Au programme ce samedi : un débat sur la fonction publique, un détour par Pékin, une question sur les usages en entreprise, et un focus sur l'industrie spatiale. Alors que le vol inaugural d'Ariane 6 entre dans sa dernière ligne droite, jusqu'où l'Europe peut-elle revenir dans le jeu ?
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00:00Et le président exécutif d'Arianespace et l'invité d'On n'arrête pas l'écho,
00:03bonjour et bienvenue Stéphane Israël.
00:05Bonjour.
00:06Alors le grand sujet pour vous c'est Ariane 6, on attend qu'Ariane 6 décolle, 4 ans
00:11de retard sur le programme.
00:12Le week-end dernier, deux satellites Galileo, ça c'est majeur, c'est notre GPS européen,
00:17se sont envolés avec la fusée Falcon 9 de SpaceX et pas avec une fusée Ariane.
00:23Vous Stéphane Israël, qui représentez le grand lanceur européen, voir Elon Musk assurer
00:28ce lancement, est-ce que ça ne vous a pas fait mal au cœur ?
00:30En tous les cas, ce qui m'a fait chaud au cœur, c'est que le jour de ce décollage,
00:35la commission européenne a décidé d'annoncer deux Ariane 6 supplémentaires pour déployer
00:40Galileo et je crois que le signal était clair.
00:43Il y a une situation qui a obligé la commission européenne, pour des raisons que nous comprenons,
00:48à avoir au cours à un autre lanceur qu'Ariane.
00:51Alors dites-nous, quelle situation ?
00:52Alors cette situation, si on fait un peu d'histoire, puisque c'était la crise des lanceurs,
00:56en fait ces satellites auraient dû être lancés par la fusée Soyouz, dans le cadre
01:00d'un partenariat entre la France, l'Europe et la Russie, que portait Ariane Espace.
01:05Ce partenariat s'est très brutalement interrompu quand la Russie a envahi l'Ukraine.
01:10Il y avait quatre satellites Galileo qui devaient être lancés par la fusée Soyouz, pas par
01:16la fusée Ariane.
01:17Et ça c'est très important de le comprendre, la fusée Ariane était trop grosse pour lancer
01:21les satellites institutionnels, elle n'avait plus de moteur réallumable qui lui aurait
01:25permis de faire ses missions, donc ça devait être deux Soyouz.
01:28Exit les deux Soyouz avec l'invasion russe de l'Ukraine, malheureusement pas de solution
01:32encore avec Ariane 6 qui va arriver maintenant, du coup ils sont lancés par un autre lanceur,
01:38mais le jour de cette mission, la commission européenne a dit, l'avenir c'est Ariane
01:436, on vous confie deux missions supplémentaires, nous avons dans notre carnet de commandes
01:47cinq lancements à faire pour Galileo, c'est ça qui est important dans la durée.
01:51Mais sur l'enjeu du spatial et de l'accès à l'espace, on voit que les Etats-Unis
01:56sont une puissance spatiale, bon là il n'y a aucun doute, il y a Elon Musk et la NASA.
01:59La Chine hier a encore lancé une sonde, c'est un exemple, pour aller prélever des échantillons
02:04sur la face cachée de la Lune, une première mondiale.
02:06Lorsqu'on pense que l'Europe n'a pas accès à l'espace depuis juillet dernier,
02:10c'est grave ?
02:11L'Europe va avoir de nouveau accès à l'espace, donc si vous voulez me répondre
02:16en positif, à quel point est-ce important d'avoir accès à l'espace ?
02:23C'est effectivement très important d'avoir accès à l'espace, l'Europe s'est retrouvée
02:27dans une situation inédite du fait de l'interruption de la fusée Soyouz, du fait des difficultés
02:34de la fusée Vega et des recalages de planning Ariane 6.
02:37Donc ce point est clair, mais la lumière est en train d'arriver au bout d'un tunnel
02:42qui a été un peu compliqué pour nous tous, et Ariane 6 qui doit voler entre la
02:47mi-juin et la fin juillet, est sur son pas de tir, les satellites qui vont être à bord
02:52de cette Ariane 6, on pourra y revenir, sont partis de notre siège social à Évry pour
02:57aller vers la Guyane, on est je dirais dans la dernière ligne droite vers ce premier
03:02vol d'Ariane 6.
03:03Et ce que vous nous dites c'est que tout va bien, c'est-à-dire la fusée, si on
03:07doit la voir, elle est montée intégralement, la cargaison, les passagers, vous appelez
03:11ça des passagers, ils sont là ? La revue des qualifications est faite ?
03:15Je vois que vous êtes très bien informé, la revue des qualifications s'est tenue
03:20cette semaine sous la présidence de l'agence spatiale européenne et elle a permis d'engager
03:26la campagne.
03:27Le lanceur est sur son pas de tir avec ce qu'on appelle son camp central et ses deux
03:32moteurs à poudre latéraux, et les 18 passagers qui vont être à bord de ce premier lancement
03:40sont arrivés en Guyane, donc on est vraiment maintenant dans les derniers moments qui
03:44vont nous séparer de ce premier vol qui interviendra cet été, et je laisserai… Allez-y !
03:50La fenêtre de tir, je vais être plus précise, le patron du CNES il a dit fenêtre de tir
03:55fin juin début juillet, il l'a dit à Kourou, c'était un dialogue avec Emmanuel Macron,
04:00est-ce que vous confirmez ?
04:01Je ne vais quand même pas infirmer ce que le président du CNES, notre agence spatiale
04:06a dit devant le président de la République, la fenêtre de tir elle est entre la mi-juin
04:11et la fin juillet et je pense que l'agence spatiale européenne va être en mesure maintenant
04:15très rapidement de resserrer cette fenêtre de tir, ce que je peux vous dire c'est qu'on
04:19est dans cette fenêtre de tir et qu'on est vraiment maintenant dans les dernières
04:23étapes, le lancement n'a jamais été aussi prêt et c'est évidemment très important
04:27pour l'Europe.
04:28Et avec, alors donc on a Ariane 6, elle va bien, elle est prête à décoller, on saura
04:33bientôt, à quel point est-elle compétitive ? Parce que si on regarde, vous avez déjà
04:37un carnet de commandes et Ariane 6, dites-moi si je me trompe, ça va être une dizaine
04:40de tirs par an, mais quand on sait que Falcon 9, SpaceX, donc Elon Musk, il en fait une
04:46centaine par an, on sait aussi que SpaceX fait des fusées réutilisables, Ariane 6
04:52n'est pas encore réutilisable, est-ce que ce lanceur européen, il est compétitif ?
04:56Alors ce lanceur européen, il a deux vertus, il est parfaitement adapté aux besoins institutionnels
05:02de l'Europe, que ce soit les satellites Galiléo dont on a parlé, les satellites
05:07de météo, on va lancer quatre satellites de météo avec Ariane 6 dans les années
05:10qui viennent, que ce soit aussi les missions lourdes, on va aller sur la Lune avec Ariane
05:156, c'est la grande mission Argonaut des années 2030, donc d'abord, c'est un lanceur
05:19fait par les Européens, adapté aux besoins des Européens.
05:22Et ensuite, la bonne nouvelle, c'est que c'est une très grosse fusée, on a parlé
05:26des petites fusées et c'est très bien, mais il faut à peu près, il faut reprendre
05:30on va en reparler, donc c'est une très grosse fusée, elle peut faire 23 tonnes en
05:35orbite basse et cette grande capacité va être très utile à un moment où il y a
05:40des projets de grandes constellations, on va déployer la constellation Kuiper d'Amazon,
05:45on a un carnet de commande qui représente trois ans d'activité, donc oui, Ariane 6
05:50est adaptée aux besoins des Européens, elle est adaptée au marché, elle sera compétitive
05:55mais il faut que les Européens restent unis autour de la fusée dans la durée et c'est
05:59ce qu'on fait depuis des décisions qui ont été prises récemment par l'Europe spatiale.
06:03Alors, il y a un projet de constellation européenne, n'est-ce pas ? C'est Iris,
06:06vous vous dites Iris Square, Iris Carré.
06:08On va le faire en français, on va dire Iris Carré, c'est beaucoup plus simple.
06:12Mais ce qu'on vient de découvrir dans la presse, c'est que ce n'est pas si facile,
06:16c'est-à-dire qu'au moment où SpaceX est en train de, Elon Musk est en train de tout
06:20faire exploser avec ses, il espère lui, 42 000 satellites au-dessus de nos têtes, il
06:25espère une méga constellation, nous on est encore, entre l'Allemagne et la France,
06:28en train de se disputer.
06:30Vous savez, l'Europe spatiale et l'Europe en général, ça n'a jamais été un long
06:33fleuve tranquille mais ce qui est sûr, c'est qu'on a plus que jamais besoin de cette
06:37coalition des forces, notamment par rapport à la concurrence que vous évoquez.
06:41Donc, il y a des débats autour d'Iris Carré, c'est normal, c'est un très grand projet
06:46de plusieurs milliards et c'est normal que chaque état exprime ce qu'il a envie d'exprimer.
06:50Maintenant, ce qui est très important de comprendre, c'est que Rome ne s'est pas
06:54fait en un jour, donc Iris Carré mettra peut-être un peu de temps mais je suis très
06:59confiant dans l'avenir de ce grand projet.
07:01Il y a Galiléo, la constellation de navigation, il y a Copernicus, et on n'en parle pas
07:06assez, c'est une constellation dédiée à l'environnement, à la protection de
07:10la Terre parce que l'espace est fondamentalement bon pour la protection de la Terre et il y
07:14aura, je l'espère, demain, cette constellation souveraine européenne, elle mettra le temps
07:18qu'elle mettra mais je suis très confiant dans le fait qu'elle existera un jour.
07:22La semaine dernière, Stéphane Israël a la sorbonne dans son discours sur l'Europe.
07:25Emmanuel Macron a dit qu'il fallait inscrire dans les traités une préférence européenne
07:30dans le spatial.
07:31Sinon, a-t-il prévenu, il n'y aura plus de spatial ?
07:33Alors, il faut nous expliquer, est-ce que vous espérez qu'après le 9 juin, la prochaine
07:37commission s'emparera de cette proposition préférence européenne et qu'est-ce que
07:41ça veut dire ?
07:42Oui, pour nous, c'est absolument clé.
07:43Le marché spatial, c'est un marché particulier, ce n'est pas, si vous voulez, des voitures
07:47ou des petits pois.
07:48C'est un marché qui, en réalité, est limité et c'est un marché où la puissance publique
07:52ou l'argent public est partout si vous voulez, dans la durée, avoir notamment des fusées
07:57rentables et des grands projets.
07:58Bon, une fois qu'on a dit ça, qu'est-ce que font les autres puissances ?
08:01Les autres puissances, elles protègent leur marché.
08:04Les Américains, ils lancent leurs projets américains avec des lanceurs américains
08:10sauf quand c'est en coopération, c'est comme ça qu'on a lancé le télescope James
08:13Webb.
08:14Les Russes, les Chinois, à l'évidence, font pareil.
08:16Donc, nous, en Europe…
08:17Mais ça, c'est pour l'institutionnel, vous ne parlez pas du commercial ?
08:19Je parle de l'institutionnel, le commercial, il y a une concurrence, c'est parfaitement
08:23normal, il est parfaitement normal qu'un opérateur puisse à un moment décider entre
08:28une fusée américaine ou une fusée européenne, c'est parfaitement normal.
08:31Mais en revanche, les satellites institutionnels de l'Europe, les Galiléo, les Copernicus,
08:36les grands projets scientifiques, il faut qu'ils soient lancés par des fusées européennes.
08:40On a fait deux fusées pour cela, Ariane et Vega et effectivement, il faut cette préférence
08:45européenne.
08:46Ce qui est un peu compliqué, c'est que l'Europe, ce n'est pas un numéro de téléphone,
08:49c'est plusieurs.
08:50C'est la commission européenne, c'est l'agence spatiale européenne, c'est la
08:53météo européenne, le Metsat et les Etats.
08:55Il faut arriver à créer un cadre juridique qui fédère tous ces acteurs et tous ces
09:00besoins pour que, si nous sommes disponibles, nous puissions lancer ces grands projets.
09:05Et ce qui est surprenant dans ce que vous dites, c'est qu'en creux, on comprend
09:07que ça n'est pas encore…
09:08On a mis beaucoup d'argent public dans les fusées et ça n'est pas encore le cas.
09:13Justement, à propos de l'argent public et de l'argent privé, vous avez entendu
09:17le reportage avec nous.
09:18Donc maintenant, ça date d'il y a quelques mois, c'est une décision récente, on a
09:23une compétition, ça se passe aujourd'hui en France, ça se passera l'an prochain
09:26à l'échelle de l'Europe, pour faire émerger dans votre paysage des mini-fusées
09:33avec des start-up.
09:34On a bien vu ça, mais qu'est-ce que ça change ? Est-ce que c'est une révolution ?
09:38En fait, ce qui se passe en ce moment en Europe, c'est deux choses.
09:41Les Européens ont réaffirmé leur soutien aux fusées développées par l'agence spatiale
09:45européenne, notamment Ariane 6 qui est complétée par Lanceur Vega.
09:48Donc ça, c'est le premier pilier de la stratégie européenne.
09:52Il y a un deuxième pilier qui est de dire qu'il faut faire émerger de nouveaux acteurs
09:56pour avoir un tissu innovant qui va compléter ce premier pilier.
10:01Et donc effectivement, là, ce sont tous ces projets de mini-fusées.
10:04La maison mère d'Ariane Espace, Ariane Group, a une mini-fusée qui s'appelle Myaspace,
10:09elle met de l'argent dans cette mini-fusée.
10:11J'y insiste.
10:12Donc, les acteurs privés comme Ariane Group investissent dans le projet Myaspace et votre
10:16analyse l'a très bien dit, ils sont sur un marché de niche, c'est un marché très
10:20difficile.
10:21Madame Karine Levaux l'a dit, il y aura sans doute des échecs, mais ça peut participer
10:26d'un tissu innovant.
10:28Mais est-ce que ça peut aller jusqu'à des grandes fusées ? En fait, c'est ça
10:32qu'on voit au bout du chemin.
10:33On se dit qu'on va commencer à mettre des start-up et plus d'argent privé dans les
10:37grandes fusées à un certain moment.
10:39Ce qui est certain, c'est qu'Ariane 6 va être la colonne vertébrale de l'accès
10:43à l'espace de l'Europe pour au moins 10 ans, ça ne fait aucun doute.
10:46Maintenant, effectivement, ces petites fusées iront sur un marché de niche et peut-être
10:51évolueront vers des grandes fusées.
10:52C'est d'ailleurs toute la stratégie d'Ariane Group qui a Ariane 6 et qui a avec Maya une
10:57petite fusée qui lui permettra d'être sur la ligne de départ de cette concurrence
11:01que vous évoquez.
11:02Et le moment venu, on a peut-être ici ce que sera Ariane 7 demain.
11:08Mais donc, ça s'appelle marcher sur ses deux jambes avec la fusée Ariane 6 et puis
11:13d'autres projets à côté.
11:14Le paysage de l'espace, là, il est tracé jusqu'à 2030 ?
11:19On est un secteur qui a besoin de visibilité.
11:22C'est comme le nucléaire.
11:23D'ailleurs, le président de la République disait qu'on appartenait aux cinq grands
11:26secteurs stratégiques de l'Europe avec les biotechnologies ou les énergies renouvelables.
11:30Oui, on a besoin de cette visibilité et on a besoin de se projeter en haut et plus loin
11:35avec Ariane 6.
11:36On verra quand Ariane 6 en a tant la date.
11:38Stéphanie Sraël, merci d'avoir accepté l'invitation d'On n'arrête pas l'écho,
11:42le président d'Arianespace.