44 redistribution.
01:45 Ça, c'est le pire de l'Europe.
01:47 Je suis vraiment convaincu de l'idée européenne, mais on essaye chaque fois d'atteindre plusieurs
01:54 objectifs.
01:55 Il faut que l'excellence scientifique, le leadership, soient distincts de cette volonté
02:02 toujours de redistribuer.
02:03 Résultat, on fait tout assez mal.
02:05 Le verre est assez… et il y a un chiffre qui dit tout.
02:09 C'est peut-être une chose, c'est deux lancements européens en 2023, 67 lancements
02:15 de SpaceX seuls depuis le début de l'année.
02:18 On va revenir sur ces chiffres et le sujet des lanceurs est d'actualité, on l'a dit
02:22 un peu plus tôt dans cette émission.
02:23 De votre côté, Éric-André Martin, le verre est plutôt vide, à moitié plein ou complètement
02:28 vide en fonction de votre point de vue ?
02:30 Disons que je vais essayer d'avoir une note un peu plus optimiste si on regarde l'avenir.
02:37 Je dirais qu'aujourd'hui, il doit être bien clair que la question spatiale est au
02:43 cœur de la plupart des enjeux que rencontre l'Europe, que ce soit les enjeux de compétitivité,
02:50 les enjeux d'innovation, les enjeux aussi de sécurité et de résilience.
02:55 Je pense qu'il est absolument nécessaire qu'à travers notamment ce qui se passe
02:59 aujourd'hui avec la guerre en Ukraine, que l'on comprenne bien que le spatial est un
03:04 élément absolument indispensable pour l'Europe si elle veut continuer à tenir son rang,
03:10 en tout cas avoir ses ambitions et en même temps garder sa place dans la course pour
03:15 l'innovation et assurer sa prospérité.
03:19 Plus positif mais lucide quand même sur les nécessités et donc déjà, un premier
03:24 élément de réponse, il va falloir opérer une certaine transformation.
03:28 André Le Zucrug, Piétri, dans un article paru l'année dernière, vous avez écrit
03:34 "les Européens sont souvent sourds et aveugles sur leur propre continent".
03:38 J'ai trouvé cette citation intéressante, ça faisait référence à ce moment-là où
03:43 satellite Maxar et Starlink d'observation qui ont joué un rôle et continuent de jouer
03:46 un rôle dans le conflit ukrainien.
03:49 Pourtant l'Europe l'a développé et mis en service Copernicus qui est un programme
03:55 de surveillance et d'observation de la Terre qui est considéré aujourd'hui comme une
03:59 réussite, comme une grande réussite.
04:01 Alors est-ce que vous pouvez aller un petit peu plus loin sur votre regard ? Pourquoi
04:05 pour vous l'Europe est sourde et aveugle aujourd'hui ?
04:08 Alors je vais le prendre de manière au sens propre et au sens figuré.
04:11 Au sens figuré c'est que, et pour rebondir sur ce que disait Eric André, c'est le spatial,
04:19 c'est à la fois révélateur des enjeux, des problèmes éthiques de l'Europe à
04:23 saisir les nouvelles technologies, mais c'est aussi, c'est pas un silo, c'est en fait
04:29 un peu comme l'intelligence artificielle, une technologie qui est, ce qu'on dirait
04:33 en bon français, fondationnelle, c'est-à-dire qui en fait transperce toutes les industries.
04:37 Aujourd'hui vous faites de la mobilité de l'automobile, vous faites de la défense,
04:42 vous faites de l'agriculture, vous faites de l'observation ou de la décarbonation,
04:48 de l'observation du changement climatique, on a aujourd'hui besoin du spatial.
04:51 Je pense qu'aujourd'hui on n'a pas encore complètement pris conscience à quel point
04:55 c'est une brique essentielle de l'avenir de nos sociétés.
04:59 Et c'est pour ça que c'est vraiment un enjeu clé, c'est que si on n'a pas cette
05:04 brique, en fait c'est tous les autres pans de l'économie, la quasi-totalité des pans
05:08 de l'économie et de nos sociétés qui risquent d'en souffrir.
05:12 Et sur le sens littéral, sourd et aveugle, c'est cette lucidité.
05:17 Là aussi je pense que le mot est exact, c'est "il faut arrêter".
05:19 Il ne s'agit pas d'être pessimiste, il ne s'agit pas d'annoncer les pires catastrophes.
05:25 Mais si on ne nomme pas un chat un chat et qu'on ne dit pas aujourd'hui que le programme
05:30 Ariane est un échec complet, qu'il faut vraiment une restructuration massive de nos
05:37 agences nationales et européennes, qu'il faut changer la manière dont on utilise l'argent
05:44 public, notamment en termes d'achat public et non pas juste de disperser des subventions
05:48 un peu partout, ce qu'on adore faire, on saupoudre partout, et d'arrêter de se féliciter
05:54 sur des faux succès, mais vraiment, et enfin dernière chose, d'être lucide sur la temporalité.
06:00 On en parlera sûrement, il y a eu dans les derniers jours un rapport assez sinistre sur
06:05 le petit lanceur, Vega, et en fait on va avoir deux ans entre l'échec de Vega et le potentiel.
06:15 Donc aujourd'hui on n'a pas compris en Europe que le temps est tout aussi important que
06:19 l'argent.
06:20 On a l'impression qu'on a le temps.
06:21 Et ça, c'est plutôt aussi un message d'espoir parce que souvent on est un peu impressionné
06:26 par les milliards que semblent déverser notamment les américains.
06:29 Non, c'est aujourd'hui pas le plus gros qui mange le plus petit, c'est le plus rapide
06:34 qui est en avance de phase.
06:35 Et les indiens nous l'ont bien montré.
06:36 Alors c'est quand même intéressant parce que ce que vous dites est vrai, on est en
06:40 retard.
06:41 On nous dit que Vegas est à un retard monstrueux, ça ne décollera plus avant fin 2024.
06:47 Pour Ariane 6, on suppose que c'est la même chose aujourd'hui.
06:50 On ne compte plus le retard d'Ariane 6.
06:52 Mais en l'occurrence pour Copernicus, c'était un succès européen, c'est aujourd'hui un
06:56 succès européen.
06:57 Donc est-ce qu'il n'y a pas aussi une tendance à ne pas reconnaître à l'agence spatiale
07:01 européenne ses succès technologiques ?
07:03 Je n'ai effectivement pas répondu à votre question sur Copernicus.
07:07 Copernicus a beaucoup appris du programme Galiléo qui lui est également un succès
07:12 on va dire technique, mais qui a également subi des retards.
07:16 Je crois que le programme initial c'est 5 milliards, finalement on a dépensé 15 milliards.
07:19 La constellation de géolocalisation Galiléo n'est toujours pas complétée.
07:24 C'est-à-dire qu'aujourd'hui il y a un satellite qui casse, on n'a pas de satellite de rechange.
07:28 Copernicus a appris de ça.
07:30 Et effectivement aujourd'hui Copernicus sur tout ce qui est observation agricole, catastrophe
07:34 naturelle, changement climatique notamment dans les océans etc. est un outil fabuleux.
07:39 La question c'est qui aujourd'hui utilise Copernicus ?
07:42 On n'est pas allé au bout de l'exercice.
07:45 Aujourd'hui ceux qui utilisent les données de Copernicus c'est les grands géants de
07:49 la tech et notamment Apple et Amazon et Facebook qui l'utilisent pour leurs applications.
07:58 Donc en fait on a créé une formidable infrastructure mais avec beaucoup de naïveté on l'a rendue
08:04 tellement ouverte et publique on n'a pas réfléchi à comment est-ce qu'on en crée.
08:08 Aujourd'hui est-ce qu'il y a des géants européens ? Il y a quelques sociétés que
08:12 je pourrais citer qui se débrouillent plutôt pas mal mais qui restent des nains par rapport
08:17 aujourd'hui à ce que l'observation spatiale recèle de promesses sur la décarbonation,
08:22 sur l'anticipation des grands mouvements climatiques.
08:24 Eric-André Martin, je vous vois réagir à cette question de la naïveté aussi peut-être
08:28 et globalement des compétences techniques de l'Europe.
08:31 Oui alors je ne mets pas en cause les compétences techniques de l'Europe parce qu'on a réussi
08:35 effectivement à bâtir des grands programmes, on a des entreprises qui savent très bien
08:41 fabriquer des satellites ou travailler sur un certain nombre de niches technologiques
08:46 et donc on ne met pas du tout la question de ne pas mettre en cause leurs compétences
08:49 mais ce qu'il faut voir c'est le fait que le monde ne nous attend pas, c'est ce qu'a
08:54 ce que disait un peu André aussi, c'est-à-dire qu'aujourd'hui il faut bien voir qu'on
08:59 est dans un domaine de compétition économique.
09:02 Quand vous regardez le prix de mise en orbite d'un kilo de fret, SpaceX a complètement
09:11 cassé les règles et aujourd'hui avec Ariane 6 qui est encore en phase de test etc.
09:22 On sait déjà que quand elle arrivera on ne sera pas remis au niveau du marché et
09:29 de nos concurrents donc on a un sérieux problème là-dessus.
09:33 Donc ça veut dire que aussi la question c'est ce sur quoi je réagissais en écoutant André,
09:45 c'est que le fait que l'avenir se prépare à partir de l'économie de la donnée.
09:54 Donc aujourd'hui on doit être capable de collecter des données, non seulement avec
10:00 des senseurs dans l'espace etc. mais on doit être capable de la traiter, on doit être
10:03 capable de l'analyser, on doit être capable de la valoriser pour développer ce qu'on
10:07 appelle l'aval du spatial.
10:08 Et on ne sait pas la valoriser aujourd'hui pour vous ?
10:10 C'est insuffisamment fait.
10:12 Effectivement l'exemple qui a été donné de la mise à disposition gratuite de données
10:18 qui sont collectées à partir de programmes qui sont financés par le contribuable européen
10:22 et que finalement des concurrents étrangers arrivent eux à partir de zéro à utiliser
10:28 ces données, à la valoriser, ça pose quand même un problème.
10:31 Donc il y a énormément de ressources à tirer, je ne vais pas revenir sur tous les
10:35 exemples qu'a cités André mais c'est un vrai défi.
10:41 Et ensuite, pour être positif, c'est qu'il y a quand même des acteurs du spatial, on
10:47 les appelle les gens du New Space européen, qui piavent d'impatience pour pouvoir aussi
10:53 avoir leur place sur le marché, ont développé des solutions techniques mais qui pour pouvoir
10:59 devenir économiquement rentables ont besoin d'avoir un marché débouché.
11:02 Et là, la question qui se pose c'est de savoir comment les crédits dont disposent
11:08 les grands acteurs européens ou les acteurs nationaux peuvent être distribués de façon
11:16 je dirais compétitive à tous ces acteurs pour irriguer un tissu d'entreprise.
11:22 Faute de quoi, effectivement, on va continuer et on sera de plus en plus malheureusement
11:28 enclins à devoir recourir à des prestataires de services étrangers qui eux auront su développer,
11:35 quand je dis étrangers c'est-à-dire non-européens, auront su développer ces applications.
11:40 Et c'est quand même un problème.
11:41 Mais aujourd'hui sur la question du financement, on a une espèce de bataille intestine, on
11:46 peut peut-être l'appeler comme ça, entre est-ce qu'on va chercher du côté national
11:50 ce coup de pouce financier, technologique aussi parfois, ou est-ce qu'on va le chercher
11:53 du côté européen ? Et vient s'ajouter par-dessus cette question
11:57 de compétitivité européenne que vous connaissez bien puisque vous travaillez précisément
12:01 sur les relations franco-allemandes aujourd'hui.
12:03 Est-ce que ça c'est le frein principal au développement du spatial ?
12:07 Je vous laisse commencer puisque c'est votre domaine d'expertise et vous enchaînerez André.
12:11 La question de la compétitivité ça vient en grande partie du fait qu'on ne permet
12:19 pas, compte tenu de la façon dont on répartit les crédits, donc André a mentionné la
12:24 question du principe du retour géographique, mais c'est aussi la question de la façon
12:27 dont on attribue, on est dans une logique de subvention à des acteurs historiques du
12:32 spatial qui sont issus de la branche aéronautique-défense.
12:39 Les grands industriels, mais ça ça a tendance à changer.
12:41 On a par exemple le Prends France 2030 qui a fait un focus sur ces nouveaux acteurs aujourd'hui.
12:46 Mais ça c'est encore une fois l'échelle nationale, c'est là que ça se joue.
12:49 Oui, alors je ne voudrais pas rentrer sur le sujet France 2030, c'est un sujet en lui-même,
12:54 mais plusieurs choses.
12:56 Un, l'aspect prospectif, c'est-à-dire qu'on a quand même le sentiment, et ce n'est pas
13:01 lié au spatial, qu'on avait une Europe qui était très dans l'anticipation.
13:05 Ce n'est pas Galileo qui a inventé le GPS, c'est le GPS il y a 60 ans d'ailleurs, monté
13:12 par notre grand modèle pour Jedi qui est la DARPA.
13:16 Mais Copernicus c'était vraiment une avancée en termes de prospectives.
13:20 En fait aujourd'hui on se rend compte que sur toutes ces technologies, la capacité
13:23 de rebattre les cartes est extraordinaire.
13:25 Et ça c'est un grand message d'espoir pour les Européens, c'est-à-dire que la bataille
13:29 n'est jamais perdue, mais à condition de viser le coup d'après.
13:33 La vraie question c'est qui c'est qui est capable de mettre en oeuvre le coup d'après.
13:38 C'est quand même de moins en moins les grandes institutions, publiques ou privées, qui ont
13:44 forcément, et c'est bien légitime, leur propre business actuel.
13:49 Ce ne sont malheureusement pas les grands groupes automobiles qui ont inventé le véhicule
13:54 électrique.
13:55 On a des nouveaux entrants, Tesla et BYD sont des très bons exemples.
13:57 C'est exactement la même chose sur le spatial arrière.
13:59 Ensuite, deuxième chose, lucidité.
14:01 Sur Copernicus je crois qu'il y avait une clause, je ne sais plus si c'était 20 ou
14:04 30% de PME.
14:06 Sauf qu'il y a eu quelques pourcents.
14:08 Parce que ce n'est pas en disant on va confier 20% au PME.
14:12 Non, il faut vraiment aller jusqu'au bout de l'exercice et vraiment mettre tout le
14:16 monde sur un pied d'égalité.
14:17 J'entends parfois que SpaceX, le succès, c'est des subventions du département de
14:21 la défense, mais rien n'est plus faux.
14:22 C'est une capacité à accorder à un acteur qui n'avait pas encore un track record,
14:30 une antériorité sur le lancement, la chance.
14:32 C'est le fruit de la commande publique.
14:35 C'est la commande publique, mais la commande publique intelligence au sens où la commande
14:39 publique qui sait juger.
14:40 Aujourd'hui, moi je plaide, alors que je ne suis pas forcément un étatiste complet.
14:46 Je plaide pour qu'il y ait beaucoup plus de compétences.
14:50 Aujourd'hui, la plupart des acheteurs publics, et j'espère qu'ils ne m'en voudront pas
14:54 ceux qui écoutent, ont perdu la compétence technique.
14:57 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, comme on ne sait pas très bien juger, notamment les
15:00 sujets les plus disruptifs, on va plutôt s'appuyer sur les acteurs existants.
15:07 Parce que, comme dit la fameuse citation anglo-saxonne, on n'a jamais tort en choisissant
15:13 IBM.
15:14 Sauf que ce n'est pas IBM qui a révolutionné l'informatique.
15:15 Mais pourquoi on a de plus en plus de contre-exemples ?
15:17 Aujourd'hui, on annonçait en actualité, juste après Vegas et Clouet-Auxol, on parlait
15:22 du contrat de la start-up Dark avec le CNES.
15:25 Par exemple, est-ce que ça fait partie des sujets qui doivent continuer à être poussés ?
15:29 Est-ce que c'est trop souplé ?
15:31 Mais on se fait plaisir.
15:33 Je ne sais pas, je ne connais pas ce contrat en particulier, mais je pense que ça doit
15:36 être un contrat de quelques millions ou quelques dizaines de millions d'euros.
15:39 Moi, ce que je souhaiterais, c'est que Thierry Breton, qui est très fier de sa nouvelle
15:43 constellation satellite Iris Square, on mette réellement sur un pied d'égalité Thales
15:52 Alenia Space, Airbus Défense, OHB et également les autres.
15:57 Sauf que, tenez-vous bien, il y a deux ans, dans le premier appel d'offres, ça a créé
16:02 beaucoup d'émoi,
16:03 - Le premier appel d'offres a été sorti.
16:04 - Il y avait une toute petite clause qui disait "seuls les sociétés qui ont 100 millions
16:08 d'euros de chiffre d'affaires et plus peuvent participer".
16:11 Caricatural.
16:12 Alors, ça a été retiré entre temps.
16:14 Donc en fait, aujourd'hui, on ne va pas jusqu'au bout de l'exercice.
16:18 On a beaucoup de mal, mais quelque part, c'est légitime.
16:21 C'est qu'aujourd'hui, je pense qu'on est rentré dans un monde de grand pari et que
16:25 la puissance publique a plutôt tendance à dire "bon, c'est de l'argent public, donc
16:29 il ne faut surtout pas prendre trop de risques".
16:32 Mais je pense que c'est tout l'inverse.
16:33 Ce n'est pas au privé de prendre tous les risques sur des sujets où il y a vraiment...
16:39 C'est justement là que doit se concentrer le secteur.
16:43 Donc il y a une vraie révolution copernicienne, pardonnez-moi, à faire là-dessus.
16:47 - Mais pour ça, il faut une stratégie de financement.
16:49 Et alors c'est là peut-être que l'Allemagne aurait battu la France à certains moments.
16:52 - Disons qu'il faut faire...
16:55 Et je pense qu'il y a un élément auquel il faut quand même prêter attention.
16:58 C'est le fait qu'aujourd'hui, il y a des forces du marché qui piaffent en disant "nous, on
17:05 veut aussi avoir notre place.
17:06 On a des savoir-faire, on a des capacités, on veut pouvoir trouver notre place".
17:11 Et si on prend l'exemple des lanceurs, puisque vous l'avez amené, et si on prend la question
17:16 de l'Allemagne liée aux lanceurs, on se rend compte d'une chose, c'est que les Allemands
17:21 ont développé des petits lanceurs qui sont aujourd'hui pratiquement en mesure de commencer
17:28 une activité de tir régulier pour mettre en orbite des petits satellites en orbite
17:34 basse.
17:35 Et ils ont eu le soutien de la Fédération Allemande de l'Industrie.
17:39 Et là, j'ai lu il y a quelques jours qu'un député libéral avait obtenu un financement
17:46 de l'État fédéral pour développer une barge de lancement qui sera mise en mer du
17:51 moment pour être en mesure de commencer des tirs avec ces petits lanceurs à partir de
17:56 2025.
17:57 C'est l'objectif.
17:58 Donc, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que d'une part, le marché, compte tenu de l'importance
18:02 de la possibilité anticipée de gagner de l'argent et donc de se rentabiliser, va pousser
18:10 en dehors des programmes.
18:12 Et ça veut dire aussi qu'il y a un risque très important pour l'avenir des grands projets
18:17 européens si on n'y prend pas garde.
18:19 C'est-à-dire que, pour le dire autrement, c'est un risque de renationalisation de certains
18:22 projets et notamment la question de l'avenir d'Ariane 6 une fois qu'elle arrivera en service.
18:29 Donc, c'est pour ça qu'il faut faire très attention.
18:31 C'est-à-dire qu'il y a à la fois des enjeux politiques, mais il y a aussi des enjeux économiques
18:37 et il y a des enjeux entre le public et le privé.
18:40 Et donc, c'est un élément, je dirais, à vraiment avoir à l'esprit lorsqu'on parle
18:46 de ces sujets.
18:47 Est-ce qu'on peut renationaliser le secteur spatial ?
18:49 Ce sera peut-être la prochaine question qu'on se posera sur le plateau de cette émission
18:54 Smart Space.
18:55 Merci à tous les deux d'avoir pris le temps de venir échanger avec nous.
18:58 André Le Zecrouc-Pietré, je rappelle que vous êtes président de JEDA, l'initiative
19:01 européenne pour l'innovation de rupture, qui a pour objectif de reproduire le modèle
19:07 de la DARPA, si je reprends vos propres mots.
19:09 Et vous André-Éric André Martin, secrétaire général du CERFA, le comité d'études
19:14 des relations franco-allemandes à l'Institut des relations internationales.
19:18 Merci à tous de nous avoir suivis pour cette émission.
19:21 A la production, Lily Zalkin.
19:22 On se retrouve dès la semaine prochaine sur Bismarck.
19:26 Xoxo.

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